Cour de cassation 29 juin 2012
Aff.: C.11.0522.F |
Un contrat de placement de jeux de hasard entre la société Unibox Games et l'exploitant d'un café contenait une clause d'exclusivité obligeant l'exploitant à la faire respecter également par un éventuel repreneur de l'établissement. L'exploitant ayant cédé son fonds de commerce à un repreneur, celui-ci avait toutefois contracté avec un autre distributeur des jeux de hasard, la société KTC, qui avait placé ses propres jeux dans l'établissement.
La cour d'appel de Liège avait condamné le cédant pour faute contractuelle (non-respect de la clause) et avait retenu la responsabilité pour tierce complicité à rupture de contrat non seulement dans le chef du repreneur (qui connaissait le contrat avec Unibox) mais également dans le chef de la société KTC qui, selon la cour d'appel, ne pouvait ignorer celui-ci dès lors qu'elle avait placé ses jeux alors que ceux de son concurrent s'y trouvaient encore. La cour d'appel avait précisé qu'il y a faute du tiers “même si ce tiers n'a pas été en contact direct avec le débiteur de la convention violée” en indiquant que la circonstance que le repreneur est lui-même tiers complice n'exclut pas que la société KTC qui conclut avec lui le soit également.
La Cour de cassation casse la condamnation de la société KTC en raison de tierce complicité à rupture de contrat. La Cour constate que cette société n'avait agi qu'avec le repreneur (non lié par un contrat) et non avec le cédant (le cocontractant fautif). La Cour de cassation laisse ainsi entendre que la tierce complicité à rupture de contrat, suppose un lien direct entre le tiers et le cocontractant fautif.
La théorie de la tierce complicité à rupture de contrat n'étant qu'une application de la responsabilité extracontractuelle (art. 1382 du Code civil) l'on peut se demander si une tierce complicité indirecte, comme celle reprochée à la société KTC (en réalité donc la tierce complicité à la tierce complicité à la rupture d'un contrat) ne peut pas être considérée comme fautive au même titre que la tierce complicité 'directe', comme l'a relevé la cour d'appel. Peut-être l'arrêt n'aurait-il pas été cassé si la cour d'appel s'était bornée à qualifier le même comportement de la société KTC comme une faute extracontractuelle, sans évoquer expressément la 'tierce complicité'. Exclure a priori la responsabilité d'un tiers ayant participé à la violation d'un contrat en raison de son lien éloigné ou indirect avec le contrat violé nous semblerait excessif.