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Quelques réflexions sur la perte d'une chance et le lien causal, R.D.C.-T.B.H., 2013/10, p. 1004-1013

Quelques réflexions sur la perte d'une chance et le lien causal

Denis Philippe [1]

TABLE DES MATIERES

Introduction

Chapitre I. Lien causal Section 1. Le droit belge

Section 2. Le droit comparé § 1. Droit anglais

§ 2. Droit allemand et droit néerlandais - En droit allemand

- En droit néerlandais

Section 3. Que conclure de tout ceci?

Chapitre II. La perte d'une chance Section 1. Définition § 1. La perte d'une chance peut-elle constituer un dommage?

§ 2. Illustrations

Section 2. Approches de la perte d'une chance § 1. Reconnaissance en droit belge

§ 2. Droit comparé - En droit néerlandais

- En droit français

- En droit anglais

Section 3. Qu'en penser?

Chapitre III. Private enforcement en matière d'ententes enfreignant le droit de la concurrence

Conclusion

RESUME
La présente contribution traite de plusieurs sujets.
  1. La théorie de la perte d'une chance permet d'indemniser une victime en cas d'aléa, portant sur l'obtention d'un bénéfice ou l'évitement d'une perte, tous deux aléatoires.
    Cette indemnisation ne pourra avoir lieu que lorsque les chances sont sérieuses.
    La jurisprudence de la Cour de cassation a connu des hésitations au cours de ces dernières années.
    La théorie de la perte d'une chance peut être appréhendée de deux manières différentes.
    L'approche restrictive se situe au niveau du dommage. On considère que la perte d'une chance est la perte certaine d'un avantage probable. En d'autres termes, dans cette hypothèse, le lien causal est établi.
    La conception extensive se situe sur le plan du lien causal. Le dommage s'est réalisé mais on ne peut démontrer avec certitude sa relation avec la faute commise.
    Nous plaidons pour une conception extensive de cette théorie.
  2. S'agissant du lien causal, la Cour de cassation retient la théorie de l'équivalence des conditions. Le lien de causalité entre une faute et un dommage est établi dès lors que le juge constate que, sans cette faute, le dommage, tel qu'il s'est présenté in concreto, ne se serait pas produit.
    Nous croyons que la théorie est trop large et ne permet pas de justifier l'écartement de certains événements ayant contribué à la faute. Un critère plus affiné doit être établi et c'est pourquoi nous préconisons de retenir la théorie de la causalité adéquate qui prend en considération les dommages qui sont la suite logique et normale de l'acte illicite.
  • Enfin, nous avons brièvement évoqué l'hypothèse de l'indemnisation du dommage causé aux victimes des ententes altérant la concurrence. Le dommage subi par les parties préjudiciées consiste principalement en la différence entre le prix de marché et le prix de cartel. Le calcul précis du dommage et l'établissement du lien causal posent des questions intéressantes.
SAMENVATTING
Deze bijdrage behandelt drie onderwerpen rond oorzakelijk verband en schade.
  1. De theorie van het verlies van een kans laat toe om een slachtoffer schadeloos te stellen in geval van een alea, omwille van het verkrijgen van een voordeel of het vermijden van een verlies, en waarbij de uitkomst van beide situaties onzeker is.
    Deze schadevergoeding kan enkel plaatsvinden wanneer de kansen ernstig zijn.
    De rechtspraak van het Hof van Cassatie werd de voorbije jaren gekenmerkt door aarzelingen. De theorie van het verlies van een kans kan op twee verschillende manieren opgevat worden.
    De restrictieve opvatting situeert zich op het niveau van de schade waarbij het verlies van een kans beschouwd moet worden als het zekere verlies van een waarschijnlijk voordeel. Met andere woorden, in deze hypothese is het oorzakelijk verband aangetoond.
    De brede opvatting situeert zich op het niveau van het oorzakelijk verband. De schade heeft zich voorgedaan maar het verband met de gepleegde fout kan niet met zekerheid aangetoond worden.
    Wij pleiten voor een brede opvatting van deze theorie.
  2. Met betrekking tot het oorzakelijk verband, neemt het Hof van Cassatie de equivalentieleer in aanmerking: het oorzakelijk verband tussen de fout en de schade is aangetoond wanneer de rechter vaststelt dat, zonder deze fout, de schade zoals die zich in concreto voordoet, zich niet zou hebben voorgedaan.
    Wij zijn van mening dat de theorie te breed is en niet toelaat om de spreiding van bepaalde evenementen die bijgedragen hebben tot de fout, te rechtvaardigen. Een meer verfijnd criterium dringt zich op en daarom zijn wij voorstander van de theorie van de adequate causaliteit waarbij enkel de schade in overweging genomen wordt die het logische en normale gevolg is van de onrechtmatige handeling.
  • Ten slotte bestuderen we beknopt de hypothese van vergoeding van de schade toegebracht aan slachtoffers van mededingverstorende afspraken. De schade die geleden wordt door de benadeelde partijen bestaat in principe uit het verschil tussen de marktprijs en de kartelprijs. De juiste berekening van de schade en het oorzakelijk verband geeft aanleiding tot interessante vragen.
Introduction

Notre société, globale, est empreinte de changements, voire de bouleversements importants et constants.

Qu'est-ce à voir avec le sujet traité?

De nombreux facteurs s'entrechoquent dans le cours de la vie économique, de telle sorte qu'établir un lien causal entre un acte illicite et un dommage devient de plus en plus difficile puisque de multiples paramètres peuvent interférer. Cette réflexion est transposable au dommage. En effet, même en cas d'acte illicite et de lien causal, le dommage peut être difficile à déterminer, vu la présence d'autres facteurs.

Par exemple, une perte de chiffre d'affaires peut ne pas se faire ressentir malgré l'existence d'un acte illicite et d'un lien causal, à la suite d'un rebond de la croissance économique [2]. Nous pouvons également prendre l'exemple suivant: une entreprise innovante et en pleine croissance doit suspendre ses activités pendant six mois à la suite d'un ordre de fermeture de l'entreprise; cet ordre avait été donné de manière illicite; comment évaluer son préjudice alors que, au vu de ses qualités intrinsèques, cette entreprise, malgré cet arrêt, poursuit sa croissance?

A partir de ce constat, nous nous attacherons dans les lignes qui suivent aux points suivants.

Le critère de détermination du lien causal est un problème éternel et le régime actuel du droit belge mérite réflexion (Chapitre I).

La meilleure caractéristique que l'on puisse attribuer à la qualification du dommage économique est sa volatilité [3]. Il peut naître et disparaître aussitôt, d'où l'importance de la perte de la chance dans un monde où la certitude s'efface souvent devant l'aléa ou les probabilités (Chapitre II).

