Conseil d'Etat 3 juin 2014
TRANSPORT
Transport aérien - Transport de passagers - Règlement (CE) n° 261/2004 - Organisme de contrôle national - Pas de compétence pour fixer les droits et obligations des parties - Il ne peut donner qu'un avis non contraignant
Le règlement (CE) n° 261/2004 prévoit un droit à indemnisation pour les passagers qui ne sont pas autorisés à embarquer sur un vol, dont le vol est annulé ou subit un retard important. L'article 16, 1. de ce règlement dispose que chaque Etat membre doit désigner un organisme chargé de veiller entre autres au respect des droits des passagers. En Belgique, c'est le directeur général de la Direction générale Transport aérien qui a été désigné à cet effet (art. 55 AR 15 mars 1954). La question de savoir si un passager a droit à une indemnisation est toutefois une matière de droit civil, pour laquelle une autorité administrative n'est en principe pas compétente. Il ne résulte pas de l'article 16, 1. du règlement que l'organisme désigné doit avoir la compétence de fixer les droits et obligations des passagers et des transporteurs aériens. En l'absence d'une disposition d'exécution nationale qui accorde de telles compétences au directeur général, la décision de ce dernier sur la question de savoir si un passager a droit, dans un cas concret, à une indemnisation ne constitue qu'un simple avis, qui ne produit pas d'effets de droit.
|
VERVOER
Luchtvervoer - Vervoer van passagiers - Verordening (EG) nr. 261/2004 - Nationale controle-instantie - Geen bevoegdheid om de rechten en verplichtingen van partijen vast te leggen - Kan enkel een vrijblijvend advies geven
Verordening (EG) nr. 261/2004 voorziet in een recht op schadevergoeding voor passagiers die niet toegelaten worden tot een vlucht, wiens vlucht geannuleerd wordt of die een aanzienlijke vertraging oplopen. Artikel 16, 1. van de verordening bepaalt dat elke lidstaat een instantie moet aanwijzen die er onder meer voor moet zorgen dat de rechten van de passagiers worden geëerbiedigd. In België werd de directeur-generaal van het Directoraat-generaal Luchtvaart hiervoor aangewezen (art. 55 KB 15 maart 1954). De vraag of een passagier recht heeft op een schadevergoeding is echter een vraag van burgerlijk recht, waarvoor een administratieve overheid principieel niet bevoegd is. Uit artikel 16, 1. van de verordening volgt niet dat de aangewezen instantie de bevoegdheid moet hebben om de rechten en verplichtingen van de passagiers en luchtvervoerders vast te leggen. Bij gebrek aan een nationale uitvoeringsbepaling die aan de directeur-generaal dergelijke bevoegdheden toekent, is diens stellingname over de vraag of een passagier in een concreet geval recht heeft op een schadevergoeding een louter advies, dat geen rechtsgevolgen heeft.
|
Etihad Airways / Etat belge
Siége: M. Leroy (président de chambre), I. Kovalovszky et D. Déom (conseillers d'Etat) |
Pl.: Mes D. de Bournonville et B. Van Hyfte, L. Delmotte |
LE CONSEIL D'ETAT, XVe CHAMBRE,
Vu la requête introduite le 17 septembre 2012 par la société de droit émirati Etihad Airways qui sollicite l'annulation de « la décision rendue le 20 juillet 2012 par le Service public fédéral Mobilité et Transports - Direction Générale Transport Aérien - Passengers Rights, qui demande à Etihad Airways de payer à messieurs E.M. et S.S. une somme de 600 EUR chacun sur la base du règlement européen (CE) n° 261/2004 du Parlement européen et du Conseil du 11 février 2004 établissant des règles communes en matière d'indemnisation et d'assistance des passagers en cas de refus d'embarquement et d'annulation ou de retard important d'un vol, et abrogeant le règlement (CEE) n° 295/91 »;
Vu le dossier administratif;
Vu les mémoires en réponse et en réplique régulièrement échangés;
Vu le rapport de M. D. Delvax, auditeur au Conseil d'Etat;
Vu la notification du rapport aux parties et les derniers mémoires;
Vu l'ordonnance du 24 avril 2014, notifiée aux parties, fixant l'affaire à l'audience du 13 mai 2014 à 9 h 30;
Entendu, en son rapport, Mme D. Déom, conseiller d'Etat;
Entendu, en leurs observations, Me D. de Bournonville, avocat, comparaissant pour la partie requérante, et Me L. Delmotte, avocat, comparaissant pour la partie adverse;
Entendu, en son avis conforme, M. D. Delvax, auditeur;
Vu le Titre VI, Chapitre II, des lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973;
Considérant que les faits utiles à l'examen de la cause se présentent comme suit:
La requérante effectue des vols de passagers notamment entre Bruxelles et Abu Dhabi.
