Article

Cour d'appel Bruxelles, 10/11/2011, R.D.C.-T.B.H., 2013/7, p. 586-591

Cour d'appel de Bruxelles 10 novembre 2011

BANQUE ET CREDIT
Opérations bancaires - Virement - Instruction falsifiée - Recours du titulaire du compte contre sa banque - Fondement - Nécessité d'établir, en fait, le faux - Clause contractuelle stipulant que les transactions exécutées à partir d'un ordre falsifié sont opposables au titulaire du compte, sauf dol ou faute lourde de la banque: validité (oui) et interprétation
L'article 1239 du Code civil et l'obligation de restitution du banquier dépositaire de fonds constituent deux fondements valables et indépendants de l'action du titulaire du compte contre son banquier tendant à voir ce dernier recréditer son compte des montants dont il a été débité à la suite de l'exécution d'un virement falsifié. L'un et l'autre fondements supposent toutefois que le titulaire du compte démontre la fausseté de l'instruction donnée, c'est-à-dire qu'elle n'émane pas de lui.
La clause contractuelle selon laquelle les transactions exécutées à partir d'un ordre falsifié sont opposables au titulaire du compte, sauf dol ou faute lourde de la banque, déroge aux fondements précités et tient valablement en échec l'action du titulaire du compte.
BANQUE ET CREDIT
Droit bancaire - Général - Conditions générales de banque - Modifications des conditions générales - Envoi d'une lettre type signalant que les conditions peuvent être obtenues en agence ou consultées sur le site Internet de la banque - Opposabilité
Les conditions générales dont l'acceptation, explicite ou tacite, par le client de la banque n'est pas établie, ne lui sont pas opposables. Ainsi en va-t-il d'une modification des conditions générales qui a été annoncée à la clientèle par une lettre type mentionnant que les nouvelles conditions peuvent être obtenues à l'agence ou consultées sur le site Internet de la banque, a fortiori lorsque son envoi au client n'est pas établi.
BANK EN KREDIETWEZEN
Bankverrichtingen - Overschrijving - Vervalste overschrijvingsopdracht - Vordering van de titularis van de rekening tegen zijn bank - Juridische grondslag - Noodzaak om de vervalsing in feite te bewijzen - Contractueel beding dat stelt dat de transacties uitgevoerd aan de hand van een vervalste order tegenstelbaar zijn aan de titularis van de rekening, behoudens bedrog of grove fout van de bank: geldigheid (ja) en interpretatie
Artikel 1239 BW en de restitutieplicht van de bankier als geldbewaarnemer zijn twee geldige en onafhankelijke grondslagen voor de vordering van de titularis van de rekening tegen zijn bank strekkende tot het wedercrediteren van zijn rekening die ten gevolge van de uitvoering van een vervalste overschrijvingsopdracht werd gedebiteerd. Beide grondslagen veronderstellen wel dat de valsheid van de overschrijvingsopdracht wordt bewezen, i.e. dat zij niet van de titularis van de rekening uitgaat.
De contractuele clausule die stelt dat de aan de hand van een vervalste overschrijvingsopdracht uitgevoerde transacties tegenwerpelijk zijn aan de titularis van de rekening, behalve bedrog of grove fout van de bank, en daardoor van de hogervermelde principes afwijkt, is geldig en staat de vordering van de titularis van de rekening in de weg.
BANK- EN KREDIETWEZEN
Bankrecht - Algemeen - Wijziging van de algemene voorwaarden - Opsturen van een standaardbrief die de wijziging aankondigt en vermeldt dat de nieuwe versie beschikbaar is in de agentschappen en op de website van de bank kan worden geraadpleegd - Tegenstelbaarheid
De algemene voorwaarden waarvan de uitdrukkelijke of stilzwijgende aanvaarding door de cliënt van de bank niet wordt aangetoond, zijn aan die cliënt niet tegenstelbaar. Dit geldt ook in geval van een wijziging van de algemene voorwaarden die aan het cliënteel aangekondigd werd door een standaardbrief waarbij wordt gesteld dat de nieuwe voorwaarden op de agentschap kunnen worden bekomen of op de website van de bank kunnen worden geraadpleegd, a fortiori als de verzending ervan aan de cliënt niet wordt bewezen.

