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La compétence internationale de la juridiction unifiée du brevet Examen critique du règlement (UE) n° 542/2014, R.D.C.-T.B.H., 2016/1, p. 18-38

La compétence internationale de la juridiction unifiée du brevet
Examen critique du règlement (UE) n° 542/2014

Philippe Campolini [1], [2]

TABLE DES MATIERES

I. Introduction: la création du brevet européen à effet unitaire et de la juridiction unifiée du brevet

II. Un système complexe II.1. L'entrée en vigueur du système

II.2. La portée territoriale de l'effet unitaire

II.3. Le caractère hybride du système

II.4. L'étendue de la compétence matérielle de la JUB

II.5. La structure de la JUB et la répartition interne des affaires entre les différentes divisions du tribunal de première instance a) Actions en contrefaçon

b) Demandes reconventionnelles en nullité et bifurcation

c) Actions en constatation de non-contrefaçon et en nullité

d) Actions portées devant la division centrale

II.6. La diversité des titres de protection

II.7. La période transitoire et l'opt-out

III. Compétence internationale de la JUB: le renvoi par l'accord JUB aux instruments internationaux

IV. L'assimilation de la JUB à une juridiction nationale

V. L'application des règles ordinaires de compétence prévues par le Règlement Bruxelles Ibis

VI. Les défendeurs domiciliés en dehors de l'UE VI.1. Extension du champ d'application des règles du chapitre II du Règlement Bruxelles Ibis

VI.2. Mesures provisoires et conservatoires

VI.3. Compétence additionnelle relative aux préjudices causés à l'extérieur de l'UE

VII. Litispendance et connexité

VIII. Exécution des décisions

IX. Conclusion

RESUME
Le contentieux belge et européen du droit des brevets fera l'objet, dans les prochaines années, de profondes mutations. C'est en tout cas l'objectif poursuivi par le législateur européen avec la création du brevet européen à effet unitaire et de la juridiction unifiée du brevet. La nature particulière de cette juridiction commune à plusieurs États membres pose des questions tout à fait inédites de compétence internationale. Le règlement (UE) n° 542/2014 tente de répondre à ces questions par l'insertion de dispositions particulières dans le Règlement Bruxelles Ibis. Le présent article met toutefois en évidence que cet objectif n'est que partiellement atteint, les nouvelles dispositions laissant subsister de nombreuses interrogations.
SAMENVATTING
De octrooirechtelijke geschillen zullen in de komende jaren, zowel op Belgisch als op Europees niveau, ingrijpende veranderingen ondergaan. In elk geval is dit het doel dat de Europese wetgever nastreeft met de oprichting van het Europese octrooi met eenheidswerking en van het Eengemaakt Octrooigerecht. De bijzondere aard van dit aan verscheidene lidstaten gemeenschappelijk gerecht roept nieuwe vragen op inzake internationale bevoegdheid. De verordening (EU) nr. 542/2014 probeert deze vragen te beantwoorden door het invoegen van specifieke bepalingen in de Brussel Ibis-verordening. Deze bijdrage zal echter aantonen dat deze doelstelling slechts gedeeltelijk is bereikt, omdat de nieuwe bepalingen veel vragen onbeantwoord laten.
I. Introduction: la création du brevet européen à effet unitaire et de la juridiction unifiée du brevet

1.Dans le domaine de la propriété intellectuelle, comme dans beaucoup d'autres domaines du droit, l'harmonisation européenne est en marche depuis de nombreuses années. Cette harmonisation a progressé à des rythmes différents selon les droits de propriété intellectuelle concernés.

En droit des marques, après la mise en place, dans les années '60, du système harmonisé de la marque Benelux [3], la première directive d'harmonisation européenne fut adoptée le 21 décembre 1988 [4]. Cet instrument fut complété en 1993 par un règlement européen créant, à côté du système des marques nationales, le système de la marque communautaire, qui offre à son titulaire une protection uniforme sur l'ensemble du territoire de l'UE [5].

En droit des dessins et modèles, l'évolution a été assez similaire. Un droit uniforme Benelux fut adopté, également dans les années '60 [6], suivi d'une directive d'harmonisation européenne en 1998 [7], puis d'un règlement instaurant un titre communautaire en 2001 [8]. De manière innovante, ce dernier prévoyait non seulement la création d'un titre unique enregistré au niveau communautaire, mais également un régime de protection du modèle non enregistré.

De nombreuses directives d'harmonisation ont également été adoptées dans le domaine du droit d'auteur et des droits voisins [9], sans qu'il n'existe toutefois, pour le moment, de régime de protection uniforme dans ce domaine.

Mentionnons enfin, dans ce mouvement d'harmonisation européenne du droit de la propriété intellectuelle, le régime de protection uniforme des obtentions végétales, instauré par un règlement européen du 27 juillet 1994 [10].

2.Si l'harmonisation des régimes de protection nationaux n'a pas toujours fait l'unanimité, en raison notamment des lacunes qui l'affectent et qui doivent régulièrement être comblées, tant bien que mal, par la Cour de justice de l'Union européenne (ci-après la « Cour de justice »), on se doit de constater que les titres de protection uniforme créés au niveau communautaire ont généralement été bien accueillis. Le succès du système de la marque communautaire ne fait aucun doute. Les dessins et modèles communautaires, quant à eux, donnent lieu à un contentieux sans cesse grandissant. Il peut donc paraître surprenant que, pendant si longtemps, le droit des brevets n'ait pas été concerné par cette tendance à l'harmonisation européenne. Ce n'est pourtant pas faute de tentatives en ce sens.

La création d'un titre européen de protection unitaire dans le domaine du droit des brevets a été envisagée dès le début des années '60. De nombreux textes ont été successivement discutés. Diverses conventions internationales ont même été signées [11], qui ne sont toutefois jamais entrées en vigueur. Si aucun de ces projets n'a jamais abouti, c'est en raison notamment de difficultés politiques liées à l'impossibilité pour les États participant à ces négociations de trouver un accord sur le régime linguistique du titre européen envisagé.

Dans le domaine des brevets, le véritable succès en termes d'harmonisation ne vint finalement pas de l'UE, mais bien d'une conférence intergouvernementale qui mena, le 5 octobre 1973, à la signature, en dehors du cadre de l'UE, de la Convention de Munich sur la délivrance de brevets européens. Cette convention (ci-après la « Convention de Munich ») instaure une procédure commune de délivrance de brevets dits « européens » qui répondent à des conditions communes de brevetabilité. Ce brevet européen n'est toutefois pas un titre de protection uniforme puisqu'une fois délivré, il a les mêmes effets et est soumis, dans chaque pays, au même régime qu'un brevet national [12].

3.Le projet de création d'un véritable titre européen de protection unitaire dans le domaine des brevets prit un tournant significatif le 10 décembre 2010. À cette date, le Conseil de l'UE prit acte de l'existence de difficultés insurmontables rendant impossible l'unanimité sur la question du régime linguistique du titre envisagé et décida d'avoir recours à l'article 329 du TFUE, qui prévoit la possibilité pour les États membres qui le souhaitent d'instaurer entre eux une coopération renforcée dans la plupart des domaines visés par les traités européens.

Vingt-cinq États membres (ci-après les « États membres participants ») adressèrent une demande de coopération renforcée à la Commission. Il s'agissait à l'époque de l'ensemble des États membres à l'exception de l'Italie et de l'Espagne [13]. Cette coopération renforcée fut autorisée par une décision du Conseil du 10 mars 2011 [14]. Les recours en annulation introduits par l'Espagne et par l'Italie contre cette décision furent rejetés par un arrêt de la Cour de justice du 16 avril 2013 [15].

4.Le 13 avril 2011, la Commission présenta deux propositions de règlement [16] qui menèrent à l'adoption du règlement (UE) n° 1257/2012 « mettant en oeuvre la coopération renforcée dans le domaine de la création d'une protection unitaire conférée par un brevet » [17] et du règlement (UE) n° 1260/2012 « mettant en oeuvre la coopération renforcée dans le domaine de la création d'une protection unitaire conférée par un brevet, en ce qui concerne les modalités applicables en matière de traduction » [18].

Ces deux règlements créent le « brevet européen à effet unitaire », à savoir un titre qui s'appuie sur la procédure de délivrance centralisée mise en place par la Convention de Munich, et auquel est ensuite octroyé, à la demande de son titulaire et sous certaines conditions, un effet unitaire. Pour conférer à son brevet européen un effet unitaire, le titulaire du brevet doit introduire, dans un délai d'un mois après la publication de la mention de la délivrance du brevet au Bulletin européen des brevets [19], une demande d'effet unitaire auprès de l'Office européen des brevets, qui procède alors à l'enregistrement de cet effet unitaire dans le « registre de la protection unitaire conférée par un brevet » [20].

Des recours en annulation furent introduits par l'Espagne contre les deux règlements créant le brevet européen à effet unitaire. Ces recours furent toutefois, eux aussi, rejetés par la Cour de justice, par deux arrêts du 5 mai 2015 [21].

5.La création du brevet européen à effet unitaire s'accompagne de la mise en place d'une juridiction ad hoc, dénommée la « juridiction unifiée du brevet » (ci-après la « JUB » [22]). Cette juridiction ad hoc est instituée par l'accord relatif à une juridiction unifiée du brevet [23] (ci-après « l'accord JUB »), à savoir une convention internationale conclue en dehors du cadre de l'UE, et sur laquelle on reviendra en détail ci-dessous.

6.Le système ainsi mis en place est complexe. Les facteurs de cette complexité sont nombreux. On se contentera ici d'en évoquer les principaux, afin de mieux comprendre les questions de compétence internationale que pose le système (II.) [24]. Notons que les questions de droit applicable sortent de l'objet du présent article et ne seront pas abordées. Les règles de compétence internationale de la JUB (III., IV., V.), en particulier celles applicables à l'égard des défendeurs domiciliés en dehors de l'UE (VI.), seront ensuite commentées. Enfin, avant de conclure (IX.), on évoquera les règles applicables en matière de litispendance et de connexité (VII.), ainsi qu'en matière d'exécution (VIII.).

II. Un système complexe
II.1. L'entrée en vigueur du système

7.L'existence du brevet européen à effet unitaire est inextricablement liée à celle de la JUB. Très logiquement, il a donc été prévu que les deux règlements européens créant le brevet européen à effet unitaire ne deviendront applicables qu'à dater de l'entrée en vigueur de l'accord JUB [25]. Cette dernière est prévue le 1er jour du 4e mois suivant celui du dépôt du 13e instrument de ratification ou d'adhésion, y compris les instruments de ratification de l'Allemagne, de la France et du Royaume-Uni [26]. Il est donc probable que, dans un premier temps, le nouveau système ne concernera qu'un nombre limité d'États membres, étant entendu que ce nombre ne pourra pas être inférieur à 13. Dans les autres États membres, le système n'entrera en vigueur qu'ultérieurement, au rythme des ratifications successives. Bien que, selon l'avocat général Bot [27], les États membres soient tenus de ratifier l'accord JUB en vertu du principe de coopération loyale, il est même possible que certains États membres renoncent finalement à le ratifier.

8.À ce jour, huit États membres ont procédé à cette ratification. Il s'agit, par ordre chronologique, de l'Autriche [28], de la France [29], de la Suède [30], de la Belgique [31], du Danemark [32], de Malte [33], du Luxembourg [34] et du Portugal [35].

II.2. La portée territoriale de l'effet unitaire

9.La manière dont est déterminée la portée territoriale de l'effet unitaire atteste, elle aussi, du lien entre le brevet européen à effet unitaire et la JUB. Cet effet s'étend à tous les États membres participants à la coopération renforcée [36], à condition toutefois que ces États aient ratifié l'accord JUB à la date d'enregistrement de l'effet unitaire [37].

Comme on vient de le voir, il est peu probable que les États membres participant à la coopération renforcée auront tous ratifié l'accord JUB au moment de son entrée en vigueur. Or, la ratification de cet accord par un État après son entrée en vigueur, n'aura pas pour effet d'étendre la portée territoriale de l'effet unitaire des brevets européens pour lesquels un effet unitaire a déjà été enregistré. Il en résulte que des brevets européens à effet unitaire en vigueur au même moment pourront avoir une portée territoriale différente. Il sera donc nécessaire de consulter le registre de la protection unitaire afin de connaître la portée territoriale de l'effet unitaire d'un brevet européen déterminé.

Cette situation est rendue encore plus complexe par la discordance entre la liste des États membres participant à la coopération renforcée et celle des États membres ayant signé l'accord JUB. Ce dernier a en effet été signé par tous les États membres, à l'exception de l'Espagne, de la Pologne (alors même que cette dernière participe à la coopération renforcée) et de la Croatie (qui n'était pas encore membre de l'UE au moment de la signature de l'accord JUB). L'Italie, quant à elle, a signé l'accord JUB alors même qu'elle ne participe pas à la coopération renforcée. Ceci exclut pour le moment tout effet unitaire dans ce pays, alors même que la JUB pourrait y devenir compétente pour les litiges relatifs aux brevets européens classiques (c'est-à-dire les brevets européens sans effet unitaire [38]). Cette situation pour le moins inattendue devrait toutefois se terminer dans un futur proche, l'Italie ayant notifié au Conseil européen, en juillet 2015, sa volonté de rejoindre la coopération renforcée.

II.3. Le caractère hybride du système

10.La JUB est une juridiction commune à tous les États membres parties à l'accord JUB [39] et fait partie de leurs systèmes judiciaires [40]. Il ne s'agit pas d'une juridiction de l'UE puisqu'elle est instituée par un accord international conclu en dehors du cadre de l'UE. En tant que juridiction nationale commune à plusieurs États membres, la JUB est soumise aux mêmes obligations découlant du droit de l'UE que les autres juridictions nationales des États membres concernés [41]. Elle est notamment contrainte d'appliquer le droit de l'UE dans son intégralité et d'en respecter la primauté [42], ce qui implique notamment l'obligation de poser à la Cour de justice des questions préjudicielles dans les conditions fixées à l'article 267 du TFUE et de respecter les décisions rendues par la Cour de justice [43].

Cette obligation qui pèse sur la JUB est toutefois limitée aux règles de droit de l'UE, ce qui, de manière surprenante, exclut notamment le droit matériel de la contrefaçon applicable aux brevets européens (avec ou sans effet unitaire). En effet, malgré qu'il soit intimement lié à l'idée même d'une protection unitaire, le droit matériel de la contrefaçon, initialement inclus dans la proposition de règlement créant une protection par brevet unitaire, en a été volontairement extrait pour être déplacé dans l'accord JUB, avec pour objectif d'exclure son interprétation par la Cour de justice. Ce mécanisme, pourtant critiqué par l'Espagne dans le cadre de son recours en annulation du règlement (UE) n° 1257/2012 [44], n'a pas été censuré par la Cour de justice [45].

