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La loi du 4 avril 2014 relative aux assurances – Présentation générale – Dispositions relatives au droit du contrat d'assurance, R.D.C.-T.B.H., 2014/10, p. 949-970

La loi du 4 avril 2014 relative aux assurances - Présentation générale - Dispositions relatives au droit du contrat d'assurance

Marcel Fontaine [1] et Jean-Marc Binon [2]

TABLE DES MATIERES

Introduction

I. Présentation générale de la loi - Considérations critiques a) Présentation générale de la loi

b) Considérations critiques

II. Modifications relatives au droit du contrat d'assurance a) Changement de numérotation des articles

b) Définitions et champ d'application de la loi Une multitude de définitions

Définition de l'assureur

Champ d'application de la loi: les mutuelles

c) Modifications relatives aux dispositions communes à tous les contrats Droit de rétractation

Information médicale

Régime du défaut de paiement de la prime

Stipulation pour autrui

Aggravation du risque

Durée du contrat, résiliation après sinistre

Améliorations du régime applicable aux personnes incapables: prescription, paiement de la prestation d'assurance

Interprétation du contrat d'assurance

d) Assurances indemnitaires et forfaitaires - Assurances de dommages

e) Assurances transports

III. Modifications relatives au droit des assurances de personnes a) Assurances de personnes en général Assurances d'enfants en bas âge

Assimilation des opérations de capitalisation aux contrats d'assurance de personnes

b) Assurances vie Notion et champ d'application

Aménagements pour les assurances collectives (assurances groupe)

Règles particulières concernant les assurances vie de la branche 23

Assurance vie et droit de la famille

c) Assurances maladie

d) Assurances du solde restant dû Incorporation de la « loi Partyka »

Arrêté d'exécution du 10 avril 2014

IV. Participations bénéficiaires a) Champ d'application des nouvelles règles

b) Fondements de la participation bénéficiaire

c) Règles de publicité

d) Règles d'information

e) Répartition de la participation bénéficiaire

V. Dispositions transitoires, modificatives et abrogatoires - Entrée en vigueur a) Dispositions transitoires et adaptation formelle des contrats

b) Dispositions modificatives et abrogatoires

c) Entrée en vigueur

Conclusions générales

RESUME
Dans l'avalanche législative qui a précédé la dissolution du Parlement en avril dernier, figure une volumineuse loi du 4 avril 2014 relative aux assurances. Présentée comme une opération de codification visant à rassembler en un seul texte les normes de protection du consommateur dont le respect relève de la compétence de l'Autorité des marchés et des services financiers (F.S.M.A.), regroupe, pour l'essentiel, les dispositions relatives au contrat d'assurance terrestre, celles relatives à l'intermédiation en assurance ainsi qu'une partie des dispositions relatives au contrôle des activités des entreprises d'assurance. Elle comporte en outre une série de chapitres nouveaux sur des thèmes tels que la transparence, l'information des consommateurs, la tarification, la segmentation, les assurances vie dites de la « branche 23 » ou encore les participations bénéficiaires. Cette nouvelle loi entre, pour la plupart de ses dispositions, en vigueur le 1er novembre 2014.
La présente contribution propose une analyse critique de cette initiative législative et dresse un tableau détaillé des principales modifications qui en découlent en matière de droit du contrat d'assurance ainsi que dans le domaine des participations bénéficiaires. L'étude présente également le contenu de l'arrêté royal adopté le 10 avril 2014 pour mettre en oeuvre les dispositions de la loi dans le domaine des assurances du solde restant dû.
SAMENVATTING
De lawine aan wetgeving die werd goedgekeurd net voor de ontbinding van het Parlement einde april 2014, omvat een volumineuze wet van 4 april 2014 betreffende de verzekeringen. Voorgesteld als een codificatie ten einde in één tekst de regels te bundelen tot bescherming van de consument die onder de toezichtsbevoegdheid van de Autoriteit van Markten en Financiele Diensten (FSMA) vallen, herneemt deze wet, in belangrijke mate, de bepalingen betreffende het verzekeringscontract, de verzekeringsbemiddeling en sommige bepalingen inzake de controle op verzekerings­ondernemingen. Bovendien houdt ze een reeks nieuwe hoofdstukken in betreffende transparantie, informatie aan verbruikers, tarifering, segmentatie en levensverzekeringen “tak 23”, alsook winstdeling. Deze nieuwe wet treedt, voor het grootste deel van haar bepalingen, in werking op 1 november 2014.
Deze bijdrage geeft een kritische analyse van dit wetgevend initiatief en schets een gedetailleerd overzicht van de belangrijkste wijzigingen in het domein van het recht op de verzekeringsovereenkomst, evenals de winstdeling. Daarnaast wordt de reglementering in het koninklijk besluit van 10 april 2014 besproken die uitvoering geeft aan de bepalingen van de wet over de schuldsaldoverzekering.
Introduction

1.Le Moniteur belge du 30 avril 2014 a publié une loi du 4 avril 2014 « relative aux assurances », impressionnante tant par son volume que par son contenu: une sorte de code de 353 articles, couvrant à la fois le régime de contrôle des entreprises d'assurances et les aspects contractuels, de même que le régime des intermédiaires d'assurances.

Comme le constatait la Commission des assurances, il s'agit là sans nul doute de « l'un des travaux législatifs les plus fondamentaux menés dans [le domaine des assurances] au cours des dernières années » [3]. Malheureusement, cette nouvelle loi appelle beaucoup de critiques, relatives, d'une part, à sa conception et, d'autre part, à la précipitation et au manque de transparence qui ont gravement affecté son adoption.

2.Après avoir présenté les grandes lignes de la nouvelle loi, la première partie de notre contribution explicitera ces critiques. La deuxième partie s'attachera aux aspects contractuels en général. Dans la troisième partie, l'accent sera mis sur les assurances de personnes, qui font l'objet d'un certain nombre d'innovations, parfois importantes, dans la nouvelle loi. La quatrième partie sera consacrée aux nouvelles règles en matière de participations bénéficiaires, qui, si elles ne relèvent pas de la réglementation contractuelle proprement dite, influeront sur le contenu des documents précontractuels et contractuels, notamment en assurance vie. Une cinquième partie sera réservée aux dispositions transitoires, modificatives et abrogatoires, ainsi qu'à l'entrée en vigueur de la nouvelle loi.

I. Présentation générale de la loi - Considérations critiques
a) Présentation générale de la loi

3.La loi du 4 avril 2004 comporte neuf parties, intitulées, respectivement, « Dispositions générales » (art. 1-6), « Dispositions spécifiques concernant l'exercice des activités » (art. 7-20), « L'offre et la conclusion de contrats: information, publicité, tarification, segmentation et participation aux bénéfices » (art. 21-53), « Contrat d'assurance » (art. 54-234), « Contrat d'assurance autre que le contrat d'assurance visé dans la Partie 4 » (art. 225-256), « L'intermédiation en assurances et la distribution d'assurances » (art. 257-279), « L'organisation du contrôle » (art. 280-303), « Dispositions pénales » (art. 304-310) et « Dispositions de nature diverse » (art. 311-353).

4.Dans sa présentation en commission parlementaire, le ministre ayant les assurances dans ses attributions, M. Vande Lanotte, a expliqué que le projet constituait « une première étape sur la voie de la simplification du cadre législatif … » [4]. L'objectif prioritaire annoncé était de « clarifier, dans l'intérêt du consommateur d'assurances, la législation actuelle en matière d'assurances ayant une portée générale », et, ainsi, d'« accroître la lisibilité du cadre législatif, et partant, la protection du consommateur d'assurances » [5].

La nouvelle loi constitue, dès lors, essentiellement une codification de la législation actuelle: une partie de la loi de contrôle du 9 juillet 1975, la plupart des dispositions de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre, les textes restés en vigueur de l'ancienne loi de 1874 sur le contrat d'assurance et les dispositions de la loi du 27 mars 1995 relative à l'intermédiation en assurances [6].

Le ministre a également indiqué que le projet répondait à l'obligation de transposer en droit belge certaines dispositions de la directive européenne « Solvabilité II » [7] et à la nécessité de clarifier la répartition actuelle des compétences entre la Banque nationale de Belgique (BNB) et l'Autorité des services et des marchés financiers (FSMA), suite à la réforme, dite « Twin Peaks », de l'organisation du contrôle en assurance [8].

5.La loi du 4 avril 2004 correspond dans une large mesure à un regroupement de textes existants (ce que les Français appellent une « codification à droit constant »). Elle comporte cependant un certain nombre d'innovations de fond, qui seront évoquées dans la présente contribution.

b) Considérations critiques

6.Dès que la rumeur s'est répandue de l'existence du projet qui allait aboutir à la loi du 4 avril 2014, les critiques ont fusé. La Commission des assurances a été informée le 20 juin 2013. Elle a obtenu communication de textes encore incomplets sur lesquels elle était invitée à se prononcer dans un délai très bref. Elle a rendu un avis particulièrement sévère le 20 septembre 2013 (cf. infra, n° 14). D'autre part, dans une initiative sans précédent, un groupe de professeurs enseignant le droit des assurances dans la plupart des universités du pays ont adressé au ministre, le 23 octobre 2013, une lettre ouverte très critique, doublée d'une « carte blanche » publiée dans la presse [9]. L'avis rendu par le Conseil d'Etat le 20 décembre 2013 formule également un certain nombre de critiques d'ordre général [10]. Des réactions très négatives se sont encore exprimées au Parlement (cf. infra, n° 15). La volonté du ministre a néanmoins prévalu, et le projet a été adopté sans amendement majeur [11].

Les critiques générales, on l'a déjà dit, sont relatives tant à la conception de la loi qu'à la précipitation et au manque de transparence qui ont caractérisé son adoption.

7.Quant à la conception de la loi, il est sérieusement permis de douter que ce regroupement législatif sert l'objectif annoncé, à savoir améliorer la protection du consommateur d'assurances en accroissant la lisibilité du droit applicable. Au contraire, comme l'a relevé la Commission des assurances dans son avis, le fait même de reprendre dans une législation unique les règles relatives au contrat d'assurance et celles qui déterminent les conditions des activités des entreprises et des intermédiaires d'assurance est « une source inutile de confusion et de manque de transparence […] les dispositions actuelles de la loi sur le contrat d'assurance terrestre […] sont extraites de leur 'milieu naturel' pour être intégrées dans une loi où personne n'ira les chercher » [12]. La carte blanche des professeurs ajoute que les dispositions relatives, respectivement, au contrôle et au contrat « poursuivent des finalités de natures très différentes et sont assorties de sanctions et caractéristiques propres ».

8.Il est aussi reproché à cette codification de n'être que partielle, et de laisser totalement ou partiellement en dehors les lois et arrêtés régissant des branches particulières d'assurances intéressant la grande majorité des consommateurs, comme l'assurance R.C. automobile, l'assurance de protection juridique ou l'assurance sur la vie [13]. En France, le Code des assurances regroupe toute la législation et toute la réglementation relative au secteur. En revanche, la consultation de la nouvelle loi belge « relative aux assurances » ne donnera accès qu'à une partie du droit applicable, créant ainsi des risques de mauvaise information, alors que le législateur prétend faciliter la tâche du consommateur.

9.Un autre regret, particulièrement en ce qui concerne le droit du contrat, est que le transfert dans la nouvelle loi des dispositions de la loi du 25 juin 1992 ne se soit pas accompagné de retouches plus profondes. Or, l'occasion était donnée, s'il fallait entrer dans la voie de la recodification, de prendre en considération « les modifications et améliorations suggérées par la doctrine à l'occasion des vingt ans de la loi » [14].

L'on songe, par exemple, au champ d'application discutable donné à certaines dispositions de la loi du 25 juin 1992 (art. 20 et 38 relatifs, respectivement, à l'atténuation du dommage et à l'assurance pour compte), à la place défectueuse de l'article 44 (sous-assurance), à l'étendue du mandat de l'apériteur en coassurance (art. 28), à la localisation contestable de l'intérêt d'assurance dans le chef du bénéficiaire dans les assurances forfaitaires (art. 48), à la pertinence du maintien de la règle de prescription trentenaire pour l'action relative à la réserve d'un contrat d'assurance vie (art. 34, § 1er), au caractère supplétif injustifié du régime des omissions et inexactitudes non intentionnelles en assurance-crédit (art. 74), ou encore aux interrogations concernant la possibilité de déroger en faveur de l'assuré à certains textes impératifs a priori protecteurs de l'assureur (p. ex., quant aux clauses d'incontestabilité en dehors de l'assurance vie et de l'assurance maladie). La réforme n'aurait-elle pas aussi pu envisager de résoudre les controverses en cours quant à la charge de la preuve en matière d'exclusions?

10.Certains avaient aussi espéré que la codification du droit des assurances privées soit l'occasion de clarifier le statut particulier de l'assurance obligatoire contre les accidents du travail, qui présente la spécificité, en Belgique, d'être une branche de la sécurité sociale dont la gestion est toutefois confiée aux assureurs privés [15]. Les conditions d'application de la loi de 1992 à cette catégorie d'assurances ont, en effet, toujours manqué de clarté, et l'on sait qu'un courant doctrinal minoritaire persiste, en dépit des indications fournies par les travaux préparatoires de la loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail, à la cataloguer parmi les assurances de responsabilité et non, comme il se doit, parmi les assurances de personnes [16].

11.Toutes ces questions sont restées en dehors du débat politique. Le projet devait être adopté avant la fin de la législature (et les élections …). Il ne pouvait apparemment être question d'ouvrir une discussion sur les différents points au sujet desquels la loi du 25 juin 1992 appelait des interventions autres que ceux déjà rencontrés par le projet (cf. infra, nos 18 et s.).

