La responsabilité des intermédiaires en droit des marques et en droit d'auteur à la lumière de la récente jurisprudence européenne
TABLE DES MATIERES
I. La notion d'intermédiaire 1. Absence de définition légale de la notion d'intermédiaire
2. L'apport de la jurisprudence Benelux et européenne en matière de droit des marques - Le critère de l'usage pour sa propre communication commerciale
- Le critère de la création des moyens techniques nécessaires à l'usage de la marque
- Usage au sens de l'article 2.20.1, (d), de la CBPI?
3. La notion d'intermédiaire en droit d'auteur: l'affaire Google News
II. La responsabilité civile des intermédiaires 1. Un intermédiaire peut-il être reconnu responsable au regard de l'article 1382 C. civ.?
2. Le régime particulier de responsabilité des intermédiaires en ligne
III. Au-delà de la responsabilité: la question des injonctions 1. Les injonctions stricto sensu
2. Le droit d'information des titulaires de droit
Les intermédiaires revêtent aux yeux des titulaires de droit toutes les qualités dont les contrefacteurs sont généralement dépourvus: ils sont facilement accessibles et identifiables, solvables et dans une position qui leur permet de porter un coup décisif aux activités de contrefaçon. Pour cette raison, ils sont souvent la cible d'actions intentées par les titulaires de droit.
Avant l'essor des nouvelles technologies, les intermédiaires avaient déjà suscité l'intérêt des titulaires de droit notamment en raison de la complexification et de l'internationalisation des activités de contrefaçon. Cet intérêt s'est traduit dans plusieurs textes législatifs [2] introduisant des mesures destinées à renforcer la lutte contre la contrefaçon à charge des intermédiaires.
Avec le développement de la contrefaçon en ligne, l'intérêt des titulaires de droit envers les désormais incontournables intermédiaires que constituent les moteurs de recherche, les fournisseurs d'accès à Internet (« FAI ») ou encore les hébergeurs s'est encore accru. Cette tendance s'élargit à d'autres intermédiaires. Pour preuve, une proposition de loi de 2011 [3] visant à offrir de nouveaux outils pour lutter contre la contrefaçon en ligne prévoyait « d'agir, d'une part, au niveau des FAI afin de bloquer l'accès aux sites incriminés et, d'autre part, au niveau des intermédiaires de paiement, afin de supprimer la possibilité de payer en ligne sur ces sites web illégaux ».
De récentes affaires ont illustré ce conflit entre titulaires de droit ou leurs représentants, telle que la Sabam, et les intermédiaires en ligne, tels que les FAI. Si la Sabam a perdu une première bataille avec les affaires Scarlet et Netlog, elle ne s'avoue pas pour autant vaincue. Ainsi, fin 2011, elle indiquait vouloir obtenir des fournisseurs d'accès à Internet le paiement d'une somme forfaitaire en raison des actes de communication au public dont ils se rendraient coupables. Le 12 avril 2013, la Sabam est passée des paroles aux actes et a indiqué qu'elle assignait Belgacom, Telenet et Voo devant le tribunal de première instance de Bruxelles afin de leur réclamer des droits d'auteur pour leur activité de FAI [4].
Ce faisant, la Sabam tente de sortir les FAI de leur rôle initial d'intermédiaire en leur imputant directement des actes de contrefaçon. Or, il s'agit là de la première question que nous analyserons: que recouvre la notion d'intermédiaire (I)? Que l'on ne s'y trompe pas, cette question concerne l'essence même du droit de propriété intellectuelle, comme on a pu le voir dans la récente jurisprudence européenne en matière de droit des marques. En toute logique, nous examinerons au second point le régime de responsabilité des intermédiaires, en ce compris les intermédiaires en ligne (II): en l'absence de responsabilité du chef de contrefaçon, les intermédiaires peuvent-ils être poursuivis sur la base des règles classiques de la responsabilité civile [5]? Et si l'on devait répondre par la négative, que reste-t-il alors aux titulaires de droit?
La réponse à cette dernière question se trouve en grande partie dans les dispositions de la directive n° 2004/48 - et les dispositions belges la transposant - qui permettent aux instances judiciaires de prononcer des injonctions à l'encontre des intermédiaires (III). Ces injonctions permettent de tenir compte du rôle central de ces derniers sans pour autant toucher à la question sensible de leur responsabilité.
Le sujet est certes vaste. Afin de donner un fil conducteur à notre exposé, la question sera examinée sous l'angle de la récente jurisprudence européenne en la matière. Nous ne parlerons donc dans la présente contribution que du droit d'auteur et du droit des marques [6], objets des récentes affaires tranchées par la Cour de justice [7].
I. | La notion d'intermédiaire |
1. | Absence de définition légale de la notion d'intermédiaire |
1.Ni la directive n° 2001/29 ni la directive n° 2004/48 ne donnent de définition de la notion d'intermédiaire. Tout juste précisent-elles que des injonctions peuvent être rendues à l'encontre « d'intermédiaires dont les services sont utilisés par un tiers pour porter atteinte à un droit de propriété intellectuelle » [8]. Dans son rapport de 2010 sur l'évaluation de la directive n° 2004/48, la Commission européenne a confirmé que la notion d'intermédiaire devait s'interpréter de manière très large [9]. Les intermédiaires visés par la directive n° 2004/48 concernent donc aussi bien les intermédiaires en ligne (hébergeurs, fournisseurs d'accès, moteurs de recherche, etc.) que les intermédiaires hors ligne (transporteurs, agents maritimes, etc.).
2.La jurisprudence belge n'a pas hésité à donner une interprétation large de la notion d'intermédiaire, comme l'illustrent plusieurs récentes affaires.
Ainsi, dans le cadre d'un litige opposant plusieurs titulaires de marques à un distributeur de vêtements et son agent en douane, ce dernier a été considéré comme un intermédiaire au sens de l'article 11 de la directive n° 2004/48. Le tribunal de commerce de Bruxelles (cessation) a en effet considéré que les services de l'agent en douane avaient permis la mise sur le marché belge de vêtements contrefaisants. Cette constatation a suffi à considérer qu'une injonction pouvait être rendue à son encontre [10].
Dans une autre récente affaire en matière de droit d'auteur, DNS.be [11] contestait avoir la qualité d'intermédiaire. Le tribunal de première instance de Bruxelles (cessation) n'a pas suivi cette argumentation et a considéré que DNS.be remplissait bien les conditions pour être qualifiée d'intermédiaire au sens de la LDA. Le juge des cessations a notamment pris en compte le fait que DNS.be mettait à disposition de tiers des services permettant de commettre des atteintes à des droits d'auteur et que ces services étaient nécessaires (même si pas indispensables) pour commettre les violations aux droits d'auteur [12]. Le juge des cessations a par contre considéré que DNS.be n'offrait pas de services à l'échelle commerciale. Nous reviendrons sur ce point ultérieurement.
3.Toute personne offrant des services utilisés par des tiers pour porter atteinte à un droit intellectuel peut donc être qualifiée d'intermédiaire. Il s'agit là du seul critère qui doit être pris en compte. D'autres critères tels que la nature des produits, la présence ou non de lien contractuel avec le contrevenant, ou encore la qualité de l'intermédiaire en question n'entrent pas en considération.
Toutefois, on verra dans les points suivants que même si elle doit être interprétée de manière large, la notion d'intermédiaire ne peut être confondue avec celle de contrevenant.
2. | L'apport de la jurisprudence Benelux et européenne en matière de droit des marques |
4.Ces dernières années on a pu noter une certaine tendance à vouloir mettre en cause directement la responsabilité des intermédiaires sur base du droit de la propriété intellectuelle. La Cour de justice refuse pour le moment de s'engager dans cette voie, laquelle permettrait une mise en cause plus facile de la responsabilité des intermédiaires. Sa récente jurisprudence en matière de droit des marques est riche d'enseignements à cet égard. Nous reviendrons dans les paragraphes suivants sur cette jurisprudence.
5.En droit des marques, les débats se focalisent sur la notion d'usage de la marque. Conformément aux différentes législations applicables en la matière [13], le titulaire d'une marque est habilité à s'opposer à tout usage qui est fait sans son consentement, dans la vie des affaires, d'un signe correspondant à sa marque. Les conditions pour interdire l'usage d'un signe correspondant à une marque varient [14], cependant une constante demeure: pour s'opposer à l'usage illicite d'un signe correspondant à sa marque et engager éventuellement la responsabilité du contrefacteur de ce fait, le titulaire de la marque doit démontrer l'existence d'un usage imputable à cette personne. Or, toute la difficulté réside dans cette question: quand existe-t-il un usage d'un signe correspondant à la marque?
Les textes en la matière donnent certains exemples d'usage d'une marque, tel que l'apposition d'un signe sur un produit ou son conditionnement, la mise dans le commerce ou la détention à ces fins, l'importation ou l'exportation, l'usage du signe dans ses papiers d'affaires ou la publicité. La jurisprudence a également apporté certaines précisions [15] et il est largement admis que la liste ainsi fournie n'est qu'exemplative et certainement pas limitative [16]. Toutefois, la notion d'usage de la marque connaît certaines limites, ce que la jurisprudence européenne a eu l'occasion de rappeler récemment via notamment les affaires Google [17] et Red Bull [18], remettant au goût du jour un débat déjà ancien.
En effet, bien avant le développement des nouvelles technologies, la question s'était déjà posée de savoir si les activités d'un intermédiaire pouvaient être considérées comme constituant un usage non autorisé de la marque ou d'un signe y ressemblant.
6.Il y a plus de 30 ans de cela, le titulaire de la marque « JAKOBS » tentait de faire reconnaître que portait atteinte à sa marque le transporteur qui mettait en circulation aux Pays-Bas des produits revêtus de la marque « JACOBS ». L'affaire fut portée devant le Hoge Raad lequel saisit la Cour de justice Benelux afin de clarifier ce qu'il fallait entendre par « emploi de la marque ou d'un signe ressemblant » et, notamment, si l'on pouvait considérer que « les actes du transporteur qui transporte vers les Pays-Bas, où la marque est protégée, le produit revêtu de la marque et le livre au destinataire » constitue un emploi de la marque [19].
La Cour de justice du Benelux répondit par la négative [20], considérant que « les actes du transporteur qui se borne strictement à recevoir de l'expéditeur les produits revêtus d'une marque, à les transporter et à en faire livraison au destinataire, ne doivent pas être considérés comme constituant un 'emploi de la marque ou d'un signe ressemblant' (…) même si la marque est visible pour les tiers lors des actes susmentionnés ». Revenons brièvement sur l'argumentation développée par la Cour. Celle-ci devait évaluer l'existence ou non d'un emploi de la marque au sens de l'article 13, A., alinéa 1er, début et 1 et 2, de la loi uniforme Benelux [21] et conclut à l'absence d'usage pour les raisons suivantes:
« Attendu qu'il se déduit de l'objet de la disposition légale susdite que 'l'emploi de la marque ou d'un signe ressemblant' doit s'entendre, au sens de cette disposition, de l'usage de cette marque ou de ce signe par une personne concernant ses propres marchandises ou services, pour en favoriser le commerce ou la prestation, ou pour désigner sa propre entreprise;
Qu'il s'ensuit que la première question appelle une réponse négative parce que le 'simple transporteur', pour qui le produit revêtu de la marque ne présente pas de signification particulière par rapport à un quelconque autre fret non marqué, ne peut pas être considéré comme faisant usage de la marque - même si celle-ci est visible pour les tiers lors de la réception, du transport ou de la livraison - concernant le service de transport qu'il offre et exécute, ou pour désigner sa propre entreprise. »
La Cour n'envisage in fine que l'hypothèse d'un usage d'un signe par une personne « concernant ses propres marchandises ou services ». Elle conclut à l'absence d'usage dès lors qu'en l'espèce, l'usage incriminé n'est pas fait en ce qui concerne les services de transport ou pour désigner son entreprise. Or, comme on le verra plus loin, la question de l'application de l'actuel article 2.20.1, (d), de la CBPI constitue souvent le noeud du problème en ce qui concerne les intermédiaires. Les termes utilisés par la Cour dans cette affaire n'apportent pas de réponse claire sous l'angle de cette disposition. Il est par contre intéressant de relever que la Cour retient l'absence de signification particulière - dans le sens d'une absence d'intérêt - de la marque dans le chef du transporteur. Il s'agit là d'un élément que l'on retrouvera dans la décision Red Bull de la Cour de justice.
7.Avant de revenir sur les enseignements que l'on peut tirer de la jurisprudence européenne, examinons brièvement les faits à l'origine des trois arrêts rendus par la Cour de justice en cette matière.
8.Le point de départ de la première affaire [22] remonte à 2006 lorsque la société autrichienne Red Bull introduisit une action à l'encontre de la société Winters qui était chargée du remplissage de canettes revêtues de signes correspondant aux marques de Red Bull [23], [24], ce pour le compte d'une autre société, Smart Drinks, concurrente de Red Bull. L'affaire fut portée devant le Hoge Raad des Pays-Bas, lequel interpella la Cour de justice sur la notion d'usage d'une marque dans la vie des affaires. Plus précisément, le Hoge Raad cherchait à savoir si « le simple 'remplissage' de conditionnements pourvus d'un signe […] [doit] être qualifié d'usage de ce signe dans la vie des affaires au sens de l'article 5 de la directive n° 89/104 sur les marques même si ce remplissage intervient à titre de prestation de service pour un tiers et à sa demande pour distinguer les produits de ce donneur d'ordre ».
9.Les deux autres affaires impliquent le système de référencement payant [25] du géant américain Google, lequel avait déjà fait couler beaucoup d'encre [26] et donné lieu à plusieurs arrêts de la Cour de justice [27].
Dans la première affaire [28], les titulaires de marques reprochaient à Google d'offrir la possibilité de choisir dans le cadre de son système de référencement des mots clés correspondant à leurs marques et, en outre, de permettre que ces marques soient accompagnées d'autres mots clés tels que « imitation » ou « copie ». Google s'était fait condamner en première instance et en appel en France du fait de contrefaçon de marques. Elle forma un pourvoi devant la Cour de cassation qui décida de surseoir à statuer afin de poser plusieurs questions à la Cour de justice. Une des questions portait sur l'existence ou non dans le chef de Google d'un usage des marques.
Enfin, la dernière affaire pertinente [29] impliquait également un important acteur du monde de l'Internet: eBay. Dans cette affaire, une distinction était faite entre les activités d'eBay en tant qu'annonceur et ses activités en tant qu'exploitant d'une place de marché en ligne. Dans le cadre de cette dernière activité, on reprochait à eBay l'affichage de signes identiques ou similaires à des marques sur son site. C'est uniquement cette dernière question - qui renvoie à la qualité d'intermédiaire d'eBay - qui nous intéressera. En ce qui concerne la question de l'usage des marques en tant qu'annonceur, la Cour de justice avait déjà décidé dans plusieurs autres affaires ayant trait au système AdWords de Google que les activités d'annonceur impliquaient un usage du signe et pouvaient donc être sanctionnées sur la base du droit des marques [30]. C'est donc logiquement que la Cour a reconnu un usage des marques par eBay en sa qualité d'annonceur.
10.Les faits qui ont récemment été soumis à la Cour de justice concernent donc tant des intermédiaires en ligne (Google en tant que fournisseur du service AdWords et eBay en tant que place de marché en ligne sur le site duquel des marques étaient affichées) que des intermédiaires hors ligne (une entreprise de remplissage de cannettes). A chaque fois, la Cour de justice a conclu à l'absence d'usage dans le chef de ces différents intermédiaires, ce en se basant principalement sur deux critères que nous examinerons ci-après.
- Le critère de l'usage pour sa propre communication commerciale |
11.Le premier critère concerne l'usage du signe « dans le cadre de sa propre communication commerciale ». Ainsi, dans l'affaire Google, la Cour de justice a décidé que:
« il suffit de relever que l'usage d'un signe identique ou similaire à la marque du titulaire par un tiers implique, à tout le moins, que ce dernier fasse une utilisation du signe dans le cadre de sa propre communication commerciale. Dans le cas du prestataire d'un service de référencement, celui-ci permet à ses clients de faire usage de signes identiques ou similaires à des marques, sans faire lui-même un usage desdits signes ».
On peut s'interroger sur la pertinence de pareil critère. Avant de décider si une utilisation entre dans le cadre d'une communication commerciale propre, il y a lieu de décider de l'existence même de pareille utilisation. Comme le soulève A. Cruquenaire, cette « question du lien entre l'usage du signe et les produits ou services commercialisés par le prestataire relève de la seconde condition précitée, à savoir l'appréciation d'un usage 'pour distinguer des produits ou services'. Introduire ces considérations à cette étape du raisonnement peut apparaître comme une simple redondance » [31]. Ce critère sera toutefois à nouveau invoqué par la Cour de justice dans le cadre de l'affaire eBay:
« S'il est vrai que, dans ces conditions, ces signes font l'objet d'un 'usage' sur ledit site, il n'en ressort pas pour autant que cet usage, au sens de la directive n° 89/104 et du règlement n° 40/94, soit fait par l'exploitant de la place de marché.
En effet, l'existence d'un « usage » d'un signe identique ou similaire à la marque du titulaire par un tiers, au sens des articles 5 de la directive n° 89/104 et 9 du règlement n° 40/94, implique, à tout le moins, que ce dernier fasse une utilisation du signe dans le cadre de sa propre communication commerciale. » [32].
12.Ce critère fait immanquablement penser aux termes employés par la Cour de justice Benelux dans l'affaire Jakobs. En effet, si on appliquait les critères retenus par la Cour de justice Benelux dans le cadre de cette affaire aux faits de l'affaire Red Bull, on aurait pu facilement conclure à l'absence d'usage en raison du fait que Winters ne faisait pas d'usage de la marque pour ses propres activités commerciales.
Bien que l'avocat général renvoyait à ce critère dans ses conclusions, c'est sur la base d'un autre critère que la Cour de justice conclut à l'absence d'usage dans le chef de Winters. Elle décida en effet qu'on ne pouvait en l'espèce parler d'usage de la marque dès lors que Winters se limitait à « exécuter simplement une partie technique du processus de production du produit final, sans avoir le moindre intérêt dans la présentation externe desdites canettes et notamment dans les signes y figurant » [33]. On retrouve ici en filigrane le second critère des moyens techniques, bien plus pertinent, utilisé par la Cour de justice.
- Le critère de la création des moyens techniques nécessaires à l'usage de la marque |
13.Le critère qui paraît en effet décisif en ce qui concerne les intermédiaires est le fait qu'ils se contentent de fournir des moyens qui permettent à d'autres de faire un usage de la marque. On revient donc aux notions contenues dans les différents textes légaux et exposés ci-dessus. Toutefois, la jurisprudence européenne permet de préciser cette notion, notamment au regard de l'environnement numérique.
Dans l'affaire Google, la Cour de justice, faisant application de ce principe, résume la situation en ces termes:
« Cette conclusion n'est pas infirmée par le fait que ledit prestataire est rémunéré pour l'usage desdits signes par ses clients. En effet, le fait de créer les conditions techniques nécessaires pour l'usage d'un signe et d'être rémunéré pour ce service, ne signifie pas que celui qui rend ce service fasse lui-même un usage dudit signe. Dans la mesure où il a permis à son client de faire un tel usage, son rôle doit, le cas échéant, être examiné sous l'angle d'autres règles de droit que les articles 5 de la directive n° 89/104 et 9 du règlement n° 40/94, telles que celles auxquelles fait référence le point 107 du présent arrêt. »
La Cour considère en l'espèce que Google se contente de « créer les conditions techniques nécessaires pour l'usage d'un signe » et permet ainsi « à son client de faire un tel usage ». Ce faisant, elle contredit les conclusions de l'avocat général pour lequel « l'une des conditions [était] clairement remplie: l'utilisation par Google, dans AdWords, de mots clés correspondant à des marques » [34].
14.C'est sur la base de ce même argument que la Cour de justice a décidé, dans l'affaire Red Bull, de l'absence d'usage dans le chef de Winters:
« Force est de constater qu'un prestataire de service qui, dans des conditions telles que celles de l'affaire au principal, se limite à remplir, sur commande et sur les instructions d'un tiers, des canettes déjà pourvues de signes similaires à des marques et donc à exécuter simplement une partie technique du processus de production du produit final, sans avoir le moindre intérêt dans la présentation externe desdites canettes et notamment dans les signes y figurant, ne fait pas lui-même un 'usage' de ces signes au sens de l'article 5 de la directive n° 89/104, mais crée uniquement les conditions techniques nécessaires pour que ce tiers puisse faire un tel usage. » [35].
15.L'argument de la « création des conditions techniques nécessaires pour permettre à un tiers de faire usage d'un signe » nous paraît plus convaincant que l'argument précédemment invoqué de l'usage dans sa propre communication commerciale. En effet, cet argument ne fait in fine que définir les activités d'un intermédiaire, soit, fournir les outils ou services permettant à une autre personne de pose un acte d'usage licite ou illicite d'un signe ou d'une marque. On vise ici, comme l'écrivait l'avocat général dans l'affaire Google, les « agissements des parties susceptibles de contribuer aux atteintes aux marques commises par des tiers » [36].
On peut ne pas être d'accord avec l'interprétation que fait la Cour de justice des activités de Google et considérer qu'un usage existe bien en l'espèce [37]. Toutefois il demeure que, conformément à cette jurisprudence, si les activités d'une personne se limitent à créer des conditions techniques nécessaires de nature à permettre à un tiers de faire un usage du signe, ces activités ne pourraient être considérées comme un usage de la marque.
On peut regretter que la Cour ne se soit pas clairement basée sur ce critère dans l'affaire eBay. Toutefois, la Cour de justice évoque la qualité d'intermédiaire d'eBay lorsqu'elle énonce que « dans la mesure où ce tiers fournit un service consistant à permettre à ses clients de faire apparaître, dans le cadre de leurs activités commerciales telles que leurs offres à la vente, des signes correspondant à des marques sur son site, il ne fait pas lui-même, sur ledit site, une utilisation de ces signes au sens visé par ladite législation de l'Union » [38]. Le point qui nous paraît important est la constatation que fait la Cour de justice de ce que l'usage n'est pas fait par eBay, mais qu'elle se limite à permettre aux utilisateurs de faire pareil usage.