Il n'en reste pas moins que cette situation et, plus généralement, le caractère hybride du système, demeurent des éléments qui contribuent à sa complexité et qui ne manqueront pas de soulever des questions dans la pratique.

II.4. L'étendue de la compétence matérielle de la JUB

11.La compétence matérielle de la JUB est limitée à certains types d'actions limitativement énumérés par l'accord JUB. Tombent évidemment sous la compétence exclusive de la JUB les actions en contrefaçon et en menace de contrefaçon [46], ainsi que les actions en constatation de non-contrefaçon [47] de brevets européens (avec ou sans effet unitaire) et de certificats complémentaires de protection fondés sur de tels brevets. S'agissant des actions en contrefaçon et en menace de contrefaçon, la JUB est compétente pour connaître des défenses y afférentes, notamment les demandes reconventionnelles fondées sur des licences [48]. La compétence exclusive de la JUB s'étend également aux actions et demandes reconventionnelles en nullité de ces mêmes titres [49], aux actions visant à obtenir des mesures provisoires et conservatoires et des injonctions [50] ainsi qu'à diverses autres actions spécifiques [51].

Les actions qui ne sont pas visées par l'accord JUB, à savoir, notamment, les actions fondées sur des contrats de licence autres que ceux formés sur la base de l'article 8 du règlement (UE) n° 1257/2012 et les actions en matière de licences obligatoires, resteront de la compétence des juridictions nationales des États membres (sans préjudice de la compétence de la JUB, évoquée ci-dessus, pour connaître des demandes reconventionnelles fondées sur des licences).

La question de savoir si une action particulière tombe sous la compétence exclusive de la JUB ne sera pas toujours aisée à déterminer, d'autant plus que la formulation de certains des chefs de compétence établis par l'accord JUB est malheureusement peu claire, ce qui ne manquera pas de susciter des difficultés d'interprétation [52].

II.5. La structure de la JUB et la répartition interne des affaires entre les différentes divisions du tribunal de première instance

12.Un autre facteur de complexité du système est la structure de la JUB. Bien qu'il s'agisse d'une juridiction centralisée, dotée d'une cour d'appel unique établie à Luxembourg [53], elle disposera, en première instance, de nombreuses divisions réparties sur l'ensemble du territoire de l'UE. Le tribunal de première instance comptera en effet non seulement une division centrale, mais également des divisions locales (instaurées par un État membre) et régionales (communes à plusieurs États membres) [54] qui pourront être créées à la demande des États membres [55]. De nombreux pays ont déjà manifesté leur intérêt pour la création, sur leur territoire, d'une ou de plusieurs divisions locales, ou pour la participation à la création d'une division régionale [56]. En outre, la division centrale, bien qu'établie à Paris, dispose également de sections à Londres et à Munich [57].

Les règles régissant la répartition interne des affaires entre les différentes divisions du tribunal de première instance de la JUB sont nombreuses. On se contentera d'en évoquer ici les principales [58].

a) Actions en contrefaçon

13.Les actions en contrefaçon et les actions visant à obtenir des mesures provisoires ou conservatoires peuvent être portées devant la division locale ou régionale du lieu de la contrefaçon ou devant la division locale ou régionale du lieu du domicile ou du principal établissement du défendeur (en cas de pluralité de défendeurs: de l'un d'entre eux) [59]. Les actions en réparation fondées sur des licences formées sur la base de l'article 8 du règlement (UE) n° 1257/2012 doivent, quant à elles, être portées devant la division locale ou régionale du lieu du domicile ou du principal établissement du défendeur [60]. En l'absence de domicile ou de principal établissement sur le territoire des États membres ayant ratifié l'accord JUB, un simple établissement du défendeur peut également fonder la compétence de la division locale ou régionale. Si le défendeur n'a ni domicile ni quelque établissement que ce soit sur le territoire des États membres ayant ratifié l'accord JUB, les actions ci-dessus peuvent être portées non seulement devant la division locale ou régionale du lieu de la contrefaçon, mais également devant la division centrale [61]. En l'absence de division locale ou régionale sur le territoire de l'État membre contractant vers lequel renvoient les règles de compétence interne, les actions visées ci-dessus doivent être portées devant la division centrale [62].

14.Si une action en contrefaçon (au fond ou au provisoire) ou toute autre action visée à l'article 33, 2., de l'accord JUB [63] est pendante devant une division du tribunal de première instance de la JUB, aucune autre action entrant dans l'une de ces catégories (même s'il ne s'agit pas du même type d'action) ne peut être engagée entre les mêmes parties, au sujet du même brevet, devant une autre division [64]. Si une action est engagée entre les mêmes parties, au sujet du même brevet, devant plusieurs divisions différentes, la division première saisie est seule compétente pour l'intégralité de l'affaire. Toute division saisie ultérieurement doit déclarer l'action irrecevable [65].

b) Demandes reconventionnelles en nullité et bifurcation

15.Une demande reconventionnelle en nullité peut être introduite dans le cadre d'une action en contrefaçon. Dans ce cas, après avoir entendu les parties, la division locale ou régionale concernée, a la faculté soit de statuer tant sur l'action en contrefaçon que sur la demande reconventionnelle en nullité, soit de renvoyer la demande reconventionnelle en nullité devant la division centrale et de suspendre l'action en contrefaçon ou de statuer sur celle-ci (option dite de la « bifurcation »), soit encore de renvoyer toute l'affaire devant la division centrale moyennant l'accord de toutes les parties [66]. Cette possibilité de bifurcation, inspirée de la pratique allemande, peut mener au résultat peu souhaitable qu'un ordre de cessation soit prononcé avant même que la division centrale n'ait statué sur la validité du brevet (problème parfois qualifié de « injunction gap »). Pour cette raison, on peut s'attendre à ce qu'en pratique, cette possibilité soit assez peu mise en oeuvre.

c) Actions en constatation de non-contrefaçon et en nullité

16.Les actions en constatation de non-contrefaçon et en nullité doivent en principe être portées devant la division centrale. Toutefois, si une action en contrefaçon a déjà été engagée entre les mêmes parties, au sujet du même brevet, devant une division locale ou régionale, les actions en constatation de non-contrefaçon et en nullité ne peuvent être portées que devant la même division locale ou régionale [67]. S'agissant de l'action en nullité, la division locale ou régionale dispose alors du choix décrit ci-dessus (statuer sur le tout, renvoyer la seule demande en nullité devant la division centrale ou renvoyer toute l'affaire devant la division centrale).

17.Si une action en nullité est pendante devant la division centrale, une action en contrefaçon peut être engagée entre les mêmes parties, au sujet du même brevet, devant n'importe quelle division locale ou régionale normalement compétente pour ce type d'actions ou devant la division centrale. Si le demandeur en contrefaçon fait le choix d'une division locale ou régionale et que le défendeur en contrefaçon introduit dans cette procédure une action reconventionnelle en nullité [68], la division locale ou régionale dispose, une fois encore, du choix décrit précédemment: statuer sur l'ensemble (auquel cas la division centrale est évincée de l'action en nullité), « bifurquer » ou renvoyer toute l'affaire devant la division centrale [69].

18.Lorsqu'une action en constatation de non-contrefaçon est pendante devant la division centrale et qu'une action en contrefaçon est engagée, dans les 3 mois, par le défendeur dans cette procédure ou par le titulaire d'une licence exclusive, au sujet du même brevet, devant une division locale ou régionale, l'action en constatation de non-contrefaçon est suspendue [70]. Cette disposition vise à éviter, en l'absence de débat sur la validité du brevet, qu'un contrefacteur allégué ne puisse se soustraire à la compétence du juge « naturel » de la contrefaçon, à savoir la division locale ou régionale soit du lieu de la contrefaçon soit du domicile ou de l'établissement du défendeur.

d) Actions portées devant la division centrale

19.Les affaires portées devant la division centrale sont réparties en fonction des domaines techniques. Le siège de la division centrale, établi à Paris, est compétent en matière de techniques industrielles, de transports, de textiles, de papier, de constructions fixes, de physique et d'électricité. La section de Londres est compétente en matière de nécessités courantes de la vie, de chimie et de métallurgie. Enfin, la section de Munich est compétente en matière de mécanique, d'éclairage, de chauffage, d'armement et de sautage [71].

II.6. La diversité des titres de protection

20.Bien que créée parallèlement au brevet européen à effet unitaire, la JUB jouit également d'une compétence exclusive (sous réserve de certaines dispositions transitoires qui seront discutées plus loin) pour connaître de litiges relatifs à certains autres titres de protection, à savoir les brevets européens classiques (c'est-à-dire les brevets européens délivrés selon la procédure prévue par la Convention de Munich et n'ayant pas fait l'objet d'une demande d'effet unitaire) [72], les certificats complémentaires de protection liés à des brevets européens (avec ou sans effet unitaire) [73] et les demandes de brevets européens [74]. Les juridictions nationales des États membres contractants, quant à elles, demeurent compétentes pour les actions relatives aux brevets et aux certificats complémentaires de protection qui ne relèvent pas de la compétence exclusive de la JUB [75]. Sous réserve des dispositions transitoires évoquées ci-dessus, seuls les brevets nationaux et les certificats complémentaires de protection fondés sur des brevets nationaux sont concernés par cette compétence résiduaire.

21.Le présent article n'examinera pas la situation particulière des certificats complémentaires de protection et des demandes de brevets européens. Il se limitera à l'examen de la compétence internationale de la JUB en matière de brevets européens (avec ou sans effet unitaire). La question n'en restera pas moins complexe, notamment en ce qui concerne les brevets européens sans effet unitaire. En effet, la coexistence des différentes parties nationales d'un même brevet européen sans effet unitaire causera immanquablement des problèmes de litispendance et de connexité, entre autres durant la période transitoire dont il sera question ci-après. Le fait que les différentes parties nationales d'un même brevet européen puissent avoir des propriétaires différents est susceptible de compliquer encore davantage les choses.

II.7. La période transitoire et l'opt-out

22.Bien que temporaire, l'un des plus importants facteurs de complexité du système est le régime transitoire mis en place par l'article 83 de l'accord JUB. Les conséquences de ce régime, notamment sur certaines questions de compétence internationale, sont tout sauf claires.

23.L'accord JUB prévoit une période transitoire de 7 ans à partir de la date de son entrée en vigueur, durant laquelle une action en contrefaçon ou en nullité d'un brevet européen sans effet unitaire (ou d'un certificat complémentaire de protection basé sur un tel brevet) pourra encore être engagée devant les juridictions nationales compétentes [76]. La JUB et les juridictions nationales bénéficieront ainsi, durant cette période, de compétences concurrentes, ce qui posera inévitablement des questions de litispendance et de connexité, qui seront abordées plus loin. Ces questions sont complexifiées par le manque de clarté du régime mis en place.

En particulier, la formulation restrictive de l'article 83, 1., de l'accord JUB, qui ne vise que les actions en contrefaçon ou en nullité d'un brevet européen sans effet unitaire (ou d'un certificat complémentaire de protection basé sur un tel brevet), semble indiquer que les autres actions visées par l'accord JUB [77] ne seraient pas concernées par cette exception à la compétence exclusive de la JUB. Il existe toutefois de bons arguments permettant de soutenir le contraire [78]. Quoi qu'il en soit, ce point est en tout cas incertain.

Est également débattue la question de savoir si, durant la période transitoire, les juridictions nationales devront appliquer leur droit matériel national de la contrefaçon ou le droit matériel de la contrefaçon contenu aux articles 25 à 30 de l'accord JUB. Il ressort, à notre avis, de l'objectif de l'accord JUB et du mécanisme de la période transitoire que les juridictions nationales devront appliquer leur droit national de la contrefaçon et non celui contenu dans l'accord JUB [79]. Ce point est toutefois, lui aussi, débattu.

Cette période transitoire pourra être prolongée une fois pour une durée de maximum 7 ans [80].

24.Durant cette période transitoire, et à moins qu'une action n'ait déjà été engagée devant la JUB, il sera possible, pour le titulaire d'un brevet européen sans effet unitaire, de déroger à la compétence exclusive de la JUB en déposant une déclaration de dérogation (aussi appelée « opt-out ») au greffe au plus tard un mois avant l'expiration de la période transitoire, de manière à ce que les juridictions nationales restent seules compétentes pour connaître des litiges relatifs au brevet en question [81]. Cet opt-out pourra être retiré à tout moment, à moins qu'une action n'ait déjà été engagée devant une juridiction nationale [82]. Un opt-out vaudra en principe pour toute la durée de vie du brevet européen en cause, à moins que l'opt-out ne soit retiré (on parle alors de « opt back in ») [83]. Selon le 18e projet de règlement de procédure de la JUB, la déclaration vaudra pour tous les États membres contractants pour lesquels le brevet européen a été délivré [84].

Cette possibilité de procéder à un opt-out pose elle aussi diverses questions, dont celle de savoir ce que l'accord JUB entend par « déroger à la compétence exclusive de la [JUB] ». D'aucuns affirment qu'après une déclaration d'opt-out, la JUB conserverait une compétence non exclusive. Cette lecture de l'article 83 nous semble contraire à l'objectif de l'opt-out, qui est notamment de prémunir les titulaires de brevets européens classiques du risque d'une révocation centrale de leur brevet par la JUB [85]. Cet objectif ne serait pas atteint si ces titulaires pouvaient encore être attraits en nullité de leurs titres devant la JUB. Dès lors, il nous semble clair que l'opt-out permet d'échapper entièrement à la compétence de la JUB.

25.Une troisième lecture de ces dispositions transitoires est toutefois encore possible, selon laquelle le point 3. de l'article 83 de l'accord JUB (relatif à l'opt-out) ne ferait qu'expliquer concrètement de quelle manière atteindre le résultat décrit au point 1. de cette disposition, à savoir la possibilité d'agir encore devant les juridictions nationales [86]. Dans cette vision des choses, même durant la période transitoire, un brevet européen sans effet unitaire relèverait automatiquement de la compétence exclusive de la JUB, à condition qu'il n'ait pas fait l'objet d'un opt-out. En cas d'opt-out, il tomberait, au contraire, sous la compétence exclusive des juridictions nationales, mais uniquement pendant la période transitoire (et donc pas nécessairement jusqu'à son expiration).

