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Actualité : Cour de cassation, 04/10/2013, R.D.C.-T.B.H., 2014/1, p. 116-117

Cour de cassation 4 octobre 2013

Affaire: C.12.0072.F
ASSURANCE TERRESTRE
Assurance de responsabilité - Déchéance - Action récursoire


LANDVERZEKERING
Aansprakelijkheidsverzekering - Vervalbeding - Verhaal van de verzekeraar op de verzekerde


Dans le cadre d'un litige opposant un architecte à une entreprise d'assurances, la Cour de cassation aborde la question du lien entre la déchéance du droit de l'assureur d'introduire l'action récursoire contre son assuré en raison d'une notification tardive et le droit pour l'assureur de faire valoir à l'encontre de son assuré la clause de déchéance de la police.

L'architecte était intervenu volontairement dans un litige entre le maitre de l'ouvrage, l'entrepreneur et son sous-traitant. Le rapport de l'expert fait état des manquements de l'architecte dans l'exercice de sa mission et celui-ci cite en garantie son assureur de la responsabilité civile. Le maitre de l'ouvrage étend sa demande à l'encontre de l'assureur, exerçant l'action directe prévue à l'article 86 de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre.

Le contrat excluait de la garantie le sinistre causé par une faute lourde, à savoir le « non-respect conscient des prescriptions réglementaires et légales (notamment en matière de sécurité, de permis de bâtir ou d'environnement) » ou « le fait de construire sans étude de sol préalable appropriée à un endroit où les règles normales de l'art imposent manifestement d'effectuer une étude du sol ».

La cour d'appel de Bruxelles par un arrêt du 10 novembre 2006 rappelle la distinction entre clause d'exclusion et clause de déchéance et considère que les clauses qualifiées d'exclusion au titre de fautes lourdes instaurent non des exclusions mais des déchéances.

De cette qualification en déchéance, la cour d'appel en tire trois conséquences:

- la personne lésée qui intente une action directe (art. 86 de la loi du 25 juin 1992) contre l'assureur tenu dans le cadre d'une assurance obligatoire de la responsabilité civile ne peut se voir opposer les déchéances invoquées par l'assureur (art. 87, § 2, de la loi du 25 juin 1992);

- l'assureur ne peut exercer une action récursoire (art. 88 de la loi du 25 juin 1992) que s'il démontre que l'architecte a effectivement commis une ou des faute(s) lourde(s) mentionnée(s) dans le contrat et que ces manquements graves sont en relation causale certaine avec la survenance des dommages;

- l'architecte assuré qui aurait indemnisé lui-même la victime du dommage peut obtenir de son assureur le remboursement de ses débours (sous déduction de la franchise) dans la mesure où l'assureur ne peut invoquer avec succès une déchéance de sa couverture.

Sur cette base, la cour d'appel permet l'action directe de la victime lésée, constate la faute grave de l'architecte mais rejette l'action récursoire de l'assureur parce que la notification de son intention d'exercer contre son assuré un tel recours n'est intervenue que plus d'un an et demi après la mise en évidence des fautes de son assuré par le rapport de l'expert. L'article 88, alinéa 2, de la loi du 25 juin 1992 prévoit qu'à peine de déchéance de son droit de recours, « l'assureur a l'obligation de notifier au preneur (...) son intention d'exercer un recours aussitôt qu'il a connaissance des faits justifiant cette décision ».

Toutefois, la cour d'appel permet à l'assureur d'invoquer la déchéance de la couverture à l'égard de son assuré mais en écartant une des fautes lourdes, non déterminée expressément et limitativement par le contrat (M. Fontaine, Droit des assurances, 4ème ed., Larcier, 2010, p. 274 et réf. citées; C. Paris, « Actualités en droit des assurances », Recycl. CUP 2008, p. 63).

A cet égard, la cour d'appel considère que « l'exercice tardif de l'action récursoire, sanctionné par le rejet de ce recours, n'implique pas pour autant que l'assureur soit déchu du droit de faire valoir à l'encontre de son assuré la clause de déchéance figurant dans le contrat et de lui refuser la garantie ».

L'architecte introduit son pourvoi en affirmant que la déchéance de l'assureur de son action récursoire en cas de faute lourde de celui-ci pour cause de tardiveté « a nécessairement pour conséquence, sur le fondement [de l'article 88, alinéa 2] et à peine de priver ce texte de tout effet utile lorsque l'assuré s'est exécuté en faveur de la victime qu'il a personnellement indemnisée, soit volontairement, soit à la suite d'une condamnation judicaire, que l'assuré est en droit, malgré sa faute lourde, de faire appel à la garantie de son assureur ».

Tout comme la cour d'appel, la Cour de cassation rejette l'automatisme proposé entre déchéance de l'action récursoire pour tardiveté et maintien du droit de faire appel à la garantie malgré la faute lourde.

La Cour de cassation précise qu'« il ne résulte pas de [l'article 88, alinéa 2] que la déchéance du droit de l'assureur d'introduire l'action récursoire contre son assuré lorsqu'il tarde à notifier à l'assuré son intention d'exercer un recours aussitôt qu'il a connaissance des faits justifiant sa décision, entraîne le droit pour l'assuré, malgré sa faute lourde, de faire appel à la garantie de son assureur ».