Elle indique avoir confié, le 5 janvier 2012, son appareil Airbus A330-243 immatriculé A6-EYE à la société Lufthansa Tecniks pour un entretien qui a duré 24 heures. Cet appareil était destiné à assurer la liaison entre Bruxelles et Abu Dhabi le lendemain, avec un départ prévu à 9 h 40.
Le 6 janvier, après l'embarquement des passagers, au moment où il était procédé au retrait de la passerelle reliant l'avion à l'aérogare, un membre du personnel de Lufthansa Tecniks a constaté une déformation de 30 cm sur 28 cm et d'une profondeur de 4 mm sur le fuselage de l'appareil, à l'endroit où la passerelle était préalablement disposée.
Le personnel de la requérante a pris la responsabilité de retarder le vol pour procéder aux réparations que l'état de l'appareil appelait pour des raisons de sécurité. Après que les réparations ont été effectuées et que le constructeur Airbus a marqué son approbation sur celles-ci, l'appareil a finalement pu décoller à 14 h 02, soit avec un retard de 4 h 22.
En raison de ce retard, MM. M. et S. ont pris contact avec la requérante, le 24 février, pour l'informer du fait qu'ils ont subi un retard total de 18 h 30 lors de leur arrivée à leur destination finale, à Colombo, et qu'ils réclament donc une indemnité de 600 EUR par personne en vertu du règlement (CE) n° 261/2004 du Parlement européen et du Conseil du 11 février 2004 établissant des règles communes en matière d'indemnisation et d'assistance des passagers en cas de refus d'embarquement et d'annulation ou de retard important d'un vol, et abrogeant le règlement (CEE) n° 295/91.
N'ayant obtenu aucune suite favorable à cette demande, ces personnes ont introduit, le 10 avril, une plainte auprès des services de la partie adverse.
De multiples échanges de courriers en anglais ont lieu avec la requérante sur les circonstances ayant entouré le retard et sur la portée de la réglementation. Le 15 mai, estimant n'avoir pas reçu de réponse à certaines demandes d'information, la partie adverse adresse à la requérante un courrier indiquant qu'en l'absence de réponse dûment justifiée dans les 8 jours, les passagers seront avisés que leur plainte est justifiée et le dossier sera soumis aux services d'inspection; ce courrier rappelle les sanctions pénales et administratives encourues en cas d'infraction à la réglementation et précise qu'il n'y aura aucun nouveau rappel. La requérante répond le 22 mai en demandant un délai complémentaire, et elle fait part de son point de vue par un courrier électronique du 29 mai.
Le 20 juillet, la partie adverse adresse à la requérante un courrier rédigé notamment dans les termes suivants:
« (...)
We refer to our correspondence in relation to the problem you encountered with the delay of the flight EY058 from Brussels to Abu Dhabi on January 6th, 2012.
We have investigated your comments and response to the complaint of Mr. E.M. + S.S. (booking's ref.: YJOWHO) who, due to the delay of the flight EY058, missed their connection to Colombo (flight EY266) at Abu Dhabi Airport.
The passengers want financial compensation in accordance with Article 7 of Regulation (EC) No 261/2004 of the European Parliament and of the Council of 11 February 2004 establishing common rules on compensation and assistance to passengers in the event of denied boarding and of cancellation or long delay of flights, and repealing Regulation (EEC) No 295/91.
Based on the Regulation (EC) 261/2004 and on the Court of Justice case law, we come to the following conclusion:
[... ]
Taking into consideration all the aforesaid, we consider that the reason for the delay invoked by your company would not constitute extraordinary circumstances within the interpretation of the Regulation.
