INSTITUTIONS ET INTERMÉDIAIRES FINANCIERS
Gestion de fortune et conseiller en placements - « Swap » de taux d'intérêts (IRS) - MiFID - Conseil en investissement - Erreur - « Suitability test » - Sanction - Nullité
Le client qui a pris l'initiative de demander à sa banque un swap d'intérêts (IRS), qui en a décrit, par e-mail, le fonctionnement et qui en a payé sans réserve la première échéance, ne peut soutenir qu'il a été la victime d'une erreur sur la substance, au sens de l'article 1110 du Code civil.
Si la banque a fourni un conseil en investissement relativement à un IRS sans procéder, au « suitability test » imposé par l'article 27, § 4, de la loi du 2 août 2002 (transposant la directive MiFID en droit belge), la sanction est la nullité du contrat IRS, sans qu'il y ait lieu de s'interroger sur l'adéquation de cet instrument financier au profil du client.
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FINANCIËLE INSTELLINGEN EN TUSSENPERSONEN
Vermogensbeheer en beleggingsadviseurs - “Intrest rate swap” (IRS) - MiFID - Beleggingsadvies - Dwaling - “Suitability test” - Sanctie - Nietigheid
De klant die het initiatief genomen heeft een intrest rate swapcontract (IRS) aan zijn bank te vragen, die de werking ervan, in een e-mail, beschreven heeft en die bij de eerste vervaldag ervan betaalde zonder voorbehoud, kan niet beweren dat hij het slachtoffer was van een substantiële dwaling (nl. omtrent de zelfstandigheid van de zaak), in de zin van artikel 1110 van het Burgerlijk Wetboek.
Als de bank een beleggingsadvies over een IRS heeft verstrekt zonder de “suitability test” uit te voeren die door artikel 27, § 4 van de wet van 2 augustus 2002 (die MiFID in de Belgische wetgeving omzet) is opgelegd, is de sanctie ervan de nietigheid van de overeenkomst van het IRS-contract, zonder dat de geschiktheid van dat financieel instrument met het profiel van de klant moet worden onderzocht.
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1.Le jugement annoté a été frappé d'appel.
Il a été rendu en 2012, soit avant la loi du 30 juillet 2013 [1] dite « Twin Peaks II » et l'arrêt de la Cour de Cassation du 30 janvier 2015, qui seront évoqués dans cette note aux points 11. et 12.
2.Les faits de la cause peuvent être résumés comme suit.
En 2007, une société anonyme, exploitant une maison de repos, projetait d'acheter un immeuble pour agrandir celle-ci. Pour financer cette opération immobilière, elle avait besoin de crédits de longue durée. Pour couvrir les variations de taux d'intérêts d'un crédit à taux variable qu'elle projetait de souscrire, elle a demandé, en 2008, à la banque C un contrat de swap d'intérêts ou « IRS » [2], [3].
Elle a conclu ce contrat IRS avec la banque et, 2 semaines plus tard, elle a conclu, avec la même banque, le contrat de crédit à taux d'intérêt variable concerné.
En l'espèce donc, le contrat IRS devait permettre à la cliente de recevoir de sa banque un taux d'intérêt variable, correspondant grosso modo à l'intérêt qu'elle devrait payer sur son futur crédit. En contrepartie, elle devrait payer à la banque un taux d'intérêt fixe.
L'entrée en vigueur du contrat IRS était reportée à 2010, de même que la première échéance du crédit à taux variable.
En 2010, toutefois, la cliente a informé la banque que l'achat immobilier prévu n'avait finalement pas eu lieu, et qu'elle renonçait en conséquence au crédit à taux variable. En ce qui concerne le contrat IRS, la cliente a envoyé un e-mail à la banque, laissant entendre qu'elle pourrait éventuellement s'en servir pour couvrir une autre opération financière, auprès d'un autre établissement financier. La banque en a déduit que la cliente souhaitait conserver ce contrat IRS et a pris acte de la volonté de sa cliente dans un e-mail à cette dernière.
A la suite de la forte baisse des taux d'intérêts provoquée par la crise financière fin 2008 le contrat IRS est devenu défavorable à la cliente, celle-ci devant verser un taux d'intérêt fixe à la banque et ne recevant de celle-ci qu'un taux d'intérêt, variable, devenu dérisoire.
