Article

Distribution sélective et épuisement de la marque Le sort du stock et des dernières commandes en fin de contrat, R.D.C.-T.B.H., 2015/7, p. 623-634

Distribution sélective et épuisement de la marque
Le sort du stock et des dernières commandes en fin de contrat

Ophélie Morel de Westgaver [1]

TABLE DES MATIERES

Introduction

I. Distribution sélective et monopole de la vente agréée A. Concept et fonctions de la sélectivité i. Définition

ii. Fonctions et secteurs de la sélectivité

B. Atteinte à la concurrence et conditions d'exemption i. Distribution sélective purement qualitative

ii. Distribution sélective quantitative

C. Le monopole de la vente agréée, fondement du système de distribution sélective i. L'étanchéité du réseau

ii. Conséquences en fin de contrat de distribution sélective

II. Le droit à la marque et son épuisement A. Conception de la marque et rapprochement avec la distribution sélective i. Concept du droit de la marque

ii. Droit de la marque et concurrence

B. Fonctions de la marque et droits du titulaire i. Fonction d'identification

ii. Fonction de qualité

iii. Fonction publicitaire

C. Limite: l'épuisement du droit à la marque i. Notion

ii. Conditions a. Mise dans le commerce

b. Par le titulaire ou avec son consentement

iii. Etendue de l'épuisement

III. Bilan: collision ou complémentarité? A. Apparente collision des règles

B. Possible réconciliation: limites de l'épuisement i. Atteinte à la renommée de la marque

ii. Risque de confusion avec le titulaire de la marque ou son réseau de distributeurs agréés

Conclusion: le sort du stock et des dernières commandes à la fin du contrat

RESUME
L'étanchéité du réseau de distribution sélective, dont le corollaire est un monopole de la vente agréée, participe de l'essence même du système de la sélectivité. Cette règle supposerait que, dès la fin du contrat de distribution, le distributeur agréé ne puisse plus vendre les produits du fournisseur et liquider son stock, ni honorer les dernières commandes.
Le droit des marques et la règle de l'épuisement selon laquelle le droit exclusif du titulaire de la marque est épuisé une fois que le produit a été mis dans le commerce avec son consentement, vient énerver le principe précité. Selon cette règle, le distributeur sorti du réseau, serait néanmoins autorisé à écouler son stock de produits valablement acquis.
Comment en pratique concilier ces deux règles qui semblent, à première vue, s'opposer tant dans leur principe que dans leurs effets?
C'est en réalité dans les limites de l'épuisement de la marque qu'apparaît une complémentarité des règles: la vente du stock et l'exécution des dernières commandes après la fin du contrat devraient être autorisées pour autant que, ce faisant, le distributeur n'entraîne aucune confusion avec le réseau agréé et ne porte pas atteinte à l'image de la marque.
SAMENVATTING
Het feit dat een selectief distributienetwerk “sluitend” is, hetgeen een monopolie van de erkende verkoop tot logisch gevolg heeft, behoort tot de essentie van het systeem van selectiviteit. Deze regel zou veronderstellen dat, zodra de distributieovereenkomst een einde heeft genomen, de erkende verdeler de producten van de leverancier niet meer kan verkopen, zijn voorraad niet kan liquideren en evenmin de laatste bestellingen kan honoreren.
Het merkenrecht en de uitputtingsregel volgens dewelke het exclusief recht van de merkhouder is uitgeput zodra dit product met zijn toestemming in de handel is gebracht, stelt voormeld principe onder druk. Volgens deze regel, zou het de verdeler die het netwerk heeft verlaten, toch zijn toegestaan om de voorraad van producten die hij geldig heeft verworven, te liquideren.
Hoe vallen deze twee regels, die op het eerste gezicht schijnbaar zowel in hun principe als in hun gevolgen met elkaar in conflict treden, in de praktijk te verzoenen?
In feite is het net binnen de grenzen van de uitputting van het merk dat een complementariteit in de reglementering blijkt: de verkoop van de voorraad en de uitvoering van de laatste bestellingen nadat de overeenkomst een einde heeft genomen zouden moeten worden toegestaan voor zover de verdeler zodoende geen verwarring schept met het erkende netwerk en geen schade toebrengt aan het merkimago.
Introduction

1.Nous connaissons en Belgique pas moins de trois lois [2] qui s'attachent à accorder des protections plus ou moins extensives aux intermédiaires commerciaux. Ceci révèle l'attention particulière consacrée par le législateur aux méthodes de distribution des produits et services sur le marché belge. Et pourtant. L'analyse de ces lois révèle in fine un législateur peu attentif au travail réalisé en amont par la Commission et le Conseil européens en matière de droit de la concurrence, et plus particulièrement en ce qui concerne les accords verticaux. Là où le droit européen de la concurrence reconnaît expressément la place importante occupée par la distribution sélective dans le marché intérieur [3], on n'y retrouve aucune référence en droit belge de la distribution [4]. Or, il apparaît que la sélectivité, en raison de ses caractéristiques spécifiques [5], est précisément le critère méritant, en droit de la distribution (et pas seulement en droit de la concurrence), l'application de règles particulières [6].

2.Il en va notamment ainsi de la question sensible du sort du stock en fin de contrat de distribution. Si le livre X, titre 3, du Code de droit économique relatif à la résiliation unilatérale des concessions de vente exclusive conclues à durée indéterminée (ancienne loi du 27 juillet 1961) [7] traite de nombreux aspects de la résiliation du contrat, il reste silencieux sur cette question particulière. La loi ne prévoit notamment pas d'obligation pour le fournisseur [8] de reprendre les stocks restant au distributeur [9] en fin de contrat. Ce silence législatif a pour conséquence, d'une part, le fait que les parties tendent le plus souvent à régler la question dans le contrat lui-même afin d'éviter les discussions épineuses post-rupture, et d'autre part, le développement d'une jurisprudence généralement en faveur de la reprise des stocks par le fournisseur [10], et ce, que le livre X, titre 3, du Code de droit économique soit applicable ou non à la situation litigieuse [11].

Dans un arrêt du 31 octobre 1997, la Cour de cassation met fin à la controverse qui existait jusque-là quant au fondement juridique de l'obligation de reprise des stocks par le fournisseur, en décidant que ce fondement est celui de la bonne foi dans l'exécution des conventions [12]. La décision est généralement approuvée par la doctrine [13].

L'obligation de reprise n'est cependant pas inconditionnelle, et connaît des tempéraments. Il est, d'une part, généralement admis que ne devrait pas être repris le stock obsolète, devenu invendable [14] ou n'ayant plus de valeur ou d'utilité [15], de même que le stock au volume anormalement élevé [16]. D'autre part, la reprise du stock par le fournisseur connaît des tempéraments lorsque la rupture est du fait du distributeur, soit que le contrat a été rompu pour motif grave du distributeur, soit que le distributeur y a mis fin sans motif grave imputable au fournisseur. Ces situations aboutissent alors à une décision tendant à laisser le stock entre les mains du distributeur [17].

Dans ces dernières hypothèses, quel sort le distributeur doit-il réserver au stock resté en sa possession? Peut-il le vendre? Peut-il en faire la promotion?

3.C'est précisément ici que les spécificités de la distribution sélective interviennent et compliquent la situation initiale. Souvent, les contrats sélectifs imposent des obligations d'assortiment et des volumes de stock significatifs [18], qui aboutissent à un niveau de stock élevé en fin de contrat. De plus, dans certains secteurs, comme celui du luxe, on observe une rotation de stock faible [19] et des produits dont la valeur intrinsèque est élevée, de sorte que le stock représente alors un investissement très élevé pour le distributeur, pour qui la question du sort du stock en fin de contrat devient primordiale.

Ces spécificités sont d'autant plus sensibles à la lumière de la caractéristique essentielle qui fonde la distribution sélective: le monopole de vente de la distribution agréée [20] selon lequel seuls les distributeurs membres du réseau agréé sont autorisés à vendre les produits issus de la distribution sélective. Selon ce principe essentiel, dès la fin du contrat, le distributeur perdrait le droit de vendre les produits, en même temps qu'il perd le droit d'utiliser les enseignes du fournisseur.

4.Dans les réseaux de distribution non sélective, autoriser le distributeur à écouler son stock malgré la fin du contrat ne devrait pas poser de problème et le stock devrait généralement être revendu rapidement. Dans les réseaux de distribution sélective, une telle solution paraît a priori exclue.

