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Du principe de la liberté tarifaire au droit à l'encadrement tarifaire?, R.D.C.-T.B.H., 2013/6, p. 521-526

DROIT EUROPEEN - TRAITE SUR LE FONCTIONNEMENT DE L'UNION EUROPEENNE
Politique et actions internes de l'Union - Liberté d'établissement - Liberté de prestations de services - Assurances - Assurances terrestres - Assurance de personnes - Assurance maladie - Article 138bis-4 de la loi sur le contrat d'assurance terrestre - Article 21octies, § 2 de la loi de contrôle des entreprises d'assurance - Encadrement légal des hausses tarifaires en cours de contrat - Liberté tarifaire
Le principe de la liberté tarifaire ne s'oppose pas à une réglementation nationale qui prévoit que la prime, la franchise et la prestation ne peuvent, dans les contrats d'assurance maladie non liés à l'activité professionnelle, être adaptés annuellement que sur la base de l'indice des prix à la consommation, sur la base d'un indice “médical” dont l'évolution serait supérieure à celle de l'indice des prix à la consommation, ou moyennant l'approbation préalable d'une autorité de contrôle lorsque celle-ci, saisie d'une demande d'une entreprise d'assurance, constate que, nonobstant les adaptations tarifaires calculées sur la base de ces deux types d'indices, l'application du tarif de l'entreprise concernée donne lieu ou risque de donner lieu à des pertes. Il en va de même des libertés d'établissement et de prestation de services (art. 49 et 56 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne), pour autant qu'il n'existe pas de mesure moins contraignante permettant d'atteindre, dans les mêmes conditions, l'objectif de protection du consommateur contre des hausses importantes et inattendues des primes d'assurance.
EUROPEES RECHT - EU-VERDRAG WERKING EU
Beleid en intern optreden Unie - Recht van vestiging - Vrij verkeer van diensten - Verzekering - Landverzekering - Persoonsverzekering - Ziekteverzekering - Ziekte­kostenverzekering - Artikel 138bis-4 van de wet op de landverzekeringsovereenkomst - Artikel 21octies, § 2 van de wet betreffende de controle der verzekeringsondernemingen - Wettelijk kader van de tariefverhogingen - Tariefvrijheid
Het beginsel van tariefvrijheid verzet zich niet tegen een nationale regeling die bepaalt dat, in het kader van andere dan beroepsgebonden ziektekostenverzekeringsovereenkomsten, de premie, de vrijstelling en de prestatie op de jaarlijkse premievervaldag enkel mogen worden aangepast op basis van het indexcijfer der consumptieprijzen, een “medisch” indexcijfer indien en voor zover de evolutie van deze indexcijfer het indexcijfer der consumptieprijzen overstijgt, of na toestemming van een overheidsinstantie indien deze instantie, die door de betrokken verzekeringsonderneming daarom wordt verzocht, vaststelt dat de toepassing van het tarief van deze onderneming, ondanks de op grond van die twee soorten indexcijfers berekende tariefaanpassingen, verlieslatend is of dreigt te worden. Hetzelfde geldt voor de vrijheden van vestiging en van dienstverrichting (art. 49 en 56 van de verdrag betreffende de werking van de Europese Unie), voor zover er geen minder ingrijpende maatregel bestaat waarmee onder dezelfde voorwaarden het doel van de bescherming van de consument tegen aanzienlijke en onverwachte verhogingen van de verzekeringspremies kan worden verwezenlijkt.
Du principe de la liberté tarifaire au droit à l'encadrement tarifaire?
Jean-Marc Binon [1]
I. Le contexte de l'affaire

1.La volonté de s'attaquer aux difficultés éprouvées par les personnes malades, notamment les malades chroniques et les personnes handicapées, pour acquérir ou maintenir une couverture privée d'assurance maladie a conduit le législateur belge à insérer dans la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre (ci-après la “LCAT”), par une loi du 20 juillet 2007 [2] (loi “Verwilghen”), un corps de règles spécifiques aux contrats d'assurance maladie (nouveau Chapitre IV, introduit sous le Titre III de la LCAT et constitué des articles 138bis-1 à 138bis-11) [3].

Les mesures introduites par cette loi de 2007 se déclinent, en substance, en cinq axes majeurs: la consécration d'un droit à l'assurance, à des conditions tarifaires “normales”, pour les personnes de moins de 65 ans souffrant d'une maladie chronique ou d'un handicap (art. 138bis-6 de la LCAT) [4]; le principe de la durée à vie des contrats d'assurance maladie (art. 138bis-3); un encadrement des modifications contractuelles ou tarifaires en cours de contrat (art. 138bis-4); l'incontestabilité du contrat après deux ans en ce qui concerne les omissions ou inexactitudes non intentionnelles relatives à une maladie ou à une affection préexistante (art. 138bis-5); la reconnaissance, en faveur de la personne affiliée à une assurance maladie collective durant sa carrière professionnelle, ainsi qu'aux membres de sa famille, du droit de poursuivre cette assurance par une assurance individuelle, à des conditions de garantie similaires, sans examen médical (art. 138bis-8 à 11).

