Article

Tribunal de commerce Bruxelles, 24/04/2014, R.D.C.-T.B.H., 2016/3, p. 268-272

Tribunal de commerce de Bruxelles 24 avril 2014

BANQUE ET CRÉDIT
Opérations bancaires - Généralités - Services d'investissement - Swaps d'intérêt
Les conventions de swaps d'intérêt ont un caractère autonome par rapport aux crédits que les parties au swap peuvent avoir octroyés entre eux, de façon que la durée de leurs engagements sous le swap, ainsi que le montant des couvertures qui y sont prévues, sont sans lien avec les conditions des crédits.
Comme les conventions de swaps sont des contrats aléatoires au sens de l'article 1104, alinéa 2, du Code civil, elles ne peuvent faire l'objet d'une rescision pour lésion.
BANK- EN KREDIETWEZEN
Bankverrichtingen - Algemeen - Beleggingsdiensten - Renteswaps
Renteswapsovereenkomsten vertonen een autonoom karakter ten aanzien van de kredieten die de partijen bij de swap aan elkaar kunnen hebben verleend, zodat de duur van hun verbintenissen onder de swap en het bedrag van de aldaar voorziene dekkingen geen verband vertonen met de voorwaarden van de kredieten.
Vermits swaps kanscontracten uitmaken in de zin van artikel 1104, tweede lid van het Burgerlijk Wetboek, kunnen zij niet het voorwerp uitmaken van een nietigheidsvordering wegens benadeling.

SA Distribois et SA Sogem / SA BNP Paribas Fortis

Siég.: A. De Vriendt (juge), G. Noblesse et B. Van de Putte (juges consulaires)
Pl.: Mes B. Moulinasse, B. Vandervelde loco C. Houssa et Th. Ongenae
Affaire: A/12/08167
1. Objet de l'action

(…)

2. Antécédents de la cause

Les antécédents de la cause peuvent être résumés comme suit:

1. Les demanderesses sont deux PME actives dans le négoce et la transformation du bois.

Au moment des faits, elles étaient toutes deux gérées par monsieur Francis Vandermiege, s'occupant, selon leurs dires, essentiellement de l'aspect commercial de leurs activités, la comptabilité et les matières financières étant confiées à des tiers.

Les demanderesses ont entretenu une relation de longue durée avec la défenderesse, celle-ci finançant leurs activités par le biais de lignes de crédit consenties à durée indéterminée sous forme d'avances (straight loans).

Ces avances servaient à financer le stock de Distribois (grossiste multimarque de produits de menuiserie) et à assurer un fonds de roulement à Sogem, qui, dans son activité de commercialisation d'escaliers en « kit » à des chaînes de distribution, est tributaire des délais de paiement particulièrement longs pratiqués par sa clientèle.

Les avances devaient être remboursées, selon le cas, dans un délai de 180 jours (Distribois) ou de 90 jours (Sogem).

Le taux d'intérêt variable qui y était appliqué était fixé en fonction des conditions du marché du moment, sur la base du taux Euribor.

2. Au mois de février 2008, les demanderesses ont chacune conclu une transaction de « Bermudian Swap Callable » avec la défenderesse.

Ces transactions couvraient le risque de fluctuation du taux Euribor sur une somme invariable (de 1.347.000 EUR pour Sogem et de 646.000 EUR pour Distribois) en prévoyant l'application d'un taux fixe de 3,25% sur une durée de 10 ans prenant cours le 29 février 2008 pour se terminer le 28 février 2018.

Une option de terminaison avant-terme pouvant être exercée sans frais était consentie à la défenderesse.

3. Les confirmations de ces transactions ont été signées le 28 février 2008 par Distribois et le 5 mars 2008 par Sogem.

Au mois de septembre 2008, la défenderesse a fait conclure par les demanderesses la « convention-cadre relative aux opérations sur instruments financiers » établie par la Fédération bancaire de l'Union européenne.

4. Le taux d'intérêt Euribor est resté supérieur à 3,25% jusqu'à l'échéance trimestrielle du 30 novembre 2008.

Les demanderesses donc ont été créancières de la défenderesse à partir de l'entrée en vigueur des conventions de swap jusqu'à cette date.

A partir de l'année 2009, le taux Euribor a chuté en dessous des 3,25%, rendant les demanderesses débitrices de la défenderesse à chaque échéance trimestrielle.

