Article

Note, R.D.C.-T.B.H., 2015/6, p. 554-555

FAILLITE
Liquidation - Excusabilité - Libération du conjoint - Décharge de la sûreté personnelle - Cohabitants de fait
En n'étendant pas aux cohabitants de fait, qui sont personnellement obligés à la dette de leur cohabitant failli, le bénéfice de l'excusabilité, le législateur a créé, avec le conjoint, ex-conjoint et cohabitant légal du failli, une différence de traitement raisonnablement justifiée, dès lors que la communauté formée par des cohabitants de fait n'est pas établie avec la même certitude que celle issue du mariage ou de la cohabitation légale et qu'il n'en découle pas les mêmes droits et obligations.
Par ailleurs, le cohabitant de fait du failli, qui s'est porté caution personnelle des engagements de ce dernier, ne peut se voir refuser la décharge prévue par l'article 80, alinéa 3, de la loi sur les faillites, au seul motif que son engagement ne pourrait être qualifié de gratuit en raison de sa cohabitation avec le failli.
FAILLISSEMENT
Vereffening - Verschoonbaarheid - Bevrijding van de echtgenoot - Bevrijding van de persoonlijke zekerheidsteller - Feitelijk samenwonenden
Door de regel van de verschoonbaarheid niet uit te breiden tot de feitelijk samenwonenden die zich persoonlijk aansprakelijk hebben gesteld voor de schuld van hun gefailleerde samenwonende partner, heeft de wetgever een verschil in behandeling ingevoerd ten aanzien van echtgenoot, de ex-echtgenoot en de wettelijk samenwonende partner van de gefailleerde dat niet zonder redelijke verantwoording is. Immers de door feitelijk samenwonenden gevormde gemeenschap vertoont niet dezelfde standvastigheid als die welke ontstaat uit het huwelijk of uit de wettelijke samenwoning en uit deze gemeenschap vloeien evenmin dezelfde rechten en plichten voort.
Daarnaast kan de feitelijk samenwonende partner van de gefailleerde die zich persoonlijk zeker stelde voor schulden van deze laatste niet uitgesloten worden van de bevrijding in de zin van artikel 80, derde lid faillissementswet op grond van de reden dat zijn verbintenis niet kosteloos is louter omwille van het feit dat hij samenwoont met de gefailleerde.
David Pasteger [1]

1.Suivant l'article 82, alinéa 2, de la loi sur les faillites, le conjoint du failli qui est personnellement obligé à la dette de son époux est libéré de cette obligation par l'effet de l'excusabilité. Depuis l'adoption de la loi du 18 juillet 2008, la même disposition ajoute que la libération profite également à l'ex-conjoint qui est personnellement obligé à la dette de son époux contractée du temps du mariage [2]. Par un arrêt du lacune du 18 novembre 2010 [3], la Cour constitutionnelle a encore étendu le bénéfice de la libération au cohabitant légal du failli.

Cette fuite en avant du champ d'application ratione personae de la libération des proches du failli excusable a trouvé un point d'arrêt dans la décision annotée. Le cohabitant de fait du failli n'est pas libéré des dettes qu'il a en commun avec ce dernier par le jeu de l'excusabilité.

