Article

Cour d'appel Bruxelles, 19/04/2013, R.D.C.-T.B.H., 2015/2, p. 185-186

Cour d'appel de Bruxelles 19 avril 2013

BANQUE ET CRÉDIT
Opérations bancaires - Cartes de banque - Carte de crédit - Instrument de paiement électronique - Pas de présentation physique et pas d'identification électronique - Pas de responsabilité du titulaire de la carte - Prohibition des clauses dérogatoires
Quand une carte de crédit a été utilisée sans présentation physique et sans identification électronique, le titulaire de la carte ne peut pas être tenu responsable. Toute clause par laquelle l'émetteur de la carte est exonéré même partiellement de ses obligations est nulle et interdite.
BANK- EN KREDIETWEZEN
Bankverrichtingen - Bankkaart - Kredietkaart - Elektronisch betaalinstrument - Geen fysieke presentatie en geen elektronische identificatie - Geen aansprakelijkheid kaarthouder - Verbod op afwijkende bedingen
Wanneer een kredietkaart wordt gebruikt zonder dat zij fysiek wordt voorgelegd en elektronisch wordt geïdentificeerd, kan de kaarthouder niet aansprakelijk worden gesteld. Bedingen waarbij de uitgever van de kaart zijn aansprakelijkheid, zelfs gedeeltelijk, uitsluit zijn nietig en verboden.

American Express Services Europe Inc. / T.C.

Siég.: M.-F. Carlier, M. van der Haegen et L. Ma (conseillers)
Pl.: Mes Ph. Meulepas loco R. Demets et Ph. Erkes
I. La décision entreprise

L'appel est dirigé contre le jugement prononcé le 1er février 2008 par le tribunal de première instance de Bruxelles.

Il n'est pas produit d'acte de signification de ce jugement.

II. La procédure devant la cour

L'appel est formé par requête, déposée par la société American Express Services Europe Inc. (ci-après « American Express ») au greffe de la cour, le 17 mars 2008.

Dans son arrêt du 20 avril 2012, la cour a ordonné la réouverture des débats afin de permettre aux parties de s'expliquer sur deux questions, la première portant sur l'application des articles 7, 8, § 2 et § 4, et 12 de la loi du 17 juillet 2002 relative aux opérations effectuées au moyen d'instruments de transfert électronique de fonds et la seconde sur l'origine de trois versements effectués respectivement le 16 septembre 2005, le 27 octobre 2005 et le 13 décembre 2005 en règlement partiel du relevé de compte du 8 août 2005 de M. T. auprès d'American Express, M. T. ayant affirmé que ces trois versements avaient été effectués par la société Atex Travel, alors qu'Atex Travel a été déclarée en faillite le 7 novembre 2005.

L'affaire a été fixée après réouverture des débats sur pied de l'article 747 du Code judiciaire.

Les débats ont été repris ab initio à l'audience du 15 mars 2013 pour tout ce qui n'a pas été tranché définitivement par l'arrêt interlocutoire du 20 avril 2012.

La procédure est contradictoire.

Il est fait application de l'article 24 de la loi du 15 juin 1935 sur l'emploi des langues en matière judiciaire.

III. Les faits et antécédents de la procédure

1. Les faits et antécédents de la procédure sont tels que décrits dans l'arrêt du 20 avril 2012, sous réserve de la précision suivante apportée par M. T. dans ses conclusions après réouverture des débats: contrairement à ses déclarations initiales, le troisième versement effectué en règlement de son relevé de compte auprès d'American Express du 8 août 2005, à savoir le versement du 13 décembre 2005, n'a pas été effectué par la société Atex Travel, qui était alors en faillite, mais par lui-même, M. T.

Ce troisième versement, d'un apport de 200 EUR selon la pièce 7 de son dossier, correspond, selon ses souvenirs, au montant du relevé de son extrait de compte personnel auprès d'American Express du 8 juin 2005, relatif à des dépenses personnelles pour un voyage de repérage effectué par lui au Brésil au mois de mai.

Cette nouvelle version des faits qui trouve un appui dans le descriptif concordant des opérations enregistrées par le relevé du 8 juin 2005 n'est pas contestée par American Express.

