Article

Cour d'appel Bruxelles, 07/11/2013, R.D.C.-T.B.H., 2014/8, p. 808-812

Cour d'appel de Bruxelles 7 novembre 2013

PRATIQUES DU MARCHÉ
Généralités - Secret d'affaires - Violation effective - Conditions de la désignation d'un expert - Tierce complicité - Force probante d'un rapport d'expertise unilatéral
Pour démontrer l'existence d'un acte contraire aux pratiques honnêtes du marché, il ne suffit pas de prouver qu'une société a eu accès à des secrets d'affaires d'une autre, il est encore nécessaire d'établir que la première a effectivement utilisé les secrets de la seconde.
La désignation d'un expert et un ordre de production de documents ne peuvent servir à compenser une absence totale de preuve ou de commencement de preuve, lorsque rien ne rend vraisemblable les faits que l'expertise ou les documents viseraient à établir.
Pour pouvoir invoquer une tierce complicité, il faut que celui qui s'en prévaut puisse tirer des droits de la convention dont il invoque la violation, c'est-à-dire soit qu'il y est partie, soit éventuellement qu'il en est bénéficiaire en vertu d'une stipulation pour autrui.
Le caractère unilatéral d'un rapport d'expertise ne permet pas de lui accorder une force probante concluante. Mais il n'empêche pas de le prendre en considération pour retrouver des indices qui justifieraient éventuellement d'ordonner une mesure d'expertise contradictoire. Encore faut-il que la conclusion du rapport d'expertise unilatéral soit basée sur un fait que l'expert a constaté ou vérifié lui-même.
MARKTPRAKTIJKEN
Algemeen - Zakengeheim - Daadwerkelijke schending - Voorwaarden voor de aanstelling van een deskundige - Derde-medeplichtigheid - Bewijskracht van een eenzijdig deskundigenonderzoek
Om het bestaan aan te tonen van een met de eerlijke handelsgebruiken strijdige daad, volstaat het louter bewijs dat een vennootschap toegang heeft gehad tot de zakengeheimen van een andere vennootschap niet, maar moet noodzakelijkerwijs worden aangetoond dat eerstgenoemde effectief gebruik heeft gemaakt van de geheimen van de andere vennootschap.
De aanstelling van een deskundige en het bevel tot overlegging van stukken kunnen er niet toe strekken om een totaal gebrek aan bewijs of begin aan bewijs te compenseren, wanneer geen enkel element de feiten aannemelijk maakt die de door de expertise of de documenten zouden moeten vastgesteld.
Opdat een partij een derde-medeplichtigheid aan de schending van een overeenkomst kan inroepen, is het noodzakelijk dat die partij rechten kan putten uit de overeenkomst waarvan sprake, en meer bepaald dat hij hetzij zelf partij is bij de overeenkomst, hetzij dat hij er eventueel begunstigde van is krachtens een beding ten behoeve van een derde.
Het eenzijdig karakter van een expertiseverslag laat niet toe om er een afdoende bewijskracht aan te verlenen. Dit eenzijdig karakter belet evenwel niet om het verslag in overweging te nemen teneinde daarin aanwijzingen terug te vinden die het bevel tot een tegensprekelijk deskundigenonderzoek eventueel zouden verantwoorden. Daarbij dient nog dat het besluit van het eenzijdig expertiseverslag gebaseerd is op een feit dat de deskundige zelf heeft vastgesteld of gecontroleerd.

Sodexo Pass Belgium SA / Monizee SA

Siég.: H. Mackelbert (président), C. Heilporn et Y. Herinckx (conseillers)
Pl.: Mes B. Van Asbroeck, M. Cock et Th. Léonard, H. Jacquemin

(...)

IV. Discussion
§ 1. La recevabilité de l'appel et de la demande de Sodexo

5. L'appel principal et l'appel incident sont recevables, ce qui n'est d'ailleurs pas contesté.

6. Monizze soutient que la demande de Sodexo serait irrecevable ou non fondée dans la mesure où elle est basée sur la violation du contrat entre IBM et Sodexo.