2.Dans la même décision, la Cour constitutionnelle précise toutefois que la qualité de cohabitant de fait du failli n'exclut pas, de plein droit, celui-ci de la possibilité, offerte par l'article 80, alinéa 3, de la loi du 8 août 1997, d'obtenir la décharge de son engagement, consenti à titre gratuit, en qualité de sûreté personnelle du failli. On savait de longue date que l'administrateur, le gérant, voire l'actionnaire d'une société, qui se porte caution des engagements de cette dernière ne peut prétendre que cet engagement est intervenu à titre gratuit [4] au motif que « la nature gratuite de la constitution de sûreté personnelle signifie l'absence de tout avantage économique, tant direct qu'indirect, dont la sûreté personnelle peut bénéficier grâce à la sûreté constituée » [5]. Le raisonnement a ensuite été étendu à l'engagement du conjoint d'un gérant ou d'un administrateur de société faillie. L'intervention du conjoint en qualité de sûreté personnelle n'est, à suivre la jurisprudence majoritaire [6], pas désintéressée dès lors que le conjoint nourrit l'espoir que l'activité sociale génère un revenu qui enrichira le patrimoine commun. Dans un arrêt du 4 novembre 2013 [7], la cour d'appel de Gand avait été encore plus loin dans l'interprétation restrictive de la notion de gratuité, jugeant que le cohabitant de fait du failli qui s'est porté caution des engagements de ce dernier ne peut prétendre que son engagement est intervenu à titre gratuit, au motif qu'il existe, entre les membres d'un couple de cohabitants de fait, une « unité économique ». Cette opinion n'est manifestement pas partagée par la Cour constitutionnelle qui refuse, dans l'arrêt annoté, d'ériger la cohabitation de fait en un obstacle dirimant à la décharge du cautionnement donné à titre gratuit. Reste au cohabitant de fait du failli à démontrer que les autres conditions de la décharge sont réunies, à savoir, outre le dépôt de la déclaration visée à l'article 72ter de la loi, le caractère disproportionné de son engagement à ses revenus et à son patrimoine [8].

[1] Substitut de Procureur du Roi de Liège, assistant à l'Université de Liège.
[2] La Cour constitutionnelle avait pourtant, par un arrêt du 3 mai 2006 (n° 67/2006, C.A.-A., 2006, p. 815), jugé qu'exclure l'ex-conjoint du failli du bénéfice de la libération est conforme au principe d'égalité.
[3] C.C., 18 novembre 2010, n° 129/2010, C.C.-A., 2010, p. 1983; J.T., 2011, p. 124, note M. Lemal.
[4] En ce sens, voy. Gand, 15 avril 2013, N.J.W., 2014, p. 85, note J. Del Corral; Gand, 12 septembre 2011, R.G.D.C., 2014, p. 141; Comm. Bruxelles, 8 mars 2010, J.T., 2010, p. 509; Gand, 28 décembre 2009, N.J.W., 2010, p. 291, note B. Mouton; Gand, 25 février 2009, Dr. banc. fin., 2010, p. 36; Comm. Gand, 18 décembre 2008, D.A. O.R., 2009, note G. Ballon; T.G.R.-T.W.V.R., 2009, p. 124; Gand, 6 octobre 2008, R.W., 2008-2009, p. 1230; Comm. Bruxelles, 29 septembre 2008, J.L.M.B., 2008, p. 1625; Liège, 15 janvier 2009, J.L.M.B., 2010, p. 350; R.R.D., 2008, p. 376; Mons, 21 novembre 2008, J.L.M.B., 2009, p. 753.
[5] Cass., 26 juin 2008, R.G. C.07.0546.N, J.L.M.B., 2009, p. 720, note T. Cavenaile; Pas., 2008, I, p. 1682; Rev. prat. soc., 2008, p. 84, note W. Derijcke et Cass., 26 juin 2008, R.G. C.07.0596.N, Pas., 2008, I, p. 1685; R.W., 2008-2009, p. 365, note P. Coussement; R.G.D.C., 2008, p. 476, note B. Van Baeveghem; R.D.C., 2008, p. 728.
[6] Liège, 6 mars 2012, J.L.M.B., 2012, p. 1176; Liège, 26 septembre 2006, J.L.M.B., 2007, p. 1233; Mons, 4 juin 2009, J.L.M.B., 2010, p. 946; Mons, 19 mai 2008, Ann. jur. créd., 2008, p. 438. Contra, voy. Comm. Bruxelles, 29 septembre 2008, J.L.M.B., 2008, p. 1625; Comm. Bruxelles, 2 septembre 2010, R.D.C., 2010, p. 902; Comm. Termonde, 12 décembre 2005, R.W., 2005-2006, p. 953.
[7] Gand, 4 novembre 2013, R.D.C., 2014, p. 706.
[8] Pour un examen plus étendu de l'ensemble de ces questions, voy. D. Pasteger, « Le point sur la libération des proches du débiteur failli ou sursitaire: en attendant Godot », R.D.C., 2014, p. 647.