Cette lecture de l'article 83 de l'accord JUB présente l'avantage de simplifier considérablement la situation durant la période transitoire et d'éviter, notamment, les problèmes de litispendance et de connexité qui seront évoqués plus loin. Il semble toutefois que ce ne soit pas la lecture voulue par les auteurs de l'accord JUB. À tout le moins, cette lecture est-elle en contradiction avec l'article 71quater, 2., du règlement (UE) n° 1215/2012 (ci-après « Règlement Bruxelles Ibis ») [87], qui sera commenté plus loin et qui est fondé sur la prémisse selon laquelle il existera bien une compétence concurrente de la JUB et des juridictions nationales durant la période transitoire. Par conséquent, nous sommes d'avis et partirons du principe, dans la suite du présent article, que cette lecture de l'article 83 de l'accord JUB n'est pas correcte. En définitive, c'est toutefois à la Cour de justice qu'il reviendra de trancher cette question lorsqu'elle sera amenée à interpréter les dispositions pertinentes du Règlement Bruxelles Ibis [88].

26.Enfin, la possibilité de procéder à un opt-out pose une nouvelle fois la question du droit matériel que devront appliquer les juridictions nationales saisies d'un litige concernant la contrefaçon d'un brevet européen classique ayant fait l'objet d'un opt-out. À notre avis, la solution doit, a fortiori, être la même qu'en l'absence d'opt-out, à savoir l'application par les juridictions nationales de leur droit national de la contrefaçon.

27.Le décor étant ainsi planté, on peut à présent entrer dans le vif du sujet, et s'interroger sur la manière dont sera déterminée la compétence internationale de la JUB.

III. Compétence internationale de la JUB: le renvoi par l'accord JUB aux instruments internationaux

28.S'agissant de la compétence internationale de la JUB, un constat s'impose d'emblée: l'accord JUB ne contient aucune règle de compétence internationale. Son article 31 se contente de renvoyer sur ce point au Règlement Bruxelles Ibis et à la Convention de Lugano [89].

Lors de la rédaction de l'accord JUB, il n'est pas immédiatement apparu évident que des modifications allaient devoir être apportées à ce qui n'était à l'époque encore que le Règlement Bruxelles I [90]. À première vue, il semblait possible de partir du principe que la JUB se substituerait aux juridictions des États membres concernés dans les matières régies par l'accord JUB et qu'elle serait ainsi automatiquement compétente dès que, dans ces matières, les juridictions d'un État membre partie à l'accord JUB seraient désignées par le règlement. À l'examen, une telle solution est apparue insuffisante, pour des motifs touchant, notamment, à la détermination de la compétence de la JUB à l'égard des défendeurs domiciliés en dehors de l'UE. Il a donc été décidé de soumettre l'entrée en vigueur de l'accord JUB à l'entrée en vigueur « des modifications du règlement (UE) n° 1215/2012 portant sur le lien entre ce dernier et [l'accord JUB] » [91]. Ces modifications, qui sont contenues dans le règlement (UE) n° 542/2014 [92], font l'objet du commentaire qui suit. Elles sont applicables depuis le 10 janvier 2015, tout comme les autres dispositions du Règlement Bruxelles Ibis.

Une réforme parallèle de la Convention de Lugano, bien que souhaitable [93], ne semble pas à l'ordre du jour pour le moment.

29.Il est essentiel de bien distinguer les règles permettant d'établir la compétence internationale de la JUB, contenues dans le Règlement Bruxelles Ibis et dans la Convention de Lugano, des règles de répartition interne des affaires entre les différentes divisions du tribunal de première instance de la JUB, qui sont contenues dans l'accord JUB. Bien que ces dernières ressemblent à des règles de compétence internationale et s'en inspirent, elles ne s'appliquent qu'en aval, une fois la compétence internationale établie.

La distinction entre les règles de compétence internationale et les règles de répartition interne des affaires au sein de la JUB est expressément confirmée par le considérant n° 5 du règlement (UE) n° 542/2014, selon les termes duquel « les modifications du règlement (UE) n° 1215/2012 prévues par le présent règlement en ce qui concerne la juridiction unifiée du brevet visent à établir la compétence internationale de cette juridiction et n'ont aucune incidence sur la répartition interne des procédures entre les divisions de cette juridiction ni sur les dispositions de l'accord JUB relatives à l'exercice de la compétence, y compris la compétence exclusive, durant la période transitoire prévue dans cet accord ».

30.Enfin, on notera que les modifications apportées au Règlement Bruxelles Ibis par le règlement (UE) n° 542/2014 concernent non seulement la JUB, mais aussi la Cour de justice Benelux, ce qui peut paraître étonnant à première vue. En effet, bien que ces deux juridictions présentent le point commun d'être communes à plusieurs États membres, elles ne posent pas (encore) les mêmes questions de droit international privé, puisqu'en l'état actuel du droit Benelux, la Cour de justice Benelux est uniquement saisie dans le cadre de procédures sur renvoi préjudiciel. Cette situation pourrait toutefois changer, compte tenu de la signature, le 15 octobre 2012, par les États membres du Benelux, d'un protocole modifiant le traité du 31 mars 1965 relatif à l'institution et au statut d'une Cour de justice Benelux [94]. Ce protocole permettra d'étendre les compétences actuelles de la Cour de justice Benelux à de véritables compétences juridictionnelles de fond, la Cour de justice Benelux ayant vocation à devenir à terme la juridiction d'appel des décisions de l'Office Benelux de la propriété intellectuelle en matière de marques dans le cadre des décisions de refus d'enregistrement pour motifs absolus et dans le cadre de procédures d'opposition. Cette possibilité n'a pas encore été mise en oeuvre par les États membres du Benelux, mais le législateur européen a jugé utile de mettre déjà en place le cadre international dans lequel s'inscriraient ces nouvelles compétences de la Cour de justice Benelux. Le présent article n'abordera toutefois pas les liens spécifiques qui pourraient exister entre le règlement (UE) n° 542/2014 et la Cour de justice Benelux.

IV. L'assimilation de la JUB à une juridiction nationale

31.Une première clarification est d'emblée apparue essentielle dans le cadre de la réforme du Règlement Bruxelles Ibis: afin d'assurer l'application des règles contenues dans le Règlement Bruxelles Ibis à la JUB, il était nécessaire que cette juridiction, commune à plusieurs États membres, puisse être considérée comme une juridiction de chacun des États membres vers lesquels les règles du Règlement Bruxelles Ibis sont susceptibles de renvoyer.

Ce principe était déjà contenu en germe dans le Règlement Bruxelles Ibis. La JUB n'est en effet pas la première juridiction commune à plusieurs États membres à voir le jour en Europe. Comme rappelé ci-dessus, la Cour de justice Benelux présente, elle aussi, la particularité d'être commune à plusieurs États membres et le considérant n° 11 du Règlement Bruxelles Ibis y faisait expressément référence, assimilant cette juridiction aux juridictions d'un État membre [95].

Bien que cette assimilation ne paraisse pas poser problème, d'autant plus qu'elle faisait l'objet d'une confirmation explicite en ce qui concerne la Cour de justice Benelux, il a semblé utile aux auteurs du projet de règlement modificatif de confirmer cette règle en l'intégrant dans une disposition du Règlement Bruxelles Ibis. Il faut dire que la JUB présente des caractéristiques inédites, qui mettent en évidence l'importance de cette assimilation.

32.Il ressort des règles de compétence interne de la JUB, qui ont été présentées ci-dessus, qu'un défendeur pourra être attrait devant une division du tribunal de première instance de la JUB située dans un État membre différent de celui dont les juridictions sont désignées par les règles du Règlement Bruxelles Ibis [96].

Ainsi, par exemple, le titulaire italien d'un brevet européen sans effet unitaire portant sur une invention dans le domaine électrique, pourra se voir attrait en nullité ou en déclaration de non-contrefaçon de son brevet devant la section parisienne de la division centrale de la JUB [97] alors même que le brevet en question n'est pas en vigueur en France. Si l'on s'en tient aux règles classiques du Règlement Bruxelles Ibis, ce défendeur italien pourrait être surpris de la compétence d'une juridiction établie en France alors même que le règlement ne prévoit aucune compétence en faveur des juridictions françaises. La France n'est, dans ce cas, ni le lieu du dépôt ou de l'enregistrement (art. 24, 4), du règlement) ni le lieu du domicile du défendeur (art. 4 du règlement). Il en va de même en cas de demande reconventionnelle ou d'exception de nullité. En vertu de l'accord JUB, la division de la JUB devant laquelle est pendante une action en contrefaçon peut connaître d'une éventuelle demande reconventionnelle ou exception de nullité, alors même que, s'agissant à tout le moins d'un brevet européen sans effet unitaire, la règle de compétence contenue à l'article 24, 4), du règlement pourrait renvoyer aux juridictions d'un autre (ou de plusieurs autres) État(s) membre(s). Enfin, le mécanisme des divisions régionales peut, lui aussi, mener à des résultats similaires.

Dès lors, il a été jugé utile, afin de garantir une sécurité et une prévisibilité juridiques suffisantes aux défendeurs pouvant être attraits devant la JUB dans un État membre autre que celui désigné par les règles du Règlement Bruxelles Ibis [98], de prévoir expressément une règle d'assimilation de la JUB à une juridiction de chacun des États membres l'ayant instituée. Le nouvel article 71bis du Règlement Bruxelles Ibis prévoit ainsi qu'aux fins de ce règlement, une juridiction commune à plusieurs États membres est réputée être une juridiction d'un État membre lorsque, en vertu de l'instrument l'instituant, elle exerce sa compétence dans des matières relevant du champ d'application du règlement [99]. Cette même disposition précise expressément que la JUB et la Cour de justice Benelux sont des juridictions communes aux fins du Règlement Bruxelles Ibis [100]. Le libellé de l'article 71bis suggère que cette liste serait exhaustive. Quoi qu'il en soit, il ne semble pas exister, à l'heure actuelle, d'autres juridictions internationales qui puissent être concernées par cette disposition.

33.La règle de l'assimilation ne vaudra bien entendu que dans les États membres ayant ratifié l'accord JUB, ce qui ne sera pas le cas de tous les États membres, du moins pas immédiatement [101]. Le renvoi du Règlement Bruxelles Ibis aux juridictions d'un État membre n'ayant pas (encore) ratifié l'accord JUB continuera de s'entendre comme un renvoi aux juridictions nationales de cet État.

V. L'application des règles ordinaires de compétence prévues par le Règlement Bruxelles Ibis

34.Le nouvel article 71ter du Règlement Bruxelles Ibis contient les différentes règles permettant d'établir la compétence de la JUB. Cette disposition énonce tout d'abord un chef de compétence général, conformément auquel la compétence de la JUB est établie lorsque, en vertu du règlement, les juridictions d'un État membre partie à l'accord JUB seraient compétentes dans une matière régie par cet instrument [102].

Ainsi, par exemple, si, en vertu des règles ordinaires de compétence du Règlement Bruxelles Ibis, les juridictions belges sont compétentes pour connaître d'une action en nullité d'un brevet européen, la JUB sera automatiquement compétente (sous réserve des dispositions transitoires qui ont déjà été évoquées) même si, en définitive, le litige est porté en vertu de l'accord JUB devant une division du tribunal de première instance de la JUB qui n'est pas située sur le territoire belge.

35.En pratique, les principales règles de compétence du Règlement Bruxelles Ibis qui sont ainsi susceptibles d'établir la compétence de la JUB - par le détour de l'article 71ter, 1. - sont celles fondées sur le domicile du défendeur (art. 4, 1.) ou d'un des défendeurs (art. 8, 1)) [103], sur le lieu du dépôt ou de l'enregistrement (art. 24, 4)) ou encore sur le lieu du fait dommageable (art. 7, 2)). En ce qui concerne les demandes de mesures provisoires ou conservatoires, l'article 35 du règlement permettra, lui aussi, d'établir la compétence de la JUB.

Bien que la JUB jouisse d'une compétence matérielle limitée en matière contractuelle [104], il ne peut être exclu que sa compétence internationale puisse également être établie sur la base d'une clause d'élection de for (art. 25) ou sur la base du lieu d'exécution d'une obligation contractuelle (art. 7, 1)).

Il convient d'être attentif au fait que la plupart des règles de compétence précitées ne s'appliquent qu'à condition que le défendeur soit domicilié sur le territoire d'un État membre. C'est la raison pour laquelle une attention particulière a été accordée par ailleurs, dans le règlement (UE) n° 542/2014, à la question des défendeurs non domiciliés sur le territoire d'un État membre. Cette question sera abordée dans le chapitre suivant.

36.Compte tenu de la règle de l'assimilation, discutée ci-avant, l'article 71ter, 1., peut paraître redondant. En effet, la règle de compétence renvoyant aux juridictions d'un État membre déterminé établit déjà elle-même la compétence de la JUB pour les États ayant ratifié l'accord JUB vu que la JUB est explicitement considérée, par le règlement, comme une juridiction de l'État membre en question. Il a néanmoins été jugé utile d'inclure cette règle dans le règlement « afin que l'application combinée et cohérente des accords internationaux concernés et du Règlement Bruxelles I (refonte) soit entièrement transparente » [105]. Outre cette plus grande transparence, la règle présente également un autre intérêt. Elle nous paraît confirmer que, sous réserve de la période transitoire prévue à l'article 83 de l'accord JUB [106], la compétence de la JUB ne s'ajoute pas à la compétence des juridictions de l'État membre concerné mais, au contraire, elle s'y substitue [107]. Ainsi, à l'issue de la période transitoire précitée, les juridictions nationales seront définitivement dépossédées de toute compétence parallèle à celle de la JUB [108]. Une telle compétence parallèle aurait d'ailleurs été contraire à l'objectif de l'accord JUB et à son article 32 [109].

VI. Les défendeurs domiciliés en dehors de l'UE
VI.1. Extension du champ d'application des règles du chapitre II du Règlement Bruxelles Ibis

37.Les modifications qui précèdent n'apportent pas de réponse à la question du droit applicable pour établir la compétence de la JUB à l'égard des défendeurs qui ne sont pas domiciliés sur le territoire d'un État membre de l'UE. Le Règlement Bruxelles Ibis prévoit en effet, à leur égard, que la compétence est régie par la loi du for [110], sous réserve de certaines exceptions [111]. S'agissant d'une juridiction commune à plusieurs États membres, telle que la JUB, ce renvoi aux règles nationales de droit international privé est toutefois problématique puisque rien ne permet de déterminer, parmi les règles nationales des différents États membres ayant ratifié l'accord JUB, celles qui s'appliquent. L'application de la législation nationale de l'État sur le territoire duquel se trouve la division du tribunal de première instance de la JUB devant laquelle le litige est pendant relèverait d'un choix arbitraire et ferait dépendre une question de compétence internationale des règles de compétence interne de la JUB, alors que ces dernières n'ont pas pour objet de régler des questions de compétence internationale. En outre, cette solution créerait un avantage injustifié au profit du demandeur.

