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L'erreur du juge est-elle fatale? Libres propos, R.D.C.-T.B.H., 2013/10, p. 1128-1141

L'erreur du juge est-elle fatale? Libres propos

Bernard Dubuisson [1]

TABLE DES MATIERES

Introduction

I. Une responsabilité en évolution: la responsabilité du magistrat dans l'exercice de sa mission juridictionnelle § 1. Recevabilité de l'action en responsabilité A. Une condition incontournable: l'épuisement des voies de recours

B. Une condition superfétatoire: la violation d'une norme juridique établie

C. Les exceptions au principe

§ 2. Les conditions de la responsabilité du magistrat A. Faute et illégalité: une distinction (trop) cardinale …

B. Faute et erreur de droit

C. Faute et violation d'une norme de droit international

D. L'erreur de droit invincible

II. Une responsabilité méconnue: la responsabilité de gestionnaire du magistrat chef de corps

III. Une responsabilité nouvelle: la rupture d'égalité devant les charges publiques

Conclusion

RESUME
La présente contribution revient sur les principaux fondements de la responsabilité de l'Etat du fait des magistrats et sur les conditions de cette responsabilité au regard de la jurisprudence la plus récente de la Cour de cassation. Parmi ces conditions, celle qui impose, lorsque la responsabilité résulte d'un acte juridictionnel, que la décision critiquée ait préalablement disparu de l'ordonnancement juridique suscite encore beaucoup d'interrogations. La Cour suprême confirme qu'il s'agit bien d'une condition de recevabilité de l'action et non d'une condition de fond de la responsabilité. Pour le surplus, les éléments constitutifs de la faute sont ceux du droit commun tant il est vrai que l'erreur de droit du magistrat ne doit pas être traitée différemment d'une autre erreur. Il reste que la nature particulière de la mission de juger et le statut propre du magistrat donne à cette erreur une coloration particulière qui conduit à l'apprécier avec beaucoup de nuances. Outre la responsabilité de droit commun, il convient de ne pas oublier que les magistrats chefs de corps supportent en raison de leurs missions spécifiques des responsabilités qui peuvent être particulièrement lourdes et que la responsabilité de l'Etat peut parfois être engagée, même en l'absence de faute du magistrat, pour rupture d'égalité devant les charges publiques.
SAMENVATTING
Deze bijdrage komt terug op de belangrijkste grondslagen voor de aansprakelijkheid van de Staat voor daden van magistraten en op de voorwaarden van die aansprakelijkheid in het licht van de meest recente rechtspraak van het Hof van Cassatie. Een van die voorwaarden die vereist dat de aangevochten beslissing voordien uit de rechtsorde is verdwenen wanneer de aansprakelijkheid het resultaat is van een rechterlijke handeling, roept veel vragen op. Het Hof van Cassatie bevestigt dat het inderdaad een voorwaarde voor de ontvankelijkheid van de rechtsvordering betreft en niet een grondvoorwaarde. Voorts behoren de elementen van de fout tot het gemeen recht aangezien een juridische vergissing in hoofde van de magistraat niet op een andere manier behandeld mag worden dan een andere vergissing. Niettemin verleent de bijzondere aard van de opdracht om een oordeel te vormen of het statuut dat eigen is aan de magistraat, aan deze vergissing een specifieke invulling, die ervoor zorgt dat de vergissing met veel nuance wordt beoordeeld. Naast de gemeenrechtelijke aansprakelijkheid mag niet worden vergeten dat de magistraten-korpschefs uit hoofde van hun specifieke opdrachten aansprakelijkheden dragen die uiterst zwaar kunnen blijken en dat de Staat soms aansprakelijk kan worden gesteld wegens schending van de gelijkheid van de openbare lasten, zelf bij gebrek aan een fout in hoofde van de magistraat.
Introduction

1.Dans sa contribution, le professeur Van Oevelen a dressé de manière détaillée le cadre général dans lequel s'inscrit la responsabilité de l'Etat du fait des magistrats depuis les fameux arrêts Anca et procédé à une analyse fouillée de la jurisprudence. Notre propos ne saurait consister à redire en d'autres termes ce qui a déjà été parfaitement expliqué. Nous pouvons donc nous laisser aller à quelques réflexions personnelles.

Il ressort clairement de la contribution de notre collègue que la Cour de cassation, dans la ligne du célèbre arrêt La Flandria, a entendu inscrire la responsabilité liée à la fonction de juger dans le contexte général de la responsabilité pour faute et de la responsabilité des pouvoirs publics en particulier. Les gouvernants comme les gouvernés sont en effet soumis aux règles de droit commun de la responsabilité extra-contractuelle, en particulier celles qui se déduisent des articles 1382 et 1383 du Code civil [2]. Si les règles de base ne sont pas fondamentalement différentes lorsqu'il s'agit d'apprécier la faute commise par le magistrat, les particularités de la mission juridictionnelle leur donnent néanmoins une coloration particulière.

Nous commencerons donc par examiner quelques traits particuliers de la responsabilité du magistrat dans l'exercice de sa fonction juridictionnelle au regard de la jurisprudence la plus récente de la Cour de cassation (I). Il convient de ne pas oublier que certains magistrats assument des responsabilités lourdes en qualité de gestionnaire des bâtiments et du personnel. Tel est le cas des magistrats chefs de corps (II). Lorsqu'aucune faute ne peut être démontrée à charge d'un magistrat, l'indemnisation peut encore être réclamée sur le fondement de la rupture d'égalité des citoyens devant les charges publiques (III).

I. Une responsabilité en évolution: la responsabilité du magistrat dans l'exercice de sa mission juridictionnelle
§ 1. Recevabilité de l'action en responsabilité
A. Une condition incontournable: l'épuisement des voies de recours

2.Dès son premier arrêt Anca, la Cour de cassation précisait que « lorsque la faute reprochée au magistrat résulte d'un acte qui est l'objet direct de la fonction juridictionnelle, la demande tendant à la réparation du dommage ne peut, en règle, être reçue que si l'acte litigieux a été retiré, réformé, annulé ou rétracté par une décision passée en force de chose jugée en raison de la violation d'une norme juridique établie et n'est plus dès lors, revêtu de l'autorité de chose jugée » [3].

Cette exigence préalable tend, on le sait, à répondre à l'objection tirée de l'autorité de la chose jugée qui empêche qu'un justiciable puisse indirectement remettre en cause une décision de justice définitive qui lui fait grief par le biais d'une action en responsabilité civile dirigée contre l'Etat. L'objection ainsi formulée disparaît en effet si l'on pose en préalable que la décision critiquée par le justiciable doit avoir été préalablement réformée, rétractée ou annulée et n'est dès lors plus revêtue de l'autorité de chose jugée.

La formulation de cette condition a varié au cours du temps si bien que la doctrine hésitait quant à savoir s'il s'agissait d'une condition de recevabilité de l'action en responsabilité ou d'une véritable condition de fond [4]. Comme nous le verrons, les arrêts les plus récents rendus par la Cour de cassation tranchent cette question en faveur d'une condition de recevabilité. Il est vrai que certaines analyses permettent pourtant d'en douter.

L'on pourrait en effet prétendre que la victime qui n'exerce pas les voies de recours offertes par la loi pour critiquer la décision qui lui cause préjudice commet une faute qui est la cause exclusive de son dommage [5].

Cette proposition n'emporte toutefois pas la conviction car elle semble incompatible avec la théorie de l'équivalence des conditions. Il est bien admis en effet que la faute de la victime qui consiste dans le fait de n'avoir pas empêché la survenance d'un dommage qui pouvait être évité n'a pas pour conséquence d'effacer ipso facto le lien causal entre la faute initiale de l'auteur (le magistrat) et le même dommage. Si cette faute antérieure est, elle aussi, la condition sine qua non du dommage, la faute postérieure commise par la victime (le justiciable) ne saurait avoir pour effet d'exonérer totalement l'auteur de la première.

3.Serait-il plus convaincant d'affirmer qu'il n'existerait pas de dommage avant l'effacement de la décision critiquée, ce qui permettrait par un autre biais de rattacher cette exigence à une condition de fond? Un arrêt rendu par la Cour de cassation le 5 juin 2008 [6], qui se prononce sur le point de départ du délai de prescription de l'action en responsabilité civile exercée contre les pouvoirs publics, pourrait le laisser croire.

Dans cet arrêt, la Cour affirme en effet explicitement qu'il n'existe pas de dommage réparable faisant courir la prescription de l'action en responsabilité avant que l'acte contesté ait été retiré, réformé, annulé ou rétracté par une décision passée en force de chose jugée en raison de la violation d'une norme juridique établie [7].

Cette affirmation doit être bien mesurée. Dans le contexte de l'affaire Anca, il faut se souvenir en effet que la société Anca avait subi un préjudice effectif et irréversible dès le moment où elle avait été mise en liquidation, puisqu'elle avait été forcée de stopper ses activités économiques. Un préjudice existait donc bel et bien avant la réformation de la décision rendue par le tribunal de commerce.

Un constat identique ressort de la lecture des conclusions de l'avocat général Werquin précédant l'arrêt du 27 juin 2008 [8], lorsqu'il observe qu' « il ne suffit pas d'annuler le jugement entaché d'une erreur de droit ou de fait pour faire disparaître en même temps le préjudice. Celui-ci peut d'ores et déjà être définitif » [9]. Il poursuit: « Toutes les voies de recours ne sont pas également suspensives. L'exécution d'un jugement peut créer une situation irréversible. Il en est ainsi en cas d'exécution provisoire, sans garantie ni cautionnement, prononcée dans les cas qui donneraient lieu ensuite à réformation sans que la partie qui a exécuté la décision puisse récupérer ce qu'elle a payé, compte tenu de l'insolvabilité de l'autre partie. » Ces propos confirment qu'un préjudice peut bel et bien exister avant la réformation.