12.La carte blanche concluait en ces termes: « Si l'on peut comprendre le souhait de notre législateur d'adapter notre législation de contrôle des entreprises d'assurances aux dernières prescriptions de l'Union européenne, rien ne justifie […] de profiter d'une telle situation pour déstructurer la législation relative au contrat d'assurance comme le projet l'envisage, ou pour faire une prétendue 'coordination', qui n'est en fait qu'une juxtaposition incomplète de différentes législations. » [17].

13.L'adoption de la nouvelle loi a aussi été caractérisée par la précipitation et le manque de transparence.

C'est lors de sa session du 20 juin 2013 que la Commission des assurances a été informée de l'existence du projet. Le lendemain, la Commission a fait savoir au ministre qu'elle souhaitait, « en sa qualité d'organe consultatif légal compétent en matière d'assurances, assumer sa tâche vis-à-vis de ce projet extrêmement important visant à modifier le cadre juridique des assurances » [18].

Le ministre a accédé à cette demande. Le 1er juillet, il a transmis à la Commission un texte de plus de 360 articles, avec une demande d'avis pour … le 20 août, délai ensuite reporté à la mi-septembre.

14.L'avis déjà cité, daté du 20 septembre 2013, est évidemment très critique à propos de ce manque de sérieux. La Commission s'est étonnée de constater qu'il lui ait été laissé si peu de temps et de marge de manoeuvre pour procéder aux consultations et aux analyses nécessaires à une discussion approfondie du projet. Elle a déploré qu'elle ait dû rendre un avis sur un projet aussi volumineux en deux mois, situés en période de vacances. Elle a en outre relevé qu'elle n'avait reçu qu'un projet incomplet, sans disposer des dispositions d'exécution, des dispositions modificatives et abrogatoires, de l'exposé des motifs, de tableaux de concordance, d'explications concernant les relations avec d'autres législations existantes, ainsi que d'études sur les conséquences économiques et sociales des nouvelles dispositions. Elle s'est interrogée sur la nécessité de prévoir un timing aussi strict et d'agir ainsi à la hâte, alors que certains travaux étaient en cours au niveau européen, notamment en matière de transparence et d'information des preneurs d'assurance, ainsi que de distribution de l'assurance.

15.Les mêmes griefs se sont exprimés au Parlement. « Sortir, en pleine période de vacances, une brique de 480 pages et la présenter au Parlement sans exposé des motifs ni la moindre explication, ce n'est pas sérieux », a déploré un parlementaire en commission de la Chambre, évoquant l'avis de la Commission des assurances et la lettre ouverte des professeurs [19]. Cette précipitation a été dénoncée en termes analogues en commission du Sénat [20].

16.Ces reproches ont été écartés par le ministre. Selon lui, la Commission des assurances travaillerait sur ce dossier « depuis des années » [21] et la grande majorité des signataires de la lettre ouverte siègeraient dans la Commission [22]. Le ministre ironise même: « … la période des vacances est la meilleure période pour réfléchir à une discipline dont on s'occupe » [23].

17.En dépit des critiques, l'adoption du projet est rondement menée.

Le projet de loi est déposé le 13 février 2014. Il est examiné en commission de la Chambre les 18 et 25 février. Il est soumis en séance plénière le 19 mars; le rapporteur se borne à renvoyer à son rapport écrit et personne ne demande la parole. Les votes sont reportés au lendemain [24]. Le 20 mars, les trois derniers amendements sont rejetés et leur auteur est le seul à intervenir. Il regrette l'absence du ministre à qui il aurait voulu faire part d'un certain nombre de préoccupations fondamentales à l'égard du projet. Celui-ci est adopté par 103 voix contre 10, avec 26 abstentions [25].

Le projet est transmis au Sénat le 21 mars et évoqué le même jour. Le Sénat avait déjà entrepris son examen en commission sans attendre le vote de la Chambre (séances des 26 février, 19, 25 et 27 mars). Le 27 mars, en séance plénière, le rapporteur se réfère également à son rapport écrit et le projet est adopté sans modification, par 42 voix pour et 10 abstentions [26].

La loi est signée le 4 avril 2014, et publiée le 30 avril.

II. Modifications relatives au droit du contrat d'assurance

18.Le nouveau paysage du droit belge des assurances est désormais dominé par la « loi-montagne » du 4 avril 2014, qui rassemble en 353 articles les principaux textes relatifs tant au régime général du contrat qu'au contrôle des entreprises et des intermédiaires d'assurances. On ne perdra pas de vue que d'autres pans du droit des assurances n'ont pas été englobés dans la réforme. Il en est ainsi, notamment, de la législation sur l'assurance R.C. automobile et de certaines réglementations importantes relatives à des branches telles que l'assurance incendie (notamment l'A.R. du 24 décembre 1992, ainsi que la loi du 30 juillet 1979 et ses arrêtés d'exécution), l'assurance R.C. vie privée (notamment l'A.R. du 12 janvier 1984), l'assurance de protection juridique (notamment l'A.R. du 12 octobre 1990) et l'assurance sur la vie (notamment l'A.R. du 14 novembre 2003).

Nous nous proposons de présenter ici les principales modifications ou innovations que la nouvelle loi apporte en ce qui concerne le droit du contrat, en renvoyant à la troisième partie pour les développements plus substantiels que méritent les assurances de personnes, et les assurances vie en particulier.

19.Ces modifications ou innovations sont relativement peu nombreuses, et elles sont d'importance variable. Il sera successivement question du changement de numérotation des articles (a), des définitions et du champ d'application de la loi (b), de dispositions communes à tous les contrats d'assurance (c), des assurances indemnitaires et forfaitaires et des assurances de dommages (d), et des assurances transports (e).

a) Changement de numérotation des articles

20.La première de ces modifications est de pure forme, mais elle suscitera beaucoup d'inconvénients pratiques: si la loi du 25 juin 1992 a été globalement reprise dans la nouvelle loi, c'est au prix d'un changement général de la numérotation des articles. Les articles relatifs au contrat d'assurance portent désormais les numéros 54 à 224. On devra par exemple s'habituer à chercher le régime de la déclaration du risque aux articles 57 à 60 (et non plus 4 à 7), celui de la subrogation de l'assureur à l'article 95 (et non plus 41) et celui de l'action directe dans les assurances de responsabilité aux articles 150 et 151 (et non plus 86 et 87). Pour l'avenir, l'effort n'est pas grand, mais on mesure la gêne constante dans la consultation de la doctrine et de la jurisprudence relatives à la loi de 1992. Le juriste d'assurances devra toujours avoir sous la main sa table de concordance.

21.Sur le fond, la plupart des textes de la loi de 1992 ont été transposés de manière littérale. On constate également, avec grand soulagement, qu'il n'a pas été porté atteinte à la structure de la législation: les principales subdivisions (dispositions communes, assurances à caractère indemnitaire ou forfaitaire, assurances de dommages et assurances de personnes) ont été conservées telles quelles. Cette structure avait été mûrement réfléchie par les auteurs de la loi de 1992; elle conditionne le champ d'application des différentes règles [27].

b) Définitions et champ d'application de la loi
Une multitude de définitions

22.L'article 1er de la loi ancienne rassemblait une série de quatorze définitions.

Huit d'entre elles sont reprises, sans modification, à l'article 55 de la loi nouvelle: personne lésée (1°), prestation d'assurance (2°), assurance à caractère indemnitaire (3°), assurance à caractère forfaitaire (4°), proposition d'assurance (6°), demande d'assurance (5°), police présignée (7°) et réduction en assurance à caractère indemnitaire (8°).

Les six autres ont été déplacées à l'article 5 de la loi nouvelle, où elles rejoignent un grand nombre d'autres définitions (la liste comporte au total cinquante définitions!). Ce déplacement est justifié par la considération que les notions en cause sont pertinentes pour l'ensemble de la loi nouvelle, et non seulement pour le titre relatif au droit du contrat [28].

Il s'agit des définitions du contrat d'assurance (14°), de l'assuré (17°), du bénéficiaire (18°), de la prime (19°), de l'assurance de dommages (15°) et de l'assurance de personnes (16°).

Les définitions anciennes n'ont pas été modifiées en tant que telles.

Un point important mérite cependant d'être mis en évidence. Il concerne l'introduction d'une définition de l'« assureur » [29].

Définition de l'assureur

23.Il s'agit, en effet, d'une innovation remarquable de la loi nouvelle, dont les initiateurs ne semblent pas avoir pleinement perçu la portée. A présent, la loi définit l'« assureur » comme « toute personne ou entreprise qui, en tant que partie contractante, offre de souscrire un ou des contrats d'assurance, quelle que soit la qualité professionnelle de cette personne et qu'il soit fait usage ou non de techniques actuarielles lors de la conclusion du contrat » (art. 5, 1°).

L'exposé des motifs souligne que, sous l'angle de la protection du consommateur d'assurance, « ni la taille d'une entité, ni sa qualité professionnelle, ni sa façon d'opérer n'ont vraiment d'importance ». Un assureur, qu'il soit autorisé ou non, doit toujours se conformer aux règles destinées à protéger le consommateur d'assurance et, sur ce point, se soumettre au contrôle de la FSMA. « Le fait pour un assureur de tomber ou non dans le champ d'application de la loi dépend donc en principe uniquement de l'activité qu'il exerce et non de la détention ou non, dans son chef, d'un agrément permettant d'exercer cette activité. » [30].

Dans son avis, le Conseil d'Etat évoque la nouvelle définition sans la commenter en tant que telle; il se borne à se demander si la distinction opérée entre assureur et entreprise d'assurances « est utilisée de manière suffisamment cohérente dans l'ensemble du projet » [31].

24.Ces différents extraits semblent indiquer que ni les auteurs de la loi, ni le Conseil d'Etat ne se sont aperçus qu'avec l'introduction dans la loi nouvelle de cette définition de l'assureur, le législateur belge prenait parti de la manière la plus explicite dans l'un des débats les plus anciens et les plus fondamentaux du droit des assurances: le point de savoir si, pour la définition du contrat d'assurance, la partie « assureur » doit être une entreprise d'assurance et/ou respecter la technique actuarielle [32].

25.Sur cette question, la Cour de cassation belge avait pris position sous l'empire de la loi du 11 juin 1874, en considérant que la notion d'assureur implique la prise en charge et la compensation d'un ensemble de risques, ce qui ne pourrait viser qu'un assureur professionnel [33], mais elle a paru se raviser dans un arrêt ultérieur [34]. On se rappellera aussi que le projet de la future loi du 25 juin 1992 définissait initialement l'assureur comme « la personne qui exerce l'activité de conclure des contrats d'assurance », et que le Conseil d'Etat avait suggéré de préciser que cette activité devait être exercée « habituellement et à titre principal », mais que, pour des raisons inconnues, cette définition avait disparu dans le texte adopté au Parlement [35].

Le débat restait donc entier, et il continuait à diviser doctrine et jurisprudence [36].

26.La définition de l'assureur figurant dans l'article 5, 1°, de la loi nouvelle règle désormais la question en droit positif belge. La notion de « contrat d'assurance » n'appelle pas en soi que la partie qui assure agisse à titre professionnel ou fasse usage de la technique actuarielle.

Cette solution emporte notre adhésion, pour de nombreuses raisons développées ailleurs [37]. En particulier, les travaux préparatoires mettent en évidence son intérêt pour la protection du consommateur. Il nous semble en effet que définir le contrat d'assurance en soi, abstraction faite des exigences de la réglementation de contrôle, répond à une nécessité de logique interne du système. Si le but est de soumettre le contrat d'assurance à contrôle, la définition de ce contrat, nécessairement préalable, ne peut déjà inclure des exigences résultant de la réglementation, qu'il s'agisse de l'exercice de l'activité à titre professionnel ou du respect de la technique actuarielle.

C'est dans un second temps que la réglementation de contrôle intervient, pour soumettre à ses exigences propres l'exercice de l'activité d'assureur. La méconnaissance de ces exigences conduit en principe à la nullité des contrats d'assurance conclus par des assureurs non autorisés (art. 8 nouveau). A cet égard, rien n'est changé dans les faits, mais la construction juridique nous paraît plus correcte [38].

27.On attirera cependant l'attention sur le fait que la définition de l'assureur donnée par la loi nouvelle conduira à recentrer les controverses entourant la distinction entre le contrat d'assurance et certains types de clauses de prise en charge de risques figurant dans d'autres contrats (notamment de leasing). Il ne sera plus possible de fonder la distinction sur la présence ou l'absence d'un assureur professionnel. D'autres critères devront être approfondis, comme celui de la différence à faire entre la répartition de certains risques entre parties intéressées et le transfert du risque à une personne étrangère à l'opération de base [39].

Champ d'application de la loi: les mutuelles

28.L'article 2, § 2, de la loi ancienne déclarait celle-ci applicable aux associations d'assurances mutuelles, le Roi étant autorisé à établir des modalités particulières à leur intention. Cette disposition figure à présent dans les dispositions générales de la loi nouvelle (art. 4, § 5), l'avis de la FSMA étant désormais requis.

c) Modifications relatives aux dispositions communes à tous les contrats
Droit de rétractation

29.En ce qui concerne le droit de rétractation, les dispositions de l'article 4, § 2, de la loi ancienne, applicables à la conclusion du contrat par police présignée ou demande d'assurance, ont été restructurées en trois paragraphes (art. 57, § 2, 3 et 4, nouveaux), et adaptées pour tenir compte de l'article 9, § 1er, de l'arrêté vie: en assurance sur la vie, le droit de rétractation du preneur existe, conformément au droit européen, pour tous les contrats, à commencer par ceux qui sont souscrits par la voie classique de la proposition d'assurance, et non pas uniquement pour ceux qui ont été formés par police présignée ou demande d'assurance.

L'on peut comprendre le souci du législateur de mettre fin à la situation curieuse qui voulait qu'en assurance vie, le droit de rétractation consacré par l'arrêté vie eût un champ d'application plus large que celui prévu par l'ancienne loi, dont cet arrêté royal était censé assurer l'exécution.