Le nouvel article 71ter, 2., alinéa 1er, vise à résoudre cette difficulté en prévoyant que, lorsque le défendeur n'est pas domicilié dans un État membre de l'UE et que le Règlement Bruxelles Ibis ne confère pas autrement de compétence à son égard, le chapitre II du règlement s'applique, le cas échéant, indépendamment du domicile du défendeur. Autrement dit, les règles de compétence ordinaires du Règlement Bruxelles Ibis se substituent en ce cas aux règles de compétence prévues par le droit national du for.

Il convient toutefois de bien garder à l'esprit que cette nouvelle règle de compétence ne concerne que la JUB (et la Cour de justice Benelux). Elle ne permettra donc pas d'établir la compétence internationale des juridictions nationales durant la période transitoire [112]. Cette différentiation des règles applicables à la JUB et aux juridictions nationales durant la période transitoire pourrait influencer le choix des titulaires de brevets européens classiques de procéder ou non à un opt-out. On y reviendra.

38.Cette nouvelle règle de compétence est loin d'être anodine dans la mesure où précisément, dans le cadre de la révision du Règlement Bruxelles I, il avait été envisagé d'étendre en toutes matières [113] les règles de compétence du règlement aux défendeurs domiciliés en dehors de l'UE. Cette proposition a toutefois été abandonnée. Or, le règlement (UE) n° 542/2014 ne fait ni plus ni moins que réintroduire cette même règle en faveur de la JUB et de la Cour de justice Benelux.

Bien qu'important, ce changement passe largement inaperçu en raison du procédé législatif utilisé. La proposition initiale de la Commission contenait, en son article 1er, un point 1. visant à insérer la phrase suivante à la fin du considérant n° 14 du Règlement Bruxelles Ibis: « Des règles de compétence uniformes devraient également s'appliquer indépendamment du domicile du défendeur dans les cas où des juridictions communes à plusieurs États membres exercent leur compétence dans des matières entrant dans le champ d'application du présent règlement. » Cet ajout aurait permis d'attirer l'attention du lecteur sur une exception importante au principe consacré à l'article 6, 1., du Règlement Bruxelles Ibis, à propos des défendeurs domiciliés en dehors de l'UE. Cette modification fut toutefois abandonnée. Le règlement (UE) n° 542/2014 contient certes un considérant qui souligne cette extension des règles de compétence du Règlement Bruxelles Ibis aux défendeurs domiciliés en dehors de l'UE [114], mais ce considérant ne se retrouve pas dans le Règlement Bruxelles Ibis lui-même.

Cette manière de procéder, combinée au fait que la modification en question se retrouve à la fin du Règlement Bruxelles Ibis, au milieu d'un chapitre dont l'intitulé (« Relations avec les autres instruments ») ne laisse pas présager la présence d'une règle de compétence dérogatoire à l'un des principes fondamentaux du Règlement Bruxelles Ibis, ne contribue pas à la lisibilité de ce règlement. Ce manque de transparence a déjà été critiqué par la doctrine [115].

39.Il convient à présent de s'interroger sur l'impact pratique de cette nouvelle règle de compétence pour les litiges soumis à la compétence matérielle de la JUB et d'identifier les chefs de compétence qui seront effectivement concernés. En effet, bien que toutes les règles de compétence du Règlement Bruxelles Ibis soient rendues applicables aux litiges impliquant des défendeurs domiciliés en dehors de l'UE, l'impact pratique de ce changement est relativement limité en matière de brevets.

D'une part, il est évident que la pierre angulaire du chapitre II du Règlement Bruxelles Ibis, à savoir la règle selon laquelle les personnes domiciliées sur le territoire d'un État membre sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet État membre [116], ne peut pas trouver application à l'égard d'un défendeur qui, précisément, n'est pas domicilié sur le territoire d'un État membre.

D'autre part, la règle de l'article 71ter, 2., alinéa 1er, s'applique uniquement dans la mesure où le Règlement Bruxelles Ibis ne confère pas autrement de compétence à la JUB à l'égard du défendeur concerné. Elle est donc sans influence sur les situations dans lesquelles la compétence internationale de la JUB pouvait déjà être établie sur la base d'autres dispositions du règlement, malgré le domicile du défendeur à l'étranger. Au moins une disposition, d'une importance pratique considérable en matière de brevets, est concernée. Il s'agit de l'article 24, 4., du Règlement Bruxelles Ibis, qui prévoit, en matière de validité des brevets, que la question soit soulevée par voie d'action ou d'exception [117], la compétence exclusive des juridictions de l'État membre du dépôt ou de l'enregistrement, sans considération de domicile des parties.

Il en va de même de la compétence des juridictions désignées par une clause d'élection de for, par exemple dans un contrat de licence. Cette compétence est exclusive (sauf convention contraire) et vaut également sans considération de domicile des parties [118]. Compte tenu de l'étendue limitée de la compétence matérielle de la JUB en matière contractuelle, les cas d'application de cette règle de compétence internationale à la JUB, seront probablement peu nombreux.

D'autres règles de compétence du chapitre II du Règlement Bruxelles Ibis s'appliquent, elles aussi, sans considération du domicile du défendeur [119]. Leur intérêt pratique en matière de brevet est toutefois quasiment inexistant.

40.En définitive, devant la JUB, l'extension des règles de compétence ordinaires du Règlement Bruxelles Ibis aux défendeurs domiciliés en dehors de l'UE concernera essentiellement la règle de compétence prévue en matière délictuelle ou quasi délictuelle en faveur des juridictions du lieu où le fait dommageable s'est produit ou risque de se produire, dont l'application requiert normalement que le défendeur soit domicilié sur le territoire d'un État membre [120].

Ainsi, par exemple, un défendeur japonais pourra être attrait devant la JUB pour la contrefaçon d'un brevet européen (avec ou sans effet unitaire) lorsque la contrefaçon aura eu lieu sur le territoire de l'un des États membres ayant ratifié l'accord JUB, sans nécessité de devoir s'appuyer en outre sur le droit international privé national de l'un de ces États membres.

D'autres règles de compétence susceptibles de jouer un rôle dans des litiges en matière de brevets sont également touchées, notamment celles fondées sur le lieu d'exécution d'une obligation contractuelle (art. 7, 1)), sur le domicile d'un codéfendeur (art. 8, 1)), voire sur le lieu de comparution du défendeur (art. 26). Il en va de même de la possibilité de demander des mesures provisoires ou conservatoires dans n'importe quel État membre dont la loi prévoit ces mesures, et ce même si les juridictions d'un autre État membre sont compétentes pour connaître du fond (art. 35). Ces règles devraient toutes pouvoir être appliquées pour établir la compétence de la JUB à l'égard de défendeurs étrangers.

41.Il ne peut évidemment être exclu que, dans certaines hypothèses, l'application du droit international privé de l'un des États membres ayant institué la JUB, voire de chacun de ces États membres, aurait mené à une solution identique à celle prévue par le Règlement Bruxelles Ibis. Il n'en reste pas moins que l'article 71ter, 2., alinéa 1er simplifie incontestablement les choses puisque, d'une part, il évite de devoir déterminer le droit national applicable et, d'autre part, il instaure un régime uniforme.

VI.2. Mesures provisoires et conservatoires

42.Conformément à l'article 35 du Règlement Bruxelles Ibis, les mesures provisoires ou conservatoires prévues par la loi d'un État membre peuvent être demandées aux juridictions de cet État, même si les juridictions d'un autre État membre sont compétentes pour connaître du fond. En matière de brevets, la Cour de justice a eu l'occasion de se prononcer sur la relation entre cette disposition [121] et l'article 24, 4), du Règlement Bruxelles Ibis [122], qui prévoit, comme déjà évoqué ci-dessus, une règle de compétence exclusive en matière d'inscription ou de validité des brevets au profit des juridictions de l'État membre sur le territoire duquel le dépôt ou l'enregistrement a été demandé, a été effectué ou est réputé avoir été effectué aux termes d'un instrument communautaire ou d'une convention internationale. Dans un arrêt du 12 juillet 2012, la Cour de justice a considéré que l'article 24, 4), du Règlement Bruxelles Ibis [123] ne s'oppose pas à ce que des mesures provisoires ou conservatoires soient ordonnées en application de l'article 35, même lorsque l'invalidité du brevet européen a été soulevée, à titre incident, comme moyen de défense contre l'adoption de telles mesures [124]. On sait toutefois que l'octroi de mesures provisoires ou conservatoires a également été soumis, par la Cour de justice, à des conditions visant à limiter le recours abusif à cette disposition [125].

La règle de compétence prévue à l'article 35 du Règlement Bruxelles Ibis s'applique à la JUB en vertu de l'article 71ter, 2., alinéa 1er, discuté ci-dessus. Elle vise toutefois uniquement la situation dans laquelle les juridictions compétentes au fond sont celles d'un autre État membre. L'apport du nouvel article 71ter, 2., alinéa 2, est d'étendre la compétence de la JUB en lui permettant d'ordonner des mesures provisoires ou conservatoires, même lorsque les juridictions compétentes pour connaître du fond du litige sont celles d'un État tiers, à savoir un État non-membre de l'UE [126].

Bien que l'article 71ter, 2., alinéa 2, ne soit pas explicitement limité aux mesures demandées à l'encontre de défendeurs domiciliés en dehors de l'UE, il nous semble qu'en pratique, son intérêt est limité à cette seule hypothèse puisque si le défendeur est domicilié sur le territoire d'un État membre, les juridictions d'au moins un État membre (celui du domicile de ce défendeur) seront compétentes pour connaître du fond, de sorte que la règle générale inscrite à l'article 35 s'appliquera sans qu'il soit requis de recourir à celle contenue à l'article 71ter, 2., alinéa 2 [127]. C'est sans doute ce qui explique que cette disposition ait été insérée à la suite de l'article 71ter, 2., alinéa 1er, qui concerne uniquement les défendeurs domiciliés en dehors de l'UE.

À titre d'exemple, il semble que l'article 71ter, 2., alinéa 2, du Règlement Bruxelles Ibis permettra au titulaire d'un brevet européen en vigueur en Turquie de demander à la JUB des mesures provisoires d'interdiction de la contrefaçon de la partie turque dudit brevet, même si les juridictions turques sont seules compétentes pour connaître du fond de ce litige.

VI.3. Compétence additionnelle relative aux préjudices causés à l'extérieur de l'UE

43.Le nouvel article 71ter contient, en son point 3., une règle de compétence additionnelle. Celle-ci constitue sans doute l'aspect le plus controversé du règlement (UE) n° 542/2014. L'article 71ter, 3., prévoit qu'une fois la compétence de la JUB établie à l'égard d'un défendeur au titre du point 2., dans un litige relatif à une contrefaçon de brevet européen ayant entraîné des préjudices à l'intérieur de l'Union, cette juridiction peut également exercer sa compétence à l'égard des préjudices entraînés par cette contrefaçon à l'extérieur de l'Union. Il est précisé que cette compétence ne peut être établie que si des biens appartenant au défendeur [128] sont situés dans un État membre partie à l'accord JUB et si le litige présente un lien suffisant avec un tel État membre [129]. Bien que cela ne ressorte pas clairement de la formulation de cette disposition, l'État membre avec lequel le litige présente un lien suffisant doit être le même que celui dans lequel sont situés les biens du défendeur.

Selon le considérant n° 7 du règlement (UE) n° 542/2014, le lien exigé par cette disposition entre le litige et l'État membre dans lequel se situent les biens du défendeur pourrait être suffisant, par exemple, lorsque le demandeur est domicilié dans l'État membre où les biens sont situés ou lorsque les éléments de preuve relatifs au litige y sont disponibles. Selon ce même considérant, la JUB devrait tenir compte, lorsqu'elle établit sa compétence, de la valeur des biens en question, qui ne devrait pas être dérisoire et devrait être telle qu'elle permette, au moins en partie, l'exécution de la décision dans les États membres parties à l'accord JUB [130].

On sera attentif au caractère discrétionnaire de cette compétence. Lorsque les conditions de sa mise en oeuvre seront remplies, la JUB pourra encore décider de l'exercer ou non, comme en atteste l'usage du mot « peut » à l'article 71ter, 3.

44.Le considérant n° 7 du règlement (UE) n° 542/2014 qualifie la compétence prévue à l'article 71ter, 3., de « subsidiaire ». De fait, elle est subsidiaire en ce sens qu'elle ne s'applique que dans l'hypothèse visée à l'article 71ter, 2., du Règlement Bruxelles Ibis, à savoir lorsque le défendeur n'est pas domicilié dans un État membre de l'UE et que le Règlement Bruxelles Ibis ne confère pas autrement de compétence à son égard. On notera toutefois que l'article 71ter, 3., ne contient pas de fondement indépendant de compétence internationale, puisque précisément, il ne s'applique que lorsque la compétence internationale de la JUB est déjà établie au titre du point 2. En cela, il diffère sensiblement de la disposition initialement proposée par la Commission.

La proposition initiale de la Commission prévoyait une véritable règle de compétence subsidiaire, destinée à venir s'ajouter aux règles prévues au chapitre II du règlement et à s'appliquer précisément dans l'hypothèse où les règles du chapitre II n'auraient permis d'établir la compétence d'aucune juridiction nationale. Il était prévu que, dans un tel cas, le défendeur non domicilié sur le territoire d'un État membre aurait malgré tout pu être attrait devant la JUB, à condition qu'il possède des biens dans un État membre partie à l'accord JUB, que la valeur desdits biens ne soit pas insignifiante par rapport à celle de la créance et que le litige revête un lien suffisant avec l'État membre partie à l'accord JUB. L'utilité pratique limitée et, pour le reste, le caractère excessif de cette proposition ont été mis en évidence par la doctrine [131], de sorte que cette proposition n'a pas été retenue. On verra toutefois que, si le texte finalement adopté présente l'avantage d'être plus modéré, il est malheureusement peu clair [132].

45.Avant d'aborder l'examen du mécanisme mis en place par l'article 71ter, 3., il convient d'en souligner le champ d'application limité.

Premièrement, cette règle s'applique uniquement lorsque la JUB est compétente à l'égard d'un défendeur au titre du 2., à savoir un défendeur qui n'est pas domicilié dans un État membre de l'UE. À l'inverse, lorsque le défendeur est domicilié dans l'UE, toute application de l'article 71ter, 3., est exclue.

Deuxièmement, la contrefaçon mise en cause doit avoir causé un dommage à l'intérieur de l'UE. À défaut de dommage à l'intérieur de l'UE, toute compétence de la JUB à l'égard de préjudices entraînés par la contrefaçon en dehors du territoire de l'UE est exclue.