Comment alors justifier le refus de reprise du stock par le fournisseur si le distributeur n'est plus autorisé à le vendre? Il en va de même pour les commandes en cours au moment de la rupture du contrat. La sélectivité suggère une interdiction pour le distributeur de les exécuter. Cette solution de principe est-elle cependant acceptable commercialement? Comment justifier une possible tolérance de la part du fournisseur?

L'analyse de la question - récurrente en pratique - pousse le praticien à en chercher les éléments de réponse dans une lecture combinée des règles européennes de la distribution sélective et des règles du droit communautaire des marques.

I. Distribution sélective et monopole de la vente agréée
A. Concept et fonctions de la sélectivité
i. Définition

5.L'article 1er, e), du règlement (UE) n° 330/2010 définit le système de distribution sélective de la manière suivante: « un système de distribution dans lequel le fournisseur s'engage à ne vendre les biens ou les services contractuels, directement ou indirectement, qu'à des distributeurs sélectionnés sur la base de critères définis, et dans lequel ces distributeurs s'engagent à ne pas vendre ces biens ou ces services à des distributeurs non agréés dans le territoire réservé par le fournisseur pour l'opération de ce système » [21].

ii. Fonctions et secteurs de la sélectivité

6.Le droit européen envisage la distribution sélective comme le cadre contractuel permettant de favoriser la qualité et la notoriété des produits distribués [22]. Elle est un mode de distribution par lequel le fournisseur sélectionne ses revendeurs sur base de critères de sélection définis, lesquels, mis ensemble, seraient un moyen de garantir au consommateur l'origine des produits vendus et la qualité des services liés. Le droit européen reconnaît ainsi le lien étroit entre la méthode de distribution et l'image du produit. En effet, une distribution sélective, bien organisée, permet en principe de renforcer l'image de marque [23], et le cas échéant, la sensation d'exclusivité du produit, par la rareté créée, la qualité du service de vente et après-vente et une « expérience multi-sensorielle » [24] du consommateur à la mesure de l'image du produit vendu.

La distribution sélective présente également des avantages pour le distributeur: il n'a normalement pas à supporter la concurrence de distributeurs qui vendraient à prix cassés, il a plus de chances de bénéficier de meilleures marges sur les produits vendus, il est normalement amené à réaliser des plus gros volumes (en cas de distribution sélective limitant le nombre de distributeurs agréés p. ex.) [25]. La sélectivité présente encore des avantages pour le consommateur, qui devrait bénéficier d'un meilleur service vente et après-vente [26].

Ces objectifs et ces effets ne sont cependant rencontrés que si la distribution au sein du réseau agréé est étanche à une distribution indépendante [27].

7.Parmi les domaines privilégiés de la distribution sélective, on retrouve l'industrie du luxe au sens large (cosmétiques, bijoux, haute horlogerie, prêt-à-porter, etc.) [28]. Ce secteur révèle particulièrement le rôle joué par la sélectivité pour l'image de marque du produit [29]. En effet, plus qu'un mode d'acheminement, la sélectivité deviendrait une partie du produit lui-même: vente uniquement en magasins spécialisés, présence d'autres marques prestigieuses, personnel qualifié, service après-vente de qualité, sont autant d'éléments qui participent à l'élaboration et au maintien de l'image de la marque [30]. Un simple regard sur les méthodes de distribution différenciées appliquées par les fournisseurs permet de constater la maîtrise [31] qu'ils ont des fonctions propres de la sélectivité au service de l'image de leur produit [32].

La sélectivité est également présente dans d'autres secteurs où les produits sont de haute technicité: l'exemple le plus évident est celui du secteur automobile, où les distributeurs agréés sont soumis au respect de très nombreux critères de sélection pour la vente ou pour l'après-vente des véhicules.

B. Atteinte à la concurrence et conditions d'exemption

8.Le droit de la concurrence s'intéresse à la distribution sélective dans la mesure où elle a pour effet de limiter le nombre de revendeurs sur le marché, et donc de restreindre la concurrence. La particularité de la sélectivité est qu'elle opère une limitation, non pas par une distribution des territoires, mais par son système d'agréation des revendeurs sur base de critères de sélection étroitement liés aux produits vendus.

La distribution sélective a toujours bénéficié d'un régime de faveur de la part des autorités de contrôle. En effet, à la différence de la distribution exclusive, qui cloisonne les marchés nationaux [33], la sélectivité a, en principe, pour effet d'améliorer le service à l'utilisateur, effet positif qui permet de compenser la limitation du nombre de revendeurs qu'elle induit par son système d'agréation [34]. Selon la Commission européenne [35], pour déterminer si la distribution sélective a des effets anticoncurrentiels au regard de l'article 101, 1., TFUE [36], il convient de distinguer: la distribution sélective purement qualitative et la distribution sélective quantitative.

Alors que la première limite le nombre de revendeurs sur base de critères qualitatifs objectifs, la seconde ajoute des critères de sélection qui limitent directement le nombre de revendeurs agréés [37].

i. Distribution sélective purement qualitative

9.De façon générale, les autorités européennes considèrent que la distribution sélective qualitative n'est pas restrictive de concurrence et ne relève donc pas de l'article 101, 1., du TFUE, pour autant que trois conditions soient respectées [38]:

    • la sélectivité doit être nécessaire pour préserver la nature et la qualité du produit concerné (critère de nécessité). On considère généralement qu'entrent dans cette catégorie les produits de luxe ou de haute technicité [39];
    • les revendeurs doivent être sélectionnés sur base de critères objectifs et uniformes, appliqués de façon non discriminatoire sur l'ensemble du réseau (critère d'objectivité[40];
    • les critères ne peuvent aller au-delà de ce qui est nécessaire (critère de proportionnalité[41].

    L'idée derrière ces critères est que si les caractéristiques du produit ne nécessitent pas une distribution sélective ni l'application de critères qualitatifs, alors on ne peut pas considérer que les gains d'efficience justifient suffisamment l'atteinte à la concurrence [42].

    ii. Distribution sélective quantitative

    10.La distribution sélective quantitative conjuguée à la distribution sélective qualitative peut également présenter des gains d'efficience [43].

    A la différence des critères de sélection qualitatifs, le règlement n° 330/2010 et les Lignes directrices de la Commission ne prévoient pas de conditions pour les critères quantitatifs [44], [45]. Les Lignes directrices n'accordent d'ailleurs que peu d'attention à la distribution sélective quantitative en se limitant à en décrire les effets [46].

    11.Depuis son arrêt Jaguar Land Rover du 14 juin 2012, la Cour de justice confirme l'idée selon laquelle le fournisseur pourrait choisir de façon discrétionnaire les critères quantitatifs qu'il applique. La Cour considère en effet que les critères quantitatifs doivent seulement être des critères « dont le contenu peut être vérifié », sans qu'il soit « nécessaire qu'un tel système repose sur des critères qui sont objectivement justifiés et appliqués de façon uniforme et non différenciée à l'égard de tous les candidats à l'agrément » [47],  [48].

    C. Le monopole de la vente agréée, fondement du système de distribution sélective
    i. L'étanchéité du réseau

    12.L'étanchéité du réseau, qui implique un monopole de vente des produits par les distributeurs agréés, participe de l'essence même de la sélectivité. Dans son arrêt de principe Metro, la Cour de justice en précise le fondement: « Tout système de commercialisation fondé sur une sélection des points de distribution implique nécessairement, à peine de n'avoir aucun sens, l'obligation, pour les grossistes faisant partie du réseau, de n'approvisionner que des revendeurs agréés et, partant, la possibilité pour le producteur intéressé de contrôler l'observation de cette obligation. » [49].

    L'étanchéité du réseau agréé est garantie par le respect de deux règles, qui constituent le fondement de tout système de distribution sélective:

      • l'obligation pour le fournisseur de ne vendre ses produits qu'aux distributeurs agréés de son réseau;
      • l'interdiction pour les distributeurs agréés de vendre les produits à des distributeurs non agréés, c'est-à-dire hors du réseau du fournisseur [50].