Le procédé choisi pour remédier à cette incohérence n'est cependant pas des plus réussis: des textes spécifiques aux contrats formés par police présignée ou demande d'assurance incorporent désormais une disposition qui concerne les contrats formés sans le recours à l'un ou l'autre de ces procédés [40].

Information médicale

30.L'article 61 nouveau reprend en toutes lettres l'article 95 ancien, mais il se déplace des dispositions relatives aux seules assurances de personnes pour gagner les dispositions communes à tous les contrats. La justification donnée est que l'information médicale concerne d'autres contrats que les assurances de personnes, tels que les contrats d'assurance de responsabilité (en matière de règlement des dommages corporels, p. ex.), voire d'autres assurances où l'état de santé de l'assuré est un facteur d'évaluation du risque, comme les assurances voyages (assistance, annulation) [41].

Si cette justification ne souffre aucune discussion, l'on regrettera toutefois, d'un point de vue structurel, que les dispositions de l'article 61 nouveau, qui, pour la plupart, couvrent également l'hypothèse de l'exécution du contrat (survenance du risque assuré), figurent sous une section consacrée à la conclusion du contrat.

Régime du défaut de paiement de la prime

31.Trois modifications sont apportées au régime du défaut de paiement de la prime.

L'article 70 de la loi nouvelle amplifie les mentions devant figurer dans la mise en demeure. Alors que l'article 15 ancien prévoyait seulement que « [l]a mise en demeure rappelle la date d'échéance de la prime ainsi que les conséquences du défaut de paiement dans le délai », le texte nouveau édicte que « [l]a mise en demeure rappelle la date d'échéance de la prime et le montant de celle-ci. Elle rappelle également les conséquences du défaut de paiement de la prime dans le délai fixé, le point de départ de ce délai et précise que la suspension de la garantie ou la résiliation du contrat prend effet à compter du lendemain du jour où le délai prend fin, sans que cela ne porte préjudice à la garantie relative à un événement assuré survenu antérieurement ».

L'exposé des motifs justifie les additions par un souci de sécurité juridique [42].

32.L'article 71 nouveau modifie sur deux points le régime qu'instaurait l'article 16 ancien, quant à la suspension de la garantie et la résiliation du contrat.

D'une part, le preneur met dorénavant fin à la suspension de la garantie par le paiement des seules primes échues (art. 71, al. 2). Antérieurement, pour lever la suspension, le preneur devait également s'acquitter des intérêts éventuellement dus.

L'exposé des motifs justifie cette modification par la difficulté de calculer exactement ces intérêts [43]. Pour l'assureur, cette modification entraîne donc l'obligation de restaurer la garantie dès que le preneur a payé les primes dues, même s'il s'abstient toujours de régler les intérêts dus.

33.D'autre part, en matière de résiliation, les alinéas 3 et 4 de l'article 16 ancien ont été reformulés de manière à obliger l'assureur à faire un choix dès la mise en demeure, alors qu'il se ménageait auparavant une faculté: là où le texte ancien permettait à l'assureur ayant suspendu sa garantie de résilier le contrat « s'il s'en est réservé la faculté dans la mise en demeure », le texte nouveau prévoit que « [l]'assureur qui suspend son obligation de garantie, peut résilier le contrat dans la même mise en demeure ». Si le défaut de paiement persiste à la fin du délai, le contrat est nécessairement résilié (le délai de prise d'effet de pareille résiliation restant inchangé) (art. 71 nouveau, al. 3 et 4), alors qu'antérieurement, l'assureur pouvait encore attendre avant d'en arriver à cette solution extrême. Il n'est pas sûr que ce changement soit favorable au consommateur.

Stipulation pour autrui

34.Le régime de l'article 22 de la loi ancienne, qui permet l'attribution bénéficiaire à condition que le bénéficiaire soit déterminable au jour de l'exigibilité des prestations, est repris dans l'article 77 de la loi nouvelle. Un nouvel alinéa permet néanmoins au Roi, sur avis de la FSMA, de « préciser les règles auxquelles doivent satisfaire les stipulations pour autrui en vue de protéger les droits des assurés et de tous tiers ayant intérêt à l'exécution du contrat d'assurance ».

L'exposé des motifs n'explicite pas les préoccupations qui ont pu être à l'origine de cette délégation au Roi [44]. Celle-ci vise-t-elle à permettre au pouvoir exécutif de préciser, dans le but indiqué à l'article 77 de la loi, le régime de l'assurance pour compte (art. 92 de la loi) et de la désignation bénéficiaire en assurance vie (art. 169 de la loi), lesquelles incarnent, en assurance, les formes les plus courantes de la stipulation pour autrui?

Aggravation du risque

35.Le régime de l'article 26 ancien est repris dans l'article 81 nouveau, avec une addition à l'alinéa 2 du § 1er: l'assureur peut toujours proposer la modification du contrat en établissant que, si l'aggravation du risque avait existé au moment de la souscription, il n'aurait consenti à l'assurance qu'à d'autres conditions, mais dorénavant, c'est « sans préjudice des dispositions de la partie 3, titre III, chapitre 2 » de la loi, à savoir des dispositions nouvelles en matière de segmentation.

A cet égard, l'article 44 dispose notamment que « toute segmentation opérée sur le plan de l'acceptation, de la tarification et/ou de l'étendue de la garantie doit être objectivement justifiée par un objectif légitime, et les moyens de réaliser et objectif doivent être appropriés et nécessaires ». L'article 46, § 2, impose, quant à lui, un devoir particulier de motivation à l'assureur qui transmet au preneur, pendant la durée du contrat, une proposition de modification de celui-ci en raison de la modification du risque.

Durée du contrat, résiliation après sinistre

36.L'article 85 nouveau, relatif à la durée du contrat d'assurance, correspond à l'article 30 ancien. Il y est seulement précisé que la durée maximale d'un an, qui ne s'appliquait déjà pas aux contrats d'assurance maladie ou d'assurance vie, ne s'applique pas non plus aux opérations de capitalisation, lesquelles sont dorénavant assimilées aux assurances de personnes (cf. infra, nos 51-53).

37.L'article 86 nouveau, relatif à la résiliation après sinistre, reprend l'article 31 ancien. Des retouches ont cependant été apportées aux alinéas 2 et 3, en vue de les harmoniser avec les textes correspondants des articles 70 (sommation de payer la prime) et 84 (formes de résiliation) en ce qui concerne la prise de cours du délai de résiliation après sinistre. Dans tous ces cas, désormais, le délai commence à courir à compter du lendemain de la signification, de la date du récépissé ou de la date du dépôt de l'envoi recommandé à la poste.

Améliorations du régime applicable aux personnes incapables: prescription, paiement de la prestation d'assurance

38.Le 7 juillet 2009, la Cour européenne des droits de l'homme a rendu son arrêt dans l'affaire Stagno / Belgique.

Une mère avait dilapidé le capital d'une assurance vie payé au bénéfice de ses enfants mineurs. Ceux-ci, agissant à leur majorité, s'étaient vus opposer la prescription par les tribunaux belges, jusqu'à la Cour de cassation. Dans le contexte de la loi du 11 juin 1874, applicable au litige, la Cour de cassation avait décidé que la prescription courait contre les mineurs en ce qui concerne les actions dérivant d'un contrat d'assurance [45]. Cette solution fut reprise par l'article 35, § 1er, de la loi du 25 juin 1992.

La Cour européenne a cependant condamné la Belgique. Elle a considéré que l'application rigide d'un délai de prescription ne tenant pas compte des circonstances particulières de l'affaire limitait de manière disproportionnée le droit d'accès à la justice des requérants [46].

39.S'inspirant visiblement des pistes de solution esquissées par la Commission des assurances à la suite de cet arrêt [47], la nouvelle loi s'aligne à présent sur la solution de principe énoncée par le droit commun (art. 2252 C. civ.) en prévoyant, à l'article 89, § 1er, que la prescription contre les mineurs, les interdits et les autres incapables ne court pas jusqu'au jour de la majorité ou de la levée de l'incapacité.

Cette solution est par ailleurs assortie d'une mesure particulière visant à protéger, avant tout, ces personnes incapables, mais aussi, dans le même temps, les assureurs contre le risque d'un double décaissement: lorsqu'une prestation revient à un mineur, à un interdit ou à un incapable, les montants doivent dorénavant être versés, en vertu de l'article 68 nouveau, sur un compte à son nom bloqué jusqu'à la majorité ou la levée de l'incapacité, selon les cas.

L'exposé des motifs souligne que la nouvelle règle vaut tant pour les assurances de personnes que pour les assurances de dommages (ce qui résulte de la place du texte dans les dispositions communes à tous les contrats). Il ajoute, de manière sibylline, que les fonds ne pourront être utilisés qu'au profit du mineur, en tenant compte des règles générales qui régissent la gestion d'un tel compte [48]. Faut-il comprendre que, comme pour une succession dévolue à un mineur d'âge, les représentants légaux ne pourront disposer des fonds dans l'intérêt de ce dernier que moyennant une autorisation du juge de paix? Des précisions à ce sujet n'auraient pas été superflues.

Interprétation du contrat d'assurance

40.Un autre texte significatif concernant le droit du contrat d'assurance apparaît non dans la Partie 4, mais, avec l'article 23, § 2, de la loi, parmi les dispositions de la Partie 3 relatives à l'offre et à la conclusion de contrats. Une règle générale est introduite en matière d'interprétation des contrats d'assurance: « En cas de doute sur le sens d'une clause, l'interprétation la plus favorable au preneur d'assurance prévaut dans tous les cas. Si le preneur et l'assuré ne sont pas une seule et même personne, c'est l'interprétation la plus favorable à l'assuré qui prévaut. » Une exception est néanmoins prévue pour les grands risques (art. 23, § 2, al. 2).

Le texte applique spécifiquement au contrat d'assurance une règle d'interprétation déjà présente en faveur du consommateur dans la loi du 6 avril 2010 sur les pratiques du marché et à la protection du consommateur (art. 40, § 2), règle qui figure à présent à l'article VI.37, § 2, du Code de droit économique. Cette règle n'est d'ailleurs pas inconnue en droit des assurances, où elle avait déjà été retenue par certaines décisions [49]. Sa consécration dans le régime légal du contrat d'assurance est sans doute la bienvenue, dans la mesure où la règle ne s'applique pas aux grands risques.

d) Assurances indemnitaires et forfaitaires - Assurances de dommages

41.Les textes relatifs aux assurances indemnitaires et forfaitaires (art. 37 à 50 anciens) sont repris sans modification dans la nouvelle loi (art. 91 à 104 nouveaux).

42.Il en est largement de même quant aux assurances de dommages (art. 51 à 93 anciens; art. 107 à 157 nouveaux). Quelques retouches sont cependant apportées à certains de ces derniers textes.

L'article 121 nouveau adapte la numérotation des paragraphes de l'article 67 ancien (paiement de l'indemnité en assurance incendie). A l'article 124 nouveau (art. 68-2 ancien), l'interprétation légale de la notion d'inondation est intégrée dans le texte; une précision est apportée à propos des glissements de terrains. A l'article 130 nouveau (paiement de l'indemnité en matière de catastrophes naturelles, art. 68-8 ancien), la BNB se voit substituée à la FSMA. L'article 131, § 4 nouveau (art. 68-9, § 4 ancien) est réaménagé pour tenir compte de la nouvelle répartition des tâches entre ces deux organismes. A l'article 132 nouveau (art. 68-10 ancien), le Roi est habilité à confier une mission de coordination à la Caisse de compensation dans le cadre de la couverture des catastrophes naturelles.

43.En assurances de responsabilités, une modification est apportée au régime du recours de l'assureur (art. 152 nouveau; art. 88 ancien). Ce recours ne peut dorénavant s'exercer contre le preneur ou l'assuré autre que le preneur qu'« à concurrence de la part de responsabilité leur incombant personnellement ». Selon l'exposé des motifs, « Le fait qu'une autre personne que l'assuré soit coresponsable est indépendant de la volonté de l'assuré et ne peut, par conséquent, pas lui être imputé. Dès lors, la charge de l'insolvabilité ne peut pas être reportée sur l'assuré responsable in solidum. » [50].

e) Assurances transports

44.La loi du 25 juin 1992 concernait le contrat d'assurance terrestre. Elle n'était applicable ni à la réassurance, ni aux assurances de transports de marchandises (assurances bagages et déménagement exceptés) (art. 2, § 1er). On se souvient que l'ancienne loi du 11 juin 1874 avait été maintenue en vigueur dans ses dispositions générales, pour continuer à régir ces contrats d'assurance non soumis à la loi de 1992.

45.Ce système est maintenu dans la loi du 4 avril 2014. Les dispositions de la Partie 4 de la loi nouvelle ne concernent pareillement que le contrat d'assurance terrestre; elles excluent aussi la réassurance et les assurances de transports de marchandises (art. 54). Mais, cette fois, les textes ayant survécu de l'ancienne loi de 1874 sont repris dans le corps même de la nouvelle loi: une Partie 5 est intitulée « Le contrat d'assurance autre que le contrat d'assurance terrestre visé dans la Partie 4 » (art. 225 à 256).

46.La greffe est quasi littérale. Cependant, suite à une observation du Conseil d'Etat [51], la définition du contrat d'assurance de la loi du 11 juin 1874 (art. 1er) a disparu, évitant tout double emploi avec la définition, reprise de la loi du 25 juin 1992, qui figure à présent à l'article 5, 14°, de la loi nouvelle. D'autre part, les règles protectrices des incapables relatives au paiement de la prestation d'assurance et à la suspension de la prescription, introduites dans la loi nouvelle suite à l'arrêt « Stagno » de la Cour européenne des droits de l'homme (art. 68 et 89, § 1er; cf. supra, nos 38-39), le sont également pour les contrats relevant de la Partie 5, suite à des adjonctions aux articles 246 et 256 [52].