Troisièmement, il est clair que la règle de compétence prévue à l'article 71ter, 3., ne concerne que les juridictions communes, et pas les situations dans lesquelles les juridictions nationales d'un État membre sont compétentes en vertu des règles de compétence ordinaires du Règlement Bruxelles Ibis. La précision est importante car elle signifie que, pendant la période transitoire prévue à l'article 83 de l'accord JUB, les juridictions nationales et la JUB pourraient ne pas être sur pied d'égalité [133]. Cette considération pourrait, parmi d'autres, jouer un rôle dans le choix des titulaires de brevets européens de procéder ou non à un opt-out. Cette crainte doit toutefois être nuancée, compte tenu de l'impact pratique limité de l'article 71ter, 3.

46.En principe, un dommage subi en dehors de l'UE et qui est la conséquence d'une contrefaçon commise dans un État ayant ratifié l'accord JUB relève déjà, en tant que tel, de la compétence de la JUB, de sorte que les conséquences pratiques de l'article 71ter, 3., ne sont, à première vue, pas claires.

Un premier impact pratique de cette disposition pourrait être d'évacuer toute discussion quant à la portée de l'article 7, 2., du Règlement Bruxelles Ibis, spécialement quant à l'étendue de la compétence conférée aux juridictions de l'État membre du lieu de l'événement causal qui est à l'origine du dommage [134]. Désormais, dès lors que cet événement causal survient sur le territoire d'un pays membre de l'UE ayant ratifié l'accord JUB, il ne fera aucun doute que la JUB sera compétente pour l'ensemble du dommage causé au breveté, même en dehors de l'UE.

Il nous semble toutefois que tel était déjà le cas [135]. La jurisprudence de la Cour de justice ne limite pas l'étendue du dommage réparable devant les juridictions du lieu de l'événement causal au dommage subi dans l'UE.

En outre, dans la mesure où l'article 71ter, 3., soumet cette compétence à des conditions supplémentaires, cette interprétation mènerait au résultat peu souhaitable que la protection dont bénéficiaient déjà les titulaires de brevets européens vis-à-vis des défendeurs domiciliés en dehors de l'UE serait amoindrie. En ce qui concerne les préjudices entraînés par la contrefaçon en dehors de l'UE, la compétence de la JUB à l'égard des défendeurs domiciliés en dehors de l'UE serait en effet soumise à la condition supplémentaire que des biens appartenant au défendeur soient situés dans un État membre ayant ratifié l'accord JUB et que le litige présente un lien suffisant avec cet État membre.

47.Un second impact pratique possible de cette disposition concerne l'hypothèse où la compétence internationale est établie en matière délictuelle ou quasi-délictuelle non pas sur la base du lieu de l'événement causal qui est à l'origine du dommage, mais bien sur la base du lieu de la matérialisation du dommage. Dans ce cas, la compétence de la JUB est en principe limitée au dommage causé dans l'État membre concerné [136], de sorte que le mécanisme de l'article 71ter, 3., pourrait trouver son utilité [137]. Il n'est toutefois pas facile d'identifier un cas d'application. Cette hypothèse implique en effet que l'événement causal qui est à l'origine du dommage se situe en dehors du territoire des États membres ayant ratifié l'accord JUB. Deux hypothèses nous semblent pouvoir être envisagées.

Premièrement, on peut envisager l'hypothèse de la contrefaçon de la partie nationale d'un brevet européen classique sur le territoire d'un État membre de la Convention de Munich, mais qui n'est pas membre de l'UE (p. ex., la Turquie, la Norvège ou encore la Serbie [138]) ou sur le territoire d'un État membre de l'UE n'ayant pas ratifié l'accord JUB. Encore faudrait-il, en ce cas, que la compétence de la JUB soit établie sur la base du lieu de la matérialisation du dommage. Or, la jurisprudence de la Cour de justice s'oppose, en cas d'atteinte à un droit de propriété intellectuelle dont la protection est limitée au territoire de l'État membre de l'enregistrement, à ce que le lieu de la matérialisation du dommage puisse être un État membre différent de l'État membre d'enregistrement [139]. En outre, il est peu probable que les États membres parties à l'accord JUB aient souhaité que la JUB soit compétente pour connaître de la contrefaçon de la partie nationale d'un brevet européen classique se rattachant à un État qui n'est pas partie à l'accord JUB. Il semble dès lors que la compétence de la JUB ne puisse pas être établie dans cette hypothèse, ce qui exclut toute application de l'article 71ter, 3.

Cette hypothèse de la contrefaçon d'un brevet européen classique dans un État membre de la Convention de Munich n'ayant pas ratifié l'accord JUB a toutefois retenu l'attention de la doctrine. L'exemple a été donné d'un défendeur chinois, contrefacteur d'un brevet européen en vigueur en France, en Allemagne, au Royaume-Uni et en Turquie [140]. Selon cette doctrine, l'article 71ter, 3., aurait pour objet de permettre au titulaire du brevet en question d'attraire ce défendeur chinois devant la JUB pour obtenir non seulement la réparation du dommage causé par la contrefaçon en France, en Allemagne, au Royaume-Uni, mais également la réparation du dommage subi en Turquie (à condition bien entendu que, conformément à l'art. 71ter, 3., des biens appartenant au défendeur chinois soient situés sur le territoire d'un des États membres ayant ratifié l'accord JUB et que le litige ait un lien suffisant avec cet État membre). À première vue, cet exemple nous paraît omettre une donnée du problème, à savoir la règle selon laquelle, une fois délivré, un brevet européen est en principe soumis au même régime qu'un brevet national dans chacun des États désignés par ce brevet [141], de sorte que la contrefaçon de ce brevet européen doit être examinée pays par pays [142]. Or, la compétence conférée par l'article 71ter, 3., à l'égard des préjudices subis en dehors de l'UE est limitée aux préjudices entraînés « par cette contrefaçon », à savoir la contrefaçon ayant entraîné des préjudices à l'intérieur de l'UE. Peut-on considérer, dans l'exemple visé ci-dessus, que ce soit la contrefaçon des parties française, allemande ou britannique du brevet européen qui ait entraîné des préjudices en Turquie, ou doit-on plutôt considérer que les préjudices subis en Turquie ont été entraînés par une contrefaçon distincte dans ce pays (et à propos de laquelle la JUB n'est pas compétente)? Nous penchons pour la deuxième solution. Or, si l'on admet cela, il s'en suit que l'article 71ter, 3., ne peut trouver application dans l'exemple commenté, puisque les préjudices entraînés en dehors de l'UE (en Turquie) ne l'ont pas été par la même contrefaçon que celle ayant entraîné des préjudices à l'intérieur de l'UE (en France, en Allemagne ou au Royaume-Uni). À moins de considérer que cette disposition viserait uniquement les préjudices qui sont subis à l'extérieur de l'UE et qui sont en lien causal avec la contrefaçon commise à l'intérieur de l'UE, indépendamment de tout acte de contrefaçon à l'extérieur de l'UE. Dans ce dernier cas, toutefois, et comme déjà évoqué ci-dessus, il nous paraît que la JUB était déjà compétente, indépendamment de l'article 71ter, 3., et ce non seulement pour les préjudices subis dans les États membres de la Convention de Munich n'ayant pas ratifié l'accord JUB, mais également dans le reste du monde. Il ne peut toutefois être exclu que les rédacteurs du règlement (UE) n° 542/2014 n'aient pas vu ce problème et qu'ils aient voulu, malgré les termes de l'article 71ter, 3., couvrir l'hypothèse discutée.

Deuxièmement, on peut penser, par exemple, à la contrefaçon de la partie belge d'un brevet européen classique [143] ou à la contrefaçon d'un brevet européen à effet unitaire, mais qui trouverait son origine en dehors du territoire des États membres de l'UE ayant ratifié l'accord JUB, par exemple en Espagne, en Pologne ou en dehors de l'UE. Ceci implique d'accepter qu'une distinction soit possible, en matière de contrefaçon de brevet, entre le lieu de l'événement causal et celui de la matérialisation du dommage. Cette distinction ne semble pas exclue par la jurisprudence de la Cour de justice en matière de compétence internationale. En effet, si la jurisprudence de la Cour de justice s'oppose, en cas d'atteinte à un droit de propriété intellectuelle soumis à enregistrement, à ce que le lieu de la matérialisation du dommage puisse être localisé dans un État membre différent de l'État membre d'enregistrement, elle ne nous semble pas s'opposer à ce que le lieu de l'événement causal soit situé en dehors de l'État membre d'enregistrement. Bien que ce point soit discutable, compte tenu du principe de territorialité applicable en matière de droits intellectuels, la Cour de justice semble avoir laissé cette possibilité ouverte, notamment en matière de droit d'auteur [144]. Cela étant, si, ce faisant, on pouvait aboutir à une extension de la compétence de la JUB à des actes commis en dehors du territoire couvert par le brevet en question, on reste dubitatif quant au fondement d'une telle action.

Enfin, on observera que lorsque la compétence de la JUB sera ainsi établie sur la base du lieu de la matérialisation du dommage, le breveté pourra obtenir la réparation de tous les dommages entraînés par la contrefaçon en dehors de l'Union, mais pas des dommages éventuellement entraînés par cette contrefaçon dans d'autres États membres de l'UE, à défaut de compétence fondée sur le lieu de l'événement causal qui est à l'origine du dommage, ce qui paraît assez peu logique.

VII. Litispendance et connexité

48.Les règles en matière de litispendance et de connexité contenues dans le Règlement Bruxelles Ibis visent à réduire autant que possible la possibilité de procédures concurrentes et d'éviter que des décisions inconciliables soient rendues dans différents États membres [145]. Les articles 29 à 32 du Règlement Bruxelles Ibis s'appliquent aux situations dans lesquelles des demandes identiques ou connexes sont pendantes devant des juridictions de différents États membres, tandis que les articles 33 et 34 visent les situations dans lesquelles l'une des juridictions saisies est localisée dans un État tiers. Compte tenu de la nature particulière de la JUB et, plus spécifiquement, du régime transitoire prévu dans le cadre de l'accord JUB, des règles particulières en matière de litispendance et de connexité ont été insérées dans le Règlement Bruxelles Ibis.

49.D'une part, il est prévu que les règles applicables aux conflits entre les juridictions de deux États membres sont étendues aux situations dans lesquelles des demandes identiques ou connexes sont formées à la fois devant la JUB et devant une juridiction d'un État membre non partie à l'accord JUB (art. 71quater, 1.). Cette solution est assez logique. Elle n'appelle pas davantage de commentaires.

50.D'autre part, il est également apparu nécessaire de régler une situation particulière, qui concerne uniquement la JUB. Comme évoqué plus haut, l'accord JUB prévoit une période transitoire de minimum 7 ans durant laquelle, selon l'interprétation la plus généralement admise, une action en contrefaçon ou en nullité d'un brevet européen classique (ou d'un certificat complémentaire de protection basé sur un tel brevet) pourra encore être engagée soit devant la JUB soit devant les juridictions ou autorités nationales compétentes. Cette compétence concurrente pose immédiatement la question des procédures engagées successivement devant la JUB et ensuite devant les juridictions d'un État membre, et vice versa. Il a dès lors été prévu que les règles applicables au conflit entre les juridictions de deux États membres sont également étendues à ces situations (art. 71quater, 2.). On notera que, contrairement à la règle prévue au point 1. de l'article 71quater, cette règle ne vise qu'une situation provisoire puisqu'au terme de la période transitoire, la compétence concurrente de la JUB et des juridictions nationales disparaîtra, de sorte que les actions visées ci-dessus devront nécessairement être engagées devant la JUB [146].

On rappellera que les règles de compétence interne à la JUB ne sont pas des règles de compétence internationale, de sorte que les règles précitées ne s'appliquent pas aux procédures pouvant être engagées devant différentes divisions de la JUB. Ces situations sont réglées par l'accord JUB lui-même [147].

51.Si les règles exposées ci-dessus paraissent assez simples, elles sont néanmoins susceptibles de mener à des problèmes complexes dans la pratique, en particulier durant la période transitoire prévue par l'accord JUB.

Imaginons qu'une action en nullité (d'une partie nationale) d'un brevet européen classique soit engagée devant une juridiction nationale et que le breveté réagisse en introduisant une action en contrefaçon de ce même brevet européen devant la JUB. En principe, cette action en contrefaçon visera la contrefaçon dans l'ensemble des États membres parties à l'accord JUB et dans lesquels le brevet européen produit ses effets (nationaux). À tout le moins, la décision de la JUB couvrira-t-elle le territoire de tous ces États membres [148]. Si, dans le cadre d'une telle procédure devant la JUB, le défendeur introduit une action reconventionnelle en nullité du brevet, il se créera une litispendance avec l'action précédemment introduite devant la juridiction nationale, mais uniquement, en principe, sur la question de la validité de la partie nationale du brevet européen qui est attaquée devant la juridiction nationale [149]. En ce cas, en vertu de l'article 29 du Règlement Bruxelles Ibis, la JUB devra se dessaisir en faveur de la juridiction nationale dès le moment où la compétence de cette dernière est établie.

Cette situation pose toutefois deux problèmes.

Tout d'abord, s'il est vrai que la JUB serait dessaisie de l'action en nullité, elle ne le serait pas de la demande en contrefaçon fondée sur la partie nationale du brevet européen en question. En raison de cette « bifurcation », il est théoriquement concevable que la JUB établisse la contrefaçon (d'une partie nationale) d'un brevet européen, laquelle pourrait être ultérieurement déclarée nulle dans le cadre de la procédure nationale. Il est vrai que ce risque existe aussi au sein même de la JUB, en raison de la répartition interne des compétences prévue à l'article 33 de l'accord JUB, mais diverses dispositions, notamment dans le projet de règlement de procédure, visent précisément à limiter autant que possible de telles situations [150]. De tels garde-fous ne sont, en revanche, pas prévus dans le cas d'une procédure nationale concurrente, si ce n'est la possibilité pour la JUB de surseoir à statuer dans « tout autre cas où la bonne administration de la justice l'exige » [151].

