Article

Chronique de jurisprudence – Droit pénal des affaires (2010-2011), R.D.C.-T.B.H., 2012/8, p. 751-792

Chronique de jurisprudence - Droit pénal des affaires [1] (2010-2011)

Emmanuel Roger France [2]

TABLE DES MATIERES

I. Généralités (par ordre alphabétique) 1. Application de la loi dans le temps

2. Causes de justification - Elément moral

3. Confiscation spéciale Confiscation spéciale obligatoire (objet de l'infraction)

Confiscation spéciale facultative (avantages patrimoniaux)

4. Droits de la défense

5. Interdictions professionnelles

6. Légalité

7. Non bis in idem

8. Participation

9. Personnes morales (responsabilité pénale) Imputabilité

Elément moral

Décumul

Cumul

Mandataire ad hoc

Dissolution postérieure au début des poursuites

Personne morale en faillite

10. Preuve

11. Saisies

12. Solidarité

II. Infractions au Code pénal (par article) 1. Faux en écriture (art. 193 et s.) Altération de la vérité

Ecrits protégés

Préjudice possible

Intention frauduleuse

Usage de faux

Caractère instantané de l'infraction

Prescription

Compétence territoriale

Droits de la défense

2. Faux informatique (art. 210bis)

3. Prise d'intérêt (art. 245)

4. Association de malfaiteurs (art. 322)

5. Secret professionnel (art. 458)

6. Informations obtenues en consultant un dossier répressif (art. 460ter)

7. Infractions liées à l'état de faillite (art. 489 et s.)

8. Organisation frauduleuse d'insolvabilité (art. 490bis)

9. Abus de confiance (art. 491) Objet de l'infraction

Détournement ou dissipation

Elément moral

Caractère instantané

Compétence territoriale

10. Abus de biens sociaux (art. 492bis)

11. Escroquerie (art. 496)

12. Tromperie (art. 498)

13. Fraude informatique (art. 504quater)

14. Recel (art. 505, 1er al., 1°)

15. Blanchiment (art. 505, 1er al., 2° à 4°) Eléments matériels

Elément moral

Confiscation spéciale

Non bis in idem

Loi du 11 janvier 1993

16. Hacking (art. 550bis)

17. Sabotage (art. 550ter)

III. Infractions aux lois particulières (par ordre alphabétique) 1. Chèque sans provision

2. Délit d'initié

3. Droits d'auteur

4. Droit pénal de la consommation

5. Faux bilans

6. Infractions comptables

7. Infractions fiscales Faux et usage de faux fiscal

Sociétés de liquidités

Confiscation

Prescription

Partie civile

Dénonciation

8. Internet

9. Jeux de hasard

10. Manipulation de cours

11. Pratiques du commerce

12. Protection de la vie privée

13. Société de l'information

14. Ventes publiques

I. Algemeen (alfabetisch) 1. Toepassing van de wet in de tijd

2. Rechtvaardigingsgronden - Moreel element

3. Bijzondere verbeurdverklaring Verplichte bijzondere verbeurdverklaring (oorzaak van het misdrijf)

Facultatieve bijzondere verbeurdverklaring (vermogensvoordelen)

4. Recht van verdediging

5. Beroepsverbod

6. Wettelijkheid

7. Non bis in idem

8. Deelneming

9. Rechtspersonen (strafrechtelijke verantwoordelijkheid) Tenlastelegging

Moreel element

Decumul

Cumul

Voorlopige bewindvoerder

Ontbinding na aanvang van de vervolging

Rechtspersoon in faling

10. Bewijs

11. Inbeslagnames

12. Hoofdelijkheid

II. Misdrijven omschreven in het Strafwetboek (per artikel) 1. Valsheid in geschrifte (art. 193 e.v.) Vermomming van de waarheid

Beschermd geschrift

Mogelijke schade

Bedrieglijk opzet

Gebruik van valsheid

Het ogenblikkelijk karakter van het misdrijf

Verjaring

Territoriale bevoegdheid

Recht van verdediging

2. Valsheid in informatica (art. 210bis)

3. Belangenneming (art. 245)

4. Bendevorming (art. 322)

5. Beroepsgeheim (art. 458)

6. Informatie bekomen door het raadplegen van een strafdossier (art. 460ter)

7. Misdrijven in verband met faillissement (art. 489 e.v.)

8. Bedrieglijk onvermogen (art. 490bis)

9. Misbruik van vertrouwen (art. 491) Voorwerp van het misbedrijf

Ontduiking of verkwisting

Moreel element

Het ogenblikkelijk karakter

Territoriale bevoegdheid

10. Misbruik van vennootschapsgoederen (art. 492bis)

11. Oplichting (art. 496)

12. Bedrog (art. 498)

13. Informaticafraude (art. 504quater)

14. Heling (art. 505, 1ste lid, 1°)

15. Witwassen (art. 505, 1ste lid, 2° tot 4°) Materieel element

Moreel element

Bijzondere verbeurdverklaring

Non bis in idem

Wet van 11 januari 1993

16. Hacking (art. 550bis)

17. Sabotage (art. 550ter)

III. Misdrijven omschreven in bijzondere wetten (alfabetisch) 1. Cheque zonder dekking

2. Misbruik van voorkennis

3. Auteursrecht

4. Strafrechtelijk consumentenrecht

5. Valse jaarrekeningen

6. Boekhoudkundige misdrijven

7. Fiscale misdrijven Valsheid en fiscale valsheid

Kasgeldvennootschappen

Verbeurdverklaring

Verjaring

Burgerlijke partij

Aangifte

8. Internet

9. Kansspelen

10. Koersmanipulatie

11. Handelspraktijken

12. Bescherming van het privéleven

13. Informatiemaatschappij

14. Openbare verkopen

I. Généralités (par ordre alphabétique)
1. Application de la loi dans le temps

Conformément à l'article 2, 2ème alinéa du Code pénal, si la peine établie au temps du jugement diffère de celle qui était portée au temps de l'infraction, la peine la moins forte sera appliquée.

La question de l'application de cet article s'est posée dans le cas où il y a eu des modifications intermédiaires de la loi, intervenues entre les moments repris comme seuls critères de référence par cet article, à savoir celui de la commission des faits, d'une part, et celui du jugement d'autre part. Cet article reste-t-il d'application lorsque les faits étaient, au moment de leur commission, réprimés par une peine qui, par après, a fait l'objet d'une annulation résultant d'arrêts prononcés par la Cour constitutionnelle, pour ensuite, faire l'objet d'une nouvelle loi édictant une peine plus favorable?

En réponse à cette question, la Cour de cassation a jugé que la rétroactivité de la deuxième loi, plus favorable, “n'est pas mise en échec par la circonstance qu'après l'infraction et avant son jugement, l'inconstitutionnalité partielle de la peine ancienne a entraîné une impunité momentanée de l'auteur” [3].

Ce faisant, elle n'a pas suivi l'avis de l'avocat général qui, dans ses conclusions précédant l'arrêt, avait défendu le point de vue selon lequel il est difficile de justifier légalement l'application de la nouvelle peine par son caractère plus favorable que celui d'une disposition antérieure, certes concomitante à la commission des faits, dans la mesure où elle avait entre-temps été annulée 'erga omnes' par les arrêts de la Cour constitutionnelle. Selon lui, une sanction annulée par arrêt de la Cour constitutionnelle, donc dépourvue d'effet, ne pouvait plus être considérée comme un référant valable dans l'appréciation du caractère plus favorable ou non d'une sanction pénale édictée ultérieurement, relevant qu'il s'était bien trouvé en l'espèce une période où la loi qui était applicable aux faits se trouvait dépourvue de toute sanction pénale en raison de l'annulation 'constitutionnelle' de la sanction.

On notera également dans ce cadre une décision rendue par le tribunal correctionnel de Bruges, qui a jugé pour sa part que lorsqu'une disposition pénale est supprimée pour, par la suite, être réintroduite, les faits qui faisaient l'objet de cette disposition pénale mais qui se sont produits dans l'intervalle, à savoir entre le moment de la suppression et celui de la réinsertion de cette disposition pénale, ne sont pas punissables [4].

2. Causes de justification - Elément moral

L'erreur de droit ou l'ignorance du droit ne constitue une cause de justification que lorsqu'elle est invincible. A cet égard, rappelle la cour d'appel de Liège, “la complexité du droit ne peut, à elle seule, être invoquée au titre de cause de justification” [5].

Par ailleurs, l'argumentation selon laquelle le respect de la réglementation ne serait pas 'financièrement tenable pour l'entreprise ou pèserait trop sur cette dernière' ne peut être retenue, en principe, comme constituant un état de nécessité. Il ne peut être question d'état de nécessité comme cause de justification valable pour le non-respect de la loi que si le prévenu démontre qu'il se trouve dans une situation tellement exceptionnelle qu'une situation s'est créée en vertu de laquelle le respect de la norme pénale mènerait à des conséquences que le législateur n'a pas voulues [6].

3. Confiscation spéciale

Cf. également à ce sujet infra: Saisies - Blanchiment

Confiscation spéciale obligatoire (objet de l'infraction)

Conformément à l'article 42, 1° du Code pénal, la confiscation spéciale s'applique aux choses formant l'objet d'une infraction et à celles qui ont servi ou qui ont été destinées à la commettre, 'quand la propriété en appartient au condamné'.

Toutefois, certaines dispositions légales dérogent à cette condition de propriété, en disposant que la confiscation spéciale prévue à l'article 42, 1° est appliquée au coupable de l'infraction même lorsque la propriété des choses sur lesquelles elle porte n'appartient pas au condamné. Il en va ainsi, notamment, de l'article 17, 3ème alinéa de la loi du 30 avril 1999 relative à l'occupation de travailleurs étrangers [7].

Confiscation spéciale facultative (avantages patrimoniaux)

Il résulte de l'article 42, 3° du Code pénal qu'en plus des avantages patrimoniaux qui sont tirés 'directement' d'une infraction, à savoir les avantages patrimoniaux primaires, peuvent également être confisqués 'les biens et valeurs qui sont substitués' à ces avantages patrimoniaux primaires, à savoir les biens de remplacement et les 'revenus de ces avantages investis', qui résultent des avantages patrimoniaux primaires ou des biens de remplacement.

La Cour de cassation a précisé que “ces deux dernières catégories concernent aussi des avantages tirés d'une infraction, fût-ce indirectement à la suite de certaines opérations de l'auteur qui donnent naissance directement à ces avantages” [8].

Il s'agissait, en l'espèce, de loyers perçus indirectement en raison d'infractions urbanistiques déclarées établies (construction d'habitation sans permis préalable). La Cour relève dans ce cadre que la notion 'directement' figurant à l'article 42, 3° du Code pénal ne vise pas une limitation de la confiscation aux avantages tirés sans aucun intermédiaire d'une infraction, mais bien les avantages patrimoniaux primaires en tant qu'un des avantages patrimoniaux, parmi d'autres, susceptibles de faire l'objet d'une confiscation. Par conséquent, la mesure de confiscation visée à l'article 42, 3° du Code pénal peut s'appliquer à tous les avantages patrimoniaux 'tirés directement ou indirectement' de l'infraction.

Elle poursuit en soulignant qu'“un avantage patrimonial est tiré d'une infraction s'il existe un lien de causalité entre cette infraction et l'avantage patrimonial. Un lien de causalité éventuellement direct entre l'avantage patrimonial et une opération ultérieure ne fait pas disparaître le lien de causalité entre cet avantage patrimonial et l'infraction commise antérieurement” [9].