5. Le 5 août 2010, monsieur Vandermiege, agissant tant pour Distribois que pour Sogem, a interrogé la défenderesse quant à la possibilité de réduire soit le montant, soit le taux, soit la durée des conventions de swap.

Par e-mail du 11 août 2010, la défenderesse lui a indiqué que la valeur de sortie des swaps litigieux était, à cette époque, de 140.000 EUR pour Sogem et de 70.000 EUR pour Distribois.

La défenderesse faisait état dans le même courriel de la possibilité de recourir à une restructuration, par le rachat, par Distribois et Sogem (pour un coût global oscillant entre 30.000 EUR et 60.000 EUR) de la faculté de rappel de la banque et la conclusion d'un swap « Investor » (dans lequel la banque paierait, cette fois, un intérêt fixe et les sociétés concernées un taux variable), afin de contrecarrer les effets des swaps litigieux.

Le coût de sortie des swaps et d'une possible restructuration ont été actualisés au mois de juin 2011.

Par lettre du 13 juin 2012 de leur conseil, les demanderesses ont mis la responsabilité de la défenderesse en cause, en sollicitant qu'il soit mis fin aux deux conventions de swap litigieuses et que les sommes versées en exécution de celle-ci depuis le mois d'août 2010 leur soient remboursées.

Les demanderesses attiraient en outre l'attention de la défenderesse sur le fait qu'à défaut d'accord entre les parties sur ces points avant le 29 juin 2012, elles invoqueraient en justice la nullité des deux conventions de swap et postuleraient la restitution de toutes les sommes payées depuis le 20 février 2008.

Aucun accord n'ayant pu être trouvé, les demanderesses ont assigné la défenderesse devant le tribunal de céans.

3. Discussion

(…)

2. Quant à la nullité des conventions de swap pour vices de consentement
C. Quant à l'existence d'une clause léonine

1. Les demanderesses invoquent enfin l'article 1907ter du Code civil et soutiennent que les conventions de swap qu'elles ont conclues sont léonines, dans la mesure où toutes les charges sont supportées par le client alors que la banque en tire tous les avantages.

Elles reprochent à la défenderesse de ne courir aucun risque dans l'opération dès lors qu'en cas de hausse du taux d'intérêt, elle a la faculté de résilier le contrat.

2. Le défenderesse objecte à juste titre que l'article 1907 précité est applicable au contrat de prêt à intérêt et ne vise pas les contrats d'échange de taux tels que les conventions de swap.

Ces dernières étant des contrats aléatoires au sens de l'article 1104, alinéa 2, du Code civil, elles ne peuvent en effet faire l'objet d'une rescision pour lésion.

Le tribunal constate par ailleurs que la faculté de résiliation conférée à la défenderesse dans les contrats litigieux ne pouvait s'exercer qu'au terme d'une année, de sorte que celle-ci a inévitablement supporté le risque d'une hausse des taux d'intérêt pendant cette période.

Le tribunal remarque que ce risque s'est bien concrétisé en l'espèce dès lors que durant la première année des contrats, les demanderesses ont été créancières de la défenderesse, le taux Euribor ayant dépassé le taux fixe prévu dans les swaps.

Le tribunal note enfin qu'il ne peut être fait grief à la défenderesse, de s'être fait promettre, par le biais des swaps, un intérêt excessif dès lors que celui-ci a été contractuellement fixé à 3,25%.

De même, la faculté de résiliation prévue en faveur de la seule défenderesse n'a pas de conséquences iniques pour les demanderesses, puisque si elle était exercée, elle ne ferait supporter par ces dernières que la charge des intérêts stipulés dans les différents crédits qui leur sont consentis. (…)

3. Quant à la méconnaissance par la défenderesse de son devoir d'information

(…)

2. Les demanderesses concluent par ailleurs au non-respect par la défenderesse des règles de conduite résultant de la réglementation MiFID.

Elles exposent à cet égard que la proposition effectuée par la défenderesse de conclure une convention de swap constituait un conseil en investissement et que dans ce cadre, la défenderesse s'est rendue coupable d'infractions aux dispositions suivantes:

- à l'article 27, § 3, de la loi du 2 août 2002 relative à la surveillance du secteur financier et aux services, obligeant la défenderesse à fournir à ses clients une information appropriée et compréhensible concernant les instruments financiers proposés, incluant commentaires et mises en garde sur les risques inhérents à ceux-ci;

- l'article 8 de l'arrêté royal du 3 juin 2007 enjoignant à la défenderesse de s'abstenir en particulier de mettre l'accent sur les avantages potentiels d'un produit sans indiquer correctement et de façon visible, les risques éventuels correspondants;

- à l'article 12 du même arrêté imposant à la défenderesse de fournir à ses clients et clients potentiels une description de la nature et des risques des instruments financiers proposés et pour chaque instrument, une description suffisamment détaillée des caractéristiques et risques qui lui sont propres afin que le client puisse prendre ses décisions d'investissement en connaissance de cause.