2.Pourtant pavée d'intentions louables, la loi Verwilghen n'en a pas moins eu la vie dure. Une loi de “réparation” s'est vite avérée nécessaire pour gommer un certain nombre d'imperfections et d'imprécisions de la version initiale [5]. Tel fut l'objet de la loi du 17 juin 2009 [6] (loi “Reynders” ou “Verwilghen bis”). Cette loi dut, à son tour, essuyer deux recours en annulation introduits devant la Cour constitutionnelle, respectivement, par l'association belge des assureurs Assuralia et par l'association belge des consommateurs Test-Achats, et qui accouchèrent finalement d'une souris, seules deux dispositions transitoires ayant été censurées, par un arrêt de cette Cour du 31 mai 2011 [7], pour violation du principe de non-discrimination inscrit aux articles 10 et 11 de la Constitution belge.

3.L'arrêt annoté a pour toile de fond spécifique le mécanisme d'encadrement des hausses tarifaires institué par l'article 138bis-4 de la LCAT, introduit par la loi Verwilghen, puis remplacé par la loi Reynders.

Il ressort en substance de cet article que, en dehors d'un “accord réciproque des parties et à la demande exclusive de l'assuré” (§ 1), ou de modifications intervenues dans la profession, les revenus ou le statut social de cet assuré (§ 5), une augmentation tarifaire en cours de contrat n'est plus permise en assurance maladie que:

    • sur la base de l'indice des prix à la consommation (§ 2) ou sur celle d'un indice médical spécifique [8] (reflétant, sur la base de paramètres objectifs et représentatifs, l'évolution du coût des services de santé couverts), si l'évolution de celui-ci dépasse celle de l'indice des prix à la consommation (§ 3); ou
    • conformément à l'article 21octies, § 2 de la loi du 9 juillet 1975 relative au contrôle des entreprises d'assurance [9], à la demande de l'entreprise d'assurances et sur autorisation préalable de la Banque Nationale de Belgique, s'il s'avère que le tarif appliqué par cette entreprise, en dépit de son adaptation aux indices précités, donne lieu ou risque de donner lieu à des pertes (§ 4).

    L'objectif avoué de ces mesures d'encadrement tarifaire est principalement de couper court à des politiques commerciales agressives consistant à appâter les clients (notamment, les jeunes) par un tarif de base particulièrement attractif (“tarif de lancement”), ultérieurement compensées par un “rattrapage” susceptible de confronter l'assuré, en cours de contrat, à des hausses de primes aussi brutales qu'inattendues [10].

    4.En renvoyant à la description factuelle contenue aux points 10 à 13 de l'arrêt annoté, l'on se limitera à rappeler ici que l'affaire soumise à la Cour de justice puise son origine dans le contentieux qui oppose depuis 2010 la compagnie d'assurance DKV Belgium, spécialisée dans les assurances maladie et hospitalisation, à Test-Achats, à la suite de l'augmentation tarifaire de 7,84% appliquée par cette compagnie d'assurance, à compter du 1er janvier 2010, à ses assurés bénéficiant d'une couverture d'assurance hospitalisation “chambre particulière”.

    Condamnée, en première instance, par une ordonnance de Mme la présidente du tribunal de commerce de Bruxelles du 20 décembre 2010 au motif que l'augmentation tarifaire litigieuse ne relevait d'aucun des cas de figure visés à l'article 138bis-4 de la LCAT [11], DKV Belgium a interjeté appel de cette ordonnance devant la cour d'appel de Bruxelles. Confrontée à des doutes sur la conformité du mécanisme d'encadrement tarifaire institué par cet article avec le droit de l'Union, la juridiction bruxelloise s'est tournée vers la Cour de justice pour solliciter une interprétation préjudicielle tant du droit dérivé (plus précisément, l'art. 8, 3. de la première directive “assurance non-vie” du 24 juillet 1973, ainsi que les art. 29 et 39, 2. et 3. de la troisième directive “assurance non-vie” du 18 juin 1992 [12]) que du droit primaire de l'Union (les art. 49 et 56 TFUE relatifs à la liberté d'établissement et à la libre prestation des services).

    II. Le principe de la liberté tarifaire: une consolidation de la jurisprudence “bonus-malus”

    5.Les éléments de réponse fournis par la Cour de justice s'inscrivent, de prime abord, dans la continuité de la jurisprudence existante. En atteste le fait que l'arrêt annoté est jalonné de références à des arrêts rendus par la Cour de justice, dans un passé récent, à propos de diverses mesures nationales d'encadrement tarifaire. Dans cette affaire, les juges européens n'ont, du reste, pas éprouvé la nécessité de s'adjoindre l'éclairage de conclusions d'un avocat général, preuve s'il en est qu'ils se sont estimés suffisamment outillés par leur propre jurisprudence pour pouvoir répondre utilement aux questions de la cour d'appel de Bruxelles.