Nous terminerons nos brèves réflexions par une question à la fois actuelle et complexe, celle de savoir comment évaluer le dommage résultant des infractions aux règles du droit de la concurrence (Chapitre III).

Ces différents chapitres seront accompagnés de réflexions de droit comparé.

Signalons enfin que si, certes le principe de la réparation intégrale du dommage est reconnu en droit belge, il faut bien admettre que la position juridique du demandeur, lequel supporte la charge de la preuve, est loin d'être évidente.

Chapitre I. Lien causal [4], [5]
Section 1. Le droit belge

La jurisprudence retient l'équivalence des conditions. La Cour de cassation énonce: « Le lien de causalité entre une faute et un dommage est établi dès lors que le juge constate que, sans cette faute, le dommage, tel qu'il s'est présenté in concreto, ne se serait pas produit. » [6].

Comme l'écrit le professeur Dubuisson, cette théorie reste, en droit belge, un passage obligé pour le juge appelé à statuer sur l'existence ou l'inexistence d'un lien de causalité entre le fait générateur et le dommage [7].

Le lien causal doit revêtir un caractère de certitude. C'est par ce filtre paradoxalement incertain que le juge va sélectionner les événements qui sont à retenir dans la chaîne causale.

La théorie de la causalité adéquate, reconnue dans plusieurs pays, prend en considération les dommages qui sont la suite logique et normale de l'acte illicite [8]. Cette théorie retient donc des critères objectifs pour sélectionner les actes qui rentrent dans la chaîne causale.

C'est à juste titre que le professeur Dubuisson souligne: « Il est selon nous illusoire de croire que la théorie de l'équivalence des conditions permettrait de résoudre tous les problèmes, à moins bien sûr d'en malmener les conditions d'application. » [9]. Cette thèse rejoint celle que nous avons défendue il y a près de 20 ans [10],  [11].

La théorie de l'équivalence des conditions peut permettre de « remonter au déluge » pour délimiter la relation causale. Or, avez-vous déjà vu un juge remonter au déluge dans l'application de la théorie de l'équivalence des conditions?

Section 2. Le droit comparé

En droit comparé, la causalité se précise généralement en deux temps:

    • en premier lieu, l'appréciation de la condition sine qua non, la théorie d'équivalence des conditions;
    • un deuxième qui porte sur l'appréciation juridique du critère. La plupart des pays reconnaissent la théorie de la causalité adéquate [12].

    Nous nous proposons d'épingler brièvement quelques régimes juridiques.

    § 1. Droit anglais

    En matière de lien causal, le droit anglais est, comme le droit belge, assez flou.

    Comme en droit belge, il faut tout d'abord établir que sans l'acte fautif, le dommage ne se serait pas produit. C'est ce qu'on appelle « la condition sine qua non ». A partir de là, le juge va apprécier l'existence d'une causalité juridique. Parmi les critères, l'on trouve un concept typiquement anglais, exposé dans le paragraphe suivant, « la remoteness of damage ».

    Le droit anglais, tant en matière contractuelle qu'en matière quasi délictuelle, n'indemnise pas le dommage lorsque celui-ci est jugé trop éloigné (remote) de l'événement fautif [13]. Ceci fait penser à la théorie de la causalité immédiate.

    A titre d'illustration, on peut prendre l'exemple suivant repris dans l'ouvrage précité: un immeuble est inondé par les travaux d'entrepreneurs travaillant pour la commune. Le locataire doit déménager. Le propriétaire est à l'étranger. Des squatters s'installent en causant un dommage important. S'est posée la question de savoir si la commune était responsable. La réponse donnée par la Cour fut négative [14].

    Citons aussi la célèbre affaire Wagon Mound [15]. Dans cette affaire, un ingénieur, travaillant sur le bateau du défendeur, avait déchargé de manière négligente une quantité de pétrole de hauts fourneaux dans le port de Sydney, souillant le chantier, propriété des demandeurs et arrêtant les travaux de réparation sur deux autres bateaux. Après avoir été informés que cette essence n'était pas inflammable, les demandeurs reprirent les travaux de soudure mais cette essence a été enflammée par une pièce de métal fondu; le chantier et les deux bateaux furent consumés par le feu qui en résulta. L'action du demandeur en réparation du dommage causé au chantier n'a pas aboutie au motif que le dommage par pollution était raisonnablement prévisible pour l'auteur de l'acte de négligence, à l'inverse du dommage par le feu.

    Cet exemple illustre le caractère limitatif du lien causal et de l'appréciation du dommage en droit anglais et il est fort à parier que, dans notre droit, une hypothèse comme celle-là aurait donné lieu à l'indemnisation du dommage causé par le feu.

    L'on sait qu'en droit belge, la théorie de la causalité immédiate n'a pas été retenue. Il n'empêche que cette décision anglaise est intéressante dans la mesure où elle montre que des critères divers - mais objectifs - peuvent être retenus pour établir le lien causal. En l'espèce, l'appréciation du caractère éloigné est également liée à la prévisibilité du dommage.

    § 2. Droit allemand et droit néerlandais
    - En droit allemand

    C'est la causalité adéquate qui régit le droit allemand [16]. Cette théorie permet de mieux prendre en considération la prévisibilité et l'ordre normal des choses. Mais malgré tout, la jurisprudence allemande a introduit d'autres filtres dans l'appréciation du lien causal. Ainsi, la Cour suprême allemande a énoncé que: « die Formel der adäquaten Kausalitat nicht immer ausreicht, um dem Problem der Haftungsbegrenzung gerecht zu werden » [17].

    Cette nouvelle limitation de responsabilité est visée par l'article 823, § 2, du BGB qui limite l'indemnisation aux personnes protégées par la norme. C'est la théorie de la relativité aquilienne au terme de laquelle sont seules susceptibles de réclamer un dommage, les victimes qui sont protégées par la norme [18].

    Un exemple montrera la distinction que trace la Cour suprême entre la théorie de la causalité adéquate et la relativité aquilienne. Dans l'arrêt du 7 juin 1968 [19], le Bundesgerichsthof a rejeté l'indemnisation d'une mise à la pension prématurée dans les circonstances suivantes. Une maladie cachée jusqu'alors (artériosclérose du cerveau) a été découverte à l'occasion d'un accident de la circulation routière. Sans l'accident, la victime n'aurait pas été mise prématurément à la pension, puisque la maladie n'aurait pas été découverte.

