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De quelques aspects actuels et futurs du règlement n° 261/2004, R.D.C.-T.B.H., 2014/9, p. 897-898

TRANSPORT
Transport aérien - Transport de passagers - Règlement (CE) n° 261/2004 - Organisme de contrôle national - Pas de compétence pour fixer les droits et obligations des parties - Il ne peut donner qu'un avis non contraignant
Le règlement (CE) n° 261/2004 prévoit un droit à indemnisation pour les passagers qui ne sont pas autorisés à embarquer sur un vol, dont le vol est annulé ou subit un retard important. L'article 16, 1. de ce règlement dispose que chaque Etat membre doit désigner un organisme chargé de veiller entre autres au respect des droits des passagers. En Belgique, c'est le directeur général de la Direction générale Transport aérien qui a été désigné à cet effet (art. 55 AR 15 mars 1954). La question de savoir si un passager a droit à une indemnisation est toutefois une matière de droit civil, pour laquelle une autorité administrative n'est en principe pas compétente. Il ne résulte pas de l'article 16, 1. du règlement que l'organisme désigné doit avoir la compétence de fixer les droits et obligations des passagers et des transporteurs aériens. En l'absence d'une disposition d'exécution nationale qui accorde de telles compétences au directeur général, la décision de ce dernier sur la question de savoir si un passager a droit, dans un cas concret, à une indemnisation ne constitue qu'un simple avis, qui ne produit pas d'effets de droit.
VERVOER
Luchtvervoer - Vervoer van passagiers - Verordening (EG) nr. 261/2004 - Nationale controle-instantie - Geen bevoegdheid om de rechten en verplichtingen van partijen vast te leggen - Kan enkel een vrijblijvend advies geven
Verordening (EG) nr. 261/2004 voorziet in een recht op schadevergoeding voor passagiers die niet toegelaten worden tot een vlucht, wiens vlucht geannuleerd wordt of die een aanzienlijke vertraging oplopen. Artikel 16, 1. van de verordening bepaalt dat elke lidstaat een instantie moet aanwijzen die er onder meer voor moet zorgen dat de rechten van de passagiers worden geëerbiedigd. In België werd de directeur-generaal van het Directoraat-generaal Luchtvaart hiervoor aangewezen (art. 55 KB 15 maart 1954). De vraag of een passagier recht heeft op een schadevergoeding is echter een vraag van burgerlijk recht, waarvoor een administratieve overheid principieel niet bevoegd is. Uit artikel 16, 1. van de verordening volgt niet dat de aangewezen instantie de bevoegdheid moet hebben om de rechten en verplichtingen van de passagiers en luchtvervoerders vast te leggen. Bij gebrek aan een nationale uitvoeringsbepaling die aan de directeur-generaal dergelijke bevoegdheden toekent, is diens stellingname over de vraag of een passagier in een concreet geval recht heeft op een schadevergoeding een louter advies, dat geen rechtsgevolgen heeft.
De quelques aspects actuels et futurs du règlement n° 261/2004
Marc Godfroid [1]

1.Le célèbre règlement n° 261/2004 du 11 février 2004 établissant des règles communes en matière d'indemnisation et d'assistance des passagers en cas de refus d'embarquement et d'annulation ou de retard important d'un vol, et abrogeant le règlement (CEE) n° 295/91 a essentiellement pour objectif de fournir une assistance aux passagers et, dans certains cas, une compensation financière en cas de refus d'embarquement par suite d'une surréservation, d'annulation de vols ou encore de retard dépassant les limites fixées par le législateur européen [2].

Depuis son entrée en vigueur, il a fait l'objet d'une multitude de controverses et de très nombreuses décisions judiciaires dont plusieurs de la Cour européenne de justice [3].

L'arrêt commenté du Conseil d'Etat vient ajouter sa pierre à l'édifice.

En vertu de l'article 16 du règlement, chaque Etat membre désigne un organisme chargé de son application et qui peut, le cas échéant, prendre les mesures nécessaires au respect des droits des passagers.

L'alinéa 2 de cette même disposition prévoit que tout passager peut saisir cet organisme d'une plainte concernant une violation du règlement.