Encore faut-il lire l'arrêt du 5 juin 2008 avec beaucoup d'attention. La Cour ne dit pas qu'il n'existe pas de dommage, elle précise qu'il n'existe pas de dommage réparable tant que la décision n'a pas été réformée. Il faut comprendre par là, à notre avis, qu'il n'y a pas de dommage susceptible d'être réparé tant que la décision critiquée n'est pas sortie de l'ordonnancement juridique. La solution s'impose alors avec plus d'évidence [10]. La prescription ne peut en effet commencer à courir à l'égard du créancier tant que celui-ci se trouve dans l'impossibilité d'agir. C'est bien le cas du justiciable qui s'estime lésé mais qui n'a pas encore obtenu le retrait, la réformation, la rétractation ou l'annulation de la décision critiquée.

Peut-être aurait-il été préférable de justifier la solution retenue par la Cour de cassation de cette manière. Il reste que celle-ci doit être approuvée. On ne concevrait pas que la prescription de l'action en responsabilité contre les pouvoirs publics commence à courir alors que cette action en responsabilité est frappée d'irrecevabilité.

4.Au vrai, l'exigence qui est ainsi posée s'agissant d'un acte qui est l'objet direct de la fonction juridictionnelle [11] ne se déduit pas directement des conditions de l'exception de chose jugée. Les éléments qui font en principe obstacle à la remise en cause d'une décision définitive sont en effet absents ici [12]. L'action en responsabilité intentée contre l'Etat n'a pas le même objet que l'action initiale et, de surcroît, elle ne lie pas les mêmes parties. Il reste qu'on ne pourrait laisser coexister dans l'ordre judiciaire deux décisions contradictoires chacune revêtue de l'autorité de chose jugée. La cohabitation de ces deux décisions mènerait tout droit au règlement de juges visé par les articles 645 et suivants du Code judiciaire.

Plus fondamentalement, la solution s'explique par la nécessité de préserver la cohérence du système judiciaire qui n'autorise pas qu'un justiciable remette (même indirectement) en cause une décision de justice autrement que par les voies de recours prévues par la loi [13], [14]. Elle se fonde sur le principe de légalité des voies de recours et, corrélativement, sur l'obligation pour le justiciable d'épuiser les voies de recours internes [15]. Cette cohérence serait mise à mal si, à la faveur d'une action en responsabilité civile, une décision exprimant une vérité judiciaire définitive pouvait encore être critiquée par le justiciable. Le système judiciaire ne saurait tolérer la contradiction entre ces deux décisions. C'est pourquoi la décision querellée doit avoir préalablement disparu de l'ordonnancement juridique en conséquence d'une décision qui devra, elle-même, être définitive.

C'est en ce sens qu'il faut comprendre l'arrêt du 5 juin 2008, lorsqu'il affirme qu'« en décider autrement diminuerait l'autorité des voies de recours et entrerait en conflit avec les règles essentielles de l'organisation judiciaire et avec les missions données aux cours et tribunaux » [16].

5.Un arrêt postérieur rendu le 27 juin 2008, déjà cité, éclaire cette exigence d'un jour nouveau. La Cour décide « qu'il n'est pas nécessaire pour que la responsabilité soit admise à un stade ultérieur que la réformation ait précisément porté sur le point de droit qui sert de fondement à l'action en responsabilité ». C'est dire, en d'autres termes, que la faute reprochée au magistrat dans l'exercice de sa fonction juridictionnelle ne doit pas nécessairement trouver sa source dans la violation de la norme juridique établie qui a justifié la réformation. Elle peut trouver ses origines dans toutes autres circonstances propres à l'affaire concernée.

Comme le précise, l'avocat général Thierry Werquin [17] dans ses conclusions conformes, « la question de l'identification de la faute imputable au magistrat qui a rendu la décision critiquée est indépendante de la question de la recevabilité de l'action en responsabilité (…); il n'est pas requis que la décision de retrait, de réformation, d'annulation ou de rétractation énumère toutes les illégalités commises par la décision critiquée; de même la décision qui statue sur l'action en responsabilité ne peut être tenue de statuer sur cette action qu'au regard de l'illégalité ou des illégalités relevées par la décision de retrait, de réformation, d'annulation ou de rétractation, à l'exclusion de toute autre que la décision critiquée pourrait comporter » [18].

Cette solution doit être approuvée. Elle est une conséquence logique de l'analyse qui considère l'effacement préalable de la décision critiquée comme une condition de recevabilité et non comme une condition de fond de l'action en responsabilité. L'important est que cette décision critiquée ait disparu de l'ordonnancement juridique à la suite d'une décision définitive revêtue de l'autorité de chose jugée, peu importe que la faute reprochée au magistrat soit ou non celle qui a justifié la réformation.

6.En doctrine, certains auteurs plaident pour une suppression pure et simple de cette condition de recevabilité [19]. L'un des motifs avancés résulte de son incompatibilité avec la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne relative à la responsabilité d'un Etat membre pour les dommages causés aux particuliers par la violation du droit communautaire. On sait que cette responsabilité peut être engagée quel que soit l'organe de l'Etat membre qui est la source de cette violation et donc aussi lorsque celle-ci résulte du fait d'un magistrat.

Or, la condition relative à la disparition préalable de la décision n'est pas prévue parmi celles énumérées par la Cour de justice de l'Union européenne. Toutefois, comme nous savons qu'il s'agit précisément d'une condition de recevabilité de l'action et non d'une condition de fond, son maintien ne nous semble nullement incompatible avec la jurisprudence de cette Cour. Il nous semble au contraire que les motifs avancés pour justifier cette exigence permettent de lui conserver toute sa légitimité.

B. Une condition superfétatoire: la violation d'une norme juridique établie

7.En formulant la condition préalable de recevabilité, la Cour de cassation rappelle invariablement « que la demande en réparation du dommage (…) ne peut, en règle, être reçue que si l'acte litigieux a été retiré, réformé, annulé ou rétracté par une décision passée en force de chose jugée en raison de la violation d'une norme juridique établie et n'est plus, dès lors, revêtu de l'autorité de chose jugée ».

Par norme juridique établie, il faudrait comprendre une norme connue au moment où l'acte juridictionnel incriminé est intervenu [20]. Il faut en effet que la décision retirée, réformée, annulée ou rétractée ait été illicite.

La Cour aurait ainsi entendu exclure qu'un acte juridictionnel puisse permettre d'engager la responsabilité de l'Etat dans des conditions faisant apparaître, sur recours, l'existence d'une erreur d'appréciation gisant en pur fait, pour autant que l'appréciation subjective et personnelle des éléments de preuve soumis au magistrat ne repose pas sur une violation de la foi due aux actes. Dans ce dernier cas en effet, la norme juridique établie tient dans les articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil.

Cette référence à la violation d'une norme juridique établie traduit, à notre avis, une méfiance qui n'est plus de mise. Dans les circonstances décrites ci-dessus, on voit en effet mal qu'une faute puisse être reprochée au magistrat. Il est bien admis que la faute doit toujours être appréciée au moment où l'acte dommageable a été accompli, compte tenu de toutes les circonstances existant à ce moment-là. Sous l'angle de la responsabilité civile, on ne saurait faire grief à un juge de n'avoir pas tenu compte d'éléments de fait dont il n'avait pas connaissance au moment où il a statué [21].

De là à affirmer que le magistrat ne saurait commettre de faute s'il a procédé à une interprétation différente des faits que celle effectuée par la juridiction statuant en degré d'appel, à défaut de référence à une norme juridique établie, il y a un pas que nous n'oserions franchir. On ne voit pas pourquoi un juge du fond ne pourrait commettre de faute si sa décision repose sur une analyse superficielle ou insuffisante des faits qui lui étaient soumis ou encore sur un vice grave de motivation.

En tout état de cause, cette référence à la violation d'une norme établie participe manifestement aux conditions de fond de la responsabilité de l'Etat du fait du magistrat et non à l'examen de la recevabilité de l'action. Conformément à l'enseignement de la Cour de cassation rappelé ci-dessus, nous savons que ces deux registres sont bien distincts. La référence à une norme juridique établie pourrait donc disparaître de la formulation utilisée par la Cour suprême au stade de la recevabilité de l'action [22].

C. Les exceptions au principe

8.Reprenant les termes du procureur général Velu, la Cour de cassation précise que la demande en réparation ne peut, en règle, être reçue, ce qui laisse place à des exceptions.

Le procureur général avait lui-même évoqué dans ses remarquables conclusions avant l'arrêt Anca, quelques exceptions [23]. Alors même que la condition de recevabilité n'est pas remplie, il rappelle que la loi, elle-même, ouvre tout d'abord un droit à réparation à la victime quand une décision de justice a eu pour effet de la priver de sa liberté dans des conditions incompatibles avec les obligations découlant de l'article 5 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.

Il serait également permis, selon l'éminent magistrat, de déroger à la règle « lorsqu'une décision de la Cour européenne des droits de l'homme ou du Comité des ministres du Conseil de l'Europe a déclaré que l'acte juridictionnel était contraire aux obligations découlant de la convention et que les autres voies de droit interne ou la nature de la violation ne permettent qu'imparfaitement d'effacer les conséquences dommageables de l'acte » [24]. Cette affirmation doit désormais être revue ou au moins tempérée, au regard des articles 442bis à 442septies du Code d'instruction criminelle, insérés par la loi du 1er avril 2007. L'article 442bis prévoit « qu'il peut être demandé la réouverture, en ce qui concerne la seule action publique, de la procédure qui a conduit à la condamnation du requérant dans l'affaire devant la Cour européenne des droits de l'homme ou à la condamnation d'une autre personne pour le même fait et fondée sur les mêmes moyens de preuve ». L'épuisement de cette procédure nouvelle pourrait, à son tour, constituer un préalable à la mise en cause de la responsabilité de l'Etat [25].

En marge de cette exception désormais incertaine, Jacques Velu cite encore une autre cause de dispense « lorsqu'une décision de la Cour de cassation, après avoir accueilli une prise à partie formée contre le magistrat auteur de l'acte, a condamné celui-ci à la réparation du préjudice ».