In other words, Article 5.3 of the above Regulation cannot be invoked by the company in this particular case. Therefore compensation is due.
Accordingly, we ask your company to grant the passengers a sum of 600 EUR per passenger, representing the compensation set out in Article 7(1), c) 'Right to compensation' of Regulation (EC) No 261/2004, being a no-intracommunity flight of more than 3500 kilometers (last destination = Colombo).
We urge you to arrange for the payment of the aforesaid compensation with utmost diligence.
The complainants have been notified of our position under separate cover.
[... ]. »
Il s'agit de l'acte attaqué. Dans une note de bas de page, cette lettre, citant une réponse de la Commission européenne à une question parlementaire qui évoque le pouvoir de sanction des organes de régulation, renvoie aux dispositions légales citées ci-après, qui prévoient des sanctions pénales ou administratives.
Le 22 juillet, la requérante adresse à la partie adverse la copie d'un courrier électronique du 29 mai, dont elle pense qu'il n'a pas été tenu compte. Le lendemain, la partie adverse indique qu'elle a déjà pris ce document en considération et confirme sa position.
Le 23 juillet, la partie adverse adresse aux passagers concernés un courrier électronique dans lequel elle expose avoir invité la requérante à leur verser la somme de 600 EUR par personne pour les motifs déjà exposés ci-dessus, tout en précisant qu'elle ne dispose que d'un pouvoir d'avis et qu'il leur revient, en cas de refus de la requérante de faire droit à cette invitation, de saisir les juridictions compétentes.
Il ressort des informations fournies par la requérante que MM. E.M. et S.S. l'ont citée à comparaître devant le juge de paix du canton de Vilvorde en vue d'obtenir le paiement de l'indemnisation précitée et que l'action est actuellement pendante, dans l'attente du présent arrêt;
Considérant que la convention pour l'unification de certaines règles relatives au transport aérien international, signée à Montréal le 28 mai 1999, et ratifiée par la Belgique et l'Union européenne, prévoit en ses articles 19 et 29:
« Art. 19. Retard
Le transporteur est responsable du dommage résultant d'un retard dans le transport aérien de passagers, de bagages ou de marchandises. Cependant, le transporteur n'est pas responsable du dommage causé par un retard s'il prouve que lui, ses préposés et mandataires ont pris toutes les mesures qui pouvaient raisonnablement s'imposer pour éviter le dommage, ou qu'il leur était impossible de les prendre. »
« Art. 29. Principe des recours
Dans le transport de passagers, de bagages et de marchandises, toute action en dommages-intérêts, à quelque titre que ce soit, en vertu de la présente convention, en raison d'un contrat ou d'un acte illicite ou pour toute autre cause, ne peut être exercée que dans les conditions et limites de responsabilité prévues par la présente convention, sans préjudice de la détermination des personnes qui ont le droit d'agir et de leurs droits respectifs. Dans toute action de ce genre, on ne pourra pas obtenir de dommages-intérêts punitifs ou exemplaires ni de dommages à un titre autre que la réparation. »;
Considérant que le règlement (CE) n° 261/2004 du Parlement européen et du Conseil du 11 février 2004 établissant des règles communes en matière d'indemnisation et d'assistance des passagers en cas de refus d'embarquement et d'annulation ou de retard important d'un vol, et abrogeant le règlement (CEE) n° 295/91, règle en ses articles 5 à 7 l'indemnisation des passagers en cas d'annulation et de retards de vols; que son article 16 prévoit ce qui suit:
« Art. 16. Violations
1. Chaque Etat membre désigne un organisme chargé de l'application du présent règlement en ce qui concerne les vols au départ d'aéroports situés sur son territoire ainsi que les vols à destination de ces mêmes aéroports et provenant d'un pays tiers. Le cas échéant, cet organisme prend les mesures nécessaires au respect des droits des passagers. Les Etats membres notifient à la Commission l'organisme qui a été désigné en application du présent paragraphe.