    6.De fait, l'arrêt du 7 mars 2013 emboîte le pas au mouvement de distanciation opéré par la Cour de justice, depuis ses deux arrêts du 7 septembre 2004 dans les affaires dites du “bonus-malus” (en assurance RC automobile) [13], par rapport à sa ligne esquissée, en matière de liberté tarifaire, dans deux affaires soumises à son jugement dans les premières années de la création du marché unique de l'assurance.

    Dans celles-ci, la Cour de justice avait fait mine de vouloir prêter d'emblée une portée sans concessions aux dispositions de droit dérivé de l'Union (celles évoquées dans la première question de la cour d'appel de Bruxelles dans son renvoi préjudiciel) qui exigent des Etats membres la suppression des mécanismes nationaux de contrôle administratif préalable et/ou systématique des conditions contractuelles et tarifaires d'assurance [14], ainsi qu'au principe de la liberté tarifaire que la Cour de justice a déduit de ces dispositions. Il est vrai que cette jurisprudence initiale vit le jour dans le contexte de mesures nationales dont l'intrusion dans la liberté tarifaire des assureurs était patente.

    Dans la première affaire [15], le code des assurances français avait maintenu l'obligation pour tout assureur souhaitant commercialiser pour la première fois en France un modèle de contrat d'assurance de communiquer systématiquement aux autorités françaises compétentes, par l'intermédiaire d'une “fiche de commercialisation”, un ensemble d'éléments relevant des conditions contractuelles et tarifaires générales, obligation dont la Cour de justice a, sans réelle surprise, constaté la contrariété avec la suppression des mesures de contrôle systématique des conditions d'assurance exigée par les directives européennes en matière d'assurance (vie et non-vie) [16].

    La seconde affaire [17] avait trait à des mesures italiennes qui, pour juguler les poussées inflationnistes, avaient imposé, en 2000, aux assureurs actifs sur le marché national de l'assurance RC automobile un gel des hausses de primes en faveur des bons conducteurs et les avaient obligés à appliquer aux nouveaux contrats les tarifs en vigueur au moment de l'introduction de ces mesures. Consacrant pour la première fois le “principe de la liberté tarifaire” [18], la Cour de justice a vu dans ces mesures, qui restreignaient tant “la fixation” que “l'évolution des tarifs” [19] dans la branche d'assurance concernée, une atteinte à ce principe qui ne pouvait, du reste, se revendiquer de la dérogation admise par les directives européennes au nom de l'appartenance à un “système général de contrôle des prix” étant donné que les mesures en cause correspondaient à une intervention ponctuelle dans un secteur spécifique de l'assurance non-vie et que les mesures de contrôle des prix appliquées dans d'autres secteurs économiques ne présentaient pas une homogénéité caractéristique d'un tel système général [20].

    7.Se refusant à verser dans une “sacralisation excessive” [21] du principe de la liberté tarifaire en assurance, les arrêts “bonus-malus” de septembre 2004 [22] sont venus en quelque sorte mettre les points sur les i en rappelant que, à défaut d'une volonté clairement exprimée par le législateur de l'Union, il ne saurait être question de présumer que l'intention de celui-ci a été d'harmoniser complètement les règles nationales dans le domaine des tarifs en assurance au point de bannir toute mesure nationale, étrangère à un contrôle matériel préalable et/ou systématique des primes et de leur évolution, qui, tout en préservant la liberté des assureurs de fixer leurs primes de base, aurait néanmoins des “répercussions sur l'évolution [de ces] primes” [23]. L'enjeu est de taille car, en atténuant l'emprise du principe de la liberté tarifaire induit des directives européennes relatives à l'assurance, la Cour de justice a, du même coup, ouvert la porte à un examen (que la Commission européenne n'avait pas pris la peine de solliciter de la Cour dans les affaires du “bonus-malus”) au regard des libertés consacrées par le droit primaire de l'Union, lesquelles laissent place, conformément à une jurisprudence constante, à une justification possible au nom de l'intérêt général, à la différence d'une règle harmonisée de droit dérivé [24].

    8.Ce recadrage jurisprudentiel a été entériné par la Cour de justice dans son arrêt du 28 avril 2009 [25] relatif aux mesures italiennes obligeant tout assureur actif dans la branche RC automobile sur le territoire national à prendre en charge tout risque, même aggravé, soumis à sa souscription (obligation de contracter) en se pliant à une politique de tarification fondée sur des statistiques historiques du coût moyen du risque au sein de catégories d'assurés définies de manière suffisamment large, et non sur le profil de risque individuel du candidat à l'assurance (modération tarifaire). Sur le volet strictement tarifaire, il a été relevé [26] que les mesures en cause n'interdisent pas aux assureurs de calculer leurs primes en fonction de leurs propres bases techniques et que la seule circonstance qu'elles soient susceptibles d'avoir des répercussions sur les tarifs en ce qu'elles dessinent un “cadre technique” obligatoire pour le calcul des primes ne suffit pas pour conclure à une limitation illégale du principe de liberté tarifaire.