16.Si le critère de la création des conditions techniques nécessaires permettant à autrui de faire un usage du signe semble approprié et conforme au prescrit des directives n° 2001/29 et n° 2004/48, il n'en est pas pour autant facilement appréhendable ou facile à appliquer. La frontière entre poser un acte d'usage et permettre un usage sera souvent floue. Dans l'affaire Red Bull, la Cour avait notamment soulevé la nature purement technique de l'acte effectué par Winters (le remplissage) ainsi que le fait qu'il agissait sous les instructions d'autrui et qu'il n'avait pas le « moindre intérêt dans la présentation externe desdites canettes », ce dernier argument rejoignant une des constations faites dans l'affaire Jakobs. L'ensemble de ces constations a amené la Cour à décider de l'absence d'usage.
17.Ces éléments ont déjà été retenus par la jurisprudence belge. Ainsi, une récente décision de la cour d'appel de Liège [39] retient le caractère purement technique d'une activité, le fait que la personne incriminée se limitait à exécuter les instructions de ses clients et l'absence d'intérêt pour les marques utilisées, pour décider qu'il n'y a pas dans le chef de cette personne un acte d'usage de la marque. Plus étonnant, la cour d'appel de Liège a été jusqu'à considérer que le fait que cette personne apposait elle-même les étiquettes litigieuses ne signifiait pas l'existence d'un usage dans son chef « dans la mesure où ces étiquettes ont été établies sur les indications strictes du client dans le cadre de la mise en conditionnement du produit au profit de celui-ci » [40].
On observera également qu'en matière de pratiques du marché, l'argument des moyens techniques a déjà été repris par une juridiction nationale dans le cadre d'une affaire impliquant Google. Le tribunal de Louvain a en effet décidé en décembre 2010 que le fait pour Google de mettre en place des moyens techniques qui rendent possible une publicité ciblée ne constitue pas en soi une atteinte aux pratiques du marché, plus particulièrement à l'article 95 de la loi du 6 avril 2010 relative aux pratiques du marché et à la protection du consommateur (« LPMC ») [41].
18.D'autres éléments paraissent au contraire peu pertinents pour décider de l'existence ou non d'un usage. Ainsi, le fait que l'intermédiaire retire un avantage économique de ses activités ou opère dans la vie des affaires n'implique pas nécessairement l'existence d'un usage [42]. Par ailleurs, le fait qu'un tiers utilise un signe « pour des produits qui ne sont pas ses propres produits en ce sens qu'il ne dispose pas de titre sur ceux-ci est sans pertinence et ne saurait donc signifier à elle seule que cette utilisation ne relève pas de la notion d'« usage » au sens de l'article 9, 1., du règlement n° 40/94 » [43].
19.Enfin, bien que l'on ne puisse pas à ce stade tirer de conclusions définitives, à lire la récente jurisprudence de la Cour de justice, il semble difficile d'interpréter le droit des marques actuel comme consacrant une responsabilité similaire à celle du contributory infringement que l'on retrouve en droit américain. Il ressort de la jurisprudence examinée ci-dessus que la création de conditions techniques nécessaires pour l'usage d'un signe ne constitue pas un acte d'usage de la marque au sens des différents textes européens en vigueur. En d'autres termes, on ne pourrait retenir la responsabilité sur base du droit des marques de personnes ayant une implication indirecte dans les activités de contrefaçon en raison des actes techniques qu'ils ont posés.
- Usage au sens de l'article 2.20.1, (d), de la CBPI? |
20.L'article 5.5. de la directive n° 2008/95 prévoit la possibilité pour les Etats membres de protéger les titulaires de droit contre « l'usage qui est fait d'un signe à des fins autres que celle de distinguer les produits ou services, lorsque l'usage de ce signe sans juste motif tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque ou leur porte préjudice ». La CBPI a introduit pareille possibilité dans son droit national (art. 2.20.1, (d), de la CBPI) [44]. Cette disposition ne fait pas partie du domaine harmonisé et la question se pose donc de savoir si la jurisprudence précitée relative à la notion d'usage s'applique également à la notion d'usage prévue à l'article 2.20.1, (d), de la CBPI [45].
21.La doctrine belge s'entend dans une large mesure pour considérer que les activités de Google auraient pu tomber sous le coup de l'article 2.20.1, (d), de la CBPI [46] dès lors qu'elles constituent un usage des marques à des fins autres que celle de distinguer des produits ou services. Or, à bien lire la jurisprudence de la Cour de justice, on observe que la Cour a conclu à l'absence d'usage et non pas à l'absence d'usage pour des produits ou services. Il est vrai que le critère de l'usage pour « sa propre communication commerciale » peut prêter à confusion. Cependant, la Cour de justice raisonne à chaque fois en deux temps, évaluant d'abord l'existence d'un usage pour ensuite déterminer si cet usage a été fait pour des produits et services. Dans les différentes affaires mentionnées, la Cour de justice se limite à considérer l'absence d'usage, sans aller plus loin dans le raisonnement. Dans l'affaire Google, la Cour conclut à l'absence d'usage et n'examine donc même pas - dans le chef de Google [47] - l'existence d'un usage pour des services et produits. Dans l'affaire Red Bull, ce n'est qu'à titre surabondant qu'elle constate que Winters « ne ferait, en tout état de cause, pas un usage desdits signes 'pour des produits ou des services' identiques ou similaires » [48]. Dans l'affaire eBay, en ce qui concerne l'affichage des signes sur le site, la Cour a également constaté que l'usage était fait par quelqu'un d'autre et conclut donc à l'absence d'usage dans le chef d'eBay. En d'autres termes, aucune des activités susvisées ne constitue dans l'opinion de la Cour un usage de la marque mais plutôt des activités d'intermédiaire.
22.Il est intéressant de relever que la doctrine qui considère que les activités de Google constitueraient un usage au sens de l'article 2.20.1, (d), de la CBPI s'entend parfois à considérer que Google pourrait toutefois invoquer l'existence d'un juste motif, à savoir, le régime particulier de responsabilité des hébergeurs. Selon cette doctrine, Google pourrait donc invoquer à titre de juste motif le fait qu'elle n'avait pas connaissance de l'usage illicite et a réagi directement après en avoir pris connaissance.
On pourrait dès lors estimer que ce débat est purement théorique: que l'on considère Google responsable ou pas sur la base des droits des marques, dans les deux hypothèses, Google ne verrait sa responsabilité engagée que si elle prend connaissance de l'usage illicite et ne réagit pas. En effet, dans une première hypothèse, Google ne verrait pas sa responsabilité engagée sur la base du droit des marques du fait de l'absence d'usage mais pourrait éventuellement voir sa responsabilité engagée sur base de la responsabilité civile, en l'absence de suite réservée à une dénonciation de contrefaçon [49]. Dans une seconde hypothèse, Google verrait sa responsabilité engagée sur la base du droit des marques si elle ne peut invoquer de juste motif du fait de l'absence de réaction suite à sa prise de connaissance de l'usage illicite.
La question est pourtant loin d'être purement théorique car ce sont deux visions bien différentes du droit des marques qui s'affrontent: dans la première, on adopte une vision plus stricte de la notion d'« usage » au sens du droit des marques de manière à en exclure certaines activités qui relèvent plus de la contribution à l'usage que de l'usage même, tandis que dans la seconde hypothèse, on adopte une vision plus large de la notion d'usage mais peut-être également du juste motif [50]. En effet, si l'on devait grossir le trait, le juste motif que pourrait invoquer Google serait la bonne foi - « je n'avais pas connaissance de l'usage illicite ». Il est certain qu'en l'espèce le juste motif ne se limite pas à cela mais se rattache au régime particulier de responsabilité des intermédiaires en ligne prévu par la directive n° 2000/31 [51] et, en filigrane, à la liberté de commerce et aux autres libertés et intérêts attachés à ce régime. Cependant, il n'existe aucune assurance que cet argument ne sera pas un jour sorti de son contexte élargissant de facto la notion de juste motif.
Le risque le plus important serait toutefois de se retrouver dans une situation où la notion d'usage au sens du droit des marques serait à ce point large qu'elle engloberait des activités d'intermédiaires lesquels ne pourront souvent pas se prévaloir d'un juste motif [52], par exemple, le cas de l'intermédiaire dans l'affaire Red Bull.
Or, on pourrait se demander si pareille approche du droit des marques est suffisamment équilibrée au regard notamment des autres droits et intérêts dont il faut tenir compte [53]. La récente jurisprudence de la Cour de justice laisse penser qu'elle ne souhaite pas actuellement « étendre la portée de la protection conférée par la marque de telle sorte qu'elle couvre aussi les agissements des parties susceptibles de contribuer aux atteintes aux marques commises par des tiers » [54]. Les débats sont loin d'avoir connu leur épilogue et les défenseurs d'une interprétation large du droit des marques [55] n'ont certes pas dit leur dernier mot. Cependant, au vu de la tendance actuelle, il semble que la responsabilité des intermédiaires appartient plus au domaine des règles classiques de la responsabilité civile qu'au domaine du droit des marques.
3. | La notion d'intermédiaire en droit d'auteur: l'affaire Google News |
23.En droit d'auteur, les droits dits « économiques » de l'auteur sont repris à l'article 1er, § 1, de la LDA [56] et comprennent classiquement le droit de reproduction et de communication au public. Depuis la transposition de la directive n° 2001/29, le droit de distribution fait partie de l'attirail des droits de l'auteur. Cependant, bien avant la loi de 2005, le droit de reproduction recevait une interprétation large, visant notamment la distribution et la mise en circulation [57]. Les droits moraux sont repris à l'article 1er, § 2, de la LDA.
Les contours de ces droits ont été affinés au fur et à mesure par la jurisprudence de la Cour de justice [58] et c'est invariablement à la lumière de cette jurisprudence que s'appréciera une éventuelle mise en cause de la responsabilité pour violation de droits d'auteur de personnes classiquement vues comme des intermédiaires. En matière de droit d'auteur, la jurisprudence européenne s'est principalement intéressée jusqu'à présent aux injonctions pouvant être prononcées à l'encontre des intermédiaires en ligne [59] sans pour autant se prononcer sur une éventuelle responsabilité dans leur chef. Une mise en cause éventuelle de la responsabilité des « intermédiaires » dépend dans une large mesure de l'interprétation qui est donnée des droits d'auteur. Ainsi, c'est notamment en se référant à « l'évolution de la jurisprudence communautaire [dans] le sens d'un élargissement des acteurs impliqués dans une communication au public » que la Sabam justifie son action à l'encontre de Belgacom, Telenet et Voo [60]. S'il est sans doute trop tôt pour se prononcer sur cette question, on peut d'ores et déjà observer qu'en Belgique les titulaires de droit ont recueilli certains succès contre Google sur le plan du droit d'auteur dans le cadre de l'affaire Copiepresse [61].
24.Cette affaire trouve sa source dans le lancement par Google début 2006 de son service Google News [62]. Ce service offrait un panorama de la presse sur une page reprenant les titres de divers articles ainsi que les premières lignes de l'article. L'internaute souhaitant poursuivre la lecture de l'article était redirigé via un hyperlien vers le site du média d'où provenait l'article. Copiepresse considérait que la reproduction des titres d'articles ainsi que les premières lignes de ces articles constituaient des reproduction et communication au public non autorisées des oeuvres de ses membres. Les mêmes reproches étaient adressés au service « cache » de Google. Le service « cache » de Google permettait aux internautes de consulter les copies des pages originales sauvegardées par Google. Ce système avait également comme inconvénient pour la presse qu'il rendait possible l'accès gratuit à des copies d'articles qui n'étaient disponibles sur le site original que moyennant paiement.
25.En ce qui concerne le service Google News, les actes de reproduction et de communication au public étaient difficilement contestables et Google n'a pas réussi à convaincre qu'elle pouvait bénéficier d'une quelconque exception aux droits d'auteur [63]. La violation des droits économiques se doublait en outre d'une violation des droits moraux des auteurs dès lors que leur nom n'était pas repris et que leurs oeuvres avaient fait l'objet de modifications non autorisées.
26.La situation apparaissait moins évidente en ce qui concernait les activités de « cache ». Sur ce point, c'est sans succès que Google a invoqué l'exception de copie provisoire. Il est intéressant de revenir brièvement sur cette exception dès lors qu'elle répond à un objectif similaire à celui poursuivi par l'exonération de responsabilité prévue pour les activités de « caching » [64] et rappelle les activités d'intermédiaires. Le constat dans les deux cas est le même: certaines opérations purement techniques mais nécessaires pour le fonctionnement des réseaux impliquent des reproductions d'oeuvres. Or, subordonner pareilles opérations à l'autorisation préalable des auteurs aurait infligé une charge trop lourde d'un point de vue technique. Il a donc été décidé de répondre à ce problème en prévoyant d'une part, une exonération de responsabilité pour les activités de « caching » et, d'autre part, une exception au droit de reproduction pour les copies provisoires.
Ainsi, l'article 5, 1., de la directive n° 2001/29 a prévu une exception pour les actes de reproduction moyennant le respect de cinq conditions. L'acte de reproduction doit être (1) provisoire et (2) transitoire ou accessoire. Il doit constituer une (3) partie intégrante et essentielle d'un procédé technique. Par ailleurs, son (4) unique finalité doit être de permettre une transmission dans un réseau entre tiers par un intermédiaire ou une utilisation licite d'une oeuvre ou d'un objet protégé. Enfin, il ne doit (5) pas avoir de signification économique indépendante [65], [66]. Ces conditions doivent être interprétées strictement.
27.Par bien des aspects, le service « en cache » de Google dépassait les limites imposées par l'exception. La cour d'appel renvoie ainsi à l'interprétation donnée par la jurisprudence Infopaq à la notion d'acte transitoire pour décider que le service de Google ne répond pas à cette condition dès lors qu'il permet à la copie « en cache » de rester « accessible tant que l'éditeur conserve son article sur son site, ce qui peut durer plusieurs jours, semaines, mois ou années ». La cour d'appel insiste également sur le fait que via le service « en cache » de Google, il est possible pour les internautes d'avoir accès gratuitement à du contenu qui ne pourrait parfois être accessible sur le site d'origine que moyennant paiement. La cour d'appel ne semble pas en tirer de conclusion directe mais on peut voir apparaître en filigrane le test des trois étapes, ce qui est confirmé par la suite de la décision. Enfin, la cour reproche à Google de ne pas avoir démontré une quelconque nécessité technique.
Si la question de la qualité d'intermédiaire de Google n'a pas été abordée, c'est qu'en l'espèce on pouvait aisément convenir que Google était sorti du statut de pur intermédiaire. Comme l'écrit J.-P. Triaille, dans le cas où le contenu aurait été retiré du site d'origine, « Google ne se trouve plus sur le chemin (ou sur un chemin alternatif) entre l'utilisateur à un bout et la source à l'autre bout: le fil s'arrête à Google, qui devient la (seule) source puisqu'à la source elle-même » [67]. Google n'a donc pas pu se rattacher à une quelconque qualité d'intermédiaire dans le cas qui l'a opposé à Copiepresse ni de l'exception prévue par la réglementation en matière de droit d'auteur. Aurait-elle réussi que le problème n'aurait pas encore été totalement résolu: l'exception ne vaut que pour les actes de reproduction et non pour les actes de communication au public. Or la cour constata que la mise à disposition des internautes d'une copie de la page originale constituait une communication au public et que pareil service se distinguait clairement de l'activité de Google en tant que moteur de recherche. La saga Copiepresse qui a connu quelques rebondissements spectaculaires s'est finalement soldée par la conclusion d'un accord entre Google et les titulaires de droit.
28.La validité des différents services de Google au regard du droit d'auteur a plusieurs fois été discutée au sein des prétoires [68], avec plus ou moins de succès et avec une argumentation plus ou moins heureuse [69]. Ces affaires laissent apparaître que la question de la responsabilité des intermédiaires en droit d'auteur doit être appréhendée de manière différente qu'en droit des marques. S'il est vrai que l'on pourrait tenter de restreindre des notions telles que la communication au public ou la reproduction afin d'en exclure les activités d'intermédiaires, parfois cela s'avérera impossible: il s'agit là de notions techniques et suffisamment larges pour englober une multitude d'actes. L'importance des exceptions, telle que celle prévue à l'article 5, 1., de la directive n° 2001/29, apparaît dès lors primordiale.
Toutefois, des raisonnements similaires à ceux tenus en droit des marques sont parfois possibles. Ainsi, dans la récente décision Duff Beer [70], le tribunal de commerce de Bruxelles a considéré que la personne se bornant à « apposer des étiquettes créées et produites par des tiers sur les bouteilles qu'elle a embouteillées et de les délivrer ensuite à des distributeurs qui en assurent la distribution auprès du public » agit en tant qu'intermédiaire en ce sens qu'elle fournit des services, utilisés par des tiers, pour porter atteinte aux droits d'auteur.
29.En droit d'auteur, la balance se situerait donc tant au niveau des exceptions [71] aux droits qu'au niveau de leur définition. L'autre garde-fou réside dans le système particulier de responsabilité des intermédiaires en ligne. La récente action de la Sabam en offre un bon exemple: même à considérer que les FAI soient reconnus coupables d'une communication au public, si cette communication au public coïncide avec les activités pour lesquels ils bénéficient d'une exonération de responsabilité, cette dernière ne pourra pas être reconnue, à moins que les conditions de l'exonération ne soient pas remplies.
II. | La responsabilité civile des intermédiaires |
30.Contrairement à certains systèmes de common law [72], le droit civil ne connaît pas de mécanismes similaires à la doctrine générale du contributory infringement [73] laquelle permet d'engager la responsabilité des personnes aidant ou encourageant des activités de contrefaçon lorsqu'il est démontré qu'elles avaient connaissance des activités contrefaisantes et que le support qu'elles ont donné a permis de faciliter voire de déclencher les activités contrefaisantes.
En droit civil, deux voies s'ouvrent donc aux titulaires de droit: soit ils tentent d'obtenir une condamnation sur la base des lois en matière de propriété intellectuelle (cf. supra) soit ils basent leur action sur les règles générales en matière de responsabilité civile (1). Dans cette dernière hypothèse, il convient de tenir compte du régime particulier des intermédiaires en ligne (2).
1. | Un intermédiaire peut-il être reconnu responsable au regard de l'article 1382 C. civ.? |
31.Une mise hors de cause sur le plan des droits intellectuels ne signifie pas nécessairement une mise hors de cause sur le plan des règles de la responsabilité civile. La CBPI reconnaît expressément que l'exercice du droit des marques se fait sans préjudice de l'application des règles en matière de responsabilité civile [74]. Ce constat a également été rappelé à plusieurs reprises par la jurisprudence de la Cour de justice Benelux [75] et de la Cour de justice [76].
Il est donc tout à fait imaginable d'intenter une action sur la base des règles en matière de responsabilité civile ou de concurrence déloyale à l'encontre d'un intermédiaire. Il sera toutefois nécessaire de démontrer que les conditions de pareille responsabilité sont remplies. Dans la première hypothèse, il s'agit des articles 1382 et suivants du Code civil. Les conditions de pareille responsabilité sont bien connues: une faute ayant causé un dommage. La difficulté résidera généralement à démontrer une faute laquelle existera soit en raison d'une violation d'une norme de droit, soit en raison d'une violation d'une norme générale de prudence, de bon comportement. Dans ce dernier cas, on se référera à l'obligation générale de prudence et de diligence qui s'impose à tout un chacun et on procèdera à la comparaison avec le comportement qu'aurait eu un homme normalement prudent et raisonnable placé dans les mêmes circonstances [77]. Dans la deuxième hypothèse, on pense naturellement à l'article 95 [78] de la LPMC [79]. Il est généralement admis que les pratiques honnêtes du marché couvrent « non seulement les normes de comportement non formulées (…) mais également les normes formulées, figurant expressément dans un texte normatif » [80].
32.C'est une démarche essentiellement casuistique qui présidera à tout constat de faute et il est exclu de déduire la responsabilité des intermédiaires du seul fait de l'aide technique qu'ils auraient pu apporter à la contrefaçon ou même, pour les intermédiaires en ligne, du seul fait qu'ils ne peuvent se prévaloir du régime particulier de responsabilité. On ne pourrait non plus requérir des intermédiaires qu'ils prennent des précautions qui dépasseraient ce qu'on pourrait légitimement attendre d'eux au risque d'entrer en conflit avec leur liberté d'entreprise [81]. C'est donc sur la base de certains éléments de fait qu'on pourra décider de l'existence d'une faute dans le chef des intermédiaires. Cette faute sera généralement rencontrée lorsque l'intermédiaire savait - ou avait toutes les raisons de savoir - qu'il apportait son aide aux activités de contrefaçon. Sur ce point, il n'est pas surprenant que dans les affaires précitées, l'intentement des actions à l'encontre des intermédiaires a été souvent motivé par un manque de loyauté.
Ainsi, dans l'affaire Jakobs, le transporteur savait que les produits qu'il transportait vers les Pays-Bas portaient atteinte à une marque. Il avait été informé de l'interdiction judiciaire prononcée contre son donneur d'ordre et conformément à laquelle ce dernier ne pouvait livrer du café sous la marque JACOBS à des détaillants néerlandais. De même, dans l'affaire Red Bull, Winters avait déjà fourni ses services à Red Bull et connaissait dès lors bien ces marques. Chargé du remplissage de canettes portant des signes ressemblant à ces marques, aurait-il dû réagir? La réponse est ici moins évidente dès lors qu'il n'y avait pas, comme dans l'affaire Jakobs, une décision de justice constatant la contrefaçon.
33.En l'absence d'une décision de justice, les intermédiaires sont dans une situation peu enviable, tiraillés entre les prétentions du titulaire de droit et leurs obligations contractuelles à l'égard du donneur d'ordre avec à la clé, une potentielle condamnation en responsabilité. Pour parer à toute éventualité, certains intermédiaires ont recours à des clauses particulières dans leurs conditions générales leur permettant par exemple de suspendre leurs services ou d'abandonner les biens suspects, en l'absence de réaction du donneur d'ordre et en présence d'une plainte de contrefaçon [82].