2. Sans préjudice de l'article 12, tout passager peut saisir tout organisme désigné en application du paragraphe 1, ou tout autre organisme compétent désigné par un Etat membre, d'une plainte concernant une violation du présent règlement survenue dans tout aéroport situé sur le territoire d'un Etat membre ou concernant tout vol à destination d'un aéroport situé sur ce territoire et provenant d'un pays tiers.
3. Les sanctions établies par les Etats membres pour les violations du présent règlement sont efficaces, proportionnées et dissuasives. »;
Considérant que l'article 32 de la loi du 27 juin 1937 portant révision de la loi du 16 novembre 1919 relative à la réglementation de la navigation aérienne dispose: « Dans le cas où elles ne seraient pas punies d'une peine spéciale par la présente loi, les infractions aux règlements de la Communauté européenne relatifs à l'aviation civile et aux dispositions des arrêtés royaux pris en exécution de cette loi seront punies d'un emprisonnement de huit jours à un an et d'une amende de deux cents euros à quatre millions d'euros ou d'une de ces peines seulement. »; que les articles 42 et suivants de cette loi règlent la manière dont certaines des infractions qu'elle prévoit, dont celles visées à son article 32, peuvent faire l'objet d'une sanction administrative, contre laquelle un recours peut être introduit devant le tribunal de première instance;
Considérant que l'article 55 de l'arrêté royal du 15 mars 1954 réglementant la navigation aérienne énonce ce qui suit:
« Pour ce qui concerne les vols au départ d'aéroports situés sur le territoire belge, ainsi que les vols à destination de ces mêmes aéroports et provenant d'un pays tiers, le directeur général de la Direction générale Transport aérien est chargé de l'application du règlement européen (CE) n° 261/2004 du Parlement européen et du Conseil du 11 février 2004 établissant des règles communes en matière d'indemnisation et d'assistance des passagers en cas de refus d'embarquement et d'annulation ou de retard important d'un vol, et abrogeant le règlement (CEE) n° 295/91.
Le ministre ayant la Direction générale Transport aérien dans ses attributions peut désigner une autre autorité chargée de la mission visée à l'alinéa 1er.
Le directeur général de la Direction générale Transport aérien détermine les règles de procédure nécessaires pour l'application du règlement visé à l'alinéa 1er. »;
Considérant que le directeur de la Direction générale Transport aérien du Service public fédéral Mobilité et Transport a agi en l'espèce en tant qu'organe de l'Etat belge, de sorte que seul ce dernier doit être désigné comme partie adverse;
Considérant que la partie adverse soulève une exception d'irrecevabilité du recours, fondée sur la nature de l'acte attaqué; que, selon elle, cet acte n'est pas contraignant et contient uniquement l'appréciation de l'administration sur la position des sieurs E.M. et S.S.; qu'elle affirme que l'acte attaqué n'a pas été adressé à la requérante dans le cadre de la compétence que l'article 55 de l'arrêté royal du 15 mars 1954 confère au directeur général de la DG Transport aérien pour veiller au respect du règlement n° 261/2004 précité; qu'elle observe que le signataire du courrier en cause n'a pas le pouvoir de rédiger un procès-verbal d'infraction et que l'indication, dans l'acte attaqué ou dans des courriers antérieurs, du cadre légal et de l'existence de sanctions pénales ou administratives, ne modifie pas la portée de l'acte attaqué; qu'elle ajoute que cet acte se contente d'indiquer que l'administration considère que les conditions pour l'octroi d'une indemnisation en vertu dudit règlement sont remplies, mais ne modifie pas la position juridique des parties, ce dont les sieurs E.M. et S.S. ont d'ailleurs été avertis, et que la requérante reste en défaut d'indiquer en quoi l'acte attaqué obligerait une juridiction à statuer dans un sens plutôt que dans l'autre, le juge pouvant en tous cas en refuser l'application en vertu de l'article 159 de la Constitution; qu'elle développe en outre les raisons pour lesquelles un tel avertissement ne constitue pas un acte attaquable devant le Conseil d'Etat, et indique qu'en tout état de cause, il s'agit d'un litige portant sur des droits subjectifs, à savoir d'éviter de payer une indemnité aux sieurs E.M. et S.S., cause dont la connaissance appartient aux juridictions judiciaires;