      13.La nécessité de ces règles s'explique d'un point de vue de l'intérêt du consommateur, qui tantôt achèterait à un distributeur agréé, tantôt à un revendeur qui ne présenterait pas les mêmes garanties de qualité et de service que le distributeur agréé. Une telle situation ferait perdre tout le bénéfice de la sélectivité pour l'image de marque du produit. Soulignant cette idée, E. Cornu relève ce que la Cour de justice faisait valoir dans son arrêt Dior Couture [51]: « C'est le principe même de la distribution sélective que de préserver la qualité et d'assurer le bon usage des produits et, en principe, il ne saurait donc être exclu qu'une vente à un tiers, ne faisant pas partie du réseau, porte atteinte à la sensation de luxe des produits de prestige, affectant ainsi leur qualité. » [52].

      14.Les règles permettent également le bon fonctionnement du système dans l'intérêt des distributeurs agréés. Ceux-ci, soumis à des critères qualitatifs entraînant des obligations et des investissements importants, sont épargnés de la concurrence faussée des revendeurs hors réseau qui ne sont, eux, pas soumis aux mêmes frais. La règle existe donc aussi pour protéger le distributeur agréé d'une concurrence parasitaire du revendeur hors réseau.

      15.Notons que le corollaire de l'interdiction pour les distributeurs agréés de vendre à des revendeurs non agréés est que soient en tout temps autorisées les ventes croisées entre distributeurs agréés [53]. En d'autres termes, cela signifie que le fournisseur ne peut imposer à ses distributeurs agréés de se fournir exclusivement auprès de lui, à l'exclusion des autres distributeurs agréés [54].

      ii. Conséquences en fin de contrat de distribution sélective

      16.Les développements qui précèdent conduisent à la constatation suivante: dans un système de distribution sélective, la fin du contrat de distribution conclu entre le fournisseur et le distributeur agréé implique nécessairement, au risque d'affaiblir l'efficience de réseau, l'interdiction pour le distributeur sorti du réseau - et qui n'est désormais plus soumis au respect des critères de sélection - de continuer à vendre les produits concernés.

      Si en théorie, la règle est simple, en pratique, elle peut mener à des difficultés. Qu'en est-il en effet du cas où le fournisseur décide de ne pas reprendre les stocks et où le juge ne l'y oblige pas? A suivre une lecture stricte des règles de la distribution sélective, l'ancien distributeur agréé ne serait pas autorisé à liquider son stock dont le statut (ni reprise, ni revente) serait donc particulièrement confus. Il en va de même pour les commandes en cours en fin de contrat, que le distributeur se verrait soit obligé d'annuler, soit obligé de transférer vers un autre distributeur agréé. Dans l'un ou l'autre cas, la solution aboutit à un client préjudicié par ces règles [55] et donc une potentielle atteinte à l'image de marque des produits.

      II. Le droit à la marque et son épuisement

      Nous avons mis en lumière le rôle important joué par la distribution sélective pour l'univers, l'image et la qualité du produit. Il va de soi que la distribution sélective n'a vraiment de sens que si elle est mise au service d'un produit dont la marque est protégée. La complémentarité du droit de la distribution sélective et du droit des marques semble ainsi évidente de sorte qu'envisager l'un sans tenir compte de l'autre risque d'aboutir à des solutions incomplètes.

      A. Conception de la marque et rapprochement avec la distribution sélective
      i. Concept du droit de la marque

      17.La marque est traditionnellement définie par les fonctions qu'elle remplit: fonction d'identification, fonction de qualité et fonction de publicité [56]. Elle est caractérisée par deux composantes: la marque est un signe, et ce signe doit distinguer les produits et services qui la portent [57].

      Le droit conféré par la marque au titulaire est quant à lui celui, exclusif, d'utiliser la marque pour sa première mise en circulation sur le marché européen et de permettre qu'elle assure ses fonctions propres [58], c'est-à-dire notamment de la protéger contre les tiers voulant tirer indûment profit de sa renommée en l'utilisant pour leurs propres produits [59],  [60].

      18.Ces premiers éléments de définition permettent immédiatement de constater la grande similarité entre le droit de la marque et la distribution sélective:

        • un droit exclusif (du fournisseur et du titulaire de la marque);
        • mis au service du produit, de son image, de son origine et de sa qualité.
        ii. Droit de la marque et concurrence

        19.A l'instar du droit de la distribution, le droit des marques entretient des liens étroits avec le droit de la concurrence européenne, tantôt en se mettant au service de celle-ci, tantôt en allant à son encontre. Le droit des marques est en effet envisagé comme une dérogation au principe de libre circulation des marchandises institué par le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne [61] puisque, en ce qu'il n'est pas limité dans le temps (à la différence des autres droits de propriété intellectuelle), il entraîne un risque de cloisonnement du marché [62].

        Comme en matière de distribution sélective, la Cour de justice a depuis longtemps reconnu les gains d'efficience apportés par la marque dans le marché commun, malgré le risque de cloisonnement qu'elle entraîne: « Le droit de marque constitue un élément essentiel du système de concurrence non faussé que le traité instituant la Communauté européenne entend établir et maintenir. Dans un tel système, les entreprises doivent être en mesure de s'attacher la clientèle par la qualité de leurs produits ou de leurs services, ce qui n'est possible que grâce à l'existence de signes distinctifs permettant d'identifier ces produits et ces services. » [63].

        B. Fonctions de la marque et droits du titulaire

        20.La marque remplit trois fonctions, une principale: la fonction d'identification, et deux complémentaires: la fonction de qualité, et la fonction de publicité.

        i. Fonction d'identification

        21.La fonction d'identification de la marque est la plus évidente et la plus essentielle sur le plan juridique [64]. Elle est la « clé de voûte du système, indispensable à l'existence du droit mais aussi à son exercice » [65].

        La marque remplit une fonction d'identification en ce qu'elle permet de distinguer les produits vendus d'autres produits présents sur le marché et de les identifier parmi ces autres produits en les rattachant à une personne ou une entreprise [66]. Elle confère ainsi une garantie d'origine du produit vendu. La Cour de justice précise les contours de cette fonction essentielle: « la fonction essentielle de la marque […] est de garantir au consommateur ou à l'utilisateur final l'identité d'origine du produit marqué, en lui permettant de distinguer sans confusion possible ce produit de ceux qui ont une autre provenance » [67].

        22.Ici encore, le lien avec la distribution sélective peut être mis en évidence: la distribution sélective, en ce qu'elle met en place un réseau étanche, constitue également une garantie pour le consommateur que le produit vendu provient nécessairement du réseau agréé et plus particulièrement du fournisseur à la tête de ce réseau, même indirectement (p. ex., en cas de ventes croisées ou de réseau ayant deux niveaux, primaire et secondaire).

        ii. Fonction de qualité

        23.La deuxième fonction de la marque est liée à sa capacité de rallier la clientèle et au goodwill qu'elle crée pour l'entreprise qui la détient [68]. La marque permet d'associer à un produit une constance qualitative. C'est cette constance qualitative qui fidélise le consommateur et renforce le pouvoir d'attrait et donc la valeur de la marque.

        D'un point de vue juridique, la fonction de qualité de la marque n'est pas autonome. En d'autres termes, cela signifie que la fonction de qualité ne veut pas dire la garantie de la qualité, de sorte que la marque n'ouvre pas une action en responsabilité contre son titulaire pour un produit dont la qualité déçoit [69].

        24.Ici également les rapprochements avec la distribution sélective sont trop évidents pour ne pas être relevés. Là où la marque est associée à une image de qualité, la distribution sélective permet au titulaire d'en assurer le maintien par la mise en place de critères qualitatifs déterminés en fonction du produit et de ses exigences et imposés à tout le réseau de distributeurs agréés.

        iii. Fonction publicitaire

        25.La fonction publicitaire est celle qui participe à la notoriété de la marque. La publicité désigne la marque, en dessine les contours, construit son image et lui fait traverser le temps. Cette fonction est économiquement essentielle, particulièrement pour les produits dont la valeur est parfois principalement créée par l'image de la marque [70]. Sont ainsi concernées les marques de luxe et de haute renommée historique, que l'on retrouve dans de nombreux secteurs (haute couture, cosmétiques, design, haute horlogerie et bijouterie, etc.).

        L'importance de cette fonction a petit à petit retenu l'attention de la Cour de justice et des autorités de régulation européennes [71]. Bien qu'il n'y soit pas fait expressément référence dans la directive n° 2008/95/CE, la protection de cette fonction transparaît dans plusieurs de ses articles. Il en va notamment de l'article 7 de la directive relatif à l'épuisement du droit à la marque, qui consacre particulièrement sa fonction publicitaire, comme nous aurons l'occasion de le développer ci-après [72].