La cliente a payé la première échéance de son contrat IRS, puis a contesté la validité de ce contrat.
3.Devant le tribunal de commerce de Bruxelles, la cliente postulait l'annulation de son contrat IRS sur base de l'article 1110 du Code civil, c'est-à-dire pour erreur substantielle. Elle affirmait n'avoir pas été informée des « éléments déterminants » du contrat.
Le tribunal a écarté cette affirmation, un e-mail de la cliente démontrant sa compréhension du fonctionnement du contrat IRS. Le tribunal a aussi déduit du fait que la cliente avait payé sa première échéance sans réserve, qu'elle connaissait la nature et la portée de son engagement contractuel.
4.La cliente invoquait ensuite les dispositions découlant de la directive européenne MiFID [4], destinée à protéger les investisseurs. Cette directive a été transposée en droit belge par l'arrêté royal du 27 avril 2007 [5], modifiant notamment la loi du 2 août 2002 [6] relative à la surveillance de secteur financier et aux services financiers.
La cliente estimait que le contrat lui avait été vendu dans le cadre d'un conseil en investissement (« suitability ») et qu'en conséquence, la banque aurait dû, conformément à l'article 27, § 4, de la loi du 2 août 2002, lui faire procéder à un « suitability test » pour vérifier que le contrat IRS était adapté à la situation financière et aux besoins du client, ainsi qu'à sa connaissance et son expérience.
L'article 27, § 4, de la loi du 2 août 2002 est ainsi libellé: « Lorsqu'elle fournit du conseil en investissement ou des services de gestion de portefeuille, l'entreprise réglementée se procure auprès du client ou du client potentiel les informations nécessaires concernant ses connaissances et son expérience en matière d'investissement en rapport avec le type spécifique de produit ou de service, sa situation financière et ses objectifs d'investissement, de manière à pouvoir lui recommander les services d'investissement et les instruments financiers adéquats ou de lui fournir les services de gestion de portefeuille adéquats.
Dans les cas où une entreprise réglementée fournissant un service d'investissement relevant du conseil en investissement ou de la gestion de portefeuille n'obtient pas l'information requise en vertu de l'alinéa 1er, elle s'abstient de recommander au client ou client potentiel concerné des services d'investissement ou des instruments financiers et de lui fournir des services de gestion de portefeuille. »
La banque contestait avoir donné un conseil quelconque à la cliente, et soutenait avoir simplement exécuté ses ordres.
Se prévalant de l'article 27, § 4, c'est à la cliente qu'il incombait d'établir qu'elle avait reçu une recommandation personnalisée de la banque concernant le contrat IRS.
Il n'était pas contesté que la cliente avait pris l'initiative de contacter la banque, et qu'elle avait déjà conclu, antérieurement, un autre contrat IRS, avec une autre banque.
En l'absence d'écrit ou de témoignages, le tribunal a souligné l'existence de « négociations » et que les conditions du contrat IRS étaient « fixées en fonction des données du contrat de crédit et donc fondées sur la situation propre de la cliente et présentées à elle comme adaptées au but qu'elle recherchait (fixer les taux) ».
De ces 2 constatations, le tribunal a déduit que le contrat IRS avait été proposé à la cliente dans le cadre d'un service de conseil en investissement, et qu'en conséquence l'article 27, § 4, de la loi du 2 août 2002, était applicable.
5.Cette déduction appelle réflexion. Le « conseil en investissement » au sens de l'article 27, § 4, est défini, comme le rappelle le tribunal, comme étant une « recommandation personnalisée » [7]. Cette notion comporte donc 2 éléments: une recommandation, d'une part, et sa personnalisation, d'autre part. Des constatations du tribunal, il ressort clairement que la proposition faite par la banque était indubitablement personnalisée - puisqu'adaptée au crédit que la cliente entendait couvrir grâce à ce contrat IRS -, mais non qu'elle était pour autant recommandée à la cliente.
La Cour de justice de l'Union européenne semble donner une interprétation extensive à la notion de « recommandation »: « Le fait de proposer un contrat d'échange (de taux d'intérêts) à un client afin de couvrir le risque de variation du taux d'intérêt d'un produit financier que ce client a souscrit constitue un service de conseil en investissement, (…) » [8].