47.Des textes datant du XIXème siècle continueront donc à régir tant la réassurance que les assurances transports. Ce n'est pas très gênant en pratique: ces textes sont largement supplétifs (la Partie 5 ne comporte aucun équivalent de l'article 56, repris de l'article 3 de la loi de 1992, qui confère un caractère impératif de principe aux dispositions de la Partie 4) et ils concernent essentiellement des rapports entre professionnels. Toutefois, il est assez incongru de trouver dans une loi de 2014 des dispositions qui relèvent plutôt de l'histoire du droit …

On sait qu'un arrêté royal du 27 avril 2007 a créé une Commission de la révision du droit maritime. Les travaux de cette Commission ont notamment débouché sur la publication d'un « Livre bleu n° 9 », contenant une proposition de loi sur l'assurance transports. Cette proposition a suscité de vives critiques, dont celles émises par la Commission des assurances dans un avis rendu le 2 octobre 2012 [53]. C'est dans ce contexte que le choix n'a pas été fait d'incorporer les dispositions proposées dans la nouvelle loi. Les textes de 1874 poursuivent ainsi leur extraordinaire survie.

III. Modifications relatives au droit des assurances de personnes

48.Les assurances de personnes sont, sans conteste, la matière dans laquelle la loi nouvelle recèle, sous les apparences d'une simple « codification », le plus grand nombre d'innovations, parfois importantes, par rapport au régime antérieur. Certaines concernent l'ensemble des assurances de personnes (a)). D'autres, plus nombreuses, visent les assurances vie (b)). Une retouche est apportée aux dispositions relatives aux contrats d'assurance maladie privée (c)). Enfin, la loi nouvelle a permis le plein envol des dispositions spécifiques aux assurances du solde restant dû (d)).

a) Assurances de personnes en général
Assurances d'enfants en bas âge

49.Outre le transfert, vers les dispositions communes à tous les contrats, de l'article consacré à l'information médicale (cf. supra, n° 30), les dispositions communes aux assurances de personnes se singularisent par le changement de régime des assurances d'enfants en bas âge.

Prenant le relais d'une disposition de la loi du 26 décembre 1906 sur la mortalité infantile, l'article 96 de la loi de 1992 avait maintenu le principe de l'interdiction de telles assurances. Toutefois, celui-ci n'était plus en phase avec la réalité, qui connaît de nombreuses formes d'assurances souscrites sur la tête de jeunes enfants (assurances vie de type « épargne », assurances de frais médicaux ou funéraires, assurances scolaires, assurances sportives) sans que cela vienne heurter l'ordre public ou les bonnes moeurs. L'obsolescence de cet article, qui fut dénoncée par la Commission des assurances [54], était d'autant plus criante que le pouvoir exécutif n'a jamais pris les mesures que le législateur l'avait pourtant habilité à prendre pour tempérer la rigueur de cette interdiction.

50.Plutôt qu'une abrogation pure et simple de celle-ci, la loi nouvelle opte, à l'article 159, pour une solution prenant le contrepied de la solution antérieure, en autorisant (implicitement) de telles assurances, tout en réservant au pouvoir exécutif le droit d'« imposer des conditions particulières » pour celles-ci. Comme sous l'empire de la loi de 1992 (art. 139), la conclusion d'un contrat en méconnaissance des conditions qui seraient fixées par arrêté royal sera passible de sanctions pénales (art. 307 nouveau).

Dans l'attente éventuelle de ces règles d'encadrement, la licéité d'assurances d'enfants en bas âge ne devrait pas soulever de contestations particulières pour autant que de telles assurances demeurent conformes à l'exigence de licéité de l'intérêt d'assurance, à l'ordre public et aux bonnes moeurs, ainsi que, le cas échéant (pour les assurances de couverture de frais), au principe indemnitaire.

Assimilation des opérations de capitalisation aux contrats d'assurance de personnes

51.Tenus en dehors du champ d'application de la loi de 1992, les contrats portant sur des opérations de capitalisation (la « branche 26 ») sont dorénavant considérés, pour l'application de la nouvelle loi et de ses arrêtés et règlements d'exécution, comme des contrats d'assurance, les mots « preneur d'assurance » devant s'entendre, pour ces opérations, comme « preneur d'une opération de capitalisation » (art. 5, 14°).

Plus précisément, les opérations de capitalisation sont considérées, à cette même fin, comme des assurances de personnes, lorsqu'elles répondent à la définition qui en est donnée à l'article 5, 13°, de la loi nouvelle [55] (art. 5, 16°). La loi (même art. 5, 16°) écarte cependant l'application à ces opérations d'une série de dispositions relatives aux contrats d'assurance - notamment, aux contrats d'assurances de personnes [56]. En revanche, il est expressément précisé (art. 160 nouveau) que les dispositions relatives au caractère facultatif du paiement de la prime (art. 167 nouveau) ainsi qu'au droit du preneur au rachat et à la réduction (art. 178 nouveau) s'appliquent auxdites opérations [57].

52.Le législateur belge a donc opté, comme l'avait déjà fait le Grand-Duché de Luxembourg dans sa loi du 27 juillet 1997 sur le contrat d'assurance (art. 1A, al. 2), pour la soumission des opérations de capitalisation au droit du contrat d'assurance. Les deux contrats diffèrent cependant de manière fondamentale: le risque, élément caractéristique essentiel du contrat d'assurance, fait en effet défaut dans le contrat de capitalisation [58].

L'assimilation ne peut donc intervenir qu'au prix de nombreux aménagements, tenant essentiellement à cette absence de risque assuré, ce que tente de faire l'énumération de dispositions non applicables qui vient d'être citée, ainsi que la précision figurant à l'article 160 nouveau selon laquelle, parmi les dispositions propres aux contrats d'assurance vie, seuls les articles 167 et 178 nouveaux sont applicables aux opérations de capitalisation. L'on en vient donc à se demander si la nouvelle loi n'aurait pas gagné en clarté en optant, à l'instar de l'article 4 de la loi luxembourgeoise, pour la méthode inverse consistant à énumérer les articles qui sont applicables aux opérations de capitalisation.

53.Le Conseil d'Etat s'était, pour sa part, inquiété du caractère ambigu d'une telle assimilation pour l'application des dispositions contractuelles de la loi nouvelle, invitant, notamment, le législateur à indiquer expressément si les opérations de capitalisation assimilées à un contrat d'assurance devaient être comprises comme relevant de la Partie 4 ou de la Partie 5 de cette loi [59]. Si une telle spécification fait défaut, il est néanmoins permis de déduire des références faites, aux articles 5, 16°, et 160 de la loi nouvelle, à un ensemble de dispositions figurant sous la Partie 4 de cette loi que c'est de cette partie, et non de la Partie 5, que relèvent les opérations de capitalisation.

b) Assurances vie
Notion et champ d'application

54.La décennie précédente fut le théâtre, on s'en souvient, d'une controverse particulièrement virulente autour de la qualification juridique des contrats (« produits ») d'assurance vie de la « dernière génération » (assurances vie de la branche 23, comptes d'assurance, bons d'assurance, assurances vie de capital différé avec remboursement de l'épargne en cas de décès, assurances décès « vie entière » avec rachats programmés, …).

De nombreuses décisions de justice, rendues au début des années 2000 dans des litiges fiscaux ou civils, ont refusé de voir dans ces nouveaux produits des « assurances vie », au sens de la loi de 1992, au motif, notamment, que la condition d'aléa énoncée aux articles 1104 et 1964 du Code civil, de même que le recours aux lois de survenance pour la fixation des prestations respectives des parties au contrat, y faisaient défaut.

Requalifiés en contrats de placement, de dépôt financier ou en opérations de capitalisation, ces produits et leurs bénéficiaires se voyaient du même coup dépossédés des « privilèges civils » attachés à l'assurance vie par les anciens articles 124 à 128.

La tendance s'est cependant radicalement inversée à la suite de 4 arrêts de la Cour de cassation française du 23 novembre 2004, auxquels la jurisprudence belge a emboîté le pas pour conclure à la présence d'un contrat d'assurance vie dès l'instant où, nonobstant l'absence de recours aux lois actuarielles, il existe, au moment de la conclusion du contrat, une incertitude entourant son dénouement, que ce soit sur le moment de ce dernier ou sur l'identité de la personne appelée à recueillir le bénéfice du contrat [60].

55.C'est dans ce contexte que le législateur a adopté, le 19 juillet 2013, une loi interprétative de l'article 97 de la loi de 1992 [61].

Sur la suggestion du Conseil d'Etat, l'article 160 de la loi nouvelle incorpore la précision fournie par cette loi interprétative, en soulignant que le chapitre relatif aux contrats d'assurance sur la vie s'applique à tous les contrats d'assurance de personnes dans lesquels la survenance de l'événement assuré ne dépend que de la durée de la vie humaine, « même lorsque les prestations réciproques des parties ont été évaluées par elles sans tenir compte des lois de survenance ».

La loi du 4 avril 2014 n'abroge toutefois pas la loi interprétative du 19 juillet 2013, dont l'article 3, visant sans doute à éviter la remise en cause de décisions de disqualification survenues antérieurement, précise qu'elle n'est pas applicable aux contrats d'assurance dont les prestations réciproques d'assurance ont été totalement exécutées par les parties au contrat, au plus tard le jour de la publication de cette loi interprétative au Moniteur belge.

56.L'enjeu de la controverse s'était, en réalité, singulièrement amenuisé au fil des invalidations de plusieurs des « privilèges civils » de l'assurance vie par la Cour d'arbitrage, puis par la Cour constitutionnelle (C.A., 26 mai 1999, et C.C , 27 juillet 2011, sur l'invalidation des art. 127 et 128 de la loi de 1992 en assurance vie individuelle et en assurance de groupe; C.C., 26 juin 2008, sur l'invalidation du régime dérogatoire de l'art. 124 de la loi de 1992 en matière de réduction successorale [62]).

Conjugué à l'alignement partiel du régime juridique des opérations de capitalisation sur celui des assurances de personnes (cf. supra, nos 51-52), l'élargissement de la notion de contrat d'assurance vie, à présent contenu à l'article 160 nouveau, a sans doute sonné le glas d'un débat qui aura passionné le monde de l'assurance vie pendant plus d'une décennie.

Aménagements pour les assurances collectives (assurances groupe)

57.L'une des principales critiques adressées à la loi de 1992, dans le domaine des assurances de personnes, fut son inadéquation, à plus d'un titre, à l'égard des formes collectives de ces assurances, en particulier des assurances groupe.

Il a, notamment, été reproché au législateur d'avoir méconnu le fait que, dans ces assurances collectives, la qualité de « preneur d'assurance », à laquelle sont attachées un ensemble de prérogatives sur le contrat d'assurance (droit de d­ésignation et de révocation bénéficiaires; droit d'exercer des opérations sur la réserve mathématique (art. 106, 112 et 114 à 120 anciens; art. 169, 176 et 178 à 184 nouveau)), revient à l'employeur ou aux partenaires sociaux, alors que les travailleurs affiliés ont pourtant, eux aussi, un intérêt légitime à l'exercice de ces prérogatives pour ce qui concerne leurs droits et réserves acquis individuellement dans le cadre de l'assurance groupe souscrite à leur profit, ainsi que l'admet, d'ailleurs, dans des conditions strictement encadrées, la législation d'avril 2003 sur les pensions complémentaires.

D'autres allusions au « preneur d'assurance », à hauteur des dispositions de la loi de 1992 consacrées à l'absence de bénéficiaire (art. 107 ancien; art. 170 nouveau), au sort de la désignation bénéficiaire du conjoint (art. 108 ancien; art. 171 nouveau), à l'acceptation bénéficiaire (art. 123 ancien; art. 187 nouveau) ou encore aux « privilèges civils » de l'assurance vie (art. 124 à 128 anciens, repris, pour partie, aux art. 188 à 190 nouveaux), ont été également dénoncées comme se trouvant en porte-à-faux par rapport à la structure triangulaire de l'assurance groupe, qui commanderait logiquement d'évoquer, alternativement, l'affilié [63].

58.Dans la loi nouvelle, le législateur a entendu rencontrer ces critiques. Son article 160, alinéa 2, habilite, en effet, le Conseil des ministres à adopter un arrêté royal, pris sur avis de la FSMA et de la BNB, pour écarter l'application de dispositions relatives aux contrats d'assurance vie à certains de ces contrats ou à y substituer d'autres règles.

Règles particulières concernant les assurances vie de la branche 23

59.Bien qu'elles ne relèvent pas des dispositions contractuelles reprises de la loi de 1992, les règles de transparence et d'investissement introduites par la loi nouvelle pour les assurances vie liées à des fonds d'investissement (la « branche 23 ») méritent une attention spécifique [64].

60.Ces règles, qui viennent compléter le cadre réglementaire dont ces assurances font déjà l'objet aux articles 62 à 73 de l'arrêté vie de 2003, visent, tout d'abord, à renforcer l'obligation de transparence pesant sur l'assureur, en lui imposant d'informer le preneur d'assurance, avant la conclusion du contrat et en des termes clairs, sur le risque que ce dernier supporte (art. 19, § 1er, al. 2).

Cette mesure d'avertissement précontractuel n'est pas neuve. Elle était déjà imposée par l'article 8, § 6, de l'arrêté vie de 2003 et fait partie des règles d'autodiscipline adoptées par Assuralia et les fédérations d'intermédiaires d'assurance en décembre 2006 à travers le code de bonne conduite relatif à la publicité et à l'information sur les assurances vie individuelles [65].

Elle a, par ailleurs, été renforcée à l'occasion de la réforme dite « MiFID » de l'assurance, entrée en vigueur le 30 avril 2014, qui l'impose à l'ensemble des prestataires de services d'assurance (assureurs vie et intermédiaires d'assurance) [66]. Elle fait aussi l'objet d'une attention particulière dans l'arrêté royal du 25 avril 2014 réglementant l'information et la publicité dans le domaine des produits financiers (notamment, des assurances d'épargne ou d'investissement), qui entrera en vigueur le 12 juin 2015 [67].