Il a été également rappelé que l'article 43bis du Code pénal dispose que la confiscation spéciale s'appliquant aux choses visées à l'article 42, 3° pourra toujours être prononcée par le juge, mais uniquement dans la mesure où elle a été requise 'par écrit' par le procureur du Roi. Dans une affaire où un prévenu invoquait la violation de ces articles en raison du fait que la confiscation qui lui avait été infligée avait été requise uniquement oralement et non par écrit, la Cour de cassation a jugé que les réquisitions écrites tendant à la confiscation ne peuvent être jointes à la procédure que préalablement au jugement ou à l'arrêt, de telle sorte que le prévenu peut en prendre connaissance et leur opposer sa défense. Toutefois, souligne la Cour, “un réquisitoire oral dont le contenu est régulièrement constaté dans le procès-verbal d'audience peut suffire à permettre à un prévenu de faire valoir ses droits de la défense”. En l'espèce, la Cour a constaté qu'il ressortait des pièces du dossier qu'à l'audience de la cour d'appel, le ministère public avait requis, en présence du prévenu et de son conseil, la confiscation d'un bien immobilier sur base de l'article 42, 3° du Code pénal, et que ce réquisitoire était acté dans le procès-verbal de cette audience, sans que le demandeur n'ait requis un sursis pour répondre à ce réquisitoire. Par conséquent, la Cour a estimé que les juges d'appel avaient pu légalement prononcer la confiscation du bien immobilier en vertu de l'article 42, 3° du Code pénal [10].

Par ailleurs, le juge répressif apprécie souverainement en fait si un avantage patrimonial sur lequel porte la confiscation spéciale a été tiré d'une infraction. Dans ce cadre, pour déterminer ce profit, le juge n'est pas tenu de prendre en compte le 'montant net', mais il peut prendre en considération le 'montant brut' [11].

Lors de l'estimation de l'avantage patrimonial, il n'y a pas lieu de tenir compte des coûts qui sont liés à la réalisation d'une infraction [12]. Toutefois, comme l'a également rappelé la Cour de cassation, “le montant de la confiscation spéciale ne peut excéder celui faisant l'objet de la prévention à laquelle la peine est attachée” [13].

Les fonds obtenus par les déductions opérées grâce à des factures fictives constituent des avantages patrimoniaux qui peuvent dès lors être confisqués par équivalent [14], en application des articles 42, 3° et 43bis du Code pénal. En l'espèce, la circonstance invoquée par le prévenu, que la société elle-même n'a pas été poursuivie, n'enlève pas à la confiscation critiquée le fondement légal sur lequel elle prend appui. Ceci étant, d'autre part, le prévenu faisait également valoir qu'en application des articles 42, 3° et 43bis, 2ème alinéa du Code pénal, la confiscation ordonnée par équivalent ne pouvait porter que sur une 'somme d'argent', or l'arrêt de la cour d'appel avait ordonné la confiscation par équivalent 'des actions de la société'. Ce moyen a été jugé fondé [15].

Si la loi prévoit la possibilité de confisquer les avantages patrimoniaux tirés de l'infraction, elle ne détermine pas dans quelle mesure, en cas de pluralité d'auteurs, cette peine doit être prononcée à l'égard de chacun des prévenus lorsque ceux-ci ont retiré ensemble de l'infraction des avantages patrimoniaux qui, sous la forme de choses fongibles, se sont fondus dans leurs patrimoines. A cet égard, la Cour de cassation a jugé que ni l'article 50 du Code pénal ni aucune autre disposition légale n'autorisent le juge à condamner solidairement plusieurs personnes à une même peine, fût-elle accessoire. Par conséquent, l'arrêt qui prononce la confiscation solidaire des avantages patrimoniaux tirés de l'infraction à charge de deux prévenus méconnaît le principe du caractère personnel de la peine et n'est pas justifié en droit [16].

Enfin, la cour d'appel de Bruxelles a précisé que la confiscation d'un immeuble exploité par un marchand de sommeil peut faire l'objet d'un sursis. Il en est de même de la confiscation par équivalent des profits tirés de l'infraction [17].

4. Droits de la défense

Lorsque la prévention qui est reprise dans l'ordonnance de renvoi et dans la citation ne mentionne aucun fait concret, sans que le dossier répressif rende possible de déterminer avec suffisamment de certitude le ou les faits poursuivis, les poursuites sont irrecevables, tant en raison d'une violation du droit de la défense qu'en raison de l'impossibilité pour le juge de déterminer sa saisine.

En l'espèce, les préventions au réquisitoire évoquaient des faits relevant d'infractions de prise d'intérêt, de corruption et de droit pénal fiscal, sans mentionner de quels dossiers fiscaux il s'agissait précisément, alors que le dossier répressif faisait état de dizaines de dossiers fiscaux, tant en matière d'imposition directe qu'en matière de TVA, qui portaient sur différentes personnes, et qui s'étendaient sur une période d'environ 15 ans.

Dans ces conditions, la cour d'appel d'Anvers a estimé qu'il était impossible de déterminer avec précision et de manière certaine quels étaient les dossiers fiscaux qui formaient précisément l'objet des poursuites, en relevant que, dans ce dossier répressif, on retrouvait une quantité de faits qui pourraient éventuellement tomber dans le champ d'application de la description abstraite de la prévention, mais qu'il n'appartenait pas à la défense, ni au juge, de 'distiller' de cette quantité de faits, le fait ou les faits spécifiquement mis à charge du prévenu.

Elle a également précisé à cette occasion que le seul fait que le prévenu ait tout de même tenté de se défendre en ce qui concerne les faits qui, d'après lui, faisaient l'objet de poursuites, ne changeait rien à ce qui précède [18].

Enfin on notera la décision rendue par la cour d'appel de Gand dans l'affaire dite 'Lernout & Hauspie' [19], déclarant les poursuites irrecevables à l'encontre de certains des prévenus en raison d'une violation de leurs droits de la défense provoqué par la tardiveté de leur inculpation en application de l'article 61bis C.I.cr. L'instruction pénale avait, en l'espèce, commencé en décembre 2000 et les prévenus en question, qui avaient été entendus à plusieurs reprises, n'avaient été inculpés qu'en mars 2006, soit quelques mois seulement avant la fin de l'instruction. Selon la cour, pareille inculpation est 'manifestement tardive', compte tenu notamment du fait qu'en l'espèce le ministère public devait avoir suffisamment eu connaissance d'indices sérieux de culpabilité depuis au moins 2003. Elle juge que les prévenus étaient dans l'impossibilité d'assurer comme il se doit leur défense dans le temps restant imparti pour pouvoir demander des devoirs complémentaires d'instruction, compte tenu du volume du dossier répressif, de la complexité de l'affaire, des nombreuses questions juridiques, financières et comptables extrêmement techniques, de l'ampleur et du caractère compliqué des rapports d'expert, des aspects internationaux et des très lourdes conséquences possibles sur le plan civil en cas de condamnation pénale.

5. Interdictions professionnelles

Un prévenu, poursuivi pour tromperie dans le cadre d'un contrat de louage d'ouvrage (délit réprimé par l'art. 499, 2ème al. C.pén.) avait notamment été condamné à une interdiction professionnelle de cinq ans, sur pied de l'article 1er, f) de l'arrêté royal n° 22 du 24 octobre 1934 relatif à l'interdiction judiciaire faite à certains condamnés et aux faillis d'exercer certaines fonctions, professions ou activités.

Saisie du pourvoi du prévenu contestant cette peine, la Cour de cassation a tout d'abord confirmé qu'en application de l'article 1er, f) de l'arrêté royal n° 22 du 24 octobre 1934, le juge “peut assortir la condamnation d'une personne, en tant qu'auteur ou complice d'une infraction de vol, extorsion, détournement ou abus de confiance, escroquerie, recel ou toute autre opération relative à des choses tirées d'une infraction ou corruption privée, de l'interdiction d'exercer les fonctions visées à l'article 1er dudit arrêté”. Toutefois, constate la Cour, “l'infraction prévue à l'article 499 du Code pénal ne fait partie ni des infractions énoncées dans l'article 1er, f) de l'arrêté royal n° 22 du 24 octobre 1934 (…) ni des autres infractions citées dans les autres alinéas de cette disposition”. Par conséquent, l'arrêt, en tant qu'il imposait une interdiction professionnelle au prévenu, a été cassé [20].

De son côté, la Cour constitutionnelle a été saisie de questions préjudicielles portant sur les articles 3 et 10 de la loi du 27 mars 1995 relative à l'intermédiation en assurance et en réassurance et à la distribution d'assurance, portant “interdiction, pour une personne condamnée notamment du chef de faux et usage de faux, d'assumer des fonctions dirigeantes au sein d'une société intermédiaire d'assurance”.

La Cour constitutionnelle relève tout d'abord que la loi du 27 mars 1995 réglemente la profession d'intermédiaire d'assurance afin d'assurer au consommateur une protection maximale et de garantir une concurrence honnête. Pour atteindre cet objectif, la loi n'autorise pas l'exercice des activités professionnelles qu'elle règle à ceux qui se trouvent dans un des cas définis par les articles 1er à 3 et 3bis, § 1er et 3 de l'arrêté royal n° 22 du 24 octobre 1934, ou ayant fait l'objet de l'une des condamnations pénales visées à l'article 90, § 2, 2ème alinéa de la loi du 9 juillet 1975 relative au contrôle des entreprises d'assurance, qui sont tenus pour indignes de confiance pour l'exercice de certaines activités commerciales.

La Cour constitutionnelle considère que “le législateur a ainsi conçu la relation entre l'assuré et l'intermédiaire d'assurances comme une relation de confiance: dès lors que cette confiance peut être affectée par des éléments qui ne sont pas nécessairement liés à la seule activité professionnelle de l'intermédiaire, le législateur peut, pour définir les conditions d'exercice de celle-ci et la compétence de la CBFA, s'abstenir de distinguer suivant que les faits pouvant remettre en cause cette relation de confiance sont en rapport ou non avec cette activité. La condamnation étant, elle aussi, de nature à affecter la relation de confiance devant exister entre les parties, le législateur a pu considérer qu'il n'y avait pas lieu de distinguer suivant que cette condamnation était grave ou légère ou qu'elle était ancienne ou récente”.

Ceci étant, la Cour constitutionnelle estime par ailleurs que ces articles 3 et 10 de la loi du 27 mars 1995 violent les articles 10, 11 et 23 de la Constitution, lorsqu'ils sont lus en combinaison avec la liberté du commerce et de l'industrie, “en ce qu'ils ne permettent pas de limiter dans le temps l'interdiction formulée à l'article 10, 1er alinéa, 3° de la loi du 27 mars 1995”.

En effet, elle considère que l'article 23 de la Constitution, qui inclut le droit au libre choix d'une qualité professionnelle parmi les droits économiques, sociaux et culturels, prévoit qu'il appartient au législateur compétent de déterminer les conditions d'exercice de ces droits. Le législateur compétent “peut donc imposer des limites au libre choix de l'activité professionnelle. Ces restrictions ne seraient inconstitutionnelles que si le législateur les introduisait sans nécessité ou si ces restrictions avaient des effets manifestement disproportionnés au but poursuivi”.

Or, en l'espèce, la Cour juge que “les dispositions en cause limitent le droit au libre choix d'une activité professionnelle et établissent une restriction grave à la liberté du commerce et de l'industrie en ce qu'elles concernent ceux qui, faute de satisfaire aux conditions qu'elle prévoient, ne peuvent être inscrits au registre prévu à l'article 10 de la loi du 27 mars 1995 ou ceux qui, n'y satisfaisant plus, en sont radiés”. Relevant que les interdictions professionnelles visées à l'article 10, 1er alinéa, 3° ont un effet automatique sur la décision de la CBFA, qui ne dispose à cet égard d'aucun pouvoir d'appréciation, une telle mesure porte atteinte manifestement disproportionnée aux libertés visées par l'article 23 de la Constitution et à la liberté du commerce et de l'industrie en ce que l'interdiction en cause a une durée illimitée.

Elle conclut qu'“il peut être admis que le législateur, dans le souci de garantir la relation de confiance (…) entre l'assuré et l'intermédiaire d'assurances, confère à cette interdiction un caractère automatique, en ne permettant pas à la CBFA de tenir compte de la mesure dans laquelle les faits qui sont à l'origine de la condamnation ayant entraîné l'interdiction professionnelle sont de nature à mettre en cause cette relation de confiance. Il est cependant d'une rigueur manifestement disproportionnée par rapport à cet objectif, compte tenu des effets des interdictions en cause sur les chances de réinsertion sociale de celui qui en fait l'objet, de ne pas limiter la durée de ces interdictions en fonction du risque particulier d'affecter la relation de confiance avec l'assuré” [21].