Elles reprochent à la défenderesse d'avoir mis en avant le risque de résiliation anticipée de la convention de swap en cas de hausse des taux, au détriment du risque financier - plus important - lié à une baisse de ceux-ci et de lui avoir ainsi fourni une information biaisée et trompeuse.

Elles nient avoir eu connaissance/avoir pu prendre connaissance du « Product Risk Group » publié par la défenderesse sur Internet et considèrent en tout état de cause que les informations qui y sont reprises concernant les swaps sont sommaires.

Elles rappellent ne jamais avoir reçu la convention-cadre ISDA régissant leurs conventions de swap mais avoir signé à la place la convention cadre de la FBE, ayant un contenu différent.

Elles contestent que la défenderesse ait établi leur profil et leur ait notifié leur classification en tant que client de détail préalablement à la conclusion des conventions de swap, comme la loi du 2 août 2002 le lui imposait.

Elles signalent n'avoir rempli les questionnaires MiFID que le 4 avril 2009, soit plus d'un an après la conclusion des swap litigieux.

Elles estiment dès lors que la défenderesse n'a pas recueilli les informations requises par la loi quant à leur expérience et leurs connaissances.

3. La défenderesse objecte tout d'abord qu'en vue de l'entrée en vigueur des dispositions MiFID (le 1er novembre 2007), ses clients - dont les demanderesses - ont reçu sous la forme de deux envois:

- une brochure résumant les implications pratiques de la MiFID et de la catégorisation des clients;

- un questionnaire sur le profil-client à renvoyer complété;

- une lettre de classification confirmant au client sa qualité de « client de détail »;

- ses conditions générales révisées ainsi que les nouvelles conditions générales des services d'investissement entrant en vigueur le 1er novembre 2007;

- un document d'information sur sa politique d'exécution; ainsi que

- un résumé de sa politique en matière de conflit d'intérêts.

Elle dépose à son dossier une copie de ces documents ainsi que la lettre type envoyée à ses clients.

La défenderesse soutient également avoir mis en ligne sur son site une brochure intitulée « Product Risk Book », détaillant les instruments financiers et les risques y étant liés.

Elle estime dès lors avoir satisfait à l'obligation générale d'information pesant sur elle, précisant au passage qu'aux termes de l'article 27, 3°, de la loi du 2 août 2002, les informations requises peuvent être fournies sous forme standardisée.

Le tribunal rappelle qu'« en vertu de l'article 870 du Code judiciaire, chacune des parties a la charge de prouver les faits qu'elle allègue (…);

Que le juge peut, certes, considérer que la preuve d'un fait négatif ne doit pas être apportée avec la même rigueur que celle d'un fait affirmatif, mais il ne peut dispenser de cette preuve la partie demanderesse et imposer à la partie adverse la preuve du fait positif contraire » (cf. Cass., 16 décembre 2004, C.03.0407.N, www.juridat.be).

Dès lors que la demanderesse se prévaut de la méconnaissance par la défenderesse de son devoir général d'information aux termes de la réglementation MiFID, il lui appartient d'en apporter la preuve.

En l'espèce, il s'agit effectivement de la preuve d'un fait négatif qui, si elle doit être appréciée plus souplement que la preuve d'un fait positif, n'entraîne aucun renversement de la charge de la preuve.

Le tribunal observe sur la base des dossiers des parties, que si la défenderesse ne dispose pas de copie des envois spécifiquement adressés aux demanderesses, elle justifie de l'existence de relations contractuelles avec celles-ci depuis l'année 1999, de sorte qu'il est vraisemblable qu'ainsi qu'elle l'affirme, ces dernières aient reçu les documents précités avant l'entrée en vigueur de la réglementation MiFID à l'instar de ses autres clients.

Les demanderesses - qui ne contestent au demeurant pas avoir reçu le questionnaire susvisé - indiquent toutefois que celui-ci n'aurait été rempli qu'au mois d'avril 2009, soit un an après la conclusion des swaps litigieux.