K.K.C. / KBC Bank

Sieg.: M.-F. Carlier et M. Charon (conseillers), M. van der Haegen (conseiller suppléant)
Pl.: Mes D. Bogaerts, L. Roscini et G. Laguesse
I. La décision entreprise

L'appel est dirigé contre le jugement prononcé le 10 janvier 2007 par le tribunal de première instance de Bruxelles.

Les parties ne produisent pas d'acte de signification de ce jugement.

II. La procédure devant la cour

L'appel est formé par requête, déposée par M. K.K. au greffe de la cour, le 16 mai 2007.

L'affaire est fixée sur pied de l'article 747 du Code judiciaire.

La procédure est contradictoire.

Il est fait application de l'article 24 de la loi du 15 juin 1935 sur l'emploi des langues en matière judiciaire.

III. Les faits et antécédents de la procédure

1. M. K.K. ouvre le 12 juin 2001 un compte d'épargne n° (…) auprès de l'agence de Neder-over-Heembeek de la SA KBC Bank (ci-après “KBC”).

Il produit son passeport mentionnant les données nécessaires à son identification et établi par la République Démocratique du Congo.

Il fournit également le spécimen de sa signature en dessous des mentions suivantes figurant sur la fiche d'identification établie par KBC le 12 juin 2001:

“Signature

• spécimen ainsi que pour réception et acceptation du règlement général des opérations et des informations sur la vie privée;

• pour acceptation de l'Assurance compte KBC;

• pour exactitude des données d'identité au recto.”

2. Le règlement général des opérations visé dans la fiche d'identification et dont la signature de M. K.K. établit la réception et l'acceptation est le règlement compte épargne de KBC qui contient la clause suivante: “la relation contractuelle entre KBC Bank SA et sa clientèle est régie par les conditions bancaires générales de la KBC Bank SA (...) qui complètent le présent règlement”.

Les conditions bancaires générales de KBC en vigueur à la date de l'ouverture du compte d'épargne de M. K.K. étaient celles dont un exemplaire a été déposé au 6ème bureau d'enregistrement de Bruxelles le 24 août 2000 (ci-après “les conditions bancaires générales KBC édition 2000”).

3. Ultérieurement, les conditions bancaires générales KBC édition 2000 sont remplacées par une nouvelle version dont un exemplaire est déposé au 6ème bureau d'enregistrement de Bruxelles le 20 mai 2003 (ci-après “les conditions bancaires générales KBC édition 2003”).

KBC produit la lettre type qu'elle déclare avoir envoyée à tous ses clients en 2003 pour leur signaler l'entrée en vigueur des conditions bancaires générales KBC édition 2003.

Cette lettre type ne contient pas en annexe la nouvelle édition des conditions bancaires générales mais se contente de la mention suivante: “Afin de vivre avec notre temps, nous avons adapté les conditions bancaires générales. Celles-ci fixent les principaux droits et obligations de KBC et les vôtres en tant que client de KBC. Vous pouvez toujours les obtenir auprès de votre agence bancaire KBC. Ou les consulter sur www.kbc.be. Vous avez des questions? N'hésitez pas à passer à votre agence.”

Cette lettre type ne contient ni date, ni mention nominative des destinataires. Aucune preuve n'est apportée de son envoi effectif à M. K.K. ni par une mention figurant sur le double d'un extrait de compte qui lui aurait été envoyé, ni par aucun relevé de correspondance qui lui aurait été adressée.

4. Le 7 avril 2004, KBC prend note de la modification du domicile de M. K.K., son adresse antérieure à N.-o.-H. étant remplacée par une nouvelle adresse (…) à K.

5. Le relevé des opérations entre le 1er janvier 2004 et le 15 février 2005 montre que le compte a effectivement fonctionné comme un simple compte d'épargne enregistrant un nombre limité de virements d'origines diverses au crédit et l'accumulation d'intérêts en fin d'année.

6. Le 8 février 2005, M. K.K. envoie au départ de K. une lettre dactylographiée à KBC contenant l'instruction suivante, en se référant à un entretien téléphonique de la veille:

“Suite à notre entretien téléphonique du 7 février 2005, je vous demande de clôturer mes avoirs en vos livres et de les transférer au profit de moi-même à la banque CAIXA-GALICIA, compte IBAN: [suit le numéro du compte à créditer par la banque réceptrice], Swift code [suit le code d'identification de la banque réceptrice et son adresse à Madrid en Espagne].