A ces hypothèses, il faut désormais en ajouter une autre qui se dégage du deuxième arrêt rendu par la Cour de cassation le 5 juin 2008 [26]. Il s'agit du cas où le justiciable qui s'estime préjudicié « ne peut, indépendamment de sa volonté, introduire aucun recours contre l'acte litigieux au motif que la décision elle-même a été retirée et que la personne lésée n'a juridiquement plus d'intérêt manifeste à demander que la décision soit écartée » [27]. Un recours ne doit pas être introduit pour obtenir l'effacement de la décision critiquée si le justiciable n'a pas l'intérêt requis pour l'exercer [28].

Comme l'indique enfin David Renders, il ne faut pas oublier de ranger parmi les exceptions toutes les hypothèses où aucun recours n'est ouvert contre la décision de justice prétendument fautive, comme celle de la Cour constitutionnelle, de la Cour de cassation et du Conseil d'Etat [29]. La remarque est pertinente mais il y a lieu de composer désormais avec la procédure de réouverture après condamnation prononcée par la Cour européenne des droits de l'homme évoquée ci-dessus, qui ne concerne toutefois que l'action publique.

L'avenir nous dira si la Cour de cassation s'engagera dans la voie suivie par la Cour européenne de Strasbourg qui tend, dans le contexte de l'épuisement des voies de recours internes, à apprécier l'effectivité et l'utilité réelle du recours qui aurait dû préalablement être exercé par le justiciable [30].

§ 2. Les conditions de la responsabilité du magistrat
A. Faute et illégalité: une distinction (trop) cardinale …

9.La responsabilité de l'Etat du fait des magistrats ne peut, en règle, être engagée que si une faute est démontrée à charge du magistrat ou des magistrats poursuivis [31]. On sait que la faute peut avoir différentes sources. Selon la formule traditionnelle de la Cour de cassation: « Ou bien c'est un acte ou une abstention qui méconnaît une norme de droit international ayant des effets dans l'ordre juridique national ou une norme de droit interne imposant à des sujets de droit de s'abstenir ou d'agir de manière déterminée ou bien c'est un acte ou une abstention qui, sans constituer un manquement à de telles normes, s'analyse en une erreur de conduite laquelle doit être appréciée suivant le critère d'une personne normalement soigneuse et prudente, placée dans les mêmes conditions. »

Bien que ce ne soit pas l'objet principal de ce rapport, il est permis de s'interroger sur l'opportunité du maintien de cette distinction entre les deux sources de la faute. Celle-ci est directement issue de la jurisprudence de la Cour de cassation relative à la responsabilité de l'administration inaugurée par l'arrêt du 13 mai 1982 [32], laquelle a envahi peu à peu tous les domaines de la responsabilité des pouvoirs publics.

Dans le contexte actuel, cette jurisprudence paraît à la fois sévère pour l'administration et difficile à appliquer dans toute sa rigueur au pouvoir judiciaire et au pouvoir législatif. Elle est sévère pour l'administration car elle empêche celle-ci, sous la seule réserve de l'erreur invincible, de se prévaloir du manque de clarté du texte légal, de ses contradictions, de ses lacunes ou incohérences pour échapper à sa responsabilité [33].

Elle est difficile à appliquer dans toute sa rigueur car elle aboutirait à multiplier les cas de responsabilité pour erreur de droit dans un environnement juridique devenu particulièrement complexe. Dans un tel contexte, il est permis de se demander si commettre une erreur d'interprétation de la loi ou ne pas déceler une incompatibilité entre une norme et une autre qui lui est supérieure constitue nécessairement une faute.

Il apparaît d'ailleurs, à la lecture de certains arrêts la Cour de cassation, que celle-ci a déjà pris ses distances avec le principe d'identité entre faute et illégalité à la fois dans le domaine de la responsabilité de l'administration et dans celui de la responsabilité de l'Etat législateur, s'agissant d'une erreur d'interprétation de la loi. On songe à l'arrêt de la Cour de cassation du 25 octobre 2004 relatif à la responsabilité de l'ONSS [34] et à l'arrêt du 10 septembre 2010 relatif à la responsabilité du pouvoir législatif [35]. Nous verrons qu'elle a aussi réduit la portée de ce principe en ce qui concerne la responsabilité du pouvoir judiciaire.

10.Dans un tel contexte, il est permis de se demander si la violation de la loi ne devrait pas être simplement tenue pour un cas d'application parmi d'autres de la notion générale de faute, qui n'entraînerait dès lors aucune dérogation fondamentale aux critères d'appréciation de la faute extra-contractuelle au sens des articles 1382 et 1383 du Code civil. Identifier la faute à l'illégalité revient en effet à lui donner un caractère objectif, puisqu'elle se satisfait de la constatation que la loi a été violée. Or, la faute quasi délictuelle suppose avant tout l'évaluation d'un comportement par rapport à une règle de conduite générale ou spéciale.

Ceci n'empêcherait sans doute pas d'identifier la violation de la loi avec l'élément matériel de la faute mais cette identité serait réservée aux seuls cas où la norme prétendument violée contient un commandement précis de faire ou de ne pas faire pour son destinataire. Toutes les normes ne se rangent pas dans cette catégorie, loin de là. Par ailleurs même dans un tel cas, il y aurait lieu d'établir l'élément moral de la faute afin de vérifier si celle-ci est bien imputable à celui qui l'a commise. La violation de la norme doit en effet avoir eu lieu librement et consciemment.

B. Faute et erreur de droit

11.Dans un souci d'uniformité, la Cour de cassation tente d'appliquer à la responsabilité du magistrat la distinction cardinale entre les deux catégories de fautes évoquées ci-dessus. On visera donc un comportement du magistrat qui méconnaît une norme de droit international ayant des effets dans l'ordre juridique national ou une norme de droit interne imposant à des sujets de droit de s'abstenir ou d'agir de manière déterminée ou bien un comportement qui, sans constituer un manquement à de telles normes, s'analyse en une erreur de conduite laquelle doit être appréciée suivant le critère d'une personne normalement soigneuse et prudente, placée dans les mêmes conditions.

L'examen de la jurisprudence montre que cette distinction est très peu féconde dans le domaine de la responsabilité des magistrats tant il paraît difficile de donner corps à la catégorie des normes qui imposeraient au juge de s'abstenir ou d'agir de manière déterminée [36].

Bien que ce fût un temps discuté en doctrine, il n'est plus contesté à l'heure actuelle que la faute commise par le premier juge ne peut se déduire automatiquement de la réformation, de la rétractation ou de l'annulation du jugement intervenue au second degré. Cet enseignement se dégage clairement du deuxième arrêt Anca rendu en 1994 [37].

La Cour de cassation a encore rappelé récemment que la rétractation d'un jugement de déclaration de faillite ne permettait pas au justiciable de réclamer l'indemnisation du dommage qu'elle a subi en raison de l'atteinte au droit de propriété consécutif au dessaisissement de la gestion de son patrimoine, en violation de l'article 1er du protocole additionnel de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que le juge du fond a considéré qu'aucune négligence ne pouvait être reprochée au tribunal de commerce à la suite de la déclaration de faillite [38].

12.Il ressort, en outre, de l'arrêt de la Cour de cassation du 26 juin 1998 [39] que les normes de droit que le juge a pour mission d'appliquer aux faits de l'espèce ne font précisément pas partie de ces normes qui imposent à celui qui prend une décision juridictionnelle de s'abstenir ou d'agir de manière déterminée. Cela signifie que l'erreur dans l'interprétation ou l'application d'une telle norme ne sera fautive que si elle consiste dans un comportement qui s'analyse en une erreur de conduite devant être appréciée suivant le critère de l'organe de l'Etat normalement soigneux et prudent, placé dans les mêmes conditions.

Contrairement à certains auteurs [40], nous ne pensons pas que cet enseignement aurait été remis en cause par des arrêts ultérieurs. Dans l'arrêt précité du 26 juin 1998, la Cour n'exclut pas qu'il puisse exister des normes de droit qui imposent à celui qui prend une décision juridictionnelle de s'abstenir ou d'agir de manière déterminée - cette formule est même reprise telle quelle -. Elle se limite à indiquer que les règles de fond que le juge utilise pour trancher le litige au fond ne sont pas des normes qui contiennent un commandement précis pour le juge, celui-ci n'en étant pas à proprement parler le destinataire. Cet enseignement nous semble toujours d'actualité.

C'est dire que l'erreur dans l'interprétation de la loi sera le plus souvent appréciée à l'aune du magistrat normalement prudent et diligent replacé dans les mêmes circonstances [41].

13.A ce jour, la Cour de cassation n'a, il est vrai, jamais exclu qu'il puisse exister des normes imposant un comportement déterminé au juge lui-même. Les règles qui contiennent un commandement aussi précis ne sont cependant pas légion. Les quelques cas recensés concernent essentiellement des obligations de ne pas faire dont on sait qu'elles sont généralement tenues pour des obligations de résultat en matière contractuelle: obligation pour le juge de ne pas statuer ultra petita ou de ne pas violer le secret de l'instruction [42].

Deux autres concernent une erreur dans la computation d'un délai pour conclure [43] et la restitution d'un véhicule endommagé saisi à son propriétaire [44]. Considérer l'obligation de restitution d'un bien saisi comme une obligation de résultat n'a rien pour surprendre puisque cette obligation s'apparente à celle d'un dépositaire.

A défaut d'une norme déterminée, c'est-à-dire dans la plupart des cas, la faute se déduira donc d'une erreur de conduite que n'aurait pas commise un magistrat normalement prudent et diligent. Il n'y a certes aucune raison d'apprécier l'erreur de droit de manière plus indulgente que n'importe quelle autre erreur. Le fait qu'il s'agisse d'une erreur d'interprétation d'une norme juridique conduit cependant à la considérer avec beaucoup de nuances. La norme qui a été mal appliquée par le juge doit être examinée avec soin dans le contexte interprétatif qui était le sien au moment où la décision critiquée a été rendue [45].

