Article

Cour d'appel Liège, 13/12/2012, R.D.C.-T.B.H., 2014/1, p. 91-92

Cour d'appel de Liège 13 décembre 2012

DROIT JUDICIAIRE EUROPEEN ET INTERNATIONAL
Compétence et exécution - Compétence judiciaire, reconnaissance et exécution des décisions en matière civile et commerciale - Règlement (CE) n° 44/2001 - Article 5, 1., du règlement - Article 5, 3., du règlement - Article 2 du règlement - Paiement indu
La compétence des juridictions belges pour connaître d'une demande en restitution d'un paiement indu ne peut être basée sur les articles 5, 1., et 5, 3., du règlement (CE) n° 44/2001. L'article 2 dudit règlement trouve à s'appliquer à cette demande.
EUROPEES EN INTERNATIONAAL GERECHTELIJK RECHT
Bevoegdheid en tenuitvoerlegging - Rechterlijke bevoegdheid, erkenning en tenuitvoerlegging van beslissingen in burgerlijke en handelszaken - Verordening (EG) nr. 44/2011 - Artikel 5, 1. verordening - Artikel 5, 3. verordening - Artikel 2 verordening - Onverschuldigde betaling
De bevoegdheid van de Belgische rechtbanken om kennis te nemen van een vordering tot teruggave van een onverschuldigde betaling kan niet gebaseerd worden op de artikelen 5, 1. en 5, 3. van verordening (EG) nr. 44/2001. Artikel 2 van deze verordening is van toepassing op deze vordering.

SPRL Distribution Mit Logistique Liège / SA de droit luxembourgeois TPH LUX

Siég.: M. Ligot (président), A. Manka et Th. Lambert (conseillers)

Vu la requête du 23 mars 2012 par laquelle la SPRL Distribution Mit Logistique Liège (ci-après DMLL) interjette appel du jugement rendu le 20 février 2012 par le tribunal de commerce de Liège.

Antécédents et objet des appels

L'objet du litige et les circonstances de la cause ont été correctement relatés par les premiers juges dans le jugement entrepris, à l'exposé desquels la cour se réfère.

Par citation du 23 mars 2011, la SPRL DMLL a assigné la SA de droit luxembourgeois TPH LUX devant le tribunal de commerce de Liège au motif qu'elle lui aurait versé en trop une somme de 9.979 EUR dont elle lui réclame le remboursement à majorer des intérêts légaux depuis le 31 décembre 2008 ou, à tout le moins, depuis le 15 avril 2010.

Devant les premiers juges, la SA TPH LUX a soulevé in limine litis un déclinatoire de juridiction auquel la décision a quo a fait droit, la SPRL DMLL étant condamnée aux dépens liquidés à 990 EUR.

La SPRL DMLL postule la réformation du jugement entrepris et réitère sa demande originaire. Elle liquide ses dépens des deux instances à 2.998,22 EUR.

La SA TPH LUX conclut à la confirmation de la décision entreprise et à titre subsidiaire, au non-fondement de la demande de la SPRL DMLL. Elle liquide ses dépens d'appel à 990 EUR. A titre encore plus subsidiaire, elle sollicite d'être autorisée à prouver par témoins la consistance des conventions intervenues entre parties à l'origine de leur relation d'affaires.

Discussion

A l'audience du 15 novembre 2012, les parties ont convenu que sur le fond, le litige doit être tranché par application de la loi belge.

La SA TPH LUX a effectué des transports de marchandises en Belgique pour compte de la SPRL DMLL. Elle a facturé les prestations qu'elle a effectuées de mars à décembre 2008. Ses conditions générales ne contiennent pas de clause d'élection de for.

En mars et mai 2008, la SPRL DMLL a effectué deux versements de 5.000 EUR en faveur de la SA TPH LUX. Elle soutient qu'il s'agissait d'acomptes sur les factures de la SA TPH LUX, alors que selon cette dernière ces sommes ont été payées dans le cadre de la reprise des activités de transport de marchandises de la SPRL DMLL par la SA TPH LUX.

La SPRL DMLL prétend ainsi qu'elle a versé 9.979 EUR en trop à la SA TPH LUX.

