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Actualité : Cour de cassation, 03/03/2014, R.D.C.-T.B.H., 2014/7, p. 729-730

Cour de cassation 3 mars 2014

Cour de cassation 8 mai 2014 Affaire: C. 13.0224.F et C. 13.0451.N
ASSURANCES
Assurance terrestre - Exécution du contrat - Déchéance prestation d'assurance - Sinistre intentionnel - Cause de d'échéance et non d'exclusion


VERZEKERINGEN
Landverzekering - Uitvoering van de overeenkomst - Verval van de verzekeringsprestatie - Opzettelijke schadegeval - Verval van dekking en geen uitsluiting


La Cour de cassation vient de rappeler à deux reprises la distinction entre déchéance et exclusion en cas de sinistre intentionnel.

Dans le premier cas (C.13 0224.F), le preneur d'assurance et bénéficiaires d'un contrat d'assurance sur la vie sur la tête de son épouse avait mis fin à ses jours après avoir tué son épouse.

Pour refuser la couverture aux héritiers légaux désignés comme bénéficiaire à titre subsidiaire, l'assureur affirmait que l'article 8, alinéa 1er, de la loi du 25 juin 1992 qui permet de refuser sa garantie « à quiconque a causé intentionnellement le sinistre » ne lui imposait pas de fournir sa garantie à tout autre bénéficiaire étranger au fait intentionnel et lui permettait au contraire d'écarter, par une disposition contractuelle, sa garantie pour cet autre bénéficiaire.

Suivant cette logique, l'assureur avait introduit dans ses conditions générales les clauses suivantes:

    • « Sont exclus les accidents [...] causés par un acte intentionnel de l'assuré ou du bénéficiaire de la police, par suicide ou tentative de suicide, par la participation volontaire à des crimes ou délits » (art. 4);
    • « Déchéance. L'assuré et le bénéficiaire seront déchus de tout droit découlant de la police et l'assureur pourra leur réclamer le remboursement de toutes sommes déjà payées: lorsque le preneur d'assurance, l'assuré ou le bénéficiaire aura provoqué intentionnellement l'accident ou aggravé les suites de celui-ci, soit directement, soit en refusant de suivre ou de faire suivre le traitement médical prescrit (...) Lorsqu'il y a plusieurs bénéficiaires, la police ne sortira ses effets qu'en faveur des bénéficiaires n'ayant pris aucune participation à un des événements visés au premier alinéa ci-dessus » (art. 6).

    L'assureur refusait sa couverture sur base de la clause d'exclusion (art. 4), en considérant que les héritiers légaux, ne pouvaient bénéficier de la police souscrite sur la tête de l'assurée au motif que le premier bénéficiaire, l'époux de celle-ci, avait intentionnellement provoqué le décès de son épouse.

    Les héritiers légaux avaient fait valoir que les dispositions contractuelles étaient contradictoires (clause d'exclusion et clause de déchéance), devaient être réputées non écrites et que l'assureur ne pouvait s'en prévaloir, de sorte que le régime légal de la déchéance prévu par l'article 8, alinéa 1er, de la loi du 25 juin 1992 devait trouver à s'appliquer (art. 14 de l'arrêté royal du 22 février 1991 portant règlement général relatif au contrôle des entreprises d'assurances, 19bis de la loi du 9 juillet 1975 relative au contrôle des entreprises d'assurances et 1162 du Code civil).

    L'arrêt de cour d'appel avait toutefois rejeté l'argument de contrariété entre les deux clauses au motif que si « ... l'utilisation à deux reprises du terme 'acte intentionnel' est malencontreuse... l'interprétation contextuelle permet de distinguer deux entendements différents du même terme. »

    Selon l'arrêt attaqué, « dans le premier cas l'acte intentionnel qui entraîne l'exclusion est soit un acte délictueux, soit un suicide ou une tentative de suicide, tandis que dans le second cas, il est entendu de manière plus générale comme étant 'avoir provoqué intentionnellement l'accident ou aggravé les suites de celui-ci soit directement, soit en refusant de suivre ou de faire suivre un traitement médical'.

