Cour d'appel de Liège 6 février 2014
Affaire: Numéro Justel: F-20140206-09 |
Dans un arrêt du 6 février 2014, la cour d'appel de Liège a décidé qu'une demande de dissolution d'une société faite par l'un de ses créanciers sur base de l'article 634 du Code des sociétés pouvait être abusive. L'article 634 du Code des sociétés prescrit à cet égard que si l'actif net d'une société est réduit à un montant inférieur à 61.500 euros, tout intéressé peut demander au tribunal la dissolution de la société. La jurisprudence et la doctrine reconnaissent la qualité de tiers intéressé au ministère public, à un actionnaire (fut-il minoritaire), à un créancier (pout autant qu'il démontre un intérêt effectif au-delà de sa simple qualité, ce qui sera le cas s'il nourrit des craintes raisonnables quant au recouvrement de sa créance), et même à un concurrent qui cherche à éliminer un adversaire (notamment parce qu'il ne respecte pas les règles du jeu).
Dans le cas d'un créancier, la cour se réfère à la notion d'« intérêt » de l'article 17 du Code judiciaire, qui notamment doit être « légitime à obtenir une mesure nécessaire et proportionnée ». Dès lors qu'un recours en justice, sur base de cet article, peut être considéré comme abusif lorsque l'intérêt à agir ne recouvre pas ces qualités, une demande en dissolution jugée disproportionnée par un tribunal peut être considérée comme abusive. Selon la cour d'appel, une demande basée sur le seul intérêt d'éliminer un concurrent du marché sera ainsi vouée à un échec certain.
En l'espèce, le demandeur, concédant, avait sollicité la dissolution au tribunal de l'un de ses concessionnaires, arguant se prémunir de l'insolvabilité dans le chef de celui-ci, alors qu'un arbitrage entre ces deux parties était pendant et que ce demandeur ne s'était pas acquitté des frais nécessaires à cet arbitrage, malgré les différents recours en ce sens par le concessionnaire. La cour d'appel en déduit une volonté de l'appelant de ne pas avoir à faire face à l'arbitrage tant que son adversaire n'est pas mis en dissolution, et que le seul but poursuivi par celui-ci est une dissolution d'ordre stratégique, forçant l'intimé à revoir ses prétentions à la baisse, éventuellement dans le cadre de sa liquidation, voire même à l'empêcher de faire valoir ses droits. L'intérêt à agir de l'appelant était donc jugé illégitime et la demande de dissolution abusive car manifestement disproportionnée par rapport aux désavantages que subirait le défendeur.