Article

Cour d'appel Liège, 03/10/2013, R.D.C.-T.B.H., 2014/7, p. 703-705

Cour d'appel de Liège 3 octobre 2013

FAILLITE
Effets - Biens - Excusabilité - Déclaration anticipée - Succession
Le dessaisissement du failli prévu par l'article 16 de la loi du 8 août 1997 s'oppose à ce qu'un bien qui vient à échoir au failli avant la clôture de la faillite échappe à la masse. En conséquence, la succession recueillie par le failli après que ce dernier a bénéficié d'une déclaration d'excusabilité anticipée, prononcée sur pied de l'article 80, alinéa 5, de la loi, mais avant la clôture de la faillite, tombe dans la masse. La déclaration anticipée d'excusabilité n'a pas d'effet patrimonial immédiat.
FAILLISSEMENT
Gevolgen - Goederen - Verschoonbaarheid - Vervroegde verschoonbaarheid - Erfenis
De ontneming van het beheer van de gefailleerde zoals voorzien in artikel 16 van de Faillissementswet van 8 augustus 1997 verzet zich ertegen dat een goed dat de gefailleerde toekomt vóór de sluiting van het faillissement geen deel uitmaakt van de boedel. Hieruit volgt dat een erfenis verkregen door de gefailleerde vóór de sluiting van het faillissement, maar na toekenning van de vervroegde verschoonbaarheid op grond van artikel 80, vijfde lid van de wet, deel uitmaakt van de boedel. De vervroegde verschoonbaarverklaring heeft geen vermogenrechtelijke gevolgen die onmiddellijk van toepassing zijn.

J.R. / J.-L. Paquot et O. Evrard q.q. curateurs à la faillite de J.R., M.-F.R.

Siég.: A. Jacquemin, X. Ghuysen et Th. Piraprez (conseillers)
Pl.: Mes P. Carlier et J.-L. Paquot, E. Bottaro loco V.-V. Dehin

Vu les feuilles d'audiences du 3 septembre 2013 et de ce jour.

Après en avoir délibéré:

Vu la requête déposée le 17 juin 2013 par laquelle J.R. interjette appel d'un jugement rendu par le tribunal de commerce de Liège en date du 21 mai 2013.

Vu les conclusions de maître J.-L. Paquot et les dossiers des parties.

Antécédents et objet de l'appel

L'objet du litige et les circonstances de la cause ont été correctement et avec précision relatés par les premiers juges, à l'exposé desquels la cour se réfère.

Il suffit de rappeler que, par jugement du 11 avril 2003, le tribunal de commerce de Liège prononce la faillite de J.R., maîtres J.-L. Paquot et J.-L. Evrard étant désignés en qualité de curateurs (ci-après « les curateurs »).

Le failli est déclaré excusable anticipativement par décision du 28 mars 2006.

Le 8 octobre 2009, le père de J.R. et de M.-F.R. est décédé.

Le curateur en est fortuitement avisé le 30 juin 2011 suite à la demande du conseil de M.-F.R., laquelle souhaite sortir d'indivision (ses conclusions, p. 2).

Le failli estime que les dettes nées avant le 11 avril 2003 ne peuvent plus lui être réclamées et que les actifs qu'il aurait perçus ou aurait reçus depuis l'obtention de son excusabilité ne peuvent par conséquent être saisis par les créanciers dont les droits sont nés avant le 11 avril 2013.

Par requête conjointe déposée le 13 mars 2013, les parties soumettent le différend aux premiers juges.

Par jugement du 21 mai 2013, ceux-ci disent « pour droit que l'excusabilité anticipée obtenue par J.R. n'entraîne pas la fin du dessaisissement quant aux biens échus après la date du 28 mars 2006 ».

J.R. poursuit la réformation du jugement entrepris, invoquant en synthèse que, par l'effet de l'excusabilité ordonnée par jugement du 28 mars 2006, les créanciers ne peuvent plus le poursuivre pour les dettes antérieures à sa déclaration en état de faillite. Il conteste en outre la recevabilité de l'intervention volontaire de M.-F.R., au motif que « celle-ci ne fait en espèce en aucun cas valoir un intérêt (...) elle n'est pas un créancier dans la faillite de J.R. et n'a aucun intérêt concernant ce litige » (requête d'appel, p. 11).