61.Ensuite, donnant corps légal à la disposition figurant à l'article 65, § 3, alinéa 1er, de l'arrêté vie de 2003, l'article 19, § 2, de la loi nouvelle prévoit que le contrat relatif à une assurance vie de la branche 23 ne peut comporter une garantie de rendement minimum que si cette garantie fait l'objet d'une couverture prise auprès d'une entreprise agréée à cet effet dans l'Union européenne.

62.Enfin, la loi introduit un certain nombre de règles et de limites d'investissement. D'une manière générale, les prestations d'une assurance vie de la branche 23 ne peuvent dorénavant plus être liées, directement ou indirectement, qu'à des actifs et instruments « dont l'assureur est en mesure de bien évaluer les risques » (art. 19, § 1er, al. 1er).

Par ailleurs, faisant ici usage de la faculté offerte aux Etats membres par l'article 133, § 3, de la directive « Solvabilité II », la loi prévoit que, lorsque le preneur d'assurance est un « client de détail », au sens de l'article 5, 50°, et, partant, de l'article 2, alinéa 1er, 29°, de la loi du 2 août 2002 relative à la surveillance du secteur financier et aux services financiers, ces prestations ne peuvent être liées, directement ou indirectement, qu'à des parts d'organismes de placement collectif (O.P.C.) réglementés ou à des actifs appartenant aux catégories de placement ouvertes à de tels organismes (art. 20, § 1er[68].

Par dérogation à cette règle de base, un fonds auquel sont liées des prestations d'assurance peut toutefois, à certaines conditions, placer plus de 20% de la valeur de ses actifs dans des dépôts auprès d'un seul et même établissement de crédit agréé et situé dans un Etat membre de l'Espace économique européen (E.E.E.), ou dans des obligations et autres instruments financiers à revenu fixe émis par un seul et même établissement de crédit de ce type (art. 20, § 2 et 3). Il est également permis qu'un tel fonds place plus de 20% de la valeur de ses actifs dans des instruments financiers émis ou garantis par certaines administrations publiques (art. 20, § 4).

Dans ces différents cas dérogatoires, il ne peut être fait mention d'une quelconque garantie de capital (totale ou partielle) et cette caractéristique doit être explicitement mentionnée dans les informations précontractuelles et dans la publicité. En revanche, dans les cas visés aux articles 20, § 2 et 3, de la loi, il peut être fait mention de l'existence d'une protection du capital à l'échéance finale pour autant, toutefois, que la structure financière sous-jacente offre cette protection [69].

L'application des règles et limites d'investissement peut être évaluée par le commissaire de l'assureur (art. 20, § 5, dernier al.; technique dite « look through »).

La loi habilite le Roi à prendre, le cas échéant, des mesures d'accompagnement afin d'imposer l'insertion d'une mise en garde des preneurs d'assurance dans les documents publicitaires et autres documents précontractuels. De même, elle autorise le Roi à préciser les règles énoncées aux § 1 à 5 de cet article 20 (art. 20, § 6).

63.Sur ce dernier point, le gouvernement a pris les devants en approuvant, par un arrêté royal du 24 avril 2014 (pris sur la base de l'art. 30bis, al. 1er, 1°, de la loi précitée du 2 août 2002), un règlement de la FSMA du 3 avril 2014 concernant l'interdiction de commercialisation de certains produits financiers auprès de clients de détail [70].

Cette réglementation, entrée en vigueur le 1er juillet 2014, a pour objectif de proscrire la commercialisation de produits financiers, notamment d'assurances vie, très spéculatifs, voire douteux sur le plan de l'éthique, complexes et/ou extrêmement difficiles à évaluer (assurances vie « négociées », mieux connues sous le nom de « life settlements »; assurances vie liées au cours d'une monnaie virtuelle, telle que les « bit coins »; assurances vie liées à des investissements dans des actifs « non conventionnels », tels que des collections d'oeuvres d'art, de bouteilles de vin ou de whisky, ou des matières premières).

64.Tout en étant conscient du fait que les règles d'investissement relèvent, en tant qu'élément du statut prudentiel des entreprises d'assurance, de la compétence de l'Etat membre d'origine de l'assureur (« home country control »), le législateur a fait le choix d'imposer le respect de ces nouvelles règles dans le cadre de tout « engagement [...] situé en Belgique » (art. 20, § 1er), c'est-à-dire de tout contrat (d'assurance vie de la branche 23) souscrit avec un preneur d'assurance qui y réside habituellement (cf. l'art. 6, § 2, sous a), de la loi).

Ce choix en faveur d'un rattachement de ces règles au domaine du « host country control » est présenté dans l'exposé des motifs comme étant temporaire, dans l'attente de l'expiration du délai de transposition de la directive « Solvabilité II » (31 mars 2015). Ceci ne manque toutefois pas de surprendre quand on sait que la compétence de l'Etat membre d'origine de l'assureur en matière de règles d'investissement ne date pas de cette directive, mais de ce qu'il est convenu d'appeler la « troisième directive assurance vie » du 10 novembre 1992 (art. 8 et 21).

Certes, ainsi que le souligne l'exposé des motifs [71], l'article 349 de la loi nouvelle habilite le Roi à prendre les mesures nécessaires pour assurer la conformité de cette loi aux obligations internationales et européennes de la Belgique.

Mais quel curieux paradoxe que celui offert par la loi nouvelle, dont les initiateurs ont entendu justifier l'urgente nécessité en surfant, notamment, sur l'obligation de transposer en droit belge la directive « Solvabilité II », mais qui, dans le même temps, se prévalent du délai de transposition offert par le législateur européen pour prétendre imposer aux assureurs des autres Etats membres le respect de certaines de ses dispositions au mépris du principe du « home country control » qui est de mise en matière de surveillance prudentielle.

Assurance vie et droit de la famille

65.Outre une adaptation terminologique bienvenue à la réforme d'avril 2007 qui a remplacé la procédure de divorce pour cause déterminée par celle du divorce pour cause de désunion irrémédiable (cf. l'intitulé de la rubrique précédant l'art. 191 nouveau), le législateur a entendu résoudre les difficultés de cohabitation entre l'article 299 du Code civil, dans sa version héritée de cette même réforme, d'un côté, et les anciens articles 108 et 134, de l'autre côté.

En substance, l'article 108, alinéa 1er, ancien affirmait que, en cas de désignation nominative du conjoint comme bénéficiaire du contrat, le bénéfice de ce dernier lui était maintenu en cas de remariage du preneur d'assurance, sous réserve, notamment, de l'article 299 du Code civil. Or, depuis sa réécriture en 2007, ce dernier généralise la sanction de la perte des avantages faits entre époux durant le mariage à tout cas de divorce (alors que, dans la version applicable à l'époque de l'adoption de la loi de 1992, cette sanction était réservée à l'époux contre lequel le divorce pour cause déterminée avait été admis).

La même incohérence s'observait entre l'article 299 du Code civil « nouvelle mouture » et les articles 131 et 134 de la loi de 1992.

66.Dorénavant, la solution, qui découle d'une lecture combinée des articles 171, 193 et 196 de la nouvelle loi, et qui vaut tant pour les cas de divorce pour cause de désunion irrémédiable que pour ceux de divorce par consentement mutuel, s'articule autour des axes suivants.

Si la désignation bénéficiaire du conjoint s'apparente à un « avantage » consenti pendant le mariage, au sens de l'article 299 du Code civil, cet article s'applique, avec la conséquence que, sauf stipulation ou convention contraire, le conjoint bénéficiaire (même nommément désigné) perdra automatiquement le bénéfice de cet « avantage ».

Dans l'hypothèse inverse, à savoir celle où, eu égard aux circonstances, la désignation bénéficiaire du conjoint correspondrait à une obligation naturelle, à un devoir de secours mutuel ou encore à une charge normale du mariage [72], l'article 299 du Code civil n'est pas applicable. En pareil cas, le conjoint divorcé demeure en principe bénéficiaire, à moins que, dans le contrat d'assurance lui-même, une autre personne ait été désignée (nommément ou non) comme bénéficiaire en cas de divorce (ce qui, en pratique, est très souvent le cas) et que l'assureur ait été informé de ce divorce, ou que les époux en soient convenus autrement (pendant la procédure de divorce ou ultérieurement, dans le cas d'un divorce pour désunion irrémédiable, ou conformément à l'art. 1287 du C. jud., dans le cas d'un divorce par consentement mutuel) et aient informé l'assureur de la nouvelle désignation.

67.En marge de ces nouvelles solutions légales, l'on soulignera que les articles 127 et 128 de la loi de 1992, relatifs au statut matrimonial des prestations d'assurance vie, n'ont pas été repris dans l'exercice de codification opéré par la nouvelle loi. La raison en est que ces deux articles, qui ont été invalidés par un arrêt de la Cour d'arbitrage du 26 mai 1999 en matière d'assurance vie individuelle, puis par un arrêt de la Cour constitutionnelle du 27 juillet 2011 en matière d'assurance groupe [73], sont voués à disparaître de la législation contractuelle d'assurance au profit de l'introduction, dans le Code civil, de dispositions spécifiques tirant les leçons de cette double censure constitutionnelle [74].

c) Assurances maladie

68.Les articles 201 à 211 de la nouvelle loi n'apportent aucun changement aux dispositions antérieures des articles 138bis-1 à 138bis-11 de la loi de 1992 [75], si ce n'est sur un aspect qui touche à l'une des mesures phares de la réforme introduite par les lois du 20 juillet 2007 et du 17 juin 2009: dans les contrats privés d'assurance maladie, le droit des malades chroniques et des personnes handicapées à une assurance soins de santé à des conditions tarifaires « normales » (art. 138bis-6 ancien).

Initialement envisagée à titre expérimental pour une période de 2 ans, la mesure fut prolongée à deux reprises, la seconde prolongation étant à mettre à l'actif d'un arrêté royal du 20 juin 2012 qui, en dépit d'un avis défavorable du Conseil d'Etat, décida son maintien « au-delà du 30 juin 2012 » [76].

69.Afin de couper court à toute incertitude, le législateur, prenant appui sur un rapport du Centre fédéral d'expertise des soins de santé qui montrerait que l'application de la mesure « ne donne pas lieu à controverse », a décidé, à l'article 206 de la nouvelle loi, de gommer toute allusion au caractère temporaire de cette mesure, en ne reprenant pas l'alinéa 4 de l'article 138bis-6 de la loi de 1992.

d) Assurances du solde restant dû
Incorporation de la « loi Partyka »

70.La loi du 4 avril 2014 reprend, aux articles 212 à 224, le contenu des articles 138ter-1 à 138ter-13 de la loi de 1992, fruit d'une loi du 21 janvier 2010, dite « loi Partyka » [77].

En substance, cette dernière loi, qui, à l'exception de son article 3, n'est jamais entrée en vigueur faute d'arrêté royal en ce sens, a introduit, sous la forme d'une « loi-cadre », un ensemble de mesures [78] visant à résoudre les difficultés rencontrées par les personnes à l'état de santé fragile (malades chroniques, personnes atteintes d'un cancer ou en ayant souffert, personnes frappées par une maladie rare) pour accéder, à des conditions supportables, à une assurance du solde restant dû garantissant le remboursement d'un emprunt hypothécaire.

71.Il fut ainsi prévu - c'était l'article 3 - de confier à la Commission des assurances ou, en cas d'échec, au pouvoir exécutif l'élaboration d'un code de bonne conduite ainsi que d'un questionnaire médical standardisé. Les devoirs de transparence et de motivation de l'assureur furent renforcés en cas de refus d'assurance, d'ajournement de l'octroi de la garantie ou d'application d'une surprime ou d'une clause spécifique d'exclusion liée à l'état de santé de l'assuré. Une procédure de réévaluation par le réassureur fut mise en place en cas de désaccord du candidat preneur sur le montant de la surprime envisagée par l'assureur.

La loi du 21 janvier 2010 jeta également les bases du Bureau du suivi de la tarification, chargé d'apprécier le caractère justifié (d'un point de vue médical et assurantiel) de la surprime réclamée par l'assureur, de fixer les conditions d'accès du candidat à une assurance du solde restant dû et de faire des « propositions contraignantes ». Un mécanisme de solidarité, orchestré par une Caisse de compensation, fut conçu pour répartir le coût des risques aggravés sur l'ensemble des assureurs vie et des organismes de crédit hypothécaire actifs en Belgique.

Enfin, il fut prévu que, en cas d'application d'une surprime supérieure à 200%, l'assureur devrait offrir au preneur une « garantie standardisée » d'un montant maximum de 200.000 EUR.

72.Les articles 212 à 224 nouveaux confirment, dans l'ensemble, ces mesures, tout en y apportant quelques retouches.

Tout d'abord, tirant les leçons de l'échec des travaux de la Commission des assurances à la suite du recours en annulation introduit par Assuralia devant la Cour constitutionnelle contre la loi du 21 janvier 2010, l'article 212 nouveau n'évoque plus l'idée d'un code de bonne conduite. En outre, il confie directement aux autorités réglementaires le soin de déterminer le contenu du questionnaire médical standardisé dans les assurances du solde restant dû, dans le respect de la législation belge et européenne relative à la protection de la vie privée. Des dispositions d'exécution pourront également porter sur les autres points qui étaient censés constituer le contenu du code de bonne conduite en vertu de l'article 138ter-1, § 1er, alinéa 1er, de la loi de 1992, auxquels s'ajoute un point concernant « les cas dans lesquels une déclaration sur l'honneur doit être produite en ce qui concerne l'objet du contrat » (art. 212, § 1er, al. 1, 9°, nouveau).