34.Dans la jurisprudence relative aux activités en ligne, on observe une influence certaine du système particulier de responsabilité mis en place par la directive n° 2000/31. Ainsi, la doctrine s'accorde généralement à considérer que la responsabilité des moteurs de recherche ne peut être engagée en raison de l'usage abusif d'un métatag - à moins que mis au courant, ils ne prennent pas de mesure [83]. Préalablement à l'adoption en droit belge de la loi du 11 mars 2003 [84], la cour d'appel de Bruxelles [85] avait conclu à la responsabilité d'un hébergeur de sites en raison de la présence sur des sites qu'il hébergeait de liens renvoyant à du contenu illicite. La cour d'appel a conclu à la responsabilité de l'hébergeur dès lors qu'ayant connaissance du caractère illicite, il n'avait pas agi. Cependant, comme mentionné ci-dessus, ce raisonnement a dû en grande partie être influencé par le système mis en place par la directive sur le commerce électronique. On observe cependant qu'il s'agit là de conditions qui trouvent parfois à s'appliquer pour des activités qui ne relèvent pas des cas de figure envisagés par la directive n° 2000/31.
35.Toujours dans le cadre des activités en ligne, la jurisprudence récente a été marquée par une décision de la Cour européenne des droits de l'homme - certes pas définitive [86]. Les faits à l'origine de cette affaire peuvent être résumés comme suit: Delfi, l'un des plus grands portails d'information en ligne d'Estonie, avait publié un article sur une société de ferries. Cet article portait sur les dommages que la société avait causés à certaines routes menant à des îles, rendant l'accès à ces dernières impossibles, sinon par ferry. L'article avait suscité un nombre important de commentaires [87], notamment dirigés à l'encontre de l'actionnaire principal de la société de ferries. Certains commentaires étaient gravement offensants et parfois même, menaçants. L'actionnaire principal de la société de ferries avait intenté une action contre Delfi afin que cette dernière supprime les commentaires désobligeants et lui verse une indemnité équivalente à 32.000 EUR. Delfi avait procédé au retrait des informations litigieuses mais refusait de payer une quelconque indemnité, renvoyant sur ce point au régime particulier de responsabilité des intermédiaires en ligne mis en place par la directive n° 2000/31 (cf. infra).
Les juridictions nationales estoniennes ont considéré que Delfi ne pouvait se prévaloir du régime particulier de responsabilités de la directive n° 2000/31 et a donc condamné Delfi au paiement d'une somme de 320 EUR.
Delfi porta l'affaire devant la Cour européenne des droits de l'homme, laquelle ne s'est pas prononcée sur la qualité de Delfi au regard de la directive n° 2000/31. La Cour a évalué si l'interprétation donnée par les juridictions nationales était compatible avec la convention européenne des droits de l'homme [88]. La question qu'a examinée la Cour était donc celle de savoir si l'engagement de la responsabilité civile de Delfi pour des commentaires diffamatoires postés sur son site Internet était susceptible de porter atteinte à sa liberté d'expression. La Cour répondit par la négative et considéra que les juridictions nationales avaient pu légitimement considérer que Delfi était civilement responsable pour les commentaires postés sur son site Internet.
Pour parvenir à cette décision, la Cour est revenue sur le contexte - Delfi savait que l'article litigieux pouvait prêter à polémique - et sur les mesures mises en place par Delfi. Sur ce dernier point, la Cour a considéré que la mise en place d'un système automatique de suppression des commentaires basé sur certains mots clés ainsi que l'existence d'un mécanisme de notification et retrait n'étaient pas suffisantes. De plus, la Cour a considéré que l'intérêt financier de Delfi (soit, le fait que ses revenus publicitaires étaient étroitement liés au nombre de lecteurs et de commentaires) devait être pris en compte dans l'examen de la proportionnalité. Enfin, la Cour a considéré qu'il n'était pas aisé pour les internautes victimes de diffamation de rechercher sur Internet les contenus diffamatoires et l'identité des véritables coupables. Cet élément revêt, selon la Cour, un poids considérable dans l'examen de la proportionnalité [89].
Si l'on peut comprendre les motifs qui ont guidé la Cour - laquelle insiste sur le danger que représente l'information diffamatoire publiquement disponible sur Internet pour une durée indéterminée - on peut regretter le poids important qu'elle fait peser sur les intermédiaires [90]. De plus, même si la Cour ne se prononce pas expressément sur le système de responsabilité mis en place par la directive n° 2000/31, pareille décision peut certainement avoir un impact sur la manière d'interpréter ce régime et sur la possibilité, dans le futur, de mettre en place de nouveaux régimes de responsabilités pour les intermédiaires en ligne. Comme mentionné précédemment, cette affaire a été renvoyée devant la Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l'homme, nul doute que cette décision - qui pourrait façonner de manière déterminante la jurisprudence de la Cour sur cette question - est déjà attendue avec impatience.
36.Une tendance mérite encore d'être soulignée en ce qui concerne les activités en ligne. La question se pose en effet de savoir si l'on ne pourrait pas considérer comme constituant une faute la conception et/ou la mise en place d'un système qui serait conçu d'une telle façon que la contrefaçon constituerait un facteur indispensable de son succès ou, dans des cas moins tranchés, la mise en place d'un service neutre mais dont le succès devrait beaucoup à des activités contrefaisantes [91]. La question n'apparaît pas facile à trancher au regard du droit européen [92]. Notons cependant que le considérant 48 de la directive sur le commerce électronique prévoit qu'elle « n'affecte en rien la possibilité pour les Etats membres d'exiger des prestataires de services qui stockent des informations fournies par des destinataires de leurs services qu'ils agissent avec les précautions que l'on peut attendre d'eux et qui sont définies dans la législation nationale, et ce afin de détecter et d'empêcher certains types d'activités illicites ». Cette disposition ne peut être interprétée comme obligeant les intermédiaires à mettre en place des mesures générales de surveillance en contradiction avec l'article 15 de la même directive. Par contre, on pourrait s'attendre à ce que les intermédiaires en ligne mettent en place des mesures adéquates permettant de prévenir ou de lutter plus efficacement contre la contrefaçon. A cet égard, on peut citer une intéressante décision du tribunal de commerce de Louvain [93] concernant le système AdWords de Google. Dans cette affaire, le tribunal a tenu compte des moyens mis en place par Google afin de dénoncer les atteintes aux droits de propriété intellectuelle pour décider qu'en agissant de la sorte, Google avait adopté le comportement de tout commerçant normal et prudent [94]. Plusieurs décisions étrangères [95] vont également dans ce sens. Pareilles pratiques se heurtent toutefois à la réticence de certains intermédiaires en ligne qui craignent qu'une attitude plus active de leur part ne leur fasse perdre le bénéfice du régime particulier de responsabilités mis en place par la directive n° 2000/31.
37.Enfin, de manière quelque peu originale, il a été décidé à plusieurs reprises qu'un intermédiaire pouvait être déclaré responsable sur la base de l'article 1384 du Code civil, à savoir, la responsabilité du fait des produits dont on a la garde. Ainsi, le tribunal de commerce de Bruxelles a condamné un intermédiaire chargé du dépôt temporaire de produits importés parallèlement sur la base de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil [96]. Ce raisonnement a été repris dans une affaire ultérieure jugée par le président du tribunal de commerce de Gand [97].
2. | Le régime particulier de responsabilité des intermédiaires en ligne |
38.Le régime mis en place par la directive n°2000/31 est bien connu et a déjà fait l'objet de multiples contributions. Nous nous limiterons ici à en exposer les grandes lignes. Une précision s'impose d'emblée; cette directive crée, pour certains services de la société de l'information [98], des « zones de non-responsabilité » [99], sans se prononcer sur l'existence de cette responsabilité. En d'autres termes, ce n'est pas parce qu'une activité ne tombe pas dans le champ des activités visées qu'on peut en déduire de facto une responsabilité. Dans pareille hypothèse, il convient de vérifier l'existence d'une éventuelle responsabilité conformément aux normes en vigueur. Pour cette raison, il est souvent prématuré de parler d'exonération de responsabilité [100].
39.Plusieurs activités sont visées par le régime particulier de responsabilité [101]. La première vise notamment les fournisseurs d'accès [102] lesquels se voient exonérés de leur responsabilité lorsqu'ils ne sont pas à l'origine de la transmission, ne sélectionnent par le destinataire de la transmission ni ne sélectionnent, ne modifient les informations faisant l'objet de la transmission.
La seconde activité concerne les activités de stockage temporaire [103] (caching) qui peuvent bénéficier du régime particulier de responsabilité moyennant le respect de plusieurs conditions, à savoir, que le prestataire (1) ne modifie pas l'information, (2) se conforme aux conditions d'accès à l'information, (3) se conforme aux règles concernant la mise à jour de l'information, (4) n'entrave pas l'utilisation licite de la technologie et (5) « agit promptement pour retirer l'information qu'il a stockée ou pour rendre l'accès à celle-ci impossible dès qu'il a effectivement connaissance du fait que l'information à l'origine de la transmission a été retirée du réseau ou du fait que l'accès à l'information a été rendu impossible, ou du fait qu'une autorité administrative ou judiciaire a ordonné de retirer l'information ou de rendre l'accès à cette dernière impossible et pour autant qu'il agisse conformément à la procédure prévue à l'article 20, § 3 » [104].
Enfin, la troisième activité - et celle qui a fait couler le plus d'encre - est l'activité d'hébergeur [105]. L'exonération est acquise dans ce cas si le prestataire démontre qu'il n'avait pas une connaissance effective de l'activité ou de l'information illicite [106] ou qu'il a agi promptement, dès le moment où il a de telles connaissances, pour retirer les informations ou rendre l'accès à celles-ci impossible. C'est sur les contours des activités d'hébergement que la jurisprudence - tant nationale qu'européenne - s'est focalisée.
40.Bien que la doctrine belge préconise une interprétation large de la notion d'hébergeur [107], la jurisprudence belge a pour sa part connu quelques errements [108] mais semble se rallier à l'approche fonctionnelle défendue par la doctrine [109]. Nous nous limiterons ici à aborder la jurisprudence européenne et notamment, l'apport - controversé - des décisions Google et eBay à la notion d'activités d'hébergement.
41.Dans le cadre de l'affaire Google, la Cour de justice a pour la première fois introduit le critère de neutralité décidant que « afin de vérifier si la responsabilité de prestataire du service de référencement pourrait être limitée au titre de l'article 14 de la directive n° 2000/31, il convient d'examiner si le rôle exercé par ledit prestataire est neutre, en ce sens que son comportement est purement technique, automatique et passif, impliquant l'absence de connaissance ou de contrôle des données qu'il stocke » [110].
La Cour de justice a confirmé cette jurisprudence dans l'affaire eBay malgré les nombreuses critiques, dont notamment celle de son avocat général. Ce dernier entame l'examen de cette question en exposant ses doutes quant au raisonnement poursuivi par la Cour de justice dans l'affaire Google. Il dénonce en effet la référence que fait la Cour au considérant 42 de la directive n° 2000/31, estimant - à la suite de nombreux auteurs - qu'il ne s'applique pas aux activités d'hébergement mais uniquement aux activités de fourniture d'accès et de « caching ». L'avocat général rejette ainsi le critère de « neutralité » introduit par l'affaire Google considérant qu'il n'est pas pertinent et qu'il serait « irréel que le fait pour eBay d'intervenir et de fournir des directives concernant le contenu des annonces dans son système par différents moyens techniques priverait eBay de la protection prévue à l'article 14 concernant le stockage d'informations téléchargées par les utilisateurs » [111]. C'est pourtant de manière très réelle que la Cour a décidé qu'en prêtant assistance et en permettant l'optimisation des offres à la vente, eBay n'a plus fait preuve de neutralité mais a « joué un rôle actif de nature à lui conférer une connaissance ou un contrôle des données relatives à ces offres » [112]. Ce critère reste controversé et certains y voient même une entrave aux bonnes pratiques mises en place par certains prestataires pour lutter contre la contrefaçon en ligne: pourquoi se risquer à mettre en place des systèmes techniques de contrôle des contenus - tel que celui mis en place par Youtube - si cela crée le risque de perdre le bénéfice de l'article 14 de la directive [113]? Les éclaircissements viendront peut-être un jour de la Commission européenne qui, si elle ne souhaite pas modifier la directive n° 2000/31, a déjà fait part de sa volonté d'adopter une initiative sur les procédures de notification et action [114], [115].
42.Cette initiative fait suite au constat d'incertitude juridique auquel sont confrontés les prestataires de l'Internet en raison des différentes règles applicables en matière de procédure de notification et action. La question de la connaissance apparaît centrale. Sur ce point, une première distinction s'impose: dans le cadre d'une action civile en réparation, la connaissance porte sur des faits ou circonstances laissant apparaître le caractère illicite d'une activité ou d'une information alors que dans les autres cas, la connaissance effective [116] porte sur l'activité ou l'information illicite. Dans l'affaire eBay, la Cour de justice est revenue sur la question de la connaissance au sens de l'article 14 de la directive n° 2000/31. La Cour estime que le prestataire peut prendre connaissance d'une activité ou information illicite, soit à la suite d'un examen effectué de sa propre initiative [117], soit par une notification qui lui serait faite. Dans ce dernier cas, la Cour de justice admet que « des notifications d'activités ou d'informations prétendument illicites peuvent se révéler insuffisamment précises et étayées » mais qu'il « n'en reste pas moins qu'elle constitue, en règle générale, un élément dont le juge national doit tenir compte pour apprécier, eu égard aux informations ainsi transmises à l'exploitant, la réalité de la connaissance par celui-ci de faits ou de circonstances sur la base desquels un opérateur économique diligent aurait dû constater l'illicéité » [118]. Le critère in fine est celui de l'opérateur économique diligent, en d'autres termes, le « critère de prudence du droit commun de la responsabilité civile » [119].
43.Par contre, on peut s'étonner de l'absence dans l'initiative européenne de la question du notice and stay down ou, en d'autres termes, de la question de savoir s'il est nécessaire pour un titulaire de droit d'envoyer systématiquement des notifications lorsqu'un contenu précédemment enlevé réapparaît sur les réseaux. Les récentes années ont vu émerger plusieurs décisions, notamment en France, organisant un glissement du notice and takedown au notice and stay down. La décision eBay mentionne également la possibilité de rendre des injonctions pour des infractions futures et son avocat général semblait favorable à une procédure similaire [120]. Toutefois, cette pratique faisait l'objet de certaines critiques [121] et a récemment été sanctionnée par la Cour de cassation française.
En l'espèce, il s'agissait de trois affaires dans le cadre desquelles la cour d'appel de Paris reprochait notamment à Google de ne pas avoir pris les mesures nécessaires pour empêcher la nouvelle mise en ligne de contenu précédemment identifié comme étant illicite via une procédure de notification. La Cour de cassation française cassa ces décisions au motif que soumettre les prestataires en ligne à prendre des mesures sans nouvelle notification reviendrait à les soumettre « à une obligation générale de surveillance des images qu'elles stockent et de recherche des reproductions illicites et à leur prescrire, de manière disproportionnée par rapport au but poursuivi, la mise en place d'un dispositif de blocage sans limitation dans le temps » [122]. Cette décision ne semble par contre pas remettre en cause les décisions ayant imposé à certains hébergeurs des mesures de filtrage limitées tant par leur objet que dans le temps [123].
44.Récemment, la Cour de cassation belge s'est prononcée sur une problématique similaire [124]. Dans le cadre d'une procédure pénale, le juge d'instruction avait rendu une ordonnance ordonnant à tous les opérateurs et fournisseurs d'accès belges de rendre l'accès au site « thepiratebay.org » inaccessible. Plus précisément, l'ordonnance indiquait que le contenu qui était hébergé par le serveur couplé au nom de domaine « thepiratebay.org » devait être rendu inaccessible. De plus, il était exigé des opérateurs qu'ils mettent en oeuvre tous les moyens techniques possibles pour bloquer l'accès aux noms de domaines qui renvoyaient vers ce serveur. L'ordonnance précisait les moyens techniques qui pouvaient être mis en oeuvre pour déterminer les noms de domaine concernés. De cette manière, le juge d'instruction entendait empêcher les mesures de contournement de l'ordre de blocage. L'ordre rendu restait en effet « ouvert » et permettait le blocage de certains noms de domaine non expressément mentionnés dans l'ordre mais suffisamment identifiés.
Plusieurs opérateurs ont fait appel de cette décision. La Cour de cassation a cependant refusé de sanctionner la Chambre du conseil qui avait confirmé cette ordonnance. Un des arguments développés par les demandeurs en cassation concernait l'interdiction de l'obligation générale de surveillance repris à l'article 15 [125] de la directive n° 2000/31. Conformément à cette disposition, les prestataires pouvant bénéficier du régime d'exonération n'ont aucune « obligation générale de surveiller les informations qu'ils transmettent ou stockent, ou une obligation générale de rechercher activement des faits ou des circonstances révélant des activités illicites » [126]. Or, la Cour de cassation a décidé que:
« L'ordre adressé à un fournisseur d'accès à Internet de bloquer par tous les moyens techniques possibles l'accès au contenu hébergé par un serveur associé à un nom de domaine principal déterminé en bloquant à tout le moins tous les noms de domaine qui renvoient à ce serveur associé au nom de domaine principal déterminé, avec de surcroît la spécification du procédé technique devant être employé, n'implique pas l'obligation de surveillance visé par l'article 15, 1., de la directive du 8 juin 2000 sur le commerce électronique et à l'article 21, § 1er, de la loi du 11 mars 2003 sur certains aspects juridiques des services de la société de l'information; il n'est en effet pas demandé au fournisseur d'accès à Internet de surveiller les informations qu'il transmet ou stocke ni de rechercher activement les informations révélant des activités illicites. »
Afin de bien prendre la mesure de cette décision de la Cour de cassation, il est nécessaire de revenir sur l'ordonnance du juge d'instruction. En effet, cette ordonnance précise qu'il appartient à la Federal Computer Crime Unit et à la police locale de Malines de constater les noms de domaine qui doivent faire l'objet des mesures de blocage et d'en informer les opérateurs. Cette tâche de détermination des sites litigieux n'appartient donc pas aux intermédiaires [127]. On ne pourrait donc isoler la décision de la Cour de cassation de cet élément et des faits qui en sont à l'origine, au risque de battre en brèche le système de responsabilité des intermédiaires en ligne. De plus, cette décision ayant été rendue dans le cadre d'une procédure pénale, sa transposition aux procédures civiles reste incertaine.
45.De récentes précisions ont été apportées par la Cour de cassation sur les obligations d'information et de communication à charge des prestataires en ligne. En contrepartie du régime particulier de responsabilité dont ils bénéficient, les intermédiaires en ligne concernés se voient obligés, en vertu de l'article 21, § 2, de la loi « d'informer sans délai les autorités judiciaires ou administratives compétentes des activités illicites alléguées qu'exerceraient les destinataires de leurs services, ou des informations illicites alléguées que ces derniers fourniraient » ainsi que de communiquer « toutes les informations dont ils disposent et utiles à la recherche et à la constatation des infractions commises par leur intermédiaire » [128]. La Cour de cassation [129] a eu l'occasion de rappeler que ces principes étaient de stricte interprétation et que l'article 21, § 2, de la loi du 11 mars 2003 « ne confère pas à une personne qui soutient être victime de propos calomnieux ou diffamatoires publiés sur le site d'un prestataire de services le droit subjectif d'obtenir d'une juridiction de l'ordre judiciaire qu'elle ordonne à ce prestataire de lui communiquer toutes les informations dont il dispose sur les prétendus auteurs d'infractions aux fins de poursuivre une action civile en réparation ».
III. | Au-delà de la responsabilité: la question des injonctions |
46.Comme nous l'avons vu dans le point précédent, il n'est pas toujours aisé de démontrer une responsabilité des intermédiaires, que ce soit sur le plan du droit des marques, sur le plan du droit d'auteur ou à travers les règles en matière de responsabilité civile. On ne pouvait cependant pas totalement faire abstraction des intermédiaires et de leur place centrale dans le dispositif mis en place afin de lutter contre la contrefaçon. Pour cette raison, les différentes réglementations en la matière ont introduit la possibilité d'ordonner des injonctions à l'encontre des intermédiaires de manière à éviter la délicate question de leur responsabilité tout en les faisant participer à la lutte contre la contrefaçon. Nous aborderons dans un premier temps la question des injonctions stricto sensu (1) pour ensuite examiner les conditions du droit d'information (2).
1. | Les injonctions stricto sensu |
47.La directive n° 2004/48 a introduit la possibilité d'ordonner des injonctions à l'égard des intermédiaires dans deux dispositions différentes. En vertu de l'article 9 de la directive, les Etats membres doivent rendre possibles des injonctions provisoires à l'encontre tant du contrefacteur que des intermédiaires. L'article 11 prévoit pour sa part la possibilité d'obtenir, après une décision constatant l'atteinte, des mesures de cessation.
Sur ce dernier point, il y a lieu de noter qu'il ne s'agissait pas là d'une nouveauté en ce qui concerne le droit d'auteur et les droits voisins. L'article 8, 3., de la directive n° 2001/29 prévoyait déjà la possibilité d'ordonner des injonctions de cessation aux intermédiaires dans le cadre d'atteinte aux droits d'auteur et au droit voisin. De plus, cette disposition n'avait pas fait l'objet de transposition en droit belge dès lors qu'il avait été considéré à l'époque que l'ancien article 87 de la LDA permettait déjà l'introduction d'une demande en cessation à l'encontre des intermédiaires. Pour cette raison, les travaux préparatoires de la loi transposant la directive n° 2004/48 insistent sur le caractère purement déclaratoire de cette transposition, pour le droit d'auteur et les droits voisins, en ce qui concerne l'article 11 de la directive [130].
En ce qui concerne l'article 9, 1., de la directive, aucune mesure de transposition n'a été prise dès lors qu'il a été considéré que les dispositions du Code judiciaire suffisaient en l'espèce, en particulier les articles 19, § 2 [131] et 584 du Code judiciaire [132]. En vertu de l'article 19, § 2, du Code judiciaire, il est possible pour le juge d'ordonner des mesures préalables permettant de régler la situation entre les parties, même en l'absence d'urgence. Dans les cas où l'urgence est reconnue, les titulaires de droit peuvent avoir recours à l'article 584 du Code judiciaire pour obtenir du juge des référés des mesures provisoires. Pour ce qui est du cas plus particulier des intermédiaires, les travaux préparatoires ont souligné que ces dispositions pouvaient servir de base à l'encontre des intermédiaires dès lors que le « demandeur démontre un intérêt pour agir contre l'intermédiaire, conformément aux articles 17 et 18 du Code judiciaire » [133].