        26.Nous avons déjà relevé le rôle important joué par la distribution sélective dans la construction et le maintien de l'image de marque [73]. La distribution sélective, en ce qu'elle crée un environnement et une shopping experience uniques participe directement à la fonction publicitaire de la marque [74]. La Cour de justice a elle-même relevé ce lien étroit à l'occasion de son arrêt Dior Couture [75]: « L'organisation d'un système de distribution sélective (…) visant (…) à assurer une présentation valorisante des produits dans le point de vente, 'notamment en ce qui concerne le positionnement, la promotion, la présentation des produits et la politique commerciale' est de nature à contribuer (…) à la réputation des produits en question et donc au maintien de leur sensation de luxe. »

        C. Limite: l'épuisement du droit à la marque
        i. Notion

        27.La règle de l'épuisement de la marque est une limite au droit exclusif du titulaire mise en place dans le but d'établir un équilibre entre les intérêts légitimes du titulaire de la marque et le nécessaire maintien de la liberté de circulation [76]. L'épuisement du droit à la marque empêche son titulaire d'utiliser ses droits exclusifs pour s'opposer à l'usage de sa marque pour des biens qui ont été licitement commercialisés [77].

        L'épuisement de la marque est prévu à l'article 7 de la directive n° 2008/95/CE: « Le droit conféré par la marque ne permet pas à son titulaire d'interdire l'usage de celle-ci pour des produits qui ont été mis dans le commerce dans la Communauté sous cette marque par le titulaire ou avec son consentement. » [78].

        Ainsi, l'épuisement suppose que, dès que le titulaire de la marque a fait usage de son droit exclusif en autorisant ou en mettant lui-même les produits dans le commerce, il a épuisé son droit à la marque et ne peut alors plus s'opposer à l'utilisation, par des tiers, de la marque (et donc à la vente des produits qui en font l'objet).

        ii. Conditions

        28.La personne qui prétend invoquer l'épuisement du droit du titulaire de la marque doit démontrer la réunion de deux conditions.

        a. Mise dans le commerce

        29.Pour qu'il y ait épuisement, il faut qu'il y ait mise dans le commerce des produits sur le territoire de l'Espace économique européen (EEE) [79]. La jurisprudence de la Cour rejette ainsi l'idée d'un épuisement international, en décidant que la mise dans le commerce hors EEE sous la marque et avec le consentement du titulaire n'entraîne pas l'épuisement. Le titulaire reste donc autorisé à s'opposer à l'utilisation de la marque pour les produits réimportés sur le territoire de l'UE sans son consentement [80].

        b. Par le titulaire ou avec son consentement

        30.L'épuisement suppose en outre que la mise dans le commerce ait été faite par le titulaire de la marque ou avec son consentement. La notion de « consentement » est l'élément déterminant de l'épuisement de la marque [81].

        Le consentement correspond à la renonciation, par le titulaire de la marque, à son droit exclusif d'interdire l'importation des produits revêtus de sa marque. Il peut être tacite mais doit traduire, de façon certaine, la volonté du titulaire de renoncer à son droit [82].

        A cet égard, on considère que la mise dans le commerce a lieu avec le consentement de son titulaire lorsqu'elle est réalisée par une personne liée économiquement, même si celle-ci est juridiquement distincte [83]. Sont donc concernés: les preneurs de licence de la marque [84], ainsi que les membres du réseau de distribution du titulaire de la marque.

        iii. Etendue de l'épuisement

        31.La question de l'étendue de l'épuisement de la marque permet également d'en préciser les limites. A cet égard, les enseignements tirés de l'arrêt Dior / Evora de la Cour de justice sont particulièrement instructifs [85].

        On considère que l'épuisement de la marque implique le droit, pour le tiers en possession de produits mis dans le commerce avec le consentement du titulaire de la marque, d'utiliser la marque pour en assurer la revente, sans que le titulaire ne puisse s'y opposer.

        32.Dans le cadre de son arrêt Dior / Evora, rendu sur question préjudicielle, la Cour de justice a cependant été amenée à s'interroger sur l'étendue exacte de l'épuisement [86]. Saisi d'un litige où Parfums Christian Dior SA s'opposait à la diffusion par les magasins « Kruidvat » d'un dépliant faisant notamment la promotion de produits revêtus de la marque « Dior », le Hoge Raad der Nederlanden pose notamment à la Cour de justice la question suivante: « (…) est-il conforme à l'économie de la directive (…) de tolérer que le revendeur ait également la faculté d'employer cette marque afin d'annoncer au public la commercialisation ultérieure? »

        La réponse de la Cour de justice est formelle: « Si le droit conféré au titulaire d'une marque, conformément à l'article 5 de la directive, d'interdire l'usage de sa marque pour des produits est épuisé dès lors que ceux-ci ont été mis dans le commerce par lui-même ou avec son consentement, il en va de même s'agissant du droit d'employer la marque afin d'annoncer au public la commercialisation ultérieure desdits produits. » [87]. La Cour justifie sa réponse de la manière suivante « (…) Si le droit d'employer la marque afin d'annoncer la commercialisation ultérieure n'était pas épuisé de la même manière que le droit de revente, cette dernière serait rendue sensiblement plus difficile et l'objectif de la règle d'épuisement prévue à l'article 7 serait ainsi compromis. » [88].

        Ainsi faut-il en conclure que la perte du contrôle du titulaire sur les produits marqués ne s'arrête pas à leur revente mais également à la promotion des produits pour permettre leur revente. Le titulaire de la marque ne peut donc, en principe, pas faire usage de ses droits exclusifs pour s'opposer aux publicités utilisant la marque annoncées par un revendeur ayant licitement acquis les biens revêtus de la marque.

        III. Bilan: collision ou complémentarité?
        A. Apparente collision des règles

        33.Les développements qui précèdent mènent au constat suivant: l'épuisement de la marque est une règle inévitablement applicable au moment de la rupture du contrat de distribution.

        En effet, pendant le contrat, le distributeur est propriétaire d'un stock qu'il achète soit auprès du fournisseur, soit auprès des autres membres du réseau [89]. Nous avons vu qu'il s'agit d'un cas où on considère que la mise dans le commerce a lieu soit par le titulaire de la marque, soit avec son consentement [90]. Cela signifie qu'à la fin du contrat, le droit de marque du titulaire sur les produits dont le distributeur reste en possession est épuisé. En d'autres termes, le titulaire ne peut pas s'opposer à leur revente (ni à la promotion en ce sens) par son ancien distributeur. Il en va de même pour les commandes en cours au moment de la rupture.

        Or, c'est précisément la solution contraire que suggère l'exigence d'étanchéité du réseau de distribution sélective, en principe garante de la marque, de sa renommée, et de son image.

        Comment concilier l'épuisement de la marque, règle essentielle pour éviter le cloisonnement des marchés, et le respect de la marque elle-même, dont la qualité et la renommée en font la valeur « immatérielle » principale que la distribution sélective tend à protéger? Qu'en est-il de l'image de marque du produit, à laquelle la revente hors réseau ou la promotion non conforme à son prestige risque de porter atteinte?

        B. Possible réconciliation: limites de l'épuisement

        34.L'article 7, 2., de la directive n° 2008/95/CE prévoit que l'épuisement ne s'applique pas « lorsque des motifs légitimes justifient que le titulaire s'oppose à la commercialisation ultérieure des produits, notamment lorsque l'état des produits est modifié ou altéré après leur mise dans le commerce ». Selon cette disposition, le droit du titulaire sur la marque n'est pas épuisé s'il dispose de motifs légitimes de s'opposer à son usage pour la commercialisation ultérieure de produits mis dans le commerce avec son consentement [91]. La disposition pose la question évidente de l'interprétation à donner aux « motifs légitimes » susceptibles de faire échec à l'épuisement de la marque et ainsi autoriser son titulaire à s'opposer à son usage.

