Cour de justice de l'Union européenne 6 septembre 2012
Ceská sporitelna / G. Feitcher
Affaire: C-419/11 |
Dans un arrêt du 14 mars 2013, rendu dans l'affaire C-419/11, Ceská sporitelna / G. Feitcher, la Cour a précisé la portée de l'article 15 du Règlement Bruxelles I, concernant la compétence internationale en matière des contrats conclus avec un consommateur et de l'article 5, 1., sous a) du même règlement, concernant la compétence internationale en matière contractuelle.
L'arrêt de la Cour a pour l'origine une question préjudicielle de la cour municipale de Prague concernant un litige entre la banque Ceská sporitelna, établie à Prague et M. Feichter, un ressortissant tchèque domicilié en Autriche. Ce dernier avait avalisé, en tant que personne physique, un billet à ordre en blanc émis en faveur de Ceská sporitelna par la société Feichter C.W. s.r.o., dont il est gérant. Ce billet à ordre a été émis afin de garantir des obligations qui incombaient à la société Feichter au titre d'un contrat relatif à l'ouverture d'une ligne de crédit revolving auprès de Ceská sporitelna. Le billet à ordre présenté à Prague, désignée comme lieu de paiement, n'ayant pas été encaissé à la date d'échéance, Ceská sporitelna a engagé une procédure d'injonction de payer devant la juridiction de renvoi, en vue d'obtenir, à charge de M. Feichter, le paiement de la somme résultant de la souscription du billet à ordre. M. Feichter a contesté la compétence de la juridiction tchèque, en faisant valoir sa qualité de consommateur et le fait qu'il était domicilié en Autriche.
Dans ces circonstances, la juridiction de renvoi se demandait, d'une part, si sa compétence pour connaître du litige en cause devait être déterminée selon les règles en matière de contrats conclus par les consommateurs. A cet égard, elle s'interrogeait en particulier sur la question de savoir si les conditions de l'application l'article 15, 1. du règlement n° 44/2001 étaient remplies. Dans l'affirmative, les juridictions autrichiennes seraient compétentes pour connaître du litige au principal, étant donné que, selon l'article 16, 2. du Règlement Bruxelles I, l'action intentée contre un consommateur ne peut être portée que devant les tribunaux du domicile du consommateur.
D'autre part, la juridiction de renvoi s'interrogeait sur la question de savoir s'il était possible, en l'occurrence, de déterminer la compétence conformément à l'article 5, 1., sous a) du Règlement Bruxelles I concernant la compétence en matière contractuelle, étant donnée que selon le droit tchèque, le billet à ordre est une valeur mobilière à caractère abstrait qui n'est pas de nature contractuelle, même si elle matérialise le contenu d'un contrat. En outre, la juridiction de renvoi s'interrogeait sur la question de savoir s'il s'agissait, en l'espèce, d'une obligation librement acceptée, étant donné que le lieu de paiement précis n'a pas été déterminé ni dans le billet à ordre ni dans l'accord relatif à l'apposition des mentions manquantes. Enfin, dans le cas où l'article 5, 1., sous a) du Règlement Bruxelles I devait être appliqué, la juridiction de renvoi demandait comment il convenait d'interpréter la notion du “lieu où l'obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée”, visée par cette disposition.
En répondant aux questions de la juridiction de renvoi, la Cour de justice a relevé, en premier lieu, que la notion de consommateur ne vise que le consommateur final privé, non engagé dans des activités commerciales et professionnelles et que seuls les contrats conclus en dehors et indépendamment de toute activité ou finalité d'ordre professionnel, dans l'unique but de satisfaire aux propres besoins de consommation privée de l'individu relèvent du régime particulier prévu par le Règlement Bruxelles I en matière de protection de consommateur. Dès lors que, en l'espèce, l'avaliste s'est porté garant pour les obligations de la société dont il est gérant et dans laquelle il détient une participation majoritaire, cet avaliste ne pouvait être considéré comme un consommateur. La Cour a ajouté que, même si l'obligation de l'avaliste revêt un caractère abstrait et est donc indépendante de l'obligation du souscripteur pour lequel celui-ci s'est porté garant, il n'en demeure pas moins que l'aval d'une personne physique, donné dans le cadre d'un billet à ordre émis afin de garantir les obligations d'une société commerciale, ne saurait être considéré comme ayant été donné en dehors et indépendamment de toute activité ou finalité d'ordre professionnel si cette personne physique présente des liens professionnels étroits avec ladite société, tels que la gérance ou une participation majoritaire dans cette société.
En second lieu, s'agissant de l'applicabilité en l'espèce de l'article 5, 1., sous a) du Règlement Bruxelles I, la Cour a rappelé que la notion de 'la matière contractuelle' visée dans cette disposition devait être interprétée de manière autonome et qu'elle présupposait l'existence d'une obligation juridique librement consentie par une personne à l'égard d'une autre, sur laquelle se fonde l'action du demandeur. La Cour a considéré que, en l'espèce, une telle obligation existait, dans la mesure où l'avaliste, en apposant sa signature au recto du billet à ordre, sous la mention 'bon pour aval', a volontairement accepté d'agir comme garant des obligations du souscripteur dudit billet à ordre. Son obligation de garantir lesdites obligations a été ainsi, par sa signature, librement acceptée, au sens de ladite disposition.
La Cour a précisé, également, s'agissant du lieu d'exécution de l'obligation qui sert de base à la demande que, en principe, il doit être déterminé selon la loi applicable à cet obligation selon les règles de conflits de lois de la juridiction saisie. La Cour a néanmoins relevé qu'en l'occurrence ce lieu était expressément indiqué sur le billet à ordre et que la juridiction de renvoi devait en tenir compte pour la détermination de sa compétence internationale à la lumière de l'article 5, 1., sous a) du Règlement Bruxelles I.