    La Cour suprême reconnaît dans son arrêt que l'accident est une conditio sine qua non de la mise à la retraite prématurée. Le caractère adéquat de la relation causale était également présent. En effet, il rentre dans l'expérience acquise qu'une lésion cérébrale conduise à des examens qui détectent des éléments médicaux conduisant à une mise à la retraite anticipée. Mais l'indemnisation de ce dommage ne fait pas partie des intérêts que visent à protéger les règles de circulation.

    La causalité adéquate, tout comme la relativité aquilienne, font appel à la notion de risque et de prévisibilité [20]. La prévisibilité du dommage intervient davantage dans notre système juridique comme un élément d'appréciation de la faute. La prévisibilité est cependant une prévisibilité subjective alors que, dans l'application de la causalité adéquate et de la relativité aquilienne, c'est la prévisibilité objective qui est prise en considération.

    - En droit neérlandais

    En droit néerlandais l'on connaît aussi la théorie de la relativité aquilienne. L'arrêt du Hoge Raad néerlandais rendu le 2 novembre 1979 rejette l'indemnisation des conséquences de la folie du père consécutive au décès de sa fille, sur la base de la théorie de la relativité aquilienne. En effet, la faute de l'anesthésiste ayant entraîné le décès de la fille constitue la violation d'une norme non écrite de prudence. Or, le dommage dont l'indemnisation est revendiquée, ne rentre pas dans la sphère des intérêts que la norme de prudence vise à protéger.

    En Belgique, plusieurs décisions abordent l'hypothèse du décès d'un des parents à la suite de l'accident survenu à un enfant. Dans une affaire soumise à la cour d'appel de Liège, un fils meurt dans un accident de la circulation sous les yeux de son père. Quelques jours plus tard, le père met fin à ses jours. La cour d'appel reconnut l'existence d'un lien causal entre le suicide du père et la faute de l'auteur de l'accident. La cour se référa à cet égard au rapport du psychiatre qui avait examiné le père peu avant sa mort et à l'absence de maladies nerveuses antérieures [21].

    D'autres juridictions arrivent à des solutions distinctes en relevant l'absence de lien causal nécessaire [22].

    Assez proche est l'hypothèse suivante: une personne apprend que sa voiture, en stationnement, a été accidentée par une personne qui a pris la fuite; au même moment, il est pris d'une crise cardiaque et meurt. Les différentes juridictions ont admis qu'il n'y avait pas de lien causal nécessaire entre la crise cardiaque et la commission de l'accident de voiture [23]. Or, il semble indéniable qu'il existe un lien causal entre la faute et la crise cardiaque, en tout cas entre le fait que la crise cardiaque se soit produite à ce moment et la faute. Certes, ce lien causal n'a pas été considéré comme nécessaire, mais comme le fait remarquer à juste titre le professeur Glansdorff dans sa note sous l'arrêt rendu par la cour d'appel, ne fait-on pas une application plus ou moins explicite de la causalité adéquate [24]?

    Section 3. Que conclure de tout ceci?

    Dans l'appréciation du lien causal, notre droit devrait sans doute mieux appréhender les concepts de:

      • portée de la norme [25];
      • prévisibilité du dommage;
      • le cours normal des choses [26].

      Ceci contribuerait à la sécurité juridique mais aussi à une solution plus juste.

      Chapitre II. La perte d'une chance
      Section 1. Définition

      La perte d'une chance est, littéralement, la disparition de la possibilité qu'un événement favorable survienne ou qu'un événement défavorable ne survienne pas.

      La perte d'une chance se distingue du dommage futur. Par exemple, la perte de revenus à la suite d'une incapacité de travail, s'étendant jusqu'à l'âge de la retraite, constitue un dommage futur. Même si son évaluation est difficile, les termes 'perte de chance' sont inadéquats pour calculer le dommage résultant de cette perte de revenus puisque le dommage est calculé sans éléments aléatoires, à l'exception du temps. Toujours dans le même cas d'espèce, la solution est différente lorsqu'il s'agit d'une perte d'une chance de promotion.

      La perte d'une chance se distingue également de l'évaluation ex aequo et bono du dommage. Dans ce dernier cas, le dommage est dénué d'aléa mais c'est la difficulté de le calculer qui rend nécessaire le recours à la méthode ex aequo et bono.

      La théorie de la perte d'une chance constitue un sujet très difficile à appréhender.

      La lecture des ouvrages de droit comparé, notamment du droit anglais [27], reflète les errements de cette théorie, lesquels sont également perceptibles en droit belge.

      § 1. La perte de chance peut-elle constituer un dommage?

      Aujourd'hui la Cour [28] de cassation considère le dommage comme étant « l'atteinte à un intérêt ou […] la perte d'un avantage quelconque, pour autant que celui-ci soit stable et légitime » [29].

      Un dommage est certain lorsqu'il ne présente pas un caractère « simplement hypothétique, conjectural ou éventuel » [30]. Il ne doit pas être certain dans son étendue mais bien dans son principe. Ainsi, malgré le fait que son évaluation soit difficile, le juge ne pourrait écarter un dommage dont il a constaté l'existence de principe [31].

      Cette notion de dommage certain ne requiert pas qu'il soit né et actuel, un dommage futur étant tout à fait envisageable si sa survenance dans le futur est suffisamment certaine [32].

      Ces deux derniers points ont été évoqués plus haut.

      Il ne s'agit donc pas d'une certitude absolue mais bien judiciaire [33]. La perte de chance peut donc, sur la base de ces principes, faire l'objet d'une indemnisation.

      § 2. Illustrations

      La perte d'une chance, surtout en matière économique, est une théorie à laquelle on peut recourir très fréquemment. Prenons quelques exemples tirés de la vie économique, du monde médical et judiciaire.

      Un avocat dépose une requête d'appel très tardivement. La perte de la chance consiste dans la perte de voir la décision réformée par les juridictions d'appel. Une entreprise remet une offre tardivement dans le cadre d'un marché public à la suite d'un accident de la circulation qui a retardé l'acheminement de l'offre écrite.

      De nombreuses hypothèses de perte d'une chance se révèlent également en droit médical. En effet, le médecin commet une faute mais la mort du patient peut trouver sa cause dans d'autres causes que la seule erreur médicale, à commencer par le mauvais état de santé du patient.

      Un autre bel exemple de la perte de chance en matière économique réside dans la rupture des négociations précontractuelles sur lequel nous reviendrons plus loin.

      Le critère principal dans l'appréciation de la perte d'une chance est, nous semble-t-il, la probabilité. S'il est probable que l'on aurait pu obtenir le marché, alors la perte de la chance sera prise en considération. Si, par contre, ces perspectives d'obtention sont très minimes, la solution inverse devra être retenue.

      Une autre hypothèse d'application méritant d'être épinglée consiste en une double application de cette théorie dans une même hypothèse. Par exemple, lorsque l'on perd des preuves d'une chance de survie [34].