Dans le cas d'espèce, toutefois, la cliente avait elle-même pris l'initiative de demander le contrat IRS à la banque, et connaissait cet instrument financier pour en avoir déjà conclu un avec un autre établissement financier. Ces 2 circonstances laissent à tout le moins planer un doute sur le fait que la banque aurait recommandé celui-ci à la cliente, même dans l'acception large que lui donne la C.J.U.E.
6.En tout état de cause, la démarche intellectuelle du tribunal illustre à tout le moins la difficulté de retracer le contenu des entretiens entre une banque et son client en matière d'investissements, afin de déterminer si un conseil en investissement a ou non été donné. Le législateur européen a décidé de remédier à cette difficulté en prévoyant, dans la directive « MiFID 2 » [9], non encore transposée en droit belge, l'obligation pour les établissements financiers, d'enregistrer les conversations téléphoniques et les communications électroniques destinées à donner lieu à des transactions sur instruments financiers, et à conserver ces enregistrements au moins 5 ans [10].
7.Estimant établi que la banque avait donné un conseil en investissement à sa cliente, le tribunal de commerce de Bruxelles en a examiné les conséquences. La banque n'ayant pas procédé à un « suitability test » afin de vérifier l'adéquation du contrat IRS à la situation financière et aux objectifs de la cliente (ainsi qu'à ses connaissances et expérience en matière financière), le tribunal a constaté que la banque n'avait pas respecté l'article 27, § 4, précité.
Le tribunal a dès lors été amené à sanctionner ce manquement.
Le tribunal de commerce a considéré que la banque aurait dès lors dû s'abstenir de conclure le contrat conclu à la suite de ce conseil en investissement, et estimé que la réparation la plus adéquate était l'annulation du contrat IRS. Le tribunal a estimé ne pas avoir à examiner si, en l'espèce, le contrat IRS était ou non approprié à la cliente, ni si l'annulation du contrat IRS réparait le préjudice subi par la cliente.
Cette annulation a pour conséquence de replacer les parties dans la position qui aurait été la leur si elles n'avaient pas contracté. Concrètement, l'annulation du contrat IRS permet à la cliente de cesser de payer les dettes générées par l'IRS dans son chef et de récupérer les paiements effectués. Ainsi, la charge financière résultant de la chute des taux d'intérêts depuis 2008 est attribuée à la banque.
8.L'application de la nullité « automatique » - c'est-à-dire sans examiner si le contrat conclu était ou non approprié à la cliente - en cas de manquement à l'article 27, § 4 [11], prête à discussion.
Le tribunal a appliqué la nullité dans ce cas, en s'appuyant sur un avis de M.-D. Weinberger [12], [13] émis dans le cadre de la gestion de patrimoine. Celui-ci se base, d'une part, sur la constatation que cette législation est destinée à la protection des investisseurs, et, d'autre part, sur la règle, communément admise, qu'en droit privé, les nullités « ne sont pas nécessairement textuelles ».
Ce raisonnement ne semble toutefois pas pouvoir résister à un examen plus approfondi.
9.L'article 27, § 4, ne prévoit pas de sanction spécifique. Son alinéa 2 prévoit que si la banque « n'obtient pas l'information requise » concernant la situation financière, aux objectifs à la connaissance et l'expérience du client, « elle s'abstient de (lui) recommander des services d'investissement ou des instruments financiers ».
On remarquera que l'article 27, § 4, n'interdit pas à la banque de conclure le contrat [14], mais seulement de le recommander, c'est-à-dire de le proposer, selon la jurisprudence précitée de la C.J.U.E. L'article 27, § 4, ne semble pas interdire aux parties de conclure l'opération si le client en donne l'ordre à la banque, par exemple après que la banque ait explicitement attiré l'attention du client sur le fait que le produit financier ne correspondait pas, selon elle, au profil d'investissement du client.
10.En 2012, H. Jacquemin [15] et M. Kruithof [16] ont chacun étudié en profondeur les sanctions à apporter aux manquements à des normes de comportement telles que l'article 27, § 4.