Mais la demande de Sodexo n'est pas fondée sur une telle violation contractuelle. Sodexo invoque, notamment, que le contrat de travail de monsieur V.H. chez IBM ainsi que le code de conduite qui y était intégré lui imposent une obligation de confidentialité, que Sodexo peut invoquer cette obligation en tant que bénéficiaire d'une stipulation pour autrui, et que Monizze s'est rendue tiers complice de la violation par monsieur V.H. de cette obligation. Ceci constitue bien une demande fondée sur l'article 95 de la loi du 6 avril 2010 relative aux pratiques du marché et à la protection du consommateur.

L'exception soulevée par Monizze doit dès lors être rejetée.

§ 2. L'utilisation des secrets d'affaires par Monizze

7. Sodexo consacre de longs développements au fait que monsieur V.H. aurait eu accès, lors de la mission d'IBM, à de multiples informations sur les affaires de Sodexo, ainsi qu'au caractère confidentiel de ces informations. Sodexo ne présente toutefois aucun élément de fait indiquant que Monizze aurait, d'une manière ou d'une autre, dans l'exercice de ses activités, fait usage de ces informations. Sodexo ne relève rien chez Monizze qui s'inspirerait de ses propres affaires, à part le simple fait que Monizze émet, comme elle, des titres-repas électroniques - mais le concept des titres électroniques n'est bien entendu un secret pour personne.

Sodexo affirme que, en décembre 2012, Monizze avait émis des titres électroniques en faveur de 40.000 salariés, dont 30.000 sont employés par des entreprises auparavant clientes de Sodexo et 10.000 par des entreprises auparavant clientes d'Edenred, alors que Sodexo et Edenred détenaient chacune à peu près la moitié du marché des titres papier. Elle en déduit la preuve de l'utilisation par Monizze de sa connaissance « des points forts et des points faibles de Sodexo [et] des attentes (satisfactions et insatisfactions) de ses clients ». La cour ne peut pas suivre ce raisonnement: la fidélité moindre des clients de Sodexo à leur ancien fournisseur peut avoir des causes très diverses et n'est pas nécessairement révélatrice d'une meilleure connaissance de cette clientèle par Monizze; les clients de Monizze et de Sodexo sont les employeurs et pas les employés, de sorte que pour donner un éventuel fondement au raisonnement de Sodexo c'est le nombre d'entreprises et pas le nombre de salariés qu'il faudrait comparer; enfin, les chiffres invoqués constituent une simple affirmation et ne s'appuient sur aucun élément probant au dossier.

Sodexo affirme encore que Monizze s'est développée beaucoup plus rapidement que l'autre nouvel entrant sur le marché des titres-repas électroniques, Scan-ID, ce dont elle déduit la preuve d'un avantage concurrentiel irrégulier dont bénéficiait Monizze. Mais ici aussi le moindre succès commercial de Scan-ID, à le supposer avéré, peut provenir de multiples causes; Monizze l'explique d'ailleurs par l'échec du schéma technique « fermé » que Scan-ID aurait initialement retenu avant de basculer vers un schéma « ouvert » analogue à celui de Monizze.

Sodexo a indiqué à l'audience que, lors de la mission d'IBM, monsieur V.H. a pris connaissance du tarif des commissions que Sodexo envisageait à l'époque de prélever à charge des commerçants sur les paiements faits par titre électronique (aucune commission n'étant traditionnellement prélevée à charge des commerçants sur les paiements faits par titre papier), et que cette information a été utilisée par Monizze lorsqu'elle a fixé ses propres tarifs de manière à se positionner en dessous des prix de Sodexo et à ainsi capter des clients. Mais Sodexo a également indiqué que le niveau de commission appliqué par Monizze est cinq fois moins élevé que celui que Sodexo avait communiqué à IBM. L'ordre de grandeur est donc complètement différent, et la cour y voit plutôt la démonstration que Monizze a fixé son niveau de commission de manière totalement autonome par rapport aux informations fournies par Sodexo à IBM.

Sodexo affirme que Monizze, en faisant usage des secrets obtenus par monsieur V.H., a « fait l'économie de recherches en matière de stratégie commerciale, financière et technologique ». Mais elle n'explique pas en quoi les stratégies de Monizze en matières commerciale, financière ou technologique s'inspireraient des siennes; au contraire, en ce qui concerne la stratégie commerciale et technologique, il est apparu lors des débats d'audience que les choix faits par les deux parties sont radicalement différents: schéma « fermé » chez Sodexo, qui implique que celle-ci démarche elle-même les commerçants, et schéma « ouvert » chez Monizze, où le démarchage des commerçants est effectué par le tiers PayFair de manière générique.