Communication à transmettre: clôture de mes avoirs.”

L'instruction est signée de M. K.K. Cette signature est la seule mention manuscrite que contient la lettre.

Cette lettre est adressée à KBC, agence de Neder-over-Heembeek, par un envoi international confié à la société de courrier express DHL et mentionnant comme expéditeur un M. L., (…) à K.

7. Estimant la signature apposée au bas de l'instruction conforme au spécimen déposé, KBC transfère le 15 février 2005 l'intégralité de la somme figurant au crédit du compte et qui s'élevait à 56.835,32 EUR au profit du compte indiqué de M. K.K. auprès de la banque Caixa-Galicia à Madrid.

8. Le 14 avril 2005, le conseil de M. K.K. envoie une lettre recommandée à KBC invoquant que son client dit avoir découvert à sa grande surprise lors d'un passage à l'agence KBC de Neder-over-Heembeek en mars 2005 que son compte avait été clôturé le 15 février 2005 sur la base d'un ordre de virement qu'il prétend falsifié.

KBC accuse réception de cette lettre le 20 avril 2005 et répond le 13 mai 2005 que, par application de ses conditions bancaires générales, elle est seulement tenue de comparer la signature des ordres qu'elle reçoit avec celle déposée à titre de spécimen et qu'en l'espèce, la vraisemblance de la signature apposée au bas de l'ordre de virement du 8 février 2005 ne laissait présager aucune falsification ou fraude.

9. Par exploit introductif d'instance du 28 juin 2005, tel que complété en termes de conclusions, M. K.K. assigne KBC Bank devant le tribunal de première instance de Bruxelles, à titre principal, en vue d'entendre condamner KBC à lui rembourser la somme de 56.835,32 EUR à augmenter des intérêts conventionnels depuis le 15 février 2005 et, à titre subsidiaire, avant dire droit, en vue d'entendre ordonner à KBC de produire l'original du virement litigieux et la désignation d'un expert en graphologie aux fins de comparer la signature figurant sur cet original et différents autres exemplaires de sa signature.

Par le jugement entrepris du 10 janvier 2007, la demande est déclarée recevable, mais non fondée.

Le tribunal estime que M. K.K. n'établit pas que le compte bancaire auprès de la Caixa-Galicia à Madrid, sur lequel les sommes litigieuses ont été transférées, lui serait étranger, aucun document de la Caixa-Galicia, ni échange de courrier avec cette banque, ni enquête répressive n'établissant le fait qu'il ne serait ni le titulaire ni le bénéficiaire économique de ce compte.

10. Pour rencontrer cette objection, M. K.K. dépose plainte pour faux en écritures auprès de la police nationale espagnole le 6 mars 2008 en invoquant que l'ordre de virement envoyé au départ de la République Démocratique du Congo par courrier DHL le 8 février 2005 l'a été par un tiers inconnu de lui et porte une fausse signature, le compte indiqué comme étant le sien auprès de la banque Caixa-Galicia lui étant également parfaitement inconnu.

Au vu de cette plainte, la banque Caixa-Galicia accepte de communiquer au conseil de M. K.K. les pièces relatives, d'une part, à l'ouverture du compte au profit duquel le virement du 8 février 2005 fut effectué et, d'autre part, aux mouvements ultérieurs de ce compte.

Le compte ouvert en Espagne auprès de la banque Caixa-Galicia fut bien ouvert au nom de M. K.K., mais il mentionne une adresse que celui-ci déclare ne pas connaître. La demande d'ouverture de ce compte porte une signature totalement étrangère au spécimen de signature déposé par M. K.K. auprès de KBC, de même d'ailleurs qu'au spécimen de sa signature figurant sur son passeport.

A titre de preuve d'identification du titulaire du compte, figure dans le dossier transmis par la banque Caixa-Galicia une carte d'identité établie par la République française au nom de M. K.K., portant la bonne date de naissance (6 novembre 1966), mais un lieu de naissance incorrect (B. au lieu de L.) et une adresse suspecte ((…) à P.).

