Article

Cour d'appel Bruxelles, 14/11/2012, R.D.C.-T.B.H., 2014/4, p. 371-372

Cour d'appel de Bruxelles 14 novembre 2012

INTERMEDIAIRES COMMERCIAUX
Agent commercial - Prescription - Créance affectée d'un terme ou d'une condition
Lorsqu'une action naissant d'un contrat d'agence commerciale est affectée d'un terme ou d'une condition suspensive, et que ce terme n'échoit ou que cette condition ne se réalise qu'après la cessation du contrat, le délai d'un an prévu par l'article 26 de la loi du 13 avril 1995 relative au contrat d'agence commerciale ne commence à courir qu'à l'échéance de ce terme ou lors de la réalisation de cette condition.
TUSSENPERSONEN (HANDEL)
Handelsagentuur - Verjaring - Vordering onderworpen aan een termijn of een voorwaarde
Als een vordering voortvloeiend uit een handelsagentuurovereenkomst onderworpen is aan een termijn of een opschortende voorwaarde en deze termijn of deze voorwaarde pas optreedt na de beëindiging van de overeenkomst, begint de verjaringstermijn van één jaar, voorzien in artikel 26 van de wet van 13 april 1995, pas te lopen na het verstrijken van deze termijn of de vervulling van deze voorwaarde.

SPRL Lanim / SA Aon Belgium

Siég.: H. Mackelbert, M.-F. Carlier (conseillers) et Y. Herinckx (conseiller suppléant)
Pl.: Mes F. des Cressonnières et S. Willemart, P.-F. Delneste
I. Décision entreprise

L'appel est dirigé contre le jugement prononcé le 17 mars 2009 par le tribunal de commerce de Bruxelles.

Les parties ne produisent pas d'acte de signification de ce jugement.

II. Procédure devant la cour

L'appel est formé par requête déposée par la SPRL Lanim au greffe de la cour, le 18 mai 2009.

La procédure est contradictoire.

Il est fait application de l'article 24 de la loi du 15 juin 1935 sur l'emploi des langues en matière judiciaire.

III. Faits et antécédents de la procédure

1. La SA Aon Belgium exerce l'activité de courtage en assurance et réassurance.

Les parties ont conclu le 2 juin 2003 une convention de sous-agence (ci-après la « convention »), prévoyant que Lanim s'occuperait d'introduire des clients auprès d'Aon Belgium et de gérer le suivi commercial des relations avec ces clients. La convention a pris fin de commun accord le 31 mai 2006. A partir du 1er juin 2006, la gérante de Ladin, madame N., a été engagée comme employée par Aon Belgium.

La convention prévoit, outre le paiement de commissions de 15% sur le chiffre d'affaires des contrats apportés ou gérés par Lanim (art. 3), le paiement à Lanim d'un bonus annuel (« incentive ») selon les termes suivants (art. 5):

En cas de réalisation de nouvelles affaires Aon Belgium SA prévoit l'incentive suivant:

un one shot de 40% de la commission total [sic] nette de rétrocession (y compris international dû à Aon Belgium) payable le 30 juin de l'année qui suit l'année de comptabilisation à 100% de l'affaire. L'incentive de 40% ne porte que sur le NewNew et le New, c'est-à-dire soit une nouvelle branche chez un nouveau client soit une nouvelle branche chez un client existant, soit rachat de société par un client maison mère (repris dans un même contrat) mais en aucun cas sur de « l'increase » c'est-à-dire sur le développement d'un chiffre d'affaires existant pour un contrat ou une branche existante et ce pour autant que le chiffre d'affaires final en fin d'année soit en progression hors « increase ».

2. Le litige porte sur le bonus relatif au chiffre d'affaires de 2006. Lanim réclame le paiement d'un bonus de 32.066,41 EUR. Aon Belgium refuse de payer ce bonus parce que, d'une part, la demande serait prescrite en application de l'article 26 de la loi du 13 avril 1995 relative au contrat d'agence commerciale et que, d'autre part, le chiffre d'affaires de 2006 n'aurait pas été en progression par rapport à celui de 2005.

Aon Belgium soutient que le délai de prescription d'un an a commencé à courir dès la cessation de la convention, soit le 31 mai 2006, et a expiré le 31 mai 2007; la citation, qui date du 15 mai 2008, est donc tardive. Lanim soutient au contraire que la prescription n'a commencé à courir que le 30 juin 2007 lors de la concrétisation de la créance potentielle relative au bonus. A titre subsidiaire, Lanim soutient que la prescription a été interrompue par des pourparlers tenus entre les parties en mai 2007.

(...)

3. Le jugement entrepris a déclaré l'action prescrite.

IV. Discussion
§ 1. La prescription

4. Selon les termes de l'article 5 de la convention, le bonus est payable le 30 juin de l'année qui suit l'année de comptabilisation des primes, et n'est dû que si le chiffre d'affaires de l'année est en progression par rapport à celui de l'année précédente.

Le droit au bonus constitue donc une créance affectée d'un terme - le 30 juin de l'année suivante - et d'une condition suspensive - l'augmentation du chiffre d'affaires.

5. La prescription extinctive des créances à terme ou affectées d'une condition suspensive ne court qu'à partir de l'échéance du terme ou de la réalisation de la condition (art. 2257 C. civ.). Ceci s'explique par le motif que « la prescription a pour fonction de sanctionner le créancier qui, par négligence, ne poursuit pas l'exécution de ses créances » (P. Van Ommeslaghe, Droit des obligations, t. III, n° 1196); or la passivité du créancier ne constitue pas une négligence aussi longtemps que le terme n'est pas échu ou que la condition n'est pas réalisée.

Lorsqu'une action naissant d'un contrat d'agence commerciale est affectée d'un terme ou d'une condition suspensive, et que ce terme n'échoit ou que cette condition ne se réalise qu'après la cessation du contrat, le délai d'un an prévu par l'article 26 de la loi du 13 avril 1995 relative au contrat d'agence commerciale ne commence à courir qu'à l'échéance de ce terme ou lors de la réalisation de cette condition.

La même solution est retenue en matière de contrat de travail, et la formulation de l'article 15, alinéa 1er, de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail est identique à celle de l'article 26 de la loi du 13 avril 1995 relative au contrat d'agence commerciale (Cass., 13 novembre 2006, Pas., 2006, I, p. 2323; Cass., 11 décembre 2006, Pas., 2006, I, p. 2625; Cass., 14 mai 2012, S.11.0128.F). Dans la même ligne, le délai de prescription de la créance d'indemnité pour non-respect, après la cessation du contrat, d'une clause de non-concurrence figurant dans un contrat d'agence commerciale ne commence à courir qu'à partir du moment où l'obligation de non-concurrence prend fin (Cass., 18 mai 2006, Pas., 2006, I, p. 1156, et concl. Av. gén. Dubrulle publiées dans Arr. Cass., 2006, n° 280). En ce qui concerne des commissions dues après la fin d'un contrat d'agence commerciale, le délai d'un an court à partir de la naissance du droit à la commission réclamée (Anvers, 21 mars 2005, R.G. 2002/2592, inédit, cité par K. Van Den Broeck, « Actualia Handelsagentuur » in Collection Actualia Handelstussenpersonen, p. 121, n° 57).

6. En l'espèce, le délai d'un an n'a donc commencé à courir que le 30 juin 2007. L'action a été introduite par citation du 15 mai 2008 et n'est pas prescrite.

(...)