Le tribunal constate que dès lors que la date à laquelle le questionnaire a été complété ne dépendait que des demanderesses, elle n'est pas révélatrice de la période à laquelle ce document leur a été communiqué.

Et à cet égard, les demanderesses ne produisent aucun élément permettant d'infirmer les déclarations de la défenderesse.

Le tribunal relève par ailleurs que la défenderesse est autorisée, en vertu de l'article 12.2.2 de ses conditions générales des services d'investissement et conformément à l'article 5 de l'arrêté royal du 3 juin 2007 portant les règles et modalités visant à transposer la directive concernant les marchés d'instruments financiers, à communiquer des informations à ses clients de détail de manière électronique, pour autant que ceux-ci lui aient communiqué une adresse e-mail ou aient accès à son système d'Internet Banking.

En l'espèce, il résulte du dossier de la défenderesse que les demanderesses communiquaient avec elle via leur adresse e-mail préalablement à la conclusion des contrats de swap, de sorte que celles-ci ne démontrent pas ne pas avoir eu accès aux informations destinées aux clients de la banque.

4. La défenderesse - qui ne conteste pas avoir fourni un conseil en investissement aux demanderesses - estime par ailleurs s'être conformée à l'article 27, § 4, de la loi du 2 août 2002, lui imposant de recueillir auprès de ses clients ou clients potentiels, les informations nécessaires concernant leurs connaissances et leur expérience en matière d'investissement en vue de pouvoir leur recommander les services d'investissement et les instruments financiers adéquats.

Elle explique, sans rencontrer de contredit de la part des demanderesses, avoir entretenu avec elles de longue date une relation d'affaires suivie et avoir été en possession, lors de la conclusion des conventions de swap, de toutes les informations utiles concernant leur situation, leur capacité financière, leurs besoins en crédits et leurs objectifs ainsi que leurs connaissances et leur expérience en matière d'investissement.

Les affirmations de la défenderesse sont au demeurant corroborées par les demanderesses qui reconnaissent en termes de conclusions avoir « développé depuis de nombreuses années une relation bancaire suivie avec la défenderesse, ce qui a créé progressivement une confiance importante dans la banque ».

Les demanderesses, sur lesquelles repose la charge de la preuve, n'établissent pas en quoi l'information dont disposait la défenderesse aurait été insuffisante pour lui permettre d'apprécier l'adéquation du produit proposé par rapport à leur expérience et à leurs connaissances.

Le tribunal constate à cet égard, au vu du questionnaire complété par les demanderesses, que celles-ci ont déclaré être familières avec les risques liés à 4 sortes de produits complexes sur les 5 que comptait la liste qui leur était soumise.

Certes, les réponses à ce questionnaire datent d'après la conclusion des conventions de swap litigieuses.

Le tribunal relève toutefois que l'expérience annoncée par les demanderesses en matière de produits complexes dépasse à l'évidence ce type de produits et ne trouve manifestement pas sa seule source dans l'acquisition qu'elles en ont faite.

Il n'est dès lors pas établi qu'à la souscription des swaps, les demanderesses étaient, ainsi qu'elles l'allèguent, des clients profanes n'ayant aucune connaissance en matière de « produits exotiques ».

5. Les demanderesses reprochent à la défenderesse de lui avoir fourni une information biaisée et trompeuse concernant les conventions de swap.

A cet égard, le tribunal renvoie à ses développements ci-dessus concernant le dol et l'erreur dont les demanderesses se prévalent.

Il n'apparaît pas, au vu des éléments relevés par le tribunal, que les demanderesses aient été mal informées quant aux risques liés à une baisse des taux d'intérêts, ces risques résultant de la nature même du produit (application d'un taux fixe en échange d'un taux variable) et des données figurant dans la présentation du 18 février 2008.

Il ressort par contre de l'e-mail adressé le 5 août 2010 à la défenderesse par monsieur Vandermiege que ce dernier avait bien compris la philosophie du produit puisqu'il admettait être lié pour une durée de 10 ans, pour un taux et un montant notionnel déterminés et sollicitait de la banque qu'elle cherche une solution - qu'il ne trouvait manifestement pas dans les conventions - afin que l'un de ces paramètres soit modifié.