La plainte déposée en Espagne par M. K.K. fait l'objet d'une décision de classement provisoire par ordonnance du tribunal d'instruction de Madrid du 22 décembre 2008, à défaut de motifs suffisants pour attribuer la perpétration de l'infraction commise à une personne déterminée.

11. Aux termes de ses conclusions de synthèse d'appel, M. K.K. demande à la cour de déclarer l'appel introduit par lui recevable et fondé et, statuant à nouveau:

à titre principal, de condamner KBC à lui payer la somme de 56.835,32 EUR, majorée des intérêts depuis le 15 février 2005;

à titre subsidiaire, avant dire droit, de surseoir à statuer jusqu'à l'issue de la procédure pénale introduite par lui en Espagne ou, tout le moins, jusqu'à l'établissement des constats relatifs au faux ordre de virement litigieux ou la fourniture d'informations complémentaires en provenance de la banque Caixa-Galicia;

à titre plus subsidiaire encore, désigner un expert en graphologie qui soit chargé de comparer la signature figurant sur l'original produit par KBC avec plusieurs exemplaires de sa signature afin de déterminer si l'original précité est l'oeuvre d'un faussaire.

M. K.K. demande que KBC soit condamnée aux frais et dépens des deux instances et à l'indemnité de procédure estimée à 2.500 EUR. S'il ne devait pas obtenir gain de cause, il demande que l'indemnité de procédure mise à sa charge soit fixée au montant minimum de 1.000 EUR.

12. Aux termes de ses secondes conclusions de synthèse d'appel, KBC demande à la cour de dire l'appel irrecevable ou à tout le moins non fondé et de confirmer le jugement entrepris.

KBC demande également à la cour de condamner M. K.K. aux dépens des deux instances, l'indemnité de procédure de première instance étant liquidée à 356,98 EUR et l'indemnité de procédure d'appel à 5.000 EUR.

IV. Discussion

13. M. K.K. fonde sa demande sur l'article 1239 du Code civil qui invalide le paiement fait par le débiteur à une personne qui n'est ni créancière, ni mandatée par le véritable créancier pour le recevoir.

M. K.K. fonde également sa demande sur l'obligation de résultat qu'a le banquier de restituer les fonds dont le compte de son client a été irrégulièrement débité, cette obligation étant analogue à celle du dépositaire à l'égard du déposant.

14. Il n'est pas contradictoire de fonder l'obligation de la banque de restituer à son client les fonds dont il a été irrégulièrement débité sur deux bases différentes, soit l'article 1239 du Code civil et l'obligation de restitution du banquier, qui est analogue à celle du dépositaire. Il s'agit, en effet, du même problème abordé sous deux angles d'analyse différents, mais qui doivent être résolus dans le même sens (Bruxelles 18 novembre 1999, RDC-TBH 2000, 680; Bruxelles 16 octobre 2001, JLMB 2002, p. 844; Bruxelles 18 mars 2003, JT 2004, p. 554, RDC-TBH 2005, 152; Bruxelles 5 mars 2005, Dr.banc.fin. 2006, p. 82).

15. Les deux fondements supposent toutefois que M. K.K. établisse l'usage d'une fausse signature au bas de l'ordre de virement du 8 février 2005, ayant la charge de la preuve de l'irrégularité qu'il invoque, par application de l'article 1315 du Code civil et de l'article 870 du Code judiciaire.

Or, la fausseté de la signature figurant au bas de l'ordre de virement du 8 février 2005 n'est nullement établie.

Cette signature ressemble à s'y méprendre à celle du spécimen de la signature de M. K.K. délivré à KBC lors de l'ouverture du compte.

Le fait que l'ordre de virement du 8 février 2005 ait été adressé à la banque au départ de Kinshasa, où M. K.K. était alors domicilié, dans une enveloppe confiée par un tiers à la société de courrier express DHL, n'établit pas davantage que la signature figurant sur la lettre que contient cette enveloppe soit fausse, M. K.K. ayant parfaitement pu confier un ordre de virement véritable et sincère à un tiers en vue de sa mise sous enveloppe et son expédition vers la Belgique.