La SPRL DMLL prétend agir en répétition de l'indu « qui découle de la relation contractuelle entre les parties (...) sans être toutefois une forme d'exécution de ce contrat (...); ces paiements indus ne constituent dès lors qu'un fait juridique situé en dehors de la sphère contractuelle (...); l'obligation (...) de restituer (...) est une obligation non contractuelle. (Dès lors), le tribunal de commerce de Liège était compétent pour connaître de la cause en vertu de l'article 5, 3., du règlement 44/2001 qui prévoit en matière non contractuelle que la juridiction compétente pour connaître de ce type de demande est celle du lieu où le fait dont résulte cette obligation est survenu » (dernières conclusions de l'appelante, pp. 4 et 5).

La SPRL DMLL fonde donc sa demande sur l'existence d'un paiement indu en faveur de la SA TPH LUX. Elle précise que « L'objet du litige n'est (...) pas une obligation née des contrats mais une obligation née à l'occasion des contrats. » (ses dernières conclusions, p. 7). Elle serait dès lors en droit d'exiger le remboursement du trop-perçu puisque conformément à l'article 1376 du Code civil « Celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû, s'oblige à le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu. »

Le paiement indu appartient à la catégorie des quasi-contrats qui sont définis aux articles 1371 à 1381 du Code civil. Ce sont « les faits purement volontaires de l'homme, dont il résulte un engagement quelconque envers un tiers, et quelquefois un engagement réciproque des deux parties. » (art. 1371 C. civ.).

« La catégorie des quasi-contrats regroupe un ensemble de situations où, en dehors de toute convention, une personne reçoit un avantage d'une autre personne qui n'avait aucune obligation à l'égard de la première. Si les quasi-contrats s'apparentent aux contrats sur le plan de leurs effets de droit, ils s'en distinguent ainsi par leur origine car les droits et obligations auxquels ils donnent naissance ont pour source un fait volontaire d'une personne et non un accord de volontés. (...)

Les quasi-contrats se distinguent également des délits et des quasi-délits. Les quasi-contrats naissent en effet d'un fait volontaire licite et profitable, alors que les délits et les quasi-délits résultent d'un fait fautif, tantôt volontaire tantôt involontaire, et dommageable. Ces trois figures se ressemblent cependant dès lors que ce sont des faits juridiques, et qu'ils connaissent par conséquent le même régime probatoire, la preuve de leur existence pouvant être rapportée par toutes voies de droit. » (A. Deleu, E. Montero et A. Pütz, Obligations. Traité théorique et pratique: les quasi-contrats, Kluwer, 2009, II. 4.0-1, p. 17).

En conséquence, dès lors que l'obligation de restituer un paiement indu n'est pas de nature contractuelle ni délictuelle ou quasi-délictuelle, la compétence des juridictions belges ne peut être recherchée dans les articles 5, 1., et 5, 3., du règlement (CE) n° 44/2001 qui envisagent d'une part les « matières contractuelles » et d'autre part les « matières délictuelles ou quasi délictuelles ».

C'est le principe général contenu dans l'article 2 dudit règlement qui trouve à s'appliquer selon lequel « Sous réserve des dispositions du présent règlement, les personnes domiciliées sur le territoire d'un Etat membre sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet Etat membre. »

La SA THP LUX dont le siège social est sis Plaakiglei à 9747 Enscherange, Grand-Duché de Luxembourg devait être assignée devant les juridictions grand-ducales et c'est à bon droit que le tribunal de commerce de Liège s'est déclaré incompétent internationalement pour connaître de la demande de la SPRL DMLL.

La même solution devrait être adoptée si le fondement de la demande de la SPRL DMLL était de nature contractuelle en ce qu'elle trouve sa cause dans la relation contractuelle qui s'est nouée entre les parties de mars à décembre 2008.

En effet, l'article 5, 1., a), du règlement (CE) n° 44/2001 énonce qu'« en matière contractuelle, (le défendeur doit être attrait) devant le tribunal du lieu où l'obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée ».

Conformément à l'article 1235 du Code civil qui énonce que « Tout paiement suppose une dette: ce qui a été payé sans être dû, est sujet à répétition » et en vertu du principe de quérabilité des dettes énoncé par l'article 1247, alinéa 2, du Code civil, la SPRL DMLL devait demander l'exécution de cette obligation de paiement au siège social de la SA TPH LUX, au Grand-Duché de Luxembourg.

Par ces motifs,

Vu l'article 24 de la loi du 15 juin 1935.

La cour statuant contradictoirement;

Reçoit l'appel et le dit non fondé;

Confirme le jugement entrepris;

Condamne la SPRL Distribution Mit Logistique Liège aux dépens d'appel liquidés dans le chef de la SA TPH LUX à la somme de 990 EUR.

(...)