      Section 2. Approches de la perte d'une chance

      La théorie de la perte de chance peut être appréhendée de deux manières différentes [35].

      L'approche restrictive se situe au niveau du dommage. On considère que la perte d'une chance est la perte certaine d'un avantage probable. En d'autres termes, dans cette hypothèse le lien causal est établi.

      La conception extensive se situe sur le plan du lien causal. Le dommage s'est réalisé mais on ne peut démontrer avec certitude sa relation avec la faute commise [36].

      § 1. Reconnaissance en droit belge

      La Cour de cassation reconnaît cette théorie depuis longtemps [37]. On enseigne souvent que la théorie de la perte de la chance a été vraiment reconnue de manière large par l'arrêt de la Cour de cassation du 19 janvier 1984 [38]. A notre avis, cet arrêt ne posait pas de problème au niveau de la relation causale puisque la relation entre la faute du médecin et le dommage, à savoir une gangrène, résultait de la littérature scientifique. C'est donc au niveau de l'importance du préjudice, à savoir 80% de l'indemnisation, que la théorie de la perte de la chance est intervenue.

      La théorie de la perte de la chance a été freinée dans son développement par un important arrêt de la Cour de cassation du 1er avril 2004 [39]. Dans cette hypothèse, la Cour de cassation a énoncé: « Le juge ne peut condamner l'auteur de la faute à réparer le dommage réellement subi s'il décide qu'une incertitude subsiste quant au lien causal entre la faute et le dommage. ». Cet arrêt a fait l'objet de nombreux commentaires. Le professeur Dubuisson écrivant: « La théorie de la perte d'une chance ne peut être mise en oeuvre pour justifier une indemnisation dans le contexte d'une incertitude causale que si la perte de chance repose sur une probabilité suffisante. » [40].

      Cet arrêt, confirmé par un arrêt du 12 octobre 2005 [41], a été en quelques sortes revu par un arrêt du 5 juin 2008 qui reprend les faits suivants: la cour d'appel d'Anvers avait retenu une faute contractuelle dans le chef d'un vétérinaire chargé de soigner un cheval parce qu'il n'avait pas procédé à un sondage d'estomac. La cour d'appel avait condamné le vétérinaire à payer au propriétaire de l'animal une indemnité correspondante à 80% de la valeur de remplacement, les experts estimant que si un sondage avait été réalisé, le décès du cheval avait 80% de chance d'être évité. La Cour estime: « La perte d'une chance réelle de guérison, de survie est prise en considération pour l'indemnisation si la faute est la condition sine qua non de la perte de la chance. » L'arrêt continue: « Le juge peut accorder une réparation pour la perte d'une chance, d'éviter un préjudice si la perte de cette chance est imputable à une faute. ». L'arrêt appréhende donc la perte de la chance à la fois au niveau du dommage et du lien causal et donne ainsi à cette théorie une conception extensive [42].

      L'arrêt du 15 mars 2010 a trait à une affaire impliquant un commerçant. La cour d'appel d'Anvers avait considéré que par la faute d'une autorité communale, une société commerciale avait perdu une chance d'obtenir un permis d'exploitation. En l'espèce, la perte de chance n'était pas réelle et la Cour de cassation a donc censuré l'arrêt de la cour d'appel. La Cour de cassation a, à cette occasion, cependant précisé: « L'existence d'une chance n'implique aucune certitude quant à la réalisation du résultat espéré » [43].

      L'arrêt de la Cour de cassation du 22 mars 2012 s'inscrit dans la lignée de l'arrêt du 15 mars 2010 puisqu'il stipule que « La perte de chance présente un caractère direct et certain chaque fois qu'est constatée la disparition d'une éventualité favorable » [44].

      La jurisprudence récente insiste sur le fait que la perte de chance doit être établie de manière certaine et non pas hypothétique. La chance doit être sérieuse et réelle se distinguant d'un simple espoir [45].

      Quid des ruptures des négociations précontractuelles?

      De manière assez étrange, la théorie de la perte de la chance est rarement utilisée dans cette hypothèse. L'on estime souvent que la personne qui ne s'est pas comportée comme un négociateur prudent et diligent n'est redevable que de dommages et intérêts négatifs, c'est-à-dire la compensation des dépenses. Nous nous interrogerons plus loin sur l'intervention de la perte de chance en cette hypothèse [46].

      § 2. Droit comparé
      - En droit néerlandais

      Le droit néerlandais reconnaît non seulement la théorie de la perte de chance, mais en outre, une indemnisation est possible en fonction du degré de probabilité qu'une faute entraîne un dommage. Le « Hoge Raad » a rendu un arrêt intéressant le 31 mars 2006 [47]. Dans cette affaire, une personne était atteinte du cancer. Elle fumait beaucoup mais elle avait été exposée à l'amiante. La relation causale ne pouvait être déterminée par rapport à ces deux causes et la Cour suprême a choisi pour une solution proportionnelle.

      S'agissant de la perte de chance, l'on admet en matière de rupture de négociations que la chance d'obtenir un contrat profitable est indemnisée [48].

      - En droit français

      En droit français, la perte de chance est également reconnue de manière assez large.

      L'on peut se référer à un arrêt de la Cour de cassation civile du 22 mars 2012 [49]. Dans le cadre d'un cas de responsabilité médicale, une cour d'appel avait considéré que l'absence de contention après le retrait de bague ne constituait pas un manque de précaution fautif susceptible d'entraîner une récidive de troubles de manière relativement fréquente.

      La Cour suprême casse la décision en énonçant: « La perte de chance présente un caractère direct et certain chaque fois qu'est constatée la disparition d'une éventualité favorable. ». La Cour considère ensuite: « En statuant ainsi, quand le caractère fautif de l'absence de contention après traitement impliquait nécessairement que la contention aurait pu, si elle avait été mise en place, avoir une influence favorable sur l'évolution de la pathologie, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations ».

      La Cour retient donc la notion d'éventualité favorable, qui constitue en fait la chance. Le professeur Jourdain remarque également que pour que la perte de chance puisse faire l'objet d'une indemnisation, celle-ci doit être réelle et sérieuse. Il conclut de manière très pénétrante: « On a donc le sentiment que cette perte de chance que les juges du second degré auraient dû déduire de leur constatation est plus affirmée que caractérisée. Elle serait nécessairement appliquée par la faute, en l'occurrence une faute d'abstention dans l'exécution de l'acte médical. Et l'on se trouverait là en présence d'une nouvelle illustration de la jurisprudence qui tend à déduire le préjudice de la faute » [50].