De même, le fait qu'en Espagne le compte de M. K.K. auprès de la banque Caixa-Galicia ait été ouvert au moyen d'une carte d'identité suspecte, qui n'est manifestement pas celle de M. K.K., et au moyen d'une signature qui n'est pas non plus la sienne, n'établit toujours pas que l'ordre donné à KBC était lui-même faux. S'il semble bien que de faux documents aient été utilisés en Espagne et que le compte ouvert auprès de la banque Caixa-Galicia ait été rapidement vidé de son import par divers retraits successifs, les autorités espagnoles n'ont jamais pu déterminer l'auteur de ces faits ni le bénéficiaire de ces retraits.

Ces circonstances ni aucune autre ne suffisent à démontrer que l'ordre de virement initial adressé à KBC le 8 février 2005 n'émane pas de M. K.K. lui-même.

16. La demande de M. K.K. qu'il soit sursis à statuer jusqu'à l'issue définitive de la procédure pénale introduite par lui en Espagne ou, à tout le moins, jusqu'à l'établissement (entendez: par la juridiction pénale espagnole) de constatations relatives à l'ordre de virement litigieux ou la fourniture d'informations complémentaires en provenance de la banque Caixa-Galicia de Madrid, ne peut être accueillie.

L'article 4 du titre préliminaire du Code d'instruction criminelle ne s'applique au jugement de l'action civile exercée séparément de l'action publique que si les deux actions sont exercées devant les tribunaux belges (Franchimont, M., Jacobs, A. et Masset, A., Manuel de procédure pénale, 3e éd., Fac. Dr. Liège, Larcier, pp. 204-205 et note 75; C.const. 31 juillet 2008, MB 15 septembre 2008, p. 47.876).

Quant à la fourniture d'informations complémentaires en provenance de la banque Caixa-Galicia, on n'aperçoit pas de quelles informations il pourrait s'agir. A la suite du dépôt de la plainte pénale en Espagne, la banque Caixa-Galicia a communiqué tous les documents dont elle disposait. On ne peut donc plus attendre de cette institution aucune information pertinente, plus particulièrement en ce qui concerne l'authenticité ou la fausseté de la signature apposée au bas de l'ordre de virement adressé à KBC en Belgique le 8 février 2005.

17. Quant à la demande visant à faire désigner un expert en graphologie qui soit chargé de comparer la signature figurant sur l'original de l'ordre de virement produit par KBC avec plusieurs exemplaires de signatures de M. K.K., elle ne pourrait être accueillie que si elle s'avérait pertinente.

De même, la cour ne devrait recourir, par application de l'article 1324 du Code civil, à la procédure de vérification d'écritures organisée par les articles 883 et suivants du Code judiciaire, que si cette procédure était nécessaire à la solution du litige.

En l'espèce, à supposer même qu'une procédure de vérification d'écritures aboutisse à la conclusion que la signature apposée au bas de l'ordre de virement du 8 février 2005 est fausse, encore doit-on constater que cette fausseté est totalement indécelable aux yeux d'une personne normalement attentive sans être experte en graphologie.

Or, l'article 1.6.2 des conditions bancaires générales KBC édition 2000 contient la clause suivante:

“Dans l'exécution des ordres quels qu'ils soient, donnés par un client, KBC Bank est tenue seulement d'en comparer la signature avec celle que ledit client lui a déposée à titre de spécimen. Sauf en cas d'acte intentionnel ou de faute grave dans le chef de KBC Bank, de ses préposés ou de ses mandataires, les transactions effectuées sur la base d'une signature fausse ou falsifiée ou d'autres éléments faux ou falsifiés d'un ordre, sont opposables au client, le cas échéant par dérogation aux principes du droit commun, par exemple en matière de garde, de paiements, etc.”

18. Les conditions bancaires générales KBC édition 2000 sont manifestement opposables à M. K.K. puisqu'il a signé le 12 juin 2001 la mention attestant qu'il les a reçues et approuvées.

