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Actualité : Cour de justice de l'Union européenne, 03/09/2014, R.D.C.-T.B.H., 2015/1, p. 124-125

Cour de justice de l'Union européenne 3 septembre 2014

Deckmyn / Vandersteen et al.

Affaire: C-201/13
DROIT D'AUTEUR ET DROITS VOISINS
Droit d'auteur - Etendue de la protection - Généralités - Exception de parodie - Notion - Liberté d'expression


AUTEURSRECHT EN NABURIGE RECHTEN
Auteursrecht - Omvang van de bescherming - Algemeen - Parodie - Begrip - Vrijheid van meningsuiting


En vue de promouvoir ses calendriers publicitaires, le Vlaams Belang avait repris et transformé la couverture d'un album de Bob & Bobette dans sa version néerlandaise, « De Wilde Weldoener ». Dans le dessin original, Lambique est revêtu d'une tunique blanche et survole la foule en lui jetant des pièces de monnaie. Dans la version parodiée, Lambique était remplacé par le bourgmestre de Gand, tandis que les personnes ramassant les pièces ainsi jetées avaient été remplacées par des personnes voilées et de couleur.

Le tribunal de première instance de Bruxelles avait fait droit à la demande de cessation introduite par les ayants droit, héritiers de l'auteur de la bande dessinée, Willy Vandersteen. En appel, le Vlaams Belang arguait que le dessin litigieux constituait une parodie au sens de l'article 22, § 1er, 6°, de la loi du 30 juin 1994 sur le droit d'auteur et les droits voisins (à compter du 1er janvier 2015, cette disposition sera reprise à l'art. XI.190, 10°, CDE). Pour écarter cette défense, les ayants droit faisaient valoir que la parodie devait répondre à un certain nombre de conditions, non remplies en l'espèce. En particulier, ils soutenaient que la parodie devait faire preuve d'originalité, remplir une fonction critique, viser à railler l'oeuvre elle-même et ne pas emprunter à l'oeuvre d'origine plus que nécessaire. En outre, ils reprochaient aussi au dessin en cause de véhiculer un message discriminatoire.

La cour d'appel de Bruxelles a alors interrogé la Cour de justice sur l'interprétation de l'exception de parodie, reprise à l'article 5, 3., k), de la directive n° 2001/29 du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2001, sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information.

Dans son arrêt du 3 septembre2014, la Cour confirme que la notion de parodie constitue une notion autonome de droit communautaire. Selon la Cour, la notion de parodie présente deux caractéristiques essentielles: d'une part, elle évoque une oeuvre existante tout en restant reconnaissable par rapport à celle-ci (elle doit, dit la Cour, « présenter des différences perceptibles ») par rapport à l'oeuvre d'origine) et, d'autre part, elle constitue une manifestation d'humour ou une raillerie.

La Cour rejette comme non pertinents tous les autres critères dont la cour d'appel de Bruxelles se proposait de vérifier le respect: la parodie présente-t-elle un caractère original propre? Doit-elle raisonnablement pouvoir être attribuée à une personne autre que l'auteur de l'oeuvre d'origine? Doit-elle mentionner la source de l'oeuvre parodiée? Pareils critères ne ressortent pas du texte de l'article 5, 3., k), de la directive n° 2001129 et ne constituent donc pas des conditions d'application de l'exception de parodie (point 21 de l'arrêt).

De plus, même si les exceptions doivent, en règle, recevoir une interprétation stricte, la finalité du texte de loi est de préserver un juste équilibre entre les intérêts et les droits des auteurs, d'une part, et les intérêts des utilisateurs d'oeuvres ou d'autres objets protégés, et notamment la liberté d'expression, d'autre part (point 27 de l'arrêt).

Pour autant, le recours à la liberté d'expression connaît des limites. En effet, insiste la Cour, il convient de tenir compte de toutes les circonstances de l'espèce, et notamment, dans cette affaire en particulier, du fait que, comme les ayants droit de Vandersteen le soutenaient, l'oeuvre parodiée se trouve associée au message discriminatoire véhiculé par le Vlaams Belang. La Cour admet bien que les titulaires de droits d'auteur ont un intérêt légitime à ce que leurs oeuvres ne soient pas associées à de tels messages (point 31 de l'arrêt), tout en laissant au juge national le soin d'apprécier dans le cas d'espèce et concrètement si et dans quelle mesure ces intérêts légitimes des auteurs ou des titulaires de droits se trouvent effectivement affectés.