        La Cour de justice retient traditionnellement quatre hypothèses de motifs légitimes: l'atteinte à la renommée de la marque, le risque de confusion avec l'entreprise du titulaire de la marque, le reconditionnement des produits [92] et le remplacement de la marque par une autre marque. Les deux dernières hypothèses ne concernent pas directement la question qui nous occupe et ne seront donc pas abordées en détail ici [93].

        i. Atteinte à la renommée de la marque

        35.La Cour de justice a bien vite été amenée à s'interroger sur la compatibilité entre l'épuisement et l'importance du respect de l'image de marque, de sa renommée et, le cas échéant, de son prestige. La renommée de la marque attachée à un produit n'est-elle pas ce qui en fonde parfois la valeur principale? La protection de la renommée de la marque ne constituerait-elle pas un « motif légitime » au sens de l'article 7, 2., de la directive n° 2008/95/CE?

        36.La question s'est particulièrement posée dans l'affaire Dior / Evora [94], où le Hoge Raad der Nederlanden a notamment interrogé la Cour de justice sur les exceptions à l'épuisement de la marque et en particulier quant à la possible atteinte à la fonction publicitaire de la marque lorsque la publicité de l'annonceur est faite au détriment de l'image de luxe et de prestige de la marque.

        En réponse, la Cour commence par rappeler sa jurisprudence antérieure, selon laquelle le terme « notamment » de l'article 7, 2., de la directive, signifie que la modification ou l'altération de l'état des produits n'est « donnée qu'à titre d'exemple de ce qui peut constituer des motifs légitimes ” [95].

        La Cour poursuit en constatant que « l'atteinte portée à la renommée de la marque peut, en principe, être un motif légitime au sens de l'article 7, 2., de la directive » [96]. Elle précise ensuite que seule une atteinte sérieuse à la renommée de la marque serait constitutive d'un motif légitime [97]. Pour déterminer l'atteinte sérieuse, la Cour procède à la mise en balance des intérêts légitimes du titulaire de la marque et ceux du revendeur. Dans le cas particulier des produits de luxe et de prestige, elle considère que le revendeur ne peut agir de façon déloyale, de sorte qu'au moment de la revente et de la promotion des produits, il doit tenir compte de l'image de prestige de la marque et de l'univers de luxe créé par son titulaire. Elle en conclut que le revendeur ne pourrait donc placer les produits dans un environnement qui risque de porter gravement préjudice à l'allure et la sensation de luxe qui émane de ceux-ci.

        Conformément à la jurisprudence de la Cour de justice, le titulaire d'une marque peut faire échec à l'épuisement, et donc s'opposer à l'usage de la marque par le revendeur, chaque fois que la revente (dans son annonce, sa présentation, etc.) entraîne une atteinte sérieuse à l'image de la marque [98]. A contrario, il ne pourra s'opposer à l'usage de la marque pour le simple motif que le mode de publicité utilisé ne correspond pas à l'image de marque, si celui-ci est usuel dans le secteur d'activité du revendeur [99].

        ii. Risque de confusion avec le titulaire de la marque ou son réseau de distributeurs agréés

        37.La Cour de justice estime que constitue également un motif légitime, l'impression, donnée par la promotion ou l'annonce d'un revendeur, qu'il existe un lien économique entre lui et le titulaire de la marque [100]. Cette hypothèse inclut notamment toutes les publicités qui donneraient l'impression que le revendeur appartient au réseau de distribution du titulaire de la marque [101].

        Se référant à ses enseignements précédents, la Cour de justice considère qu'une telle publicité violerait l'obligation du revendeur d'agir de façon loyale vis-à-vis des intérêts légitimes du titulaire de la marque, en ce que la confusion porterait le revendeur à tirer indûment profit de la renommée et du caractère distinctif de la marque et risquerait de porter atteinte à sa valeur.

        38.Bien que le critère soit la déloyauté à l'égard des intérêts légitimes du titulaire de la marque, il apparaît que, pour apprécier si l'impression de lien économique entre le titulaire et le revendeur est constitutif d'un motif légitime au sens de l'article 7, 2., de la directive, il faut se placer du point de vue du consommateur. L'usage de la marque dans la publicité du revendeur permet-il au consommateur normalement informé et raisonnablement attentif de savoir si les biens annoncés proviennent du titulaire de la marque, d'une entreprise économiquement liée ou au contraire d'un tiers [102]? Si l'analyse de la situation aboutit à la réponse « non » ou « seulement difficilement », alors le titulaire pourra s'opposer à l'usage de la marque par le revendeur [103].

        Il faut conclure de ce qui précède que, d'après les enseignements de la Cour de justice, la vente en dehors du réseau de distribution en exécution de la règle de l'épuisement du droit à la marque n'est possible que s'il ne permet pas la confusion avec le réseau.

        39.Ces deux motifs légitimes développés par la jurisprudence de la Cour de justice permettent de mettre en lumière deux enseignements importants.

        D'une part, on relève l'importance (sans cesse croissante) accordée aux fonctions auxiliaires de la marque, fonctions que remplit également, de façon complémentaire, la distribution sélective. C'est donc avec beaucoup de logique que la Cour de justice, procédant à une balance des intérêts pour maintenir le juste équilibre entre les droits légitimes du titulaire de la marque et la liberté de circulation des marchandises, constate que, dans certaines hypothèses dépendantes de la manière dont le revendeur vend les produits et en fait leur promotion, la vente hors réseau porte atteinte à l'image de la marque et à sa valeur intrinsèque.

        D'autre part, on relève qu'au-delà d'un premier constat d'incompatibilité entre les règles de la sélectivité et celles du droit des marques, c'est en réalité une complémentarité des règles que la Cour de justice met en évidence.

        Conclusion: le sort du stock et des dernières commandes à la fin du contrat

        40.Il ressort de l'ensemble de ce qui précède qu'une bonne compréhension de la règle de l'épuisement du droit à la marque et de ses limites permet d'élaborer une solution pratique aux difficiles questions des stocks et des commandes en cours à la fin du contrat de distribution sélective.

        Pour rappel, dans l'hypothèse où le fournisseur ne reprend pas le stock du distributeur en fin de contrat, la logique voudrait que celui-ci soit alors autorisé à l'écouler [104]. Or, le monopole de la vente agréée conduit en principe à l'interdiction pour le distributeur sorti du réseau d'honorer les commandes en cours et de liquider son stock. En pratique, on constate régulièrement qu'en dépit de cette interdiction, un distributeur sélectif sorti du réseau est autorisé à liquider son stock ou à exécuter les dernières commandes. Comment expliquer cette tolérance souvent compréhensible d'un point de vue commercial mais difficilement justifiable d'un point de vue juridique?

        C'est ici que la règle d'épuisement de la marque intervient. Elle permet de justifier la tolérance consistant à permettre au distributeur de liquider son stock et d'honorer les dernières commandes. Elle en fixe également les limites: seule une vente sans confusion avec le réseau agréé et sans atteinte à l'image et à la renommée de la marque sera possible.

        41.Fournisseurs et distributeurs y seront particulièrement sensibles dans le secteur du luxe où le prestige et la renommée de la marque reçoivent une attention exceptionnelle. Les deux conditions précitées (pas de confusion avec le réseau agréé, pas d'atteinte à l'image de marque) interdiront les ventes à des rabais nuisant au prestige de la marque [105], ou celles reposant sur un usage de la marque figurative sans distinction avec les autres marques figuratives dont le revendeur est encore distributeur officiel [106]. Nous pensons que les deux conditions précitées supposeront parfois que le revendeur indique expressément [107] qu'il n'est plus membre du réseau agréé, voire (lorsqu'il y a de l'après-vente) qu'il ne peut plus assurer les obligations de garantie du fabricant.

        En conclusion, nous retiendrons que ce pourrait être parfois en violation du principe de l'épuisement du droit à la marque qu'en fin de contrat, le distributeur serait totalement privé du droit de liquider ses stocks ou d'exécuter les commandes en cours. En effet, dès lors qu'il écarte expressément toute confusion avec le réseau agréé et respecte la marque, ne serait-ce pas en violation de la règle de l'épuisement que son précédent fournisseur l'empêche de revendre des produits qu'il a valablement acquis? C'est en vertu du même principe que, dans d'autres cas, le fournisseur pourrait valablement décider de ne pas reprendre le stock et les commandes du distributeur, autorisant ce dernier à en poursuivre la revente ou la livraison dès lors qu'il n'y a pas risque de confusion avec le réseau agréé et atteinte à l'image de la marque.