6. Légalité

Le principe de légalité en matière pénale procède de l'idée que la loi pénale doit être formulée en des termes qui permettent à chacun de savoir, au moment où il adopte un comportement, si celui-ci est ou non punissable.

Il exige que le législateur indique, en des termes suffisamment précis, clairs et offrant la sécurité juridique, quels faits sont sanctionnés, afin, d'une part, que celui qui adopte un comportement puisse évaluer préalablement, de manière satisfaisante, quelle sera la conséquence pénale de ce comportement et afin, d'autre part, que ne soit pas laissé au juge un trop grand pouvoir d'appréciation.

Toutefois, le principe de légalité en matière pénale n'empêche pas que la loi attribue un pouvoir d'appréciation au juge. Il faut en effet tenir compte du caractère général des lois, la diversité des situations auxquelles elle s'applique et de l'évolution des comportements qu'elle réprime.

La condition qu'une infraction doit être clairement définie par la loi se trouve remplie lorsque le justiciable peut savoir, à partir du libellé de la disposition pertinente et, au besoin, à l'aide de son interprétation par les juridictions, quels actes et omissions engagent sa responsabilité pénale [22].

7. Non bis in idem

La Cour de cassation a rappelé que le principe général du droit 'non bis in idem' n'est pas violé lorsque les faits constitutifs de deux infractions ne sont pas les mêmes en raison du fait que l'élément moral incriminé diffère d'un délit à l'autre [23].

Cette décision a été rendue dans une affaire où il y avait eu application de l'article 154, 1er alinéa, 1° de l'arrêté royal du 25 novembre 1991, qui sanctionne par l'exclusion temporaire du bénéfice des allocations, le fait pour un chômeur de ne pas avoir biffé sa carte de pointage avant le début d'une activité professionnelle. Les peines d'emprisonnement et d'amende prévues par l'article 175, 1er alinéa, 3° du même arrêté sont applicables au chômeur qui, visé notamment à l'article 154 précité, a agi en outre 'avec une intention frauduleuse'.

La Cour, constatant que le fait visé par la seconde sanction n'est donc pas réductible à celui que réprime la première, a dès lors cassé l'arrêt de la cour d'appel qui avait considéré que l'action publique exercée du chef d'infraction à l'article 175 était irrecevable parce que le prévenu avait déjà été exclu temporairement du bénéfice des allocations de chômage en vertu de l'article 154, l'infraction ayant justifié cette exclusion s'identifiant à celle faisant l'objet des poursuites correctionnelles. En l'espèce, la cour d'appel avait déduit cette identité de l'affirmation d'une part que l'administration se référait à l'intention frauduleuse du prévenu pour justifier l'envoi du dossier à l'auditorat et que, d'autre part, l'administration avait, à l'évidence, tenu compte de cette intention pour déterminer la durée de l'exclusion.

8. Participation

Pour constater qu'un prévenu a commis les faits en tant que complice, il faut, mais il suffit, qu'il soit établi qu'il ait 'sciemment fourni la forme de coopération à l'infraction prévue par la loi' [24].

Dans une affaire où un comptable était poursuivi pour avoir participé à des infractions de droit pénal fiscal, en particulier des faux fiscaux et des déclarations fiscales erronées, la cour d'appel d'Anvers a considéré qu'une déclaration de culpabilité n'est possible que s'il est établi que le prévenu 'a agi avec l'intention de participation requise'. A cet égard, il doit être démontré que le prévenu 'savait' qu'il agissait de façon répréhensible et non pas 'qu'il aurait dû le savoir', sauf si la loi le prévoit expressément, en se gardant de tout raisonnement 'post factum'.

En l'espèce, bien que le comptable ait fait preuve d'une imprévoyance et d'une inattention particulièrement graves, la cour a jugé que cela n'emportait cependant pas, en droit, la démonstration que ce dernier 'savait' qu'il participait, en réalité, à des infractions de faux fiscaux. Cette jurisprudence a été appliquée à plusieurs reprises par cette cour [25].

Dans l'affaire dite 'Lernout & Hauspie', la fraude était principalement d'ordre comptable: des faux commis dans des contrats visaient à faire comptabiliser immédiatement les revenus de ces contrats en recette dans les comptes et ainsi influencer favorablement le cours de l'action de la société. Le commissaire-réviseur, poursuivi notamment pour participation à la rédaction de faux bilans, a été acquitté en raison du fait que le dossier répressif établissait qu'il avait été trompé par la direction de la société, qui lui avait donné des informations fausses ou incomplètes, et qu'il n'était pas démontré en l'espèce qu'il avait participé 'sciemment et consciemment' aux infractions [26].

La problématique de la participation 'par abstention', a également fait l'objet de plusieurs décisions.

Après avoir confirmé que “seul un acte positif, préalable à l'exécution de l'infraction ou concomitant, peut fonder la participation à un crime ou à un délit”, la Cour de cassation a toutefois jugé à diverses reprises que “l'omission d'agir peut constituer un tel acte positif de participation lorsque, en raison des circonstances qui l'accompagnent, l'inaction consciente et volontaire constitue sans équivoque un encouragement à la perpétration de l'infraction suivant l'un des modes prévus aux articles 66 et 67 du Code pénal” [27].

Il en est ainsi notamment, relève la Cour, lorsque la personne concernée a 'l'obligation légale positive' de faire exécuter ou prévenir un certain agissement, que son 'abstention est volontaire' et qu'elle 'favorise ainsi la commission du fait punissable'. En l'espèce, il s'agissait d'administrateurs délégués, qui disposaient de compétences de contrôle étendues afin de veiller au respect rigoureux et précis de la réglementation en matière d'accises par leur personnel ainsi que par des chauffeurs qui venaient faire des chargements [28].

9. Personnes morales (responsabilité pénale)
Imputabilité

Bien que les personnes physiques réalisent tous les délits qui peuvent être imputables à une personne morale, cela ne signifie pas que le juge répressif est tenu de vérifier si le délit doit également être imputable à une personne physique lorsque ladite personne physique n'est pas poursuivie. Dans pareille hypothèse, il doit “uniquement vérifier si la personne morale poursuivie peut être tenue pour responsable de l'infraction” [29].

La responsabilité pénale a été retenue dans le chef d'une personne morale qui, en sa qualité d'exploitant d'un établissement nuisible, avait l'obligation légale de s'assurer que les mesures nécessaires et adéquates soient prises afin que son personnel de sécurité donne accès aux terrains à un inspecteur de l'environnement, alors qu'en l'espèce ledit personnel avait refusé l'accès uniquement en raison d'absence d'un rendez-vous préalable [30].

Elément moral

En cas d'infraction commise par une société, le dol est suffisamment établi par la constatation que les instances dirigeantes de celle-ci 'ont eu connaissance de l'intention de commettre l'acte culpeux et y ont consenti' [31].

Selon l'exposé des motifs de la loi instaurant la responsabilité pénale des personnes morales, l'imputabilité morale d'une infraction à une personne morale est une question de fait laissée à l'appréciation du juge. Cet exposé des motifs précise toutefois que l'infraction doit découler “soit d'une décision intentionnelle prise au sein de la personne morale, soit d'une négligence constatée en son sein et liée causalement à l'infraction”. L'imputabilité morale à une personne morale d'une infraction consistant en un défaut de prévoyance ou de précaution ayant occasionné des coups et blessures est donc une question de fait laissée à l'appréciation du juge du fond, lequel peut avoir égard pour ce faire “à la qualité de l'organisation interne générale de l'être juridique, à la formation dispensée en son sein et au matériel mis à la disposition de ses préposés, ainsi qu'au caractère adéquat ou non des décisions propres prises par les organes de la personne morale” [32].

La cour d'appel de Gand, statuant dans le dossier dit 'Lernout & Hauspie', a acquitté la société LHSP des infractions mises à sa charge en raison du fait qu'aucune pièce du dossier répressif ne démontrait que son organe légal, à savoir le conseil d'administration, avait commis la moindre faute ou négligence, ce dernier ne disposant, selon la cour d'appel de Gand, ni de l'information ni des moyens pour découvrir la fraude perpétrée par 'le management'. La cour relève à cet égard que “l'élément moral nécessaire dans le chef de la personne morale ne peut être déduit de l'élément moral présent dans le chef de quelques administrateurs qui ont caché leurs actes frauduleux aux autres administrateurs”. Elle juge que “nonobstant le fait que le management ait pris une position dominante à l'égard du conseil d'administration”, rien ne venait établir que la personne morale ait, sciemment et consciemment, pris ou ratifié certaines décisions avec l'intention de commettre des infractions, ou ait, sciemment et consciemment, participé aux délits perpétrés par le management [33].

Décumul

L'article 5, 2ème alinéa du Code pénal, qui régit les cas où la responsabilité d'une personne physique et celle d'une personne morale sont engagées simultanément en raison d'une même infraction, crée une cause d'excuse absolutoire au profit de celle qui a commis la faute 'la moins grave'. Le bénéfice de cette excuse “n'est toutefois reconnu que si la personne physique identifiée a commis l'infraction par imprudence ou négligence, et non si elle a agi sciemment et volontairement” [34].

Certains prévenus ont défendu l'argumentation selon laquelle il y aurait violation des droits de la défense dans la mesure où ils étaient poursuivis en qualité de personnes physiques, à l'exclusion de la personne morale, malgré le lien intrinsèque existant entre l'infraction et la réalisation de l'objet de la personne morale dont ils étaient les gérants. Dans la mesure où la personne morale n'était pas poursuivie, ils estimaient dès lors qu'il était devenu impossible de déterminer qui avait commis la faute la plus grave, ce qui les empêchait de pouvoir invoquer que la personne morale était la personne responsable.

Cette argumentation a été rejetée par la Cour de cassation qui a jugé que ni l'article 5 du Code pénal ni les droits de la défense ne requièrent l'exercice de poursuites simultanées contre la personne morale pénalement responsable et la personne physique identifiée. Comme le relève la Cour, “le fait que la personne morale ne soit pas partie au procès pénal ne fait pas obstacle à l'application normale des règles de la preuve en matière répressive. Cela est également valable lorsque seule une faute involontaire est mise à charge de la personne physique” [35].

Cumul

Dans une affaire soumise au tribunal correctionnel de Hasselt, une personne morale ainsi que ses gérants personnes physiques étaient poursuivis pour avoir loué des habitations qui ne répondaient pas aux exigences de qualité et de sécurité imposées par la réglementation flamande. Après avoir rappelé que toute personne morale est pénalement responsable d'une infraction qui est intrinsèquement liée à la réalisation de son objet ou à la défense de ses intérêts, ou de celles dont les faits concrets démontrent qu'elles ont été commises pour son compte, le tribunal, jugeant qu'en l'espèce le délit présentait un tel lien intrinsèque, a confirmé que “le cumul des poursuites de la personne morale et des personnes physiques est possible. Lorsqu'une personne physique identifiée a commis la faute sciemment et volontairement, elle peut être condamnée en même temps que la personne morale responsable” [36].

Quant à ce qu'il faut entendre par 'sciemment et volontairement', la cour d'appel de Gand a jugé que cette évaluation doit être effectuée en prenant en considération l'état d'esprit concret du prévenu au moment où le fait a été perpétré et non pas la qualification légale du fait reproché [37].

Le cumul est applicable aussi bien aux infractions intentionnelles qu'aux infractions pour lesquelles il est seulement exigé un défaut de prévoyance ou de précaution (négligence ou imprudence coupable), la Cour de cassation énonçant “qu'il ressort de quelques exemples donnés dans les travaux parlementaires que l'on peut agir sciemment et volontairement en cas d'infractions qui ne requièrent pas de dol. Il en va de même pour les infractions dites réglementaires où l'élément moral se déduit de la faute qui résulte de la commission même de l'infraction. L'exigence pour l'infraction d'un élément moral qualifié de non intentionnel n'empêche pas que cette infraction puisse également être commise sciemment et volontairement” [38].