      Dans un arrêt du 16 janvier 2013, la Cour de cassation a permis l'indemnisation d'une perte de chance même si celle-ci était faible [51].

      - En droit anglais

      En droit anglais, la jurisprudence est contradictoire.

      Dans l'affaire Mac Ghee / National Coal Board [52], la victime avait contracté une dermatite après avoir travaillé dans une carrière à chaux. La cause immédiate de la dermatite était la présence de poussière de briques avec laquelle l'ouvrier était en contact pendant son travail. Les parties défenderesses n'étaient pas en faute en exposant cet ouvrier à la poussière; ceci était une caractéristique inévitable du travail auquel il s'adonnait. Cependant, les défendeurs violaient leur devoir de diligence en ne veillant pas à la présence d'installation de nettoyage sur le lieu de travail.

      Se posait donc la question de savoir s'il existait une relation causale entre cette absence d'installation et la maladie. Il n'y a pas une preuve médicale certaine. Ceci étant, la House of Lords a néanmoins admis la possibilité qu'une responsabilité pouvait être établie même en l'absence de preuve d'un lien entre la faute et le dommage. Le seul fait de créer un risque, énonce alors Wilberforce, est qu'une lésion corporelle survient dans la sphère de risque. Par conséquent, la perte doit être supportée par cette personne ayant créé le risque, à moins qu'il ne soit prouvé que le dommage soit imputable à une autre cause.

      Dans l'affaire Wilsher / Essex Area Health Authority, la House of Lords se montra critique à l'égard de l'approche élaborée par Lord Wilberforce [53]. Dans cette affaire, le demandeur qui était né de manière prématurée (trois mois à l'avance) était aveugle suite à une fibroplasie. La victime considérait que celle-ci avait été causée par une négligence du médecin de l'hôpital qui n'aurait pas remarqué que l'instrument qui permettait le dosage de l'oxygène dans le sang avait été attaché de manière défectueuse à une veine et non à une artère. En conséquence, le demandeur avait reçu une quantité excessive d'oxygène. Selon les rapports médicaux, six causes potentielles distinctes auraient pu justifier la cécité du patient. Réformant l'arrêt de la cour d'appel, la House of Lords a considéré que dans cette espèce, le lien causal n'était pas suffisamment établi.

      Ces exemples montrent les hésitations de la jurisprudence, révélatrices de la difficulté de concilier justice d'une part, sécurité juridique de l'autre.

      Section 3. Qu'en penser?

      Nous avons souligné que le droit belge ne comporte aucune définition légale qui serait de nature à réduire le champ des préjudices réparables. Pour qu'un dommage soit réparable, il suffit en règle de démontrer que la victime se trouve dans une situation moins favorable que celle dans laquelle elle se serait trouvée si la faute n'avait pas été commise. Si la victime a été exposée à un risque ou à un risque accru à la suite d'une action ou d'une omission fautive d'un médecin par exemple, il est difficilement contestable qu'il en résulte pour elle un dommage spécifique qui mérite réparation. Dans un système juridique qui ne définit pas le dommage autrement que par une différence de valeurs ex ante et ex post, on ne voit pas ce qui empêcherait une telle extension [54]. Il nous semble inexact de prétendre que, dans l'hypothèse de ce qu'on peut qualifier « d'incertitude causale », le dommage s'étant produit au moment où le juge statue, la chance se situe dans le passé et ne présente donc aucun caractère aléatoire [55]. Le mauvais diagnostic exerce une influence sur le décès d'une personne; faut-il refuser l'indemnisation parce que d'autres causes du décès auraient pu contribuer au dommage? Nous ne le pensons pas.

      Bien évidemment, les chances ne peuvent être prises en compte que si elles sont sérieuses.

      Au niveau du préjudice économique, la détermination d'un pourcentage de chance peut permettre un calcul économique; le juge pourrait être aidé par un expert. Il convient de faire à cet égard le maximum pour objectiver l'aléa, notamment par des méthodes rigoureuses et l'apport d'experts dont la mission est bien précisée à ce sujet [56].

      Il ne faut pas, en tout cas, indemniser si la chance présente un pourcentage inférieur à 50%. Mais bien entendu, le droit ne peut pas toujours se réduire à des chiffres.

      Généralement, en matière de rupture de négociations contractuelles, le dommage est limité aux dépenses encourues à l'occasion de la négociation [57]. La théorie de la perte de chance bien appliquée permettrait de mieux appréhender la perte de profit résultant de la non-conclusion du contrat. Pour justifier le rejet de la prise en compte de cette perte de profit, l'on écrit que le dommage est inexistant puisque la victime de la rupture ne pouvait pas compter sur la conclusion du contrat. En fait, ceci dépend notamment de l'état d'avancement des négociations. Si les négociations ne portaient que sur des points de détail, l'on peut dire que les chances de conclure un contrat profitable étaient sérieuses et une indemnisation devrait être envisagée [58].

      Chapitre III. Private enforcement en matière d'ententes enfreignant le droit de la concurrence [59]

      On sait que depuis l'important arrêt Courage [60], la Cour de justice a énoncé que les victimes des cartels ou ententes altérant la concurrence étaient en droit de réclamer des dommages et intérêts du fait de cette violation du droit de la concurrence. La Commission encourage l'action.

      Le dommage subi par les parties préjudiciées consiste en la différence entre le prix de marché et le prix de cartel comme le montre le graphique ci-dessous [61]. En outre, le nombre de transactions qui s'opèrent en période de concurrence normale, est réduit par la hausse des prix produite par le cartel.

      Pour qu'une indemnisation puisse être obtenue, il faut en premier lieu que la hausse de prix affectant un acheteur ou un client soit due à la violation du droit de la concurrence. Or, les cartellistes vont invoquer toutes sortes de causes possibles, notamment le fait qu'une partie du marché pouvait encore rester concurrentielle en dehors des cartellistes. C'est ici que peut intervenir, en faveur des victimes, la théorie de la perte d'une chance, notamment dans ce qu'elle vise le lien causal. Interviendront aussi les critères de détermination du lien causal lui-même. Certes, la thèse de l'équivalence des conditions sera favorable aux victimes mais des critères plus précis que l'on rencontre dans la théorie de la causalité adéquate pourront utilement être invoqués. En effet, comme l'indique ce tableau, l'augmentation des prix à la suite d'un cartel constitue une conséquence économique assez évidente. L'ordre normal des choses ou la prévisibilité que nous avons épinglés comme critères de causalité pourront donc permettre de mieux appréhender cette question.

      Il est impossible, dans ce rapport succinct, de discuter de manière complète de ce sujet. Nous nous limiterons à deux aspects qui nous paraissent intéressants.