En ce qui concerne les marques Benelux, la transposition des articles 9 et 11 de la directive s'est faite au sein de l'article 2.22, (3) et (6), de la CBPI. Ainsi, conformément à l'article 2.22, (3), de la CBPI, il est possible pour le titulaire de la marque [134] de demander que soit rendue une ordonnance de référé à l'encontre d'un intermédiaire afin de (a) prévenir toute atteinte imminente à un droit de marque, ou (b) interdire, à titre provisoire et sous réserve, le cas échéant, du paiement d'une astreinte, que les atteintes présumées à un droit de marque se poursuivent, ou (c) à subordonner la poursuite des atteintes présumées à la constitution de garanties destinées à assurer l'indemnisation du titulaire de la marque. L'article 2.22, (6) permet au tribunal de rendre, à la demande du titulaire de la marque, une injonction à l'encontre des intermédiaires.
48.Les intermédiaires visés par ces dispositions sont décrits de manière assez large comme étant ceux dont les services sont utilisés par un tiers [135] pour porter préjudice à un droit de propriété intellectuelle. La seule exigence réside donc dans le fait que leurs services soient utilisés « pour porter préjudice à un droit de propriété intellectuelle », qu'importe leur nature [136]. Ainsi, dans une affaire portée devant le tribunal de commerce de Bruxelles et concernant une action en cessation à l'encontre de l'intermédiaire se chargeant du remplissage des canettes illicites, il a été décidé par le tribunal que les activités de remplissage constituaient un élément indispensable pour permettre la contrefaçon [137]. Dans l'affaire DNS.be précitée [138], le juge des cessations a décidé qu'il suffisait de constater que les services étaient utiles. Dans le cadre de l'affaire Tele 2 [139], la Cour de justice a également rappelé qu'un fournisseur d'accès pouvait naturellement être considéré comme un intermédiaire. Cela démontre que l'on se trouve au-delà de la question de la responsabilité: il n'est pas nécessaire de prouver une quelconque responsabilité dans le chef de l'intermédiaire pour obtenir une injonction à son encontre [140], ce qui a déjà été constaté par la jurisprudence [141]. Le régime particulier de responsabilité des intermédiaires en ligne n'a dès lors pas de conséquence sur la possibilité d'imposer des injonctions aux intermédiaires en ligne [142]. Par ailleurs, il importe peu que l'intermédiaire présente des liens plus ou moins étroits avec le contrefacteur [143], le critère qui prédomine est la question de savoir s'il est apte à faire cesser les activités de contrefaçon.
49.Bien que conformément au considérant 23 de la directive n° 2004/48, les procédures et conditions relatives aux injonctions relèvent du droit national, la jurisprudence européenne a récemment rendu plusieurs arrêts qui permettent de dessiner certaines lignes directrices. C'est particulièrement le contenu des injonctions - et surtout leurs limites - qui a fait l'objet de plusieurs décisions de la Cour de justice, et notamment de la désormais célèbre affaire Scarlet [144]. Il faut dire que l'article 11 de la directive n° 2004/48 - objet de ces affaires - reste assez discret en ce qui concerne les injonctions qu'il permet. Tout au plus trouve-t-on quelques indices dans l'article 3 de la directive. Les injonctions se définissent donc principalement par les limites qu'elles rencontrent. Mais avant d'aborder cette question, revenons brièvement sur la particularité des mesures qui peuvent être demandées aux intermédiaires.
50.On s'accorde généralement à distinguer les injonctions qui peuvent être faites au contrefacteur de celles qui peuvent être faites aux intermédiaires [145]. Le contrefacteur est généralement invité à cesser l'atteinte tandis que les intermédiaires se voient ordonner de faire cesser l'atteinte et ce, en mettant fin aux services [146] qu'ils offrent et qui sont utilisés pour porter atteinte aux droits intellectuels. Les mesures à charge des intermédiaires apparaissent donc diverses. C'est notamment pour cette raison que dans le cadre de l'affaire eBay, la Cour de justice a conclu que les injonctions pouvaient également avoir pour objet de prévenir de nouvelles atteintes [147]; cela doit être à notre sens compris comme des variantes possibles de l'atteinte déjà constatée.
Il faut en effet garder à l'esprit que les injonctions doivent revêtir un caractère proportionné et ne pas interférer avec d'autres droits et intérêts. Comme le notait déjà le président du tribunal de commerce d'Anvers en 2008, « van een marktorganisator, kan geen onbegrensd proactief handelen verwacht worden om elke inbreuk op het auteursrecht bij voorbaat uit te sluiten » [148]. De même, la Cour de justice a eu l'occasion de rappeler, en faisant notamment référence à l'article 15 de la directive n° 2000/31, que « les mesures exigées de la part du prestataire du service en ligne concerné ne peuvent consister en une surveillance active de l'ensemble des données de chacun de ses clients afin de prévenir toute atteinte future à des droits de propriété intellectuelle via le site de ce prestataire » [149]. Enfin, afin de pouvoir rendre l'injonction efficace [150], il est nécessaire de suffisamment préciser son contenu, et notamment de préciser l'atteinte à laquelle il doit être mis fin ainsi que, le cas échéant, les mesures concrètes à mettre en oeuvre [151].
51.Comme illustré ci-dessus, l'article 15 de la directive n°2000/31 constitue une des premières limites rencontrées par les injonctions. Cette disposition a constitué une des clés de voûte du raisonnement de la Cour de justice dans les affaires Scarlet et Netlog. Dans ces deux affaires, la Cour de justice a en effet considéré que l'injonction postulée par la Sabam obligerait les FAI « à procéder à une surveillance active de l'ensemble des données concernant tous ses clients afin de prévenir toute atteinte à des droits de propriété intellectuelle » et serait de ce fait contraire à l'article 15 de la directive n° 2000/31 [152]. Pareille obligation générale de surveillance apparaît en outre non conforme à l'article 3 de la directive n° 2004/48 [153].
Cette dernière disposition qui requiert que les procédures soient effectives, proportionnées et dissuasives sans pour autant créer d'obstacles au commerce légitime, offre également quelques pistes. Ainsi, dans l'affaire eBay, la Cour de justice a notamment rappelé que « l'injonction adressée à cet exploitant ne saurait avoir pour objet ou pour effet d'instaurer une interdiction générale et permanente de mise en vente, sur cette place de marché, de produits de ces marques » au risque de créer un obstacle au commerce légitime [154]. Dans le cadre de l'affaire Scarlet, la Cour de justice a insisté sur le caractère complexe, coûteux et permanent de la demande de la Sabam pour la déclarer contraire à l'article 3. On peut par contre imaginer qu'une mesure de filtrage plus ciblée pourrait passer le test de l'article 3 [155]. De même, une mesure enjoignant à eBay de suspendre le compte de l'auteur d'une atteinte à un droit de propriété intellectuelle a été considérée par la Cour de justice comme conforme à l'article 3 [156].
52.Enfin, la Cour de justice insiste sur la juste balance qu'il y a lieu de faire entre protection de la propriété intellectuelle via les injonctions et les autres droits fondamentaux tels que la protection de la vie privée [157], la liberté d'expression [158] et la liberté d'entreprise [159].
C'est notamment en se référant à la liberté d'entreprise que la Cour de justice a décidé qu'il était excessif de requérir de Scarlet la mise en place d'un « système informatique complexe, coûteux, permanent et à ses seuls frais » [160]. Si la liberté d'entreprise a été invoquée avec succès par les prestataires en ligne, elle pourrait tout autant l'être par les intermédiaires « hors ligne ». Ainsi, dans l'affaire Red Bull, l'avocat général osait le parallèle entre prestataires en ligne et prestataires hors ligne, écrivant que « ces difficultés d'éviter de contrefaire des marques n'atteignent certes pas l'ampleur de celles que rencontrerait un service de référencement sur Internet qui permet à ses clients d'utiliser des marques et des signes ressemblants à des marques. Les situations sont toutefois analogues par nature » [161].
53.Les mesures d'injonction se doivent également de respecter les droits fondamentaux tels que le droit à la vie privée et la liberté d'expression. Nous ne nous attarderons pas sur ces questions qui requièrent des contributions à part entière [162], toutefois, quelques observations peuvent être faites à ce stade.
Premièrement, si la réglementation en matière de données à caractère personnel constituait également une base suffisante pour refuser d'accorder l'injonction demandée par la Sabam dans l'affaire Scarlet, il y a lieu de noter que cette affaire avait la particularité d'impliquer des personnes n'opérant pas dans la vie des affaires. Par contre, la Cour de justice a décidé dans l'affaire eBay que « s'il est certes nécessaire de respecter la protection des données à caractère personnel, il n'en demeure pas moins que, lorsque l'auteur de l'atteinte opère dans la vie des affaires et non dans la vie privée, il doit être clairement identifiable » [163].
En ce qui concerne la liberté d'expression [164], ce sont essentiellement les questions de blocage et de filtrage de sites Internet qui pourraient s'avérer problématiques. Dans l'affaire Scarlet, la Cour de justice avait déjà relevé que l'injonction demandée risquait de porter atteinte à la liberté d'expression dès lors que « son déploiement pourrait avoir pour effet d'entraîner le blocage de communications à contenu licite » [165]. Une considération similaire a conduit la cour d'appel d'Anvers à opter pour le « DNS-blocking » plutôt que pour l'« IP-blocking », considérant que cette dernière mesure comportait un risque plus important de blocage de contenu légitime [166].
E. Montero relève pour sa part qu'en l'état actuel de la technologie, des mesures de filtrage apparaissent difficilement compatibles avec la liberté d'expression, « la plupart des filtres [étant] inaptes à déterminer si une communication est licite ou contrefaisante de droits intellectuels » [167]. Sur ce point, le rôle de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme pourrait s'avérer décisif dans les années à venir. La question de l'interaction entre les mesures destinées à protéger les droits de propriété intellectuelle et les autres droits fondamentaux a déjà été portée devant la Cour européenne des droits de l'homme [168]. Mais c'est sur la question du blocage des sites Internet, qu'un récent arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme [169] pourrait avoir une incidence non négligeable sur la jurisprudence et la législation à venir.
Il s'agissait en l'espèce d'une mesure de blocage préventive décidée à l'encontre d'un site accusé d'outrage à la mémoire d'Atatürk. Le blocage de ce seul site apparaissant impossible, l'autorité turque compétente ne trouva pas d'autre solution que de bloquer totalement l'accès au service Google Sites, une plate-forme permettant de créer des sites Internet. La requérant devant la Cour eur. D. H. était propriétaire et utilisateur d'un site Internet, créé via le service Google Sites et sur lequel il publiait ses travaux académiques. Il était totalement étranger à l'affaire qui avait mené au blocage de Google Sites mais en constituait une victime collatérale dès lors qu'en raison de cette décision de blocage, il se voyait dans l'impossibilité d'accéder à son propre site. Il essaya à plusieurs reprises d'obtenir la levée les mesures de blocage de manière à pouvoir à nouveau avoir accès à son site, sans succès. L'affaire fut finalement portée devant la Cour eur. D. H. qui, sans surprise [170], conclut à l'unanimité à une violation de l'article 10 de la C.E.D.H. [171].
L'intérêt de cette décision réside dans l'opinion concordante qui l'accompagne. Dans cette opinion, le juge Pinto De Albuquerque plaide en effet pour une « approche de principe de ces questions nouvelles et complexes, afin d'éviter une jurisprudence erratique, voire contradictoire » [172] et propose ainsi une impressionnante liste de critères minimaux [173] que devrait remplir toute législation en précisant que le cadre devant permettre des mesures de blocage ne peut être établi par des dispositions générales de responsabilité civile ou pénale ni même par la directive sur le commerce électronique. Rien n'est par contre dit sur les mesures d'injonction prévues par la réglementation en matière de propriété intellectuelle. Il est vrai que là n'était pas l'objet du litige. Cependant, si la jurisprudence de la Cour eur. D. H. s'engageait dans cette voie, l'obtention de mesures de blocage de sites Internet en raison d'une violation d'un droit de propriété intellectuelle pourrait être rendue plus compliquée et devrait nécessairement passer par l'adoption d'une loi, les dispositions actuelles ne comportant pas les précisions jugées nécessaires par le juge Pinto De Albuquerque. Les critères énoncés offrent cependant certaines pistes dont il ne sera dans certains cas pas inutile de s'inspirer.
2. | Le droit d'information des titulaires de droit |
54.Ces dernières années, les activités de contrefaçon se sont complexifiées et internationalisées. Les intermédiaires se sont également multipliés et il devient de plus en plus difficile pour les titulaires de droit de remonter à la source des activités contrefaisantes. Partant de ce constat, plusieurs Etats membres [174] avaient introduit dans leur réglementation des dispositions permettant aux titulaires de droit d'obtenir des informations sur l'origine et les réseaux de distribution des activités de contrefaçon. Par la suite, à la faveur de l'adoption de la directive n° 2004/48 [175], la mesure fit l'objet d'harmonisation à travers le territoire de l'Union européenne, complétant utilement l'article 47 des accords ADPIC.
La mise en place du droit d'information ne s'est pas faite sans embûche. En effet, ce droit entre en conflit direct [176] avec les règles européennes de protection des données à caractère personnel [177] et la protection de la vie privée [178], [179]. Plusieurs décisions de la Cour de justice [180] ont fait état de ce conflit. Deux décisions ont porté plus particulièrement sur le droit d'information, nous permettant également de mieux tracer les contours d'un droit devenu indispensable. Dans la première affaire, l'affaire Promusicae [181], le droit d'information était invoqué par des titulaires de droit à l'encontre d'un fournisseur d'accès à Internet, Telenet, afin que ce dernier fournisse les noms et coordonnées correspondant aux adresses IP liées à des activités de téléchargement illégal. Telenet refusa de fournir ces données au motif que pareille demande contrevenait aux règles en matière de protection des données à caractère personnel. La Cour de justice s'est cependant limitée à affirmer que la réglementation en matière de données à caractère personnel n'empêchait pas les Etats membres de prévoir des obligations de fournir des informations.
Dans la seconde affaire ayant donné lieu à l'arrêt Bonnier [182], la problématique était la même; des titulaires de droit tentaient d'obtenir des fournisseurs d'accès à Internet les noms et coordonnées correspondant à des adresses IP liées à la distribution illégale de livres électroniques. Là encore, les fournisseurs d'accès à Internet avaient refusé de fournir les informations se basant sur les règles en matière de protection des données.
A travers notamment cette jurisprudence, nous revenons dans les lignes suivantes sur les conditions du droit d'information.
55.Premièrement, comme l'énonce l'article 8 de la directive n° 2004/48, seules les autorités judiciaires peuvent ordonner la divulgation des informations. Cela ressort également tant des dispositions de la LDA que de la CBPI. Cela apparaît en outre conforme à la nécessaire balance qu'il y a lieu de faire avec les impératifs de protection des données [183].
56.En ce qui concerne les personnes concernées, les intermédiaires sont clairement visés par cette mesure. En effet, la demande de divulgation peut être dirigée contre le contrevenant mais également, contre toute personne qui (a) a été trouvée en possession des marchandises contrefaisantes à l'échelle commerciale, (b) a été trouvée en train d'utiliser des services contrefaisants à l'échelle commerciale, (c) a été trouvée en train de fournir, à l'échelle commerciale, des services utilisés dans des activités contrefaisantes, ou (d) a été signalée, par la personne visée aux points a), b) ou c), comme intervenant dans la production, la fabrication ou la distribution des marchandises ou la fourniture des services.
Cette liste fournit un bel exemple des différents intermédiaires qui peuvent être astreints à divulguer des informations. A titre d'exemple, eBay a été considéré en France comme fournissant un service dans le cadre d'actes de contrefaçons et pouvait dès lors faire l'objet d'une demande de communication de données [184]. Bien que les personnes visées par le droit d'information sont nombreuses, certains, comme la Chambre du commerce de Paris, plaident pour une approche plus flexible en recommandant d'abandonner cette énumération et de laisser le soin au juge de décider qui pourrait être visé par une demande d'information [185].
57.En ce qui concerne les informations concernées, tant la directive que les textes la transposant ne mentionnent qu'un nombre limité d'informations, à savoir les informations relatives à l'origine et aux canaux de distribution des activités de contrefaçon. Dernièrement, la jurisprudence française s'est montrée favorable à une interprétation large de cette disposition. La société Puma l'a appris à ses dépens dans une affaire dont a eu à connaître la Cour de cassation française [186]. Dans le cadre de cette procédure, Puma avait été condamnée à divulguer des informations sur la quantité de biens vendus, son chiffre d'affaires et ses stocks. Puma contestait cette demande au motif qu'elle allait au-delà de ce qui était prévu par la disposition transposant en droit français l'article 8 de la directive n° 2004/48. La cour d'appel de Lyon maintint l'ordre de divulgation, considérant notamment qu'il était fondé au regard de l'article 8, 2., de la directive n° 2004/48 [187]. La Cour de cassation française confirma cette décision. Cette approche semble également avoir les faveurs de la Commission européenne, laquelle écrit que « this provision has had significant impact on the possibilities to establish the 'exact quantities of infringing products involved' and therefore on the accuracy of the calculation of damages » [188]. En ce qui concerne la jurisprudence belge, une décision du tribunal de commerce de Bruxelles a considéré que dès lors que l'action avait trait à l'obtention d'informations quant à la constatation du dommage, elle ne pouvait être tranchée que par le juge du fond, laissant sous-entendre que l'obtention de pareilles informations était toutefois envisageable [189]. Une autre décision de la cour d'appel de Liège ayant à connaître de l'appel d'une décision de cessation semble exclure pareille approche. La cour a en effet décidé de ne pas faire droit à la demande de production de documents basée sur l'article 86, § 3, de la LDA au motif qu'elle « était suffisamment informée 'concernant l'origine et les réseaux de distribution des biens ou services contrefaisants' pour statuer sur la demande » et que « la demande de production de documents [n'a] pas pour but de permettre d'évaluer les chances d'une action future en dommages-intérêts » [190]. Il n'est pas nécessaire pour le titulaire de droit de préciser exactement les documents qu'il souhaite obtenir. Il suffit qu'il indique clairement le type de documents qu'il souhaite obtenir. Ainsi, en France, une décision a ordonné à eBay de communiquer les documents permettant d'identifier le vendeur initial des biens contrefaisants ainsi que tout autre document relatif à la vente de ces biens [191].
58.Si le champ des informations objet des mesures de divulgation risque de connaître une interprétation large, ces informations peuvent s'avérer inaccessibles pour des raisons de protection de données. C'est cette question qui était notamment au coeur de l'affaire Bonnier [192]. Pour rappel, les titulaires de droit souhaitaient obtenir dans cette affaire les noms et coordonnées relatives à des adresses IP. Or, conformément à la réglementation européenne en matière de protection des données, ces informations doivent être effacées après une certaine période [193] et ne peuvent être conservées que dans certaines circonstances, moyennant le respect de certaines conditions [194]. En l'absence d'exception en faveur de la lutte contre la contrefaçon, les titulaires de droit risquent donc fort de se retrouver avec un droit de papier, les données leur étant inaccessibles, soit en raison de leur effacement soit en raison de leur indisponibilité [195].
59.Enfin, deux questions s'avèrent particulièrement sensibles en matière de droit d'information. La première, une particularité belge, concerne l'exigence d'une décision préalable quant à la contrefaçon. La seconde a trait au délicat critère de l'échelle commerciale.
L'article 8 de la directive n° 2004/48 reste vague quant à la question de savoir s'il est nécessaire, pour autoriser la demande, qu'il existe une décision préalable sur la contrefaçon. Cette disposition se contente ainsi d'affirmer que la demande doit avoir lieu « dans le cadre d'une action relative à une atteinte à un droit de propriété intellectuelle ». Le législateur belge a pour sa part opté délibérément [196] pour une démarche assez stricte exigeant un constat préalable de contrefaçon. Ainsi, l'article 86ter, § 3, de la LDA mentionne clairement que le juge doit constater une atteinte. La CBPI est pour sa part restée vague, se limitant à mentionner que le droit d'information pouvait être ordonné dans le cadre d'une action relative à une atteinte.
Les inconvénients de l'approche belge sont évidents: l'exigence d'une décision préalable sur la contrefaçon risque d'allonger les débats rendant inefficace - si pas impossible dans certains cas - le droit d'information. Pouvait-on justifier pareille exigence d'un point de vue de protection des données? S'il est vrai que l'exigence d'un constat préalable de contrefaçon participe pleinement à la balance des intérêts qu'il y a lieu d'effectuer entre protection des données et mise en oeuvre des droits de propriété intellectuelle, cette solution a été écartée par la Cour de justice dans l'affaire Bonnier. Dans cette affaire, la Cour de justice a refusé de sanctionner la législation suédoise qui requérait notamment, pour permettre la communication des données, que des « indices réels d'atteinte à un droit de propriété intellectuelle sur une oeuvre existent [et] que les informations demandées soient susceptibles de faciliter l'enquête sur la violation du droit d'auteur ou l'atteinte à un tel droit » [197]. Pareille exigence n'est donc pas justifiable d'un point de vue de protection des données [198]. Quoi qu'il en soit, la raison invoquée par les travaux préparatoires ne concernait pas la protection de la vie privée mais plutôt le risque d'un glissement vers le droit de la preuve. Que l'on considère pareille approche justifiée ou non, il demeure qu'elle n'est pas partagée par les autres Etats membres. Ainsi, dans l'affaire Puma précitée, la Cour de cassation française a clairement refusé de ne permettre la divulgation de données que moyennant un constat préalable de contrefaçon [199].