Les intimés postulent la confirmation de la décision dont appel.

Discussion
I. Recevabilité de l'intervention volontaire

L'appelant ne peut être suivi lorsqu'il soutient que M.-F.R. ne dispose d'aucun intérêt dans la présente procédure, à défaut d'avoir la qualité de créancier.

En effet, celle-ci fait valoir à juste titre que, « par citation du 2 juillet 2012, (les curateurs) ont introduit une action de liquidation-partage devant la 3e chambre du tribunal de première instance de Liège (RG/3859/A) (...) Mme M.-F.R. a fait intervention volontaire le 25 juillet 2012 devant la 3e chambre du tribunal de première instance de Liège. Elle postule la liquidation et le partage de la succession et la vente des biens non commodément partageables qui en dépendent. C'est dans ce contexte qu'elle a pris part à la requête conjointe déposée le 13 mars 2013 auprès du greffe du tribunal de commerce de Liège » (ses conclusions, p. 2).

Dans la mesure où, la procédure civile de liquidation est toujours pendante, le juge civil ayant, par décision du 27 mai 2013, réservé à statuer dans l'attente de la décision commerciale quant à la portée patrimoniale de l'excusabilité, ce que l'appelant ne conteste pas (requête d'appel, p. 12), M.-F.R. justifie à suffisance d'un intérêt pour la recevabilité de son intervention volontaire dès lors que le sort de la procédure de sortie d'indivision successorale à laquelle elle est partie dépend de l'arrêt à intervenir, sans qu'il soit davantage requis qu'elle présente la qualité de créancier à la faillite de l'appelant.

II. Des effets de l'excusabilité anticipée (art. 80 de la loi sur les faillites)

Il échet de rappeler que:

1. Il est tout d'abord certain que, selon l'article 82, alinéa 1er, de la loi sur les faillites, « si le failli est déclaré excusable, il ne peut plus être poursuivi par ses créanciers » et que cette interdiction de poursuite - qui ne s'identifie pas à une extinction de la dette - vise, sous réserve des exceptions de l'article 82, alinéa 3, de la loi, toutes les dettes du failli, quelle qu'en soit la nature, « existant au jour de la faillite (...) le principe de la cristallisation du passif impos(ant) que ce choix soit fait » (I. Verougstraete et consorts, Manuel de la continuité des entreprises et de la faillite, p. 760; Cass., 5 octobre 2007, Pas., 2007, 1709).

Parallèlement, la clôture de la faillite qui intervient par le même jugement qui statue sur l'excusabilité, met fin au dessaisissement du failli quant à ses biens (I. Verougstraete, o.c., p. 417).

Il en résulte une parfaite concordance entre les droits des créanciers qui, en cas d'inexcusabilité, retrouvent leur droit de poursuite à l'égard du débiteur failli, et ceux du failli qui se retrouve à la tête de son patrimoine par l'effet de la clôture.

2. La loi du 20 juillet 2005 permet dorénavant au failli de demander au tribunal de statuer sur l'excusabilité « 6 mois après la date du jugement déclaratif de faillite » en sorte qu'il peut ne plus exister, comme en l'espèce, une parfaite simultanéité entre la clôture de la faillite et la décision d'excusabilité.

L'intention du législateur était assurément de mettre fin, par ce mécanisme d'excusabilité anticipée, à la discrimination existant entre les faillites sans actifs qui « se règle(nt) beaucoup plus vite (et dont) le jugement d'excusabilité peut alors être rendu beaucoup plus tôt, le failli (pouvant) être libéré immédiatement de ses dettes (et) (...) se lancer sans attendre dans une nouvelle activité indépendante ou travailler comme salarié sans craindre une saisie de ses recettes ou de ses revenus » (Doc. parl., Chambre, n° 51-1811/007, p. 9), et les faillites « qui comporte(nt) des actifs réalisables (pouvant) durer de longues années ».