14.Dans l'appréciation de la faute, on ne saurait faire abstraction de la spécificité du statut du magistrat et des particularités de la fonction de juger. Par rapport à la loi, le juge n'occupe pas exactement la même position que l'administration. Alors que l'action de l'administration est totalement soumise à la loi, le juge qui est chargé de dire le droit dans un cas particulier est par essence indépendant: nul ne peut lui dicter sa conduite au sein d'une controverse. Le juge n'est pas tenu par la règle du précédent, il n'est pas obligé de s'aligner sur la jurisprudence des juridictions supérieures, même si celles-ci ont le pouvoir de la censurer. On rappellera que l'article 6 du Code judiciaire interdit d'ailleurs au juge de statuer par voie de règlement. Le juge désobéissant n'est donc pas nécessairement fautif.

Tant que la controverse existe, le juge du fond peut parfaitement suivre une jurisprudence minoritaire en espérant un possible revirement de la Cour de cassation, pour autant bien sûr que sa position repose sur des arguments sérieux. Il se pourrait en effet que la jurisprudence de la Cour suprême entraîne une vague de résistance parmi certaines juridictions de fond espérant ainsi faire pression sur la Cour de cassation pour qu'elle modifie sa position. C'est ainsi après tout que le droit évolue.

A l'inverse, le juge peut se montrer obéissant et voir ses espérances légitimes s'effondrer à la suite d'un revirement inattendu de la jurisprudence de la Cour de cassation, du Conseil d'Etat ou de la Cour constitutionnelle. Dans ce cas, il ne commet pas non plus automatiquement une faute.

Il ne s'agit pas d'accorder l'impunité aux juges mais de constater qu'il existe dans le domaine du droit un espace de liberté qui laisse à l'interprète une marge de manoeuvre appréciable. Ceci ne signifie nullement que l'erreur de droit ne sera jamais fautive. Les articles 1382 et 1383 du Code civil permettent toujours de sanctionner l'incompétence, l'ignorance ou la désinvolture d'un magistrat. Dans tous les cas où une marge d'appréciation existe pour le juge, le droit commun de la responsabilité ne permettra en définitive de sanctionner que les fautes caractérisées [46].

C. Faute et violation d'une norme de droit international

15.L'interaction entre l'ordre juridique national et les ordres juridiques internationaux complique assurément la tâche des magistrats.

Sur ce point, on peut se demander pourquoi la Cour de cassation, dans certains de ses arrêts, limite le constat d'illégalité à la méconnaissance des normes de droit international ayant un effet direct dans l'ordre juridique national. La terminologie de la Cour de cassation est, il est vrai, très hésitante sur cette question. Parfois, elle indique que « la violation doit concerner une norme de droit national ou d'un traité international ayant des effets dans l'ordre juridique interne, imposant à l'autorité publique de s'abstenir ou d'agir de manière déterminée » [47]. Parfois, la Cour vise « une disposition internationale ayant des effets directs dans l'ordre juridique interne » [48]. A cela, on ajoutera que la traduction en néerlandais de certains arrêts rendus en français pèche parfois par manque de rigueur et que certains sommaires modifient la formulation employée par la Cour en se référant aux traités ayant des effets directs [49].

Précisément, dans le domaine de la responsabilité de l'Etat du fait des magistrats, deux arrêts rendus en 2008 utilisent des formulations différentes quant à la nature de l'effet requis. Tandis que l'arrêt du 5 juin 2008 subordonne la faute à la violation d'un traité ayant un effet direct - « van een internationaal verdrag met rechtsreekse werking in de interne rechtsorde » [50] -, l'arrêt rendu le 27 juin 2008 ne formule pas cette exigence et vise simplement « la norme (…) d'un traité international ayant des effets dans l'ordre juridique interne, imposant au magistrat de s'abstenir ou d'agir de manière déterminée » [51].

On sait que pour avoir effet direct, la norme internationale doit être suffisamment claire, précise et inconditionnelle et qu'elle doit créer directement des droits ou des obligations dans le chef des citoyens. On ne voit pas pourquoi la violation de la loi par le juge ne pourrait pas se déduire de la méconnaissance d'une norme de droit international qui n'a pas d'effet direct mais qui a été néanmoins reçue dans l'ordre juridique belge. La violation de toute règle de droit international obligeant l'Etat peut en effet être la source d'une faute dans le chef des pouvoirs publics. Il suffit que la norme de droit international ait été reçue dans l'ordre interne par la formalité de l'assentiment parlementaire conformément à l'article 167 de la Constitution.

Comme l'indique Pierre d'Argent, subordonner la faute de l'Etat à l'exigence de l'effet direct de la disposition violée aurait pour conséquence de limiter les cas dans lesquels sa responsabilité pourrait être recherchée, sans raison valable [52]. Il faut donc préférer la formule qui vise la norme d'un traité international ayant des effets dans l'ordre juridique interne, sans autre précision. Encore faudra-t-il que la norme ait pour objet de faire naître des droits au profit du particulier sans quoi on ne voit pas comment le justiciable pourrait s'en prévaloir aux dépens des pouvoirs publics.

Même si l'erreur du magistrat se déduit de la méconnaissance d'une norme de droit international ayant effet dans l'ordre interne, encore faudra-t-il, pour conclure à l'existence d'une faute, que cette norme lui impose de s'abstenir ou d'agir de manière déterminée. La plupart du temps, le reproche qui sera adressé au magistrat consistera dans le fait d'avoir appliqué une norme de droit interne incompatible avec une norme de droit européen ou une norme de droit international qui lui était supérieure. La faute ne saurait se déduire de ce seul constat d'incompatibilité.

Certes, le juge sait ou doit savoir qu'en présence d'une norme de droit international incompatible avec une norme de droit interne, il doit faire prévaloir la première sur la seconde et refuser d'appliquer cette dernière, mais il faut encore examiner la norme internationale elle-même et analyser la précision du commandement qu'elle contient. A défaut d'une norme imposant un comportement déterminé, c'est le critère du magistrat normalement prudent et diligent qu'il conviendra d'appliquer.

D. L'erreur de droit invincible

16.Lorsque la Cour de cassation rappelle que la violation de la loi constitue une faute, elle réserve systématiquement l'erreur invincible. L'erreur invincible est traditionnellement classée parmi les causes de justification, entendues comme des circonstances qui permettent d'établir que la faute n'est pas imputable à son auteur. C'est, en d'autres termes, l'élément moral de la faute qui fait défaut.

Quel contenu faut-il donner à cette erreur invincible? D'après la jurisprudence de la Cour de cassation, l'erreur serait invincible à partir du moment où elle aurait été commise de la même manière par tout homme normalement prudent et diligent. Même si la nuance paraît mince, il y a lieu de noter que l'erreur invincible définie comme l'erreur qu'aurait aussi commise toute personne raisonnable et prudente placée dans la même situation doit être distinguée de la simple erreur qu'aurait pu commettre une personne normalement prudente et diligente [53].

Selon plusieurs arrêts de la Cour de cassation rendus dans le domaine de la responsabilité de l'administration, « l'erreur de droit peut, en raison de certaines circonstances, être considérée par le juge comme étant invincible à la condition que de ces circonstances, il puisse se déduire que l'autorité administrative a agi comme l'aurait fait toute personne raisonnable et prudente placée dans la même situation » [54]. Ceci apparente l'erreur invincible à l'absence de faute, voire à la force majeure [55], ce qui nous ramène aux développements précédents. Elle n'implique toutefois pas une impossibilité absolue d'interpréter correctement la loi. L'extension de la notion d'erreur invincible atténue d'autant la rigueur du principe d'identité entre faute et illégalité.

17.Quand l'erreur de droit commise par un juge peut-elle être considérée comme invincible? On cite habituellement le cas d'une loi rétroactive ou d'une loi interprétative adoptée ultérieurement par rapport à l'acte critiqué ou encore un revirement imprévisible de la jurisprudence du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation postérieurement au jugement [56].

Ceci n'a rien pour surprendre dès lors qu'il est admis de longue date que la faute doit être appréciée au moment où elle a été commise compte tenu des circonstances concrètes existant à ce moment et du champ des prévisions raisonnables [57]. On ne peut faire grief au juge de ne pas avoir prévu ce qui était imprévisible et donc de ne pas avoir anticipé un possible revirement de jurisprudence.

Outre ces évidences, l'erreur invincible pourrait aussi résulter de l'existence d'interprétations divergentes en jurisprudence et en doctrine sur la portée qu'il convient de donner à une disposition légale que le juge se devait d'appliquer [58]. Lorsque l'erreur consiste dans le mauvais choix exercé entre deux options, l'erreur pourra être considérée comme invincible si toute personne diligente placée devant la même alternative aurait raisonnablement pu faire le même choix.

Pour savoir si l'erreur peut être qualifiée d'invincible, certains auteurs enseignent, dans le domaine de la responsabilité de l'administration, qu'il faudrait avoir égard « à l'enseignement jurisprudentiel le plus récent, émanant de la juridiction la plus élevée au sein de l'ordre juridictionnel auquel cette juridiction appartient, même si l'enseignement est encore minoritaire » [59]. Si la proposition semble raisonnable pour ce qui relève de l'action de l'administration, elle ne nous paraît pas transposable telle quelle à l'action du juge. Le juge du fond n'est-il pas en droit de lutter contre une jurisprudence qu'il estimerait critiquable en tablant sur un possible revirement [60]?

Dans un arrêt du 8 décembre 1999, la cour d'appel de Bruxelles estime que le juge ne peut être réputé avoir commis une faute lorsqu'il opte pour une thèse pouvant se réclamer d'une doctrine et d'une jurisprudence autorisée quoique non unanime. « En optant pour l'une des thèses en présence, à une époque où il était de notoriété que la pratique, en matière de faillite d'office, était en pleine évolution comme l'attestent la doctrine et la jurisprudence, ces juridictions ont procédé à un choix raisonné et motivé qui ne peut nullement être considéré comme injustifiable et partant comme fautif. » [61].

