Tribunal de commerce de Bruxelles 16 septembre 2015
CONTINUITÉ DES ENTREPRISES
Procédure - Réorganisation judiciaire par accord collectif - Créancier sursitaire extraordinaire - Etendue
Au jour de l'ouverture de la procédure de réorganisation judiciaire, la créance du bailleur ne répondait plus à la définition de la créance sursitaire extraordinaire; elle n'était dès lors plus garantie par un privilège spécial, le bail ayant pris fin et les lieux ayant été libérés.
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CONTINUÏTEIT VAN DE ONDERNEMING
Procedure - Gerechtelijke reorganisatie door collectief akkoord - Buitengewone schuldeiser in de opschorting - Omvang
Omdat op het moment van opening van de gerechtelijke reorganisatieprocedure in hoofde van een ex-huurder, de huurovereenkomst ontbonden is en het verhuurde handelspand volledig leeg staat, kan de voormalige verhuurder niet het statuut van buitengewone schuldeiser in de opschorting verkrijgen.
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SA Société Hôtelière Du Wiltcher's / SA Mmmmh!
Siég.: Z. Pletinckx (juge, président de la chambre), B. Van de Putte (juge consulaire) et J.-C. Waver (juge consulaire suppléant) |
Pl.: Mes C. Galand et J.-P. Renard |
Affaire: 20150035 |
Vu la citation en contestation de finalité de créancier du 31 août 2015;
Vu les conclusions de la défenderesse et les pièces des deux parties;
Entendu à l'audience publique de la 5e chambre-Salle D du 9 septembre 2015, monsieur le juge délégué Cédric van Zeeland en son rapport, maître Claudine Galand, conseil de SA Société Hotelière Du Wiltcher's ainsi que maître Jean-Pierre Renard, conseil de la SA Mmmmh.
La demanderesse, créancier sursitaire et par ailleurs ancien bailleur de la défenderesse, soutient que sa créance doit être intégrée dans le plan en qualité de créance extraordinaire.
Elle se fonde sur l'existence du privilège spécial conféré par la loi au bailleur sur les biens garnissant les lieux loués.
Bien que le contrat de bail ait pris fin avant l'ouverture de la PRJ, la demanderesse se prévaut d'une part, du fait que le contrat de bail est un contrat à prestations successives et que le principe, inscrit à l'article 2/1 LCE suivant lequel la détermination de la nature de la créance s'effectue au moment de l'ouverture de la PRJ, ne peut pas porter atteinte à la nature d'une créance résultant d'un contrat à prestations successives (cf. la formulation de l'art. 2/1 qui précise « Sans préjudice de la nature des créances résultant de contrats à prestations successives (...), la nature de la créance est déterminée au moment de l'ouverture de la procédure ») et d'autre part, de l'arrêt de la Cour de cassation du 12 février 2015 suivant lequel il ne résulte pas de l'article 2, d) et h), LCE - attribuant la qualité de créancier sursitaire extraordinaire à une personne titulaire d'une créance sursitaire garantie par un privilège spécial ou une hypothèque - que la créance dont cette personne est titulaire n'est extraordinaire qu'à concurrence de la valeur de réalisation de l'assiette du privilège spécial ou de l'hypothèque qui la garantit.
De son côté, la défenderesse conteste la qualification de créance extraordinaire donnée par la demanderesse à sa créance en relevant qu'au jour de l'ouverture de la PRJ, le bail avait pris fin et les lieux loués étaient vidés.
Le tribunal souligne, avant tout autre considération, que le prescrit de l'article 2/1 LCE - qui exclut les contrats à prestations successives de la règle de la détermination de la nature de la créance au jour de l'ouverture de la procédure - ne signifie pas que toute créance trouvant sa cause dans un contrat à prestations successives est exclue du régime de l'article 2/1.
En réalité, cette précision ne vise qu'à exclure les créances issues des contrats à prestations successives en cours au moment de l'ouverture de la PRJ qui sont soumises au régime particulier des articles 35 et 36 LCE.
En l'espèce, le contrat de bail était résilié au moment de l'ouverture de la PRJ de sorte que la précision de l'article 2/1 relativement aux contrats à prestations successives est sans effet sur la nature de la créance de la demanderesse.
S'agissant de l'arrêt de la Cour de cassation du 12 février 2015, il y a lieu de relever qu'outre le fait qu'une question préjudicielle est actuellement pendante devant la Cour constitutionnelle sur la question de savoir si cette interprétation de l'article 2, d) et b), ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution, il vise également une hypothèse étrangère à l'espèce, à savoir celle d'une créance, par nature extraordinaire au moment de l'ouverture de la PRJ mais dont le privilège spécial ou l'hypothèque la garantissant n'aurait plus d'assiette.
En l'espèce, l'hypothèse envisagée est différente puisqu'au jour de l'ouverture de la PRJ, la créance de la demanderesse ne répondait plus à la définition de la créance sursitaire extraordinaire visée à l'article 2, d), dès lors qu'elle n'était légalement plus garantie par un privilège spécial, le bail ayant pris fin et les lieux loués ayant été libérés.
Il y a partant lieu de dire pour droit que la créance de la demanderesse revêt la qualité de créance sursitaire ordinaire.
Par ces motifs,
Le tribunal,
Vu les dispositions de la loi du 15 juin 1935 sur l'emploi des langues en matière judiciaire;
Vu les dispositions de la loi du 31 janvier 2009 relative à la continuité des entreprises;
Dit pour droit que la créance de la SA Société Hotelière Du Wiltcher's doit être qualifiée de créance sursitaire ordinaire dans les opérations de réorganisation judiciaire subséquente;
Met les dépens à charge de la SA Société Hotelière Du Wiltcher's liquidés au montant de l'indemnité de procédure de 1.320 EUR;
(…)