En Belgique, cet organisme est au terme de l'article 55 de l'arrêté royal du 15 mars 1954 réglementant la navigation aérienne le directeur général de la Direction générale Transport aérien (D.G.T.A.) qui fait partie du Service public Mobilité et Transport.

Saisi d'une réclamation de deux passagers dont le vol au départ de Bruxelles avait été retardé par suite d'un problème technique à l'appareil, constaté juste avant le décollage, de sorte qu'ils étaient arrivés à leur destination au Sri-Lanka avec un important retard, l'organisme compétent en vertu de l'arrêté royal précité avait intimé l'ordre au transporteur aérien de payer l'indemnité réclamée à peine de sanctions pénales [4] ou administratives en estimant que le transporteur ne rapportait pas la preuve d'une circonstance extraordinaire qui n'aurait pas pu être évitée même si toutes les mesures raisonnables avaient été prises [5], [6].

Dans le cadre du recours de la compagnie aérienne tendant à l'annulation de l'ordre de la D.G.T.A., il est piquant de constater que l'Etat va, avec succès d'ailleurs, convaincre le Conseil d'Etat que cet ordre n'a pas de valeur obligatoire et est un simple avis alors que la D.G.T.A. adresse des dizaines de lettres d'injonctions aux compagnies pour qu'elles fassent droit aux réclamations des passagers en les menaçant de sanctions diverses.

Il est vrai toutefois que, dans le cas présent, la Direction générale Transport aérien n'a pas fait usage du droit d'infliger une amende administrative après que le procureur du Roi ait eu la possibilité d'ouvrir une information ou une instruction judiciaire.

Aux Pays-Bas, l'organisme désigné (Inspection de l'Environnement et des Transports) a le pouvoir d'ordonner aux transporteurs aériens de payer les indemnités à peine de sanctions [7].

En raison du présent arrêt du Conseil d'Etat, le contentieux relatif au règlement n° 261/2004 relève donc en Belgique à l'heure actuelle de la compétence exclusive des tribunaux de l'ordre judiciaire lorsque le passager n'obtient pas satisfaction à l'amiable même après avoir obtenu un avis favorable de la D.G.T.A. sur sa réclamation.

2.Certains, dont l'administration, soutiennent que le défaut d'exécution des obligations découlant de ce règlement serait constitutif d'une infraction pénale avec pour conséquence, notamment un rallongement substantiel du délai de prescription de l'action en paiement [8].

Ils se fondent à cet égard sur l'article 32 de la loi du 27 juin 1937 relative à la réglementation de la navigation aérienne. Celui-ci énonce que: « Dans le cas où elles ne seraient pas punies d'une peine pénale spéciale par la présente loi  [9], les infractions aux règlements de la Communauté européenne relatifs à l'aviation civile et aux dispositions des arrêtés royaux pris en exécution de cette loi seront punies d'un emprisonnement de huit jours à un an et d'une amende de deux cents euros à quatre millions d'euros ou d'une de ces peines seulement. »

Il nous semble toutefois qu'en visant les infractions aux règlements, le législateur a eu à l'esprit les faits qui sont qualifiés d'infraction dans le règlement européen lui-même. Ce n'est pas le cas dans le présent contentieux où le règlement n° 261/2004 n'érige pas en infraction le fait de ne pas se conformer aux règles qu'il édicte. En outre, le troisième paragraphe de l'article 16 du règlement dispose seulement: « Les sanctions établies par les Etats membres pour les violations du présent règlement sont efficaces, proportionnées et dissuasives. » [10].

3.Une autre question importante est de déterminer qui du transporteur contractuel ou du transporteur effectif est redevable des prestations imposées par le règlement n° 261/2004.

Elle se fonde notamment [11] sur le considérant 7 du règlement en vertu duquel les obligations qui en découlent incombent au transporteur aérien effectif qui réalise ou qui a l'intention de réaliser un vol. La jurisprudence belge a consacré la règle que seul le transporteur aérien effectif est titulaire des obligations que prévoit le règlement [12] même si celui-ci n'est pas un transporteur aérien communautaire et échappe donc au champ d'application du règlement pour les vols qui ne partent pas d'un aéroport situé sur le territoire d'un Etat membre soumis aux dispositions du traité.