18.Le juge a certes le pouvoir de refuser d'appliquer une norme illégale ou inconstitutionnelle. Pourrait-on lui reprocher de ne pas avoir écarté l'application d'une telle disposition si cette illégalité ou cette inconstitutionnalité a été ultérieurement dénoncée par le Conseil d'Etat ou la Cour constitutionnelle? Une telle décision paraîtrait bien sévère, vu le contrôle extrêmement délicat et nuancé exercé par ces juridictions spécialement constituées en vue d'annuler un acte administratif ou une loi. Du reste, la jurisprudence ne prend manifestement pas cette direction. La cour d'appel de Bruxelles a ainsi décidé « qu'il ne peut être fait grief à une juridiction d'avoir appliqué une règle légale ultérieurement déclarée inconstitutionnelle par la Cour d'arbitrage » [62]. La cour d'appel de Mons se prononce dans le même sens dans un arrêt du 27 février 2007. Après avoir affirmé que les juges ont l'obligation d'appliquer la loi en vigueur, elle estime qu'un magistrat ne peut se voir reprocher d'avoir appliqué une disposition légale sans soulever l'inconstitutionnalité que la Cour d'arbitrage allait déceler trois ans plus tard [63]. Dans le domaine de la responsabilité de l'administration, la Cour de cassation a estimé de la même manière que l'autorité n'avait pas commis de faute en appliquant une loi déclarée inconstitutionnelle postérieurement à l'acte administratif [64].

En conclusion, même si l'on affirme que la faute la plus légère suffit à justifier la réparation de l'intégralité du dommage, il se confirme au vu de l'extension donnée à la notion d'erreur invincible que les critères d'appréciation de la faute appliqués au magistrat permettront seulement de sanctionner, dans la plupart des cas, les erreurs manifestes d'appréciation.

II. Une responsabilité méconnue: la responsabilité de gestionnaire du magistrat chef de corps [65]

19.Parmi les responsabilités susceptibles d'être encourues par un magistrat, il y en a une dont on parle peu, celle qui découle de la gestion confiée aux chefs de corps. Les fondements de ces diverses missions restent obscurs: ceux-ci résultent tantôt de quelques textes épars peu explicites tantôt des usages et de circulaires administratives. Il est convenu de considérer que les tâches couvertes par ces missions de gestion et de management judiciaires sont regroupées dans les plans dits Themis I (2008) et Thémis II (2009) établis par les ministres de la Justice en fonction, après concertation avec la Conférence permanente des chefs de corps et consultation du Conseil supérieur de la Justice [66].

Toujours est-il que cette responsabilité est lourde puisqu'elle touche aussi bien à la gestion et à la sécurité des bâtiments qu'à la gestion et au bien-être du personnel (on vise ici les travailleurs au sens général appartenant ou non au personnel judiciaire). Elle suppose par conséquent le respect de nombreuses normes et prescriptions issues de la législation sur la sécurité des bâtiments et le bien-être au travail.

Il semble que cette mission soit exercée par délégation des pouvoirs publics. On vise en particulier la régie des bâtiments pour ce qui relève de la gestion des locaux et le ministère de la Justice pour ce qui relève de la gestion du personnel.

Nous ne traiterons ici que de la responsabilité civile et non de la responsabilité pénale ou disciplinaire. Pour déterminer le régime juridique applicable, il est primordial de qualifier correctement la relation juridique existant entre les pouvoirs publics et le magistrat chef de corps. Les auteurs qui se sont intéressés à la question parlent à cet égard d'un mandat de gestion. Il est douteux cependant que l'on puisse appliquer à cette relation les règles issues du mandat au sens des articles 1984 et suivants du Code civil. Il faut plutôt voir dans le recours à ce vocable un prolongement des notions de « mandats de chefs de corps » et de « mandats adjoints », dont il est notamment question aux articles 259quater et suivants du Code judiciaire. Ce rapprochement paraît d'autant plus évident que les titulaires de ces « mandats » coïncident précisément ès qualités, avec les personnes investies des tâches de gestion dont il est question ici.

D'un autre côté, il paraît clair que les missions exercées par les chefs de corps dans ce contexte n'ont rien à voir avec l'exercice de la mission juridictionnelle confiée par la Constitution aux membres du pouvoir judiciaire. Ils ne bénéficient donc pas à ce titre de l'immunité garantie par celle-ci.

Même si de facto, la délégation apparaît très large, il n'en reste pas moins que le magistrat chef de corps, dans sa fonction de gestionnaire des bâtiments et des ressources humaines, n'agit pas véritablement comme un organe de l'Etat. Tributaire des moyens financiers et en personnel mis à sa disposition, il n'exprime pas directement la volonté de l'Etat et n'a d'ailleurs pas le pouvoir de l'engager vis-à-vis des tiers. Le magistrat chef de corps se limite plutôt à mettre en oeuvre des politiques ou des stratégies dictées par les pouvoirs publics dans le respect des lois et règlements sans détenir véritablement le pouvoir de décision. Dans l'exercice de ces missions, il apparaît donc plutôt comme un agent subordonné de l'Etat et fait, comme tel, partie de la ligne hiérarchique [67]. On notera d'ailleurs que la responsabilité en matière de bien-être des travailleurs incombe in fine à l'employeur.

20.Si cette analyse est correcte, l'on pourrait soutenir que la responsabilité civile que ce magistrat pourrait engager à l'égard des tiers ou des pouvoirs publics dans l'exercice de ces missions de gestion serait régie par les articles 2 et 3 de la loi du 10 février 2003. Les magistrats chefs de corps pourraient en effet être considérés comme des membres du personnel au service d'une personne publique au sens de cette loi.

Rien ne semble s'opposer en effet à ce qu'une même personne physique puisse être tenue pour un organe des pouvoirs publics dans l'exercice de certaines missions (mission juridictionnelle) et comme agents subordonnés dans l'exercice d'autres (gestion des bâtiments et des ressources humaines). Comme le gouverneur de province, le magistrat chef de corps bénéficierait d'un double statut selon la mission qu'il exerce.

Conformément à l'article 2 de la loi précitée, la responsabilité personnelle du magistrat ne pourrait alors être engagée par un tiers ou par l'Etat lui-même, qu'en cas de dol, de faute lourde ou de faute légère présentant un caractère habituel plutôt qu'accidentel. De même, les pouvoirs publics ne pourraient exercer une action récursoire en remboursement, après avoir indemnisé le tiers, que dans ces trois hypothèses. Ceci présenterait l'avantage de limiter la responsabilité du magistrat chef de corps dans l'exercice d'une mission qui ne relève pas directement de sa fonction, ce qui serait de nature à apaiser leurs craintes légitimes.

Pour ce qui relève de la responsabilité de l'Etat lui-même, conformément à l'article 3 de la loi du 10 février 2003, celui-ci répondra des dommages causés aux tiers par les membres de leur personnel dans l'exercice de leurs fonctions, dans les mêmes conditions que les commettants pour les fautes de leurs préposés.

Consciente de cette responsabilité aux contours indéfinis, la Conférence permanente des chefs de corps a entamé des démarches en vue de trouver une assurance. La solution préconisée ici réduirait certainement l'intérêt pour ces magistrats de souscrire une assurance de responsabilité civile pour couvrir leurs tâches de gestion sans toutefois la supprimer totalement. A vrai dire, si cette assurance devait être souscrite, elle devrait l'être par l'Etat pour le compte de ces magistrats et non par les magistrats eux-mêmes ou l'association des magistrats chefs de corps. Bien sûr, l'Etat pourrait choisir de rester son propre assureur pour ce type de responsabilités.

III. Une responsabilité nouvelle: la rupture d'égalité devant les charges publiques

21.Dans un arrêt rendu le 24 juin 2010 [68], la Cour de cassation a fait pour la première fois, à notre connaissance, application dans le domaine de la responsabilité des magistrats, du principe général du droit relatif à l'égalité devant les charges publiques, consacré notamment par l'article 16 de la Constitution. Alors qu'aucune faute ne pouvait être reprochée au magistrat, la Cour décide que l'autorité ne peut, sans indemnisation, imposer des charges qui excèdent celles qui doivent être supportées par un particulier dans l'intérêt collectif.

L'affaire concernait un justiciable, propriétaire d'un bâtiment dans lequel certains appartements étaient donnés en location, qui se plaignait d'avoir subi des dommages matériels importants à la suite d'une perquisition ordonnée par un juge d'instruction. Pour mener à bien cette perquisition, les autorités de police avaient été contraintes de forcer plusieurs portes. Le propriétaire qui était totalement étranger au trafic de stupéfiants ayant justifié la perquisition avait alors introduit une demande en réparation sur le fondement de l'article 16 de la Constitution et de l'article 544 du Code civil.

Saisi de cette demande, le juge du fond avait estimé qu'aucune faute ne pouvait être retenue à charge du juge d'instruction ni des autorités de police dès lors qu'il apparaissait que l'action était parfaitement légitime et justifiée et qu'il n'existait pas d'alternatives moins dommageables. Il reconnaissait néanmoins qu'un dommage disproportionné avait été causé au demandeur, qui était étranger au risque social normal que tout citoyen devait en principe supporter. Il avait donc décidé que ce dommage devait être réparé par l'Etat sur la base du principe d'égalité devant les charges publiques. Un pourvoi en cassation est introduit.

A l'appui de son pourvoi, l'Etat estime qu'il n'appartient pas au juge de décider lui-même que le principe d'égalité devant les charges publiques justifie que la personne lésée ne se retrouve pas confrontée seule au dommage subi. Le demandeur ajoute que dans ce cas, le juge ne peut appliquer ledit principe général de droit que s'il peut déterminer la volonté présumée du législateur en ce sens. Or, il ne pourrait en décider ainsi que s'il est convaincu que ces principes correspondent parfaitement à cette volonté et qu'ils n'ont pas été écrits parce que leur existence est tellement évidente qu'il n'était pas nécessaire de la fixer matériellement dans un texte.

La Cour rejette le pourvoi. Elle consacre, dans un premier temps l'existence de ce principe général de droit, notamment consacré par l'article 16 de la Constitution, suivant lequel « l'autorité ne peut, sans indemnisation, imposer des charges qui excèdent celles qui doivent être supportées par un particulier dans l'intérêt collectif ». Selon la Cour, « il résulte de ce principe que les effets préjudiciables disproportionnés - c'est-à-dire le risque social ou professionnel extraordinaire et s'imposant à un groupe limité de citoyens ou d'institutions - d'une mesure de coercition qui est en soi régulière exercée sur les biens dans le cadre d'une instruction pénale (…) ne doivent pas être mis à charge des personnes lésées, mais doivent être réparties sur la collectivité ».