8. Pour démontrer l'existence d'un acte contraire aux pratiques honnêtes du marché, il ne suffit pas de prouver que Monizze a eu accès à des secrets d'affaires de Sodexo, il est encore nécessaire (et la cour ne se prononce pas sur la question de savoir si ceci est suffisant) d'établir que Monizze a effectivement utilisé ces secrets. Or Sodexo ne fournit pas le moindre indice d'une telle utilisation. La désignation d'un expert et un ordre de production de documents ne peuvent servir à compenser une absence totale de preuve ou de commencement de preuve, lorsque rien ne rend vraisemblable les faits que l'expertise ou les documents viseraient à établir.

C'est dès lors à bon droit que le premier juge a rejeté les demandes de Sodexo, et tout ce qui sera dit aux paragraphes 9 à 16 dans la suite du présent arrêt est surabondant. Les considérations qui précèdent suffisent pour asseoir la conviction de la cour. Il s'ensuit que l'examen des autres moyens ou arguments développés de part et d'autre est surabondant et ne saurait amener la cour à un dispositif autre de celui qui résulte de ce qui précède. De même, la cour n'est pas tenue de rencontrer les considérations émises par les parties dont elles ne tirent aucune conséquence précise et qui ne constituent dès lors ni une demande, ni une défense, ni une exception.

§ 3. L'obtention de secrets d'affaires

9. La cour relève plusieurs éléments de fait qui rendent peu vraisemblable l'affirmation de Sodexo selon laquelle monsieur V.H. a obtenu à l'occasion de la mission d'IBM des informations secrètes qui ont ensuite pu être utiles à Monizze.

10. En premier lieu, la chronologie des faits est significative. La mission d'IBM s'est déroulée en octobre et novembre 2008. Sodexo n'avait encore à l'époque aucune activité d'émission de titres électroniques et en était à un stade relativement préliminaire de ses réflexions sur le lancement de ces activités. Celles-ci n'ont effectivement démarré qu'en 2011, tant chez Sodexo que chez Monizze. Il est très peu probable, vu notamment la vitesse des évolutions technologiques, que des informations préliminaires de 2008 aient encore eu une véritable valeur commerciale en 2011, et a fortiori en 2013 - soit 5 ans plus tard - lorsque la cour est amenée à statuer.

11. Sodexo, en deuxième lieu, n'est pas en mesure de décrire de manière un tant soit peu précise les secrets que Monizze se serait appropriés. Elle écrit en conclusions qu'il s'agit de:

- son modèle financier et économique tant existants qu'envisagés - ces derniers procédant de la recherche et développement du portefeuille de secrets d'affaires et/ou de la fabrique bénéficient du même statut;

- sa politique de prix et les composantes de son prix de vente;

- sa structure de revenus;

- ses modes de commande;

- les forces et faiblesses de son offre;

- la segmentation de sa clientèle;

- les motifs de satisfaction et d'insatisfaction de sa clientèle, et donc les attentes de ces derniers - qu'il s'agisse de celles des clients directs ou des secrétariats sociaux;

Certes, puisque Sodexo invoque le caractère secret de ces informations, il est légitime qu'elle n'en révèle pas tous les détails, mais elle pourrait au moins en expliquer la nature et l'objet, et expliquer l'avantage que Monizze en a concrètement tiré. Sodexo se confine à un tel degré de généralités, parfois peu compréhensibles (« courbes valeur » et « propositions de valeur », p. ex.), que ses allégations ne peuvent pas convaincre.

12. Les métiers d'émetteur de titres papier et d'émetteur de titres électroniques paraissent très différents l'un de l'autre. D'après les explications obtenues à l'audience, les titres papier requièrent surtout une grande efficacité logistique (impression des titres, transport vers les employeurs clients, collecte des titres remis aux commerçants, comptages et réconciliation, et sécurisation à chaque étape de la chaîne), sans pertinence pour les titres électroniques. Les modèles financiers sont différents: lorsqu'il s'agit de titres papier, l'émetteur est rémunéré par une commission payée par les employeurs, par les intérêts perçus sur la valeur des titres entre le moment de leur paiement par l'employeur et le moment du remboursement au commerçant, ainsi que par la valeur des chèques non encaissés suite à leur perte ou à leur péremption. Lorsqu'il s'agit de titres électroniques, une commission est également perçue à charge des commerçants, et dans le schéma « ouvert » utilisé par Monizze d'autres intervenants (Tunz et PayFair) participent aussi au modèle financier, sans qu'aucun des conseils des parties n'ait pu véritablement expliquer à la cour comment ce modèle fonctionne - ce dont la cour déduit qu'il n'est en tout cas pas similaire au modèle financier des titres papier, que les conseils ont pu décrire sans difficulté.