Les demanderesses n'ont, de surcroît, pu se méprendre quant à la notion de montant notionnel reprise dans ces documents dès lors qu'il leur a été clairement expliqué, concernant la couverture sollicitée par Distribois, que les intérêts seraient calculés à chaque échéance sur la base des 646.000 EUR couverts (cf. e-mail du 28 février 2008 de la défenderesse).

Les demanderesses reconnaissent enfin le caractère autonome des conventions de swap de sorte qu'elles étaient pleinement informées de ce que la durée de leur engagement ainsi que le montant des couvertures qui y étaient prévues, étaient sans lien avec les conditions des crédits dont elles bénéficiaient.

6. Les demanderesses dénoncent vainement le caractère inapproprié du swap par rapport à leurs objectifs.

Le tribunal rappelle à cet égard que les demanderesses reconnaissent avoir eu pour but de stabiliser les taux d'intérêt applicables à leurs différentes lignes de crédit.

Cet objectif a incontestablement été atteint dès lors que depuis le mois de février 2008, les demanderesses ont bénéficié d'un taux d'intérêt fixe de 3,25% qui - s'il apparaît comme élevé par rapport aux taux historiquement bas connus depuis 2009 - était intéressant au début de l'année 2008, compte tenu de l'évolution du taux Euribor à cette époque.

Les demanderesses restent à cet égard en défaut de rapporter la preuve de ce qu'à la conclusion des conventions de swaps litigieuses, la défenderesse aurait dû/pu prévoir l'effondrement du taux Euribor tel qu'il est survenu.

7. Les demanderesses font enfin grief à la défenderesse de lui avoir fait signer tardivement la convention-cadre FBE alors que les relations contractuelles des parties étaient censées être régies par la convention-cadre ISDA à laquelle il est fait expressément référence dans les confirmations des swaps.

Le tribunal observe que les parties ont, par la signature de la convention-cadre FBE, expressément accepté qu'elle se substitue à la convention-cadre ISDA dont la conclusion était prévue à l'origine.

La circonstance que cette dernière convention n'ait in fine pas été conclue est dès lors sans incidence en l'espèce.

Le tribunal remarque par contre que l'article 10 de l'arrêté royal du 3 juillet 2007 impose aux entreprises réglementées de communiquer les conditions contractuelles à leurs clients avant la conclusion de la conventions de prestation de service d'investissement ou avant la prestation de service si celle-ci précède la conclusion du contrat.

Certes, cette règle connaît une exception dont la défenderesse semble se prévaloir à juste titre.

Dans cette hypothèse, les conditions contractuelles doivent toutefois être fournies au client « immédiatement après » la conclusion de la transaction ou la fourniture du service, ce qui n'a manifestement pas été le cas en l'espèce.

Il s'en déduit que les griefs tirés par les demanderesses de la tardiveté de la communication de la convention-cadre sont fondés.

Le tribunal remarque toutefois, à l'instar de la défenderesse, que les règles invoquées par les demanderesses ne sont pas sanctionnées de nullité par la loi de sorte que leur méconnaissance ne peut donner lieu qu'au paiement de dommages et intérêts.

A cet égard, le tribunal s'interroge sur le dommage que les demanderesses pourraient avoir subi dès lors que les conditions (durée déterminée de 10 ans, montant notionnel fixe, taux d'intérêt invariable, faculté de résiliation unilatérale en faveur de la seule défenderesse, …) sur lesquelles elles fondent leur contestation leur ont été communiquées dans les confirmations de swap et leur étaient donc bien connues lors de la conclusion de ces conventions.

Certes les conditions de « résiliation » du contrat - en dehors de la faculté conférée à la défenderesse - ne sont décrites que dans la convention-cadre. Le tribunal observe toutefois que cette convention ne prévoit pas l'hypothèse d'une résiliation unilatérale de la convention à l'initiative des demanderesses. La rupture avant terme des relations contractuelles des parties n'y est en effet envisagée que sous l'angle d'un défaut d'exécution ou de la survenance de circonstances nouvelles définies.

La convention-cadre FEB n'a donc en rien modifié la durée déterminée et irrévocable des engagements pris par les demanderesses, telle que stipulée dans les confirmations des swaps.

Sur la base des éléments qui précèdent, le tribunal estime que les demanderesses n'établissent pas le bien-fondé de leurs prétentions à l'encontre de la défenderesse.

(…)

Par ces motifs,

Le tribunal

Statuant contradictoirement,

Déclare la demande recevable mais non fondée,

Condamne les demanderesses aux dépens, (…)