Par ailleurs, tandis que l'ancienne disposition légale renvoyait au code de bonne conduite pour « les sanctions civiles prévues en cas de manquement aux règles [de ce code] » (art. 138ter-1, § 1er, al. 1er, 9°, de la loi de 1992), la loi elle-même dispose à présent que, nonobstant toute stipulation contraire défavorable au candidat à l'assurance, l'assureur est tenu de réparer le préjudice causé par le non-respect des dispositions d'exécution en cause, étant précisé que le préjudice causé à ce candidat est, sauf preuve contraire, présumé résulter du non-respect de ces dispositions (art. 212, § 3, nouveau).

La loi entend ainsi appliquer aux manquements aux dispositions d'exécution de son article 212 un régime de présomption de causalité analogue à celui récemment introduit par la législation « Twin Peaks II » en cas de manquement de l'assureur ou de l'intermédiaire d'assurance aux règles de conduite « MiFID » régissant le devoir d'information, de conseil et de diligence dans la phase précontractuelle [79].

73.Ensuite, la loi nouvelle entend contenir dans des limites raisonnables la procédure de réévaluation du dossier par le réassureur, puis, le cas échéant, par le Bureau du suivi de la tarification. A cet effet, il est prévu qu'un arrêté royal puisse dispenser le réassureur d'un tel réexamen lorsque la surprime envisagée par l'assureur est inférieure ou égale à un pourcentage déterminé de la prime de base, ce pourcentage ne pouvant toutefois pas excéder 25% (art. 214, al. 3, nouveau).

Dans ce même souci de limiter l'afflux de dossiers de révision, la loi prévoit dorénavant que le Bureau du suivi de la tarification pourra également être dispensé d'une telle révision lorsque la surprime envisagée « ne représente pas un ratio minimum de la prime de base » (art. 217, § 1er, al. 2, nouveau). L'objectif est de faire en sorte que le Bureau ne soit saisi que de dossiers dans lesquels la surprime envisagée par l'assureur en raison de l'état de santé du candidat à l'assurance dépasse un certain seuil indicatif du degré de gravité de son affection médicale.

La nouvelle loi confirme au passage explicitement que l'intervention du Bureau n'est pas limitée aux cas de surprime et s'étend aux refus d'assurance (art. 217, § 1er, al. 1er, et 3, al. 1er).

Enfin, l'article 217, § 4 et 5, de la loi de 2014 introduit des règles concernant la prise en charge des frais de fonctionnement et des tâches de secrétariat du Bureau.

Arrêté d'exécution du 10 avril 2014

74.Alors que l'arrêté royal censé permettre l'entrée en vigueur et l'application effective de la loi du 21 janvier 2010 s'est fait vainement attendre pendant 4 ans, le Gouvernement a, en revanche, profité de la vague préélectorale pour assurer celles des articles 212 à 224 de la loi nouvelle par un arrêté royal du 10 avril 2014 [80]. Cet arrêté royal fixe la date de l'entrée en vigueur des articles 212 à 224 de la loi nouvelle au 10 juin 2014 (art. 30).

Par ailleurs, l'arrêté royal, dont le champ d'application est limité aux contrats d'assurance du solde restant dû garantissant le remboursement du capital d'un crédit hypothécaire contracté « en vue de la transformation ou de l'acquisition de l'habilitation propre et unique du candidat à l'assurance » (art. 1er, 1°) [81], précise, ou donne exécution à, un certain nombre de mesures contenues dans ces articles.

75.S'agissant des questionnaires médicaux, plutôt que d'user de l'habilitation contenue à l'article 212, § 1er, de la loi d'établir lui-même un questionnaire médical standardisé, il prévoit que l'entreprise d'assurance ne peut utiliser qu'un questionnaire médical préalablement approuvé par le Bureau du suivi de la tarification et ce, à l'égard de tout candidat à l'assurance (indépendamment du fait que ce dernier présente, ou non, un risque de santé accru) (art. 4). Le rapport au Roi précise que cette approche a été préférée à celle d'un questionnaire médical standardisé (uniforme) pour des raisons de souplesse, en ce qu'elle permet aux assureurs de s'appuyer, pour la rédaction de leurs questionnaires, sur leur propre expertise pour appréhender les conséquences probables de certaines affections médicales sur la fixation de la prime.

Les questionnaires médicaux doivent cependant être conformes à la législation relative à la protection de la vie privée. Notamment, les questions qu'ils comportent doivent être précises et porter exclusivement sur des événements susceptibles d'attester du caractère accru d'un risque de santé dans le chef du candidat assuré. Elles ne peuvent, en outre, faire aucune référence aux aspects strictement privés de la vie de ce candidat assuré, tels que sa sexualité, ses hobbys, ses voyages à l'étranger ou encore sa vie professionnelle (art. 5).

76.L'obligation de motivation qui pèse sur l'assureur lorsque celui-ci décide de refuser l'assurance ou d'en ajourner l'octroi, de réclamer une surprime ou de prévoir une exclusion spécifique de garantie en raison d'un risque de santé accru est détaillée aux articles 2 et 6 à 8. L'objectif général des mesures prévues à ces articles est de permettre de contrôler que le sort particulier réservé par l'assureur à un assuré en raison de son état de santé repose sur une justification objective, conformément à une exigence commune aux normes « anti-discrimination » (cf., en ce sens, l'art. 44 nouveau).

Sans préjudice de l'application de l'article 61 nouveau en matière d'information médicale, le candidat à l'assurance est en droit de demander par écrit au médecin-conseil de l'assureur des informations complémentaires sur les raisons médicales de la décision prise par l'assureur, ou de consulter les résultats d'un examen qui font partie de son dossier médical (art. 9 A.R. 10 avril 2014).

Par ailleurs, sur demande écrite du candidat assuré ou de l'assuré, l'assureur est tenu de fournir à l'intéressé des informations sur les études concrètes et/ou statistiques ayant motivé sa décision ainsi que sur la relation entre la surmortalité attendue et le niveau de la surprime réclamée. En revanche, il n'est pas obligé d'accéder à des demandes visant à obtenir des informations telles que les statistiques internes ou les règles d'acceptation et de tarification propres à l'entreprise d'assurance (art. 10).

77.L'arrêté royal précise les conditions de fonctionnement du Bureau du suivi de la tarification. Ce Bureau devra se doter d'un règlement d'ordre intérieur (art. 12). Conformément à l'article 217 nouveau, l'arrêté royal (art. 13) entend circonscrire l'accès au mécanisme de révision par le Bureau (après réévaluation éventuelle par le réassureur dans les conditions prévues aux art. 214 et 215 nouveaux [82]), s'agissant de l'application d'une surprime, aux cas d'une certaine importance reflétant la gravité de l'affection médicale du candidat à l'assurance, à savoir ceux dans lesquels la surprime proposée est supérieure à 75% de la prime de base (cette dernière correspond, aux termes de l'art. 223, al. 3, nouveau et de l'art. 1er, 2°, de l'A.R. du 10 avril 2014, à la prime la plus avantageuse, en tenant compte d'une éventuelle réduction, proposée par l'assureur à une personne du même âge pour une même prestation d'assurance).

Le Bureau devra faire une « proposition contraignante » aux parties concernées dans les 15 jours de la réception du dossier complet (art. 15). L'assureur devra alors informer, dans un délai raisonnable, le candidat à l'assurance de « sa décision concernant la conclusion d'un contrat établi aux conditions fixées dans la proposition contraignante [du] Bureau » (art. 16).

Le rapport au Roi précise, à cet égard, que, si cette proposition ne mène pas à une surprime plus favorable pour le candidat à l'assurance, l'assureur peut confirmer son offre initiale. Dans le cas contraire, il peut soit formuler une offre correspondant à la proposition du Bureau, soit refuser l'assurance. L'arrêté royal s'inscrit ici dans le droit fil de l'analyse portée par la Cour constitutionnelle dans son arrêt n° 166/2011 du 10 novembre 2011 à la suite du recours introduit par Assuralia contre la loi du 21 janvier 2010, à savoir que l'objectif du législateur n'a pas été d'introduire un droit absolu à une assurance du solde restant dû ou une obligation pour l'assureur de contracter [83].

78.S'inspirant des dispositions relatives aux conditions d'agrément et de contrôle de la Caisse de compensation des catastrophes naturelles, l'arrêté royal fixe également les conditions d'agrément, de contrôle et d'intervention de la Caisse de compensation (art. 18 à 28). Il est notamment prévu que cette Caisse n'intervienne que si la surprime réclamée est supérieure à 125% de la prime de base, sans que son intervention ne puisse dépasser 800% de cette prime (art. 28).

79.Les dispositions de l'arrêté royal entreront en vigueur le jour de la publication au Moniteur belge du règlement d'ordre intérieur du Bureau du suivi de la tarification et, au plus tard, le 1er janvier 2015 (art. 31).

IV. Participations bénéficiaires

80.Les règles en matière de participation bénéficiaire contenues aux articles 47 à 53 de la loi du 4 avril 2014 figurent au rayon des nouveautés.

a) Champ d'application des nouvelles règles

81.L'objectif annoncé est d'améliorer la transparence, l'information des preneurs et la qualité de la publicité en ce qui concerne la participation des contrats aux bénéfices de l'assureur [84].

A ce titre, l'article 47 nouveau, se revendiquant, aux termes de l'exposé des motifs, de la règle de compétence de l'Etat membre de l'engagement prévue à l'article 185, § 8, de la directive « Solvabilité II », impose le respect de ces règles dans le cadre de tout contrat d'assurance dont le risque ou l'engagement est situé en Belgique.

Si la solution se défend pour les règles de publicité et d'information précontractuelle ou contractuelle, il est, en revanche, permis de se demander, à l'instar du Conseil d'Etat [85], si les règles relatives à la définition même du contenu du plan de participation bénéficiaire et à la détermination des critères d'attribution de la participation aux contrats d'assurance distincts (art. 51, § 1er et 4), ou encore celles ouvrant la voie à un possible régime de participation bénéficiaire relevant d'une obligation légale (art. 53), ne relèvent pas davantage de la sphère des normes prudentielles régissant la solidité financière des entreprises d'assurance et, à ce titre, de la compétence de l'Etat membre d'origine de l'assureur (« home country control »).

Quoi qu'il en soit, les traits essentiels du nouveau régime légal, qui vient renforcer les règles éparses contenues en la matière dans le règlement général de contrôle du 22 février 1991 et, pour les assurances vie, dans l'arrêté vie de 2003, peuvent être résumés comme suit [86].

b) Fondements de la participation bénéficiaire

82.S'agissant du fondement de la participation bénéficiaire, la loi nouvelle envisage à présent ouvertement trois cas de figure.

83.Le premier cas est celui de la participation bénéficiaire relevant d'une obligation légale (participation bénéficiaire légale), en vertu duquel une partie du bénéfice distribuable de l'assureur doit être réservée à la collectivité des contrats d'assurance. Plutôt que de prendre la responsabilité d'introduire elle-même un tel système obligatoire, la loi nouvelle habilite, à l'article 53, les autorités réglementaires à cette fin. Ce système ne pourra cependant pas porter atteinte à l'obligation pour l'assureur de respecter les exigences légales de solvabilité. C'est pourquoi l'arrêté royal devra, le cas échéant, préciser à quelles conditions la répartition des bénéfices en faveur des contrats d'assurance n'emporte pas la renonciation définitive aux montants distribués.

84.Le deuxième cas de figure correspond à la participation bénéficiaire relevant d'une obligation contractuelle (participation bénéficiaire contractuelle). Les stipulations contractuelles ne doivent pas aller jusqu'à préétablir les pourcentages précis et les montants absolus de participation bénéficiaire, mais, si certains paramètres fixés par l'assureur sont remplis, un droit à la participation bénéficiaire est acquis au contrat [87].

85.Le troisième cas de figure est celui de la participation bénéficiaire dépendant d'un pouvoir de décision discrétionnaire de l'assureur (participation bénéficiaire discrétionnaire), où ce dernier décide en totale autonomie, d'année en année, si et, le cas échéant, à concurrence de quel pourcentage ou montant le bénéfice est réparti au profit des contrats d'assurance.

c) Règles de publicité

86.En ce qui concerne la publicité, la participation bénéficiaire ne peut être mentionnée dans les documents publicitaires ou dans les autres documents de commercialisation que dans le cas d'une participation bénéficiaire contractuelle ou dans un éventuel système de participation bénéficiaire obligatoire (art. 48 nouveau).

En revanche, dans le cas d'une participation bénéficiaire discrétionnaire, ni les performances passées, ni les prévisions pour le futur ne peuvent plus être utilisées dans la publicité portant sur le contrat d'assurance [88].

d) Règles d'information

87.S'agissant de l'information précontractuelle et contractuelle, les articles 49 et 50 nouveaux transposent en grande partie les règles prévues à l'article 185, § 5, sous d), de la directive « Solvabilité II », mais sans limiter l'application de ces règles aux seules assurances vie.

88.Avant la conclusion du contrat, le candidat à l'assurance doit être informé « individuellement » par l'assureur sur l'existence éventuelle d'un droit de participation bénéficiaire en faveur des contrats d'assurance, ainsi que sur les modalités de calcul et d'attribution de cette participation (art. 49).

Des règles de transparence sont par ailleurs prévues lorsque l'assureur fait état, en rapport avec l'offre et/ou la conclusion du contrat, de projections de participation bénéficiaire. En particulier, l'assureur doit, sauf pour les assurances décès temporaires, fournir au preneur d'assurance un exemple de calcul fondé sur trois taux d'intérêt différents (art. 50, § 2).

Enfin, chaque fois qu'une participation bénéficiaire est mentionnée dans la publicité, l'assureur doit tenir à la disposition des preneurs d'assurance, avant la conclusion du contrat, un plan de participation bénéficiaire (art. 51, § 1er), dont les éléments constitutifs sont énoncés à l'article 51, § 2, et dont le contenu pourra être précisé par arrêté royal en même temps que les critères d'attribution de la participation aux contrats d'assurance distincts (art. 51, § 4).