Considérant que la requérante fait valoir que l'acte attaqué lui demande, notamment sous la menace de sanctions pénales, de payer 1.200 EUR à MM. E.M. et S.S., qui en font état dans le cadre de la procédure judiciaire qu'ils diligentent contre elle, sans qu'elle puisse le contester utilement, d'autant que le montant du litige est tel qu'il ne pourra faire l'objet d'un appel; qu'elle remarque qu'il émane de l'autorité chargée de veiller au respect du règlement n° 261/2004; qu'à son estime, il ressort des articles 55 et 56 de l'arrêté royal du 15 mars 1954 réglementant la navigation aérienne et des articles 32, 45 et 48 de la loi du 27 juin 1937 portant révision de la loi du 16 novembre 1919 relative à la réglementation de la navigation aérienne que la partie adverse dispose, en cas de violation constatée du règlement précité, de la possibilité de prendre des mesures pour y remédier, notamment poursuivre la condamnation au paiement d'une amende pénale ou infliger une amende administrative, de sorte que le SPF Mobilité et Transport - Direction générale Transport aérien - Passengers Rights est bien la seule autorité administrative chargée de l'application du règlement n° 261/2004; que, selon elle, l'acte attaqué utilise des termes ne laissant aucun doute sur sa portée contraignante (« nous avons enquêté », « nous concluons de la manière suivante », « nous vous rappelons », « des sanctions », « emprisonnement », « amende », « Par conséquent l'indemnisation est due », « Conformément à ce qui précède, nous demandons à votre société de payer », « Nous vous demandons de procéder au paiement de l'indemnisation précitée sous le bénéfice de l'urgence et avec toute la diligence requise » (trad.)); qu'à son sens, la motivation de l'acte attaqué démontre que son auteur l'a considéré comme un acte administratif au sens de la loi du 29 juillet 1991 relative à la motivation formelle des actes administratifs et ses termes ne permettent pas d'y voir un acte préparatoire ou interlocutoire; qu'elle précise enfin que la Cour de justice de l'Union européenne a été saisie de la question préjudicielle suivante: « Les articles 7 et 16 du règlement n° 261/2004, combinés avec le principe de coopération loyale, consacré par le droit de l'Union, doivent-ils être interprétés en ce sens que (en combinaison avec la loi nationale) ils habilitent ou obligent une autorité publique telle que le défendeur à agir pour assurer le respect de la loi à l'encontre de transporteurs aériens au motif que ceux-ci n'ont pas versé une indemnisation à des passagers en cas de retard, même si les passagers disposent, à cette fin, de la possibilité d'introduire un recours judiciaire, comme le prévoit l'article 33 de la convention de Montréal? », et suggère d'attendre l'arrêt de la Cour de justice et de la juridiction de renvoi avant de rejeter le recours en raison de la nature de l'acte attaqué;
qu'en réplique, elle expose que la partie adverse peut la contraindre au paiement d'une compensation financière et, plus généralement, à se conformer aux décisions qu'elle prend, eu égard aux pouvoirs de poursuites, de sanctions et de contrainte dont elle dispose en vertu du règlement n° 261/2004, de la loi du 27 juin 1937 et de l'accord entre le gouvernement du Royaume de Belgique et le gouvernement des Emirats Arabes Unis en vue de l'établissement de services aériens entre leurs territoires respectifs et au-delà, signé à Abu Dhabi le 5 mars 1990 (M.B., 22 mai 2003); qu'elle cite l'article 16 du règlement précité, imposant aux Etats de prendre les mesures nécessaires au respect des droits des passagers, comme prononcer des sanctions efficaces, proportionnées et dissuasives à l'encontre des contrevenants, ainsi que la communication de la Commission européenne du 11 avril 2011 sur l'application du règlement n° 261/2004; qu'elle indique que la partie adverse dispose, d'une part, des pouvoirs de poursuites, amendes administratives et sanctions pénales prévues par la loi du 27 juin 1937, et, d'autre part, de possibilités prévues par l'article 5 de l'accord précité, qui leur permet « de révoquer une autorisation d'exploitation, de