Le manquement à cette norme de comportement constitue en tout cas une faute délictuelle [17].
Comme l'écrit H. Jacquemin, « la nullité peut être prononcée alors même qu'aucune disposition légale ne le prévoit expressément ». H. Jacquemin souligne toutefois que le juge doit au préalable vérifier qu'il a bien résulté, du manquement allégué, un dommage pour la partie qui la demande, de sorte que ce dommage sera réparé par l'annulation de l'opération contestée. La nullité ne peut être prononcée que si elle correspond aux objectifs poursuivis par la règle violée: « La partie faible ne peut se borner à invoquer la violation d'une disposition légale pour obtenir l'annulation du contrat: elle doit également démontrer l'atteinte portée à ses intérêts. En exigeant du juge qu'il vérifie, in concreto, si les objectifs poursuivis ont été atteints, on prévient également les risques d'instrumentalisation de la sanction: le contrat ne pourra être annulé si la partie faible se plaint de l'absence d'une formalité mineure, dans le seul but de rompre abusivement le lien contractuel. »
M. Kruithof abonde dans ce sens: « Een bewezen inbreuk op de informatievergaringsplicht geeft echter enkel aanleiding tot aansprakelijkheid, nietigheid of niet-toerekening van erop volgende rechtshandelingen indien de concrete inbreuk in causaal verband staat met de erop volgende schade (…) » [18].
L'annulation de l'opération financière passée à la suite d'un manquement à l'art. 27 § 4 requiert donc qu'il soit établi que ce manquement a causé un dommage déterminé à l'investisseur et que l'annulation permette de réparer ce dommage. Elle ne doit pas permettre à celui qui l'invoque d'en tirer profit [19].
11.Cette discussion semble toutefois avoir été réglée par la loi du 30 juillet 2013 dite « twin peaks II » [20], [21]. Celle-ci a en effet précisément établi une présomption de lien causal entre le manquement à une norme de comportement prévue par MiFID, telle que l'article 27, § 4, et le dommage subi par l'investisseur [22]. Depuis l'entrée en vigueur de cette loi, ce lien causal est présumé. Il suffit donc à l'investisseur lésé d'établir que sa banque lui a adressé une recommandation personnalisée sur un instrument financier auquel il a ensuite souscrit, sans procéder au « suitability test », pour qu'il soit présumé que le dommage financier subi par l'investisseur est en lien causal avec cette faute de la banque. La banque conserve toutefois la faculté de faire la preuve de l'absence de tel lien [23].
Cette modification législative semble démontrer qu'auparavant, l'investisseur victime d'un manquement de sa banque à une norme de comportement prévue par la directive MiFID, devait établir, outre ce manquement, non seulement son dommage mais également le lien de cause à effet entre l'un et l'autre. Les travaux préparatoires de cette loi de 2013 n'ont envisagé la nullité en tant que sanction d'un manquement aux normes de comportement de MiFID qu'en cas de vice de consentement: « En vertu du droit commun des contrats, un investisseur peut introduire une action en annulation d'une convention au cas où son consentement a été entaché d'un vice (erreur, dol ou violence). L'investisseur devra pour ce faire notamment prouver que, si son consentement n'avait pas été ainsi vicié, il n'aurait pas conclu la convention concernée. En ce qui concerne plus spécifiquement l'erreur, l'investisseur devra également prouver le caractère excusable de celle-ci, et le fait que le caractère déterminant de l'erreur était connu ou censé être connu de la contrepartie [24] ».
Le législateur a ensuite envisagé la sanction des normes de comportement prescrites par MiFID sur base du droit commun de la responsabilité: « (…) le droit commun de la responsabilité permet en effet à un investisseur ayant ainsi subi un dommage (perte de l'investissement initial ou rendement insuffisant) dans le cadre de l'offre ou de la fourniture d'un service ou d'un produit financier d'obtenir réparation de celui-ci au cas où ce dommage est dû à une faute du prestataire de services financiers concerné. Peut être considérée comme une faute toute violation d'une disposition légale donnée, ainsi que, plus généralement, toute violation du principe général de prudence. Cette faute, à condition qu'il soit établi qu'elle est en lien causal avec le dommage subi, donnera lieu à une obligation de réparation dans le chef de la personne fautive à l'égard de la personne préjudiciée. » [25].