    9.La Cour de justice transpose, en substance, cet enseignement aux points 22 et 23 de l'arrêt annoté, où elle s'appuie ouvertement sur sa jurisprudence plus récente en reprenant à son compte la figure du “cadre technique” apparue dans l'arrêt du 28 avril 2009. Mais l'exploitation qu'elle fait de cette figure en l'espèce comporte une avancée nouvelle.

    Ainsi que l'ont fait valoir tant DKV Belgium que la Commission européenne devant la Cour de justice, il est indéniable que, considérée isolément, la disposition inscrite à l'article 21octies, § 2 de la loi de contrôle des assurances, en ce qu'elle subordonne à une autorisation de la Banque Nationale de Belgique le droit pour l'assureur maladie de relever ses tarifs afin de les mettre en équilibre, s'apparente à une mesure d'approbation préalable de la majoration tarifaire envisagée, dont les autorités belges n'ont à aucun moment suggéré qu'elle relèverait d'un système général de contrôle des prix et qui, partant, aurait dû, dans la rigueur des principes, être jugée contraire à l'exigence européenne de suppression du contrôle préalable des majorations tarifaires [27].

    Optant résolument pour une approche “macroscopique” ou “systémique”, la Cour de justice ne voit cependant rien à redire à cette disposition, au motif que celle-ci ne fait que s'insérer dans un cadre technique dont l'objet est, loin de l'ingérence directe dans la fixation des primes et de la prohibition des majorations tarifaires qui ont valu aux mesures italiennes de 2000 leur censure par les juges européens, de contenir dans certaines limites l'évolution des primes en assurance maladie.

    10.Bien que cela ne ressorte pas explicitement de l'arrêt annoté, dont le point 27 (auquel renvoie également le point 46) rend, d'ailleurs, insuffisamment compte du rôle précis assigné à la Banque Nationale de Belgique dans le contexte du mécanisme d'encadrement tarifaire institué par l'article 138bis-4 de la LCAT, il importe de souligner ici que la mesure instituée par l'article 21octies, § 2 de la loi de contrôle des assurances se démarque singulièrement des dispositifs “classiques” de notification ou d'approbation préalable des majorations tarifaires, qui se trouvent dans le collimateur du droit de l'Union. Dans le mécanisme belge dénoncé par DKV Belgium, l'idée n'est pas de soumettre toute demande de hausse tarifaire en assurance maladie au feu vert préalable de l'autorité de contrôle. Ainsi, toute majoration tarifaire demeurant dans les limites autorisées par le “cadre technique” constitué des indices visés à l'article 138bis-4, § 2 et 3 de la LCAT peut être appliquée sans nécessiter l'aval de la Banque Nationale de Belgique. Il s'agit, en réalité, d'offrir à l'assureur maladie une sorte de “droit d'appel” auprès de celle-ci lorsqu'il constate que ses tarifs, bien qu'ayant été revus à la hausse dans les limites précitées, ne lui permettent (ou ne lui permettront sans doute) pas d'éviter des pertes.

    Loin d'être un “passage obligé” pour toute décision de hausse tarifaire, l'article 21octies, § 2 de la loi de contrôle apparaît ainsi comme une “soupape de sécurité” ou un échappatoire permettant à l'assureur en proie à un déséquilibre technique (ou craignant de l'être) de solliciter auprès de l'autorité de contrôle une dérogation au respect strict du cadre technique posé par la loi. La mission de cette autorité revêt donc un caractère “subsidiaire” en faveur de l'assureur qui justifierait qu'il ne peut s'en tenir aux marges de progression tarifaire autorisées en application des indices officiels sans mettre en péril son équilibre et, partant, la sécurité de ses clients. Le “cadre technique” de l'article 138bis-4 de la LCAT apparaissant compatible avec les directives européennes d'assurance et le principe de la liberté tarifaire qui en découle, la mesure d'autorisation préalable qui vise à assouplir son application, dans un cas particulier, au nom du maintien de l'équilibre technique de l'assureur l'apparaît tout autant, aux yeux de la Cour de justice.

    11.Au final, l'arrêt annoté, qui confirme une tendance lourde consistant à desserrer l'étau du principe de la liberté tarifaire sur les mesures nationales de régulation des hausses de primes, rejoint, dans son interprétation du droit dérivé de l'Union, la solution contenue dans l'arrêt de la Cour constitutionnelle du 31 mai 2011, qui n'a pas décelé, dans les dispositions attaquées de l'article 138bis-4 de la LCAT, d'élément d'incompatibilité avec les première et troisième directives “assurance non-vie” [28].