Dans un deuxième temps, elle affirme qu'eu égard au caractère fondamental de principe général de droit, le juge peut présumer, en cas de silence du législateur, que celui-ci a laissé l'application de ce principe général à l'appréciation du juge. La Cour décide donc que les juges d'appel ont légalement justifié leur décision.

22.Il serait assurément excessif d'interpréter cet arrêt comme consacrant, de manière générale, une responsabilité à base de risque à charge des pouvoirs publics, destinée à se substituer à la responsabilité pour faute [69]. Une telle responsabilité sans faute pourrait en effet avoir des répercussions importantes et inattendues sur le budget de l'Etat [70].

La Cour reconnaît certes un cas de responsabilité directe des pouvoirs publics, ce qui n'est pas négligeable, mais elle ne remet pas en cause les principes qui fondent la responsabilité de l'Etat du fait des magistrats. Ce n'est du reste pas la première fois qu'elle fait application du principe d'égalité devant les charges publiques [71].

Dans l'affaire qui nous préoccupe, on observera que le principe est invoqué à titre subsidiaire dans un cas où le juge d'instruction n'avait commis aucune faute, pas plus d'ailleurs que les fonctionnaires de police qui étaient intervenus. De plus, celui-ci ne peut être mis en oeuvre que si le législateur n'a pas réglé lui-même la question c'est-à-dire en l'absence d'un texte spécial instituant un droit à indemnisation dans le chef des victimes. Contrairement à son avocat général, la Cour semble ainsi donner à ce principe une valeur légale et non une valeur constitutionnelle [72]. La Cour reconnaît cependant qu'en cas de silence de la loi, le juge du fond ne doit pas nécessairement vérifier si l'application du principe est conforme à la volonté présumée du législateur.

Sans nier que le principe d'égalité devant les charges publiques ait une valeur générale, la Cour de cassation cantonne pour l'instant son application à des mesures de coercition exercées sur les biens dans le cadre d'une instruction pénale. Il n'est pas certain qu'elle soit encline à l'étendre à des atteintes à l'intégrité physique ou à des atteintes à des droits fondamentaux ou de la personnalité. Certains auteurs estiment qu'une telle extension serait difficilement compatible avec la compétence reconnue au Conseil d'Etat par l'article 11 des lois coordonnées puisqu'elle la viderait pratiquement de toute substance [73].

Indépendamment de cela, la personne lésée devra démontrer que les effets dommageables qu'elle a subis sont disproportionnés par rapport aux charges normales qui reposent sur tout citoyen. Ils doivent, d'après les termes mêmes de la Cour de cassation, « être l'expression d'un risque social ou professionnel extraordinaire s'imposant à un groupe limité de citoyens ou d'institutions ». Les conditions d'application sont donc très strictement définies.

Enfin, le juge saisi de l'action en réparation dispose d'un large pouvoir d'appréciation. Pour évaluer le caractère disproportionné du préjudice causé, « le juge doit tenir compte de toutes les circonstances de la cause et particulièrement de l'implication de la personne lésée dans l'infraction présumée et des attentes raisonnables des citoyens en ce qui concerne la solidarité que l'on attend d'eux. » Dans cet exercice, on peut se demander si le juge est tenu d'ordonner la réparation intégrale du préjudice subi ou s'il peut se contenter d'une réparation symbolique. Cette question n'est pas abordée par l'arrêt.

Dans une société où la solidarité se dilue au profit d'un individualisme toujours plus exacerbé, on peut légitimement se demander ce que peuvent recouvrir les attentes raisonnables du citoyen.

Conclusion

23.La responsabilité de l'Etat du fait des magistrats s'inscrit parfaitement, en théorie du moins, dans les principes de droit commun de la responsabilité civile extra-contractuelle qui sont applicables aussi bien aux gouvernants qu'aux gouvernés, aussi bien aux justiciables qu'aux magistrats. Lorsqu'on examine dans le détail la jurisprudence relative à la responsabilité des pouvoirs publics dans l'exercice de la fonction de juger, on s'aperçoit pourtant que cette responsabilité présente de nombreuses particularités liées sans doute à la spécificité même de la mission de juger.

Lorsque la faute reprochée au magistrat résulte d'un acte qui est l'objet direct de la fonction juridictionnelle, le justiciable devra, en règle, épuiser toutes les voies de recours qui sont ouvertes par la loi avant de pouvoir prétendre à la réparation du dommage subi. Encore faudra-t-il que la décision qui lui cause préjudice soit réformée, retirée, rétractée ou annulée et ne soit dès lors plus couverte par l'autorité de chose jugée. Cette exigence préalable s'impose pour préserver la cohérence du système judiciaire qui ne tolère pas les contradictions entre deux décisions définitives.

Sous l'angle des conditions de fond, l'examen de la jurisprudence suggère qu'une distinction devrait être clairement faite entre la contravention à la loi, telle que celle qu'on reproche au conducteur ayant violé une règle du Code de la route, et l'erreur d'interprétation de la loi commise par le juge lorsqu'il est appelé à trancher un litige. Le juge qui, dans cet exercice, commet une erreur dans l'interprétation de la norme n'est pas nécessairement fautif.

Ce n'est pas que l'erreur de droit doive être appréciée avec plus d'indulgence qu'une autre mais bien que les spécificités du statut du magistrat et de la fonction de juger conduisent, le plus souvent, à apprécier cette erreur de manière fort nuancée à l'aune du magistrat normalement prudent et diligent replacé dans les mêmes circonstances.

Il faut rappeler que la faute au sens des articles 1382 et 1383 du Code civil implique avant tout d'évaluer un comportement au regard d'une règle de conduite générale ou spéciale. En ce qui concerne le magistrat, cette faute ne saurait se déduire automatiquement de la réformation, de la rétractation ou de l'annulation de son jugement. En décider ainsi, reviendrait à déduire la responsabilité d'une faute fondée sur un simple constat. Or, ce que l'on reproche au magistrat n'est pas tant d'avoir vu sa décision contredite par la juridiction du second degré que d'avoir commis une erreur de droit que n'aurait pas commise un magistrat normalement consciencieux et attentif replacé dans les circonstances concrètes de la cause.

A cet égard, la norme que le juge doit appliquer pour trancher le litige qui lui est soumis ne saurait être isolée du contexte interprétatif qui était le sien au moment où ce juge a statué. Doctrine et jurisprudence sont rarement unanimes. Prendre parti dans le débat dans un sens qui n'est pas celui qui sera finalement pris par la juridiction supérieure ne constitue pas en soi une faute.

L'existence d'autres normes qui s'adresseraient au juge mais qui lui imposeraient cette fois de s'abstenir ou d'agir de manière déterminée ne sont certes pas exclues mais elles forment l'exception à la règle. L'analyse de la jurisprudence démontre que la distinction traditionnelle entre la norme de conduite indéterminée et la norme de conduite déterminée s'avère, dans ce contexte, très peu fructueuse.

Au-delà de la responsabilité du magistrat dans l'exercice de sa fonction juridictionnelle, il ne faut pas sous-estimer les responsabilités lourdes qui pèsent sur les magistrats chefs de corps lorsqu'ils sont appelés à gérer les ressources humaines ou les bâtiments publics. Celles-ci doivent être appréciées selon des règles totalement différentes. Il nous semble que ces magistrats devraient pouvoir bénéficier de l'immunité civile prévue par l'article 2 de la loi du 10 février 2003 au bénéfice de tous les agents subordonnés des pouvoirs publics.

Lorsqu'aucune faute ne peut être reprochée au magistrat, une possibilité nouvelle existe pour le justiciable d'obtenir réparation. Celui-ci peut en effet se prévaloir d'une rupture de l'égalité des citoyens devant les charges publiques. La Cour de cassation l'a admis à des conditions strictes. Ce fondement ne se substitue donc pas à la responsabilité pour faute mais vient compléter le régime lorsque les conditions de la responsabilité quasi délictuelle de droit commun ne sont pas réunies.