C'est précisément pour faciliter la preuve par l'investisseur de ce lien causal que le législateur l'a présumé: « L'investis-seur ayant subi un dommage dans le cadre de l'offre ou de la fourniture d'un service ou d'un produit financier ou dont le consentement a été vicié, et parvenant à établir l'existence d'une faute dans le chef du cocontractant, éprouvera fréquemment de grandes difficultés à démontrer l'existence d'un lien causal entre la faute et l'acte d'investissement concerné. La présente disposition vise à améliorer la position juridique de l'investisseur se trouvant dans un tel cas, en introduisant une présomption de lien causal entre la faute commise (violation d'une règle de conduite applicable au cas de figure concerné) et l'acte d'investissement effectué, (…). » [26].
Cette présomption étant simple [27], la banque peut encore la renverser, en établissant que le produit financier était réellement adapté à la situation financière du client, à ses besoins et ses connaissance et expérience.
Le législateur s'est donc préoccupé, en 2013, de la manière dont les manquements aux normes de comportement introduites par la directive MiFID devaient être sanctionnés, et n'a pas considéré qu'ils devaient donner lieu à l'application « automatique » de l'annulation de l'investissement concerné, sans examiner si le dommage subi par l'investisseur était bien la conséquence du manquement constaté.
Par contre, il a explicitement prévu cette sanction dans d'autres cas de manquement à certaines dispositions légales, mais il s'agit alors de manquements à l'obligation d'agrément, concernant la diffusion de prospectus, etc., étrangers au cas d'espèce [28].
12.La Cour de Cassation a rendu, le 30 janvier 2015 [29], un arrêt allant dans le même sens.
Le demandeur tentait d'obtenir l'annulation d'un contrat IRS au motif que, lors de sa conclusion, il n'avait pas été identifié de la manière prescrite par la législation sur la prévention du blanchiment d'argent. Compte tenu du caractère d'ordre public de cette dernière législation, il demandait l'annulation du contrat IRS sur base des articles 6 et 1108 du code civil.
La Cour de Cassation a rejeté son pourvoi, précisant que « Sauf dispositions légales contraires, l'infraction à une règle d'ordre public commise lors de la naissance de la convention n'entraîne, en principe, la nullité de la convention que lorsqu'il résulte de cette infraction que l'objet de la convention est illicite », ce qui n'était pas le cas en l'espèce.
Ce raisonnement est clairement transposable au cas où le contrat IRS a été conclu en méconnaissance de l'article 27, §4 précité. La réglementation MiFID n'est d'ailleurs pas d'ordre public, mais impérative [30].
13.En fin de compte, tant le législateur que la Cour de Cassation ont, implicitement mais certainement, exclu l'application « automatique » de la sanction de la nullité à un investissement effectué à la suite d'un manquement à une norme de conduite prévue par la réglementation MiFID. En tout état de cause, cette sanction peut s'avérer particulièrement inappropriée en matière d'instruments financiers, protégeant l'investisseur insuffisamment lorsque les marchés financiers ont évolué positivement, et excessivement lorsqu'ils ont progressé…
Juriste d'entreprise
[1] | Loi du 30 juillet 2013 visant à renforcer la protection des utilisateurs de produits et services financiers ainsi que les compétences de l'Autorité des services et marchés financiers, et portant des dispositions diverses (M.B. 30 août 2013, p. 60090). |