      Epinglons en premier lieu la problématique du « passing on », définie par E. Combe comme étant « la capacité dont dispose la victime directe d'une pratique anti-concurrentielle à reporter sur ses propres clients (dénommés victimes 'indirectes') tout ou partie du surprix qu'elle a elle-même supporté » [62].

      Ainsi, une entreprise fournissant des aliments pour poisson s'est vue victime du cartel des vitamines. Ces vitamines sont incorporées dans les aliments; la hausse du prix des vitamines a-t-elle été incorporée dans le prix de vente des aliments [63]? Le dommage est-il subi par l'entreprise transformatrice ou par le client final?

      Précisons en outre que plusieurs méthodes ont été proposées pour calculer le préjudice découlant de l'entente. Nous ne nous y attarderons pas mais nous croyons quand même utile de dire un mot sur une analyse d'ordre statistique, à savoir l'analyse de la régression qui permet de tenir compte de facteurs extérieurs [64].

      L'analyse de régression est « une technique statistique qui permet d'étudier la nature des relations existant entre des variables économiques et à établir dans quelle mesure une variable d'intérêt donnée [65] (le prix de la [tonne de pommes], par exemple, dans le cas du cartel de la [pomme]) est influencée par l'infraction ainsi que par d'autres variables qui ne sont pas affectées par l'infraction [66] (par exemple, les coûts des matières premières, les fluctuations de la demande, les caractéristiques du produit ou le degré de concentration du marché) » [67].

      Il s'agit donc d'une méthode permettant de déterminer quels facteurs autres que ceux dus à l'infraction, ont influencé la variation de prix pendant la période de cartel, par exemple, la dépréciation monétaire.

      Dès que l'on possède un certain nombre d'informations, il devient possible d'appliquer cette technique pour calculer l'influence exacte du cartel sur l'augmentation des prix.

      Nous constatons ainsi que l'apport de la statistique va permettre d'appréhender des dommages importants de manière plus objective mais ceci montre aussi la nécessité de disposer pour ce genre de litiges, de juges spécialisés et d'experts qualifiés.

      Conclusion

      Nous croyons que les bases de notre régime de responsabilité sont très saines. Cependant, leur mise en oeuvre mérite réflexion.

      Il convient de retourner aux principes généraux d'indemnisation. Le dommage hypothétique n'est pas indemnisable mais une probabilité sérieuse peut faire l'objet d'une indemnisation. Cette probabilité peut aussi bien s'appliquer au lien causal qu'au dommage. Estimer cette probabilité en termes de pourcentages ne fait qu'affiner le calcul du dommage et ne constitue pas, contrairement à ce qui a été écrit, un « succédané du dommage final » [68].

      Quant au lien causal, le droit doit assurer cohérence, prévisibilité et sécurité dans sa définition.

      Admettre sans plus la théorie de l'équivalence des conditions permet de remonter au déluge. Tel n'est certainement pas l'objet d'une juste réparation. Des critères plus logiques comme, par exemple, le critère de la causalité adéquate devraient être retenus dans notre droit.

      Ceci étant, une indemnisation à tous crins n'est certainement pas une bonne chose. Des balises doivent être placées et c'est la raison pour laquelle nous plaidons pour une indemnisation basée sur des règles plus claires, allouée par des juridictions spécialisées dans des domaines complexes.