[1] Professeur ordinaire à l'UCL.
[2] Cass., 7 mars 1963, Pas., 1963, I, p. 745; J.T., 1963, p. 223, obs. C. Cambier; Cass., 26 avril 1963, Pas., 1963, I, p. 905.
[3] Cass., 19 décembre 1991, R.C.J.B., 1993, p. 285, et note F. Rigaux et J. Van Compernolle; J.T., 1992, p. 142; J.L.M.B., 1992, p. 42, et note F. Piedeboeuf; R.R.D., 1991, et note C. Jassogne; R.G.D.C., 1992, p. 60, et note A. Van Oevelen. Sur cet arrêt voy. également, T. Vansweevelt et B. Weyts, Handboek buitencontractueel aansprakelijkheidsrecht, Anvers, Intersentia, 2009, p. 220, n° 308.
[4] Dans son deuxième arrêt rendu dans l'affaire Anca, le 8 décembre 1994 (Pas., 1994, I, p. 1063; J.L.M.B., 1995, p. 387, et note D. Philippe; J.T., 1995, p. 497, obs. R.O.D.; R.W., 1995-1996, p. 180, et note A. Van Oevelen), la Cour utilise les termes « responsabilité encourue » et non plus « demande qui ne peut être reçue ». Dans ses conclusions précédant l'arrêt du 27 juin 2008, l'avocat général, Th. Werquin indique clairement que ces termes sont impropres dès lors qu'il s'agit d'une question de recevabilité. Il observe que le terme « encourue » est repris du principe I du projet de recommandation relatif à la responsabilité publique pour les actes juridictionnels établi, en 1983, par le Comité d'experts en droit administratif du Conseil de l'Europe, qui prévoit que, lorsque l'acte juridictionnel dommageable a le caractère d'une décision de justice, la responsabilité n'est encourue que si l'acte a été retiré, réformé ou annulé par une décision définitive.
[5] Voy. en ce sens A. Van Oevelen, « De aansprakelijkheid van de Staat voor foutieve juridictionele beslissing verfijnd », et note sous Cass., 5 juin 2008, R.W., 2008-2009, p. 802; A. Van Oevelen, « Staatsaansprakelijkheid voor ambtsfouten van handelsrechters », dans cette revue, n° 3; T. Vansweevelt et B. Weyts, Handboek buitencontractueel aansprakelijkheidsrecht, o.c., p. 227, n° 317.
[6] Cass., 5 juin 2008, Pas., 2008, I, p. 1418; R.W., 2008-2009, p. 803; J.L.M.B., 2009, p. 52, et note D. Philippe; N.J.W., 2008, n° 192, p. 881, et note I. Boone.
[7] Pour une formulation identique voy. Cass., 10 mars 2008, Pas., 2008, I, p. 652; R.C.J.B., 2009, p. 325, et note F. Kefer, N.J.W., 2010, p. 195, et note K. Van Kildonck; Cass., 25 mars 2010, N.J.W., 2011, pp. 227-230, et note I.B.; R.G.A.R., 2011, n° 14.734.
[8] Cass., 27 juin 2008, Pas., 2008, I, p. 1732; R.C.J.B., 2010, p. 183, et note D. Renders; T.B.P., 2009, liv. 9, p. 552.
[9] Nous soulignons.
[10] Nous soulignons.
[11] Il va de soi que cette condition préalable ne doit pas être vérifiée si la faute résulte d'un acte non juridictionnel accompli par le magistrat dans l'exercice de sa fonction.
[12] Sur la question de savoir si l'autorité de chose jugée constitue la justification de la condition d'effacement préalable de la décision prétendument fautive, voy. D. Renders, « Recevabilité et fondement de la demande en réparation du dommage causé par l'Etat qui juge », R.C.J.B., 2010, p. 214, nos 15 et 16.
[13] En ce sens, D. Renders, o.c., R.C.J.B., 2010, o.c., p. 208, n° 11. Sur cet arrêt voy. également, T. Vansweevelt et B. Weyts, Handboek buitencontractueel aansprakelijkheidsrecht, Anvers, Intersentia, 2009, p. 227, n° 317.
[14] Pour une exigence comparable, voy. l'article 35 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, pour les litiges portés devant la Cour européenne des droits de l'homme. Voy. à ce sujet, D. De Bruyn, « L'épuisement des voies de recours interne », in La procédure devant la nouvelle Cour européenne des droits de l'homme après le protocole n° 11, Droit et Justice, Bruxelles, Bruylant, 1999, pp. 39 à 60.
[15] En ce sens, D. Renders, o.c., R.C.J.B., 2010, p. 215, n° 16 et les réf. citées.
[16] Cass., 5 juin 2008, J.L.M.B., 2009, p. 52, obs. D.-M. Philippe; Pas., 2008, n° 349, p. 1418.
[17] Pas., 2008, I, p. 1733.
[18] Comme le fait observer l'avocat général, cela n'exclut cependant pas que « la violation de la norme juridique établie, qui justifie la décision de retrait, de réformation, d'annulation ou de rétractation, puisse aussi constituer une faute imputable au magistrat qui a rendu la décision critiquée ».
[19] H. Vandenberghe, M. Van Quickenborne, L. Wynant et M. Debaene, T.P.R., 2000, pp. 1665 et s.; D. Renders, o.c., R.C.J.B., 2010, p. 217, n° 19 et s. Ce dernier auteur observe notamment, à titre de comparaison, que les actes administratifs unilatéraux qui sont susceptibles d'être déférés à la censure de l'annulation du Conseil d'Etat peuvent être portés devant le juge chargé de la responsabilité civile sans que l'annulation de cet acte ait été préalablement prononcée par le Conseil d'Etat. Il estime par ailleurs que le danger de voir surgir un dérèglement du système juridictionnel est largement surestimé au regard de l'intérêt que peut avoir le justiciable à exercer les voies de recours naturelles qui s'offrent à lui. Il reste, selon nous, que le danger réside plutôt dans la possibilité qui serait laissée au justiciable ayant vainement épuisé les voies de recours offertes par la loi, de remettre en cause une décision irrévocable rendue dans le litige qui le concerne mais qui lui est défavorable, par le biais d'une action en responsabilité civile engagée contre l'Etat.
[20] J. Velu, concl. sous Cass., 19 décembre 1991, J.T., 1992, p. 147, n° 52.
[21] Pour un rappel de ce principe dans le cas où la responsabilité de l'Etat était recherchée en raison d'écoutes téléphoniques considérées comme illégales, décidées par le parquet et le juge d'instruction, voy. Liège, 3 décembre 2009, J.T., 2010, p. 192, et note A. Leroy; J.L.M.B., 2010, p. 283.
[22] En ce sens également, J. Wildemeersch, « La responsabilité des pouvoirs publics: valse à trois temps sur un air de 1382 », in Droit de la responsabilité, o.c., p. 257. Comp. H. Vandenberghe, « Overzicht van rechtspraak. Aansprakelijkheid uit onrechtmatige daad (2000-2008) », T.P.R., 2010, p. 2070, n° 94.
[23] J.T., 1992, p. 147, n° 52.
[24] Voy. Cass., 25 mars 2010, N.J.W., 2011, pp. 227-230, et note I.B.; R.G.A.R., 2011, n° 14.734: « La situation dans laquelle, avant la modification de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales par le 11e protocole, le Comité des ministres du Conseil de l'Europe a constaté dans une décision que l'acte litigieux viole la convention ou les protocoles y annexés, doit être assimilée à la situation où l'acte incriminé d'un magistrat a été retiré, réformé, annulé ou rétracté par une décision passée en force de chose jugée en raison de la violation d'une norme juridique établie. »
[25] Il est désormais question d'étendre cette procédure en réouverture aux matières civiles: proposition de loi modifiant le Code judiciaire en ce qui concerne la réouverture de la procédure en matière civile, Doc. parl., Chambre, sess. ord. 2011-2012, n° 2014/001.
[26] Cass., 5 juin 2008, Pas., 2008, n° 347, p. 1411; R.W., 2008-2009, p. 800, et note A. Van Oevelen; N.J.W., 2009, p. 677, et note I. Boone.
[27] Ibid.
[28] Nonobstant le motif retenu dans l'ordonnance de la chambre du Conseil, le mandat délivré par le juge d'instruction contre le justiciable avait été levé si bien que le justiciable qui prétendait avoir été détenu fautivement, ne disposait plus de l'intérêt requis pour saisir la chambre des mises en accusation.
[29] D. Renders, o.c., R.C.J.B., 2010, p. 210, n° 12.
[30] Voy. à ce sujet, D. De Bruyn, « L'épuisement des voies de recours interne », in La procédure devant la nouvelle Cour européenne des droits de l'homme après le protocole n° 11, Droit et Justice, Bruxelles, Bruylant, 1999, pp. 39 à 60.
[31] Voy. notamment Trib. trav. Bruxelles (13e ch.), 12 novembre 2009, J.L.M.B., 2010, p. 43: dire d'un arrêt d'une cour d'appel qu'il est tordu ne peut suffire à établir une faute du magistrat.
[32] Cass., 13 mai 1982, J.T., 1982, p. 722 et concl. J. Velu.
[33] La doctrine se montre de plus en plus critique sur cette assimilation entre faute et illégalité s'agissant de la responsabilité de l'administration: voy. P. Lewalle et L. Donnay, Contentieux administratif, Bruxelles Larcier, 3e éd., 2008, n° 197; D. De Roy, « La responsabilité quasi délictuelle de l'administration: unité ou dualité des notions d'illégalité et de faute », in H. Dumont et S. Van Drooghenbroeck (dirs.), La protection juridique du citoyen face à l'administration, Bruxelles, la Charte, 2007, pp. 103-104; G. Pijcke, « Illégalité et caetera. Défaut de base légale, légalité de l'acte administratif et responsabilité des pouvoirs publics », in Liber Amicorum Mahieu, Bruxelles, Larcier, 2008, p. 453; J. Wildemeersch, « La responsabilité des pouvoirs publics: valse à trois temps sur un air de 1382 », in B. Kohl (dir.), Droit de la responsabilité, C.U.P., 2008 (vol. 107), p. 235; P. Henry, N. Van Damme et J. Merodio, « L'équivalence (prétendue) entre les notions d'excès de pouvoir et de faute civile », in Liber Amicorum Simar, Anthémis, 2013, pp. 201-224; contra D. Renders et J.-F. Van Drooghenbroeck, « Erreur de droit et droit à l'erreur », in Liber Amicorum Mahieu, Bruxelles, Larcier, 2008, p. 464, n° 12.
