Article

Actualité : Cour de justice de l'Union européenne, 04/09/2014, R.D.C.-T.B.H., 2014/9, p. 941-942

Cour de justice de l'Union européenne 4 septembre 2014

Bourgo Group / Illochroma e.a.

Affaire: C-327/13
INSOLVABILITÉ
Insolvabilité transnationale - Insolvabilité européenne - Règlement (CE) n° 1346/2000 du 29 mai 2000 - Coopération judiciaire en matière civile - Procédures d'insolvabilité - Groupe de sociétés - Notion d'« établissement » - Droit d'ouvrir une procédure secondaire d'insolvabilité - Critères - Personne autorisée à demander l'ouverture d'une procédure secondaire d'insolvabilité


INSOLVENTIE
Transnationale insolventie - Europese insolventie - Verordening nr. 1346/2000 - Justitiële samenwerking in burgerlijke zaken - Insolventieprocedures - Groep van vennootschappen - Begrip “vestiging” - Recht om een secundaire insolventieprocedure te openen - Criteria - Persoon bevoegd om een secundaire insolventieprocedure aan te vragen


Saisie d'un renvoi préjudiciel par la cour d'appel de Bruxelles [1], la Cour de justice de l'Union européenne a précisé, dans un arrêt du 4 septembre 2014, les articles 3, 2., et 29, sous b), du règlement n° 1346/2000 relatif aux procédures d'insolvabilité, qui portent, respectivement, sur la compétence internationale et le droit d'ouverture d'une procédure secondaire.

Les questions préjudicielles de la cour d'appel avaient pour toile de fond une pratique consistant, en substance, à centraliser des procédures d'insolvabilité visant l'ensemble des entités appartenant à un groupe de sociétés devant la juridiction de l'Etat membre dans lequel se trouve le siège de la société mère du groupe. Pour ce faire, la juridiction compétente pour ouvrir une procédure principale d'insolvabilité au sens du règlement n° 1346/2000 à l'égard de la société mère, ouvre, en parallèle, des procédures principales d'insolvabilité à l'encontre des autres entités du groupe. Cette pratique, dès lors qu'elle implique des sociétés localisées dans plusieurs Etats membres, semble aller à l'encontre de l'article 3, 1., du règlement n° 1346/2000, tel qu'interprété par l'arrêt de la Cour de justice du 2 mai 2006, C-341/04, Eurofood. En effet, selon cette disposition, la procédure principale d'insolvabilité doit être ouverte par la juridiction du lieu dans lequel est situé le centre des intérêts principaux du débiteur, ce lieu étant, pour les sociétés et personnes morales, et jusqu'à la preuve du contraire, le lieu du siège statutaire. Cependant, la centralisation des procédures d'insolvabilité devant la juridiction de la société mère est non seulement de plus en plus répandue en pratique, mais semble être également silencieusement acceptée par la Cour de justice elle-même qui, dans des arrêts successifs, dont fait partie l'arrêt sous rubrique, s'emploie à maîtriser ses conséquences (voir, p. ex. arrêt du 22 novembre 2012, C-116/11, Bank Handlowy et Adamiak).

En l'espèce, une juridiction française a mis en redressement judiciaire, et ensuite, en liquidation, l'ensemble des sociétés du groupe Illochroma, y compris la filiale belge du groupe - défenderesse au principal - établie à Bruxelles. Bourgo Group, créancière d'Illochroma Belgique, établie en Italie, a déclaré sa créance auprès du liquidateur désigné et, après avoir été informée que sa déclaration de créance était tardive au regard du droit français applicable à la procédure principale, a demandé l'ouverture en Belgique d'une procédure secondaire d'insolvabilité, au sens du règlement n° 1346/2000. Cette demande a été rejetée par la juridiction de première instance qui a fait droit à l'argument d'Illochroma Belgique soutenant que, conformément à l'article 3, 2., du règlement n° 1346/2000, une procédure secondaire d'insolvabilité ne peut être ouverte qu'à l'égard d'un établissement du débiteur, un établissement s'entendant comme une structure n'ayant pas de personnalité morale. Or, dès lors qu'il était doté de la personnalité morale, le siège belge d'Illochroma ne pouvait pas être considéré comme un établissement.

Interrogée par la cour d'appel de Bruxelles sur la pertinence d'une telle interprétation de la notion d'établissement, la Cour de justice a répondu, en substance, que cette notion couvre également des personnes morales. Elle a ainsi déclaré que dans le cadre d'une mise en liquidation dans un Etat membre autre que celui dans lequel elle a son siège social, une société peut faire l'objet d'une procédure secondaire dans l'Etat membre dans lequel elle a son siège social et où elle est dotée de personnalité juridique.

Par ailleurs, la Cour a considéré que, contrairement à ce que soutenait Illochroma devant les juridictions belges, les créanciers domiciliés ou ayant leur siège en dehors du territoire de l'Etat dans lequel est situé l'établissement concernée du débiteur, peuvent demander l'ouverture de la procédure secondaire d'insolvabilité. Enfin, la Cour a décidé que la question de savoir si le juge national dispose d'un pouvoir d'appréciation en opportunité quant à l'ouverture d'une procédure secondaire, qui, en vertu du règlement est toujours une procédure de liquidation, alors que la procédure principale est elle-même une procédure de liquidation relève du droit national.

[1] Le jugement a quo a été publié dans cette revue: voy. Comm. Bruxelles, 11 mai 2009, R.D.C., 2013, p. 452, obs. R. Jafferali.