D'autre part, il faut tenir compte de l'article 34 de l'accord JUB, lequel prévoit que les décisions de la JUB couvrent, dans le cas d'un brevet européen classique, le territoire des États membres contractants pour lesquels le brevet produit ses effets. Bien que cette disposition ne soit pas une règle de compétence, il n'est pas certain que, compte tenu de ses effets dans la pratique, un dessaisissement limité à la question de la validité d'une partie nationale déterminée d'un brevet européen, soit possible. En outre, à supposer que la JUB se dessaisisse de l'action en nullité en tant qu'elle concerne cette partie nationale du brevet européen, la décision qu'elle rendra à propos des autres parties nationales du brevet européen s'étendra, en principe, automatiquement à la partie nationale du brevet européen concernée par la procédure nationale antérieure, toujours en vertu du même article 34. On peut dès lors se demander si cette procédure nationale antérieure n'empêche pas de facto la JUB de se prononcer sur l'ensemble de la demande reconventionnelle en nullité du brevet et ne l'oblige à surseoir à statuer [152]. Une manière pour la personne attaquée en contrefaçon devant la JUB de résoudre cette difficulté procédurale serait, dans ce cas, de se désister de la procédure engagée devant la juridiction nationale avant d'introduire son action reconventionnelle en nullité devant la JUB. Un tel désistement ne sera toutefois pas toujours dans son intérêt. En outre, cette solution pratique relativise la possibilité pour une personne suspectée de contrefaçon d'engager préventivement une action en nullité devant les juridictions nationales, alors même que le régime transitoire prévu par l'accord JUB semblait vouloir placer la JUB et les juridictions nationales sur pied d'égalité.

Des questions similaires se posent si la personne suspectée de contrefaçon prend l'initiative d'introduire devant une juridiction nationale une action en constatation de non-contrefaçon d'une partie nationale d'un brevet européen [153]. Le sort de l'action en contrefaçon introduite subséquemment devant la JUB par le breveté reste en ce cas incertain. En principe, la JUB devrait se dessaisir dans cette hypothèse de l'action en contrefaçon, mais uniquement pour autant qu'elle vise le territoire de l'État membre dans lequel la procédure antérieure a été engagée, puisque la litispendance ne concerne que cette « partie » de l'action subséquente. Il est toutefois douteux, ici encore, compte tenu des effets de l'article 34 de l'accord JUB, qu'un tel découpage soit permis, voire même possible [154]. D'un autre côté, admettre que l'action en déclaration d'absence de contrefaçon, même si elle a été introduite antérieurement, puisse empêcher au breveté tout accès ultérieur à la JUB pourrait paraître excessif. Cette question n'est toutefois pas réglée par le Règlement Bruxelles Ibis.

Ces différents exemples accentuent la nécessité déjà évoquée plus haut, pour les titulaires de brevets européens classiques, d'envisager attentivement la possibilité d'un opt-out, qui leur permettrait d'éviter ce type de problèmes.

VIII. Exécution des décisions

52.Les États membres de l'UE n'ont pas tous signé l'accord JUB [155]. En outre, il n'est pas certain que tous les États membres qui l'ont signé, le ratifieront [156]. Par ailleurs, il faut tenir compte du fait que, si l'accord JUB entre en vigueur, certains États membres le ratifieront sans doute après cette entrée en vigueur [157]. Les situations seront dès lors nombreuses dans lesquelles des décisions rendues par la JUB devront être reconnues et exécutées dans un État membre qui n'est pas partie à l'accord JUB ou dans lesquelles, à l'inverse, des décisions rendues par les juridictions d'un État membre non partie à l'accord JUB devront être reconnues et exécutées dans un État membre qui en est partie. Sans surprise, l'article 71quinquies prévoit que le Règlement Bruxelles Ibis s'applique à ces situations (al. 1er). Par ailleurs, pour la reconnaissance et l'exécution des décisions rendues par la JUB dans un État membre partie à l'accord JUB, ce sont les règles prévues dans cet accord qui s'appliquent (al. 2).

À cet égard, l'accord JUB prévoit que les décisions et ordonnances de la JUB sont exécutoires dans tout État membre contractant et que les procédures d'exécution sont régies par le droit de l'État membre contractant dans lequel l'exécution a lieu, sans préjudice de l'accord JUB et des statuts. Toute décision de la JUB est ainsi exécutée dans les mêmes conditions qu'une décision rendue dans l'État membre contractant dans lequel l'exécution a lieu [158].

IX. Conclusion

53.Le présent article ne fait qu'évoquer une partie des problèmes de droit international privé que causera inévitablement la mise en oeuvre du Règlement Bruxelles Ibis, tel que modifié par le règlement (UE) n° 542/2014. Il n'a pas vocation à l'exhaustivité sur ces aspects. Il permet toutefois un certain nombre de constats.

Un premier constat est celui de la complexité du système mis en place et de la nécessité de bien comprendre ce système avant d'examiner les questions de droit international privé qu'il ne manquera pas de susciter dès l'entrée en vigueur de l'accord JUB. En outre, une connaissance approfondie des règles de compétence internationale applicables à la JUB, et de leur interaction avec les règles de répartition interne des affaires entre les différentes divisions du tribunal de première instance de la JUB, sera un préalable indispensable à la définition de toute stratégie dans un litige impliquant un brevet européen (avec ou sans effet unitaire) ou un certificat complémentaire de protection lié à un tel brevet. Cette expertise, bien qu'indispensable, ne suffira toutefois pas à combler l'insécurité juridique causée par les divergences d'interprétation de l'article 83 de l'accord JUB relatif à la période transitoire, du moins pas avant que ces questions n'aient été tranchées par la Cour de justice.

Sur le fond, il convient de prendre acte de l'extension considérable du champ d'application des règles de compétence qui permettront d'établir la compétence internationale de la JUB. Bien qu'en pratique, sa portée sera plus limitée que ne le laisse présager une première lecture de l'article 71ter, 2., la suppression de l'exigence de domicile du défendeur sur le territoire d'un État membre de l'UE constitue une réforme majeure du Règlement Bruxelles Ibis, qui s'inscrit à contre-courant de la philosophie même de ce règlement.

Il convient de prendre acte également du manque de clarté de la règle permettant à la JUB d'exercer sa compétence à l'égard de préjudices entraînés, à l'extérieur de l'UE, par une contrefaçon de brevet européen ayant entraîné des préjudices à l'intérieur de l'UE lorsque la compétence de la JUB est établie à l'égard d'un défendeur étranger au titre de la règle de compétence subsidiaire de l'article 71ter, 2. L'insécurité juridique ainsi créée est regrettable.

En matière de litispendance et de connexité, bien que les modifications apportées au Règlement Bruxelles Ibis paraissent assez logiques à première vue, on s'aperçoit assez rapidement que plusieurs questions, qui seront d'une importance fondamentale pour la pratique des litiges en matière de brevets européens sans effet unitaire, n'ont pas été résolues. En particulier, l'impact de l'article 34 de l'accord JUB sur ces questions aurait dû être clarifié. Le règlement pèche ici par son silence.

Les différentes questions évoquées ci-dessus concernent notamment les brevets européens sans effet unitaire. On rappellera, à propos de ces brevets, qu'ils seront susceptibles de faire l'objet d'un opt-out durant la période transitoire prévue par l'accord JUB. Un tel opt-out permettra aux titulaires de ces brevets d'éviter les délicates questions de litispendance et de connexité qui se poseront durant la période transitoire. Parallèlement, un tel opt-out privera ces titulaires de la possibilité d'obtenir des mesures de cessation ou de réparation paneuropéennes [159]. En outre, il les privera de certains chefs de compétence prévus par le Règlement Bruxelles Ibis, au fond et au provisoire, au profit de la seule JUB. Ces éléments devront être pris en compte par les titulaires de brevets européens classiques au moment de décider de procéder ou non à une déclaration d'opt-out.

Des clauses d'élection de for, notamment dans le cadre de contrats de licence, pourraient, elles aussi, permettre d'éviter certains des problèmes évoqués ci-dessus. Il conviendra d'en tenir compte lors de la négociation de tels contrats, au même titre d'ailleurs que les nombreux autres aspects contractuels liés aux particularités du nouveau système [160].

Enfin, les modifications apportées au Règlement Bruxelles Ibis posent la question d'une réforme parallèle de la Convention de Lugano en vue d'assurer sa conformité avec le système mis en place. On l'a vu, une telle réforme n'est toutefois pas à l'ordre du jour.