suspendre l'exercice, par l'entreprise de transport aérien désignée par l'autre partie contractante, des droits [de survol, d'atterrissage et de décollage] (...) lorsque cette/ces entreprises ne se conforment pas aux lois ou règlements de la partie contractante qui a accordé ces droits »; que, selon elle, la partie adverse pourrait en faire application dès lors qu'elle a constaté, par l'acte attaqué, que la requérante ne s'est pas conformée aux lois applicables, dont le règlement n° 261/2004, et qu'une telle sanction ne pourrait être attaquée devant une juridiction judiciaire ou devant le Conseil d'Etat puisque l'accord n'autorise qu'un recours à l'arbitrage pour régler les différends qui pourraient survenir entre parties; qu'elle ajoute que la partie adverse est compétente pour poursuivre pénalement les compagnies aériennes qui ne se conformeraient pas à ses décisions, et que la décision de la partie adverse de procéder en ce sens si la requérante ne se conforme pas à l'acte attaqué ressort des termes de celui-ci; qu'elle considère que cet acte constitue l'ultime étape du processus entamé contre elle, au cours duquel la partie adverse n'a cessé de rappeler les menaces pesant sur elle; qu'elle met en exergue un courrier du 15 mai 2012 mentionnant: « Il n'y aura aucun nouveau rappel », pour conclure que le courrier du 20 juillet a donc bien la nature d'un acte attaquable et ne peut être simplement préparatoire; qu'elle réfute l'argument sur les pouvoirs du signataire de l'acte attaqué en constatant qu'à la date de son adoption, aucun fonctionnaire ne disposait de l'habilitation à établir un procès-verbal; qu'elle estime qu'elle risque de se voir opposer le caractère confirmatif des actes ultérieurs et considère que l'enjeu du recours n'est pas d'éviter de payer une compensation aux passagers mais de faire valoir le respect du droit auprès de l'administration, qui la menace de sanctions; qu'à son sens, puisque l'administration dispose d'un pouvoir discrétionnaire dans le cadre des pouvoirs lui conférés par le règlement n° 261/2004, la loi du 27 juin 1937 et l'arrêté royal du 15 mars 1954, il n'y a pas lieu de se pencher sur la nature des droits qui font l'objet du litige;
que, dans son dernier mémoire, elle invoque notamment les termes du courrier du 15 mai 2012 qu'elle estime confirmer la véritable nature de l'acte attaqué et répète que la partie adverse dispose effectivement du pouvoir de mettre en oeuvre les sanctions évoquées dans ce courrier; qu'elle prend acte de ce que l'affaire qui a donné lieu à la question préjudicielle qu'elle cite dans la requête en annulation a été radiée du rôle, et fait état de l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 26 septembre 2013, dans l'affaire C-509/11, quant aux pouvoirs des organes chargés de l'application des règles relatives à la protection et à l'indemnisation des passagers du transport ferroviaire; qu'elle réitère la référence aux pouvoirs que la Belgique tire de l'article 5 de l'accord entre le gouvernement du Royaume de Belgique et le gouvernement des Emirats Arabes Unis précité;
Considérant que l'acte attaqué a pour objet la question de l'indemnisation que la requérante devrait verser à E.M. et S.S. en raison des circonstances décrites ci-avant; que cette question met en cause un droit civil relevant, aux termes de l'article 144 de la Constitution, de la compétence des juridictions judiciaires; que les intéressés ont d'ailleurs saisi le juge de paix de Vilvorde d'une demande en ce sens;
qu'au regard des principes du droit public interne, il n'appartient pas à une autorité administrative de se prononcer en droit sur les conditions dans lesquelles une indemnité est due par une personne privée à d'autres personnes privées, et qu'aucune disposition légale ne comporte une telle habilitation au profit de la partie adverse; que, dès lors, le refus de la requérante de se conformer à l'acte attaqué ne saurait être considéré ipso facto comme un manquement à ses obligations;