89.En cours de contrat, le preneur doit recevoir, au moins une fois par an, une information sur la situation de la participation bénéficiaire. Il doit par ailleurs être informé pendant toute la durée du contrat de toute modification de cette situation (art. 50, § 1er). Si l'assureur avait fait état de projections de participation bénéficiaire, il doit, en outre, informer le preneur des différences entre l'évolution constatée et les données initiales (art. 50, § 3).

90.Conformément aux exigences linguistiques énoncées à l'article 185, § 6, de la directive « Solvabilité II », toute information publicitaire, précontractuelle ou contractuelle doit être formulée de manière claire et précise, par écrit, et être fournie, en principe, dans une des langues officielles de la Belgique. Elle peut toutefois l'être dans une autre langue, à la demande du (candidat-)preneur ou en cas de choix de la loi applicable au contrat (art. 52, § 1er).

e) Répartition de la participation bénéficiaire

91.La loi nouvelle prévoit que la répartition de la participation bénéficiaire entre les contrats d'assurance doit se faire dans le respect de l'équité entre les preneurs (art. 51, § 3), en tenant compte de la contribution individuelle de chaque contrat aux bénéfices financiers, techniques et de gestion, ainsi que de la tarification individuelle, y compris du taux d'intérêt garanti contractuellement ou non.

V. Dispositions transitoires, modificatives et abrogatoires - Entrée en vigueur

92.La loi du 4 avril 2014 comporte de nombreuses dispositions transitoires, modificatives et abrogatoires, ainsi que des textes relatifs à son entrée en vigueur (art. 311-353). Très succinctement, nous évoquerons essentiellement les principaux aspects relatifs au droit du contrat d'assurance (Parties 4 et 5).

a) Dispositions transitoires et adaptation formelle des contrats

93.Les dispositions des Parties 4 et 5 sont applicables « tant aux contrats conclus à ou après la date d'entrée en vigueur de la présente loi qu'aux contrats conclus antérieurement qui sont toujours en cours à cette date » (art. 311, § 3).

Cette application immédiate de principe aux contrats en cours s'appréciera en tenant compte de la très large identité des textes de la loi nouvelle et de la loi ancienne. Un certain nombre de modifications ont cependant été décrites, qui vont donc directement affecter les contrats existants (entre autres, la généralisation du régime de l'information médicale, les changements apportés à la mise en oeuvre des sanctions pour défaut de paiement de la prime, le régime de la résiliation après sinistre ou encore les nouvelles dispositions protectrices des incapables en matière de prescription et de paiement de la prestation d'assurance).

La règle ne vaut toutefois pas pour les dispositions relatives aux assurances du solde restant dû (art. 311, § 3, initio). Par ailleurs, un régime transitoire est organisé pour la prescription applicable au recours de l'assureur de responsabilité (art. 311, § 4, concernant les art. 89, § 1er, et 256).

94.Répondant au souhait exprimé par la majorité des membres de la Commission des assurances, le législateur a, en outre, prévu que les nouvelles règles d'information et d'investissement relatives aux assurances vie de la branche 23 ne s'appliquent, en principe, qu'aux contrats souscrits après l'entrée en vigueur de la loi. S'agissant des contrats en cours, ces règles nouvelles s'appliqueront à compter de la date à laquelle, soit le contrat est lié à un ou plusieurs nouveaux fonds d'investissement ou le règlement de gestion est modifié, soit les conditions relatives au rendement (minimum) sont modifiées (art. 311, § 1er).

95.Les assureurs devront procéder à l'adaptation formelle des documents contractuels « au plus tard le premier jour du 13ème mois suivant la publication de la loi », c'est-à-dire le 1er mai 2015. Les références que les documents actuels feraient à la loi du 25 juin 1992 ou du 11 juin 1874 sont entre-temps présumées se rapporter aux dispositions équivalentes de la loi nouvelle (art. 311, § 6).

b) Dispositions modificatives et abrogatoires

96.Les dispositions modificatives et abrogatoires les plus nombreuses concernent la loi du 9 juillet 1975 relative au contrôle des entreprises d'assurances (art. 323-332 et 347) et certaines autres lois ne traitant pas du contrat d'assurance (art. 333-340 et 347).

La législation antérieure relative au contrat d'assurance connaît le sort suivant.

97.La loi du 11 juin 1874 est abrogée (art. 347, 4ème tiret). On rappellera que ses dispositions générales ont été intégrées dans la loi nouvelle, aux articles 225 à 256.

98.La loi du 25 juin 1992, dont l'essentiel a été repris dans la loi nouvelle (art. 54 à 234), n'est pas intégralement abrogée. N'en sont abrogés que « les chapitres II, III et IV du titre I, le titre II, les chapitres Ier, III, IV et V du titre III, les sections I, à l'exception de l'article 97, II, III, IV et V du chapitre II du titre III et la sous-section II de la section VI du chapitre II du titre III » (art. 347, 2ème tiret). On appréciera le style législatif, particulièrement lumineux …

En vue d'« accroître la lisibilité du cadre législatif », objectif cher au ministre (cf. supra, n° 4), n'aurait-il pas été plus simple de dire que « la loi du 25 juin 1992 est abrogée, à l'exception de ses articles 1er, 56, 97, 127 et 128 » [89]?

99.Les articles 341 à 343 abrogent la quasi-intégralité des dispositions de la loi du 21 janvier 2010 relative aux assurances du solde restant dû pour les personnes présentant un risque de santé accru (cf. supra, n° 70) [90].

100.Etonnante est la présence dans la loi du 4 avril 2014 de dispositions modifiant … la loi du 4 avril 2014 (art. 344-346)! Les textes en cause ne concernent pas le droit du contrat, mais les intermédiaires d'assurances. Il s'agit de modifications déjà prévues par une loi du 31 juillet 2009, mais non encore en vigueur. Ces modifications affectent les articles 4 et 270 de la loi nouvelle, et y insèrent déjà un article 270bis! Elles entreront en vigueur à une date ultérieure que fixera le Roi (art. 353, § 2).

c) Entrée en vigueur

101.La date de l'entrée en vigueur de la loi du 4 avril 2004 a été fixée au « premier jour du mois qui suit l'expiration d'un délai de six mois prenant cours le lendemain de sa publication au Moniteur » (art. 352), c'est-à-dire au 1er novembre 2014.

Quelques exceptions sont prévues. L'on a ainsi relevé plus haut (cf. supra, nos 74-79) qu'un arrêté royal du 10 avril 2014 a déjà concrétisé l'habilitation conférée au Roi par l'article 353, § 1er, de la loi concernant la fixation de la date d'entrée en vigueur du chapitre relatif aux contrats d'assurance qui garantissent le capital d'un crédit (1er janvier 2015 au plus tard).

Conclusions générales

102.La Belgique détient certainement un record mondial de durée avec le temps qu'il lui a fallu jadis pour réformer son droit du contrat d'assurance: depuis l'entrée en charge du Commissaire Royal Van Dievoet en 1937 à la promulgation de la loi du 25 juin 1992, 55 ans s'étaient écoulés. Un peu plus de 2 décennies plus tard, il a suffi de quelques mois pour qu'une nouvelle législation soit adoptée…

103.Il n'y a pas lieu de s'en réjouir. Si la loi de 1992 appelait encore certaines réformes ponctuelles (elle en avait déjà subi une bonne vingtaine en 22 ans [91]!), une réforme globale ne répondait à aucune nécessité apparente. Le résultat est assez désolant, la législation sur le contrat d'assurance étant dorénavant perdue dans la Partie 4 d'un monumental code des assurances, qui n'a même pas le mérite de rassembler tous les textes pertinents. Pour le juriste, le changement de numérotation des articles va inutilement compliquer les références à la jurisprudence et à la doctrine existantes. Pour le consommateur, dont les auteurs de la réforme proclamaient vouloir se soucier en « accroissant la lisibilité du cadre législatif », l'effet contraire est atteint, l'accès aux dispositions régissant le contrat d'assurance étant rendu singulièrement plus difficile. On regrettera aussi le manque de transparence et le caractère expéditif du processus ayant conduit à l'adoption de la nouvelle loi.

104.Sur le fond, toutefois, il y a peu de changements. La plupart des textes de la loi du 25 juin 1992 ont été repris littéralement, et la structure de la loi ancienne a été conservée. Dans les parties générales, une série de modifications ponctuelles d'importance variable ont été introduites, certaines opportunes, d'autres surprenantes, d'autres encore discutables (cf. supra, nos 18-47). Mais l'occasion a été manquée de rencontrer un certain nombre d'autres problèmes où la doctrine avait proposé de modifier et d'améliorer la législation (cf. supra, nos 9-10).

105.La loi nouvelle offre néanmoins quelques motifs de satisfaction.

Le législateur en a, en effet, profité pour améliorer, dans la ligne de l'arrêt « Stagno » de la Cour européenne des droits de l'homme, la protection des personnes incapables (mineurs, notamment) en matière de prescription et de paiement des prestations.

Dans le domaine des assurances de personnes, la loi consacre aujourd'hui, pour les assurances d'enfants en bas âge, une solution plus conforme à la réalité du marché. Les clarifications apportées par une loi de juillet 2013 sur la notion de contrat d'assurance vie ont gagné en visibilité en étant incorporées dans la nouvelle loi. Le pouvoir exécutif est à présent autorisé à adopter les mesures nécessaires à la prise en compte des spécificités des assurances collectives de personnes (assurances groupe, en particulier). La cohabitation du droit commun des régimes matrimoniaux et des règles propres au sort des assurances vie en cas de divorce ou de séparation de corps devrait être plus harmonieuse. Last but not least, le mécanisme de protection des personnes à l'état de santé fragile dans les assurances du solde restant dû, après être demeuré lettre morte pendant des années, pourra enfin entrer en vigueur le 1er janvier 2015 au plus tard, par l'effet conjugué de la nouvelle loi et d'un arrêté royal d'exécution adopté dans sa foulée.

106.Ces quelques éléments de progrès ne dissipent toutefois pas l'impression générale d'une initiative législative pas toujours bien réfléchie, imparfaite, voire discutable sur plusieurs points. Ainsi, le régime « hybride » d'assimilation partielle des opérations de capitalisation aux assurances de personnes n'est sans doute pas des plus heureux. L'on regrettera aussi que le législateur n'ait pas trouvé dans la perspective électorale d'avril 2014 l'élan suffisant pour conduire enfin à son terme la réforme du statut matrimonial de l'assurance vie qui se fait attendre depuis plus de 15 ans. Enfin, certains choix du législateur, notamment en matière de participations bénéficiaires et de règles d'investissement relatives aux assurances vie de la branche 23, posent question au regard du droit européen et, singulièrement, des règles désignant l'Etat membre compétent en matière de contrôle prudentiel.

107.La loi de 1992 fut retouchée pour la première fois moins de 2 ans après son adoption, par une loi du 16 mars 1994, avant de connaître une succession d'autres adaptations ponctuelles. Bien que l'initiateur de la nouvelle loi ait présenté celle-ci comme l'aboutissement d'une longue réflexion prétendument menée en concertation avec les milieux professionnels et académiques, l'on n'oserait jurer que la loi du 4 avril 2014 est promise à davantage de quiétude parlementaire et de stabilité.