4.Depuis le 13 mars 2013 la Commission européenne a présenté une proposition de révision du règlement n° 261/2004 qui consacre, dans une large mesure, la jurisprudence de la Cour de justice. Elle comporte aussi une énumération non exhaustive des événements qui peuvent être constitutifs de circonstances extraordinaires avec une attention particulière aux problèmes techniques qui peuvent surgir et qui affectent la sécurité pendant le vol ou peu de temps avant le décollage.

Une autre importante modification porte sur les montants des indemnités et la majoration des délais à partir desquels elles sont dues.

Les pouvoirs de l'autorité nationale de surveillance seront aussi sans doute accrus et on s'oriente vers le droit pour celle-ci, contrairement à ce qui a été récemment jugé par le Conseil d'Etat, d'imposer sa décision aux compagnies aériennes lorsqu'elle est saisie d'une plainte et de les sanctionner.

Telle est d'ailleurs la tendance actuelle notamment dans le transport de voyageurs. C'est ainsi qu'une loi du 15 mai 2014 concernant les droits et obligations des voyageurs ferroviaires prévoit qu'une instance, à désigner par le Roi, peut imposer des amendes administratives aux entreprises ferroviaires qui ne respectent pas le règlement n° 1371/2007 relatif aux droits et obligations des passagers. La procédure devant cette autorité y est décrite avec minutie.

[1] Avocat Liedekerke Wolters Waelbroeck Kirkpatrick.
[2] Pour une étude d'ensemble de ce texte, voy. l'article de J.-P. Kesteloot, « L'indemnisation des victimes de refus d'embarquement de vols annulés ou retardés », R.G.A.R., 2005, n° 13.995 ainsi que notre Précis de droit aérien, 2e éd., 2006, en collaboration avec J. Naveau et P. Frühling, pp. 381 et s.
[3] Cf. l'arrêt du 10 janvier 2006 dans l'affaire C-344/04 où l'IATA contestait la validité même du règlement au regard de la convention de Montréal du 28 mai 1999 in E.T.L., 2006, p. 487 et l'arrêt du 19 novembre 2009 dans les affaires jointes C-402/07 et C-432/07, mieux connu sous le nom d'arrêt Sturgeon, ECR1-10923 et l'article de C. van Dam, « Air passengers right after Sturgeon », A.S.L., 2011, pp. 259 et s.
[4] Cf. infra l'évocation de ce point.
[5] Art. 5, 3., du règlement n° 261/2004.
[6] Sur ce concept interprété très restrictivement par la Cour de justice, voy. l'arrêt du 22 décembre 2008, C-549/07, Wallentin-Hermann / Alitalia, E.C.R.-1-1106/ et l'étude de A. Milner, « Regulation 261/2004 and « Extraordinary Circumstances », A.S.L., 2009, pp. 215 et s.
[7] Cité dans Shawcross & Beaumont « Air Law », I, VII, 970.12 n° 1022.3.
[8] 5 ans au minimum versus le délai annal de l'article 9, alinéa 4, de la loi du 25 août 1891 sur le contrat de transport ou dans certains cas de 2 ans de l'article 35 de la convention de Montréal. Depuis l'arrêt du 22 novembre 2012 de la Cour de justice dans l'affaire C-139/11, il est établi que le délai de prescription des indemnités prévues aux articles 5 et 7 du règlement n° 261/2004 est celui prévu par la loi applicable en vertu du droit de l'Etat membre où l'action est intentée.
[9] Chapitre II de la loi du 27 juin 1937 et le Chapitre III pour les amendes administratives.
[10] Voy. pour un règlement conférant un caractère infractionnel à la violation de ses dispositions: l'article 24 du règlement n° 1008/2008 sur les règles communes pour l'exploitation des services aériens dans la Communauté ou l'article 19 du règlement n° 561/2006 du 15 mars 2006 dans le domaine des transports par route.
[11] Cf. l'étude de M. Verhoeven, « Rechten van passagiers », N.J.W., 2010, p. 137; voy. en ce sens plusieurs jugements inédits de justice de paix dont celui du juge de paix d'Ixelles du 12 juillet 2011 (R.G. 10A2954).
[12] Cf. les articles 2 et 3, 1., b) du règlement.