Il reste qu'« un conflit surgit (..) entre l'article 16 loi faillites qui fait en principe tomber dans la masse tous les biens que le failli acquiert au cours de la procédure de faillite (donc jusqu'à la clôture de celle-ci) et la déclaration d'excusabilité anticipée. Comment le failli peut-il prendre un 'nouveau départ' s'il ne dispose d'aucun bien? » (M. Vanmeenen, « Le nouveau régime en matière de décharge des personnes qui se sont constituées sûreté personnelle et d'excusabilité », R.D.C., 2005, p. 889; « De Faillissementswet op de valreep aangepast: wie geen aangifte doet, is gezien! », R.D.C., 2005, p. 1002).

L'article 16 de la loi sur les faillites prévoit que « le failli, à compter du jour du jugement déclaratif de faillite, est dessaisi de plein droit de l'administration de tous ses biens, même de ceux qui peuvent lui échoir tant qu'il est en état de faillite (...) ». Cette disposition, à laquelle aucune exception n'a été apportée, s'oppose à ce qu'un bien qui vient à échoir avant la clôture de la faillite échappe à la masse (dans ce sens P. Cavenaile et Th. Cavenaile, sous la réserve du produit d'une activité nouvelle, in La situation du débiteur failli, du conjoint et des cautions, C.U.P., vol. 100, Sûretés et procédures collectives, p. 118).

En conséquence, tant que la faillite n'est pas clôturée, les biens nouveaux échoient à la masse nonobstant la décision d'excusabilité anticipée qui n'a pas d'effet patrimonial immédiat.

Elle n'a pas davantage pour conséquence d'éteindre les dettes existantes au moment de la faillite, ce qui, à défaut, impliquerait que la faillite doive immédiatement être clôturée (M. Vanmeenen, o.c., p. 889; P. Cavenaile et Th. Cavenaile, o.c., p. 118).

Dans ces conditions, c'est par de judicieux motifs que la cour adopte, qui prennent objectivement en considération l'ensemble des informations et pièces déposées et qui rencontrent de manière aussi adéquate que complète les arguments de fait et de droit développés, que les premiers juges ont considéré que « l'excusabilité anticipée ne porte en rien sur les actifs, elle constitue un barrage aux prétentions des créanciers, sans entraîner de disparition de leur créance, et ne vise donc que la situation passive du failli qui reste en état de faillite jusqu'à la clôture (...) le fresh start voulu par le législateur lorsqu'il a instauré l'excusabilité anticipée peut, ainsi, comme en l'occurrence, rester extrêmement théorique (...) jusqu'à la clôture de la faillite. C'est cependant ce qu'implique l'application de la loi en son état actuel » (jugement, p. 2).

Le jugement a quo doit être confirmé.

Indemnité de procédure

Aux termes de l'article 1017, alinéa 1er, du Code judiciaire, « Tout jugement définitif prononce, même d'office, la condamnation aux dépens contre la partie qui a succombé, à moins que des lois particulières n'en disposent autrement et sans préjudice de l'accord des parties que, le cas échéant, le jugement décrète. »

En vertu de l'article 1021, alinéa 1er, le jugement contient la liquidation des dépens à l'égard de toute partie qui a déposé un relevé détaillé des dépens.

En instance, les premiers juges avaient constaté qu'aucune des parties n'avaient liquidé ses dépens.

En sa qualité d'intervenante volontaire aux côtés des curateurs, l'intimée ne peut prétendre à l'indemnité de procédure, n'ayant formulé aucune demande à l'encontre de l'appelant.

Ayant été toutefois intimée par J.R., M.-F.R. est fondée à postuler, en degré d'appel, sa condamnation à l'indemnité de procédure.

Par ces motifs,

La cour,

Statuant contradictoirement,

Vu l'article 24 de la loi du 15 juin 1935 sur l'emploi des langues en matière judiciaire,

Reçoit l'appel.

Confirme le jugement entrepris,

Délaisse à M.-F.R. ses propres dépens d'instance,

Condamne l'appelant aux dépens d'appel liquidés pour M.-F.R. à 1.320 EUR et non liquidés pour les curateurs, lesquels ne peuvent en toute hypothèse prétendre à l'indemnité de procédure en leur qualité de mandataire de justice.

(…)


Note / Noot

Voyez l'article de David Pasteger dans ce numéro, p. 647. L'arrêt est cité à la page 652, n° 16 de la note.