[2] | Un contrat IRS, ou « Intrest Rate Swap » est un contrat par lequel 2 parties conviennent de s'échanger 2 taux d'intérêts, par exemple un taux d'intérêt fixe et un taux d'intérêt variable, appliqué sur un montant de référence (montant « notionnel »). « Par ces contrats, les parties s'engagent réciproquement à verser à l'autre partie la différence entre les montants résultant de l'application des taux d'intérêt convenus dans différentes hypothèses. En vertu desdits contrats, si le taux d'intérêt Euribor mensuel est inférieur au taux fixe ainsi convenu, le client doit payer la différence qui en résulte à la banque et si, au contraire, le taux d'intérêt Euribor dépasse le taux fixe convenu, la banque doit payer la différence au client. » (C.J.U.E., 30 mai 2013, n° C-604/11, disponible sur curia.europa). Il s'agit d'une catégorie d'instrument financier dérivé. Sur les IRS et leur commercialisation, voy. C. Alter et L. Van Muylen, « Contrats de couverture et swaps de taux d'intérêts (IRS): les vestiges de pratiques bancaires révolues? », in X., Liber Amicorum F. Glansdorff et P. Legros, Bruxelles, Bruylant, 2014, pp. 47 et s. Sur les instruments financiers dérivés en général, voy. not. B. Colman, A. Pieron et Y. Brosens, Les instruments financiers dérivés, Etudes pratiques de droit fiscal, Ced-Samsom, 1998, pp. 84 et s.; X., Produits dérivés/Afgeleide producten, Cahiers AEDBF/EVBFR-BELGIUM, Bruxelles, Bruylant, 1999. |
[3] | Les contrats d'IRS ont donné lieu à contentieux: voy. J. Sad, « Les swaps de taux d'intérêts: cinq ans de jurisprudence », Forum Financier/Dr. Banc. Fin., 2015/VI, p. 375; Comm. Bruxelles (12e ch.), 9 février 2011, J.T., 2011/20, p. 400; Comm. Bruxelles, 13 mai 2013, J.T., 2013, p. 482; Brussel 30 september 2013, et note A. Hamann, « L'obligation d'information dans MiFID: un devoir du banquier vis-à-vis de son client… et vice-versa », T.B.H./R.D.C., 2015/2, p. 213; Comm. Bruxelles (9e ch.), 8 avril 2014, Forum Financier/Droit bancaire et financier 2014/V, p. 283, et note J. Sad, « Swap de taux d'intérêts et l'approuvé implicite »; Comm. Bruxelles (8e ch.), 18 novembre 2014,, et note J. Sad, « Swap de taux d'intérêts et prescription contractuelle », Forum Financier/Droit bancaire et Financier, 2014/V, p. 290; Comm. Bruxelles, 26 avril 2013, R.D.C./T.B.H., 2015/2, p. 224 et note O. Stevens. |
[4] | « Markets in Financial Instruments Directive »: directive 2004/39/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004. |
[5] | M.B., 31 mai 2007, p. 29.283. |
[6] | M.B., 4 septembre 2002, p. 39.121; pour une version coordonnée officieuse de cette loi, voy. le site de la FSMA: www.fsma.be/fr/Supervision/MiFID/wetteksten/wetgeving.aspx. |
[7] | Sur la notion de « recommandation personnalisée », voy. M.-D. Weinberger, « Questions choisies de responsabilité du banquier prestataire de services d'investissement », in Actualités du droit bancaire, Bruylant, 2009, p. 36; C. Alter et L. Van Muylen, o.c., p. 60, n° 15. |
[8] | C.J.U.E., 30 mai 2013, n° C-604/11, disponible sur curia.europa. |
[9] | Directive n° 2014/65/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 concernant les marchés d'instruments financiers et modifiant la directive n° 2002/92/CE et la directive n° 2011/61/UE, J.O.U.E., 12 juin 2014, L. 173/349; eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32014L0065&from=FR. Cette directive doit être transposée pour le 3 janvier 2017, mais un report de cette date est envisagé par la Commission européenne (Bloomberg, 2015-11-10 10:36:37.230 GMT). |
[10] | Art. 16, « Exigences organisationnelles », 6. et 7. |
[11] | Sans donc que les critères d'un vice de consentement, tel que l'erreur au sens de l'art. 1110 du Code civil, soient remplis. |
[12] | M.-D. Weinberger, Gestion de portefeuille et conseil en placement. Aspects contractuels et de responsabilité avant et après MiFID, Kluwer, 2008, p. 193, n° 279. |