Lorsqu'une personne morale est propriétaire ou usufruitier d'un monument protégé ou d'un bien immobilier, et qu'elle faillit à son obligation de tenir le monument en bon état par les travaux de conservation ou d'entretien nécessaires, celle-ci est, en vertu de l'article 5, 1er alinéa du Code pénal, responsable pénalement du chef de l'infraction visée par ces dispositions. Cette responsabilité pénale de la personne morale ne fait toutefois pas obstacle à l'application de l'article 5, 2ème alinéa du Code pénal, de sorte “que le juge qui déclare la responsabilité pénale de la personne morale engagée en raison de l'intervention d'une personne identifiée ayant commis la faute sciemment et volontairement, peut également imputer une infraction à cette personne physique et la déclarer coupable en même temps que la personne morale responsable” [39].

Mandataire ad hoc

L'institution du mandataire ad hoc fait l'objet de l'article 2bis du titre préliminaire du Code d'instruction criminelle, qui stipule que “lorsque les poursuites contre une personne morale et contre la personne habilitée à la représenter sont engagées pour des mêmes faits ou des faits connexes, le tribunal compétent pour connaître d'une action publique contre la personne morale, désigne d'office ou sur requête un mandataire ad hoc pour la représenter”.

Une question est celle de savoir si la désignation du mandataire ad hoc est obligatoire ou facultative.

Certains juges ont estimé qu'il y avait obligation de nommer un mandataire ad hoc dès lors qu'ils étaient en présence de poursuites exercées du chef des mêmes faits à l'encontre de la personne morale et de la personne physique habilitée à la représenter, dans la mesure où il en découlerait 'par essence' un conflit d'intérêt [40].

Interprétant l'arrêt rendu par la Cour constitutionnelle le 5 décembre 2006 en la matière, la cour d'appel de Liège a déduit du fait que la Cour constitutionnelle avait dit pour droit que l'article 2bis ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution que cette dernière avait validé le fait que le juge n'avait pas la possibilité d'apprécier si un risque de conflit d'intérêt existait réellement. La cour d'appel considère en effet à ce propos que “la Cour constitutionnelle a été saisie par arrêt du 21 décembre 2005 de la cour d'appel de Mons d'une question préjudicielle (…) formulée sur la base d'une interprétation de l'article 2bis en ce sens que le juge n'avait pas la possibilité d'apprécier si un risque de conflit d'intérêt existait réellement ou non et était obligé de désigner un mandataire ad hoc pour la personne morale lorsque les conditions à l'article 2bis (…) étaient réunies. Par arrêt du 5 décembre 2006, la Cour constitutionnelle a jugé que cet article 2bis dans l'interprétation du juge a quo ne violait pas les articles 10 et 11 de la Constitution (…). L'interprétation de l'article 2bis telle qu'elle a été soumise à la Cour constitutionnelle et validée par celle-ci est conforme au texte de la loi” [41]. Selon la cour d'appel, la désignation d'un mandataire ad hoc “ne constitue pas une restriction disproportionnée au libre choix de son représentant, dès lors que la personne morale peut demander par requête la désignation d'un représentant de son choix”.

La cour d'appel de Bruxelles ne suit pas cette tendance de la jurisprudence et juge, au contraire, que ce n'est pas parce qu'un mandataire ad hoc peut être désigné d'office ou sur requête qu'il y aurait obligation de le faire et que le juge garde toujours en la matière son pouvoir d'appréciation. Ainsi, après avoir rappelé la teneur de l'article 2bis du Code d'instruction criminelle, la cour a souligné qu'à l'occasion des travaux préparatoires de la loi du 4 mai 1999, le représentant du ministre de la Justice avait précisé, au cours des débats relatifs à l'adoption de l'article 12 de cette loi qui a modifié l'article 2bis du Code d'instruction criminelle, que le mot 'd'office' signifie que le magistrat a le 'pouvoir de vérifier s'il est opportun' de désigner un mandataire 'sans avoir reçu de demande en ce sens des parties concernées' [42].

Le tribunal correctionnel de Huy a jugé, en chambre du conseil, que dans la mesure où les personnes morales prévenues avaient des prévenus pour administrateurs délégués, par essence seuls habilités à les représenter, il s'imposait, en raison du conflit d'intérêt potentiel entre les prévenus personnes physiques et les prévenus personnes morales, et sans préjudice pour elles de se faire représenter par un mandataire de leur choix, de désigner un mandataire ad hoc chargé de les représenter [43].

En général, une juridiction du fond prendra la décision de nommer un mandataire ad hoc par le biais d'un jugement 'avant dire droit'. Si la jurisprudence considère actuellement que ce type de décision est susceptible de recours, se pose la question de savoir qui, de la personne morale ou de ses représentants, peut interjeter appel de cette décision.

Dans une affaire, appel avait ainsi été interjeté tant par la société que par le gérant de cette dernière, contre un jugement interlocutoire rendu en première instance désignant un mandataire ad hoc pour la société. La cour d'appel d'Anvers a conclu à l'irrecevabilité de l'appel interjeté par le gérant de la société, dans la mesure où la décision de nommer un mandataire ad hoc ne concerne que les intérêts de la société et pas ceux de la personne physique à qui les faits peuvent être imputés en sa qualité de gérant. En revanche, elle déclare l'appel de la société recevable [44]. Un arrêt récent rendu par la Cour de cassation semble aller dans le même sens, en déclarant irrecevable le pourvoi d'une personne physique, à défaut d'intérêt, contre la décision désignant un mandataire ad hoc pour la personne morale [45].

Par ailleurs, pour ce qui est de l'exercice de voies de recours au nom de la personne morale dans le cadre de la procédure pénale, la Cour de cassation a confirmé que seul le mandataire ad hoc était compétent pour exercer au nom de la personne morale, en sa qualité de prévenu, des voies de recours contre les décisions rendues relatives à l'action publique mise en mouvement contre cette personne morale [46].

Un autre problème en la matière est celui de la question de la rétribution du mandataire ad hoc, dans l'hypothèse d'une désignation par le tribunal, la loi ne précisant rien à ce propos. La question reste controversée: s'agit-il de 'frais de défense' ou de 'frais de justice'? La jurisprudence va dans les deux sens, parfois même au sein d'un même arrondissement.

Ainsi, à Bruxelles, une décision de la cour d'appel considère qu'il s'agit de 'frais de défense', ces derniers incombant donc en principe à la personne morale qui devra les payer à concurrence du montant ainsi taxé par le tribunal [47]. Toutefois, dans une autre décision, la cour d'appel de Bruxelles a jugé qu'il s'agissait de 'frais de justice', le débiteur de ces frais et honoraires n'étant alors plus la personne morale mais bien l'Etat belge [48].

Le tribunal correctionnel de Bruxelles a également jugé que les frais et honoraires du mandataire ad hoc sont des 'frais de justice', qui sont à charge de l'Etat 'en cas d'acquittement de la personne morale représentée'. En effet, le tribunal estime qu'en vertu de l'article 2, 1° de la loi-programme II du 27 décembre 2006, constituent des frais de justice “toute procédure pénale dans la phase d'information, d'instruction, de jugement”. Par conséquent, du fait de leur désignation en application de l'article 2bis du titre préliminaire du Code d'instruction criminelle, le juge souligne que les mandataires ad hoc interviennent dans la procédure pénale au stade du jugement pour représenter un prévenu dont ils furent chargés par l'autorité judiciaire de défendre au mieux des intérêts. A ce titre, par conséquent, les frais découlant de ce mandat de justice doivent être considérés comme frais de justice [49].

Même au sein de la jurisprudence qualifiant les honoraires de frais de justice, des décisions en sens contraire ont été rendues quant au caractère privilégié de ceux-ci. Ainsi, il a été décidé que les sommes dues au mandataire ad hoc désigné par le juge sont des frais de défense qui bénéficient du privilège de l'article 17 de la loi hypothécaire [50], mais également que les frais et honoraires des mandataires ad hoc désignés par le juge pour représenter une personne morale prévenue constituent des frais de justice qui ne sont 'toutefois pas privilégiés' [51].

Enfin, la cour d'appel de Bruxelles a dû se poser la question de savoir si un curateur de faillite peut être le mandataire ad hoc lorsque les poursuites pénales sont dirigées contre la personne morale dont il est le curateur et si le curateur présente les mêmes garanties que le mandataire ad hoc dans ce cadre.

La cour relève tout d'abord que lorsqu'une faillite intervient, les biens du failli forment un patrimoine d'affectation qui doit être administré en bon père de famille par le curateur dont la mission consiste essentiellement à réaliser les biens de ce patrimoine et à répartir les derniers qui en résultent entre les créanciers de la faillite. Il agit donc principalement dans l'intérêt des créanciers qui forment une masse.

Toutefois, souligne la cour, même si le curateur est habitué à tenir compte d'une multitude d'intérêts divergents “il est aux prises avec un conflit intrinsèque, puisqu'il doit assumer la défense pénale d'une partie - le failli - et agir dans l'intérêt de la masse de ses créanciers éventuellement lésés par ces agissements. Au-delà de ce conflit entre le failli et les créanciers que le curateur défendrait concomitamment, le curateur pourrait être fragilisé dans la défense des intérêts du failli dès lors qu'il défend la masse des créanciers et que ces derniers conservent le droit d'agir individuellement contre le failli lorsqu'ils se prévalent d'un préjudice distinct de la perte de leur créance dans la masse. Cette hypothèse du maintien du droit d'agir individuellement n'est souvent pas exclue dans des cas où une faute d'un tiers (…) a causé un préjudice à un créancier. (…) Or, le conflit d'intérêt qui justifie la désignation d'un mandataire ad hoc pour la personne morale prévenue gît dans la mise en prévention pour des faits identiques ou connexes à ceux reprochés à son représentant en justice, qui est souvent l'administrateur ou le gérant de cette personne morale. (…) Le curateur aurait donc dans le procès pénal la casquette de défenseur des intérêts de la masse des créanciers, charge dont il est intrinsèquement investi par sa désignation par le tribunal de commerce, et de défenseur pénal du failli tout en étant le contradicteur éventuel de ces mêmes créanciers, agissant à titre individuel en qualité de partie civile au procès pénal, à l'encontre de l'administrateur et/ou de la personne morale, tous deux prévenus. Outre les créanciers, le curateur doit également tenir compte des intérêts des actionnaires ou associés de la personne morale. Or, souvent, ceux-ci assument une fonction de gérance ou d'administration, qualité qui justifie leur mise en prévention aux côtés de la personne morale, comme dans le cas d'espèce. (…)”.

La cour poursuit en relevant que tant le failli, prévenu, que les créanciers, éventuelles parties civiles, peuvent agir en responsabilité à l'égard du curateur après la clôture de celle-ci. Le critère retenu pour apprécier le comportement du curateur est celui du bon père de famille. Dès lors, “obliger le curateur à procéder à un dosage subtil entre les intérêts divergents de toutes ces personnes qu'elles soient parties ou non au procès pénal et la responsabilité qui est la sienne en qualité de défenseur d'une personne prévenue devant une juridiction pénale, revient à l'exposer à une responsabilité civile personnelle éventuelle. Si celle-ci ne concerne pas directement la problématique de la désignation d'un mandataire ad hoc en cas de faillite de la personne morale, elle révèle les limites dans la défense pénale d'une personne morale par son curateur”.

Enfin, la cour souligne que le droit au silence s'oppose à l'obligation de collaborer avec les autorités judiciaires qui pèse sur les épaules du curateur. Lorsqu'il s'aperçoit dans le cours de sa mission qu'il existe des indices d'infraction dans le chef du failli et/ou de ses dirigeants, le curateur a l'obligation d'en informer le procureur du Roi.

Pour toutes ces raisons, la cour d'appel conclut que le curateur de faillite ne peut dès lors être le mandataire ad hoc lorsque les poursuites pénales sont dirigées contre la personne morale dont il est le curateur, compte tenu du conflit d'intérêt lié à son mandat judiciaire [52].

Dissolution postérieure au début des poursuites

L'action publique dirigée contre une personne morale n'est pas éteinte pour le seul motif que la procédure en liquidation a été entamée entre l'introduction de la procédure pénale et la date du jugement [53].

L'article 20 du titre préliminaire du Code de procédure pénale prévoit que l'action publique s'éteint par la dissolution de la société. Cet article précise que “l'action publique pourra toutefois encore être exercée après cette dissolution si, comme en l'espèce, la personne morale a été inculpée par le juge d'instruction conformément à l'article 61bis du Code d'instruction criminelle avant la perte de la personnalité juridique” [54].