60.Enfin, il est généralement admis que le droit d'information ne peut être actionné qu'en présence d'atteintes commises à l'échelle commerciale [200]. Cela est soutenu par le considérant 14 de la directive n° 2004/48 [201]. La question du critère commercial apparaît évidemment primordiale pour ce qui est de la contrefaçon en ligne et les défenseurs du droit à la vie privée en ont fait une condition sine qua non [202]. Toutefois, on note l'absence de consensus sur ce point au sein de l'Union européenne. Ainsi, la Commission européenne notait dans un de ses récents rapports que certains Etats membres accordaient un droit d'information pour toutes les catégories de contrefaçons [203]. De plus, des initiatives existent afin de permettre un droit d'information plus flexible pour l'environnement en ligne. La suite de l'histoire du droit d'information reste donc à écrire.
Il ne fait pas de doute que la pression à l'encontre des intermédiaires va aller en s'intensifiant. La complexité croissante des activités de contrefaçon, leur internationalisation et la multiplication des contrefacteurs - principalement au sein de l'environnement en ligne - appellent naturellement les actions à l'encontre des intermédiaires, lesquels représentent un point de contact unique et accessible. Afin de faciliter des actions à leur encontre, il est tentant d'essayer de leur imputer directement les actes de contrefaçon. Cependant, il ne faudrait pas sortir trop vite les intermédiaires de leur rôle. Le fait qu'ils se trouvent dans une position leur permettant de mettre fin aux activités de contrefaçon ou de profiter indirectement des activités de contrefaçon ne les rend pas pour autant responsables. La jurisprudence a de plus fait preuve - du moins en droit des marques - d'une certaine réticence à reconnaître les intermédiaires responsables du fait d'une atteinte directe à un droit de propriété intellectuelle. Dans l'affaire Google, la Cour de justice a clairement reconnu la qualité d'intermédiaire de Google en déniant tout usage de la marque dans son chef. Il en est de même pour les intermédiaires hors ligne, comme l'a démontré l'affaire Red Bull. Si ses contours doivent encore être précisés, notamment sur ce qu'il convient d'entendre par « intermédiaire », la jurisprudence de la Cour de justice semble fermer la voie à une reconnaissance de leur responsabilité sur la base du droit des marques. La seule responsabilité qui pourra dès lors être recherchée sera celle dérivant des principes généraux de la responsabilité civile et des pratiques du commerce. Dans cette matière, ce sera essentiellement une démarche casuistique qui présidera laissant régner une certaine insécurité juridique. Dans certaines hypothèses, le comportement fautif pourra aisément être reconnu - par exemple en présence d'une décision judiciaire constatant la contrefaçon et portée à la connaissance de l'intermédiaire. Dans les situations moins tranchées, les intermédiaires se trouveront dans une situation pour le moins inconfortable, tiraillés entre les prétentions des titulaires de droit et leurs obligations contractuelles.
Afin de faire participer les intermédiaires à la lutte contre la contrefaçon tout en évitant la question sensible de leur responsabilité, le législateur a eu recours aux injonctions. Les divers mécanismes imaginés principalement par la directive n° 2004/48 offrent une multitude de possibilités aux titulaires de droit pour impliquer les intermédiaires dans leur combat contre les violations de droits intellectuels. Cependant, ces injonctions ne peuvent imposer de charges trop lourdes aux intermédiaires. La Cour de justice a rappelé dans la récente affaire Scarlet l'importance de préserver la liberté d'entreprise des intermédiaires en ligne. Cela vaut également pour les intermédiaires hors ligne - bien que la jurisprudence Scarlet ne leur soit pas complètement applicable. D'autres droits et intérêts entrent également en ligne de compte, telles la protection de la vie privée mais également la liberté d'expression. Sur ces derniers points, la surprise pourrait venir de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, comme le laissent entrevoir l'opinion concordante signée par le juge Pinto De Albuquerque dans l'affaire Yildirim / Turquie et la récente décision dans l'affaire Delfi / Estonie.
Enfin, s'ajoute à cela la situation particulière des intermédiaires en ligne. Le régime de responsabilité mis en place par la directive n° 2000/31 est doublement remis en question. D'une part, par certains partisans des droits de propriété intellectuelle qui y voient un cadeau offert aux intermédiaires et, d'autre part, par les intermédiaires eux-mêmes qui se plaignent du flou qui règne sur certains aspects de ce régime. Sensible à ce dernier appel, la Commission européenne a lancé une initiative visant à clarifier certaines procédures de la directive. Toutefois, pareille initiative ne clora vraisemblablement pas le débat de la place que devraient occuper les intermédiaires en ligne dans le combat pour le respect des droits de propriété intellectuelle. Et il ne s'agit là que l'un des nombreux aspects d'une question appelée à évoluer dans les prochaines années.
[1] | Avocate - Altius. |
[2] | Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (« Accord ADPIC »), la directive n° 2001/29/CE du 22 mai 2001 sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information (« directive n° 2001/29 ») - plus particulièrement son art. 8, 3. et le considérant 59 - et la directive n° 2004/48/CE du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle (« directive n° 2004/48 »). |
[3] | Proposition de loi modifiant l'art. 87 de la loi du 30 juin 1994 relative au droit d'auteur et aux droits voisins en ce qui concerne la responsabilité des intermédiaires lors d'atteintes au droit d'auteur et aux droits voisins, déposée par Mme K. Lalieux et consorts le 19 janvier 2011, Doc. 53 1084/001. « S'il s'est donc avéré impossible de contraindre AllofMP3 de respecter la législation sur les droits d'auteur, celui-ci a néanmoins été mis sous l'étouffoir en coupant le robinet monétaire. En effet, après de nombreuses pressions internationales, les intermédiaires de paiement, Visa et MasterCard, ont finalement retiré leur licence au site russe, empêchant ainsi les consommateurs de payer en ligne. L'objet de la présente proposition de loi est donc de faire respecter la législation en matière de droit d'auteur et de droits voisins en s'attaquant non pas aux consommateurs mais bien aux prestataires de services (les fournisseurs d'accès Internet (les FAI) et aux intermédiaires de paiement). » |
[4] | Voy. le communiqué de presse de la Sabam du 30 avril 2013, « La SABAM assigne Belgacom, Telenet et Voo en vue de leur réclamer des droits d'auteur pour leur activité de FAI », disponible sur le site de la Sabam: www.sabam.be/sites/default/files/pdf/persbericht_fr_30042013.pdf. Le SPF Economie a publié le 29 octobre 2013 un communiqué de presse informant qu'il ne soutenait pas l'action de la Sabam et intentait une action à son encontre. Voy. le communiqué de presse accessible sur le lien suivant: http://economie.fgov.be/fr/binaries/20131029_cp_droits_auteurs_tcm326-235889.pdf. |
[5] | Nous n'aborderons pas dans le cadre de la présente contribution les questions liées à l'éventuelle responsabilité pénale des intermédiaires. |
[6] | Nous n'aborderons dès lors par exemple pas le droit des brevets mais attirons l'attention du lecteur sur l'art. 27, § 2 de la loi du 28 mars 1984 sur les brevets d'invention, lequel énonce que: « Le brevet confère également le droit d'interdire à tout tiers, en l'absence du consentement du titulaire du brevet, la livraison ou l'offre de livraison, sur le territoire belge, à une personne autre que celles habilitées à exploiter l'invention brevetée, des moyens de mise en oeuvre, sur ce territoire, de cette invention se rapportant à un élément essentiel de celle-ci, lorsque le tiers sait ou lorsque les circonstances rendent évident que ces moyens sont aptes et destinés à cette mise en oeuvre. Les dispositions de l'alinéa précédent ne sont pas applicables lorsque les moyens de mise en oeuvre sont des produits qui se trouvent couramment dans le commerce, sauf si le tiers incite la personne à qui il livre à commettre des actes interdits par le § 1er. Ne sont pas considérées comme personnes habilitées à exploiter l'invention au sens de l'alinéa 1er du présent paragraphe celles qui accomplissent les actes visés à l'article 28, sous a) à c). » Sur cette disposition, voy. B. Michaux, G. Philipsen, C. Eyers, N. D'Halleweyn, M. Demeur et E. De Gryse, « The liability for contributory infringement of IPRs - Report Q 204 in the name of the National group BNV-BIE/ANBPPI », Ing. Cons., 2008, pp. 351 et s. et les travaux du groupe belge de l'AIPPI, « Liability for contributory infringement of IPRs - certain aspects of patent infringement », Ing. Cons., 2010, pp. 317 et s. Par ailleurs, nous n'aborderons pas non plus la question du contournement des mesures techniques de protection. En ce qui concerne la jurisprudence, plusieurs décisions ont été rendues par le tribunal de commerce d'Anvers en matière de droit des brevets et les intermédiaires; voy. Comm. Anvers, 6 mai 2008, I.R.D.I., 2008, p. 260; Comm. Anvers, 11 septembre 2008, inédit, A.R. 05/6993/A; Comm. Anvers, 9 octobre 2008, A.R. 05/6313/A; Comm. Anvers, 15 janvier 2009, I.R.D.I., 2011, p. 320 (« affaires Philips »). |
[7] | Dans la présente contribution, la Cour de justice de l'Union européenne est désignée comme étant la « Cour de justice ». |
[8] | Voy. les art. 9 et 11 de la directive n° 2004/48 ainsi que l'art. 8, 3. et le considérant 59 de la directive n° 2001/29. L'art. 8 de la directive n° 2004/48 précise qu'une demande d'information peut être adressée aux personnes trouvées « en train de fournir, à l'échelle commerciale, des services utilisés dans des activités contrefaisantes » ou ont été signalées comme « intervenant dans la production, la fabrication ou la distribution des marchandises ou la fourniture de services ». |
[9] | Commission européenne, rapport sur l'application de la directive n° 2004/48/CE, 22 décembre 2010, COM(2010) 779 final, p. 6. |
[10] | Comm. Bruxelles (cess.), 11 décembre 2013, A.R. 2013/3782, inédit, p. 13, nos 34-36 (disponible sur le site suivant: www.rdc-tbh.be): « Een tussenpersoon wordt omschreven als 'de persoon wiens diensten door een derde worden gebruikt om op een recht van intellectuele eigendom inbreuk te maken'. Er wordt algemeen aanvaard dat dit een brede categorie is waaronder onder meer verleners van fysieke diensten vallen, ongeacht de aard van de aangeboden diensten. In casu moet Herfurth als een tussenpersoon worden beschouwd. Immers, er werd beroep gedaan op haar diensten door een derde, met name EMS, om een inbreuk te plegen op de merkenrecht van Tommy Hilfiger. EMS heeft Herfurth namelijk de opdracht gegeven om in België voor haar als douaneagent op te treden met betrekking tot de litigieuze lading goederen, hetgeen ook erkend wordt door Herfurth in haar conclusie (…). Door het leveren van deze diensten maakt Herfurth Logistics het aldus mogelijk dat de inbreukmakende goederen worden ingeklaard in België en dat zij aldus effectief in het vrij verkeeer worden gebracht (t.t.z. dat zij formeel 'ingevoerd' worden) binnen de EU om daar uiteindelijk te worden verkocht. » |
[11] | DNS.be est le registre des noms de domaine «.be ». |
[12] | Civ. Bruxelles (cess.), 9 août 2013, inédit (disponible sur le site suivant: www.rdc-tbh.be), 2012/12072/A, p. 18: « Er moet uiteraard een band zijn tussen de aangeboden dienst en de inbreuk: de dienst moet door de derde gebruikt worden 'om' een inbreuk te plegen, of anders gezegd, met de bedoeling om een inbreuk te plegen, met het oog op het plegen van een inbreuk. Het is niet zo dat een stakingsbevel enkel tot een tussenpersoon zou kunnen worden gericht wiens dienst een onmisbaar element vormt voor de inbreukmaker om de inbreuk te kunnen plegen. Het volstaat dat de dienst die de tussenpersoon levert nuttig is voor het plegen van de inbreuk en dat redelijkerwijze vaststaat dat de derde juist daarom gebruik maakt van de dienst. De dienst die DNS.be aanbiedt, namelijk het terbeschikkingstellen van een domeinnaam, gekoppeld aan een IP-adres en het beheren van de databank daarvoor, heeft op zich inderdaad geen uitstaans met auteursrecht, maar is onmiskenbaar wel nuttig voor een derde die via een website omzeilingsproducten aanbiedt. (…) De stakingsrechter concludeert daarom dat DNS.be wél een tussenpersoon is in de zin van artikel 87, § 1, tweede zin AW, tegen wie een stakingsbevel kan worden uitgesproken. » |
[13] | Convention Benelux en matière de propriété intellectuelle (« CBPI »), directive n° 2008/95 du 22 octobre 2008 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques (« directive n° 2008/95 »), règlement n° 207/2009 26 février 2009 sur la marque communautaire (« règlement n° 207/2009 »). |
[14] | Voy. l'art. 2.20 de la CBPI et l'art. 5 de la directive n° 2008/95. |
[15] | Ainsi, la réapposition de la marque sur un produit authentique dont la marque a disparu en raison de l'usure constitue un usage; voy. A. Braun et E. Cornu, Précis des marques, Larcier, 2009, p. 307, n° 285 et les jurisprudence et doctrine citées. |
[16] | D. Kaesmacher, « Marques Benelux et communautaires », in D. Kaesmacher (coord.), Les droits intellectuels, Larcier, 2013, p. 204. La Cour de justice Benelux a rappelé dans l'affaire Valeo que « cette loi [la LBM] entend offrir au titulaire de la marque une protection étendue, c'est-à-dire une protection contre tous les actes qui, suivant les termes de l'exposé des motifs commun des Gouvernements, « constituent une atteinte réelle et injustifiée au droit de marque' »; C.J. Benelux, 6 novembre 1992, A 89/1 et A 91/1, Valeo, § 15. Il convient cependant de replacer cette citation dans son contexte. L'exposé des motifs précise en effet que « le titulaire ne pourra interdire, en application de la loi uniforme sur les marques, l'emploi de la marque par exemple dans des dictionnaires ou des ouvrages scientifiques et le tribunal disposera d'un large pouvoir d'appréciation des faits qui constituent une atteinte réelle et injustifiée au droit de marque. » |
[17] | C.J.U.E., 23 mars 2010, aff. jointes C-236/08 à 238/08 Google France et Google, (ci-après « affaire Google »). Sur l'usage de la marque sur Internet: P. Maeyaert, « Gebruik en misbruik van merken op het Internet », in IJE-IBJ, Le droit des affaires en évolution - Social média: le droit ou l'anarchie?, Bruxelles, Bruylant, 2012, pp. 49 et s. |
[18] | C.J.U.E., 15 décembre 2011, C-119/10, Red Bull (ci-après « affaire Red Bull »). |
[19] | C.J. Benelux, 28 juin 1982, A 81/5, Hagens Transporten B.V. et Joh. Jacobs & Co. GMBH / Theodorus Niemeyer (ci-après « affaire Jakobs »). |
[20] | La Cour n'a dès lors pas suivi son avocat général qui concluait à l'existence d'un usage dans le chef du transporteur dès lors que « par ses activités de transport et de livraison, Hagens met en oeuvre la marque JACOBS, conformément à sa destination, en tant que signe distinctif pour le produit café, et agit de la sorte en opposition avec le droit exclusif de Niemeyer ». L'avocat général écrit plus loin que « par le transport et la livraison aux détaillants, le produit café sous la marque JACOBS entre dans notre pays dans la publicité », conclusions de l'avocat général Berger, rendues dans l'affaire Jakobs, respectivement, pp. 4 et 7. |
[21] | C.J. Benelux, affaire Jakobs, p. 7. Pour reprendre les termes exacts de la Cour: « Attendu qu'en application de l'alinéa premier de l'art. 13, A. de la loi uniforme Benelux sur les marques de produits, le titulaire d'une marque peut s'opposer à tout emploi qui serait fait de la marque ou d'un signe ressemblant, sur le territoire Benelux ou sur le territoire du pays du Benelux où le droit à la marque est protégé, pour les produits pour lesquels la marque est enregistrée ou pour les produits similaires (début et 1), et contre tout emploi qui y serait fait de la marque ou d'un signe ressemblant, dans la vie des affaires et sans juste motif, en des conditions susceptibles de causer un préjudice au titulaire de la marque (début et 2). » L'avocat général souligne dans ses conclusions que « la demande d'interprétation dont [la Cour est] présentement [saisie], concerne tant l'emploi, tel qu'il est visé dans l'art. 13, A. sous 1 que l'emploi visé dans le même article sous 2 ». |
[22] | C.J.U.E., 15 décembre 2011, C-119/10, Red Bull. |
[23] | L'action de Winters se limitait au remplissage des canettes. Les canettes lui étaient fournies par la société Smart Drinks qui lui fournissait également le sirop à la base de la boisson et les instructions à suivre pour la composition de la boisson. L'avocat général relève dans ses conclusions que Winters avait déjà effectué des activités de remplissage pour Red Bull et était ainsi familiarisé avec les marques de cette dernière. |
[24] | Cette affaire fait penser à l'affaire Shell (Butagas) qu'a eu à connaître la Cour de justice Benelux (C.J. Benelux, 20 décembre 1993, A 92/1, Shell / Walhout). Les faits étaient toutefois différents. Dans cette affaire, Shell considérait que le remplissage, sans son autorisation, de bouteilles à gaz lui appartenant et comportant une de ses marques, constituait un acte d'usage illicite de ses marques. La Cour de justice Benelux a donné raison à Shell en raison des activités de commercialisation, qui dépassaient le cadre du simple remplissage. A la question suivante: « Y a-t-il 'emploi' de la marque d'autrui au sens de l'art. 13, A., alinéa 1er, sous 1., de la LBM, lorsque, sans l'autorisation du titulaire de la marque ou de son licencié, une personne remplit contre paiement des bouteilles vides, présentées par un client, avec un produit ne provenant pas de ce titulaire ou de son licencié pour les restituer ensuite à ce client, alors que ces bouteilles sont revêtues d'une marque déterminée sous laquelle elles avaient été mises en circulation à l'origine et qu'elles avaient contenu un produit provenant du titulaire ou du licencié? », la Cour répondit: « Celui qui commercialise un produit ne provenant pas du titulaire de la marque ou de son licencié, dans un emballage revêtu de la marque du titulaire, emploie cette marque pour son produit même si son client - sachant que ce produit ne provient pas du titulaire ou de son licencié - ne peut être induit en erreur sur la provenance de ce produit; qu'en effet, une marque apposée sur le produit ou sur son emballage remplit sa fonction - consistant à distinguer ce produit des produits similaires et à indiquer sa provenance - non seulement vis-à-vis du client, mais vis-à-vis de quiconque. » Voy. égal. sur cette question C.J.U.E., 14 juillet 2011, C-46/10, Viking Gas / Kosan Gas et E. De Gryse, « The influence of European Union law on Benelux trademark law », in M.-C. Janssens et G. Van Over-walle, Harmonisation of European IP Law - From European rules to Belgian law and practice - Contributions in honour of Frank Gotzen, pp. 168 et s. |
[25] | Ou AdWords. Il s'agit, selon les termes de la Cour de justice, d'un service de référencement payant qui permet « à tout opérateur économique, moyennant la sélection d'un ou de plusieurs mots clés, de faire apparaître, en cas de concordance entre ce ou ces mots et celui ou ceux contenus dans la requête adressée par un internaute au moteur de recherche, un lien promotionnel vers son site. Ce lien promotionnel apparaît dans la rubrique 'liens commerciaux', qui est affichée soit en partie droite de l'écran, à droite des résultats naturels, soit en partie supérieure de l'écran, au-dessus desdits résultats » (§ 23). |
[26] | Nous n'aborderons pas dans cette contribution la question des métatags. Sur cette question, voy. not. S. Pirlot de Corbion, « Référencement et droit des marques: quand les mots clés suscitent toutes les convoitises », in A. Strowel et J.-P. Triaille (dirs.), Google et les nouveaux services en ligne - Impact sur l'économie du contenu et questions de propriété intellectuelle, Larcier, 2008, pp. 123 et s. |
[27] | C.J.U.E., 23 mars 2010, aff. jointes C-236/08 à 238/08, Google France et Google; C.J.U.E., 25 mars 2010, C-278/08, Bergspechte; C.J.U.E., 26 mars 2010, C-91/09, Eis.de; C.J.U.E., 8 juillet 2010, C-558/08, Portakabin; C.J.U.E., 12 juillet 2011, C-324/09, L'Oréal e.a. / eBay; C.J.U.E., 22 septembre 2011, C-323/09, Interflora; C.J.U.E., 19 avril 21012, C-523/10, Wintersteiger. Sur cette jurisprudence, voy. T. Heremans et L. Bieseman, « Internetadvertenties en trefwoorden: het Hof van Justitie over Google AdWords », B.M.M. Bull., 2011/1, pp. 10 et s. et P. Maeyaert, « Gebruik en misbruik van merken op het Internet », in IJE-IBJ, Le droit des affaires en évolution - Social média: le droit ou l'anarchie?, Bruxelles, Bruylant, 2012, pp. 49 et s. |
[28] | C.J.U.E., 23 mars 2010, aff. jointes C-236/08 à 238/08, Google France et Google. |
[29] | C.J.U.E., 12 juillet 2011, C-324/09, L'Oréal e.a. / eBay (ci-après « affaire eBay »). |
[30] | Voy. références citées ci-dessus. Plus récemment, dans l'affaire Wintersteiger précitée, la Cour de justice a décidé que: « En effet, ainsi que la Cour l'a rappelé dans le cadre de l'interprétation de la directive rapprochant les législations des Etats membres sur les marques, c'est l'annonceur sélectionnant le mot clé identique à la marque qui en fait un usage dans la vie des affaires et non le prestataire du service de référencement. » (arrêt Google France et Google, précité, points 52 et 58). Le fait générateur d'une atteinte éventuelle au droit des marques réside donc dans le comportement de l'annonceur ayant recours au service de référencement pour sa propre communication commerciale) (§ 35). |
[31] | A. Cruquenaire, « Google AdWords: la Cour de justice a-t-elle rendu un arrêt de principe? », R.D.T.I., 2010, p. 145. |
[32] | Affaire eBay, § 101-102. |