[34] Cass., 25 octobre 2004, Pas., 2004, I, p. 1667; J.L.M.B., 2005, p. 638, et note D. De Roy. Dans l'exercice de la qualification d'une relation de travail, la Cour estime qu'« aucune norme de droit n'impose au demandeur d'agir de manière déterminée ». Certains ont vu dans cet arrêt un revirement complet de la jurisprudence de la Cour de cassation.
[35] Cass., 10 septembre 2010, Pas., 2010, I, p. 2228; A.P.T., 2012, n° 1, p. 1, et note P. Van Ommeslaghe; F.J.F., 2011, n° 3, p. 230; J.T., 2011, p. 811, et note B. Dubuisson et S. Van Drooghenbroeck; N.J.W., 2011, n° 244, p. 425, et note S. Guiliams; C.D.P.K., 2011, n° 2, p. 291; R.A.B.G., 2010, n° 19, p. 1263, et note J. Vanden Branden; R.G.C.F., 2011, n° 2, p. 125; R.W., 2010-2011, p. 1726, et note P. Popelier; T.F.R., 2011, n° 397, p. 196, et note S. Guiliams.
[36] Dans le même sens, J. Wildemeersch, « La responsabilité des pouvoirs publics: valse à trois temps sur un air de 1382 », in B. Kohl (dir.), Droit de la responsabilité, C.U.P., 2008 (vol. 107), p. 263. En jurisprudence voy. notamment l'analyse à laquelle se livre le tribunal civil de Liège à propos des normes qui réglementent les écoutes téléphoniques: Civ. Liège (6e ch.), 9 septembre 2008, J.T., 2008, p. 604, et note A. Leroy.
[37] O.c., note 4.
[38] Cass., 17 décembre 2010, Pas., 2010, n° 753, p. 3273; R.W., 2011-2012, p. 1383.
[39] Cass., 26 juin 1998, J.T., 1998, p. 677; J.L.M.B., 1998, p. 1166; Act. fisc., 1998, n° 42, p. 3; R.C.J.B., 2001, p. 21, et note B. Dubuisson.
[40] A. Van Oevelen, « De aansprakelijkheid van de Staat voor ambtsfouten van magistraten in de Belgische rechtspraak en in die van het Europees Hof van Justitie», in H. Vandenberghe (ed.), Overheid aansprakelijkheid, Bruges, la Charte, 2005, pp. 237; également A. Van Oevelen, « Staatsaansprakelijkheid voor ambtsfouten van handelsrechters », dans cette revue, n° 12; H. Vandenberghe, « Overzicht van rechtspraak. Aansprakelijkheid uit onrechtmatige daad (2000-2008) », T.P.R., 2010, p. 2065.
[41] D. Renders, R.C.J.B., 2010, p. 207, n° 10.
[42] Civ. Bruxelles, 8 mai 2003, J.T., 2003, p. 489; Liège, 28 avril 2003, J.T., 2003, p. 483, notre R.-O. Dalcq; Civ. Bruxelles, 9 février 2001, J.L.M.B., 2001, p. 659; Civ. Bruxelles, 9 janvier 2004, Journ. Proc., 2004, n° 479, p. 26.
[43] Civ. Liège, 5 octobre 2000, J.L.M.B., 2000, p. 1795.
[44] Bruxelles, 18 février 2000, J.L.M.B., 2001, p. 608, et note P. Henry.
[45] En ce sens, D. Renders et J.-F. Van Drooghenbroeck, « Erreur de droit et droit à l'erreur », in Liber Amicorum Mahieu, Bruxelles, Larcier, 2008, p. 477, n° 33; J. Wildemeersch, « La responsabilité des pouvoirs publics: valse à trois temps sur un air de 1382 », in B. Kohl (dir.), Droit de la responsabilité, C.U.P., 2008, vol. 107, p. 268.
[46] En ce sens également, H. Vandenberghe, « Overzicht van rechtspraak. Aansprakelijkheid uit onrechtmatige daad (2000-2008)», T.P.R., 2010, p. 2076, n° 96.
[47] Cass., 25 octobre 2004, J.L.M.B.,2005, p. 638; Cass., 21 décembre 2007, J.T., 2008, p. 554, et note D. Renders.
[48] Cass., 8 décembre 1994, Pas., 1994, I, p. 1063; J.L.M.B., 1995, p. 387, et note D. Philippe; J.T., 1995, p. 497, obs. R.O.D.; R.W., 1995-1996, p. 180, et note A. Van Oevelen; Cass., 14 janvier 2000, R.A.G.B., 2003, p. 851, et note S. Lust.
[49] P. d'Argent, « Jurisprudence belge relative au droit international public (2008-2011) », Rev. b. dr. intern., 2012/1, p. 300, n° 27.
[50] Cass., 5 juin 2008, C.07.0073.N, o.c., note 6.
[51] Cass., 27 juin 2008, o.c., note 8.
[52] P. d'Argent, « Jurisprudence belge relative au droit international public (2008-2011) », Rev. b. dr. intern., 2012/1, p. 301, n° 29.
[53] Cass., 22 février 2010, R.G. S.09.0033.F.; Cass., 24 mai 2002, Pas., 2002, I, p. 1213; comp. Cass., 28 mars 2012, J.T., 2012, p. 460, et note Fr. Koning.
[54] Cass., 23 juin 2005, Pas., 2005, I, p. 1437; Cass., 8 février 2008, Pas., 2008, I, p. 382; J.T., 2008, p. 569, et note D. Renders; N.J.W., 2008, n° 187, p. 638, et note G. Jocque; Rev. dr. commun., 2008, n° 3, p. 47, et note J. Vanhaeverbeek; R.W., 2011-2012, p. 583; T.B.P., 2009, n° 9, p. 551; Cass., 23 septembre 2010, Pas., p. 2367; J.T., 2011, p. 380, et note D. Renders; J.L.M.B., 2011, p. 550; Res jur. imm., 2011, n° 1, p. 40.
[55] Sur les liens entre l'erreur invincible et la force majeure, voy. J. Van Zuylen, « Du fait justificatif à la force majeure: les visages contrastés de l'exonération de la responsabilité », in Liber Amicorum Simar, Anthémis, 2013, p. 281, n° 19 et p. 287, nos 24 et 25.
[56] Voy. à propos de la responsabilité de l'administration, D. Renders et J.-F. Van Drooghenbroeck, « Erreur de droit et droit à l'erreur », in Liber Amicorum Mahieu, Bruxelles, Larcier, 2008, p. 460, n° 5.
[57] Voy. Liège, 3 décembre 2009, J.T., 2010, p. 192, et note A. Leroy; J.L.M.B., 2010, p. 283.
[58] Voy., dans le domaine de la responsabilité de l'administration, Cass., 8 février 2008 et Cass., 23 septembre 2010, o.c., note 54. En doctrine, J. Wildemeersch, « La responsabilité des pouvoirs publics: valse à trois temps sur un air de 1382 », in B. Kohl (dir.), Droit de la responsabilité, C.U.P., 2008, vol. 107, pp. 239-242; D. Renders, « Erreur de droit invincible et état du droit incertain: à propos de la responsabilité civile de l'administration », et note sous Cass., 23 septembre 2010, J.T., 2010, pp. 381 et s.
[59] D. Renders et J.-F. Van Drooghenbroeck, « Erreur de droit et droit à l'erreur », in Liber Amicorum Mahieu, Bruxelles, Larcier, 2008, p. 467, n° 17.
[60] Comp. D. Renders et J.-F. Van Drooghenbroeck, « Erreur de droit et droit à l'erreur », in Liber Amicorum Mahieu, Bruxelles, Larcier, 2008, p. 479, n° 34.
[61] Bruxelles, 8 décembre 1999, J.T., 2000, p. 338; R.G.A.R., 2000, n° 13.288. Cet enseignement se dégageait déjà de l'arrêt Anca 2: Cass., 8 décembre 1994, Pas., 1994, I, p. 1063; J.L.M.B., 1995, p. 387, et note D. Philippe; J.T., 1995, p. 497, obs. R.O.D.; R.W., 1995-1996, p. 180, et note A. Van Oevelen; Bruxelles, 8 décembre 1999, J.T., 2000, p. 338.
[62] Bruxelles, 7 décembre 2000, J.T., 2001, p. 385.
[63] Mons, 27 février 2007, J.T., 2009, p. 213.
[64] Cass., 21 décembre 2007, R.G. C.06.0457.F., Pas., 2007, p. 2491, et concl. T. Werquin; J.T., 2008, p. 554, et note D. Renders; J.L.M.B., 2008, p. 1080, et note Q. Peiffer; R.W., 2009-2010, p. 1689; T.B.P., 2009, n° 9, p. 551. Sur cet arrêt voy. également, J. Wildemeersch, « La responsabilité des pouvoirs publics: valse à trois temps sur un air de 1382 », o.c., p. 243.
[65] L'auteur remercie vivement Mr. J. Hubin, premier président de la cour du travail de Liège, pour lui avoir donné accès à des notes et documents inédits sur ce sujet. Voy. aussi J. Hubin, « Les nouvelles implications de la dimension managériale: l'optimisation institutionnelle et fonctionnelle des compétences et des responsabilités des premiers présidents du niveau de l'appel », p. 203; du même auteur, « La gestion des ressources humaines au sein du pouvoir judiciaire: quelle éthique organisationnelle requise face aux évolutions de l'organisation judiciaire? Légitimité de la fonction G.R.H. dans les cours et tribunaux », in F. Schoenaers et C. Dubois (dirs.), Regards croisés sur le nouveau management judiciaire, Editions de l'Université de Liège, 2008, pp. 109 et s.
[66] Au sujet de ces plans et, plus spécifiquement, des tâches de gestion et de management confiées aux chefs de corps, voy. B. Bernard (dir.), Le management des organisations judiciaires, Bruxelles, Larcier, 2009, 164 p.; J. Plessers, R. Depré et A. Hondeghem, Le profil du « manager administratif » dans un contexte de modernisation de la justice, Bruxelles, S.P.F., 2008, 238 p.
[67] Fait partie de la ligne hiérarchique, celui qui est investi de l'autorité ou des pouvoirs nécessaires pour veiller effectivement au respect de la loi et qui est habilité à donner des ordres ou confier des missions, même si ces pouvoirs sont limités dans le temps ou dans l'espace.
[68] Cass., 24 juin 2010, Pas., 2010, p. 2004, concl. C. Vandewal; Amén., 2011, n° 2, p. 145; R.W., 2010-2011, p. 1217, concl. C. Vandewal, et note S. Lierman. Voy. également le commentaire d'A. Van Oevelen, « Staatsaansprakelijkheid voor ambtsfouten van handelsrechters », dans cette revue, n° 30.
[69] S. Lierman, « Gelijkheid van de burgers voor de openbare lasten: wel fundamenteel, (nog) niet absoluut », R.W., 2010-2011, p. 1224.
[70] H. Bocken, « Van fout naar risico. Een overzicht van de objectieve aansprakelijkheidsregelingen naar Belgisch recht », T.P.R., 1984, p. 353, n° 33.
[71] Voy. les conclusions de l'avocat général Ch. Vandewal avant l'arrêt du 24 juin 2010, R.W., 2010-2011, pp. 1217-1222.
[72] Conclusions précitées, R.W., 2010-2011, pp. 1221. Sur la valeur, légale ou constitutionnelle, de ce principe, S. Lierman, o.c., R.W., 2010-2011, p. 1225.
[73] Sur cette question, voy. les références citées par S. Lierman, o.c., R.W., 2010-2011, p. 1224.