Article

Cour d'appel Liège, 12/06/2012, R.D.C.-T.B.H., 2012/9, p. 920-921

Cour d'appel de Liège 12 juin 2012

CONTINUITE DES ENTREPRISES
Réorganisation judiciaire - Dispositions générales - Prorogation du sursis - Appel
La tierce opposition contre une décision de refus de prorogation de sursis, certes ouverte par application du droit commun de Code judiciaire, ne constitue jamais qu'une voie de recours extraordinaire contre la décision rendue en vertu de l'article 38 LCE, et non un mode distinct de celui prévu par la loi qui permettrait à un tiers d'introduire une demande de prorogation du sursis, la disposition visée n'ouvrant le droit de l'initier qu'au débiteur.
Le jugement a quo a été rendu en vertu de l'article 38 LCE et n'est pas davantage susceptible d'appel.
CONTINUITEIT VAN DE ONDERNEMINGEN
Gerechtelijke reorganisatie - Algemene bepalingen - Verlenging van de opschorting - Hoger beroep
Tegen een beslissing waarbij de verlenging van de opschorting geweigerd wordt, kan derdenverzet worden ingesteld op grond van het gemeen procesrecht uit het Gerechtelijk Wetboek. Dit rechtsmiddel is slechts een buitengewoon rechtsmiddel tegen de beslissing genomen op grond van artikel 38 WCO en geen afzonderlijke mogelijkheid waardoor een derde het recht heeft om een verlenging van de opschortingstermijn te vragen. Deze mogelijkheid is immers enkel voorbehouden aan de schuldenaar zelf.
Tegen het vonnis op derdenverzet gewezen op grond van artikel 38 WCO kan geen hoger beroep worden ingesteld.

B.L. et M.S. / Select Home SA

Siég: A. Jacquemin, X. Ghuysen et T. Piraprez (conseillers)
Pl.: Mes L. Boelpaepe loco D. Verday

Après en avoir délibéré:

Vu la requête déposée le 29 février 2012 par laquelle B.L. et M.S. (ci-après les consorts L.-S.) interjettent appel d'un jugement rendu par le tribunal de commerce de Marche-en-Famenne en date du 16 février 2012.

Vu les conclusions et dossier des appelants.

Antécédents et objet de l'appel

L'objet du litige et les circonstances de la cause ont été correctement et avec précision relatés par les premiers juges, à l'exposé desquels la cour se réfère.

Il suffit de rappeler que la SA Select Home (ci-après Select Home) dépose le 25 août 2011 une requête en réorganisation judiciaire, à laquelle le tribunal de commerce de Marche-en-Famenne fait droit en ordonnant l'ouverture de la procédure par décision du 15 septembre 2011, l'échéance du sursis étant fixée au 8 décembre 2011.

Le 8 novembre 2011, Select Home dépose une requête en prorogation du sursis pour une période de 6 mois, laquelle demande est rejetée par jugement du 8 décembre 2011.

Le 13 décembre 2011, B.L. et M.S. forment respectivement tierce opposition au jugement précité, aux fins d'“annuler la décision du 8 décembre 2011 (...) et (de) proroger de 6 mois la période de sursis accordée à la SA Select Home (...)”.

La première invoque à l'appui de ce recours sa qualité d'employée “engagée comme comptable depuis le 1 juin 2000” et fait valoir que, “à titre personnel, cette situation l'a empêchée d'obtenir le paiement de sa rémunération mensuelle qui accure un arriéré de ± 6.000 EUR nets au 30 novembre 2011, alors qu'elle est mère de famille (...). La perte de sa rénumération et de son emploi constituerait une catastrophe économique pour la famille”.

M.S., quant à lui, justifie en terme de citation la recevabilité de sa tierce opposition, en invoquant “un intérêt personnel (à savoir que) le refus de la prorogation de la procédure de réorganisation judiciaire de la SA Select Home est de nature à causer un préjudice au requérant de par la réalisation du patrimoine immobilier de la SA Select Home” - dont un immeuble qu'il occupe à titre personnel - “dans le cadre d'une procédure de saisie-exécution avec résultat insuffisant pour payer la dette à l'égard de l'ASBL Partena à concurrente de ± 110.000 EUR (...) et d'autre part, par le risque de perdre la seule source de revenus qui lui permet de diminuer le compte courant dont il est redevable l'égard de la SA Select Home”.

Après avoir joint les deux causes et constaté que l'entreprise connaît des difficultés parce qu'elle est lourdement endettée et “que la loi ne peut avoir pour effet de maintenir sous perfusion, par l'effet d'un crédit factice (en l'espèce et entre autres le non-paiement de l'ONSS depuis plus de six mois) une société en état virtuel de faillite et qui ne parvient pas, dans un délai raisonnable à atteindre les objectifs visés par celle-ci”, les premiers juges déclarent les tierces oppositions recevables, mais non fondées, estimant notamment que “la question posée par la procédure des demandeurs est celle de la primauté de l'intérêt particulier sur l'intérêt collectif (...) (et qu'il) ne faut pas pour cet intérêt particulier, mettre en péril l'intérêt de tous les créanciers de l'entreprise”.