qu'il n'y a pas lieu d'examiner si une disposition de droit international pourrait imposer à l'Etat belge de s'écarter de ces principes, dès lors qu'aucune disposition invoquée en l'espèce n'a cette portée; qu'en effet, la convention pour l'unification de certaines règles relatives au transport aérien international, signée à Montréal le 28 mai 1999, n'est nullement susceptible d'être interprétée en ce sens puisqu'elle se réfère à des « actions » en dommages et intérêts; que le règlement n° 261/2004 précité ne définit pas la nature des pouvoirs dont doit disposer l'autorité chargée de son application, pour autant qu'elle prenne « les mesures nécessaires au respect des droits des passagers »; que ces mesures n'impliquent pas nécessairement le pouvoir de décider si les droits des passagers ont été violés dans un cas particulier et de condamner les compagnies aériennes à leur verser une indemnité, en les privant de la possibilité d'en débattre devant les juridictions compétentes; que dans l'arrêt du 26 septembre 2013 cité par la requérante, la Cour de justice de l'Union européenne a constaté que l'article 30 du règlement n° 1371/2007 appliqué en cette espèce n'avait pas précisé les mesures que l'organisme national chargé de l'application de ce règlement devait prendre pour garantir le respect des droits des voyageurs et que cette disposition requérait, pour sa mise en oeuvre, l'adoption par les Etats membres de mesures d'application visant à définir les pouvoirs dont dispose l'organisme national de contrôle; qu'elle en a déduit qu'en l'absence de disposition nationale à cet effet, cet article du règlement « ne saurait être interprété comme constituant une base juridique autorisant les organismes nationaux à imposer aux entreprises ferroviaires le contenu concret de leurs clauses contractuelles relatives aux conditions d'indemnisation » (points 63 et 66); que, de même, l'article 16 du règlement n° 261/2004, précité, ne constitue pas une base juridique permettant à la partie adverse d'imposer aux compagnies aériennes le paiement d'une indemnité à des passagers dans un cas particulier;
que l'article 5 de l'accord entre le gouvernement du Royaume de Belgique et le gouvernement des Emirats Arabes Unis, précité, ne confère pas - et ne pourrait conférer - à la partie adverse des prérogatives spécifiques à l'égard des compagnies aériennes des Emirats Arabes Unis; qu'il a pour portée de stipuler entre les parties contractantes que la Belgique peut faire usage des sanctions prévues par le droit applicable en Belgique à l'encontre de ces compagnies lorsqu'elles ne se conforment pas à ce dernier, sanctions qui seraient le cas échéant susceptibles de recours devant les juridictions belges; que rien dans cette disposition n'amène à modifier la qualification de l'acte attaqué;
que l'acte attaqué n'a donc pas de valeur obligatoire et constitue un avis, qui ne produit pas d'effets de droit; que, ni dans la motivation qu'elle a donnée à l'acte lui-même, ni dans ses écrits de procédure, ni dans son comportement après son adoption, la partie adverse n'a prétendu y attacher de tels effets; que, si le courrier du 15 mai 2012, rappelé par la note en bas de page de l'acte attaqué, pouvait laisser entendre que la partie adverse avait envisagé les choses différemment à un moment de la procédure, cette circonstance ne suffit pas à modifier la nature de l'acte attaqué; que ce dernier ne constitue pas un acte administratif susceptible de recours;
que la requérante ne demeure pas, pour autant, privée de protection juridictionnelle puisque le droit des passagers à une indemnisation doit être apprécié, dans son principe comme dans son étendue, par les juridictions judiciaires qui ne sont pas liées par l'appréciation émise par la partie adverse dans l'avis attaqué; que, pour le surplus, d'éventuelles sanctions qui seraient appliquées en raison du défaut de versement de l'indemnité proposée seraient soit décidées par une juridiction - s'il devait s'agir de sanctions pénales -, soit soumises au contrôle d'une juridiction - s'il devait s'agir de sanctions administratives; que, dans les deux cas, leur bien-fondé serait ou pourrait être apprécié par une juridiction sans qu'elles puissent être considérées comme simplement confirmatives de l'acte attaqué, qui n'a qu'une portée indicative;
qu'il résulte de ces considérations que le recours est irrecevable,
DECIDE:
Article 1er.
La requête est rejetée.
Article 2.
Les dépens, liquidés à la somme de 175 EUR, sont mis à la charge de la partie requérante.
(…)