Cour de cassation 27 juin 2013
Affaire: C.11.0562.F |
Dans le cadre d'un litige opposant un architecte à une entreprise d'assurances, la Cour de cassation aborde la question de l'application de la garantie dans le temps de deux polices d'assurances successives couvrant la responsabilité civile professionnelle d'un architecte.
Les deux polices contenaient une clause « réclamation de la victime » (« claims made ») élargie qui imposait, pour que la couverture soit acquise, que le dommage et la réclamation se réalisent au cours de la période d'effet de la police.
Ce type de clause est strictement encadrée par l'article 78, § 2 de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre qui prévoit que les parties peuvent convenir que la garantie d'assurance porte uniquement sur les demandes en réparation formulées par écrit à l'encontre de l'assuré ou de l'assureur pendant la durée du contrat pour un dommage survenu pendant cette même durée et que, dans ce cas, sont également prises en considération, à la condition qu'elles soient formulées par écrit à l'encontre de l'assuré ou de l'assureur dans un délai de trente-six mois à compter de la fin du contrat, les demandes en réparation qui se rapportent, notamment, à un dommage survenu pendant la durée de ce contrat si, à la fin de celui-ci, le risque n'est pas couvert par un autre assureur.
La première police couvrait l'architecte jusqu'au 28 mai 2000 et précisait « sont [...] également prises en considération les demandes en réparation formulées dans les trente-six mois à partir de la fin du contrat [...] si, à la fin de ce contrat, le risque n'est pas couvert par un autre assureur ».
La seconde police couvrait l'architecte à compter du 12 août 2000, avec une clause d'antériorité de nature à éviter les trous de garantie et qui permettait la couverture des dommages survenus après sa prise d'effet « mais se rapportant à des missions antérieures, à condition que, lors de la souscription de la police, des ouvrages aient été reçus provisoirement, les remarques éventuelles étant exclues ».
La déclaration de sinistre avait été adressée au premier assureur le 12 septembre 2000.
Tout d'abord, la Cour de cassation précise la notion de survenance du sinistre visée à l'article 87, § 1er, alinéa 2 de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre qui prévoit qu'« en matière d'assurance obligatoire, est opposable à la personne lésée l'annulation, la résiliation, l'expiration ou la suspension du contrat intervenues avant la survenance du sinistre ».
Selon la Cour de cassation, la survenance du sinistre s'entend au sens de cette disposition, de la survenance du dommage et l'arrêt, qui fait dépendre l'existence d'un dommage du caractère irrémédiable des malfaçons affectant l'ouvrage (de sorte que ce dommage ne pouvait pas être intervenu avant le 26 juin 2000), viole l'article 87 de la loi du 25 juin 1992.
On en retiendra que les éléments qui composent le dommage ne doivent pas avoir un caractère irrémédiable pour qu'il y ait « survenance du dommage » (voy. sur les divergences en doctrine sur la notion de survenance du dommage, C. Van Schoubroeck en G. Schoorens, « De aansprakelijkheidsverzekering: a never ending story », RDC 1995, p. 649; C. Paris, “Considérations sur la garantie dans le temps dans l'assurance de la responsabilité” in B. Dubuisson et V. Callewaert (eds.), La loi sur le contrat d'assurance terrestre - Bilan et perspective après 20 années d'application, Bruylant, 2012, p. 126).
La Cour considère que l'arrêt qui se limite à constater que la seconde police contient une clause d'antériorité, sans en apprécier les modalités d'application, pour en déduire que la clause d'exclusion de la garantie de la première police (l'existence d'un autre contrat couvrant le même risque) trouve à s'appliquer, méconnait la force obligatoire de la seconde police ainsi que ses effet à l'égard des tiers.
Enfin, la Cour de cassation se référant à la notion de survenance du dommage, constate que viole l'article 78, § 2 de la loi du 25 juin 1992, l'arrêt qui fait dépendre l'existence d'un dommage du caractère irrémédiable des malfaçons affectant l'ouvrage (dommage survenu, selon la cour d'appel, le ou après le 26 juin 2010) pour constater que le demandeur ne démontre pas que le premier assureur devait couvrir la responsabilité civile de l'architecte (première police ayant pris fin le 28 mai 2000).
B.T.
ASSURANCE TERRESTRE
Assurance de responsabilité - Résiliation intervenue avant la survenance du sinistre - Survenance du sinistre
|
LANDVERZEKERING
Aansprakelijkheidsverzekering - Beëindiging voordat het schadegeval heeft plaatsgevonden - Schadegeval
|