[1] Professeur émérite à la Faculté de droit de l'UCL.
[2] Maître de conférences invité à l'UCL, référendaire à la Cour de justice de l'Union européenne.
[3] Avis du 20 septembre 2013 de la Commission des assurances sur le projet de « loi assurances FSMA », Doc. C/2013-3, p. 2 (disponible sur le site www.fsma.be).
[4] Doc. parl., Ch. repr., 2013-2014, n° 53-3361/004, p. 5.
[5] Ibid., p. 5.
[6] Ibid., pp. 5-6.
[7] Directive 2009/138/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009, sur l'accès aux activités de l'assurance et de la réassurance et leur exercice (Solvabilité II) (J.O. L 335, p. 1).
[8] Doc. parl., Ch. repr., 2013-2014, n° 53-3361/004, p. 4.
[9] L'Echo et De Tijd, 23 octobre 2013.
[10] Doc. parl., Ch. repr., 2013-2014, n° 53-3361/001, pp. 231-251, partic. pp. 233-236.
[11] Une première série d'amendements sont repris dans le document n° 53-3361/003 de la Chambre. Il s'agit de six amendements du Gouvernement et d'un amendement de MM. George et consorts (ce dernier porte sur le régime de la mise en demeure en cas de défaut de paiement des primes) (futur article 70; cf. infra, n° 31). Ces amendements ont été adoptés en commission (Doc. n° 53-3361/004, pp. 32-36). Deux autres amendements ont été proposés par M. Looghe concernant l'article 85 (durée des obligations) et l'article 37 (emploi des langues dans certains documents) (Doc. n° 53-3361/006), mais ils ont été rejetés en séance plénière (C.R.I., Ch. repr., 2013-2014, séance du 20 mars 2014, n° 191, p. 28).
[12] La Commission des assurances relève également, à juste titre, que « le procédé […] occasionnera inévitablement des frais supplémentaires sans valeur ajoutée, ne serait-ce qu'en raison de la renumérotation des articles dans les documents et les polices d'assurance » (avis précité, p. 5). Nous ajouterons que cette renumérotation va aussi compliquer la consultation de tout le corps de jurisprudence et de doctrine préexistant relatif au droit du contrat d'assurance. On y reviendra infra, n° 20.
[13] Cf. la carte blanche évoquée supra, n° 6.
[14] Ibid. Cf. aussi l'avis précité de la Commission des assurances, p. 7, ainsi que La loi sur le contrat d'assurance terrestre. Bilan et perspectives après 20 années d'application (B. Dubuisson et V. Callewaert (dirs.)), Bruxelles, Bruylant, 2012, pp. 7-8.
[15] Cf. l'opinion de la représentante du Fonds des accidents du travail relatée dans l'avis précité de la Commission des assurances (p. 7) et l'adaptation de l'article 198 du projet de loi proposée par cette dernière (p. 30 du même avis).
[16] Sur cette controverse, cf. M. Fontaine, Droit des assurances (4ème éd.), Bruxelles, Larcier, 2010, p. 497 et note de bas de page 1800.
[17] Carte blanche évoquée supra, n° 6.
[18] Avis précité, p. 1.
[19] Doc. parl., Ch. repr., 2013-2014, n° 53-3361/004, p. 9.
[20] Doc. parl., Sénat, 2013-2014, n° 5-2767/2, p. 4.
[21] Le « dossier » en cause est celui du projet de loi, que la Commission a dû examiner en deux mois et demi…
[22] En réalité, seule une minorité des professeurs signataires siège à la Commission des assurances.
[23] Doc. parl., Ch. repr., 2013-2014, n° 53-3361/004, p. 11.
[24] C.R.I., Ch. repr., 2013-2014, séance du 19 mars 2014, n° 190, pp. 13-14.
[25] C.R.I., Ch. repr., 2013-2014, séance du 20 mars 2014, n° 191, pp. 28-29.
[26] Ann. parl., Sénat, ord. 2013-2014, séance du 27 mars 2014, n° 5-146, pp. 13-14.
[27] Un tableau de la structure générale de la loi du 25 juin 1992 est proposé par M. Fontaine, Droit des assurances, o.c., n° 173.
[28] Exposé des motifs, Doc. parl., Ch. repr., 2013-2014, n° 53-3361/001 (ci-après l'« exposé des motifs »), p. 11.
[29] Un autre trait marquant réside dans l'assimilation des opérations de capitalisation aux assurances de personnes (cf. infra, nos 51-53).
[30] Exposé des motifs, p. 9; cf. aussi p. 12.
[31] Doc. n° 53-3361/001, p. 237.
[32] Sur ce débat, cf. notamment M. Fontaine, Droit des assurances, o.c., nos 146-152 et 156.
[33] Cass. 18 juin 1992, R.D.C., 1993, p. 155, note J.-L. Fagnart; R.G.A.R., 1993, n° 12.187, note M. Fontaine.
[34] Cass. 27 juin 2001, Pas., 2001, I, p. 1240.
[35] M. Fontaine, Droit des assurances, o.c., n° 156.
[36] Cf. les références citées ibid., n° 151, en notes.
[37] Ibid., nos 146-152 et 156.
[38] Par ailleurs, certaines activités exercées par des organismes susceptibles de satisfaire à la nouvelle définition de l'« assureur » continueront à être régies par des dispositions spécifiques, étant exclues du champ d'application de la loi du 4 avril 2014. Il en est ainsi, notamment, des institutions visées par la loi du 27 octobre 2006 relative au contrôle des institutions de retraite professionnelles (art. 4, § 7, 3° nouveau).
[39] A ce sujet, cf. Civ. Buxelles, 21 janvier 2013, For. Ass., 2013, 67, note F. Longfils; R.G.D.C., 2013, 531 et M. Fontaine, « Assurance par un non-assureur - clauses de prise en charge de risques, conventions de garantie et contrat d'assurance », R.G.D.C., pp. 491-499.
[40] Le nouveau texte remplace également la référence que faisait l'article 4, § 2, ancien à la loi sur les pratiques du commerce par une référence à la loi du 6 avril 2010 relative aux pratiques du marché et à la protection du consommateur. Cette nouvelle référence est cependant déjà périmée. Il convient, en effet, à présent de se référer, sur la notion de « contrat à distance », au Titre 3, Chapitre 2, du Livre VI du Code de droit économique.
[41] Exposé des motifs, p. 39.
[42] Ibid., p. 40.
[43] Ibid., p. 41.
[44] Ibid., p. 42.
[45] Cass., 30 juin 2006, J.L.M.B., 2006, p. 1622. La Cour confirmait par là sa jurisprudence antérieure: cf. déjà Cass. 21 avril 1961, Pas., 1961, I, p. 896.
[46] Cour eur. D.H., 7 juillet 2009, J.T., 2009, 499 et Bull. ass., 2010, 32.
[47] Avis du 24 janvier 2011 sur la prescription contre les mineurs dans le domaine de l'assurance (doc. C/2010-5; www.fsma.be).
[48] Exposé des motifs, p. 40.
[49] Cf. notamment Sent. arb., 22 juin 1985, R.G.A.R., 1986, n° 11.157; Liège, 6 décembre 1995, R.R.D., 1996, 421, note P. Wéry; J.P. Courtrai, 9 novembre 1999, R.W., 2000-2001, 64. Comp. Liège, 27 mars 2012, For. Ass., 2013, 137, note A. Cruquenaire. Une approche voisine est celle de l'interprétation contra proferentem des documents contractuels (cf. M. Fontaine, Droit des assurances, o.c., n° 484), l'accent étant alors mis non sur la qualité d'assureur, mais sur celle de rédacteur de la clause.
[50] Exposé des motifs, p. 46.
[51] Doc. n° 53-3361/001, p. 249.
[52] Si la règle relative à la suspension de la prescription trouve sa place adéquate dans l'article 256, qui concerne la prescription, on sera surpris de voir le texte relatif au paiement de la prestation inséré dans l'article 256 relatif à la subrogation de l'assureur, où il est vraiment déplacé.
[53] Avis du 2 octobre 2012 de la Commission des assurances sur l'ébauche du Code belge de la navigation, Livre bleu n° 9 Assurance transport, doc. C/2012-3 (www.fsma.be).
[54] Cf. son avis du 9 octobre 2007 concernant l'assurance d'enfants en bas âge (art. 96 de la loi du 25 juin 1992) (doc. C/2007-1; www.fsma.be).
[55] Cette définition correspond, en substance, à celle donnée par l'article 2, alinéa 1, 6°, de l'arrêté vie du 14 novembre 2003.
[56] A cela s'ajoute la précision apportée à l'article 85, § 1er, alinéa 4, de la loi nouvelle (cf. supra, n° 36).
[57] Un droit général de rétractation est aussi reconnu au preneur d'une opération de capitalisation d'une durée égale ou supérieure à 30 jours (art. 57, § 3, nouveau). Les opérations de capitalisation sont, par ailleurs, soumises à l'application de l'arrêté vie de 2003 (art. 2, al. 1, 6°, et al. 2).
[58] Au plus fort de la controverse sur la qualification des « nouveaux produits d'assurance vie », l'autorité de contrôle avait tenu à préciser sa position sur ce qui, à ses yeux, distingue une opération de capitalisation d'une assurance vie (cf., à cet égard, le pt I. de la communication n° D.198 de l'Office de contrôle des assurances du 14 mai 2001).
[59] Doc. n° 53-3361/001, pp. 238-239.
[60] Sur cette importante controverse et l'évolution de la jurisprudence en Belgique à cet égard, cf. les réf. citées par J.-M. Binon, « Les assurances de personnes: vingt années d'incertitude », in B. Dubuisson et V. Callewaert (dirs.), La loi sur le contrat d'assurance terrestre. Bilan et perspectives après 20 années d'application, Bruxelles, Bruylant, 2012, p. 245 et notes 62 à 65.
[61] M.B., 8 août 2013.
[62] Pour des développements approfondis sur ces différents arrêts, cf. J.-M. Binon, o.c., pp. 237-258 et pp. 262-272.
[63] Pour une présentation plus complète de ces critiques, cf. J.-M. Binon, o.c., pp. 259-261.
[64] Sur le régime de droit transitoire de ces nouvelles règles, cf. infra, n° 94.
[65] Ce code a été mis à jour en 2012. Cf. le modèle de fiche info financière assurance vie pour la branche 23.
[66] Cf. l'article 4, 3°, de l'A.R. du 21 février 2014 relatif aux modalités d'application au secteur des assurances des articles 27 à 28bis de la loi du 2 août 2002 relative à la surveillance du secteur financier et aux services financiers (M.B., 7 mars 2014; dans la pratique, l'« arrêté royal de niveau 1 » ou « A.R. N1 »), et l'article 14 de l'A.R. du 21 février 2014 relatif aux règles de conduite et aux règles relatives à la gestion des conflits d'intérêts, fixées en vertu de la loi, en ce qui concerne le secteur des assurances (M.B., 7 mars 2014; dans la pratique, l'« arrêté royal de niveau 2 » ou « A.R. N2 »). Cf. également, à ce sujet, la circulaire de la FSMA du 16 avril 2014 (www.fsma.be), en particulier p. 24. Sur cette nouvelle réglementation, cf. « Réforme Twin Peaks II - La 'mifidisation' du secteur de l'assurance et ses conséquences », For. Ass., n° 145, juin 2014 (numéro spécial); T. Gillis, « Toepassing van de MiFID gedragsregels in de verzekeringssector », Bull. ass., 2014, pp. 236-242; P. Moreau, « Les règles MiFID applicables au secteur de l'assurance: portrait d'une audacieuse réforme », R.G.A.R., 2014, n° 15.092.
[67] Cf. l'article 4 de l'A.R. du 25 avril 2014 imposant certaines obligations en matière d'information lors de la commercialisation de produits financiers auprès des clients de détail (M.B., 12 juin 2014).
[68] Cf. également l'article 20, § 5, al. 1er, de la loi sur les pouvoirs de dérogation à cette règle de base conférés à la FSMA.
[69] Le projet de loi initial imposait qu'une telle protection repose sur une répartition sur 5 établissements au moins. Sensible aux critiques exprimées au sein de la Commission des assurances (cf. son avis précité, p. 10), le législateur a finalement renoncé à cette exigence.
[70] Arrêté royal du 24 avril 2014 portant approbation du règlement de l'Autorité des services et marchés financiers concernant l'interdiction de commercialisation de certains produits financiers auprès des clients de détail (M.B., 20 mai 2014). Cette réglementation est assortie d'une note explicative de la FSMA, également publiée au Moniteur belge.
[71] Exposé des motifs, p. 21.
[72] Cf., en ce sens, Liège, 2 juin 2006, R.G.A.R., 2007, n° 14.333. Cf. également, à ce sujet, les réf. citées par J.-M. Binon, o.c., p. 252, note 82.
[73] Sur cette problématique, cf. J.-M. Binon, o.c., pp. 237-243 et 262-272.
[74] Projet de loi du 20 août 2013 visant à modifier l'article 301 du Code civil et diverses dispositions en matière de régimes matrimoniaux, et en particulier en rapport avec l'assurance vie, les récompenses et les conséquences du divorce (Doc. parl., Ch. repr., 2012-2013, n° 53-2998/001). Pour une présentation des nouvelles solutions envisagées en assurance vie individuelle et de groupe, cf. C. Devoet, « Les régimes matrimoniaux et l'assurance vie: solutions en vue », For. Ass., 2013, pp. 189-193.
[75] Pour une présentation détaillée du contenu de ces mesures, cf. N. Schmitz, « Les modifications apportées à la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre en assurance maladie et en assurance du solde restant dû: trois pas en avant … », in B. Dubuisson et V. Callewaert (dirs.), La loi sur le contrat d'assurance terrestre. Bilan et perspectives après 20 années d'application, Bruxelles, Bruylant, 2012, pp. 275-341.
[76] Arrêté royal du 20 juin 2012 portant exécution de l'article 138bis-6 de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre (M.B., 27 juin 2012).
[77] Loi du 21 janvier 2010 modifiant la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre en ce qui concerne les assurances du solde restant dû pour les personnes présentant un risque de santé accru (M.B., 3 février 2010).
[78] Pour une présentation détaillée du contenu de ces mesures, cf. N. Schmitz, o.c., pp. 341-364.
[79] Art. 30ter, § 1er, de la loi précitée du 2 août 2002, introduit par l'article 64 de la loi du 30 juillet 2013 et art. 24 de l'A.R. N2.
[80] Arrêté royal du 10 avril 2014 réglementant certains contrats d'assurance visant à garantir le remboursement du capital d'un crédit hypothécaire (M.B., 10 juin 2014).
[81] A cet égard, l'arrêté royal, se revendiquant de préoccupations exprimées dans l'avis de la Commission des assurances du 23 avril 2013, a fait usage de l'habilitation figurant à l'article 212, § 1er, al. 1er, 9°, de la loi du 4 avril 2014, en précisant (art. 1er, § 2) que le candidat à l'assurance doit déclarer sur l'honneur que le contrat d'assurance a bien pour objet de garantir le remboursement d'un crédit contracté à une telle fin.
[82] L'arrêté royal ne fait pas usage de l'habilitation contenue à l'article 214, alinéa 3, de la nouvelle loi pour préciser le pourcentage (par rapport à la prime de base) au-dessous duquel cette procédure de réévaluation n'est pas applicable.
[83] Pts. B.12.4., B.17.4., B.18.5., B.24.2., B.30.4. et B.56.1.
[84] Exposé des motifs, p. 35.
[85] Pt. 4.4.4. de son avis du 20 décembre 2013 (Doc. parl., Ch. repr., 2013-2014, n° 53-3361/001, p. 235).
[86] En ligne avec une remarque formulée par la Commission des assurances dans son avis du 20 septembre 2013 (doc. C/2013-3, p. 13), l'exposé des motifs précise (p. 39) que ces règles ne concernent pas les ristournes prévues dans les statuts des associations d'assurances mutuelles et qui sont, le cas échéant, versées par ces associations à leurs assurés.
[87] Exposé des motifs, p. 35.
[88] Exposé des motifs, p. 35.
[89] Sur les raisons du maintien de ces quelques articles, cf. supra, n° 67.
[90] N'ont pas été abrogés l'article 3 de cette loi du 21 janvier 2010 (le seul à être entré en vigueur), ainsi que l'article 18, alinéa 2, relatif à l'entrée en vigueur de cet article 3.
[91] Cf. M. Fontaine, « La loi du 25 juin 1992 a 20 ans », in La loi sur le contrat d'assurance terrestre. Bilan et perspectives après 20 années d'application, o.c., p. 9.