Personne morale en faillite

Lorsque la responsabilité pénale d'une personne morale, déclarée en faillite, est engagée, le juge d'instruction peut ordonner la suspension provisoire de la procédure de faillite, conformément à l'article 91 du Code d'instruction criminelle, car sa poursuite mènerait à la dissolution de la personne morale poursuivie. En application de ce principe, le tribunal correctionnel de Huy a ordonné la suspension provisoire de la procédure de faillite, en ce que celle-ci mènerait à la dissolution de cette personne morale et fait interdiction à la curatrice de payer des dettes dans la masse de la société faillie [55].

10. Preuve

Dans l'affaire dite 'KBL', des employés de cette banque qui avaient été licenciés par leur employeur s'étaient emparés de documents internes à la banque relatifs à des mécanismes financiers initiés par cette banque en vue, à leur estime, de permettre à de nombreux clients fortunés d'échapper à leurs obligations fiscales envers l'Etat belge.

Selon le dossier répressif, la police judiciaire, de connivence avec un informateur de la police, a mis sur pied un scenario relatif à l'origine des pièces fondant les poursuites: sous le faux prétexte d'une arrestation d'une personne occupant une chambre d'immeuble, il fut convenu que l'informateur préviendrait la police judiciaire de la découverte fortuite dans cette chambre de documents potentiellement suspects. Or, il ressort également du dossier pénal que la police avait déjà été informée et avait déjà pris connaissance de certains de ces documents au préalable, dans d'autres circonstances.

Dans son jugement, le tribunal correctionnel de Bruxelles a tout d'abord rappelé que, lorsque les prévenus allèguent, comme en l'espèce, avec vraisemblance une cause d'irrégularité de la preuve, il appartient au ministère public d'apporter la démonstration que la preuve a été obtenue de façon régulière.

Poursuivant l'examen du dossier, le tribunal souligne que dans “les missions qui leur sont confiées, les autorités policières et judiciaires doivent s'interdire de pousser le justiciable à la faute et de l'abuser sur ses droits, tout en veillant à agir, autant que faire se peut, dans la transparence et le souci de conserver trace et de décrire au mieux les circonstances de fait qu'elles ont mission de constater, surtout lorsque ces éléments sont susceptibles d'avoir une incidence juridique sur la situation du justiciable”.

Au regard de ces exigences, une procédure est déloyale chaque fois que des actes sont accomplis par des autorités policières ou judiciaires de façon occulte, que des informations utiles sont dissimulées, qu'une procédure est détournée de sa finalité pour blanchir des preuves illégalement obtenues, que des obstacles sont délibérément posés à la manifestation de la vérité et que les autorités chargées d'assurer la légalité, la loyauté et l'impartialité de la procédure ont sciemment négligé cette mission en affichant au contraire le plus complet mépris pour les règles de la procédure pénale et les droits de la défense des prévenus.

Lorsque, portant atteinte à la fiabilité des procès-verbaux et de la preuve, elle préjudicie irrémédiablement la garantie du procès équitable et la recherche de la vérité, la gravité de cette déloyauté entraîne l'irrecevabilité des poursuites.

Le tribunal juge qu'il n'en va pas différemment lorsque les préventions, à les supposer établies, révèleraient des infractions d'une inacceptable gravité: “Au regard du principe de proportionnalité, la gravité exceptionnelle des infractions soupçonnées n'autorise en effet pas la gravite exceptionnelle des irrégularités procédurales commises pour les prouver. Les préoccupations de l'intérêt général, telle la lutte contre la fraude fiscale, ne sauraient en effet justifier des mesures vidant de leur substance même les garanties du procès équitable” [56].

Ce jugement de principe a été confirmé par un arrêt de la cour d'appel de Bruxelles du 10 décembre 2010, qui a également considéré qu'en cachant délibérément des circonstances essentielles à l'appréciation par les cours et tribunaux de la régularité de la preuve en organisant, avec l'aide consciente de la police des scénarios dans le but de 'blanchir' des éléments de preuve, le juge d'instruction a gravement failli à l'obligation fondamentale qui était la sienne de veiller à la légalité des moyens de preuve ainsi qu'à la loyauté avec laquelle ils sont rassemblés. Pour sa part, le parquet qui a participé à ces pratiques, a failli à l'obligation similaire qui est la sienne:

“Le magistrat instructeur qui, dès l'origine de son enquête, est habité par la conviction de la réalité des faits infractionnels constituant sa saisine et d'une implication dans la commission de ceux-ci de plusieurs des personnes ultérieurement inculpées, faillit de manière substantielle à son obligation d'impartialité.

Celle-ci constitue une règle fondamentale d'organisation judiciaire dont aucune circonstance, pas même l'importance ou la nature des infractions en cause ni l'ampleur du préjudice qu'elles auraient occasionné ne peut le dispenser.

Les autorités policières et judiciaires qui s'abstiennent de dresser immédiatement un inventaire probant des pièces en possession desquelles elles entrent manquent à leur obligation d'en assurer l'intangibilité et l'inaltérabilité.

Par conséquent, il y a lieu de prononcer l'irrecevabilité des poursuites lorsque l'enquête fut, dès son origine, gravement déloyale, que les droits de la défense des prévenus furent, de manière répétée, sérieusement et définitivement affectés et que les prévenus furent irrémédiablement privés de leur droit à un procès équitable.” [57].

Toujours en matière de preuve, on mentionnera un arrêt de la cour d'appel qui énonce que si, dans le cadre de leur charge, les membres du ministère public doivent veiller à la légalité des moyens de preuve ainsi qu'à la loyauté avec laquelle ils sont rassemblés, il appartient au juge du fond de vérifier le respect du droit à un procès équitable au vu des éléments qui lui sont soumis. Dans ce cadre, la cour d'appel de Liège estime que le seul fait que le chef de corps du parquet de Liège puisse être proche d'un parti politique, fût-il opposé à celui des prévenus, est insuffisant pour remettre en cause le devoir de loyauté, d'autant que la demande de levée d'immunité parlementaire est introduite par le procureur général sur la base d'un dossier étayé et la décision est prise par l'assemblée parlementaire après avoir examiné si la poursuite n'est pas guidée par un mobile. La Cour relève qu'il y a lieu de distinguer la dénonciation d'une infraction, qui n'a aucune valeur probante en soi, de la constatation de cette infraction. Ainsi, l'irrégularité commise par le dénonciateur ne peut invalider que la preuve qui s'appuie directement sur celle-ci et non pas les preuves distinctes recueillies à la suite des constatations effectuées régulièrement par les enquêteurs: celles-ci peuvent avoir pour origine des nouvelles pièces produites par le dénonciateur, pour autant que celui-ci soit entré en possession de ces dernières de manière irrégulière [58].

Par ailleurs, il a été jugé que l'existence dans un dossier répressif de pièces ou de déclarations obtenues par l'administration fiscale à la faveur d'une législation sanctionnant d'une amende le défaut de collaborer, ne saurait violer les droits au silence de la personne à charge de laquelle elles sont utilisées dans le procès pénal ultérieur que si les données ainsi recueillies se confondent avec la preuve des infractions mises à sa charge [59].

Enfin, on notera cette décision de la chambre du conseil du tribunal correctionnel d'Eupen qui, confronté à un rapport d'expertise affirmant clairement que le prévenu est coupable, a décidé de l'annuler au motif que cette prise de position “dépasse les limites de sa mission et contamine, à tout le moins en apparence, les autres éléments d'analyse de son rapport, en telle sorte qu'il y a lieu d'annuler et d'écarter du dossier l'ensemble de l'expertise en raison d'une violation non réparable de la présomption d'innocence” [60].

11. Saisies

Dans un arrêt du 27 octobre 2010, la Cour de cassation a confirmé que la chambre des mises en accusations, saisie d'une procédure en référé pénal, est en droit d'apprécier tant le caractère raisonnable de la durée de l'ensemble de l'information ou de l'instruction que de la seule saisie pénale. Elle juge en effet que “lorsqu'elle statue sur une demande en mainlevée d'une saisie conservatoire et est appelée à en apprécier la durée raisonnable, la chambre des mises en accusation doit contrôler la durée de la procédure de saisie. En cas de dépassement de ce délai, elle doit déterminer la réparation adéquate, sans avoir égard à la circonstance que le caractère équitable du procès au fond ne serait pas irrémédiablement compromis”.

Par conséquent, lorsque la chambre des mises en accusation énonce d'abord qu'aucun élément du dossier de l'instruction ne fait apparaître que le caractère équitable du procès au fond serait irrémédiablement compromis et considérant ensuite que le demandeur ne peut pas déduire de la circonstance que le délai raisonnable serait dépassé que le juge d'instruction n'aurait plus la possibilité de pratiquer des saisies, elle ne justifie pas légalement sa décision et ne procède pas au contrôle effectif de la durée de la procédure de saisie requis par l'article 6, 1. de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales [61].

Cette jurisprudence de principe a été suivie par la chambre des mises en accusation de Mons qui, dans un arrêt du 27 mai 2011, confirme que “la chambre des mises en accusation peut ordonner, sur la base de l'article 61quater du Code d'instruction criminelle, la levée de la saisie pénale dont la durée est contraire à l'exigence de délai raisonnable”.

En l'espèce, le juge d'instruction avait saisi des comptes en juillet 2007. Le dossier a été communiqué au parquet en décembre 2008 et ce n'est que 22 mois plus tard, en mars 2011, que le procureur du Roi a transmis son réquisitoire. La cour estime que “ce délai pris par monsieur le procureur du Roi pour tracer ses réquisitions, qui a entraîné une longue période d'inertie de la procédure et de maintien de saisies d'importantes sommes d'argent, apparaît excessif”, dans la mesure où “en l'espèce aucune complexité particulière de la procédure ne saurait justifier pareil délai”, dont la durée de près de quatre ans des saisies [62].

Enfin, on notera que lorsque le juge ne statue pas sur le sort d'un bien saisi, la décision à cet égard relève des mesures d'exécution des jugements et arrêts que le ministère public a lui-même le pouvoir et le devoir d'ordonner en vue de la restitution ultérieure du bien par le greffier à la personne entre les mains de qui la saisie a été opérée, conformément aux articles 1er et 2 de l'arrêté royal du 24 mars 1936 sur la détention au greffe et la procédure en restitution des choses saisies en matière répressive [63].

12. Solidarité

Un arrêt de cassation rappelle les principes en matière de solidarité lors de la détermination du montant des dommages et intérêts dus en raison d'une infraction, en vertu de l'article 50 du Code pénal.

En vertu de l'article 50, 1er alinéa du Code pénal, tous les individus condamnés pour une même infraction sont tenus solidairement 'des réparations du dommage' causé aux personnes lésées, quel que soit le degré de participation de chacun d'entre eux à l'infraction commune et même s'il n'y avait pas entre les condamnés d'accord préalable ou d'unité d'action.

En vertu de l'article 50, 2ème et 3ème alinéas du Code pénal, tous les individus condamnés pour une même infraction sont également tenus solidairement 'des frais', lorsqu'ils ont été condamnés par le même jugement ou arrêt mais “le juge peut néanmoins exempter tous ou quelques-uns des condamnés de la solidarité, en indiquant les motifs de cette dispense et en déterminant la proportion des frais à supporter individuellement pour chacun d'eux”.

La Cour de cassation fait observer à cet égard que “la possibilité d'exempter de la solidarité prévue à l'article 50, 3ème alinéa du Code pénal, ne concerne pas l'obligation d'indemniser, mais uniquement la condamnation aux frais” [64].

II. Infractions au Code pénal (par article)
1. Faux en écriture (art. 193 et s.)

Cf. également à ce sujet infra: Infractions fiscales: faux et usage de faux fiscal - Prescription.

Altération de la vérité

Il a été reproché à un syndic d'avoir falsifié le procès-verbal d'une assemblée générale de copropriétaires en y ajoutant, après la clôture de l'acte, une disposition relative à l'augmentation de ses émoluments.