A l'opposé, il est sans intérêt d'examiner en l'espèce les différences (par ailleurs minimes) entre l'article 1.6.2 des conditions bancaires générales KBC édition 2000 et la disposition analogue des conditions bancaires générales KBC édition 2003, l'opposabilité de celles-ci à M. K.K. n'étant pas établie à suffisance de droit, en l'absence de preuve de leur acceptation explicite ou tacite par M. K.K. (cf. Willems, A., “Conditions générales bancaires (quelques observations en début de millénaire)” in Les Conditions bancaires générales, Bruxelles, Bruylant, Cahiers AEDBF-Belgium, 2005, p. 61, n° 46; Berlingin, M., “Les conditions générales bancaires - règlement général des opérations” in Collection du Jeune Barreau de Mons, Anthémis, 2009, nos 23 et 26, pp. 51-53).

19. La clause limitative de responsabilité qui figure à l'article 1.6.2 des conditions bancaires générales KBC édition 2000 est valable à trois conditions:

- d'une part, elle ne peut, sous peine de nullité, dénaturer le contrat en vidant une des obligations essentielles du banquier de son contenu;

- d'autre part, elle ne peut exonérer le banquier de son dol ou de sa faute lourde, tout au moins lorsqu'elle est conclue comme en l'espèce dans le cadre d'un contrat soumis à l'article 32 de la loi du 14 juillet 1991 sur les pratiques du commerce et sur l'information et la protection du consommateur (“LPCC”);

- enfin, étant dérogatoire au droit commun, elle doit être interprétée de manière restrictive (sur ces trois critères, cf. Bruxelles 18 novembre 1999, RDC-TBH 2000, 684 et les réf. citées).

20. En l'espèce, la clause n'a pas pour effet de réduire à néant les obligations du banquier, puisqu'elle maintient l'obligation essentielle de comparer la signature de tous les ordres reçus avec celle que le client a déposée à titre de spécimen.

La clause maintient la responsabilité de la banque en cas de dol ou de faute lourde et est dès lors conforme à l'article 32, point 11 LPCC.

Par ailleurs, c'est à tort que M. K.K. interprète la clause litigieuse de manière restrictive comme visant seulement les fautes que la banque commettrait dans l'exécution du contrat de compte conclu avec son client, alors que sa demande est fondée sur l'inopposabilité du paiement effectué par l'article 1239 du Code civil et sur l'inexécution de l'obligation de restitution de la banque. Les termes mêmes de la clause dont se prévaut KBC n'autorisent pas cette interprétation restrictive.

Enfin, la clause précitée dispose clairement que, sauf en cas d'acte intentionnel ou de faute grave dans le chef de KBC, de ses préposés ou de ses mandataires, un ordre dont il est ou serait établi qu'il a été effectué sur la base d'une signature fausse ou falsifiée est opposable au client “par dérogation aux principes de droit commun, par exemple, en matière de garde, de paiements, etc.”, ce qui comprend clairement une dérogation tant à l'article 1239 du Code civil en matière de paiement qu'à l'obligation de restitution du banquier qui est un principe de droit commun, au même titre que l'obligation de garde citée à titre d'exemple.

L'obligation de restitution de KBC est donc clairement visée par les principes de droit commun auxquels l'article 1.6.2 déroge, sauf acte intentionnel ou faute grave dans le chef de la banque.

21. A supposer même que la signature apposée au bas de l'ordre du 8 février 2005 soit fausse, KBC n'a donc pas commis d'erreur intentionnelle ou de faute grave en considérant que cette signature correspondait au spécimen de la signature de M. K.K. Le faux serait dans cette hypothèse d'une telle ressemblance que les responsables de la banque ont pu de bonne foi et sans faute lourde de leur part, être abusés par la supercherie, alors qu'aucune autre circonstance ne devait raisonnablement éveiller leurs soupçons.

Les demandes tant principales que subsidiaires, de M. K.K. doivent par conséquent être rejetées.

22. M. K.K. demande à juste titre que l'indemnité de procédure réclamée par KBC soit limitée au montant minimum qui est actuellement, compte tenu de l'indexation intervenue en vertu de l'article 8 de l'arrêté royal du 26 octobre 2007, de 1.100 EUR.

Par application de l'article 1022 du Code judiciaire, la cour peut en effet, dans son appréciation, tenir compte de la capacité financière apparemment limitée de M. K.K.

V. Dispositif

Pour ces motifs, la cour,

Reçoit l'appel mais le dit non fondé;

Met les dépens d'appel à charge de M. K.K. et liquide les dépens d'appel dans le chef de la SA KBC Bank à 1.100 EUR.

(...)