La différence entre les deux métiers, et le fait qu'à l'époque de la mission d'IBM Sodexo n'exerçait encore que le métier des titres papier, rendent peu vraisemblable que Monizze ait pu utilement profiter de ce que monsieur V.H. aurait appris chez Sodexo lors de la mission d'IBM.

13. Enfin, la cour note que l'objet de la mission d'IBM était d'ordre général (high level). L'offre de contrat soumise par IBM le décrit comme suit:

In scope for the discussion which IBM will facilitate are the Belgium market for Voucher & Cards, the technology arena for e-payments (cards, NFC/contactless) and the study of high level value proposition which Sodexo can bring to the market.

Not in scope are detailed analysis of cost composition of products, detail value proposition design, detailed legal/payment implications, any other Sodexo business unit such as Food and FM.

[traduction fournie par Sodexo:

Entrent dans la discussion qu'IBM facilitera le marché belge des cartes et titres-chèques, l'arène des technologies de paiement électronique (cartes, NFC/contactless) et l'étude d'une proposition de valeur de haut niveau que Sodexo pourra lancer sur le marché.

Ne sont pas dans le périmètre de la mission l'analyse détaillée de la composition du coût des produits, la conception détaillée de la proposition de valeur, les implications détaillées, du point de vue légal ou du paiement, ainsi que toute autre unité de Sodexo, telles que l'Alimentaire et le FM.]

Une mission high level est en principe moins susceptible de porter sur des secrets d'affaires qu'une mission plus détaillée du type de ce qu'IBM classe dans la rubrique not in scope (hors périmètre) de son offre.

§ 4. La tierce complicité

14. Sodexo affirme que les informations auxquelles monsieur V.H. a eu accès lors de la mission d'IBM sont confidentielles en vertu de la convention de consultance conclue entre elle et IBM et du code de conduite intégré dans le contrat de travail de Monsieur V.H. chez IBM, interprétés à la lumière des usages applicables aux activités de consultance.

A supposer que cela soit exact, Monizze n'est de toute manière pas liée par ces conventions auxquelles elle n'est pas partie (art. 1165 C. civ.). Sodexo lui reproche une tierce complicité à la violation par monsieur V.H. des obligations résultant de son contrat de travail et du code de conduite. Mais pour pouvoir invoquer une telle tierce complicité, il faudrait en premier lieu que Sodexo puisse tirer des droits de la convention dont elle invoque la violation, c'est-à-dire soit qu'elle y soit partie - ce qu'elle n'est pas vu qu'il s'agit d'une convention entre IBM et monsieur V.H. - soit éventuellement qu'elle en soit bénéficiaire en vertu d'une stipulation pour autrui - ce que Sodexo invoque mais en vain, en l'absence de toute clause dans le contrat de travail ou le code de conduite qui révèle l'intention d'IBM ou de monsieur V.H. de créer un droit direct au profit des clients d'IBM, et d'ainsi constituer une stipulation pour autrui (Cass., 21 octobre 1971, Pas., 1972, I, p. 75; Cass., 12 mai 1972, Pas., 1972, I, p. 840; N. Carette, « Het derdenbeding: wanneer heeft een beding de strekking van een derdenbeding naar Belgisch recht? », in coll., Derden in het contractenrecht, p. 81, spéc. nos 4 à 13; H. De Page et P. Van Ommeslaghe, Traité, t. II, Les obligations, vol. I, n° 444; R. Feltkamp, « Beding ten behoeve van een derde », Bijzondere overeenkomsten. Artikelsgewijze commentaar met overzicht van rechtspraak en rechtsleer, n° 8; la Cour ne se prononce pas sur la question de savoir si une telle stipulation pour autrui, à la supposer établie, ne serait pas de toute manière nulle en vertu des articles 6 et 17, 3°, de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail).

§ 5. Le rapport G.