La cour d'appel avait acquitté ledit syndic en relevant qu'aucune altération de la vérité ne résultait de cette façon de procéder “parce que la mention litigieuse ne fait que reprendre, sans la dénaturer, une délibération de l'assemblée portant sur cet objet et octroyant l'augmentation dans les termes que le procès-verbal rapporte”. La Cour de cassation a suivi ce raisonnement en jugeant que la fausseté d'un acte ne saurait se déduire de la seule circonstance qu'une mention y a été insérée après coup, “lorsque cette addition n'emporte aucun mensonge dans l'écrit mais, au contraire, rend celui-ci conforme aux dispositions qu'il a pour objet de constater” [65].

Dans un dossier de procédure relatif à un divorce, une personne s'est rendue coupable de faux témoignage déposé sous serment en matière civile. Dans le cadre de poursuites au pénal, cette personne, prévenue, a fait valoir devant la Cour de cassation que la déclaration qu'elle avait déposée et qui avait été consignée par écrit par le juge et son greffier, ne pouvait pas constituer un faux en écriture authentique au sens de l'article 196 du Code pénal dans la mesure où la notation correspondait à la déclaration qu'elle avait faite. Par ailleurs, il soulignait que l'article 196 du Code pénal ne s'appliquait pas en l'espèce puisqu'il existait une infraction spécifique punissant le faux témoignage en matière civile, visé à l'article 220 du Code pénal.

La Cour de cassation a rejeté cette argumentation en jugeant que la rédaction de faux visée à l'article 196 du Code pénal vise non seulement “la fausse notation mais également la notation d'un faux”. Ainsi, poursuit la Cour, la fausse déclaration déposée par un particulier, consignée par écrit par le juge et son greffier et signée par la suite par le particulier, peut constituer un faux en écriture authentique au sens de l'article 196 du Code pénal. Le fait que la notation corresponde à la déclaration n'y change rien, ni davantage le fait que le simple dépôt d'une fausse déclaration soit puni par un article de loi spécifique [66].

Ecrits protégés

Un écrit protégé par la loi est un écrit pouvant faire preuve dans une certaine mesure, c'est-à-dire qui s'impose à la confiance publique, de sorte que l'autorité ou les particuliers qui en prennent connaissance ou auxquels il est présenté, peuvent se convaincre de la réalité de l'acte ou du fait juridique constaté par cet écrit ou sont en droit de lui accorder foi. Dans ce cadre, précise la Cour de cassation, “un écrit dont le contenu n'est admis que sous réserve de contrôle ne bénéficie pas de la confiance publique et ne relève donc pas de l'application des articles 193 et suivants du Code pénal” [67].

La question s'est posée à cet égard pour ce qui est des écrits que forment les conclusions déposées dans le cadre d'une procédure. Dans le cas d'espèce soumis à la cour, un prévenu avait déposé des conclusions dans le cadre de sa procédure de divorce dans lesquelles il réclamait, à tort, une pension alimentaire sur la base de la fausse allégation qu'il ne disposait pas de moyens financiers. En l'espèce, la cour d'appel avait condamné ce prévenu du chef de faux en raison de ses conclusions. Cette décision a été cassée par la Cour de cassation qui a jugé que des conclusions ne constituent pas un écrit protégé par la loi au sens des articles 193 et suivants du Code pénal: “Cet écrit ne s'impose en effet pas à la confiance du public mais, au contraire, est soumis à la contradiction des parties qui peuvent en contrôler et en contester les indications.” [68].

La problématique a également été invoquée en matière de propositions d'assurance. Des personnes ont été poursuivies dans le cadre d'un dossier relatif à l'introduction, auprès d'une compagnie d'assurance, de propositions d'assurance vie que les signataires souscrivaient dans l'intention, non pas de s'engager, mais de permettre au courtier l'encaissement de commissions indues en tant que produites par des contrats fictifs.

Dans cette affaire, un prévenu a été amené à défendre en cassation le fait que l'article 196 du Code pénal ne s'appliquait pas dans la mesure où les propositions d'assurance “ne constituent pas des écrits protégés qu'un assureur peut tenir pour sincères”. La Cour de cassation a répondu en l'espèce que “même si son destinataire a la possibilité de vérifier l'exactitude des mentions qu'une proposition d'assurance comporte, l'absence de sincérité quant à l'intention réelle pour les candidats preneurs de conclure un contrat peut constituer un faux en écriture, dans la mesure où cet acte est susceptible de faire preuve et ainsi de porter préjudice aux tiers en produisant effet contre eux”. Analysant l'arrêt de la cour d'appel faisant l'objet du pourvoi, la Cour constate, après avoir relevé qu'une proposition d'assurance contient des déclarations unilatérales, “que les propositions d'assurance visées aux préventions créent des effets juridiques, puisqu'en règle, elles obligent la compagnie à conclure les contrats à peine de dommages et intérêts”. Elle considère également qu'une telle proposition implique une sincérité quant à l'intention réelle pour les candidats preneurs de conclure un contrat, que le prévenu n'a jamais eu l'intention réelle de souscrire aucune des polices et que ces documents constituent donc des faux intellectuels [69].

Enfin, en matière de factures, la Cour de cassation a rappelé qu'il ne peut être question de faux en écriture lorsque l'écrit n'a valeur probante qu'après son acceptation par le destinataire. Cependant, il peut être question de faux en écriture “lorsque le destinataire se trouve dans l'impossibilité de contrôler les indications figurant dans l'écrit ou si ce contrôle est rendu impossible par le fait de celui qui a rédigé cet écrit”. Dès lors “une facture adressée au destinataire ne peut pas être qualifiée de faux lorsque le destinataire peut contrôler l'exactitude des éléments qu'elle contient”. Dans le cas d'espèce, les juges d'appel avaient jugé que la facture litigieuse ne constituait pas un faux car ne s'imposait pas à la confiance publique, en raison du fait que le destinataire a contrôlé si le contenu de la facture correspondait à la réalité, qu'il l'a considérée comme inexacte ou fausse, qu'il s'y est opposé en temps utile et ne l'a pas payée [70].

Préjudice possible

L'infraction de faux en écriture existe pourvu que la pièce fausse ait pu, par l'usage qui en serait fait, léser un droit ou un bien juridique. Cette possibilité du préjudice doit s'apprécier au moment où le faux a été commis [71].

Dans un dossier de propositions d'assurance vie établies au nom de clients fictifs, qui n'avaient pas l'intention de s'engager, la Cour de cassation a considéré que le fait de gérer des polices fictives n'entrait pas dans l'objet social des compagnies d'assurance et que la souscription simulée d'une police d'assurance peut engendrer un préjudice, notamment en raison du temps vainement consacré par la compagnie d'assurance à la gestion des contrats fictifs [72].

Intention frauduleuse

La Cour de cassation a réitéré sa jurisprudence selon laquelle l'intention frauduleuse requise pour que le faux soit punissable “est réalisée lorsque l'auteur, trahissant la confiance commune dans l'écrit, cherche à obtenir, pour lui-même ou pour autrui, un avantage ou un profit, de quelque nature qu'il soit, qui n'aurait pas été obtenu si la vérité ou la sincérité de l'écrit avait été respectée.” Répondant à un prévenu qui affirmait que le faux n'est punissable que si l'avantage poursuivi par le faussaire 'est illicite', la Cour de cassation a relevé que 'le moyen manquait en droit' [73].

Dans un arrêt ultérieur, la Cour de cassation a également jugé que caractérise l'élément moral du faux qu'il impute au prévenu et justifie légalement la condamnation, l'arrêt qui, ayant décrit les autres éléments constitutifs de l'infraction de faux en écriture, donne à connaître au prévenu que l'élément moral retenu est l'intention du faussaire de se procurer à lui-même 'un avantage illicite' [74].

Selon le tribunal correctionnel de Bruxelles, l'établissement d'une fausse facture en vue de décaler d'un trimestre le paiement de la TVA est punissable. Toutefois, il considère que “l'intention frauduleuse requise par cette infraction n'existe pas si la double facturation est le résultat d'un désordre dans la comptabilité” [75].

Dans l'affaire dite 'Lernout & Hauspie' [76], la cour d'appel de Gand a été saisie d'un dossier portant notamment sur les faits suivants relatifs à la société LHSP, spécialisée dans la technologie de reconnaissance vocale. Cette société avait adhéré aux règles d'évaluation comptable américaines (US-GAAP) qui exigent entre autres que pour que des royalties en raison de la vente de licences de softwares puissent être comptabilisées comme recettes dans la comptabilité au moment de la conclusion du contrat de licence, il faut notamment comme conditions l'existence d'un contrat de licence signé, la livraison des produits et l'absence d'obligation contractuelle non remplie par LHSP à l'égard de l'autre partie au contrat.

En l'espèce, LHSP avait conclu des contrats de licence avec des sociétés nouvellement créées, appelées 'LDC' (pour 'Language Developement Companies'), qui prévoyaient que ces nouvelles sociétés allaient développer des applications informatiques dans le domaine, sur base des technologies ainsi données en licence par LHSP. En vertu de ces mêmes contrats, en contrepartie des licences, des 'royalties' devaient être payées par ces sociétés, qui donnèrent lieu à des comptabilisations de recettes dans les comptes annuels de LHSP, pour des montants importants.

La cour d'appel a constaté que certains de ces contrats comportaient des clauses contraires à la réalité en ce qu'elles stipulaient notamment que les parties convenaient que les LDC développeraient de façon totalement autonome les produits sur base des outils livrés par LHSP, sans intervention ni aide de LHSP, alors qu'il était établi, au moment de la rédaction des contrats, que le développement de façon indépendante par les LDC était impossible et que LHSP devrait contribuer dans les faits de façon substantielle auxdits développements. Dans la réalité, souligne la cour, et contrairement à ce que faisaient croire les contrats, les risques liés au développement des produits étaient donc 'partagés' par les LDC et la société LHSP, compte tenu du fait que les LDC étaient dépendantes de l'aide technique de LHSP, ce qui avait des implications comptables puisque les royalties ne pouvaient normalement être comptabilisées comme recettes par LHSP que dans la mesure où cette aide était effectivement donnée. La cour relève qu'il s'agit là d'un faux intellectuel dans la mesure où l'intention frauduleuse était, en réalité, de pouvoir comptabiliser les royalties comme recettes dans les comptes de la société LHSP (en cachant l'obligation d'aide, non remplie par LHSP).

Par ailleurs, la cour retient également comme faux les clauses desdits contrats indiquant qu'ils avaient été 'négociés par les parties et leurs conseils respectifs', alors qu'en réalité ce ne fut pas le cas, le texte ayant été dicté par les administrateurs de LHSP au moment où les LDC étaient à peine créées. Il s'agit à nouveau d'un faux intellectuel selon la cour car les auteurs des contrats avaient, par cette affirmation contraire à la réalité, pour intention frauduleuse de tromper les tiers (et en particulier le commissaire-réviseur de la société LHSP) pour les convaincre de la réalité du contenu des contrats ainsi que de l'indépendance et de l'autonomie économique des LDC vis-à-vis de LHSP.

Usage de faux

Lorsque l'usage du faux a été commis par l'auteur de la pièce fausse et avec la même intention frauduleuse, l'usage du faux n'est que la continuation du faux lui-même: il ne constitue, dans ce cas, qu'une seule infraction continuée, passible de la peine du faux [77]. La mention de cet usage ne modifie pas la nature et la cause de l'accusation [78].

L'usage d'une pièce fausse peut se poursuivre au-delà de la clôture des opérations de la faillite d'une personne morale [79].

La loi n'ayant pas défini l'usage de faux, il appartient au juge d'apprécier en fait ce qui constitue cet usage et notamment de vérifier si celui-ci continue à tromper autrui ou à lui nuire et à produire ainsi l'effet voulu par le faussaire. La Cour de cassation vérifie si le juge a pu, de ses constatations, légalement déduire que le faux a cessé ou a continué d'engendrer l'effet utile recherché [80].