    Provoquer directement et intentionnellement un accident est entendu ici à l'exclusion du suicide qui est prévu dans la première catégorie, ce qui est parfaitement cohérent dans la logique de la police ».

    Ensuite, l'arrêt exposait que si en application de l'article 8 de la loi du 25 juin 1992, l'assureur ne pouvait être tenu de fournir sa garantie à l'égard de celui - preneur, assuré ou bénéficiaire - qui aurait causé volontairement et sciemment le sinistre, cet article ne lui imposait cependant pas « de fournir sa garantie à tout autre bénéficiaire étranger au fait intentionnel » dont il pouvait ainsi l'en priver, ce qui, selon l'arrêt, était le cas en l'espèce puisque la clause avait été acceptée par l'époux (preneur d'assurance) lors de la souscription.

    En poursuivant ce raisonnement, la cour d'appel écartait le caractère personnel de la faute intentionnelle (Cass., 3 mars 2011, R.D.C., 2012, p. 290; M. Fontaine, « Déchéances, exclusions, définition du risque et charge de la preuve en droit des assurances », note sous Cass., 7 juin 2002 et 18 janvier 2002, R.C.J.B., 2003, pp. 54-55; B. Dubuisson, « La faute intentionnelle en droit des assurances - L'éclairage du droit pénal », R.G.A.R. N° 1/2010, p. 14586); J. M. Binon, « Meurtre de l'assuré: la fin définitive de la controverse? », note sous Cass., 3 mars 2011, R.D.C., 2012, p. 295).

    Après avoir distingué la déchéance qui entraine un retrait du droit de l'exclusion qui consiste en une absence de droit et « concerne d'emblée une situation 'hors cadre' contractuel », l'avocat général constate que l'acte intentionnel a été contractuellement soumis à deux régimes de sanctions distinctes: exclusion pour les actes intentionnels délictueux (art. 4 de la police) et déchéance pour les autres actes intentionnels (art. 6 de la police).

    La nature de la sanction initiale (déchéance) est ainsi transformée puisque l'acte intentionnel quand il présente un caractère délictueux devient une clause d'exclusion, ce qui revient, selon l'avocat général, « à forcer le cadre juridique de l' acte intentionnel soumis à des règles probatoires distinctes, par une sorte de dénaturation de la sanction de déchéance appropriée à l'acte intentionnel afin de contourner en l'espèce et de façon irrégulière le système prescrit par les articles précités de la loi du 25 juin 1992 et la protection qui en découle en règle en faveur des bénéficiaires étrangers à l'acte intentionnel concerné ».

    La Cour de cassation rappelle qu'en application des articles 3, 8, alinéa 1er, et 11, alinéa 1er, de la loi 25 juin 1992 est « prohibée, dans un contrat d'assurance sur la vie, toute clause contractuelle qui a pour effet de priver de la garantie d'assurance, en raison d'une faute intentionnelle, un bénéficiaire autre que l'auteur de cette faute ». Elle constate la violation des articles 3 et 8, alinéa 1er et de la loi du 25 juin 1992 par l'arrêt qui considère que les garanties ne sont pas acquises en vertu de la clause selon laquelle « sont exclus les accidents [...] causés par un acte intentionnel de l'assuré ou du bénéficiaire de la police, par suicide ou tentative de suicide, par la participation volontaire à des crimes ou à des délits ».

    Par un second arrêt du 5 mai 2014 (C.13.0451. N), la Cour de cassation réitère ce rappel en cassant l'arrêt qui estimait qu'en vertu de l'article 25, 2° du contrat type (droit de recours contre l'assuré, auteur du sinistre qui a causé intentionnellement le sinistre) la couverture « omnium » ne pouvait être acquise au preneur d'assurance si le sinistre avait été causé intentionnellement par son épouse.