Les consorts L.-S. poursuivent la réformation de la décision entreprise, soutenant, en ce qui concerne la recevabilité de leur appel qu'“il résulte des articles 5, 2ème alinéa et 7 de la LCE que le législateur a fait choix du droit commun (art. 2 C.jud.), en l'occurrence les dispositions du Code judiciaire, que ce soit en matière de recours comme dans d'autres domaines, sauf lorsqu'il a estimé y déroger de manière expresse (...) La disposition du § 3 de l'article 38 LCE interdisant l'opposition ou l'appel ne concerne que la décision rendue en vertu de l'article 38 'sur requête du débiteur' (leurs conclusions d'appel, p. 3).

Discussion

Pour rappel, l'article 2, o) LCE définit le sursis comme “un moratoire accordé par le tribunal au débiteur en vue de réaliser un des objectifs visés à l'article 16”, à savoir la conclusion d'un accord amiable, l'obtention d'un accord collectif, ce qui est le cas en l'espèce, ou le transfert d'entreprise sous autorité de justice.

Lorsqu'il déclare ouverte la procédure de réorganisation judiciaire, le tribunal de commerce fixe la durée du sursis, qui ne peut être supérieure à six mois; “la période des 6 mois du sursis peut dans certains cas sembler être trop courte ou trop longue (...) La période peut être prolongée suivant une procédure simplifiée mais le ou les prolongements accordé(s) ne peu(ven)t pas au total dépasser les 12 mois, de telle manière qu'à la fin un total de 18 mois peut être atteint dans des cas exceptionnels” (Doc.parl. Ch. repr. 2007-08, n° 0160/002, p. 64).

L'article 38 LCE, en son § 1er, prévoit la possibilité pour le tribunal de proroger le sursis ainsi octroyé, “sur requête du débiteur et sur le rapport du juge délégué...”

Le même article stipule, en son § 3, que “Les décisions rendues en vertu du présent article ne sont susceptibles ni d'opposition ni d'appel”. Cette disposition a notamment pour objectif d'éviter les difficultés liées à l'éventuelle réformation de la décision. La loi ne vise pas expressément l'exclusion de la tierce opposition. Il s'en déduit que la tierce opposition reste possible à défaut d'avoir été exclue (A. Zenner, J. Lebeau et C. Alter, La loi relative à la continuité des entreprises à l'épreuve de sa première pratique, Larcier, 2010, p. 73; I. Verougstraete, Manuel de la continuité des entreprises et de la faillite, p. 151).

Si, en l'espèce, les consorts L.-S. ont usé de cette voie de recours contre la décision ayant refusé la demande originaire de prorogation du sursis introduite par Select Home, la voie de rappel ne leur est toutefois pas légalement ouverte, l'article 38, § 3 l'excluant expressément.

En effet, le jugement rendu sur tierce opposition ne saurait se voir appliquer un régime distinct de celui applicable à la décision attaquée par cette tierce opposition: “La tierce opposition est la voie de recours extraordinaire qui permet à celui qui n'était pas partie ou n'était pas représenté à une décision qui préjudicie à ses droits de faire rétracter celle-ci” (voy. A. Fettweis, Manuel de procédure civile, Fac. dr. Liège, 1987, p. 566, n° 884; A. Le Paige, “Les voies de recours”, Précis de droit judiciaire, T. IV, Bruxelles, Larcier, 1973, p. 137, n° 161).

En l'espèce, la tierce opposition, certes ouverte par application du droit commun du Code judiciaire, à défaut d'avoir été expressément exclue par les dispositions de la LCE, ne constitue jamais qu'une voie de recours extraordinaire contre la décision rendue en vertu de l'article 38 LCE, et non un mode distinct de celui prévu par la loi qui permettrait à un tiers d'introduire une demande de prorogation du sursis, la disposition visée n'ouvrant le droit de l'initier qu'au débiteur.

Dans le cadre de la procédure de tierce opposition formée par les appelants, les premiers juges ont nécessairement procédé au réexamen de la demande visée à la requête en prorogation du sursis initialement déposée par le débiteur, soit Select Home.

Le jugement a quo a, dès lors, été rendu en vertu de l'article 38 LCE et n'est pas davantage susceptible d'appel que la première décision du 8 décembre 2011, objet des tierces oppositions formées par les consorts L.-S.

L'appel est dès lors irrecevable et la cour est sans saisine pour examiner tant la recevabilité des tierces oppositions respectives au regard de l'article 1122, 3ème alinéa du Code judiciaire que leur fondement.

Par ces motifs,

LA COUR,

Statuant contradictoirement,

Vu l'article 24 de la loi du 15 juin 1935 sur l'emploi des langues en matière judiciaire,

Après avoir entendu en son avis madame L. Kerzmann, substitut du procureur du Roi à Namur, déléguée pour exercer toutes les missions du ministère public avec effet au 9 janvier 2012 et pour une durée indéterminée par ordonnance de monsieur le procureur général du 6 janvier 2012,

Déclare rappel irrecevable,

Délaisse aux appelants leurs dépens d'appel.

(…)


Note / Noot

Zie artikel van Melissa Vanmeenen in dit nummer p. 853.