La Cour de cassation a ainsi estimé dans un cas d'espèce que les juges d'appel avaient légalement considéré que le prévenu ne saurait déduire de la seule circonstance que les sociétés cibles avaient été dissoutes que l'administration fiscale n'aurait plus été victime du faux et de son usage, dès lors que la dissolution de ces sociétés n'exonère pas celles-ci d'introduire dans les délais légaux une déclaration à l'impôt des sociétés ni de payer l'impôt éventuellement dû, y compris les précomptes [81].

Caractère instantané de l'infraction

Le faux en écrit est une infraction instantanée. Par conséquent, il ne résulte pas de l'acceptation ou du refus ultérieur d'une facture qu'un tel écrit - qui, en l'espèce, n'avait aucune valeur probante sociale au moment de l'éventuelle dissimulation de la vérité (à savoir avant son contrôle) - devienne un écrit protégé pénalement [82].

Prescription

Lorsqu'un prévenu est poursuivi du chef de faux et de son usage, la prescription de l'action publique à l'égard des deux infractions ne commence à courir qu'à partir du dernier fait d'usage, lequel se continue, même sans fait nouveau de l'auteur et sans intervention itérative de sa part, tant que le but qu'il visait n'est pas entièrement atteint et que l'acte initial ne cesse pas d'engendrer, sans qu'il s'y oppose, l'effet utile qu'il en attendait.

Il appartient au juge d'apprécier en fait ce qui constitue cet usage et quelle en est la durée, mais la Cour de cassation vérifie si la décision attaquée n'a pas méconnu la notion d'usage de faux en examinant si des éléments ainsi souverainement constatés, le juge du fond a pu légalement déduire que l'usage continuait à produire l'effet recherché par le faussaire [83].

Compétence territoriale

Appliquant le principe selon lequel les juridictions répressives belges sont compétentes pour se prononcer sur l'infraction dès lors qu'un des éléments constitutifs est localisé sur le territoire belge, des juges avaient pris comme élément constitutif la possibilité de préjudice, estimant que l'effet concret des faux qui avaient été perpétrés en Hollande se produisait en Belgique, en tant que 'lieu du possible préjudice'.

Cette décision a été cassée par la Cour de cassation, qui a jugé que la possibilité de préjudice comme élément constitutif des infractions de faux en écriture et d'usage de faux, - à savoir le dommage potentiel résultant de ce faux au moment de sa commission et l'usage au moment où celui-ci a lieu - 'ne peut, par sa nature, servir à localiser ces infractions' [84].

Droits de la défense

La question a été posée de savoir dans quelle mesure il fallait tenir compte, dans la procédure, du fait que la personne poursuivie s'était également constituée partie civile de chef de faux et usage de faux contre la victime des faits faisant l'objet des poursuites, le prévenu soutenant que la plainte déposée constituait un obstacle légal au jugement de la cause.

La Cour de cassation a jugé qu'aucune disposition légale n'empêchait le juge pénal de statuer au motif que le prévenu contestait les faits par la voie d'une plainte dirigée contre les personnes qu'il accuse et qu'une violation des droits de la défense ne pourrait se déduire de la seule circonstance que le juge du fond a statué sur l'action publique sans attendre le résultat d'une instruction relative à des faits susceptibles d'affecter la régularité de l'administration de la preuve. Il lui revient en effet d'apprécier en fait dans quelle mesure cette instruction est nécessaire pour former sa conviction quant aux faits dont il est saisi [85].

2. Faux informatique (art. 210bis)

Le faux en informatique, réprimé par l'article 210bis du Code pénal, exige comme élément constitutif l'altération de la vérité par la manipulation de données en introduisant dans un système informatique, en modifiant ou effaçant des données qui sont stockées, traitées ou transmises par un système informatique ou en modifiant par tout moyen technologique l'utilisation possible des données dans un système informatique avec pour conséquence de modifier la portée juridique de telles données.

Une personne a ainsi été poursuivie pour avoir consciemment introduit un faux code dans le système bancaire de Fortis banking.

Le tribunal correctionnel de Louvain, saisi du dossier, a constaté que l'élément matériel du délit est constitué de l'introduction de données dans un système informatique, comme celui de Fortis.

La modification de la portée juridique des données résulte en l'espèce de deux choses: tout d'abord de l'utilisation d'un code qui est faux et qui par conséquent ne peut pas automatiquement être identifié par la banque comme étant le code de l'ayant droit, et ensuite dans le script qui, après l'introduction du faux code, pouvait être utilisé afin de tromper la banque et les tiers.

Pour ce qui est de l'intention frauduleuse, elle était contestée par le prévenu qui se défendait en relevant qu'il n'avait que l'intention de tester la sécurité du site de Fortis afin que cette dernière banque puisse, ultérieurement, mieux protéger son système de sécurité informatique. Le tribunal n'a pas accueilli cette argumentation en soulignant que l'intention frauduleuse, à savoir 'l'intention de nuire ou d'en retirer un avantage' ressort déjà du fait qu'en l'espèce, il avait consciemment effectué un test. Or, poursuit le tribunal, lorsque l'on effectue un test relatif à la sécurité d'un système informatique, c'est précisément pour déterminer si et comment, un tel système réagit à l'introduction de données digitales inconnues et quel impact positif ou négatif possible cela emporte (à savoir des conséquences négatives). Il en déduit que l'intention de nuire est donc implicitement contenue dans le fait de tester.

Enfin, souligne le tribunal, l'intention spéciale n'exige par ailleurs pas qu'un dommage ou un préjudice ait été effectivement réalisé. Un préjudice possible suffit, remarquant au passage qu'en l'espèce, ce n'est que par l'intervention de la cellule informatique de Fortis que le faux a été découvert et qu'il en est resté à une tentative [86].

3. Prise d'intérêt (art. 245)

L'infraction de prise d'intérêt implique qu'une personne, exerçant une fonction publique, pose un acte ou tolère une situation y prenant ainsi un intérêt ressortissant à sa fonction. Elle réprime la confusion entre l'intérêt général et l'intérêt particulier.

Il en va ainsi lorsqu'une personne exerçant une fonction publique participe à une décision de délivrer un certificat urbanistique à une entreprise dans laquelle elle possède des actions, sans aucun contrôle d'opportunité, dans la mesure notamment où “il n'est pas requis, à cet égard, que lorsqu'elle pose cet acte, cette personne dispose d'une marge d'appréciation, ni que l'intéressé obtienne des droits en raison de cet acte” [87].

4. Association de malfaiteurs (art. 322)

Pour qu'une personne puisse être considérée comme participant à une association de malfaiteurs, il est exigé qu'elle fasse partie d'un groupe organisé de personnes ayant pour objectif de perpétrer une ou plusieurs atteintes à des personnes ou propriétés et qu'elle a la volonté consciente de participer à cette association. Il n'est toutefois pas exigé que cette personne ait participé de façon effective aux délits de l'association.

Par ailleurs, le fait qu'il soit question d'une structure ou organisation permanente préexistante n'empêche pas que des personnes, qui n'en sont pas membres à l'origine, peuvent malgré tout faire partie d'un groupe organisé de façon plus large qui a pour but de perpétrer un délit spécifique [88].

5. Secret professionnel (art. 458)

Les praticiens professionnels auxquels s'appliquent l'article 458 du Code pénal sont tenus au secret professionnel quant aux secrets qui leur sont confiés dans le cadre de leur profession, hors les cas où ils sont appelés à rendre témoignage en justice ou devant une commission d'enquête parlementaire et celui où la loi les oblige à faire connaître le secret.

A cet égard, il est sans intérêt de savoir si le détenteur du secret a reçu l'information concernant l'exercice de sa profession de son commettant ou d'un tiers. Dans le cas d'espèce, les juges d'appel avaient jugé qu'il n'existait pas de charge suffisante à l'encontre du prévenu du chef de violation du secret professionnel dans la mesure où ce dernier n'était pas l'expert-comptable du plaignant, mais celui d'un tiers. La Cour de cassation a jugé que la circonstance que les éléments fournis au prévenu en qualité de professionnel tenu au secret ne lui avaient pas été procurés par son mandant mais bien par le plaignant en tant que tiers ne suffisait pas à exclure l'application de l'article 458 du Code pénal [89].

Le secret professionnel est également applicable aux fonctionnaires de police. Ceci étant, lorsqu'un fonctionnaire de police est entendu comme prévenu, il peut s'exprimer au-delà de son secret professionnel, tant que cela est utile pour sa défense. Ce droit à la parole au-dessus du secret professionnel existe à partir du moment où il est évident que la personne est suspectée d'un fait pénal [90]. En l'espèce, le fonctionnaire de police avait donc le droit de faire valoir ses droits à la défense et de les faire primer sur son devoir de tenir le secret.

Enfin, la cour d'appel de Bruxelles a rappelé que le secret professionnel de l'avocat, règle d'ordre public, couvre les correspondances échangées entre un avocat et son client. Cette règle ne s'oppose pas nécessairement à ce que le client, qu'il soit prévenu ou partie civile, produise, pour assurer sa défense en justice, le courrier échangé avec son conseil, pour autant que cette production soit indispensable au respect de ses droits de défense. Il ne peut cependant en aller ainsi lorsque les correspondances produites contiennent des propositions confidentielles en vue du règlement amiable du litige, dès lors que le client a été clairement averti du caractère confidentiel des négociations et avait mandaté son conseil pour qu'il y participe [91].

6. Informations obtenues en consultant un dossier répressif (art. 460ter)

Un journaliste poursuivi en raison de violation de l'article 460ter a été acquitté, le juge estimant qu'il n'est pas prouvé qu'il a, d'une façon ou l'autre, participé à la consultation et la prise de copie d'informations provenant du dossier répressif et qu'il n'est pas conscient de l'intention spécifique de l'auteur principal du délit. Le fait qu'il soit établi que le journaliste est en possession de copies d'un dossier répressif et qu'il en soit conscient ne suffit pas pour constituer la preuve de sa participation au délit. En outre, le journaliste a également le droit de ne pas divulguer ses sources [92].

7. Infractions liées à l'état de faillite (art. 489 et s.)

Se rendent coupables d'une infraction liée à l'état de faillite, les commerçants en état de faillite ou les dirigeants de droit ou de fait d'une société commerciale en état de faillite qui auront, dans l'intention de retarder la déclaration de faillite, omis de faire l'aveu de la faillite dans le délai prescrit par la loi sur les faillites, ou sciemment omis de fournir, à l'occasion de l'aveu de la faillite, les renseignements exigés par la même loi ou encore sciemment fourni des renseignements inexacts à l'occasion de l'aveu de la faillite ou ultérieurement aux demandes adressées par le juge-commissaire ou le curateur.

Dans ce cadre, le tribunal correctionnel de Bruxelles a jugé que cette infraction, prévue par l'article 489bis, 4° du Code pénal requiert la constatation que le prévenu est dirigeant de la société faillie et, en outre, la constatation de l'état de cessation des paiements. L'existence d'un jugement de faillite n'est pas nécessairement suffisante pour démontrer cet état [93]. En l'espèce, le juge répressif a constaté que le prévenu n'était plus gérant de la société et qu'en l'état du dossier, la date de la faillite effective de la société n'était guère certaine. Il relève également dans ce cadre que l'existence d'une dette sociale ne suffit pas à démontrer la perte de tout crédit, puisque, précisément, l'administration sociale a paru tolérer cette situation jusqu'à sa citation en faillite. Aucune enquête n'a été menée auprès de l'ONSS, pourtant citant en faillite, pour savoir depuis quand, et selon quelles modalités, elle aurait vainement sollicité l'apurement de sa créance sur la société.

On notera par ailleurs que l'article 490, 1er alinéa du Code pénal dispose que “les juridictions prononçant une condamnation à une peine d'emprisonnement en vertu des articles 489, 489bis et 489ter ordonneront que leur décision soit publiée, par extrait, aux frais du condamné, au Moniteur belge”. La Cour de cassation souligne à ce propos que lorsque le juge pénal accorde à un prévenu le bénéfice de la suspension du prononcé de la condamnation, il ne le condamne pas à une peine. Par conséquent, le juge qui accorde au prévenu le bénéfice de la suspension du prononcé de la condamnation du chef d'infractions aux articles 489, 489bis ou 489ter du Code pénal “ne peut ensuite ordonner la publication, par extrait, de la décision en application de l'article 490 de ce même code” [94].