    III. Une restriction proportionnée aux libertés européennes?

    12.Le volet de l'arrêt annoté consacré aux articles 49 et 56 TFUE (liberté d'établissement et libre prestation de services) - qui, au passage, illustre à nouveau l'“instrumentalisation” à laquelle peut se prêter le droit de l'Union pour tenter de mettre à mal un carcan national dans le contexte d'un litige au départ purement “interne” - reflète un raisonnement jurisprudentiel des plus classiques en la matière, à savoir celui axé sur la dialectique “restriction - justification (au nom d'un objectif d'intérêt général)”.

    13.Sur la notion de restriction, l'on y verra tout d'abord une confirmation de l'extension au domaine des services de la jurisprudence récente de la Cour de justice en matière de libre circulation des marchandises, consistant à englober dans cette notion, aux côtés, notamment, des mesures qui interdisent, gênent ou rendent moins attrayant l'exercice des libertés transfrontalières, celles qui “affectent l'accès au marché” [29]. Epousant un schéma d'analyse fort comparable à celui retenu dans l'arrêt du 28 avril 2009 - sur lequel l'arrêt annoté prend d'ailleurs appui aux points 33 et 36 - au sujet de l'obligation de contracter et des mesures de modération tarifaire imposées par la réglementation italienne en assurance RC automobile, la Cour de justice conclut en l'espèce, sans réelle surprise, à l'existence d'une entrave à l'accès au marché belge au motif que le mécanisme d'encadrement tarifaire litigieux revient, en substance, à imposer aux assureurs maladie étrangers désireux de pénétrer ce marché de “repenser leur politique et leur stratégie commerciales”, en particulier leur positionnement tarifaire, “au moment de la fixation initiale des primes” [30].

    En clair, l'assureur étranger qui entendrait se faire une place au soleil sur le marché belge de l'assurance maladie privée à travers une politique tarifaire de lancement attractive pourrait, croit-on pouvoir lire entre les lignes de l'arrêt, être amené à renoncer à ses projets, sachant qu'il ne pourra plus miser sur une possibilité ultérieure de “rattrapage” qui excéderait les limites autorisées par le cadre légal. Indépendamment même d'un tel comportement initial “agressif”, le risque existe, d'une manière générale, que les “augmentations tarifaires à venir soient insuffisantes pour couvrir les frais auxquels (les entreprises) vont devoir faire face” [31], ce qui pourrait dissuader des assureurs étrangers à ouvrir une succursale en Belgique ou à y offrir leurs “produits” (entendez “contrats”) en régime de libre prestation de services [32].

    14.Sur le caractère justifié du mécanisme d'encadrement litigieux au regard de l'objectif allégué de protection des assurés, qu'il nous soit simplement permis, dans les limites de notre devoir déontologique de réserve, d'anticiper le “goût de trop peu” que les passages consacrés à la condition de proportionnalité ne manqueront pas de susciter chez les parties au litige mais aussi chez l'observateur neutre.

    Force est, en effet, de reconnaître que le constat, opéré au point 44 de l'arrêt annoté, sur la capacité du mécanisme belge à mettre les assurés à l'abri d'une hausse inattendue et importante de leurs primes d'assurance lorsqu'ils sont plus âgés relève davantage du critère de l'aptitude (déjà examiné au point 42 de l'arrêt) que de celui de la proportionnalité. Quant aux points 45 et 46 de l'arrêt, ils constituent un simple rappel des éléments de souplesse du mécanisme litigieux (préservation de la fixation libre des primes de base par les assureurs; “droit d'appel” devant l'autorité de contrôle en cas d'insuffisance technique des adaptations tarifaires liées aux indices officiels).

    En invitant la juridiction bruxelloise à vérifier “qu'il n'existe pas de mesure moins contraignante permettant d'atteindre, dans les mêmes conditions, l'objectif de protection du consommateur contre des hausses importantes et inattendues des primes d'assurance” [33], la Cour de justice semble d'ailleurs admettre que ces éléments d'analyse, qui rejoignent, pour partie, ceux dont la Cour constitutionnelle a, dans son arrêt du 31 mai 2011, déduit le caractère proportionné du mécanisme tarifaire en cause [34], ne suffisent pas pour conclure de manière certaine et définitive que, conformément à ce qu'exige le test de proportionnalité, ce mécanisme, quoique apte à atteindre l'objectif poursuivi et non complètement “liberticide”, ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour la réalisation de cet objectif.

    15.Dans ces conditions, tout en gardant à l'esprit qu'il n'appartient normalement pas à la Cour, dans le cadre d'une affaire préjudicielle, de se prononcer elle-même sur la compatibilité d'une norme de droit national avec le droit de l'Union [35], et en adhérant à son choix de laisser le soin des vérifications nécessaires à la juridiction de renvoi, l'on aurait pu s'attendre, eu égard, notamment, aux arguments échangés devant elle par les parties sur ce point, à ce que l'arrêt fournisse à la juridiction bruxelloise un minimum de balises pour la guider dans sa vérification de l'existence éventuelle de solutions alternatives prétendument moins attentatoires aux libertés en cause [36].