[13] | Le tribunal cite également l'article de F. de Patoul « MiFID dans la pratique. Quelques réflexions au départ des décisions du Service de Médiation Banques-Crédit-Placements », Forum Financier/Dr. banc. fin., 2010/V, pp. 317 et 318. L'auteur souligne toutefois (p. 306) que le Service de Médiation, dont il est membre, ne se prononce pas uniquement en droit, mais également en équité. Même en équité, il semble difficile de considérer que celle-ci commande, en cas de manquement par la banque à une norme de comportement, d'annuler une opération financière conclue postérieurement à ce manquement, sans se demander si ce manquement a ou non causé un dommage au client et si l'annulation de l'opération financière ne fera que réparer ce dommage. |
[14] | C. Alter et L. Van Muylen écrivent que la banque a alors « l'obligation de s'abstenir d'agir », « agir » devant, vu la jurisprudence précitée de la C.J.U.E., être lu comme « proposer »: o.c., p. 61, n° 16. |
[15] | H. Jacquemin, « Focus sur certains mécanismes de protection du consommateur de produits et services financiers en matière contractuelle », in X., Bescherming van de consument in het financieel recht/La protection du consommateur en droit financier, Cahiers AEDBF/EVBFR- BELGIUM, Intersentia-Anthémis, 2012, pp. 123 et s. |
[16] | M. Kruithof, « Privaatrechtelijke remedies tegen inbreuken op reglementaire gedragsregels inzake beleggingsdienten: zorgplicht, know your customer en best execution », in X., Bescherming van de consument in het financieel recht/La protection du consommateur en droit financier, Cahiers AEDBF/EVBFR-BELGIUM, Intersentia-Anthémis, 2012, pp. 155 et s. |
[17] | H. Jacquemin, o.c., p. 147 n° 25; « onrechtmatig »: M. Kruithof, o.c., p. 177, n° 24. |
[18] | M. Kruithof, o.c., p. 175, n° 22. Compte tenu de la loi du 30 juillet 2013, évoquée au point 11, cet avis, exprimé en 2012, doit être à présent nuancé en ce qui concerne la charge de la preuve du lien causal. |
[19] | Par exemple en échappant à une perte due à l'évolution des marchés financiers, et non au manquement incriminé. |
[20] | Loi du 30 juillet 2013 visant à renforcer la protection des utilisateurs de produits et services financiers ainsi que les compétences de l'Autorité des services et marchés financiers, et portant des dispositions diverses (M.B., 30 août 2013, p. 60.090). |
[21] | Pour un commentaire de cette loi, voy. H. Lannoy, « Naar een veralgemeend zorgplichtmodel », in X., De levencyclus van bank-, beleggings-, en verzekeringsproducten/Le cycle de vie des produits bancaires, d'investissement et d'assurance, Bruxelles, Larcier, 2014, p. 119. |
[22] | Art. 30ter, § 1er, de la loi du 2 août 2002, introduit par l'art. 64 de la loi du 30 juillet 2013. |
[23] | Pour un commentaire des changements apportés par cette loi en matière de sanctions, voy. X. Dieux, « Twin Peaks II - Sanctions civiles », in X., De levencyclus van bank-, beleggings-, en verzekeringsproducten/Le cycle de vie des produits bancaires, d'investissement et d'assurance, Larcier, 2014, p. 189. |
[24] | Chambre, Doc. n° 53-2872/001, p. 57. |
[25] | Chambre, Doc. n° 53-2872/001, p. 58. |
[26] | Chambre, Doc. n° 53-2872/001, p. 58. |
[27] | Chambre, Doc. n° 53-2872/001, p. 58; art. 30ter, § 1er, de la loi du 2 août 2002, introduit par l'art. 64 de la loi du 30 juillet 2013. |
[28] | Art. 65 à 67 de la loi du 30 juillet 2013. |
[29] | Cass., 30 janvier 2015, C.14.0285, disponible sur www.juridat.be; Forum Financier/Dr. Banc. Fin 2015/IV, p. 260, et note critique de L. Cornelis: « Onbekend is onbemind (het weinig benijdenswaardige lot van het gebiedende en verbiedende recht) ». L. Cornelis rappelle notamment que les vices de consentement de droit commun demeurent des causes de nullité des conventions. |
[30] | La réglementation MiFID n'est d'ailleurs pas d'ordre public, mais impérative: J. Sad, « Les swaps de taux d'intérêts: cinq ans de jurisprudence », Forum Financier/Dr. Banc. Fin., 2015/VI, p. 390, et les références citées. |