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Actualité : Liège, 08/10/2015, R.D.C.-T.B.H., 2016/1, p. 106-107

Liège 8 octobre 2015

Affaire: 2014/RG/422
ASSURANCES
Assurance terrestre - Général - Intérêt d'assurance - Déchéance - Aggravation du risque - Contrat d'assurance individuel accident


VERZEKERINGEN
Landverzekeringen - Algemeen - Belang bij het verzekerde - Vervalbeding - Verzwaring van het risico - Individuele ongevalverzekering


Par son arrêt du 8 octobre 2015, la cour d'appel de Mons traite de deux sujets distincts: le refus par l'assureur de sa garantie en raison de l'inexécution par l'assuré d'une de ses obligations conventionnelles et la notion d'intérêt d'assurance en assurance indemnitaire.

Les faits sont simples: vol dans un véhicule de marchandises n'appartenant pas à l'assuré.

Quant au premier sujet, l'arrêt relève que la clause litigieuse de la police d'assurance stipule: « La garantie n'est acquise que pour autant que les mesures suivantes de prévention aient été respectées: marchandises ou matériel non visibles depuis l'extérieur du véhicule. »

Après s'être référée à un constat d'huissier établissant que « la valise est directement visible uniquement si l'on regarde par les vitres avant », la cour d'appel considère que « les marchandises volées étaient visibles de l'extérieur du véhicule lorsqu'on regardait par les vitres avant, de sorte que l'intimée est en droit de refuser sa garantie, en application de la clause litigieuse ».

La cour d'appel ne qualifie donc pas la clause litigieuse, ni de clause de déchéance ni de clause d'exclusion.

Par un arrêt du 20 septembre 2012 (R.G.A.R., 2014/4, p. 15077), la Cour de cassation a clairement imposé l'obligation pour le juge de vérifier si la clause présentée comme une clause d'exclusion et qui permet à l'assureur de refuser sa garantie en raison de l'inexécution par l'assuré de ses obligations conventionnelles, ne doit pas être requalifiée en clause de déchéance au sens de l'actuel article 65 de la loi du 4 avril 2014 relative aux assurances (art. 11 de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre) (voy. V. Callewaert, « L'assurance vol: entre difficultés probatoires et crainte de fraudes », in Actualités en droit des assurances, Bruxelles, Larcier, 2014, pp. 208 et s.; G. Jocqué, « Uitsluitingsbeding of vervalbeding », N.J.W., 2013, liv. 279, p. 268).

Pareille requalification ne s'imposait pas en l'espèce puisque le libellé de la clause démontrait qu'il s'agissait d'une clause de déchéance en cas de non-respect d'obligations précises: « La garantie n'est acquise que pour autant que les mesures suivantes de prévention aient été respectées (...). »

Il demeure que le non-respect de l'obligation contractuelle doit être démontré de même que le lien causal avec la survenance du dommage (art. 65 de la loi du 4 avril 2014 relative aux assurances).

En l'espèce, le manquement reproché est attesté par un constat d'huissier et l'arrêt en déduit le nécessaire lien causal entre le non-respect de l'obligation (ne pas avoir veillé à ce que les marchandises soient non visibles depuis l'extérieur du véhicule) et le sinistre (le vol).

Le second volet de cet arrêt porte sur la notion d'intérêt d'assurance, précisée par l'article 5, 14°, de la loi du 4 avril 2014 relative aux assurances comme « l'intérêt à ne pas voir se réaliser l'événement incertain » (voy. Cass., 23 avril 1992, Pas., 1992, I, p. 740). Pour les assurances à caractère indemnitaire, en vertu de l'article 91 de la loi du 4 avril 2014 relative aux assurances, c'est l'assuré qui doit pouvoir justifier « d'un intérêt économique à la conservation de la chose ou à l'intégrité du patrimoine » (Civ. Tournai (3e ch.), 20 septembre 2011, Bull. ass., 2012, p. 541).

En dehors de l'hypothèse de l'assurance pour compte, cet intérêt d'assurance doit exister lors de la conclusion du contrat et se mesure au moment du sinistre (N. Schmitz, « A quelles conditions les copropriétaires indivis d'un bien assuré contre l'incendie bénéficient-ils de la qualité d'assuré? », J.L.M.B., 2014, p. 859).

Dans le cas d'espèce, la police garantissait le preneur d'assurance contre les pertes patrimoniales pouvant résulter du vol de la marchandise transportée.

La cour d'appel rappelle que l'obligation de restituer une chose que l'on détient pour quelque raison que ce soit peut justifier l'intérêt d'assurance et dès lors l'intérêt à la conservation de la chose ou à la préservation du patrimoine: « ainsi, l'intérêt d'assurance sera considéré comme présent lorsque l'on doit réparer la démolition ou la détérioration d'une chose que l'on a sous sa garde et dont on est responsable » (B. Voglet, « L'intérêt en assurances sous le critère de l'obligation de restitution de la chose assurée », For. ass., 2012, n° 120, p. 13; voy. égal. C. Van Schoubroeck, sous Comm. Gand, 23 septembre 1997, R.D.C., 1998, p. 271).

Poursuivant son raisonnement, la cour relève que le preneur d'assurance était simple dépositaire des marchandises volées et avait une obligation de restitution à l'égard du propriétaire qui entendait lui réclamer indemnisation à due concurrence pour le vol litigieux. La cour d'appel constate dès lors que le preneur d'assurance avait intérêt à percevoir la prestation d'assurance et qu'il lui « était permis d'assurer lui-même les marchandises et d'avoir la qualité d'assuré (Cass., 26 janvier 1978, J.T., 1978, p. 630; Cass., 12 mars 1976, Pas., 1976, I, p. 396) ».

Cet arrêt peut être mis en parallèle avec la décision prononcée par le tribunal de première instance de Liège du 8 février 2011 qui constate qu'une société qui n'est pas le propriétaire du véhicule volé, qui n'en démontre même pas l'usage et n'est pas tenue par une obligation de restitution de celui-ci ne démontre pas l'intérêt d'assurance au sens de l'article 91 de la loi du 4 avril 2014 relative aux assurances. Le tribunal en tire les conséquences: « L'existence d'un intérêt d'assurance dans son chef n'étant pas établie, un élément essentiel du contrat fait défaut. Le contrat d'assurance est par conséquent nul. » (Civ. Liège (6e ch.), 8 février 2011, n° 97/2328/A, For. ass., 2012, p. 11, note B. Voglet; voy. égal. Liège, 1er juin 2015, 2013/RG/1779, disponible sur juridat.be).