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Actualité : Cour de cassation, 17/09/2014, R.D.C.-T.B.H., 2015/1, p. 123-124

Cour de cassation 17 septembre 2014

Affaire: C.13.0232.N
SAISIES ET VOIES D'EXÉCUTION
Saisie en matière de contrefaçon - Saisie-description - Brevet - Validité


BESLAG EN TENUITVOERLEGGING
Beslag inzake namaak - Beschrijvend beslag - Octrooi - Geldigheid


L'article 1369bis/1 du Code judiciaire prévoit que le juge statuant sur une requête en saisie-description examine si le droit de propriété intellectuelle dont la protection est invoquée est, selon toutes apparences (ou « prima facie »), valable.

Pour contester cette validité prima facie, des décisions judiciaires ayant déjà admis la nullité du brevet invoqué sont souvent invoquées. Il s'agit soit de décisions qui ne sont pas encore coulées en force de chose jugée (dans le cas contraire, le brevet ayant été définitivement annulé, il ne peut plus fonder une requête en saisie-description), soit de décisions rendues à l'étranger mais dont il est soutenu que les motifs doivent s'appliquer par analogie au brevet invoqué en Belgique.

Se fondant sur l'adage « foi est due au titre », les cours et tribunaux écartent souvent de telles décisions au motif qu'un brevet doit être considéré comme valable tant qu'il n'a pas été annulé par décision coulée en force de chose jugée ou, à tout le moins, par une décision exécutoire par provision. Quant aux décisions étrangères, elles sont souvent écartées d'emblée par le juge au simple motif qu'elles portent sur un titre étranger dépourvu d'effet en Belgique.

Par son arrêt du 12 septembre 2014, la Cour de cassation souligne l'insuffisance de tels motifs de rejet de décisions relatives au brevet en cause et invite les juges à une analyse plus substantielle de la situation.

En l'espèce, un brevet français avait été invoqué à l'appui d'une requête en saisie-description déposée à Anvers. Ce brevet avait été intégralement annulé pour défaut de nouveauté par un jugement motivé du tribunal de grande instance de Lille, auquel le saisi se référait pour contester la validité prima facie de ce brevet. Le titulaire du brevet se contentait, quant à lui, d'invoquer l'appel interjeté contre ce jugement d'annulation et l'effet suspensif d'une telle voie de recours. La cour d'appel d'Anvers s'était approprié ces motifs en jugeant que « l'annulation n'a (pour le moment) aucun effet juridique et le titulaire du brevet peut dès lors continuer à invoquer les droits exclusifs découlant de son brevet français ». La Cour de cassation censure cette analyse. Elle décide que l'article 1369bis/1 du Code judiciaire impose au juge de tenir compte de tous les faits et circonstances invoqués par les parties dans le cadre du débat sur la validité prima facie du brevet. Ainsi le juge peut-il tenir compte d'un brevet invoqué, même si celui-ci a été annulé par une décision contre laquelle une voie de recours avec effet suspensif est pendante. Toutefois, en cas de contestation sérieuse de la validité du brevet concerné, le juge ne peut pas admettre la validité prima facie du titre invoqué en s'appuyant seulement sur l'effet suspensif de la voie de recours introduite contre la décision d'annulation.

S'agissant de la référence à des décisions étrangères, la Cour considère que même si les effets d'une décision d'annulation d'un brevet européen se limitent au territoire de l'État dans lequel elle a été prononcée, cette annulation et les motifs qui la sous-tendent, peuvent être pertinents pour l'examen de la validité prima facie du brevet en cause dans un autre État, tel la Belgique, et peuvent dès lors relever de l'ensemble des faits et circonstances dont le juge, statuant sur une requête en saisie-description, doit tenir compte. Est censuré le juge qui, afin d'écarter les arguments tirés de la décision étrangère dans le débat sur la validité prima facie du brevet invoqué, se contente de renvoyer à l'effet territorialement limité de cette décision.