[33] | Affaire Red Bull, C-119/10, § 30. Le dispositif de l'arrêt Red Bull est le suivant: « L'article 5, 1., sous b), de la première directive n° 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des Etats membres sur les marques, doit être interprété en ce sens qu'un prestataire de service qui, sur commande et sur les instructions d'un tiers, remplit des conditionnements qui lui ont été fournis par ce tiers, lequel y a fait apposer préalablement un signe identique ou similaire à un signe protégé en tant que marque, ne fait pas lui-même un usage de ce signe susceptible d'être interdit en vertu de cette disposition. » |
[34] | Conclusions rendues le 22 septembre 2009 par l'avocat général M. Poiares Maduro dans le cadre de l'affaire Google, § 54. |
[35] | Affaire Red Bull, § 30. |
[36] | Conclusions rendues le 22 septembre 2009 par l'avocat général M. Poiares Maduro dans le cadre de l'affaire Google, § 48. |
[37] | La Cour de justice parle dans son dispositif de stockage de mot clé identique à une marque et d'organisation de l'affichage d'annonces à partir de celui-ci. L'avocat général avait également conclu à l'existence d'un usage. Sur cette question, voy. not. S. Pirlot de Corbion, « Référencement et droit des marques: quand les mots clés suscitent toutes les convoitises », in A. Strowel et J.-P. Triaille (dirs.), Google et les nouveaux services en ligne - Impact sur l'économie du contenu et questions de propriété intellectuelle, Larcier, 2008, p. 156: « il pourrait être jugé sur cette base que le moteur de recherche porte atteinte à une marque, sans pour autant l'utiliser pour distinguer ses propres produits et services, mais par le seul fait de vendre comme mot clé à d'autres personnes que le titulaire de ladite marque. Il est indéniable que l'outil de recherche tire profit de cet usage vu qu'il est rémunéré pour la vente de ces positions payantes ». A. Strowel parle de vente et de création de mots clés; A. Strowel, « Google et les nouveaux services en ligne: quels effets sur l'économie des contenus, quels défis pour la propriété intellectuelle? », J.T., 2007, p. 593. |
[38] | Affaire eBay, § 101-102. |
[39] | Liège, 19 avril 2012, Monsieur L. Vial / S.C. Les Chais de Francs et de Gardegan, Ing. Cons., 2012, pp. 415 et s.: « L'intimée se borne, par la mise en bouteille du vin dans le conditionnement déterminé par son client, à lui permettre techniquement de faire usage des marques, sans que cet usage ne puisse lui être imputé. Elle agit en tant que simple exécutant pour le compte de son client et n'a d'ailleurs pas le moindre contact avec le public. Elle n'a en l'espèce aucun intérêt à ce que sa production de vin générique soit présentée sous les marques litigieuses ou sous d'autres marques: « (elle) ne fait qu'exécuter les instructions de ses clients à cet égard'. » |
[40] | Liège, 19 avril 2012, Monsieur L. Vial / S.C. Les Chais de Francs et de Gardegan, Ing. Cons., 2012, p. 421. On peut s'étonner de cette décision dès lors que l'apposition est clairement identifiée par les textes en droit des marques comme constituant un usage. Cf. supra. |
[41] | Comm. Louvain, 2 décembre 2010, I.R.D.I., 2011, pp. 25-26. |
[42] | Affaire Red Bull, § 28: « S'il résulte de ces éléments qu'un prestataire de service tel que Winters opère dans la vie des affaires lorsqu'il remplit sur commande d'un tiers de telles canettes, il n'en découle pas pour autant que ce prestataire fasse lui-même un « usage » de ces signes au sens de l'article 5 de la directive 89/104. »; affaire Google, § 55. |
[43] | C.J.U.E., 19 février 2009, C-62/08, UDV North America, § 43. |
[44] | Lequel dispose que: « La marque enregistrée confère à son titulaire un droit exclusif. Sans préjudice de l'application éventuelle du droit commun en matière de responsabilité civile, le droit exclusif à la marque permet au titulaire d'interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement: (…) de faire usage d'un signe à des fins autres que celles de distinguer les produits ou services, lorsque l'usage de ce signe sans juste motif tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque ou leur porte préjudice. » |
[45] | Comme indiqué, cette disposition ne relève pas de l'harmonisation du droit communautaire et plusieurs auteurs s'interrogent sur l'incidence que pourrait avoir l'arrêt Google sur l'art. 2.20.1, (d), de la CBPI. Voy. A. Cruquenaire, « Google AdWords: la Cour de justice a-t-elle rendu un arrêt de principe? », R.D.T.I., 2010, p. 145 et P.-Y. Thoumsin, « Don't shoot the messenger - L'arbitrage des conflits entre marques et liens commerciaux à la lumière des arrêts récents de la C.J.U.E. », I.R.D.I., 2010, p. 348. |
[46] | T. Heremans et L. Bieseman, « Internetadvertenties en trefwoorden: het Hof van Justitie over Google AdWords », B.M.M. Bull., 2011/1, p. 8; J.-J. Evrard, « Arrêt 'Google': exonération de responsabilité en droit de la marque pour le système de référencement 'AdWords'? », J.T., 2010, p. 177; A. Cruquenaire, « Google AdWords: la Cour de justice a-t-elle rendu un arrêt de principe? », R.D.T.I., 2010, p. 145; P.-Y. Thoumsin, « Don't shoot the messenger - L'arbitrage des conflits entre marques et liens commerciaux à la lumière des arrêts récents de la C.J.U.E. », I.R.D.I., 2010, p. 348. Voy. égal. la doctrine antérieure à cet arrêt: F. Petillion, « Google goochelt en ontgoochelt… », I.R.D.I., 2004, p. 233 et A. Strowel, « Google et les nouveaux services en ligne: quels effets sur l'économie des contenus, quels défis pour la propriété intellectuelle? », J.T., 2007, p. 593. |
[47] | Elle poursuit cependant son raisonnement en ce qui concerne les annonceurs. |
[48] | La Cour de justice commence par constater l'absence d'usage « au sens de l'article 5 de la directive n° 89/104 » au point 30 de l'arrêt - lequel est repris ci-dessus - pour ensuite examiner cette question au point 31. Il s'agit bien de deux constatations différentes, comme le démontre l'amorce du point 31: « A cette constatation s'ajoute le fait qu'un prestataire dans la situation de Winters ne ferait, en tout état de cause, pas un usage desdits signes 'pour des produits ou des services' identiques ou similaires. » |
[49] | A considérer toutefois que Google peut bénéficier de la qualité d'hébergeur. Sur cette question, voy. infra. |
[50] | Pour reprendre les termes de l'avocat général Berger, « on ne peut parler de juste motif au sens de l'article 13, A., 2., qu'à partir du moment où une participation à la vie des affaires - qui en soi serait justifiée - est exclue sauf en utilisant une marque ou un signe similaire dont un tiers est titulaire ». |
[51] | Directive n° 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l'information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur (« directive sur le commerce électronique » ou « directive n° 2000/31 ») transposée par la loi belge du 11 mars 2003 sur certains aspects juridiques des services de la société de l'information. |
[52] | A moins que cette notion n'ait été élargie à la faveur d'une mise hors contexte. |
[53] | Sur ce point, on peut notamment faire référence à la constatation de l'avocat général dans l'affaire Red Bull: « Les prestataires de services ne peuvent en pratique exercer une vigilance sans faille à chaque commande. Cela est particulièrement vrai pour les marques figuratives qui, à ce jour, ne peuvent toujours pas faire l'objet de recherches entièrement automatisées. Il serait encore plus fastidieux de vérifier, par surcroît, dans les cas visés en l'espèce à l'article 5, 1., sous b), de la directive sur les marques s'il existe des marques ordinaires à ce point similaires qu'elles risqueraient d'être contrefaites. Ces difficultés d'éviter de contrefaire des marques n'atteignent certes pas l'ampleur de celles que rencontrerait un service de référencement sur Internet qui permet à ses clients d'utiliser des marques et des signes ressemblant à des marques. Les situations sont toutefois analogues par nature. C'est la raison pour laquelle, à l'instar du service sur Internet, on ne saurait retenir en l'espèce une contrefaçon de marque commise par le prestataire de services. », conclusions de l'avocat général Kokott, rendues dans le cadre de l'affaire Red Bull, 14 avril 2011, § 34-35. |
[54] | Conclusions de l'avocat général Maduro rendues le 22 septembre 2009 dans le cadre de l'affaire Google, § 48. La Cour de justice a cependant opté pour l'absence d'usage au sens strict, au contraire de ce que proposait son avocat général lequel avait en effet considéré qu'il existait un usage mais qu'il n'était pas fait pour des produits et services identiques ou similaires couverts par les marques. |
[55] | Notons toutefois que dans le cadre de l'affaire Red Bull, la Commission européenne plaidait pour une incrimination de Winters sur la base du droit des marques, craignant sinon que l'on « encourage les abus en ce que l'entreprise qui cherche à contrefaire une marque chargerait un tiers de commettre les actes de contrefaçon ». Cet argument a cependant été rejeté par l'avocat général indiquant que pareil abus pourrait être combattu par le biais des injonctions mises en place par la directive n° 2004/48. Voy. les conclusions de l'avocat general Kokott rendues dans le cadre de l'affaire Red Bull, § 36-39. |
[56] | Loi du 30 juin 1994 relative au droit d'auteur et aux droits voisins (« LDA »). |
[57] | A. Berenboom, Le nouveau droit d'auteur et les droits voisins, Larcier, 2008, p. 127, n° 72. |
[58] | Voy. not. C.J.U.E., 7 décembre 2006, C-306/05; C.J.U.E., 22 décembre 2010, C-393/09; C.J.U.E., 4 octobre 2011, aff. jointes C-403/08 et 429/08; C.J.U.E., 13 octobre 2011, aff. jointes C-431/09 et C-432/09; C.J.U.E., 24 novembre 2011, C-283/10; C.J.U.E., 15 mars 2012, C-135/10 et C.J.U.E., 15 mars 2012, C-162/10. |
[59] | Voy. infra, affaires Promusicae, Bonnier, Scarlet et Netlog. |
[60] | Voy. le communiqué de presse de la Sabam du 30 avril 2013, « La SABAM assigne Belgacom, Telenet et Voo en vue de leur réclamer des droits d'auteur pour leur activité de FAI », disponible sur le site de la Sabam: www.sabam.be/sites/default/files/pdf/persbericht_fr_30042013.pdf. La Sabam n'apporte cependant pas de précisions supplémentaires. |
[61] | Plusieurs décisions ont été rendues dans le cadre de cette affaire qui a parfois pris les couleurs d'une véritable saga. La première décision a été rendue par le président du tribunal de première instance de Bruxelles, décision rendue par défaut, Google ne s'étant pas présentée (Prés. Civ. Bruxelles, 5 septembre 2006, Juristenkrant, 2006, liv. 134, p. 6). Cette décision a constaté que Google avait violé la législation en matière de droit d'auteur et de protection de bases de données. Google fit opposition contre cette décision. La décision sur opposition fut rendue par le président du tribunal de première instance de Bruxelles, le 13 février 2007 (Prés. Civ. Bruxelles, 13 février 2007, I.R.D.I., 2007, p. 157). Appel fut ensuite interjeté par Google contre cette décision. La décision fut rendue par la cour d'appel de Bruxelles le 5 mai 2011 (Bruxelles, 5 mai 2011, I.R.D.I., 2011, p. 265). |
[62] | Google Actualités. |
[63] | Google se référait ainsi à l'exception de citation et à l'exception du compte rendu d'actualité. En ce qui concerne la première exception, il a été notamment décidé par la cour d'appel que Google News ne pouvait être considéré comme une revue de presse. En première instance, un raisonnement similaire avait été maintenu pour denier le droit pour Google d'invoquer le bénéfice de cette exception (cette argumentation n'a d'ailleurs pas toujours convaincu la doctrine; voy. sur ce point B. Van Asbroeck et M. Cock, « Droit d'auteur belge - Google News: 2-0 » (note sous Prés. Civ. Bruxelles, 13 février 2007), I.R.D.I., 2007, p. 173). En ce qui concerne l'exception de compte rendu d'actualité, la cour d'appel en a dénié le bénéfice à Google dès lors que « seules se justifient les citations qui, en raison de la nécessité d'une information rapide, n'ont pu faire l'objet d'un consentement de l'auteur (…). Or, Google reconnaît que les articles restent référencés pendant 30 jours » (§ 37 de la décision). Il est intéressant de soulever que la juridiction américaine ayant à connaître également d'une action concernant une violation du copyright par le service Google News a considéré qu'en l'espèce Google pouvait bénéficier de l'exception du fair use. Les faits de l'affaire, il est vrai, étaient cependant différents. Sur ce point: J.-P. Triaille, « La question des copies 'cache' et la responsabilité des intermédiaires - Copiepresse / Google, Field v. Google », in A. Strowel et J.-P. Triaille (dirs.), Google et les nouveaux services en ligne - Impact sur l'économie du contenu et questions de propriété intellectuelle, Larcier, 2008, pp. 251 et s. |
[64] | Cf. considérant 33 directive n° 2001/29. |
[65] | Ces conditions sont reprises à l'art. 5, 1., de la directive n° 2001/29 tel qu'il a été interprété par la Cour de justice (voy. C.J.U.E., 16 juillet 2009, C-5/08, Infopaq, § 54 et C.J.U.E., 4 octobre 2011, aff. jointes 403/08 et 429/08, Football Association Premier League Ltd, § 161). Cette disposition a été transposée à l'art. 21, § 3, de la LDA, lequel énonce que: « L'auteur ne peut pas interdire les actes de reproduction provisoires qui sont transitoires ou accessoires et constituent une partie intégrante et essentielle d'un procédé technique et dont l'unique finalité est de permettre: une transmission dans un réseau entre tiers par un intermédiaire; ou une utilisation licite, d'une oeuvre protégée, et qui n'ont pas de signification économique indépendante. » |
[66] | La notion de « signification économique indépendante » a été interprétée dans l'arrêt Football Association Premier League à l'occasion duquel la Cour de justice a décidé que: « pour ne pas priver l'exception prévue à l'article 5, 1., de la directive sur le droit d'auteur de son effet utile, encore faut-il que cette signification soit indépendante en ce sens qu'elle aille au-delà de l'avantage économique tiré de la simple réception d'une émission contenant des oeuvres protégées, c'est-à-dire, au-delà de l'avantage tiré de sa simple captation et de sa visualisation » (§ 175). |
[67] | J.-P. Triaille, « La question des copies 'cache' et la responsabilité des intermédiaires - Copiepresse / Google, Field v. Google », o.c., p. 260. |
[68] | Sur cette question, voy. not. A. Lucas-Schloetter, « Google face à la justice française et belge - Nouvelles décisions en matière de droit d'auteur », JIPITEC, 2011, pp. 144 et s.; A. Strowel et J.-P. Triaille (dirs.), Google et les nouveaux services en ligne - Impact sur l'économie du contenu et questions de propriété intellectuelle, Larcier, 2008; A. Strowel, Quand Google défie le droit, Larcier, 2011. |
[69] | Comme nous le verrons plus loin, décider qu'un intermédiaire ne peut bénéficier du régime d'exonération ne signifie pas pour autant qu'il est coupable d'une atteinte à un droit de propriété intellectuelle. La jurisprudence tend parfois à l'oublier, comme le notait A. Lucas Schloetter à propos de l'affaire « aufeminin.com » dans laquelle Google, bien que reconnu hébergeur, est reconnu coupable en raison de la connaissance qu'il aurait eu de l'activité contrefaisante. Pour cette raison, Google est « condamné pour contrefaçon sur le fondement du Code de la propriété intellectuelle, sans que soient précisées les prérogatives patrimoniales auxquelles il a été porté atteinte, ni évoquées d'éventuelles exceptions au droit d'auteur susceptibles de légitimer l'activité de référencement d'images de Google ». A. Lucas-Schloetter, « Google face à la justice française et belge - Nouvelles décisions en matière de droit d'auteur », JIPITEC, 2011, p. 146. |
[70] | Comm. Bruxelles, 12 janvier 2011, Ing. Cons., 2011, pp. 716 et s. |
[71] | La directive n° 2001/29 a également consacré le principe du test en trois étapes qui devrait permettre une interprétation équilibrée des exceptions. |
[72] | Principalement les Etats-Unis. Pour une comparaison de différents systèmes quant à la possibilité de mettre en cause la responsabilité des propriétaires, voy. P. O'Byrne et R. Burstall, « Liability of landlords for infringing activities », J.I.P.L.P., 2011, pp. 738 et s. |
[73] | Qu'on peut également rattacher au droit des marques, voy. les conclusions rendues par l'avocat général dans l'affaire Google, § 48 (cf. infra). D'autres mécanismes de droit anglo-saxon sont parfois mis à contribution tel que la vicarious liability (qui repose sur la notion de contrôle au contraire du contributory infringement qui repose sur la notion de connaissance) ou encore le money laundering. Pour des cas d'application, voy. D.R. Plane, « Going after the middleman: Landlord liability in the battle against counterfeits », INTA's The Trademark Reporter, Volume 99, Number 3, May-June 2009 et J.L. Bikoff, K. Johnston, D.K. Heasley, P.V. Marano et A. Long, « Hauling in the middleman: contributory trade mark infringement in North America », J.I.P.L.P., 2010, pp. 332 et s.; D. Lichtman et W. Landes, « Indirect liability for copyright infringement: an economic perspective », Harvard Journal of Law & Technology, 2003, pp. 395 et s. |
[74] | Voy. art. 2.20.1: « La marque enregistrée confère à son titulaire un droit exclusif. Sans préjudice de l'application éventuelle du droit commun en matière de responsabilité civile, le droit exclusif à la marque permet au titulaire d'interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement (…). » L'exposé des motifs de la LUBM (aujourd'hui remplacée par la CBPI) énonce également que: « Les termes introductifs de l'article 13 soulignent, sans ambiguïté, que les actes que l'on ne pourrait considérer comme constitutifs de contrefaçon ne sont pas licites pour autant. Ils peuvent, en effet, tomber sous le coup d'autres dispositions du droit interne des pays du Benelux. » De même, la note explicative de l'OBPI relative aux Titres II, III et IV de la CBPI mentionne, en ce qui concerne l'actuel art. 2.20 de la CBPI, que: « Les actes que l'on ne pourrait considérer comme constitutifs de contrefaçon ne sont pas licites pour autant. Ils peuvent, en effet, tomber sous le coup d'autres dispositions du droit interne des pays du Benelux. »; voy. la note explicative de l'OBPI relative aux Titres II, III et IV de la CBPI, p. 10. |
[75] | Dans l'affaire Jakobs, la Cour de justice Benelux a ainsi rappelé que dès lors que cette question relève du droit national elle « n'a pas à examiner si les circonstances visées dans ces questions ont une incidence sur la responsabilité civile du transporteur », indiquant ainsi clairement la possibilité de voir la responsabilité du transporteur engagée sur la base des règles en matière de responsabilité civile. |
[76] | Voy. arrêt Google, § 57: « dans la mesure où il a permis à son client de faire un tel usage, son rôle doit, le cas échéant, être examiné sous l'angle d'autres règles de droit que les articles 5 de la directive 89/104 et 9 du règlement n° 40/94, telles que celles auxquelles fait référence le point 107 du présent arrêt » (nous soulignons). Certains y voient cependant une référence à l'art. 5, 5., de la directive n° 2008/95; voy. J.-J. Evrard, o.c., p. 177. Dans l'affaire Google, l'avocat général Vaugh y a fait référence dans ses conclusions (§ 50). De même, dans l'affaire Red Bull, l'avocat général y renvoyait (voy. ses conclusions, § 39). Cela était aussi admis en doctrine; voy. B. Michaux, « Les nouvelles dispositions procédurales relatives aux injonctions à l'encontre des intermédiaires (art. 8, 9 et 11 de la directive n° 2004/48) », in F. Brison (éd.), Sanctions et procédures en droits intellectuels, Larcier, 2008, p. 261. |
[77] | Sur ces notions, voy. B. Dubuisson, V. Callewaert, B. De Coninck et G. Gathem, « Chronique de jurisprudence. La responsabilité civile (1996-2007) » (Volume I, Le fait générateur et le lien causal), Dossiers du J.T., Larcier, 2009, pp. 22 et s. et P. Van Ommeslaghe, Droit des obligations, Tome deuxième - Sources des obligations (deuxième partie), Bruylant, 2010, pp. 1187 et s., nos 829-831. |
[78] | Lequel interdit « tout acte contraire aux pratiques honnêtes du marché par lequel une entreprise porte atteinte ou peut porter atteinte aux intérêts professionnels d'une ou de plusieurs autres entreprises ». |
[79] | D'autres dispositions, en matière de publicité par exemple, pourraient être également envisagées. Notez cependant que l'application de ces dispositions à Google a déjà été rejetée, le tribunal considérant que c'était l'annonceur qui était responsable, et non Google; voy. Comm. Leuven, 2 décembre 2010, I.R.D.I., 2011, p. 11. |
[80] | H. Jacquemin, « Les pratiques déloyales à l'égard des consommateurs ou des entreprises », in L. de Brouwer (dir.), Les pratiques du marché - Une loi pour le consommateur, le concurrent et le juge, Larcier, 2011, pp. 100-101. |
[81] | Voy. sur ce point les conclusions de l'avocat général dans l'affaire Red Bull, § 34-35. |
[82] | Voy. L. Pechan et M. Schneider, « Carriers and trade mark infringements: should carriers care? », J.I.P.L.P, 2010, p. 357, les auteurs relevant cependant le caractère peu compétitif de pareilles clauses. |
[83] | S. Pirlot de Corbion, « Référencement et droit des marques: quand les mots clés suscitent toutes les convoitises », in A. Strowel et J.-P. Triaille (dirs.), Google et les nouveaux services en ligne - Impact sur l'économie du contenu et questions de propriété intellectuelle, Larcier, 2008, p. 135. |
[84] | Loi du 11 mars 2003 sur certains aspects juridiques des services de la société de l'information. Loi transposant en droit belge la directive n° 2000/31. |
[85] | Bruxelles, 13 février 2001, A&M, 2001, p. 279. |
[86] | Cour eur. D. H., 10 octobre 2013, Delfi / Estonie, application n° 64569/09. Cette décision a fait l'objet d'un renvoi, le 17 février 2014, à la Grande Chambre de la Cour eur. D. H. |
[87] | Pour un exposé plus détaillé des faits et également sur la structure du site, voy. les points 7 et s. de la décision. |
[88] | Point 74 de la décision. |
[89] | Le montant peu important des dommages et intérêts a également été pris en considération par la Cour. |