        [1] Avocat au Barreau de Bruxelles au sein du cabinet Janson Baugniet. L'auteur remercie le professeur et avocat Laurent du Jardin pour ses précieux conseils.
        [2] Il s'agit, d'une part, du livre X, titre 1er du Code de droit économique (ci-après « CDE »), intitulé « Contrats d'agence commerciale » (anciennement loi du 13 avril 1995); d'autre part, du livre X, titre 2 du CDE, intitulé « Information précontractuelle dans le cadre d'accords de partenariat commercial » (anciennement loi du 19 décembre 2005); et enfin, du livre X, titre 3 du CDE, intitulé « Résiliation unilatérale des concessions de vente à durée indéterminée » (anciennement loi du 27 juillet 1961).
        [3] A propos de l'ancien règlement (CE) n° 2790/99 de la Commission, remplacé depuis par le règlement (UE) n° 330/2010, Ch. Geur et N. Petit, Vertical Restraints and Distribution Agreements under E.U. Competition Law, Bruxelles, Bruylant, 2011, p. 18, écrivent: « Regulation 2790/99 is based on a fundamental distinction between selective and non-selective systems. »
        [4] La constatation vaut également pour la jurisprudence, en matière de concession de vente notamment, où les solutions développées dans le silence du législateur sont répétées sans distinction selon le type de distribution concerné, là où justement la distribution sélective suggère qu'elles soient nuancées.
        [5] Voy. infra, point I.
        [6] Voy. en ce sens L. du Jardin, Les contrats de distribution sélective, Bruxelles, Bruylant, 2014, p. 197.
        [7] S'il n'y a a priori pas de lien nécessaire entre distribution sélective et concession de vente exclusive, dans certains cas, le caractère sélectif de certains contrats pourra entraîner l'application du livre X, titre 3, CDE alors même que ces contrats ne seraient pas « exclusifs » au sens du CDE. En effet, il arrive que les critères de sélection impliquent des investissements tellement importants de la part du distributeur qu'ils pourraient alors constituer, des « obligations importantes du concessionnaire », que le livre X, titre 3, CDE (art. X.35, 3°) érige en critère d'application de ses dispositions; Bruxelles, 8 février 2001, R.D.C., 2003, p. 500, et note A. de Schoutheete, « Concession de vente et 'obligations importantes' », p. 508.
        [8] Nous utilisons le terme générique « fournisseur », qui permet d'englober les mots « concédant », « fabricant » ou encore « importateur ».
        [9] De même, nous utilisons le terme générique « distributeur », afin d'englober les mots « concessionnaire », « franchisé » et « détaillant ».
        [10] Comm. Bruxelles, 1er avril 1976, J.T., 1976, p. 664; Bruxelles, 9 janvier 1990, R.D.C., 1990, p. 688, et note P. Kileste; Comm. Hasselt, 28 janvier 1997, R.W., 1999-2000, p. 262; Liège, 29 mai 2001, R.R.D., 2001, p. 310. Contra: Anvers, 22 mars 1989, R.W., 1989-1990, p. 158; Comm. Hasselt, 17 septembre 1990, D.A. O.R., 1991/18, p. 88; M. Wagemans, Concession de vente, Bruxelles, Bruylant, 2014, p. 142.
        [11] C'est-à-dire que le contrat soit conclu à durée déterminée ou indéterminée, et qu'il est soit exclusif au sens de la loi ou non; Liège, 2 novembre 2006, J.L.M.B., 2007, p. 1223.
        [12] Cass., 31 octobre 1997, R.G. n° C.96.0376.F, Pas., 1997, I, n° 438, p. 1105; R.D.C., 1998, p. 228.
        [13] P. Kileste, P. Hollander, S. Staudt, La résiliation des concessions de vente. 50 ans d'évolution de la loi du 27 juillet 1961, Limal, Anthémis, 2011, p. 169; pour une approche plus nuancée, voy. L. du Jardin, o.c. (n.b.p. n° 6), p. 197.
        [14] P. Naeyaert, Distributeurs en Handelstussenpersonen. Met focus op beëindiging, Brugge, die Keure, 2012, p. 545.
        [15] Liège, 29 mai 2001, R.R.D., 2001, p. 310; Comm. Hasselt, 28 janvier 1997, R.W., 1999-2000, p. 262.
        [16] P. Kileste, P. Hollander, S. Staudt, o.c. (n.b.p. n° 13), p. 170 et jurisprudence citée.
        [17] En effet, si l'on admet aisément qu'en cas de rupture fautive du fournisseur, celui-ci soit contraint d'en assumer toutes les conséquences, en ce compris libérer le distributeur du stock excédant, il serait contraire au principe de bonne foi, dans certaines hypothèses, de le contraindre à la reprise dans le cas d'une rupture fautive du distributeur; voy. en ce sens Bruxelles, 3 avril 1997, D.A. O.R., 1997, n° 43, p. 93 et note de G. Ballon; Comm. Liège, 16 avril 2004, D.A. O.R., n° 72, 2004, p. 29: « si le principe de bonne foi des conventions implique que, en principe, le concédant est tenu de reprendre le stock à la fin de la concession, celui-ci est en droit, lorsque la rupture est imputable au distributeur (que ce soit en raison de cette faute grave ou que l'initiative de la rupture sans préavis intervienne de sa part) d'invoquer l'exception d'inexécution et de ne pas reprendre le stock » (p. 40); contra Liège, 15 juin 2004, R.D.C., 2005, p. 945.
        [18] L. du Jardin, o.c. (n.b.p. n° 6), p. 190.
        [19] Voy. à cet égard les explications de M. Chevalier et G. Mazzavolo, Management et marketing de luxe, 2e éd., Paris, Dunod, 2011, p. 324.
        [20] Voy. infra point I.C.
        [21] Règlement (UE) n° 330/2010 de la Commission du 20 avril 2010 concernant l'application de l'article 101, 3., du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne à des catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées, J.O., L. 102, 23 avril 2010, p. 1 (ci-après « règlement n° 330/2010 »).
        [22] Préface de L. et J. Vogel, in L. du Jardin, p. 7 (n.b.p. n° 6).
        [23] G. Straetmans, « Over merkartikelen, selectieve distributie en parallelimport » (note sous Anvers, 9 novembre 1993), Ann. prat. comm., 1993, Kluwer, p. 332.
        [24] Terme utilisé par M. Chevalier et G. Mazzalovo, o.c. (n.b.p. n° 19), 2e éd., Paris, Dunod, 2011, p. 342.
        [25] Ces avantages ne sont cependant pas nécessairement rencontrés dans les faits, leur réalisation dépendant entièrement des circonstances de l'espèce; J. Temple Lang, « Selective Distribution », Fordham International Law Journal, vol. 8, 1984, p. 326.
        [26] Ici également, il s'agit d'avantages théoriques, dont la réalité peut changer d'un réseau à l'autre et d'un produit à l'autre; J. Temple Lang, o.c., p. 326.
        [27] Voy. infra point C.
        [28] La Cour de justice de l'Union Européenne (ci-après: « Cour de justice ») reconnaît expressément que la sélectivité peut être nécessaire pour préserver la nature des produits de luxe et de haute technicité: C.J.C.E., 11 décembre 1980, C-31/80, L'Oréal / De Nieuwe AMCK, Rec., p. I-3776, point 16.
        [29] Voy. à cet égard, M. Chevalier et G. Mazzalovo, o.c. (n.b.p. n° 19), 388 p.
        [30] Voy. en ce sens L. du Jardin, o.c. (n.b.p. n° 6), p. 29.
        [31] Cette maîtrise peut également mener à des abus: au-delà des critères objectifs de distribution sélective mis en place par les fournisseurs, existent parfois également des critères subjectifs non exprimés qui eux sont susceptibles d'entraîner une discrimination dans le choix des distributeurs; voy. en ce sens, J. Temple Lang, o.c. (n.b.p. n° 25), pp. 324 et s.