2. Les demandes d'American Express et de M. T. devant la cour sont, après réouverture des débats, identiques à celles qui étaient formulées initialement et qui sont décrites au point 10 de l'arrêt du 20 avril 2012.

IV. Discussion

3. American Express invoque en substance que le jugement entrepris a méconnu l'article 14 des conditions générales d'utilisation de la carte de crédit obtenue par M. T.

L'article 14 desdites conditions générales prévoit ce qui suit:

« Le titulaire ou le titulaire principal est tenu de vérifier dès réception le relevé mensuel des dépenses effectuées.

American Express Services Europe Limited n'est pas tenue de conserver ni de produire une copie originale de la note de débit ni de la souche délivrée par un appareil de saisie électronique de données ayant enregistré la dépense. La charge de la preuve de la non-conformité du montant repris sur le relevé mensuel avec la note de débit ou la souche délivrée par un appareil de saisie électronique de données ayant enregistré la dépense incombe au titulaire. Tout relevé mensuel qui n'est pas contesté dans les 3 mois de la réception est considéré comme définitivement accepté. »

Selon American Express, M. T. n'ayant pas contesté les relevés litigieux des 8 août 2005, 9 septembre 2005, 7 octobre 2005, 7 novembre 2005 et 8 décembre 2005 dans le délai contractuel de 3 mois, il ne pourrait plus prétendre aujourd'hui que ces relevés contiennent des débits correspondant à des paiements effectués à SN Brussels Airlines ou Virgin Express pour couvrir des dépenses de la société Atex Travel postérieures au 6 juillet 2005, alors qu'il n'avait autorisé de tels prélèvements que pour une période qui expirait le 6 juillet 2005.

4. M. T. invoquait à l'origine que l'article 14 précité était contraire aux dispositions impératives de l'article 32, 13°, 18° et 27°, de la loi du 14 juillet 1991 sur les pratiques du commerce et sur l'information du consommateur.

Après réouverture des débats, il invoque que cet article 14 n'est pas compatible avec les articles 8, § 4, et 12 de la loi du 17 juillet 2002 relative aux opérations effectuées au moyen d'instruments de transfert électronique de fonds (entrée en vigueur le 1er février 2003 et actuellement abrogée par la loi du 10 décembre 2009 relative aux services de paiement).

En vertu de la première de ces dispositions, il est fait dérogation au régime ordinaire de répartition des responsabilités entre le titulaire et l'émetteur d'une carte de crédit lorsque celle-ci a été utilisée, comme c'est le cas en l'espèce, sans présentation physique de la carte et sans identification électronique du titulaire.

Dans ce cas, en vertu de l'article 8, § 4, de la loi, la responsabilité du titulaire n'est jamais engagée en cas d'utilisation frauduleuse ou erronée de la carte.

L'article 12 de la loi dispose en outre qu'est interdite et nulle de plein droit toute clause par laquelle le titulaire renonce même partiellement au bénéfice de ce régime et toute clause par laquelle l'émetteur est exonéré même partiellement des obligations découlant du régime décrit ci-dessus.

5. Par application de l'article 12 de la loi, il y a lieu de conclure que la clause de l'article 14 des conditions générales d'American Express ne peut limiter la responsabilité qui incombe à l'émetteur en la soumettant à un délai de déchéance contractuel non prévu par la loi.

La clause contractuelle invoquée par American Express ne vise que les contestations portant sur des éléments de fait et ne peut limiter les droits qui découlent du régime impératif instauré par la loi du 17 juillet 2002.

Vainement American Express soutient-elle qu'on devrait déduire des dispositions précitées que ce serait le commerçant bénéficiaire du paiement qui supporterait les risques des transactions erronées ou frauduleuses. Cet argument est sans pertinence puisqu'en l'espèce les bénéficiaires de ces paiements sont les compagnies aériennes qui ne sont au demeurant pas à la cause.

L'appel doit donc être rejeté et American Express condamnée aux dépens de la procédure d'appel, liquidés dans le chef de M. T. au montant de l'indemnité de procédure de base de 2.750 EUR qu'il sollicite.

V. Dispositif

Pour ces motifs, la cour,

Reçoit l'appel mais le dit non fondé;

Condamne l'appelante aux dépens d'appel étant liquidés dans le chef de l'intimé à la somme de 2.750 EUR.

(…)