      [1] Professeur extraordinaire à l'Université Catholique de Louvain, avocat aux barreaux de Bruxelles et de Luxembourg.
      [2] Voy. sur la problématique étudiée, de manière générale: P. Van Ommeslaghe, Droit des obligations, t. II, 2010, Bruylant, pp. 1494 et s.; B. Dubuisson, V. Callewaert, B. De Coninck et G. Gathem, La responsabilité civile. Chronique de jurisprudence (1996-2007), Larcier, 2009, pp. 321 et s.; L. Cornelis, « Ongeschikt voor gevoelige juristen: over de intieme verhouding tussen schade en causaal verband », in Aansprakelijkheidsrecht. Actuele tendensen, Bruxelles, Larcier, 2005; A. Van Oevelen, « Recente vernieuwende cassatierechtspraak inzake schade en schadeloosstelling in het buiten contractueel aansprakelijkheidsrecht », in ibid.; S. Stijns et P. Wéry, Les sources d'obligations extra-contractuelles, Bruxelles, la Charte, 2007; D. De Callataÿ, La responsabilité civile. Chronique de jurisprudence (1996-2007), Le dommage, Bruxelles, Larcier, 2009; H. Bocken, Inleiding tot het schadevergoedingsrecht, Brugge, die Keure, 2011; J.-L. Fagnart, La responsabilité civile. Chronique de jurisprudence (1985-1995), Bruxelles, Larcier, 1997; P. Wéry (ed.), Droit des obligations, développements récents et pistes nouvelles, Liège, Anthémis, 2007; D. Simoens, Buitencontractuele aansprakelijkheid, Anvers, E.Story-Scientia, 1999.
      [3] Voy. sur le préjudice économique, N. Regis, « Le préjudice économique des entreprises », in Bulletin d'informations, Cour de cassation, 1er mai 2013, Communications.
      [4] Voy. également H. Bocken et I. Boone, « Causaliteit in het Belgisch recht », T.P.R., 2002, p. 1625; J.-L. Fagnart, La causalité, Waterloo, Kluwer, 2009, pp. 179 et s.
      [5] Nous n'aborderons pas dans le cadre de ce bref exposé, la théorie de l'alternative légitime. Voy. les exposés des professeurs Bocken en Van Ommeslaghe, La Justice: enjeux et perspectives de demain, Congrès du 18 mars 2003, Anthémis, p. 87, Colloque de l'OVB et d'Avocats.be, pp. 112 et s.
      [6] Cass., 11 octobre 1989, R.G.A.R., 1992, n° 12.007; Cass., 18 juin 1973, Pas., 1973, I, p. 969; Cass., 15 octobre 1973, Pas., 1974, I, p. 162; Cass., 14 octobre 1975, Pas., 1976, I, p. 187; Cass., 19 mars 1976, Pas., I, 1976, p. 806; Cass., 15 février 1978, Pas., 1978, I, p. 694; Cass., 17 juin 1980, R.W., 1980-1981, col. 524; Cass., 8 décembre 1983, Pas., 1984, I, p. 388; Cass., 6 janvier 1993, Dr. circ., p. 166, n° 93/83; R.-O. Dalcq, La notion de causalité en matière de responsabilité aquilienne, 1959, n° 6336; R.-O. Dalcq, « Examen de jurisprudence. La responsabilité délictuelle et quasi-délictuelle (1980-1986) », R.C.J.B., 1988, pp. 391 et s., spéc. p. 415, n° 93; R.-O. Dalcq et F. Glansdorff, o.c., 1974-80, n° 94, R.C.J.B., 1981, pp. 106 et s.; De Page, Traité élémentaire de droit civil, t. II, p. 963, n° 958; D. Philippe et I. De La Serna, « Inédits de droit de la responsabilité III », J.L.M.B., 1990, pp. 300 et s. Voy. H. Bocken, « De conditio sine qua non en het rechtmatig alternatief », in La Justice: enjeux et perspectives, p. 112.
      [7] Voy. B. Dubuisson, « Jurisprudence récente de la Cour de cassation sur la relation causale », J.T., 2010, n° 6417, p. 746; sur la causalité et le dommage, voy. A. Gosseries, « Causalité, dommage et vie préjudiciable », R.G.A.R., 3/2011, p. 14722, spécialement nos 12 et s. et la jurisprudence citée; Cass. (3e ch.), 19 janvier 2009, R.C.J.B., 2/2012, p. 69.
      [8] Voy. P. Van Ommeslaghe, o.c., p. 1558, n° 1093; la théorie fait l'objet de définitions différentes; le professeur Van Ommeslaghe parle des éléments décisifs; nous croyons que ce n'est sans doute pas l'élément le plus pertinent dans la définition. L'auteur discute aussi d'autres théories que nous ne pouvons examiner ici, comme la théorie de la causalité efficicente (p. 1560, n° 1094); voy. aussi sur la distinction entre causalité adéquate basée sur des critières objectifs (orde naturel des choses) et subjectifs (ce que l'auteur de la faute pouvait savoir qu'il entraînerait le dommage): B. Dubuisson et V. Callewaert e.a., o.c., p. 327.
      [9] L.c.
      [10] D. Philippe, « La théorie de la relativité aquilienne », Mélanges R.-O. Dalcq, Bruxelles, Larcier, 1994, pp. 467 et s.
      [11] Voy. aussi pour une approche plus précise de la causalité, I. Durant, Eléments pour une approche diversifiée et évolutive de la causalité dans le droit de la responsabilité civile, Thèse, UCL, 2003.
      [12] D. Philippe, loc. cit.
      [13] Voy. Deakin et Markesinis, Tort law, Oxford, 2012, p. 247.
      [14] Lamb / Camden London Borough Council, arrêt rendu par Lord Denning; 1981, QB, 625, 642; Deakin et Markesinis,o.c., p. 242.
      [15] (1961) AC 388.
      [16] Voy. R.-O. Dalcq, B. Hanotiau et D. Philippe, « Les tendances du droit de la responsabilité », Rev. dr. intern. comp., 1983, p. 31.
      [17] BGHZ, 8, 325, 329; 10, 107, 108; 20, 137, 142, 143. Traduction libre: « Le concept de causalité adéquate ne permet pas à lui seul de rencontrer de manière appropriée le problème de la limitation de responsabilité »; BGH, 7 juin 1968, NJW, 1968, 49, p. 2287.
      [18] Voy. notre article précité, Mélanges R.-O. Dalcq, Bruylant, 1994, p. 258.
      [19] NJW, 1968, p. 2287.
      [20] Pour une étude de la relation entre prévisibilité et risque en matière contractuelle, voy. D. Philippe, Changement de circonstances et bouleversement de l'économie contractuelle, 1986, n° 1.3.3.2.
      [21] Liège, 25 juin 1986, R.G.A.R., 1988, n° 11.370.
      [22] Mons, 4 février 1981, R.G.A.R., 1985, n° 10.907 (dans cet arrêt, la cour considère que la preuve d'un lien de causalité nécessaire n'est pas rapportée).
      [23] Bruxelles, 24 février 1989, R.G.A.R., 1990, n° 11.618, et note F. Glansdorff; Cass., 11 octobre 1989, R.G.A.R., 1992, n° 12.007, et note F. Glansdorff.
      [24] Note citée; l'auteur réfère à Dalcq et Glansdorff, « Examen de jurisprudence. La responsabilité délictuelle et quasi délictuelle », R.C.J.B., 1981, p. 110, n° 97 et 1988, p. 420, n° 99. Dans la note précitée qui suit l'arrêt de la Cour de cassation, l'auteur regrette l'absence de contrôle de fond par la Cour suprême, du caractère nécessaire du lien causal.
      [25] Ces concepts sont d'une manière ou d'une autre, pris en considération; par exemple, la portée de la norme est prise en compte dans l'appréciation du dommage réparable (voy. Cass., 20 février 2001, Pas., 2001, p. 335; Cass., 19 février 2001, (quatre arrêts) Pas., 2001, pp. 327, 329, 332 et 333).
      [26] Voy. B. Dubuisson, « Jurisprudence récente de la Cour de cassation sur la relation causale », J.T., 2010, qui se réfère aux principes de droit européen de responsabilité civile élaborés par le European Group on Tort Law qui retiennent en outre comme critères:

      - le fondement de la responsabilité;

      - l'objectif de protection assigné à la règle qui a été violée.

      Nous croyons que les trois critères énoncés permettent d'aborder le lien causal de manière suffisamment adéquate.