        [32] Les stratégies adoptées par l'Oréal en matière de distribution illustrent l'idée de la sélectivité comme facteur d'image de la marque. Ainsi, les shampoings « L'Oréal Paris » (marque grand public) sont vendus selon une stratégie de distribution intensive, et se retrouvent dans un maximum de points de vente, dont notamment les grandes surfaces. En revanche, les shampoings de marque « Kérastase » (marque de luxe) sont vendus selon une stratégie de distribution sélective. Pour renforcer l'image de qualité et d'exclusivité de la marque, les produits ne sont vendus qu'auprès de certains coiffeurs agréés choisis par le fournisseur. Il convient de noter que certaines méthodes de vente, sous couvert de la distribution sélective, était sujettes à controverses au motif qu'elles profitaient abusivement du système. Les produits « Kérastase » de L'Oréal sont d'ailleurs à l'origine de l'arrêt rendu sur question préjudicielle de la C.J.C.E. du 11 décembre 1980, C-31/80, L'Oréal / De Nieuwe AMCK, Rec., p. I-3776.
        [33] Par principe, les clauses d'exclusivité (d'achat, de vente, de territoire ou de clientèle) sont considérées comme anticoncurrentielles et sont qualifiées soit de clauses noires (« hardcore restrictions »), soit de clauses grises par le règlement n° 330/2010 (art. 4 et 5).
        [34] L. Vogel, Traité de droit économique, t. 1, Droit de la concurrence, Paris, LawLex-Bruylant, 2015, p. 237.
        [35] Communication de la Commission, Lignes directrices sur les restrictions verticales, Bruxelles, 10 mai 2010, SEC(2010) 411, p. 65, point 175 (ci-après: « Lignes directrices sur les restrictions verticales »).
        [36] Pour rappel, l'article prévoit: « Sont incompatibles avec le marché intérieur et interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d'associations d'entreprises et toutes pratiques concertées, qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre Etats membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché intérieur (…) ». A cet égard, il convient de rappeler que les décisions individuelles d'exemption rendues par la Commission sont obligatoires uniquement à l'égard du nombre limité de destinataires qu'elles désignent: Cass., 20 février 1997, R.G. n° C.96.0081.F, Pas., 1997, I, p. 99.
        [37] F. Wijckmans, F. Tuytschaever et A. Vandereslst, Vertical Agreements in EC Competition Law, OUP, 2006, n° 11.83.
        [38] C.J.C.E., 11 décembre 1980, C-31/80, L'Oréal / De Nieuwe Amck, Rec., 1983, p. I-3775; Lignes directrices sur les restrictions verticales, point 175.
        [39] F. Vanhaelen et T. Verbiest, « Internet, concurrence et distribution sélective. Une coexistence parfois difficile… », J.D.E., 2000, p. 164.
        [40] C.J.C.E., 27 octobre 1986, C-75/84, Metro / Commission (Metro II), Rec., p. 3021.
        [41] Lignes directrices sur les restrictions verticales, point 175.
        [42] Ibid.
        [43] Que ce soit pour créer la rareté du produit (qui en fait un produit exclusif, une caractéristique essentielle de l'émotion créée par le luxe), ou assurer une meilleure rentabilité dans le réseau (ventes concentrées sur quelques distributeurs).
        [44] Les critères quantitatifs sont généralement un numérus clausus, ou des quantités minimales d'achat ou de vente.
        [45] F. Wijckmans, « Ten Challenges For 2010 A Practitioner's Perspective On The Revision Of Regulation 2790/99 », in X., Vertical Restraints and Distribution Agreements under E.U. Competition Law, Bruxelles, Bruylant, 2011, p. 21, conclut ainsi à l'absence de conditions à respecter pour les critères quantitatifs: « the absence of any reference to conditions or formalities pertaining to the quantitative limit, however, means that under Regulation 330/2010 and the 2010 Vertical Guidelines, there are none to be complied with » (nous soulignons).
        [46] Point 175.
        [47] C.J.U.E., 14 juin 2012, C-158/11, Auto 24 SARL / Jaguar Land Rover, publié au Recueil numérique. L'arrêt s'appuie sur une définition du précédent règlement d'exemption automobile n° 1400/2002. Ses termes étant conformes au règlement n° 330/2010 et aux Lignes directrices sur les restrictions verticales, l'enseignement de la Cour de justice peut être transposé dans les autres secteurs de la distribution sélective; L. du Jardin, o.c. (n.b.p. n° 6), p. 67.
        [48] La décision a le mérite de favoriser l'efficience économique et de sécuriser les réseaux organisés sur base de critères de sélection quantitatifs. En pratique, pour « être vérifié », il suffirait que le critère soit établi par écrit ou sur un support durable sans formalité spécifique ni autre exigence quant à son contenu; F. Tuytschaever et F. Wijckmans, Distributieovereenkomsten in het mededingingsrecht, Bruxelles, Larcier, 2012, p. 240.
        [49] C.J.C.E., 25 octobre 1997, C-26/76, Metro / Commission (I), Rec., p. I-1875, n° 27.
        [50] Ces règles sont partie intégrante de la définition de système de distribution sélective donnée à l'article 1, e), du règlement n° 330/2010; voy. supra, n° 5; F. Wijckmans, o.c. (n.b.p. n° 45), Bruxelles, Bruylant, 2011, p. 18.
        [51] C.J.U.E., 23 avril 2009, C-89/08, Dior / Sil et Copad, Rec., p. I-11245.
        [52] E. Cornu, « Arrêt 'Dior Couture': les effets d'un contrat de licence sur l'épuisement du droit à la marque », J.D.E., 2009, p. 174.
        [53] Article 4, e), du règlement n° 330/2010: l'interdiction des ventes croisées entre distributeurs agréés du même réseau de distribution sélective est une clause noire, dont la présence dans le contrat fait en principe perdre le bénéfice de l'exemption par catégorie à tout le contrat.
        [54] Il est important de rappeler que, bien que le fournisseur ne peut imposer l'obligation d'achat exclusif auprès de lui, tout contrat de distribution implique nécessairement une obligation pour le distributeur de s'approvisionner (notamment) auprès du fournisseur, au risque de voir le contrat vidé de son objet.
        [55] Une commande annulée est souvent un coup dur pour le client, notamment dans certains secteurs où les délais de livraisons vont parfois jusqu'à 6 mois d'attente. Une commande transférée, non seulement entraîne des difficultés opérationnelles pour le réseau (remboursement des acomptes entre distributeurs, etc.) mais rallonge également les délais de livraison, oblige le client, qui voit souvent un moins bon suivi de sa commande, à changer d'interlocuteur, etc.
        [56] Elles sont abordées ci-après: voy. infra, n° 20.
        [57] M. Buydens, L'application des droits de propriété intellectuelle, OMPI, 2014, p. 11.
        [58] C.J.C.E., 12 novembre 2002, C-206/06, Arsenal Football Club, Rec., p. I-10273, point 51; C.J.C.E., 16 novembre 2004, C-245/02, Anheuser-Busch, Rec., p. I-10989, point 59; C.J.U.E., 25 janvier 2007, C-48/05, Adam Opel, Rec., p. I-10273.
        [59] F. Vanhaelen et T. Verbiest, o.c. (n.b.p. n° 39), J.D.E., 2000, p. 168.
        [60] Voir la directive n° 2008/95/CE du Conseil du 22 octobre 2008 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques (version codifiée) (ci-après « directive n° 2008/95/CE ») et le règlement (CE) codifié n° 207/2009 du Conseil du 26 février 2009 sur la marque communautaire, J.O., L. 78/1, 23 mars 2009.
        [61] C.J.C.E., 18 février 1971, C-40/70, Sirena / EDA, Rec., p. 69.
        [62] C.J.C.E., 3 juillet 1974, C-192/73, Van Zuylen frères / Hag (Hag I), Rec., p. I-732.
        [63] C.J.C.E., 17 octobre 1990, C-10/89, CNL-Sucal / Hag (Hag II), Rec., p. I-3731, point 13.
        [64] A l'origine, c'était l'unique fonction attribuée à la marque; A. Puttemans, Droits intellectuels et concurrence déloyale, Bruxelles, Bruylant, 2000, p. 83; M. Buydens, o.c. (n.b.p. n° 58), OMPI, 2014, p. 17.
        [65] Y. Basire, Les fonctions de la marque. Essai sur la cohérence d'un signe distinctif, Collection du CEIPI, 2011, p. 63. À la différence des autres fonctions de la marque, qui ne sont pas expressément et directement reconnues par la directive n° 2008/95/CE, celle-ci y est garantie et protégée.
