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Actualité : Cour de cassation, 16/09/2013, R.D.C.-T.B.H., 2014/1, p. 116

Cour de cassation 16 septembre 2013

Affaire: C.12.0032.F
ASSURANCE TERRESTRE
Assurances de personnes - Egalité de traitement entre hommes et femmes - Discrimination fondée sur le sexe - Application dans le temps


LANDVERZEKERING
Personenverzekering - Gelijke behandeling mannen en vrouwen - Discriminatie gegrond op het geslacht - Toepassing in tijd


Par son arrêt du 16 septembre 2013, la Cour de cassation se prononce sur l'application dans le temps de la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre la discrimination entre les femmes et les hommes.

La cour d'appel de Mons avait constaté la nullité pour contrariété à l'article 12 de la loi du 10 mai 2007 d'une clause d'un contrat d'assurances groupe de type invalidité selon laquelle « les prestations sont payables au plus tard jusqu'au mois du soixantième anniversaire d'un assuré féminin ou jusqu'au mois du soixante-cinquième anniversaire d'un assuré masculin ».

L'article 12 de la loi du 10 mai 2007 dispose que, dans les matières visées à l'article 6, § 1, 4°, soit les régimes complémentaires de sécurité sociale, et sans préjudice du paragraphe 2 de cet article (distinctions fondées sur l'espérance de vie) et des articles 16 (mesures d'action positive), 17 (grossesse et maternité) et 18 (distinction imposée par la loi), une distinction directe fondée sur le sexe constitue une discrimination directe.

Dans le cadre de la procédure d'appel, l'assureur avait exposé qu'il s'agissait d'une distinction fondée sur l'âge qui ne constituait pas une discrimination puisqu'elle ne traduisait pas une discrimination fondée sur le sexe mais reflétait la durée de la carrière des femmes salariées.

Il ressort de l'arrêt de la Cour de cassation que la cour d'appel a rejeté l'argument en considérant qu'en l'espèce il y avait bien une discrimination fondée sur le sexe puisque la clause litigieuse du contrat imposait un âge limite différent selon que l'assuré est un homme ou une femme et ce, même si « derrière cette discrimination fondée sur le sexe, la distinction fondée sur l'âge repose sur un élément tel que la durée de la carrière des femmes salariées ».

En l'espèce, le critère du sexe a joué le rôle de « critère de remplacement » d'un autre facteur (la durée de la carrière) difficilement contrôlable et sujet à des modifications au cours du temps. Comme l'a souligné l'avocat général J. Kokott à propos de l'assurance vie individuelle, « des difficultés pratiques ne peuvent cependant justifier à elles seules que des compagnies recourent dans une certaine mesure au sexe des assurés en tant que critère de distinction pour des motifs de commodité (...) procéder de la sorte ne permet, en effet, pas de garantir que des primes et des prestations d'assurances différentes pour les assurés de sexe masculin et de sexe féminin reposent exclusivement sur des critères objectifs qui n'ont rien à voir avec une discrimination fondée sur le sexe » (CJUE, 1er mars 2011, C 236/09, Test-Achat e.a., conclusions de Mme l'avocat général J. Kokott, pts 66 et 67).

Pour la cour d'appel, la clause litigieuse établit une distinction fondée sur le sexe qui est une discrimination au sens de la loi ce qui entraîne sa nullité absolue et implique un alignement sur la catégorie de personnes favorisées, en sorte que l'assurée a droit aux prestations jusqu'au mois de son soixante-cinquième anniversaire.

Le pourvoi ne portait pas sur ce point mais sur l'application dans le temps de la loi du 10 mai 2007. En effet, l'accident qui justifiait les prestations de l'assureur était survenu en 1991, le contrat d'assurance groupe, conclu en 1975, avait été résolu en 1994, soit avant l'entrée en vigueur de la loi du 10 mai 2007.

La Cour de cassation rappelle qu'« en matière de convention, l'ancienne loi demeure applicable, à moins que la loi nouvelle ne soit d'ordre public ou impérative ou qu'elle n'en prévoie expressément l'application aux conventions en cours » et rejette l'argument de l'assureur.

Elle constate en effet qu'en 1994, le contrat d'assurance groupe a pris fin mais que l'assureur a continué à payer les indemnités et a décidé de le faire jusqu'au soixantième anniversaire de l'assurée.

Elle considère dès lors que « le droit aux indemnités d'incapacité de travail, stipulées par l'assureur au profit de l' [assurée], constitue un effet du contrat d'assurance de groupe, qui s'est prolongé sous l'emprise de la loi du 10 mai 2007 malgré la résiliation de ce contrat en 1994. »

Les dispositions de la loi du 10 mai 2007 qui sont d'ordre public doivent dès lors être appliquées à ce droit aux indemnités et ce malgré la résiliation du contrat d'assurance groupe en 1994.