[90] | On peut également s'interroger sur la manière dont cette jurisprudence s'articulera avec l'interdiction générale de surveillance prévue par l'art. 15 de la directive n° 2000/31; voy. M. Husovec, « ECtHR rules on liability of ISPs as a restriction of freedom of speech », J.I.P.L.P., 2014, pp. 108-109. |
[91] | E. Montero écrit ainsi à propos d'une affaire ne ressortant pas du domaine de la propriété intellectuelle que: « Dans l'affaire Fuzz, le site - parfois appelé digg-like - se borne à offrir une structure permettant d'accueillir des flux postés par les internautes. (…) il est dès lors permis de considérer qu'en ce qui concerne les informations signalées par les internautes, le prestataire bénéficie de l'exonération de responsabilité prévue pour l'activité d'hébergement. Ceci n'exclut pas qu'il puisse être assigné, sur la base du droit commun, en sa qualité de concepteur et gestionnaire du site, et éventuellement jugé fautif pour avoir créé une rubrique 'people' incitant les internautes à poster des articles dont il était permis de supposer qu'ils risquaient de porter atteinte à la vie privée de célébrités. »; E. Montero, « Le domaine de l'Internet - Réflexions autour de quelques affaires emblématiques », in F. Glansdorff et P. Henry (éds.), Droit de la responsabilité. Domaines choisis, CUP 119, Anthémis, 2010, p. 207. |
[92] | En droit américain, voy. J.C. Ginsburg, « Whose tube? Liability risks and limitations of copyright-dependent technology entrepreneurs », in A. Strowel et J.-P. Triaille (dirs.), Google et les nouveaux services en ligne, p. 229. |
[93] | Comm. Louvain, 2 décembre 2010, Google AdWords, I.R.D.I., 2011, p. 11. |
[94] | Pour reprendre les termes exacts du tribunal: « Het verstrekken van technische middelen die doelgericht adverteren mogelijk maken is op zich niet strijdig met de eerlijke handelspraktijken. Zoals reeds hoger aangehaald kan de inhoud van een welbepaalde advertentie strijdig zijn met de eerlijke handelspraktijken, doch dan dient de adverteerder zelf aangesproken te worden. Verweersters gedragen zich bovendien als normale, voorzichtige handelaars, doordat zij in haar reglement/algemene voorwaarden bij Google AdWords regels heeft uitgewerkt die adverteerders er op wijzen dat schendingen van intellectuele eigendomsrechten van anderen verboden zijn. Verder beschikt zij over drie verschillende procedures (notice and takedown-procedures), waardoor inbreuken op intellectuele eigendomsrechten gemeld kunnen worden en Google kan reageren. »; Comm. Louvain, 2 décembre 2010, I.R.D.I., 2011, pp. 25-26. |
[95] | Voy. sur ce point S. Barazza, « Secondary liability for IP infringement: converging patterns and approaches in comparative law », J.I.P.L.P., 2012, pp. 879 et s. |
[96] | Comm. Bruxelles, 14 octobre 2008, I.R.D.I., 2009, p. 65. Le tribunal a considéré que les biens contrefaisants étaient affectés d'un vice juridique: « Overwegende echter dat het terecht is dat eiseressen doen opmerken dat artikel 1384 BW stelt dat eenieder bovendien aansprakelijk is niet alleen voor de schade welke hij veroorzaakt door zijn eigen daad maar ook voor die welke veroorzaakt wordt door de daad van zaken die hij onder zijn bewaring heeft; dat een zaak gebrekkig is in de zin van artikel 1384, eerste lid wanneer zij een abnormaal kenmerk vertoont dat inherent is aan de zaak; dat eiseressen terecht de mening zijn toegedaan dat de zaak in casu behept is met een juridisch gebrek. » |
[97] | Prés. Comm. Gand, 6 février 2009, A.R. C/08/0098, cité par L. Pechan et M. Schneider, o.c., p. 357. |
[98] | On vise les activités des prestataires des services de la société de l'information telles qu'elles sont définies par l'article 2, 1° de la loi du 11 mars 2003 comme étant « tout service presté normalement contre rémunération, à distance, par voie électronique et à la demande individuelle d'un destinataire du service ». Dans le cadre de l'affaire Google, la Cour de justice a décidé que le service de référencement AdWords constituait bien un service de la société de l'information (voy. point 110 de l'arrêt). |
[99] | Pour reprendre les termes de T. Léonard, « L'exonération de responsabilité des intermédiaires en ligne: un état de la question », J.T., 2012, p. 814. |
[100] | Sur ce point, voy. égal. les conclusions rendues par l'avocat général dans l'affaire eBay. |
[101] | Les travaux préparatoires de la directive n° 2000/31 visent les activités des intermédiaires en ligne, lesquels sont définis comme suit: « Seules sont couvertes les activités des intermédiaires en ligne. Elles sont caractérisées par le fait: 1) que les informations sont fournies par les destinataires du service, et 2) que les informations sont transmises ou stockées à la demande des destinataires du service », proposition de directive du Parlement et du Conseil relative à certains aspects juridiques du commerce électronique dans le marché intérieur, COM(1998) 586 final, 18 novembre 1998, p. 28. |
[102] | Art. 12 de la directive n° 2000/31 et art. 18 de la loi du 11 mars 2003; ce dernier définit l'activité comme suit: « fourniture d'un service de la société de l'information consistant à transmettre, sur un réseau de communication; des informations fournies par le destinataire du service ou à fournir un accès au réseau de communication, le prestataire de services n'est pas responsable des informations transmises ». Dans l'affaire Promusicae, Telefónica s'est vu reconnaître la qualité de fournisseur d'accès. |
[103] | Art. 13 de la directive n° 2000/31 et art. 19 de la loi du 11 mars 2003; ce dernier définit l'activité comme suit: « service de la société de l'information consistant à transmettre, sur un réseau de communication, des informations fournies par un destinataire du service; le prestataire n'est pas responsable au titre du stockage automatique, intermédiaire et temporaire de cette information fait dans le seul but de rendre plus efficace la transmission ultérieure de l'information à la demande d'autres destinataires du service ». |
[104] | Selon les termes de la loi du 11 mars 2003. |
[105] | Art. 14 de la directive n°2000/31 et art. 20 de la loi du 11 mars 2003; ce dernier définit l'activité comme suit: « fourniture d'un service de la société de l'information consistant à stocker des informations fournies par un destinataire du service ». |
[106] | Pour reprendre les termes exacts de la loi: « qu'il n'ait pas une connaissance effective de l'activité ou de l'information illicite, ou, en ce qui concerne une action civile en réparation, qu'il n'ait pas connaissance de faits ou de circonstances laissant apparaître le caractère illicite de l'activité ou de l'information ». Sur ce dernier point, le libellé diffère quelque peu de l'art. 14 de la directive n° 2000/31, lequel énonce que le prestataire ne doit pas avoir « connaissance de faits ou de circonstances selon lesquels l'activité ou l'information illicites est apparente ». |
[107] | Voy. not. E. Montero, « Les responsabilités liées au web 2.0 », R.D.T.I., 2008, pp. 368 et s.: « Entre-temps, les services web 2.0 ont explosé et la doctrine semble plus nettement acquise à l'idée que l'article 14 ne vise pas seulement l'hébergement de sites web, mais toutes formes de stockage de contenus fournis par des tiers. Autrement dit, la limitation de responsabilité prévue par cette disposition peut bénéficier au titulaire d'un blog, d'un forum de discussion, d'un site de partage de contenus (…) dès lors qu'il fournit un service intermédiaire de stockage de données. »; T. Léonard, « L'exonération de responsabilité des intermédiaires en ligne: un état de la question », J.T., 2012, p. 816. |
[108] | On se souvient ainsi de l'arrêt de la Cour de cassation du 3 février 2004 et des critiques dont il a fait l'objet. Sur ce point, voy. la note critique de F. de Patoul et I. Vereecken, « La responsabilité des intermédiaires de l'Internet: première application de la loi belge », R.D.T.I., 2004, pp. 54 et s.; E. Montero, « Chronique de jurisprudence (2002-2008) », R.D.T.I., pp. 21-23; E. Montero, « Les responsabilités liées au web 2.0 », R.D.T.I., 2008, p. 367. |
[109] | Approche également défendue par les travaux préparatoires de la directive n°2000/.31: « La distinction en ce qui concerne la responsabilité n'est pas fondée sur le type d'opérateur, mais sur le type d'activité exercé. Le fait qu'un prestataire remplit les conditions pour être exonéré de responsabilité pour une activité donnée ne l'exonère pas de sa responsabilité pour toutes ses autres activités. », proposition de directive du Parlement et du Conseil relative à certains aspects juridiques, COM(1998) 586 final, 18 novembre 1998, p. 28; voy. en doctrine E. Montero, « Les responsabilités liées au web 2.0 », R.D.T.I., 2008, pp. 368 et s.; E. Montero, « Le domaine de l'Internet - Réflexions autour de quelques affaires emblématiques », o.c., p. 202; T. Léonard, « L'exonération de responsabilité des intermédiaires en ligne: un état de la question », J.T., 2012, p. 816; S. Dusollier et E. Montero, « Des enchères et des fleurs, de l'usage des marques à la responsabilité de l'intermédiaire: le bouquet contrasté des arrêts eBay et Interflora », R.D.T.I., 2011, p. 182. En jurisprudence, voy. Comm. Bruxelles, 31 juillet 2008, R.D.T.I., 2008, p. 521 ainsi que Comm. Bruxelles, 2 juin 2009, R.G. A/08/02054, cité par E. Montero, « Le régime juridique des sites de vente aux enchères sur Internet », D.C.C.R., 2011, p. 93. La jurisprudence française reste pour sa part moins claire; voy. C. Smits et J. Ligot, « Arrêt 'L'Oréal': clarifications sur le cadre légal des activités et des responsabilités des hébergeurs de sites Internet », J.T.-dr. eur., 2011, p. 295. |
[110] | Affaire Google, § 114. |
[111] | Conclusions rendues dans l'affaire Google, § 146. |
[112] | Arrêt eBay, § 116. Pour une critique, voy. S. Dusollier et E. Montero, « Des enchères et des fleurs, de l'usage des marques à la responsabilité de l'intermédiaire: le bouquet contrasté des arrêts eBay et Interflora », R.D.T.I., 2011, pp. 184-185. On observe également que la Cour semble considérer que la condition de la connaissance constitue une condition de qualification alors qu'il s'agit au contraire d'une condition d'exonération. En ce sens, voy. T. Léonard, « L'exonération de responsabilité des intermédiaires en ligne: un état de la question », J.T., 2012, p. 816: « Elle fait en outre, selon nous, d'une condition d'exonération - la connaissance de l'information - une condition de qualification absente du texte et de la ratio du système introduit par la directive e-commerce. » Un raisonnement similaire de la Cour de cassation avait déjà été critiqué par la doctrine; voy. E. Montero, « Chronique de jurisprudence (2002-2008) », R.D.T.I., p. 22: « En réalité, la Cour de cassation confond le concept d'intermédiaire et les conditions auxquelles un prestataire bénéficie d'une exonération de responsabilité pour certaines activités intermédiaires. Les critères relatifs à la connaissance et au contrôle de l'information jouent un rôle dans l'appréciation des conditions d'exonération de responsabilité des prestataires exerçant une activité d'hébergement (art. 14 de la directive; art. 20 de la L.S.S.I.) » et E. Montero, « Les responsabilités liées au web 2.0 », R.D.T.I., 2008, p. 368: « l'absence de connaissance et de contrôle de l'information ne sont en aucun cas des critères de la qualité d'intermédiaire ». |
[113] | L. Thoumyre, « Impact de l'arrêt Google AdWords de la C.J.U.E. sur la responsabilité des services 2.0. », 26 mars 2010, disponible sur http://juriscom.net/2010/03/impact-de-larret-google-adwords-de-la-cjue-sur-la-responsabilite-des-services-2-0/. |
[114] | Ou « Notification and Action » en anglais. Parfois également appelées « notification et retrait ». Procédures en vertu desquelles l'intermédiaire en ligne est invité à entreprendre une action afin de retirer ou rendre inaccessible un contenu dont il a été notifié qu'il était illicite. |
[115] | Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des Régions, « Un cadre cohérent pour renforcer la confiance dans le marché unique numérique du commerce électronique et des services en ligne », COM(2011) 942 final, 11 janvier 2001. |
[116] | Sur ce point, voy. les conclusions de l'avocat général dans l'affaire eBay (§ 161-168), lequel énonce notamment qu'un simple soupçon ou une simple supposition ne suffisent pas à considérer que le prestataire a une connaissance effective. Cette dernière doit être interprétée comme étant « une connaissance d'informations, d'activités ou de faits, passés ou présents, par le prestataire de services, sur la base d'une notification extérieure ou d'une recherche propre, menée volontairement ». |
[117] | Comme l'a noté la doctrine, cela risque de décourager les contrôles volontaires; S. Dusollier et E. Montero, « Des enchères et des fleurs, de l'usage des marques à la responsabilité de l'intermédiaire: le bouquet contrasté des arrêts eBay et Interflora », R.D.T.I., 2011, p. 185. |
[118] | Arrêt eBay, § 122. |
[119] | T. Léonard, « L'exonération de responsabilité des intermédiaires en ligne: un état de la question », J.T., 2012, p. 817. |
[120] | Sur ce point, voy. les conclusions rendues par l'avocat général dans l'affaire eBay, § 167. L'avocat général considérait que « s'il a été découvert que A a porté atteinte à la marque X en insérant une annonce concernant une offre sur la place de marché électronique en septembre, il est à exclure que l'exploitant de la place de marché ne puisse pas être considéré comme ayant une connaissance effective d'informations, d'activités, de faits ou de circonstances si A télécharge une nouvelle offre concernant des produits identiques ou similaires sous marque X en octobre. Dans de telles circonstances, il serait plus naturel de parler de la même atteinte continue plutôt que de deux atteintes séparées ». |
[121] | Voy. E. Montero, « Les responsabilités liées au web 2.0 », R.D.T.I., 2008, p. 385: « On peut penser qu'il est ici question d'une obligation spécifique de surveillance dans la mesure où il n'est pas imposé à l'hébergeur de filtrer l'ensemble des contenus stockés mais exclusivement celui qui a fait l'objet d'un signalement. Néanmoins, à défaut d'être limitée dans le temps, on y verrait plus volontiers une obligation générale de surveillance. » |
[122] | Cass. fr. (1ère ch. civ.), 12 juillet 2012, Google & Aufeminin.com. Sur cette question, voy. C. Jasserand, « Hosting providers' liability: Cour de cassation puts an end to the notice and stay down rule », J.I.P.L.P., 2013, p. 193. |
[123] | Ainsi E. Montero mentionne une décision rendue par le tribunal de commerce de Paris lequel a ordonné la mise en place d'un système de filtrage limité tant par son objet que dans le temps. Voy. E. Montero, « Les responsabilités liées au web 2.0 », R.D.T.I., 2008, p. 386. |
[124] | Cass., 22 octobre 2013, P.13.0550.N, www.cass.be. |
[125] | Art. 21 de la loi du 11 mars 2003. |
[126] | Cette interdiction a fait couler beaucoup d'encre, certains s'interrogeant même sur son éventuel caractère obsolète à l'heure actuelle. Ainsi R. Hardouin écrit que: « C'est un fait, d'un point de vue technico-économique, l'absence d'obligation générale de surveillance ne se justifie plus avec la même force. » L'auteur revient cependant ensuite sur la justification de ce principe et sa raison d'être actuelle; R. Hardouin, « La connaissance de l'illicéité par les hébergeurs ou quand être notifié ne signifie pas nécessairement devoir retirer », R.D.T.I., 2012, p. 10. |
[127] | Sur cette question, voy. not. les conclusions de l'avocat général dans l'affaire UPC Telekabel, conclusions de l'avocat général du 26 novembre 2013, affaire UPC Telekabel, C-314/12, où il était question du blocage d'un site Internet précis: « On serait en présence d'une telle mesure illicite si le juge avait imposé au fournisseur d'accès de rechercher activement d'éventuelles copies de la page Internet illicite, sous d'autres noms de domaines, ou de filtrer toutes les données transmises sur son réseau constituant des transmissions d'oeuvres filmographiques précises et de les bloquer. Or, il n'est pas question d'une telle mesure dans la présente espèce. La juridiction de renvoi est plutôt appelée à statuer sur le blocage d'un site Internet précis. Cette mesure n'est donc pas contraire à l'article 15, 1., de la directive n° 2000/31. » (§ 78). |
[128] | Les hébergeurs et les intermédiaires exerçant des activités de « caching » se voient également obligés de communiquer les informations au procureur du Roi. |
[129] | Cass., 16 juin 2011, C.10.0153.F; voy. not. la note que H. Jacquemin a consacré à cet arrêt: H. Jacquemin, « Qui peut obtenir les informations permettant de rechercher et de poursuivre les auteurs d'infractions commises sur les réseaux? », R.D.T.I., 2012, pp. 74 et s. L'auteur approuve la décision de la Cour de cassation tout en considérant que l'art. 21, § 2 de la loi sur le commerce électronique devrait être amendé afin de donner aux victimes d'infractions des moyens d'obtenir les informations propres à leur offrir un recours juridictionnel effectif. |
[130] | Doc. parl., 51-2943/001 et 51-2944/001 du 26 février 2007, pp. 45-46. |
[131] | C'est notamment sur cette base que la Belgian Anti-Piracy Federation (« BAF ») avait intenté en 2010 une action à l'encontre de Telenet et Belgacom afin d'obtenir le blocage du site Pirate Bay. Cette mesure provisoire a cependant été refusée par le tribunal considérant notamment que ce blocage pouvait facilement être contourné et que ce site existait depuis plusieurs années. Le tribunal a décidé qu'il n'y avait dès lors pas de raison particulière d'accorder la mesure provisoire, ce d'autant plus que l'affaire allait être portée au fond peu après (Comm. Anvers, 8 juillet 2010, A/10/5374). |
[132] | Par contre, l'art. 9, 2., de la directive a fait l'objet de mesures de transposition de l'art. 584 du Code judiciaire. |
[133] | Doc. parl., 51-2943/001 et 51-2944/001 du 26 février 2007, p. 16. |
[134] | Il est précisé que pareille mesure est possible dans la mesure où le droit national ne le prévoit pas. |
[135] | Sur ce point, l'avocat général ayant rendu ses conclusions dans l'affaire eBay écrit que: « Le choix de ce libellé tient à une bonne raison: il peut exister des situations, notamment dans l'environnement d'Internet, où l'atteinte est évidente, mais où le contrevenant n'est pas identifié. Il est connu qu'un tiers utilise les services d'un intermédiaire pour porter atteinte à un droit de propriété intellectuelle, mais la véritable identité de ce contrevenant demeure inconnue. », conclusions de l'avocat général Jääskinen, rendues le 9 décembre 2010 dans le cadre de l'affaire eBay, § 179. |
[136] | Comme l'écrit B. Michaux, « rien ne permet en effet d'écarter a priori un type d'intermédiaires en raison de la nature des services prestés »; B. Michaux, o.c., p. 265. |
[137] | Comm. Bruxelles (cess.), 26 septembre 2012, A.R. 2011/264. |
[138] | Civ. Bruxelles (cess.), 9 août 2013, inédit, 13/30076, p. 18. |
[139] | C.J.U.E., 19 février 2009, C-557/07, Tele 2 (ci-après « affaire Tele 2 »): « En effet, exclure de la notion d''intermédiaire', au sens de l'article 8, 3., de cette directive, un fournisseur d'accès, seul détenteur des données permettant d'identifier les utilisateurs ayant porté atteinte à ces droits, diminuerait substantiellement la protection voulue par ladite directive. Compte tenu de ce qui précède, il convient de répondre à la première question qu'un fournisseur d'accès, qui se limite à procurer aux utilisateurs l'accès à Internet, sans proposer d'autres services tels que, notamment, des services de courrier électronique, de téléchargement ou de partage des fichiers, ni exercer un contrôle de droit ou de fait sur le service utilisé, doit être considéré comme un 'intermédiaire' au sens de l'article 8, 3., de la directive n° 2001/29. » (§ 45-46). |
[140] | Sur ce point, la Commission européenne considère que: « Injunctions against intermediaries are not intended as a penalty against them, but are simply based on the fact that such intermediaries (e.g. Internet service providers) are in certain cases in the best position to stop or to prevent an infringement ». Voy. le document rendu par la Commission européenne « Analysis of the application of Directive 2004/48/EC of the European Parliament and the Council of 29 April 2004 on the enforcement of intellectual property rights in the Member States », SEC(2010) 1589 final, 22 décembre 2010, p. 16. |
[141] | Cf. Comm. Bruxelles (cess.), 26 septembre 2012, A.R. 2011/264. Dans cette décision, l'interprétation large de la notion d'intermédiaire a été reconnue: « Deze ruime interpretatie brengt met zich mee dat een stakingsbevel kan worden uitgevaardigd tegen tussenpersonen zelfs indien zij zelf geen merkinbreuk plegen en/of zelfs geen teken in het economisch verkeer gebruiken, evenals bij het gemis van een moreel bestanddeel omtrent de vermeende inbreuk op de intellectuele eigendomsrechten van de rechthebbende. Het betreft een autonome rechtsvordering die kan worden ingesteld tegen de tussenpersoon ook wanneer deze schuldig noch aansprakelijk is voor de inbreuk. » |
[142] | Voy. le considérant 45 de la directive n° 2000/31. |
[143] | Sur ce point, la Commission européenne écrit que « cela implique que même les intermédiaires qui n'ont aucun lien contractuel ni aucune relation avec le contrevenant sont soumis aux dispositions prévues par la directive »; voy. le rapport de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des Régions, « Application de la directive 2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle », SEC(2010) 1589 final, 22 décembre 2010, p. 6. L. Pechan et M. Schneider citent ainsi l'exemple des agents de douane qui peuvent être impliqués dans le processus de déclaration des biens contrefaisants. Voy. L. Pechan et M. Schneider, o.c., p. 354. |
[144] | C.J.U.E., 24 novembre 2011, C-70/10, Scarlet / Sabam (ci-après « affaire Scarlet »); C.J.U.E., affaire eBay et C.J.U.E., 16 février 2012, C-360/10, Sabam / Netlog (ci-après « affaire Netlog »). |