        [66] A. Braun, Précis des marques, 5e éd., Bruxelles, Larcier, 2009, p. 11.
        [67] C.J.C.E., 23 mai 1978, C-102/77, Hoffmann-Laroche, Rec., p. 1139, point 7.
        [68] A. Braun, o.c. (n.b.p. n° 66), p. 16.
        [69] Ibid., p. 17.
        [70] A. Braun, o.c. (n.b.p. n° 66), p. 19.
        [71] Voy. p. ex. C.J.C.E., 11 novembre 1997, C-349/95, Frits Loendersloot / George Ballantince & Son, Rec., p. I-6227.
        [72] Cependant, d'après A. Braun, o.c. (n.b.p. n° 66), p. 20, une partie de la doctrine ne reconnaît pas de protection juridique par le biais du droit des marques à la fonction publicitaire de la marque; voy. à cet égard, H. Debois, « La protection des marques notoires ou de haute renommée », in Mélanges en l'honneur de Daniel Bastan, Paris, Librairies Techniques, 1974, p. 13.
        [73] Voy. supra, n° 6.
        [74] G. Straetmans, o.c. (n.b.p. n° 23), note sous Anvers, 9 novembre 1993, Ann. prat. comm., 1993, Kluwer, p. 332.
        [75] C.J.U.E., 23 avril 2009, C-89/08, Dior / Sil et Copad, Rec., p. I-11245, point 29.
        [76] C.J.C.E., 4 novembre 1997, C-337/95, Dior / Evora, Rec., p. I-6034, point 37; M. Buydens et Ch. Bernard, « L'épuisement du droit à la marque », J.D.E., 2013/2, p. 37.
        [77] La règle trouve son origine dans l'idée qu'une personne devenue propriétaire d'un bien doit être libre de le revendre en faisant usage de la marque; S. Molenaers, « Het uitputtingsbeginsel in het merkenrecht », I.R.D.I., 2001, p. 5.
        [78] Voy. également le texte correspondant de l'article 2.23, 3. de la Convention Benelux en matière de propriété intellectuelle. La règle est donc consacrée tant au niveau de l'Union européenne qu'au niveau du Benelux.
        [79] F. Petillion, « Communautaire uitputting als uitzondering op het exclusief recht van de merkhouder » (note sous Comm. Bruxelles (cess.), 22 avril 2009), R.A.B.G., 2009/20, p. 1458.
        [80] C.J.U.E., 30 novembre 2004, C-16/03, Peak Holding, Rec., p. I-11313, points 40 à 42; C.J.C.E., 16 juillet 1998, C-355/96, Silhouette, Rec., p. I-4799.
        [81] M. Buydens et Ch. Bernard, o.c. (n.b.p. n° 76), J.D.E., 2013/2, p. 39; C.J.U.E., 15 octobre 2009, C-324/08, Makro Zelfbedieningsgroothandel / Diesel, Rec., p. I-10019, point 22.
        [82] C.J.C.E., 20 novembre 2001, C-414/99 à C-416/99, Zino Davidoff et Levi Strauss, Rec., p. I-8691; pour une approche détaillée de la question, voy. A. Bonet, « Le consentement dans l'épuisement du droit à la marque: état de la question », I.R.D.I., 2005, pp. 26 et s.
        [83] C.J.C.E., 22 juin 1994, C-9/93, IHT Internationale Heiztechnik / Ideal Standard, Rec., p. I-2836.
        [84] Notons que la directive n° 2008/95/CE prévoit expressément certaines violations du contrat de licence comme exceptions à l'épuisement de la marque (art. 8, 2.). Ces clauses sont énoncées de manière limitative et concernent notamment la durée du contrat de licence, le territoire sur lequel la marque peut être apposée ou la qualité des produits fabriqués ou des services fournis par le licencié; C.J.U.E., 23 avril 2009, C-59/08, Dior / Sil et Copad, Rec., p. I-11245; E. Cornu, « Arrêt 'Dior Couture': les effets d'un contrat de licence sur l'épuisement du droit à la marque », J.D.E., 2009, p. 173; A. Hallemans, « De invloed van de licentieovereenkomst op de uitputting van het merkenrecht », I.R.D.I., 2009, p. 287.
        [85] Voy. infra, n° 34.
        [86] C.J.C.E., 4 novembre 1997, C-337/95, Dior / Evora, Rec., p. I-6034, point 37.
        [87] Ibid., point 36.
        [88] Ibid., point 37.
        [89] Le distributeur est propriétaire d'un stock tournant plus ou moins étendu en fonction du secteur, du produit, des gammes proposées, de la demande des clients, et des exigences du fournisseur.
        [90] Notons pour mémoire que dans la plupart des cas, le contrat prévoit expressément le droit d'usage de la marque du fournisseur par le distributeur. Pour rappel, on considère qu'il y a consentement du titulaire lorsque la mise en commerce a eu lieu par une entreprise liée. Les distributeurs agréés sont considérés comme faisant partie de cette catégorie (voy. supra, n° 30).
        [91] M. Buydens et Ch. Bernard, o.c. (n.b.p. n° 76), J.D.E., 2013/2, p. 37.
        [92] Cela concerne principalement les produits pharmaceutiques: M. Buydens et Ch. Bernard, o.c. (n.b.p. n° 76), J.D.E., 2013/2, p. 37.
        [93] Sur ce sujet, nous renvoyons notamment à la contribution de M. Buydens et Ch. Bernard, o.c. (n.b.p. n° 76), J.D.E., 2013/2, p. 37, qui examine en profondeur les exceptions précitées.
        [94] C.J.C.E., 4 novembre 1997, C-337/95, Dior / Evora, Rec., p. I-6034; voy. la quatrième question posée par le Hoge Raad au point 14.
        [95] Idem, point 42.
        [96] Idem, point 43.
        [97] Idem, point 47.
        [98] L'avocat général Kokott soulevait ainsi dans ses conclusions précédant l'arrêt Dior Couture que l'image de marque de luxe d'un produit subirait un grave préjudice si le produit en question était vendu à des prix cassés chez de nombreux soldeurs à grand renfort de publicité; point 33 des conclusions de l'avocat général précédant C.J.U.E., 23 avril 2009, C-89/08, Dior / Sil et Copad, Rec., p. I-11245.
        [99] Idem, point 46.
        [100] C.J.C.E., 23 février 1999, C-63/97, BMW / Deenik, Rec., p. I-925, point 51.
        [101] La question du risque de confusion avec le réseau officiel était déjà soulevée à l'occasion de l'arrêt Daimler / Benz-Haze: D. Putzeys, « Parellelle handel en officiële distributie » (note sous C.J. Benelux, 20 décembre 1993, A n° 92/5), R.W., 1994-1995, p. 49.
        [102] Il en irait notamment de la publicité d'un revendeur annonçant des produits issus d'un réseau de distribution sélective en faisant figurer en premier plan la marque figurative du produit, laquelle, soit associée à des mots tels « spécialiste » ou « distributeur », soit renvoyant vers le site Internet du titulaire de la marque, crée une confusion pour le consommateur qui croira s'adresser à un membre agréé du réseau, alors que ce n'est pas le cas.
        [103] C.J.C.E., 23 février 1999, C-63/97, BMW / Deenik, Rec., p. I-925, point 81.
        [104] Que ferait-il du stock restant dans le cas contraire?
        [105] Voy. en ce sens C.J.U.E., 23 avril 2009, C-59/08, Dior C. Sil et Copad, Rec., p. I-11245; dans le secteur horloger, il est inconcevable qu'une montre portant une marque de prestige soit vendue en soldes, au prix d'une montre de base.
        [106] Le site Internet d'un distributeur multimarque mentionne très fréquemment de façon visible la liste des marques qu'il distribue. Si son contrat avec l'une de ces marque s'arrête, il pourra liquider son stock et indiquer sur son site qu'il vend encore la marque, mais il ne pourra plus l'indiquer de façon à laisser penser qu'il continue à être distributeur officiel de cette marque au même titre que les autres marques.
        [107] C'est le choix adopté par un distributeur hollandais de montres de prestige qui indiquait en substance sur son site Internet: « Depuis le 1er janvier 2015, nous ne sommes plus un point de vente officiel de Zenith, d'où les offres intéressantes que nous faisons. Notez que nous ne pouvons plus assurer le service après-vente, entretien et réparation de votre montre Zenith. » [traduction libre de: « Wij zijn sinds 1 januari 2015 géén officieel verkooppunt van Zenith meer, vandaar deze prachtige aanbiedingen. Wij kunnen echter zonder meer de aftersale service, onderhoud en reparaties voor uw Zenith horloge blijven verzorgen. ” (www.juweliervandekerkhof.nl/ consulté le 3 juillet 2015).