[1] Le présent article reprend en partie, en y intégrant des réflexions complémentaires, un précédent article de l'auteur, coécrit avec E. Cornu, à paraître dans un ouvrage collectif reprenant les actes d'un colloque organisé le 27 mars 2015 par l'Union internationale des avocats (UIA) (voy. N. Van Crombrugghe (dir.), Le DIP au quotidien / IPR in het dagelijkse leven, Larcier, à paraître, pp. 53-73).
[2] Avocat au barreau de Bruxelles (Simont Braun) et chercheur associé au sein de l'Unité de droit économique de l'ULB.
[3] Pour un examen détaillé de ce système, voy. not. A. Braun et E. Cornu, Précis des marques, 5e éd., Larcier, 2009.
[4] Directive n° 89/104/CEE du Conseil du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des États membres sur les marques (J.O.C.E., n° L. 40 du 11 février 1989, p. 1), aujourd'hui abrogée et remplacée par la directive n° 2008/95/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2008 rapprochant les législations des États membres sur les marques (J.O.U.E., n° L. 299 du 8 novembre 2008, p. 25). Une réforme de la directive n° 2008/95/CE est actuellement en cours, de sorte qu'elle devrait elle-même être remplacée, dans un futur proche, par un nouveau texte (voy. la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil du 27 mars 2013 rapprochant les législations des États membres sur les marques (refonte), COM(2013) 162 final).
[5] Règlement (CE) n° 40/94 du Conseil du 20 décembre 1993 sur la marque communautaire (J.O.C.E., n° L. 11 du 14 janvier 1994, p. 1), aujourd'hui abrogé et remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil du 26 février 2009 sur la marque communautaire (J.O.U.E., n° L. 78 du 24 mars 2009, p. 1). Une réforme du règlement (CE) n° 207/2009 est actuellement en cours, de sorte qu'il devrait lui-même être remplacé, dans un futur proche, par un nouveau texte (voy. la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil du 27 mars 2013 modifiant le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil du 26 février 2009 sur la marque communautaire, COM(2013) 161 final).
[6] À ce sujet, voy. not. F. de Visscher, « La protection des dessins et modèles », in Guide juridique de l'entreprise, 2e éd., Kluwer, 2005, Titre X, Livre 98bis, p. 14.
[7] Directive n° 98/71/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 octobre 1998 sur la protection juridique des dessins ou modèles (J.O.C.E., n° L. 289 du 28 octobre 1998, p. 28).
[8] Règlement (CE) n° 6/2002 du Conseil du 12 décembre 2001 sur les dessins ou modèles communautaires (J.O.C.E., n° L. 3 du 5 janvier 2002, p. 1).
[9] Directive n° 92/100/CEE du Conseil du 19 novembre 1992 relative au droit de location et de prêt et à certains droits voisins du droit d'auteur dans le domaine de la propriété intellectuelle (J.O.C.E., n° L. 346 du 27 novembre 1992, p. 61), aujourd'hui abrogée et remplacée par la directive n° 2006/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relative au droit de location et de prêt et à certains droits voisins du droit d'auteur dans le domaine de la propriété intellectuelle (J.O.U.E., n° L. 376 du 27 décembre 2006, p. 28); directive n° 93/83/CEE du Conseil du 27 septembre 1993 relative à la coordination de certaines règles du droit d'auteur et des droits voisins du droit d'auteur applicables à la radiodiffusion par satellite et à la retransmission par câble (J.O.C.E., n° L. 248 du 6 octobre 1993, p. 15); directive n° 93/98/CEE du Conseil du 29 octobre 1993 relative à l'harmonisation de la durée de protection du droit d'auteur et de certains droits voisins (J.O.C.E., n° L. 290 du 24 novembre 1993, p. 9), aujourd'hui abrogée et remplacée par la directive n° 2006/116/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relative à la durée de protection du droit d'auteur et de certains droits voisins (J.O.U.E., n° L. 372 du 27 décembre 2006, p. 12); directive n° 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2001 sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information (J.O.C.E., n° L. 167 du 22 juin 2001, p. 10); directive n° 2012/28/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2012 sur certaines utilisations autorisées des oeuvres orphelines (J.O.U.E., n° L. 299 du 27 octobre 2012, p. 5); directive n° 2014/26/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 concernant la gestion collective du droit d'auteur et des droits voisins et l'octroi de licences multiterritoriales de droits sur des oeuvres musicales en vue de leur utilisation en ligne dans le marché intérieur (J.O.U.E., n° L. 84 du 20 mars 2014, p. 72).
[10] Règlement (CE) n° 2100/94 du Conseil du 27 juillet 1994 instituant un régime de protection communautaire des obtentions végétales (J.O.C.E., n° L. 227 du 1er septembre 1994, p. 1).
[11] Notamment, la Convention de Luxembourg sur le brevet communautaire, signée le 15 décembre 1975. Pour un aperçu plus complet de cette évolution historique, voy. not. P. Campolini, « Actualités en matière de brevets européen et unitaire », in B. Docquir (coord.), Actualités en droits intellectuels. L'intérêt de la comparaison, Bruylant, 2015, pp. 191-196.
[12] Art. 2, (2), de la Convention de Munich.
[13] La Croatie a depuis lors adhéré à l'Union européenne et ne participe pas encore à la coopération renforcée.
[14] Décision n° 2011/167/UE du Conseil du 10 mars 2011 autorisant une coopération renforcée dans le domaine de la création d'une protection par brevet unitaire, J.O.U.E., n° L. 76 du 22 mars 2011, p. 53.
[15] C.J.U.E., 16 avril 2013, affaires jointes C 274/11 et C 295/11.
[16] La proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil du 13 avril 2011 mettant en oeuvre la coopération renforcée dans le domaine de la création d'une protection par brevet unitaire, COM(2011) 215 final, et la proposition de règlement du Conseil du 13 avril 2011 mettant en oeuvre la coopération renforcée dans le domaine de la création d'une protection par brevet unitaire, en ce qui concerne les modalités applicables en matière de traduction, COM(2011) 216 final. L'élaboration de deux propositions distinctes s'explique par les procédures législatives distinctes prévues par l'art. 118 TFUE, d'une part, pour l'adoption de « mesures relatives à la création de titres européens pour assurer une protection uniforme des droits de propriété intellectuelle dans l'Union » et, d'autre part, pour l'adoption des « régimes linguistiques des titres européens ».
[17] Règlement (UE) n° 1257/2012 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2012 mettant en oeuvre la coopération renforcée dans le domaine de la création d'une protection unitaire conférée par un brevet, J.O.U.E., n° L. 361 du 31 décembre 2012, p. 1.
[18] Règlement (UE) n° 1260/2012 du Conseil du 17 décembre 2012 mettant en oeuvre la coopération renforcée dans le domaine de la création d'une protection unitaire conférée par un brevet, en ce qui concerne les modalités applicables en matière de traduction, J.O.U.E., n° L. 361 du 31 décembre 2012, p. 89.
[19] Art. 9, 1., g), du règlement n° 1257/2012.
[20] Art. 9, 1., a) et b), du règlement n° 1257/2012.
[21] Affaires C-146/13 et C-147/13.
[22] Il est souvent fait référence à cette juridiction, même en français, par son acronyme anglais « UPC » (pour « Unified Patent Court »).
[23] L'accord relatif à une juridiction unifiée du brevet, signé à Bruxelles le 19 février 2013 (voy. J.O.U.E., n° C. 175 du 20 juin 2013, p. 1).
[24] Pour un aperçu plus complet de ce système, voy. not. E. De Gryse et V. Vanovermeire, « Toekomstperspectieven voor de rechtshandhaving in het octrooirecht. De EU-verordeningen betreffende het octrooi met eenheidswerking en de creatie van het 'gemeenschappelijk octrooigerecht' », R.D.C., 2013, pp. 215-230 et P. Campolini, « Actualités en matière de brevets européen et unitaire », o.c., pp. 191-266.
[25] Art. 18, 2., al. 1er, du règlement (UE) n° 1257/2012 et art. 7, 2., du règlement (UE) n° 1260/2012.
[26] Plus précisément, l'art. 89, 1., de l'accord JUB prévoit que cet accord entrera en vigueur à la date la plus tardive de ces trois dates: soit le 1er janvier 2014 (cette date est déjà passée); soit le 1er jour du 4e mois après la date d'entrée en vigueur des modifications du règlement (UE) n° 1215/2012 portant sur le lien entre ce dernier et le présent accord (cette date est elle aussi déjà passée; les modifications en question - qui font l'objet du présent article - sont entrées en vigueur le 30 mai 2014); soit le 1er jour du 4e mois suivant celui du dépôt du 13e instrument de ratification ou d'adhésion à l'accord, y compris par les trois États membres dans lesquels le plus grand nombre de brevets européens produisaient leurs effets au cours de l'année précédant celle lors de laquelle la signature du présent accord a lieu (ces trois États membres étant l'Allemagne, la France et le Royaume-Uni).
[27] Voy. ses conclusions du 18 novembre 2014 dans l'affaire C-146/13, § 94.
[28] Cette ratification a été notifiée à la Commission européenne le 6 août 2013.
[29] Cette ratification a été notifiée à la Commission européenne le 14 mars 2014.
[30] Cette ratification a été notifiée à la Commission européenne le 5 juin 2014.
[31] Cette ratification a été notifiée à la Commission européenne le 6 juin 2014. Voy. la loi du 27 mai 2014 portant assentiment à l'accord relatif à une juridiction unifiée du brevet, fait à Bruxelles le 19 février 2013 (M.B., 9 septembre 2014, p. 71.163).
[32] Cette ratification a été notifiée à la Commission européenne le 20 juin 2014.
[33] Cette ratification a été notifiée à la Commission européenne le 9 décembre 2014.
[34] Cette ratification a été notifiée à la Commission européenne le 22 mai 2015.
[35] Cette ratification a été notifiée à la Commission européenne le 28 août 2015.
[36] Est considéré comme « État membre participant » au sens du règlement (UE) n° 1257/2012 tout État membre qui, au moment de la présentation de la demande d'effet unitaire du brevet européen en question, participe à la coopération renforcée mise en place par la décision n° 2011/167/UE ou a rejoint cette coopération renforcée ultérieurement (art. 2, a), du règlement (UE) n° 1257/2012). Les États membres participants sont actuellement au nombre de 25, à savoir tous les États membres de l'Union européenne, à l'exception de la Croatie, de l'Italie et de l'Espagne.
[37] Art. 18, 2., al. 2, du règlement (UE) n° 1257/2012.
[38] Voy. infra, II.6.
[39] Art. 1er, 2., et septième paragraphe, du préambule de l'accord JUB.
[40] Art. 21 et septième paragraphe, du préambule de l'accord JUB.
[41] Art. 1er, 2., et dixième paragraphe, du préambule de l'accord JUB.
[42] Art. 20 et dixième paragraphe, du préambule de l'accord JUB.
[43] Art. 21 et dixième paragraphe, du préambule de l'accord JUB. Ces garanties visent notamment à répondre aux critiques formulées par la C.J.U.E. dans son avis du 8 mars 2011 sur le projet d'accord sur la juridiction unifiée du brevet (C.J.U.E., 8 mars 2011, avis 1/09).
[44] Et critiqué également, entre autres, dans les milieux académiques: voy., p. ex., « Het UPC debat. Petitie van ruim 40 academici: The Union cannot be stripped of its powers by the Members States - the dangerous precedent of the patent package », B.I.E., 2015, pp. 103 et s.
[45] C.J.U.E., 5 mai 2015, C-146/13, § 39-53.
[46] Art. 32, 1., a), de l'accord JUB.
[47] Art. 32, 1., b), de l'accord JUB.
[48] Art. 32, 1., a), de l'accord JUB.
[49] Art. 32, 1., d) et e), de l'accord JUB.
[50] Art. 32, 1., c), de l'accord JUB.
[51] Les actions en dommages-intérêts ou en réparation découlant de la protection provisoire conférée par une demande de brevet européen publiée (art. 32, 1., f), de l'accord JUB), les actions relatives à l'utilisation de l'invention avant la délivrance du brevet ou au droit fondé sur une utilisation antérieure de l'invention (art. 32, 1., g), de l'accord JUB), les actions en réparation concernant les licences formées sur la base de l'article 8 du règlement (UE) n° 1257/2012 (art. 32, 1., h), de l'accord JUB) et les actions concernant les décisions prises par l'Office européen des brevets dans l'exercice des tâches visées à l'art. 9 du règlement (UE) n° 1257/2012 (art. 32, 1., i), de l'accord JUB).
[52] Pour un examen détaillé de ces chefs de compétence, voy. not. P. Campolini, « Actualités en matière de brevets européen et unitaire », o.c., pp. 221-222, n° 43.
[53] Art. 9, 5., de l'accord JUB.
[54] Art. 7, 1., de l'accord JUB.
[55] Art. 7, 3. et 5., de l'accord JUB.
[56] Les pays suivants envisagent de mettre en place sur leur territoire une ou plusieurs divisions locales: l'Allemagne, la France, le Royaume-Uni, la Belgique, les Pays-Bas, le Danemark, la Finlande, l'Autriche, l'Italie et l'Irlande. La création de divisions régionales a, quant à elle, été évoquée pour les groupes de pays suivants: la Suède, l'Estonie, la Lettonie et la Lituanie; la République tchèque et la Slovénie; et enfin la Grèce, Chypre, la Roumanie et la Bulgarie.
[57] Art. 7, 2., de l'accord JUB.
[58] Pour un aperçu plus complet de ces règles, voy. P. Campolini, « Actualités en matière de brevets européen et unitaire », o.c., pp. 222-228.
[59] Il en va de même des actions en dommages-intérêts ou en réparation découlant de la protection provisoire conférée par une demande de brevet européen publiée et des actions relatives à l'utilisation de l'invention avant la délivrance du brevet ou au droit fondé sur une utilisation antérieure de l'invention (art. 33, 1., al. 1er, de l'accord JUB).
[60] Art. 33, 1., al. 2, de l'accord JUB.
[61] Art. 33, 1., al. 3, de l'accord JUB.
[62] Art. 33, 1., al. 4, de l'accord JUB.
[63] Cette disposition vise également les actions en dommages-intérêts ou en réparation découlant de la protection provisoire conférée par une demande de brevet européen publiée, les actions relatives à l'utilisation de l'invention avant la délivrance du brevet ou au droit fondé sur une utilisation antérieure de l'invention et les actions en réparation concernant une licence formée sur la base de l'art. 8 du règlement (UE) n° 1257/2012.
[64] Art. 33, 2., al. 1er, de l'accord JUB.
[65] Art. 33, 2., al. 3, de l'accord JUB.
[66] Art. 33, 3., de l'accord JUB.
[67] Art. 33, 4., de l'accord JUB.
[68] Cette dernière condition est implicitement requise par l'art. 33, 5., et explicitement reprise par la règle 70(3) du 18e projet de règlement de procédure. Il en ressort qu'en l'absence de demande reconventionnelle en nullité dans le cadre de la procédure en contrefaçon, l'action en nullité et l'action en contrefaçon suivront leur cours indépendamment l'une de l'autre. En cas de demande reconventionnelle en nullité, la règle 118(3) du 18e projet de règlement de procédure prévoit que la division locale ou régionale saisie de l'action en contrefaçon peut soit rendre sa décision au fond, y compris ses dispositions contraignantes, à condition que le brevet ne soit pas déclaré entièrement ou partiellement nul par la décision définitive dans la procédure en nullité, soit surseoir à statuer. En cas de forte probabilité que le brevet soit déclaré nul dans la procédure en nullité, ladite règle impose un sursis à statuer.
[69] Art. 33, 5., de l'accord JUB.
[70] Art. 33, 6., de l'accord JUB.
[71] Voy. l'annexe II à l'accord JUB. Ces catégories sont issues de la classification internationale mise en place par l'arrangement de Strasbourg du 24 mars 1971 concernant la classification internationale des brevets.
[72] Art. 3, c), de l'accord JUB, lu en combinaison avec l'art. 2, e), et avec l'art. 32, 1., a), b), c), d), e) et g), de ce même accord.
[73] Art. 3, b), de l'accord JUB, lu en combinaison avec l'art. 2, h), et avec l'art. 32, 1., a), b), c), d), e) et g), de ce même accord.
[74] Art. 3, d), de l'accord JUB, lu en combinaison avec l'art. 32, 1., f), de ce même accord.
[75] Art. 32, 2., de l'accord JUB.
[76] Art. 83, 1. et 5., de l'accord JUB.
[77] Les actions en constatation de non-contrefaçon, les actions visant à obtenir des mesures provisoires et conservatoires et des injonctions, les actions en dommages-intérêts ou en réparation découlant de la protection provisoire conférée par une demande de brevet européen publiée et les actions relatives à l'utilisation de l'invention avant la délivrance du brevet ou au droit fondé sur une utilisation antérieure de l'invention. Les autres actions visées à l'art. 32, 1., de l'accord JUB concernent les brevets européens à effet unitaire et ne sont donc pas concernées par la période transitoire.
[78] Voy. not. S. Luginbuehl et D. Stauder, « Die Anwendung der revidierten Zuständigkeitsregeln nach der Brüssel I-Verordnung auf Klagen in Patentsachen », G.R.U.R. Int., 2014, p. 889.
[79] En ce sens, voy. la note interprétative du comité préparatoire de la JUB du 29 janvier 2014, intitulée « Interpretative note - Consequences of the application of Article 83 UPCA » et disponible sur internet à l'adresse suivante: www.unified-patent-court.org/news/71-interpretative-note-consequences-of-the-application-of-article-83-upca. Voy. égal. P. Campolini, « Actualités en matière de brevets européen et unitaire », o.c., p. 257, n° 108 et S. Luginbuehl et D. Stauder, « Die Anwendung der revidierten Zuständigkeitsregeln nach der Brüssel I-Verordnung auf Klagen in Patentsachen », o.c., p. 889.