15. Pour appuyer la thèse que monsieur V.H. a obtenu de Sodexo, lors de la mission d'IBM, des informations de nature confidentielle, Sodexo a fait établir par monsieur L.G. un rapport sur la question.

Ce rapport d'expert est unilatéral. Le caractère unilatéral du rapport ne permet pas de lui accorder une force probante concluante, mais n'empêche pas de le prendre en considération pour y trouver des indices qui justifieraient éventuellement d'ordonner une mesure d'expertise contradictoire (D. Mougenot, « Le rapport d'expertise unilatéral », R.D.J.P., 2011, p. 116).

16. L'examen du contenu du rapport, toutefois, ne mène pas la cour à accorder plus de poids aux allégations de Sodexo.

D'une part, monsieur G. est spécialisé en informatique. Or une grande partie de son rapport porte sur la déontologie des consultants et sur les règles de conduite applicables dans le métier de la consultance. Le sujet, pour intéressant et pertinent qu'il soit, ne relève pas de l'informatique et tombe hors du champ de compétence spécialisée revendiqué par l'expert.

D'autre part, monsieur G. écrit dans son rapport qu'« On ne peut qu'être choqué à l'idée qu'un consultant, qui, dans le cadre d'une mission stratégique, a pu obtenir des informations et données hautement sensibles et confidentielles, les détourne ensuite à son propre profit. [...] Dans le cas présent, J.-L. V.H. ne s'est pas limité à violer la confiance placée en lui, mais a de toute évidence dû partager les informations confidentielles qu'il a obtenues avec des tiers [...] Les secrets d'affaires de Sodexo ont non seulement été violés mais aussi détournés au profit de la constitution de la société Monizze. » Mais les investigations effectuées par monsieur G. n'ont porté que sur le contenu de la mission d'IBM; il écrit dans son rapport avoir examiné l'offre de contrat et les trois rapports produits par IBM, et il a été reconnu à l'audience qu'il n'avait eu accès qu'à ces quatre documents et pas aux activités de Monizze ou à celles de monsieur V.H. après la fin de la mission d'IBM. Sa conclusion relative au « détournement » par Monsieur V.H. et au fait que celui-ci aurait « de toute évidence » révélé les secrets à des tiers ne peut donc être basée sur aucun fait que monsieur G. aurait constaté ou vérifié lui-même.

Il s'en déduit que le rapport de monsieur G., tel qu'il est rédigé, ne peut constituer un élément probant pour permettre à la cour de conclure qu'il existe des indices suffisants pour ordonner les mesures d'instruction sollicitées par Sodexo.

§ 6. L'appel incident

17. Monizze réclame une indemnité de 25.000 EUR pour procédure téméraire et vexatoire. Elle invoque que la procédure lui a causé « des pertes considérables de temps et d'argent », non autrement spécifiées. Elle invoque également, dans un autre contexte, que la procédure « priv[e] Monizze des ressources financières que celle-ci devra consacrer à sa défense et [...] l'empêch[e] de mobiliser pleinement ses ressources humaines au développement de son activité économique » et que « tant que plane le risque, même extrêmement faible, de voir Monizze condamnée à cesser ses activités, certains investisseurs seront réticents à lui octroyer les moyens financiers nécessaires au développement de son activité ».

Il s'agit toutefois de simples affirmations qui ne s'appuient sur aucun élément de preuve. A défaut de démonstration d'un quelconque dommage, la demande doit être rejetée.

A supposer qu'il faille considérer que Monizze invoque implicitement comme préjudice les frais d'avocat qu'elle a dû exposer, l'article 1022, alinéa 6, du Code judiciaire prévoit qu'aucune partie ne peut être tenue au paiement d'une indemnité pour l'intervention de l'avocat d'une autre partie au-delà du montant de l'indemnité de procédure.

§ 7. Les dépens

18. Sodexo est la partie succombante en ce qui concerne l'objet principal du litige, c'est-à-dire la demande de cessation, et doit en conséquence être condamnée aux dépens. Certes, Monizze succombe en ce qui concerne sa demande reconventionnelle pour procédure téméraire et vexatoire, mais l'impact de cette demande sur le coût de la procédure est négligeable. La compensation des dépens ne se justifie donc pas.

V. Dispositif

Pour ces motifs, la cour,

Déclare l'appel principal et l'appel incident recevables;

Les dit l'un comme l'autre non fondés;

(…)