    16.Face à ce qui pourrait s'apparenter à une attitude de Ponce Pilate, il revient à présent à la cour d'appel de Bruxelles de trancher ce dernier volet d'analyse laissé en suspens par la Cour de justice. Se contentera-t-elle, à cette fin, de faire siens les motifs de l'arrêt de la Cour constitutionnelle du 31 mai 2011 ou poussera-t-elle l'examen plus avant, à la recherche de telles solutions éventuelles [37]? Tel est l'enjeu du prochain (et dernier?) épisode du débat judiciaire dans cette affaire, de retour à l'échelon national.

    IV. Conclusion

    17.L'arrêt du 7 mars 2013 confirme le virage amorcé par la Cour de justice, dans ses arrêts “bonus-malus” de septembre 2004, en faveur d'une approche plus accommodante, au nom de considérations sociales particulières, des mesures de régulation tarifaire au regard des principes de liberté véhiculés par le droit primaire ou dérivé de l'Union. L'heure n'est certainement plus, comme aux premières lueurs du marché unique, à la consécration du principe de la liberté tarifaire comme dogme infaillible du monde moderne de l'assurance. Elle est à la “retenue européenne” à l'égard de mécanismes nationaux dont chacun mesure bien que, en dépit de fréquentes imperfections législatives, ils sont l'aboutissement de compromis difficiles entre les intérêts respectifs des assureurs et des “consommateurs” d'assurance.

    18.Au lendemain de l'arrêt annoté, l'on voit ainsi se consolider une ligne de démarcation, axée sur le degré d'intensité de l'ingérence étatique dans la politique tarifaire des assureurs, entre les formes d'immixtion directe de l'Etat ou de son administration dans la fixation des primes et de leur évolution (mesures générales d'approbation préalable ou de notification systématique des conditions ou des hausses tarifaires envisagées; imposition d'un niveau déterminé de tarifs; blocage des tarifs, …), d'un côté, et les mesures qui, tout en cherchant à encadrer les hausses de primes, ne sapent pas pour autant la liberté des assureurs de déterminer le niveau des primes de base ni ne les privent de la possibilité de faire évoluer les primes en cours de contrat, de l'autre côté (systèmes “bonus-malus”; mesures de modération tarifaire liées à une obligation d'assurer; mécanisme d'encadrement tarifaire du type de celui institué par l'art. 138bis-4 de la LCAT [38]).

    19.De nombreuses zones grises subsistent toutefois. Fidèle à une approche “casuistique” et liée, du reste, par l'ancrage explicite des questions posées par la juridiction bruxelloise dans le cadre légal de l'article 138bis-4 de la LCAT, la Cour n'avait cependant ni l'ambition, ni l'occasion, de les dissiper toutes dans l'arrêt annoté.

    Il semble acquis que des mécanismes autorisant les assureurs à adapter leurs primes en fonction d'indices représentatifs de l'évolution du coût des biens ou des services dans le secteur concerné par la branche d'assurance n'ont rien de contraire au droit de l'Union. Sous réserve de leur conformité au critère de proportionnalité, la même conclusion pourra être tirée à propos de mécanismes, tels que celui de l'article 138bis-4 de la LCAT, qui entendent en principe cantonner les adaptations tarifaires en cours de contrat à l'application d'indices définis par les pouvoirs publics.

    En revanche, l'on en reste, pour l'heure, à spéculer sur le sort qui pourrait, le cas échéant, être réservé, au regard du droit de l'Union, à des mesures qui, tout en préservant la liberté des assureurs de fixer les primes de base, leur imposeraient une adaptation périodique des primes en cours de contrat (p. ex. mécanisme d'indexation automatique obligatoire). Peut-on encore parler d'un simple encadrement tarifaire admissible au motif qu'il n'entame pas la liberté des assureurs de fixer leurs primes de base ou l'effet de contrainte attaché à une telle mesure la fait-elle, au contraire, basculer du côté des ingérences directes de l'Etat dans la politique tarifaire des assureurs, contraires aux principes du droit de l'Union?