      Voy. aussi pour une critique de la théorie de l'équivalence des conditions, B. Dubuisson, V. Callewaert e.a., o.c., p. 326.
      [27] Voy. Deakins et Markesinis, Tort law, o.c., p. 238.
      [28] Cass., 28 octobre 1942, Pas., 1942, I, p. 261; Cass., 26 septembre 1949, Pas., 1950, I, p. 19; Cass., 2 mai 1955, Pas., 1955, I, p. 950; Cass., 24 mars 1969, Pas., I, p. 655; Cass., 4 septembre 1972, Pas., 1973, I, p. 1; Cass., 17 juin 1975, Pas., 1975, I, p. 999; Cass., 14 mai 2003, R.G.A.R., 2003, p. 13767.
      [29] P. Van Ommeslaghe, o.c., p. 1500.
      [30] P. Van Ommeslaghe, o.c., p. 1507.
      [31] P. Van Ommeslaghe, o.c., p. 1507; voy. Cass., 13 octobre 1993, J.T., 1994, p. 232.
      [32] D. De Callataÿ, o.c., p. 37, P. Van Ommeslaghe, o.c., p. 1508; voy. Civ. Anvers, 15 avril 2002, R.G.D.C., 2004, p. 178.
      [33] Une « probabilité sérieuse » a d'ailleurs été acceptée par le tribunal de police d'Anvers, voy. Pol. Anvers (15e ch.), 17 décembre 2003, C.R.A., 2004, p. 349; notons également que ce terme de certitude judiciaire n'est pas tout à fait approprié, la nature de la certitude n'étant pas différente de celle qui existe en toute autre matière soumise au tribunal. En effet, le juge doit être raisonnablement convaincu de la certitude du dommage, voy. P. Van Ommeslaghe, o.c., p. 1507.
      [34] Voy. Civ. Anvers, 11 mars 2011, cité par B. Weyts et Q. De Raedt, « De verlies van een kans-theorie », in La justice: enjeux et perspectives de demain, pp.76 et s., o.c., p. 75.
      [35] Voy. N. Estienne, La perte d'une chance dans la jurisprudence récente de la Cour de cassation: la procession d' Echternach (trois pas en avant, deux pas en arrière,…); La Justice: enjeux et perspectives de demain, congrès du 18 mars 2003, Anthémis, p. 87, colloque de l'OVB et d'Avocats.be.
      [36] N. Estienne, o.c., p. 107.
      [37] Cass., 19 octobre 1937, Pas., I, 298.
      [38] Pas., p. 548.
      [39] Pas., 2004, p. 527 et concl. avocat général Th. Werquin; J.T., 2005, p. 357, et note N. Estienne.
      [40] B. Dubuisson, « De la légèreté de la faute au poids du hasard; réflexions sur l'évolution du droit de la responsabilité civile », R.G.A.R., 2005, n° 14.009; « La théorie de la perte d'une chance en question: le droit contre l'aléa », J.T., 2007, p. 490 et jurisprudence récente de la Cour de cassation sur la relation causale, J.T., 2010, spécialement p. 750.
      [41] R.G.A.R., 2007, n° 14.296 et notes; voy. aussi 12 mai 2006, J.L.M.B., 2006, p. 1170, commenté par N. Estienne, o.c., p. 97.
      [42] Voy. dans le même sens, Cass., 17 décembre 2009, Pas., 2009, p. 3056; R.G.A.R., 2010, n° 14.633.
      [43] Cass., 15 mars 2010, R.G.A.R., 2010, n° 14.676, et note I. Boone, p. 160.
      [44] R.G.A.R., 2012, n° 14.913.
      [45] Liège (20e ch.), 15 mars 2012, R.G.A.R., 2013, n° 14.953.
      [46] P. Wéry, Droit des obligations, vol. 1, Bruxelles, Larcier, 2010, p. 32; voy. aussi pour une prise en compte de l'espérance de profit en basant la décision sur la confiance légitime, Anvers, 19 mars 2001, R.G.D.C., 2002, p. 120.
      [47] R.v.d.W. 2006, 328 (Nefalit - Karamus).
      [48] Voy. H.R., 24 mars 1981, N.J., 1981, 456; H.R., 23 octobre 1987, N.J., 1988, p. 1017. Voy. K. Rutten, « De positie van de zittende aandeelhouder bij een beursfonds in geval van misleidende financiële verslaggeving », www.wijnenstael.nl, bijdrage voor de bundel Geschriften vanwege de Vereniging Corporate Litigation 2011-2012, Kluwer, 2012, pp. 243 et s. (capture 9 septembre 2013).
      [49] 1re chambre, n° 11-10.935, Dalloz, 2012, 877 et commentaires de P. Jourdain.
      [50] L. Gratton, « Le dommage déduit de la faute », R.T.D. civ., 2012. Cet article montre que certaines violations de droits fondamentaux entraînent nécessairement un dommage. Il s'agit d'une perspective qui n'est pas encore appréhendée par notre Cour suprême. L'on pense par exemple à la violation des droits de la personnalité, de la vie privée ou de la propriété.
      [51] Cass. (1re ch. civ.), 16 janvier 2013 (12-14.439), ECLI:FR:CCASS:2013:C100024.
      [52] (1973) 1 WLR, 1; Deakin et Markesinis, o.c., p. 238.
      [53] 1988, A.C., 1074.
      [54] B. Dubuisson, La théorie de la perte d'une chance…, o.c., n° 8.
      [55] P. Van Ommeslaghe, o.c., 1071, p. 1516.
      [56] M. Nussembaum et C. Karsenti, « Le préjudice de perte de chance en droit français, un préjudice hors norme », Droit et expertise (France), 31 octobre 2012, p. 9. Ces auteurs donnent une série de critères visant à objectiver l'aléa.
      [57] Voy. B. De Coninck, « Le droit commun de la rupture des négociations précontractuelles », in Le processus de formation du contrat. Contributions comparatives et interdisciplinaires à l'harmonisation du droit européen, Bruylant, L.G.D.J., 2002, pp. 17 et s.
      [58] Voy. dans le même sens, P. Wery, Droit des obligations, vol. 1, Bruxelles, Larcier, 2010, p. 32.
      [59] Voy. J. Basedow, S. Francq et L. Idot, International antitrust litigation, Oxford, Hart, 2012; Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à certaines règles régissant les actions en dommages et intérêts en droit interne pour les infractions aux dispositions du droit de la concurrence des Etats membres et de l'Union européenne du 11 juin 201; voy. aussi notre article, « Une sanction civile en matière d'exploitation d'informations privilégiées en bourse? », R.G.A.R., janvier 1982.
      [60] 20 septembre 2001, C 453/99.
      [61] Figure issue du rapport Oxera / Komninos, Quantifying antitrust damages. Towards non-binding guidance for courts, Study prepared for the European Commission, décembre 2009, p. 14.
      [62] E. Combe, I. Simic et F. Rosato, « Une introduction économique - Le 'passing on defence' », Concurrence, n° 4-2011, p. 1, www.concurrences.com/Journal/; I. Simic, « La répercussion des surcoûts - Le passing on defence », Concurrence, 2011, n° 4, www.concurrences.com/Journal; L. Basso et T. Ross, « Measuring the true harm from price-fixing to both direct and indirect purchasers », Journal of industrial economics, 2010, n° 4, p. 895. Pour une indemnisation des victimes directes et indirectes. Voy. Bundesgerichtshof 28 juin 2011, affaire KZR 75/10, Betriebsberater (BB), 2012, 75.
      [63] J. Purdue, (jconnor@purdue.edu), The great global vitamine conspiracies, 1985-99, working paper, 4 septembre 2008.
      [64] R. De Coninck, «Quantifying antitrust damages in civil proceedings: a pragmatic approach», in o.c., p. 60.
      [65] On parle aussi de « variable expliquée » ou de « variable dépendante ».
      [66] On parle aussi de « variable(s) explicative(s) » ou de « variable(s) déterminante(s) ».
      [67] Guide pratique, p. 29.
      [68] Voy. B. Dubuisson, La théorie de la perte d'une chance …, o.c., n° 12.