[80] Art. 83, 5., de l'accord JUB.
[81] Art. 83, 3., de l'accord JUB.
[82] Art. 83, 4., de l'accord JUB.
[83] Voy. les questions et réponses publiées sur le site Internet édité par le comité préparatoire de la JUB (www.unified-patent-court.org/about-the-upc/17-category-d/25-opt-out-scheme).
[84] Voy. la règle 5.1(c), du 18e projet de règlement de procédure.
[85] En ce sens, voy. S. Luginbuehl et D. Stauder, « Die Anwendung der revidierten Zuständigkeitsregeln nach der Brüssel I-Verordnung auf Klagen in Patentsachen », o.c., p. 889.
[86] Pour une présentation détaillée (et critique) de cette interprétation de l'art. 83, voy. A. Johnson, « Looking forward: a user perspective », in J. Pila et Ch. Wadlow (éds.), The Unitary EU Patent System, 2015, Oxford, Hart Publishing, pp. 181-184.
[87] Règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, J.O.U.E., n° L. 351 du 20 décembre 2012, p. 1.
[88] A. Johnson, « Looking forward: a user perspective », o.c., pp. 183-184.
[89] Convention concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, conclue à Lugano le 30 octobre 2007.
[90] Règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, J.O.U.E., n° L. 12 du 16 janvier 2001, p. 1.
[91] Art. 89, 1., de l'accord JUB.
[92] Règlement (UE) n° 542/2014 du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 portant modification du règlement (UE) n° 1215/2012 en ce qui concerne les règles à appliquer relatives à la juridiction unifiée du brevet et à la Cour de justice Benelux, J.O.U.E., n° L. 163 du 29 mai 2014, p. 1.
[93] Voy. not. P.A. De Miguel Asensio, « The Unified Patent Court Agreement and the amendment to the Brussels I Regulation (Recast) », in C. Honorati (coord.), Luci e ombre del nuovo sistema UE di tutela brevettuale. The EU patent protection. Lights and shades of the new system, Turin, 2014, pp. 156-157 et S. Luginbuehl et D. Stauder, « Die Anwendung der revidierten Zuständigkeitsregeln nach der Brüssel I-Verordnung auf Klagen in Patentsachen », o.c., pp. 885 et 886.
[94] Protocole modifiant le traité du 31 mars 1965 relatif à l'institution et au statut d'une Cour de justice Benelux, fait à Luxembourg le 15 octobre 2012.
[95] Le considérant n° 11 du Règlement Bruxelles Ibis est libellé comme suit: « Aux fins du présent règlement, les juridictions d'un État membre devraient comprendre les juridictions communes à plusieurs États membres, telles que la Cour de justice Benelux lorsqu'elle exerce sa compétence sur des questions qui entrent dans le champ d'application du présent règlement. Les décisions rendues par ces juridictions devraient donc être reconnues et exécutées conformément au présent règlement. ».
[96] Voy. le considérant n° 4 du règlement (UE) n° 542/2014.
[97] Comme indiqué supra, au sein de la division centrale, les affaires sont réparties par section (Paris, Londres ou Munich) en fonction du domaine technique auquel appartient le brevet (art. 7, 2., de l'accord JUB). La section de Paris est compétente, notamment, pour le domaine technique de l'électricité (annexe II à l'accord JUB).
[98] Voy. le considérant n° 4 du règlement (UE) n° 542/2014.
[99] Art. 71bis, 1., du Règlement Bruxelles Ibis.
[100] Art. 71bis, 2., du Règlement Bruxelles Ibis.
[101] À cet égard, il faut tenir compte de deux éléments. D'une part, certains États membres n'ont pas signé l'accord JUB et pourraient dès lors ne jamais être concernés par la juridiction que cet accord institue (Espagne, Pologne et Croatie). D'autre part, conformément à son art. 89, 1., l'accord JUB entrera probablement en vigueur avant d'avoir été ratifié par tous ses signataires.
[102] Art. 71ter, 1., du règlement (UE) n° 542/2014.
[103] En tenant compte, notamment, de l'interprétation donnée à cette règle de compétence, en matière de brevets, par la Cour de justice dans les arrêts Roche / Primus (C.J.U.E., 13 juillet 2006, C-539/03) et Solvay / Honeywell (C.J.U.E., 12 juillet 2012, C-616/10). On attirera également l'attention du lecteur sur la nécessité, au moment d'envisager l'application de cette règle de compétence à un litige, de tenir compte des exigences propres à l'art. 33, 1., b), de l'accord JUB, qui prévoit notamment qu'une action ne peut être exercée contre plusieurs défendeurs que si ceux-ci ont un lien commercial et si l'action porte sur la même contrefaçon alléguée. Bien que ces règles se situent à des niveaux différents (compétence internationale pour la première, compétence interne à la JUB pour la seconde), une approche intégrée est évidemment nécessaire.
[104] Cette compétence est limitée aux actions en réparation fondées sur des licences de brevets européens à effet unitaire formées à la suite d'une déclaration faite à l'Office européen des brevets, par le titulaire du brevet, selon laquelle il est prêt à autoriser quiconque à utiliser l'invention faisant l'objet du brevet contre paiement d'une compensation adéquate (art. 32, 1., h), de l'accord JUB) et aux demandes reconventionnelles fondées sur des licences (art. 32, 1., a), de l'accord JUB).
[105] Voy. la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil portant modification du règlement (UE) n° 1215/2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, COM/2013/554 final, p. 5, in fine.
[106] Cette réserve se retrouve au considérant n° 5 du règlement (UE) n° 542/2014.
[107] Voy. not. l'usage du conditionnel dans le membre de phrase suivant: « lorsque, en vertu du présent règlement, les juridictions d'un État membre partie à l'instrument instituant la juridiction commune seraient compétentes dans une matière régie par cet instrument ».
[108] Bien que cette question soit débattue, il nous paraît toutefois qu'au terme de la période transitoire, les juridictions nationales disposeront encore d'une compétence exclusive à l'égard des brevets européens sans effet unitaire ayant fait l'objet d'un opt-out durant la période transitoire.
[109] En ce sens, voy. P. LC Torremans, « An international perspective II: a view from private international law », in J. Pila et Ch. Wadlow (éds.), The Unitary EU Patent System, 2015, Oxford, Hart Publishing, p. 168.
[110] Art. 6, 1., du règlement.
[111] Certaines règles du règlement s'appliquent indépendamment du domicile du défendeur. Il s'agit des art. 18, 1. (contrats conclus avec des consommateurs), 21, 2. (contrats de travail), 24 (compétences exclusives) et 25 (prorogation de compétence).
[112] En ce sens, voy. P.A. De Miguel Asensio, « The Unified Patent Court Agreement and the amendment to the Brussels I Regulation (Recast) », o.c., p. 158 et S. Luginbuehl et D. Stauder, « Die Anwendung der revidierten Zuständigkeitsregeln nach der Brüssel I-Verordnung auf Klagen in Patentsachen », o.c., p. 888.
[113] Voy. la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, 14 décembre 2010, COM(2010) 748 final, not. p. 8; voy. égal. P.A. De Miguel Asensio, « The Unified Patent Court Agreement and the amendment to the Brussels I Regulation (Recast) », o.c., p. 158.
[114] « En leur qualité de juridictions communes à plusieurs États membres, la juridiction unifiée du brevet et la Cour de justice Benelux ne peuvent pas, contrairement à ce que ferait une juridiction d'un État membre, exercer leur compétence fondée sur leur droit national à l'égard des défendeurs non domiciliés dans un État membre. Pour permettre à ces deux juridictions d'exercer leur compétence à l'égard de ces défendeurs, les règles du règlement (UE) n° 1215/2012 devraient donc, pour ce qui concerne les matières relevant de la compétence, respectivement, de la juridiction unifiée du brevet et de la Cour de justice Benelux, s'appliquer également aux défendeurs domiciliés dans des États tiers. Les règles de compétence actuelles énoncées dans le règlement (UE) n° 1215/2012 assurent un lien étroit entre les procédures relevant dudit règlement et le territoire des États membres. Il est donc approprié d'étendre ces règles aux procédures contre tous les défendeurs, indépendamment de leur domicile. Lors de l'application des règles de compétence énoncées dans le règlement (UE) n° 1215/2012, la juridiction unifiée du brevet et la Cour de justice Benelux (ci-après dénommées individuellement 'juridiction commune') ne devraient appliquer que les règles qui sont appropriées pour les matières pour lesquelles elles ont été déclarées compétentes. » (considérant n° 6 du règlement (UE) n° 542/2014).
[115] P.L.C. Torremans, « An international perspective II: a view from private international law », o.c., pp. 166-167.
[116] Art. 4, 1., du règlement.
[117] Cette précision a été ajoutée dans le Règlement Bruxelles Ibis à la suite de l'arrêt GAT / LUK de la Cour de justice (C.J.U.E., 13 juillet 2006, C-4/03, GAT / LUK).
[118] Art. 25 du règlement. On notera que la précision selon laquelle cette règle vaut sans considération de domicile des parties, est nouvelle. Le Règlement Bruxelles I exigeait, pour que la règle de compétence s'applique, qu'au moins l'une des parties ait son domicile sur le territoire d'un État membre de l'Union européenne. Voy., à ce sujet, S. Francq, « Les clauses d'élection de for dans le nouveau Règlement Bruxelles Ibis », in E. Guinchard (dir.), Le nouveau Règlement Bruxelles Ibis, Bruylant, 2014, pp. 107 et s.
[119] Il s'agit de l'art. 18, 1., du règlement, qui concerne les contrats conclus avec les consommateurs, et de l'art. 21, 2., qui concerne les contrats individuels de travail.
[120] Art. 7, 2), du règlement.
[121] Il s'agissait, à l'époque, de l'art. 31 du règlement (UE) n° 44/2001.
[122] Il s'agissait, à l'époque, de l'art. 22, 4), du règlement (UE) n° 44/2001.
[123] À nouveau, il s'agissait en fait de l'art. 22, 4), du règlement (UE) n° 44/2001.
[124] C.J.U.E., 12 juillet 2012, C-616/10, Solvay / Honeywell.
[125] Voy. J.-F. Van Drooghenbroeck et C. De Boe, « Les mesures provisoires et conservatoires dans le Règlement Bruxelles Ibis », in E. Guinchard (dir.), Le nouveau Règlement Bruxelles Ibis, Bruylant, 2014, p. 196, et le renvoi aux arrêts Denilauler (C.J.U.E., 21 mai 1980, C-125/79, § 16) et Van Uden (C.J.U.E., 17 novembre 1998, C-391/95, § 40) de la Cour de justice.
[126] En ce sens: S. Luginbuehl et D. Stauder, « Die Anwendung der revidierten Zuständigkeitsregeln nach der Brüssel I-Verordnung auf Klagen in Patentsachen », o.c., p. 890.
[127] En ce sens: P.A. De Miguel Asensio, « The Unified Patent Court Agreement and the amendment to the Brussels I Regulation (Recast) », o.c., p. 159.
[128] Dans sa version française, cette disposition semble plus restrictive puisqu'elle exige que « les biens appartenant au défendeur » soient situés dans un État membre partie à l'instrument instituant la juridiction commune, ce qui pourrait laisser croire que l'ensemble de ses biens doivent être situés dans cet État membre. Il n'en est rien. Les termes utilisés relèvent manifestement d'une erreur de traduction (voy. not. la version anglaise « if property belonging to the defendant is located in any Member State… » et la version allemande « wenn dem Beklagten gehörendes Vermögen in einem Mitgliedstaat belegen ist… »).
[129] Art. 71ter, 3., du règlement (UE) n° 542/2014.
[130] Considérant n° 7 du règlement (UE) n° 542/2014.
[131] Voy. à ce sujet P. LC Torremans, « An international perspective II: a view from private international law », o.c., pp. 172-173 et P.A. De Miguel Asensio, « The Unified Patent Court Agreement and the amendment to the Brussels I Regulation (Recast) », o.c., pp. 159-161.
[132] Cette disposition a également été critiquée par d'autres auteurs: voy., p. ex., P.A. De Miguel Asensio, « The Unified Patent Court Agreement and the amendment to the Brussels I Regulation (Recast) », o.c., pp. 162-165.
[133] S. Luginbuehl et D. Stauder, « Die Anwendung der revidierten Zuständigkeitsregeln nach der Brüssel I-Verordnung auf Klagen in Patentsachen », o.c., p. 888.
[134] C.J.U.E., 7 mars 1995, C-68/93, Shevill / Presse Alliance, § 32-33; C.J.U.E., 25 octobre 2011, C-509/09 et C-161/10, eDate Advertising, § 42.
[135] En ce sens, voy. Mankowski, Brussels I Regulation on jurisdiction and recognition in civil and commercial matters, 2e éd., 2012, p. 246, n° 219.
[136] C.J.U.E., 7 mars 1995, C-68/93, Shevill / Presse Alliance, § 33; C.J.U.E., 25 octobre 2011, C-509/09 et C-161/10, eDate Advertising, § 42 et 51; C.J.U.E., 3 octobre 2013, C-170/12, Pinckney, § 45.
[137] Comp. S. Luginbuehl et D. Stauder, « Die Anwendung der revidierten Zuständigkeitsregeln nach der Brüssel I-Verordnung auf Klagen in Patentsachen », o.c., p. 888.
[138] Les autres États actuellement dans cette situation sont l'Albanie, la Bosnie, l'ex-République yougoslave de Macédoine, l'Islande, le Liechtenstein, Monaco, le Monténégro, Saint-Marin et la Suisse.
[139] C.J.U.E., 3 octobre 2013, C-170/12, Pinckney, § 37; voy. aussi C.J.U.E., 19 avril 2012, C-523/10, Wintersteiger, § 25 et 27.
[140] S. Luginbuehl et D. Stauder, « Die Anwendung der revidierten Zuständigkeitsregeln nach der Brüssel I-Verordnung auf Klagen in Patentsachen », o.c., p. 888. Voy. aussi le séminaire en ligne donné à ce sujet par P. Véron, consultable à l'adresse www.youtube.com/watch?v=CZTxI4Zfk7w.
[141] Art. 2, 2., de la Convention de Munich.
[142] Comp. C.J.U.E., 13 juillet 2006, C-539/03, Roche / Primus, § 27-31 et C.J.U.E., 12 juillet 2012, C-616/10, Solvay / Honeywell, § 24-26.
[143] Sachant que la JUB aura compétence pour les actes commis sur le territoire belge, la Belgique ayant déjà ratifié l'accord JUB.
[144] Voy. not. C.J.U.E., 3 avril 2014, C-387/12, Hi Hotel, § 31 et 37.
[145] Voy. le considérant n° 21 du Règlement Bruxelles Ibis.
[146] Sous réserve, bien que ce point soit discuté, des brevets européens sans effet unitaire ayant fait l'objet d'un opt-out durant la période transitoire, qui continueront de relever de la compétence exclusive des juridictions nationales, même après la période transitoire.
[147] Voy., en particulier, l'art. 33 de l'accord JUB.
[148] Art. 34 de l'accord JUB.
[149] Une litispendance entre des demandes concernant différentes parties nationales d'un même brevet européen est exclue, de telles demandes n'ayant pas la même cause. Une connexité entre de telles demandes a, quant à elle, été exclue par la Cour de justice (C.J.U.E., 13 juillet 2006, C-539/03, Roche / Primus, not. les § 29-31).
[150] Voy. les règles 37(4), 37(5) et 40 du 18e projet de règlement de procédure.
[151] Règle 295, point k), du 18e projet de règlement de procédure.
[152] Contra: S. Luginbuehl et D. Stauder, « Die Anwendung der revidierten Zuständigkeitsregeln nach der Brüssel I-Verordnung auf Klagen in Patentsachen », o.c., p. 892.
[153] On rappellera ici que la question de savoir si les juridictions nationales restent compétentes pour les actions énumérées à l'art. 32 de l'accord JUB autres que les actions en contrefaçon ou en nullité (parmi lesquelles les actions en constatation de non-contrefaçon) est controversée, compte tenu du libellé restrictif de l'article 83, 1., de l'accord (voy. supra ainsi que, not., P. Campolini, « Actualités en matière de brevets européen et unitaire », o.c., p. 256, n° 107 et S. Luginbuehl et D. Stauder, « Die Anwendung der revidierten Zuständigkeitsregeln nach der Brüssel I-Verordnung auf Klagen in Patentsachen », o.c., p. 889).
[154] Certains auteurs semblent toutefois admettre que l'action en contrefaçon menée devant la JUB pourrait être limitée à certaines parties nationales déterminées du brevet européen (S. Luginbuehl et D. Stauder, « Die Anwendung der revidierten Zuständigkeitsregeln nach der Brüssel I-Verordnung auf Klagen in Patentsachen », o.c., pp. 891-892). Cette interprétation de l'accord nous semble difficilement conciliable avec les termes de son article 34.
[155] À ce jour, les États membres suivants n'ont pas signé l'accord: l'Espagne, la Pologne et la Croatie.
[156] Bien que, comme indiqué plus haut, l'avocat général Bot considère que les États membres doivent ratifier l'accord JUB en vertu du principe de coopération loyale (concl. du 18 novembre 2014 dans l'affaire C-146/13, § 94).
[157] Pour rappel, l'Accord JUB entrera en vigueur le 1er jour du 4e mois suivant celui du dépôt du 13e instrument de ratification ou d'adhésion, y compris par l'Allemagne, la France et le Royaume-Uni. Il existe donc un potentiel de 15 États membres qui pourraient ratifier cet accord après son entrée en vigueur.
[158] Art. 82, 1. et 3., de l'accord JUB.
[159] Sous réserve de la possibilité de retirer la déclaration d'opt-out, ce qui n'est possible qu'à condition qu'aucune action n'ait été engagée devant les juridictions nationales.
[160] Comme, p. ex., la question de savoir, dans un contrat de licence, qui pourra décider de procéder à une demande d'effet unitaire ou à une déclaration d'opt-out, et selon quelles modalités.