    [1] Référendaire à la Cour de justice de l'UE, maître de conférences invité à l'UCL. Les opinions exprimées dans cette contribution le sont à titre strictement personnel.
    [2] MB 10 août 2007.
    [3] Pour une présentation exhaustive et critique de cette nouvelle législation, cf., tout récemment, N. Schmitz, “Les modifications apportées à la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre en assurance maladie et en assurance du solde restant dû: trois pas en avant…” in B. Dubuisson et V. Callewaert (dirs.), La loi sur le contrat d'assurance terrestre. Bilan et perspectives après 20 années d'application, Bruxelles, Bruylant, 2012, pp. 275-341.
    [4] Initialement conçue à titre expérimental pour deux ans, puis prolongée à deux reprises, l'obligation des assureurs correspondant à la consécration de ce droit a été étendue au-delà du 30 juin 2012 sans limitation temporelle (AR du 20 juin 2012 portant exécution de l'art. 138bis-6 de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre (MB 27 juin 2012)), en dépit d'un avis négatif du Conseil d'Etat du 15 mai 2012 (avis n° 51.284/1 (MB 27 juin 2012)).
    [5] En particulier, la distinction initiale entre contrats individuels et collectifs a été remplacée par une distinction fondée sur le lien, ou non, avec l'activité professionnelle.
    [6] MB 8 juillet 2009.
    [7] C.const. 31 mai 2011, n° 90/2011. Pour un résumé de cet arrêt, cf. J.-M. Binon, RDC-TBH 2011, p. 735.
    [8] La méthode de construction des indices médicaux spécifiques a été définie par un arrêté royal du 1er février 2010 (MB 8 février 2010). Ces indices sont actualisés et publiés au Moniteur belge trimestriellement. Cet arrêté royal a fait l'objet de différents recours en annulation devant le Conseil d'Etat, respectivement, de la part d'Assuralia et de Test-Achats. Par un arrêt du 29 décembre 2011, le Conseil d'Etat a accueilli le recours d'Assuralia et a partiellement annulé l'arrêté litigieux pour insuffisance de motivation matérielle, en raison du fait qu'aucun élément ne permettait de comprendre les motifs pour lesquels les autorités réglementaires s'étaient écartées de l'avis du Centre fédéral d'expertise des soins de santé recommandant de retenir parmi les critères de construction des indices médicaux, à côté de l'âge et du type de garantie, une troisième variable liée aux réserves constituées dans le passé par l'assuré (cet arrêt a été annoté par M. Thirion au Bull.ass. 2012, pp. 238-240). En revanche, le recours de Test-Achats a été rejeté par deux arrêts du Conseil d'Etat du 7 novembre 2012 et du 22 février 2013. Dans ce dernier arrêt, la juridiction administrative a jugé que le paramètre, inscrit dans l'arrêté litigieux, relatif à la “charge brute des sinistres” ventilée par type de frais et par classe d'âge, répond aux exigences d'objectivité et de représentativité énoncées à l'art. 138bis-4, § 3 de la LCAT.
    [9] MB 29 juillet 1975.
    [10] Cf. les extraits des documents parlementaires mentionnés au point B.13.7.2. de l'arrêt de la Cour constitutionnelle du 31 mai 2011.
    [11] DKV Belgium s'était, notamment, vu opposer, en décembre 2009, un refus de l'autorité de contrôle (la Commission bancaire, financière et des assurances (CBFA), à l'époque) d'augmenter ses tarifs au-delà du niveau de hausse autorisé en application de l'indice médical en vigueur à l'époque. Son recours contre cette “décision” de refus fut rejeté par le Conseil d'Etat dans un arrêt du 24 juin 2010.
    [12] Ces dispositions figurent à présent, parfois de manière légèrement restructurée et/ou amendée, aux art. 21, 1., 2. et 4., 154 et 181, 1. à 3. de la directive 2009/138/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009, sur l'accès aux activités de l'assurance et de la réassurance et leur exercice (solvabilité II) (JO 335, p. 1). Cette directive n'est cependant pas encore en vigueur.
    [13] CJCE 7 septembre 2004, C-346/02, Commission / Luxembourg, Rec., p. I-7517 et C-347/02, Commission / France, Rec., p. I-7557.
    [14] Sur les motifs de la suppression de ce contrôle dit “matériel”, cf., not., H. Cousy et H. Claassens, “Ex post control of insurance in Belgium”, The Geneva Papers on Risk and Insurance, janvier 1994, pp. 46-59; B. Dubuisson, “Le consommateur européen face au marché unique de l'assurance: mythes et réalités”, Bull.ass. 1992, pp. 416-417.
    [15] CJCE 11 mai 2000, C-296/98, Commission / France, Rec., p. I-3025. Pour un commentaire de cet arrêt, cf. T. Chellingsworth, “The obligation to notify model contracts to the authorities in the banking and insurance sectors”, Euredia, 2000/3, pp. 365-377.
    [16] Pts. 27 à 33 de l'arrêt.