[145] | Voy. not. sur cette question l'arrêt eBay de la Cour de justice, § 128 - 130: « Pour cette raison, le terme 'injonction' utilisé à l'article 11, troisième phrase, de la directive n° 2004/48, ne saurait être assimilé aux termes 'injonction visant à interdire la poursuite de [l']atteinte' figurant dans la première phrase du même article. » |
[146] | Pour reprendre les termes de l'art. 2.22.6 de la CBPI. Il convient cependant de noter, à la suite de B. Michaux que « la convergence nous paraît claire entre la cessation des services et la cessation des atteintes »; B. Michaux, o.c., p. 274. Voy. égal. le considérant 59 de la directive n° 2001/29. |
[147] | Affaire eBay, § 131 et s. Voy. égal. sur cette question les développements de l'avocat général aux points 180-182 de ses conclusions ainsi que le considérant 45 de la directive n° 2000/31. |
[148] | Prés. Comm. Anvers, 17 novembre 2008, I.R.D.I., 2009, p. 196. |
[149] | Affaire eBay, § 139. La Cour de justice y fait une référence expresse dans son arrêt Scarlet, § 36. |
[150] | Sur la question de l'efficacité des mesures, voy. l'arrêt rendu par la cour d'appel de La Haye refusant d'ordonner des mesures de blocage du site Internet Pirate Bay en raison du manque d'effectivité de ces mesures: Gerechtshof Den Haag, 28 janvier 2014, affaire n° 200.105.418-01, disponible sur www.uitspraken.rechtspraak.nl. |
[151] | Voy. sur ce point l'arrêt de la Cour de cassation du 22 octobre 2013 précité. Dans l'affaire UPC Telekabel, l'avocat général considère qu'il s'agit même d'une exigence: « Il n'est pas conforme à la nécessaire mise en balance des droits fondamentaux des parties concernées, dans le cadre de l'article 8, 3., de la directive n° 2001/29, d'interdire au fournisseur d'accès dans des termes très généraux et sans prescription de mesures concrètes d'accorder à ses clients l'accès à un site Internet précis qui porterait atteinte au droit d'auteur. Cela vaut également lorsque le fournisseur d'accès peut échapper aux astreintes visant à réprimer la violation de cette interdiction en prouvant qu'il a pris toutes les mesures raisonnables afin de se conformer à l'interdiction en question. », conclusions de l'avocat général du 26 novembre 2013, C-314/12, UPC Telekabel,. |
[152] | Affaire Scarlet, § 40. Voy. égal. affaire Netlog, § 38. |
[153] | Affaire eBay, § 139: « Par ailleurs, une telle obligation de surveillance générale serait incompatible avec l'article 3 de la directive n° 2004/48, qui énonce que les mesures visées par cette directive doivent être équitables et proportionnées et ne doivent pas être excessivement coûteuses. » |
[154] | Affaire eBay, § 140. Sur ce point, voy. égal. les conclusions de l'avocat général. |
[155] | Demeure cependant la question de savoir si pareille mesure passerait le test des droits fondamentaux, au premier rang duquel, la liberté d'expression; cf. infra. |
[156] | Affaire eBay, § 141. |
[157] | Art. 8 de la convention européenne des droits de l'homme. Art. 7 (vie privée) et 8 (protection des données) de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. |
[158] | Art. 10 de la convention européenne des droits de l'homme. Art. 11 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. |
[159] | Art. 16 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. |
[160] | Affaire Scarlet, § 48. Voy. cependant les conclusions de l'avocat général dans l'affaire UPC Telekabel précitée: « Le fait d'ordonner à un fournisseur d'accès de prendre une mesure de blocage concrète, au titre de l'article 8, 3., de la directive n° 2001/29, à l'encontre d'un site Internet déterminé, n'est pas, en principe, disproportionné du simple fait que cette mesure requiert des moyens non négligeables, mais peut facilement être contournée sans connaissances techniques spécifiques. Il incombe aux juridictions nationales de mettre en balance, dans chaque cas concret et en tenant compte de toutes les circonstances pertinentes de l'espèce, les différents droits fondamentaux des parties concernées et de garantir un juste équilibre entre ces droits fondamentaux. » |
[161] | Affaire Red Bull, § 35. |
[162] | Sur ce point voy. les contributions de P.-F. Docquir et A. Strowel, in C. Doutrelepont, F. Dubuisson et A. Strowel (dirs.), Le téléchargement d'oeuvres sur Internet - Perspectives en droits belge, français, européen et international, Larcier, 2012. |
[163] | Affaire eBay, § 142. |
[164] | Cette question est inséparable de celle de droit d'accès à Internet. Sur cette question, voy. P.-F. Docquir, « Internet, les raisons d'un droit d'accès », in C. Doutrelepont, F. Dubuisson et A. Strowel (dirs.), Le téléchargement d'oeuvres sur Internet - Perspectives en droits belge, français, européen et international, Larcier, 2012, pp. 349 et s. |
[165] | Affaire Scarlet, § 52. |
[166] | Anvers, 26 septembre 2011, Pirate Bay, 2011/8314. Selon la cour: « Het hof is van oordeel dat de 'DNS-blocking' met betrekking tot de door appellante opgegeven websites de meest aanvaardbare oplossing is. Door deze techniek wordt de link tussen het IP-adres van de website en de domeinnaam van deze site op DNS-niveau gewijzigd zodat de klanten die de domainnaam in hun browser intikken niet meer op de gezochte website terechtkomen. Door de 'IP-blocking' worden alle websites die achter het IP-adres schuilen geblokkeerd, ook de legale. Deze laatste techniek heeft ongewenste effecten voor derden. Het risico dat de 'IP-blocking' leidt tot blokkeren van legitieme informatie (op websites die op hetzelfde IP-adres geherbergd staan) is dus groter dan bij 'DNS-blocking'. Bovendien is de nodige tijd en investering nodig om een IP-blokkeringssysteem te ontwikkelen. » |
[167] | E. Montero, « Le domaine de l'Internet - Réflexions autour de quelques affaires emblématiques », o.c., p. 221. |
[168] | Ainsi, la Cour eur. D. H. a récemment été saisie par certaines personnes impliquées dans l'organisation et le développement du site Pirate Bay (Cour eur. D. H., 19 février 2013, requête n° 40397/12, F. Neij and P. Sunde Kolmisoppi / Sweden). Ces personnes avaient été condamnées au pénal en Suède pour complicité de contrefaçon. Elles plaidaient que pareille condamnation contrevenait à leur liberté d'expression et qu'elles s'étaient limitées en l'espèce à mettre à disposition d'autres personnes des moyens leur permettant de recevoir et de partager des informations. De leur point de vue, l'art. 10 de la C.E.D.H. protège le droit de mettre en place un service sur Internet, que l'usage qui est en fait soit légal ou illégal, sans que les personnes responsables de la mise en place de ce service ne puissent être condamnées pour l'usage illégal qui est fait de ce service par d'autres personnes. La Cour eur. D. H. a reconnu qu'il y avait bien en l'espèce une ingérence à l'art. 10 de la C.E.D.H. mais que cette ingérence était prévue par la loi, poursuivait un but légitime et était nécessaire dans une société démocratique. |
[169] | Cour eur. D. H., 18 décembre 2012, requête 3111/10, Ahmet Yildirim / Turquie. |
[170] | Comme le note le juge Pinto De Albuquerque dans son opinion concordante: « Toute mesure de blocage 'aveugle' affectant de manière collatérale des contenus, un site ou une plate-forme illicite ne répond pas en soi au principe de nécessité en ce qu'il manque un 'lien rationnel', c'est-à-dire une relation instrumentale plausible entre l'ingérence et le besoin social poursuivi. » |
[171] | La Cour conclut en effet à l'existence d'une ingérence au droit protégé par l'art. 10 de la C.E.D.H. sans toutefois que pareille ingérence soit prévue par la loi. En effet, la Cour soulève que « il n'a pas été avancé que la loi autorise le blocage de l'ensemble d'un domaine Internet permettant d'échanger des idées et des informations, tel que Google Sites. De surcroît, rien dans le dossier ne permet de conclure que Google Sites ait été informé (…) qu'il hébergeait un contenu illicite ni qu'il ait refusé de se conformer à une mesure provisoire concernant un site à l'encontre duquel une procédure pénale avait été engagée. (…) la Cour observe que rien ne montre que les juges saisis de l'opposition aient cherché à soupeser les divers intérêts en présence en appréciant notamment la nécessité d'un blocage total de l'accès à Google Sites. Aux yeux de la Cour, ce défaut n'est qu'une conséquence de la teneur même de l'article 8 de la loi n° 5651, qui ne renfermait aucune obligation pour les juges internes d'examiner la nécessité d'un blocage total de l'accès à Google Sites et ce, tenant compte des critères énoncés et mis en oeuvre par la Cour dans le cadre de l'article 10 de la convention » (§ 62 et 66). |
[172] | Opinion concordante du juge Pinto De Albuquerque, rendue dans le cadre de l'affaire Cour eur. D. H., 18 décembre 2012, requête 3111/10, Ahmet Yildirim / Turquie. |
[173] | Ainsi, les différents critères « minimaux à remplir par une législation concernant des mesures de blocage de l'Internet pour être compatible avec la convention sont les suivants: 1) une définition des catégories de personnes et d'institutions susceptibles de voir leurs publications bloquées, telles que les propriétaires nationaux ou étrangers de contenus, sites ou plates-formes illicites, les utilisateurs de ces sites ou plates-formes ou ceux qui mettent en place des hyperliens vers des sites ou plates-formes illicites et qui en souscrivent au contenu; 2) une définition des catégories d'ordonnances de blocage, par exemple celles qui visent le blocage de sites, d'adresses IP, de ports, de protocoles réseaux, ou le blocage de types d'utilisation, comme les réseaux sociaux; 3) une disposition sur le champ d'application territoriale de l'ordonnance de blocage, qui peut avoir une portée régionale, nationale, voire mondiale; 4) une limite à la durée d'une telle ordonnance de blocage; 5) l'indication des 'intérêts', au sens de ceux qui sont exposés à l'article 10, 2., de la convention, qui peuvent justifier une ordonnance de blocage; 6) l'observation d'un critère de proportionnalité, qui prévoit un juste équilibre entre la liberté d'expression et les intérêts concurrents poursuivis, tout en assurant le respect de l'essence (ou du noyau dur) de la liberté d'expression; 7) le respect du principe de nécessité, qui permet d'apprécier si l'ingérence dans la liberté d'expression promeut de façon adéquate les intérêts poursuivis et ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour réaliser ledit 'besoin social'; 8) la détermination des autorités compétentes pour émettre une ordonnance de blocage motivée; 9) une procédure à suivre pour l'émission de cette ordonnance, comprenant l'examen par l'autorité compétente du dossier à l'appui de la demande d'ordonnance et l'audition de la personne ou institution lésée, sauf si cette audition est impossible ou se heurte aux 'intérêts' poursuivis; 10) la notification de l'ordonnance de blocage et de sa motivation à la personne ou à l'institution lésée; et 11) une procédure de recours de nature judiciaire contre l'ordonnance de blocage ». |
[174] | Par exemple la loi allemande sur les marques ainsi que l'art. 13bis, (5), de la loi uniforme Benelux. |
[175] | Art. 8 de la directive n° 2004/48. Cette disposition a été transposée à l'art. 86ter, § 3, de la LDA et à l'art. 2.22.4 et 2.22.5 de la CBPI. |
[176] | Sur cette question, V. Fossoul, « The right of information: an illustration of the conflict between data protection and the enforcement of intellectual property rights », B.M.M. Bull., 2013, p. 11. |
[177] | A savoir, la directive n° 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 24 octobre 1995 relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (« la directive n° 95/46 »), la directive n° 2002/58/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 juillet 2002 concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des communications électroniques (directive « vie privée et communications électroniques ») (« la directive n° 2002/58 ») et directive n° 2006/24/CE du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006 sur la conservation de données générées ou traitées dans le cadre de la fourniture de services de communications électroniques accessibles au public ou de réseaux publics de communications, et modifiant la directive n° 2002/58/CE (« la directive n° 2006/24 »). A noter que le cadre européen de la protection des données connaît actuellement un processus de modernisation; une proposition de règlement vise à remplacer la directive n° 95/46. |
[178] | Art. 8 de la convention européenne des droits de l'homme. Art. 7 (vie privée) et 8 (protection des données) de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. |
[179] | Une question préjudicielle concernant la confrontation entre le droit d'information et le secret bancaire a été récemment posée à la Cour de justice. Question préjudicielle dans l'affaire C-580/13, Coty / Stadtsparkasse. La question préjudicielle est la suivante: « Convient-il d'interpréter l'article 8, 3., sous e), de la directive n° 2004/48/CE en ce sens que cette disposition s'oppose à une réglementation nationale qui, dans un cas tel que celui en cause en l'espèce, autorise un établissement bancaire à exciper du secret bancaire pour refuser de fournir, dans le cadre de l'article 8, 1., sous c), de ladite directive, des informations sur le nom et l'adresse du titulaire d'un compte? ». |
[180] | Affaires Promusicae, Tele 2 et Scarlet; C.J.U.E., 19 avril 2012, C-461/10, Bonnier Audio AB / Perfect Communication Sweden AB (ci-après « affaire Bonnier »). |
[181] | C.J.U.E., 29 janvier 2008, C-275/06, Promusicae / Telefonica (« affaire Promusicae »). Cela était également le cas dans l'affaire Tele 2. |
[182] | Affaire Bonnier. |
[183] | CEPD, « Avis du contrôleur européen de la protection des données sur la proposition de décision du Conseil relative à la conclusion de l'accord commercial anti-contrefaçon entre l'Union européenne et ses Etats membres, l'Australie, le Canada, la République de Corée, les Etats-Unis d'Amérique, le Japon, le Royaume du Maroc, les Etats-Unis mexicains, la Nouvelle-Zélande, la République de Singapour et la Confédération suisse », 24 avril 2012, points 46-47. Sur le problème posé par l'ACTA sur ce point: O. Vrins, « The impact of ACTA on the EU acquis and civil liberties », in European Parliament, Directorate-General for external policies of the Union, The anti-counterfeiting Trade Agreement (ACTA), March 12, n° 66. |
[184] | Voy. la décision citée par F. Bourguet, « Droit d'information - Le bilan de deux ans d'application », Prop. intell., 2010, n° 35, p. 688. |
[185] | Moyennant toutefois que cette personne soit impliquée dans le processus de distribution des marchandises ou services contrefaisants. Chambre de commerce et d'industrie de Paris, J. Frantz, « Réponse de la CCIP à la consultation de la Commission européenne sur l'application de la directive du 29 avril 2004 », 31 Mars 2011, p. 16: « Pour lui conférer une plus grande efficacité, le droit d'information devrait être étendu à tous les maillons du réseau de distribution. Là encore, l'adverbe 'notamment' pourrait opportunément être inséré au sein de l'article 8, 1., de la directive. » |
[186] | Cass. fr. (comm.), 13 décembre 2011, Ref n° 10-28088. |
[187] | Lyon, 7 octobre 2010, R.G. 10/04507: « L'article 8, 2., b), de la directive et l'article L. 716-7-1 du Code de la propriété intellectuelle, qui en reprend les termes, répondent à ce souci et ne sauraient en conséquence s'analyser, ni en leur rédaction même, ni au regard des principes qui les inspirent, comme bornant la compétence de la juridiction saisie aux seules informations concernant l'origine et les réseaux de distribution, à l'exclusion des éléments relatifs à l'évaluation du préjudice. » |
[188] | Commission européenne, « Analysis of the application of Directive 2004/48/EC of the European Parliament and the Council of 29 April 2004 on the enforcement of intellectual property rights in the Member States », SEC (2010) 1589 final, 22 December 2010, p. 11. |
[189] | Cette affaire a été rendue en matière notamment de marques mais la base légale de la demande n'est pas indiquée dans la décision publiée. Comm. Bruxelles (cess.), 4 mars 2009, Prat. Comm. Conc., 2009, pp. 683 et s. |
[190] | Liège, 16 mai 2013, inédit, 2012/RG/1366, pp. 10-11. |
[191] | Voy. le jugement du 26 janvier 2010 du TGI de Grasse cité par F. Bourguet, « Droit d'information - Le bilan de deux ans d'application », Prop. intell., 2010, n° 35, p. 688. |
[192] | Sur ce point, voy. les conclusions de l'avocat général Jääskinen rendues le 17 novembre 2001 dans l'affaire C-461/10, § 60-61: « Pour qu'une divulgation des données à caractère personnel soit possible, le droit de l'Union exige qu'une obligation de conservation soit prévue par la législation nationale, afin de préciser les catégories de données à conserver, la finalité de conservation, la durée de la conservation et les personnes qui peuvent y avoir accès. Il serait contraire aux principes de la protection des données à caractère personnel de faire usage des bases de données qui existent à d'autres fins que celles ainsi définies par le législateur. Par conséquent, pour que la conservation et la transmission de données à caractère personnel soient compatibles avec l'article 15 de la directive n° 2002/58, dans une situation telle que celle décrite dans l'affaire au principal, la législation nationale doit prévoir, au préalable et d'une manière détaillée, les limitations, introduites par voie législative, à la portée des droits et des obligations prévus aux articles 5, 6, 8, 1. à 4., et 9 de ladite directive. Une limitation ainsi établie doit constituer une mesure nécessaire, appropriée et proportionnée. Or, une obligation de divulgation, imposée au fournisseur d'accès à Internet et portant sur des données à caractère personnel conservées à une autre fin, ne suffit pas à satisfaire à ces exigences. » |
[193] | Art. 6 de la directive n° 2002/58. |
[194] | Voy. art. 15 de la directive n° 2002/58 et directive n° 2006/24. |
[195] | La situation est bien résumée par le CEPD (contrôleur européen de la protection des données - autorité de contrôle indépendante dont l'objectif est de protéger les données à caractère personnel et la vie privée et de promouvoir les bonnes pratiques dans les institutions et organes de l'UE) dans sa première opinion sur l'ACTA (ou « Accord Commercial Anti-Contrefaçon (ACAC) », accord négocié entre plusieurs pays dont ceux de l'Union européenne et les Etats-Unis. Le Parlement européen a rejeté le traité en séance plénière du 4 juillet 2012); voy. CEPD, « Avis du contrôleur européen de la protection des données sur les négociations en cours au sein de l'Union européenne pour un accord commercial anti-contrefaçon (ACAC) », 2010/C 147/01, 22 février 2010, § 59 et 60. Voy. égal. Z. Hecko, « Data retention by internet service providers for IP rights protection: Bonnier Audio (C-461/10) », JIPLP, 2012, No. 6, p. 449. |
[196] | Doc. parl., 51-2943/001 et 51-2944/001 du 26 février 2007, p. 33: « Il faut donc déduire de cet objectif, des termes de l'article 8 de la directive et de l'économie générale de la directive que le juge doit préalablement constater l'atteinte au droit de propriété intellectuelle avant d'ordonner la fourniture d'informations. (…) Si une autre interprétation de l'article 8 de la directive était soutenue, il y aurait un glissement du droit de l'information vers le droit de la preuve et une confusion entre ces deux types de règles. » Il y a cependant lieu de noter que le Conseil d'Etat n'était pas de cet avis (voy. égal. B. Michaux et E. De Gryse, « De handhaving van intellectuele rechten reorganiseerd », R.D.C., 2007, p. 639). |
[197] | Affaire Bonnier, § 58. |
[198] | Ce point de vue semble partagé par le CEPD dans sa première opinion sur l'ACTA; voy. CEPD, « Avis du contrôleur européen de la protection des données sur les négociations en cours au sein de l'Union européenne pour un accord commercial anti-contrefaçon (ACAC) », 2010/C 147/01, 22 février 2010, § 44. |
[199] | Cass. fr. (comm.), 13 décembre 2011, Ref n° 10-28088: « Mais attendu, en premier lieu, que les dispositions de l'article L. 716-7-1 du Code de la propriété intellectuelle permettent au juge de la mise en état d'ordonner les mesures qu'il prévoit, avant toute décision sur la matérialité de la contrefaçon. » |
[200] | A ne pas confondre avec les activités prestées par les intermédiaires qui doivent l'être à l'échelle commerciale également. Voy. sur ce point l'affaire DNS.be. Dans cette affaire, le juge des cessations a de manière étonnante considéré que DNS.be ne fournissait pas des services à échelle commerciale s'agissant d'une ASBL. Civ. Bruxelles (cess.), 9 août 2013, inédit, 13/30076, p. 23. |
[201] | Lequel énonce que: « Les mesures prévues à l'article 6, 2., à l'article 8, 1., et à l'article 9, 2., ne doivent s'appliquer qu'à des actes perpétrés à l'échelle commerciale, sans préjudice de la possibilité qu'ont les Etats membres d'appliquer également ces mesures à d'autres actes. Les actes perpétrés à l'échelle commerciale sont ceux qui sont perpétrés en vue d'obtenir un avantage économique ou commercial direct ou indirect, ce qui exclut normalement les actes qui sont perpétrés par des consommateurs finaux agissant de bonne foi. » |
[202] | CEPD, « Avis du contrôleur européen de la protection des données sur les négociations en cours au sein de l'Union européenne pour un accord commercial anti-contrefaçon (ACAC) », 2010/C 147/01, 22 février 2010, § 44. |
[203] | Commission européenne, SEC (2010) 1589 final, 22 décembre 2010, p. 11: « Some Member States seem to provide for the right of information only in cases of infringements committed on a commercial scale. The other Member States have moved beyond the Directive and provide for the right of information for all infringements. At least in one of these Member States, this solution was chosen because the legislator wanted to avoid the problems related to the interpretation of the commercial scale criterion. In some Member States (it appears that when the information request is directed towards a third party, the commercial scale requirement is applied but such requirement is not imposed in case the information is requested from the alleged infringer. » |