    [17] CJCE 25 février 2003, C-59/01, Commission / Italie, Rec., p. I-1759. Pour un commentaire de cet arrêt, cf. J. Palmero Zurdo, “La liberté tarifaire dans le domaine des assurances non-vie: l'arrêt de la Cour du 25 février 2003 dans l'affaire C-59/01, Commission / République italienne”, Euredia, 2003/4, pp. 665-684.
    [18] Pt. 29 de l'arrêt.
    [19] Pt. 32 de l'arrêt.
    [20] Pts. 35 à 37 de l'arrêt.
    [21] Les termes sont empruntés au point 56 des conclusions de Mme l'avocat général Stix-Hackl sous les arrêts “bonus-malus” du 7 septembre 2004.
    [22] Pour des commentaires de ces arrêts, cf., not., J.-M. Binon, “Chronique de droit européen. Assurance et responsabilité (octobre 2003-décembre 2004)”, RGAR 2005, n° 13.971, nos 17 à 20, et “Le principe de liberté tarifaire: une nouvelle nébuleuse dans le ciel européen de l'assurance” in Les paramètres de sélection des risques à l'aube du XXIème siècle, dossier n° 10 du Bull.ass. 2004, pp. 15-18; C. Berr, “Arrêt du 7 septembre 2004 (aff. C-347/02), Commission des Communautés européennes / République française (le discutable système français de 'bonus-malus' sauvé par la Cour de justice)”, Rev.trim.dr.eur. 2004, pp. 735-744; F. Collon, JT 2004, p. 683.
    [23] Pts. 23 à 25 de l'arrêt “bonus-malus” luxembourgeois; pts. 24 à 26 de l'arrêt “bonus-malus” français. Cf., dans un sens analogue, l'arrêt n° 40/2008 de la Cour constitutionnelle du 4 mars 2008 à propos du système “bonus-malus” en assurance accidents du travail (art. 49quater de la loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail (MB 24 avril 1971)). Cet arrêt a été annoté par L. Van Gossum au Bull.ass. 2008, pp. 279-286.
    [24] Cf., en ce sens, le pt. 38 de l'arrêt du 25 février 2003, Commission / Italie.
    [25] CJCE 28 avril 2009, C-518/06, Commission / Italie, Rec., p. I-3491. Pour un commentaire de cet arrêt, cf., not., J.-M. Binon, “Chronique de droit européen. Assurance et responsabilité (janvier 2008-juillet 2009)”, RGAR 2009, n° 14.540, n° 3, et “La liberté commerciale des assureurs à l'épreuve du feu européen”, RDC-TBH 2010, pp. 7-19.
    [26] Pts. 100 à 108 de l'arrêt.
    [27] Art. 8, 3., 3ème al. de la première directive “assurance non-vie” et art. 29, 2ème al. et 39, 3. de la troisième directive “assurance non-vie”.
    [28] Pts. B.12.1. à B.12.4.
    [29] En matière de libre circulation des marchandises, cf., à titre d'exemples, CJCE 10 février 2009, C-110/05, Commission / Italie, Rec., p. I-519, pts. 33 à 37 et CJUE 2 décembre 2010, C-108/09, Ker-Optika, Rec., p. I-12213, pts. 48 à 51.
    [30] Pts. 35 et 36 de l'arrêt.
    [31] Pt. 35 de l'arrêt.
    [32] Pt. 34 de l'arrêt.
    [33] Pts. 47 et 49 ainsi que dispositif de l'arrêt.
    [34] Pt. B.13.7.3. de l'arrêt.
    [35] Pour des rappels récents de cette jurisprudence constante, cf., p. ex., CJUE 16 février 2012, C-25/11, Varzim Sol, pt. 27 et 8 novembre 2012, C-351/11, KGH Belgium, pt. 17.
    [36] La prudence affichée en l'espèce par la Cour de justice contraste ainsi avec l'approche nettement plus “audacieuse” suivie, p. ex., dans l'arrêt du 28 avril 1998, Safir (C-118/96, Rec., p. I-1897), où, dans le contexte d'une restriction fiscale suédoise en matière d'assurance vie, la Cour ne s'est pas privée de vérifier elle-même l'existence de mesures alternatives capables d'atteindre l'objectif allégué d'une façon moins attentatoire aux libertés invoquées (pt. 33 de l'arrêt).
    [37] Ainsi que la Cour de justice l'a rappelé dans son arrêt du 28 avril 2009 (pt. 84), la charge de la preuve de la proportionnalité de la mesure litigieuse au regard de l'objectif allégué ne saurait toutefois aller jusqu'à exiger de démontrer, de manière positive, “qu'aucune autre mesure imaginable ne permet de réaliser ledit objectif dans les mêmes conditions”.
    [38] Dans son arrêt n° 166/2011 du 10 novembre 2011, la Cour constitutionnelle, saisie d'un recours en annulation d'Assuralia, a, pour sa part, conclu à l'absence d'incompatibilité des mesures spécifiques introduites par la loi du 21 janvier 2010 en ce qui concerne les assurances du solde restant dû pour les personnes présentant un risque de santé accru (LCAT, art. 138ter-1 à 13 (MB 3 février 2010)) (en particulier celles relatives à l'instauration d'un code de bonne conduite et d'un questionnaire médical standardisé, ainsi qu'au réexamen du dossier par le réassureur et par un Bureau du suivi de la tarification) avec les principes européens de suppression du contrôle matériel préalable et/ou systématique et de liberté tarifaire, ainsi qu'avec les libertés d'établissement et de prestation de services (cf., not., les pts. B.20. à B.32.). Sur cet arrêt, cf. J.-M. Binon, RDC-TBH 2012, pp. 104-105; C. Devoet, “Le point sur la réglementation de l'accès à l'assurance solde restant dû”, L'assurance au présent, 7-11 mai 2012, pp. 1-4 et 11-18 mai 2012, pp. 1-3.