8. Organisation frauduleuse d'insolvabilité (art. 490bis)

Aux termes de l'article 490bis, 2ème alinéa du Code pénal, l'organisation de son insolvabilité par le débiteur peut être déduite de toute circonstance de nature à révéler sa volonté de se rendre insolvable.

Comme l'a confirmé la Cour de cassation “le délit est commis dès lors que la situation de fortune est organisée de manière telle que ce que le débiteur possède est, en fait ou en droit, soustrait à l'exécution forcée des créanciers” [95]. Ainsi en va-t-il d'une personne redevable d'une importante dette à l'égard de l'administration de la TVA, qui passe une convention relative à l'acquisition dissociée de son immeuble en usufruit pour lui et en nue-propriété pour son épouse. Poursuivie, cette personne a soutenu que cet acte ne pouvait être qualifié de 'donation' et qu'il n'avait pu l'appauvrir dès lors que cet actif avait été financé par un emprunt. Les juges ont toutefois considéré que cette acquisition par l'épouse du prévenu de la nue-propriété constituait en réalité une donation déguisée à celle-ci, de sorte que le prévenu avait volontairement organisé son patrimoine de manière à le soustraire aux actes d'exécution de son créancier.

Dans un autre dossier soumis à la cour d'appel d'Anvers, il a été fait application du 3ème alinéa de l'article 490bis qui dispose qu'à l'égard du tiers co-auteur ou complice du délit d'organisation frauduleuse d'insolvabilité, 'l'action publique est éteinte s'il restitue les biens qui lui avaient été remis'. En cette affaire, le ministère public avait poursuivi deux parents comme auteurs, et leurs trois enfants ainsi qu'une société comme coauteurs, pour organisation frauduleuse d'insolvabilité, en raison du fait que les parents avaient, avec l'aide de leurs enfants, mis en place une structure afin que le bien immobilier des parents soit vendu - sans paiement réel - à une société créée par les enfants, dans l'objectif de le soustraire à l'administration fiscale, créancière des parents.

La cour a constaté, en l'espèce, l'intervention d'une transaction entre d'une part, l'administration fiscale et d'autre part, un des enfants ainsi que la société nouvellement propriétaire du bien. Selon cette transaction, le prix pour lequel le bien avait, sur base d'un acte notarié, été vendu à la société, est à nouveau apporté dans le patrimoine des parents débiteurs. Les juges d'appel estiment que, dans ces circonstances, il y a dans le chef de ces deux prévenus extinction de l'action publique à dater de la date de ce remboursement. Quant aux autres prévenus, qui n'étaient pas parties à cette transaction, mais dont l'un soutenait qu'elle agissait également à son avantage et qu'elle avait également éteint l'action publique à son encontre, la cour d'appel souligne que ces derniers n'ont remis aucun bien ni aucune somme et qu'elles ne pouvaient donc pas bénéficier de cette cause d'extinction [96].

Enfin, il a été rappelé que l'infraction est consommée “lorsque les deux conditions formant ensemble l'élément matériel sont réunies, quel que soit l'ordre chronologique de ces deux conditions, à savoir l'organisation de son insolvabilité par le débiteur et la non-exécution des obligations dont il était tenu”. L'échéance et l'exigibilité de la dette ne doivent dès lors pas précéder l'organisation de l'insolvabilité. En l'espèce, le prévenu a été déclaré coupable sur la base du fait qu'il avait une domiciliation fictive au siège social de la société dont il était le gérant, que l'huissier ne connaissait aucun moyen de poursuites à charge du prévenu, qu'il ne possédait plus rien qui soit susceptible d'être saisi (l'ensemble du mobilier garnissant les lieux appartenant à des sociétés), l'utilisation de la voiture et de l'hébergement constituant des avantages en nature des sociétés alors que le prévenu ne bénéficiait par ailleurs que de faibles revenus, l'absence de tout patrimoine immobilier, etc. [97].

9. Abus de confiance (art. 491)
Objet de l'infraction

En ce qui concerne les objets susceptibles de faire l'objet d'un abus de confiance, l'article 491 du Code pénal les énumère comme étant “les effets, deniers, marchandises, billets, quittances, écrits de toute nature contenant ou opérant obligation ou décharge”. Cette liste, considérée comme limitative, vise en réalité tout objet mobilier corporel ayant une valeur financière.

La question s'est posée en cassation de savoir dans quelle mesure des logiciels, programmes, études, rapports, documents contractuels, et listes de clientèle figurant dans un système informatique d'une société commerciale et qui peuvent donc constituer des biens à valeur commerciale, répondent à la notion d'avoirs corporels au sens de l'article 491 du Code pénal.

Dans ses conclusions précédant l'arrêt, l'avocat général Vandermeersch, estime que, compte tenu de l'informatisation croissante dans tous les secteurs de la société, il n'y a pas lieu d'établir actuellement une différence entre les données à valeur commerciale couchées sur une feuille de papier et ces mêmes données reprises sur un support informatique. Il prend ainsi l'exemple de la clientèle d'une société, concédant que l'on doit considérer certes celle-ci comme un bien incorporel, tout en relevant que la liste reprenant l'ensemble des clients de cette société constitue en revanche un bien à valeur marchande qui est susceptible d'appropriation licite ou illicite, peu importe finalement que la liste reprise soit sur un support papier ou sur un support informatique. On peut d'ailleurs soutenir que les données informatiques ne sont pas dépourvues de toute 'consistance matérielle': de telles données sont localisables, occupant un espace sur le support informatique où elles sont stockées, elles peuvent recevoir une forme visuelle sur l'écran d'un ordinateur et faire l'objet de différentes opérations telles qu'un transfert, une copie ou une impression. L'avocat général conclut que les fichiers informatiques paraissent devoir être assimilés à des 'écrits de toute nature' ou autres biens corporels qui, s'ils ont une valeur marchande, doivent être susceptibles de faire l'objet d'un détournement au sens de l'article 491 du Code pénal.

Suivant cette argumentation, dans un arrêt de principe du 5 janvier 2011, la Cour de cassation a confirmé que “des logiciels, études, rapports, documents contractuels, listes de contacts et autres outils de gestion, figurant dans un système informatique, peuvent être assimilés aux écrits de toute nature ou autres objets corporels visés par l'article 491 du Code pénal [98].

Toutefois, à l'instar de l'avocat général, la Cour relève en l'espèce que l'arrêt de la cour d'appel constate qu'aucune information fiable n'était fournie sur le contenu réel du site dont la demanderesse dit avoir été dépossédée et qu'à l'inverse, ce site n'était pas utilisé ou seulement de manière marginale. Ces considérations suffisant à fonder l'acquittement critiqué, les juges d'appel ayant dénié aux objets visés par la prévention la valeur susceptible d'en faire des choses pouvant être détournées, la Cour de cassation a estimé qu'il n'y avait pas lieu de casser l'arrêt, le moyen étant irrecevable.

Détournement ou dissipation

Le tribunal correctionnel de Bruxelles a été saisi par le ministère public d'une prévention d'abus de confiance, dans le cadre de l'affaire dite 'Citibank', cette dernière étant poursuivie pour avoir frauduleusement détourné ou dissipé des sommes qui avaient été remises par ses clients afin de faire l'objet d'investissements dans les produits structurés Lehman Brothers et dont le ministère public soutenait que le capital était garanti à 100% par la banque. Après avoir rappelé que la prévention d'abus de confiance prévue à l'article 491 du Code pénal réprime l'auteur qui détourne ou dissipe une chose qui lui a été remise à la condition de la rendre ou d'en faire un emploi déterminé, ce qui suppose que l'auteur agisse avec l'intention frauduleuse de s'approprier la chose confiée ou de l'enlever à son propriétaire, le tribunal souligne que cette infraction “implique ainsi des actes matériels d'interversion de la possession consistant soit dans un acte d'appropriation directe de la chose (détournement) soit dans un acte de disposition (dissipation) et révélant la volonté de leur auteur de se conduire comme seul propriétaire de la chose”. En l'espèce, le tribunal relève que les fonds remis par les clients à la banque ont, en exécution d'un contrat de mandat, été remplacés par des produits financiers qui sont devenus leurs propriétés et ont été inscrits en leurs comptes. Il y a eu donc substitution aux sommes confiées d'un titre de même valeur, “de sorte qu'aucun détournement ou dissipation n'a pu être constaté à leur préjudice”. Le tribunal décide également que la question de l'existence ou non d'une garantie, relevant de l'examen de l'usage contractuellement convenu entre les parties, “est étrangère à l'appréciation d'un détournement ou d'une dissipation”. Par conséquent, à défaut d'au moins un de ses éléments constitutifs, cette prévention a été déclarée non établie [99].

Le président d'une ASBL avait été poursuivi pour abus de confiance pour avoir refusé de rendre certains biens appartenant à l'ASBL dans la mesure où il estimait que cette dernière lui devait encore de l'argent. La cour d'appel d'Anvers, confirmant que l'abus de confiance nécessite comme premier élément constitutif un acte matériel de détournement ou de dissipation, a jugé que le seul exercice du droit de rétention par un créancier ne constitue certainement pas un tel détournement ou dissipation, ce d'autant plus qu'en l'espèce, on devait exclure toute intention de s'approprier personnellement les choses qui avaient été confiées [100].

Dans un autre dossier, le président d'une organisation syndicale du personnel de police, qui avait été financée par des fonds provenant de ses membres, avait détourné des fonds à titre personnel, en les dépensant notamment dans de nombreux bars. La cour d'appel d'Anvers a estimé que ces faits devaient être réprimés comme abus de confiance et non comme détournement par un fonctionnaire public (art. 240 C.pén.). En l'espèce, elle a jugé que, notamment sur base de l'importance des dépenses effectuées dans les bars, les montants souvent 'arrondis', la fréquence des visites et la nature des établissements visités, impliquaient que toutes les dépenses qui avaient été effectuées par le président de cette organisation avec la carte Visa qui lui avait été confiée par la personne morale avaient été effectuées dans son propre avantage et sans aucune utilité pour la personne morale. Par l'utilisation de cette carte Visa, le prévenu avait changé sa possession précaire en possession 'animo domini' [101].

Enfin, on notera cet arrêt de la cour d'appel de Bruxelles, statuant sur l'argumentation de l'administration fiscale selon laquelle il y avait lieu de dire pour droit qu'il y avait abus de confiance au sens de l'article 491 du Code pénal dans la mesure où des administrateurs d'une société avaient employé les fonds pour payer un autre créancier que l'administration de la TVA et, dès lors, pour procurer à autrui un bénéfice illégal.

La cour a décidé que l'infraction d'abus de confiance est matériellement impossible en l'espèce: “la raison en est que la société, et elle seule, est débitrice de la TVA calculée sur les opérations effectuées par elle, et dont elle a préalablement incorporé le coût dans le prix des prestations facturées à ses clients. Le paiement des factures par le client opère un transfert de propriété des sommes d'argent en faveur de la société. La société disposant de la pleine propriété des sommes d'argent encaissées par elle, on ne voit pas comment elle pourrait se rendre coupable de détournement ou de dissipation sur les biens lui appartenant” [102].

Elément moral

En ce qui concerne l'élément moral du délit d'abus de confiance, ce dernier consiste en l'intention de l'auteur de s'approprier la chose remise ou d'en dépouiller celui à qui elle appartient et, dès lors, d'en disposer en tant que propriétaire. La bonne foi de l'auteur quant à son mobile est, à cet égard, sans incidence. Le délit d'abus de confiance 'ne cesse dès lors pas d'exister du seul fait qu'en détournant des fonds, l'auteur poursuit le recouvrement d'une somme qui lui est due' [103].

En l'espèce, le prévenu s'était servi d'une procuration qui lui avait été délivrée par la victime dans le cadre d'un courant d'affaires ayant existé entre les parties. Il avait utilisé son mandat pour prélever sur le compte de la victime une somme d'argent qu'il s'était attribuée à l'insu et contre le gré de cette dernière, pour se payer d'une créance qu'il soutenait avoir contre elle.

Par ailleurs, il a également été précisé à cette occasion que dès lors qu'il est avéré que l'auteur de l'abus de confiance s'est rendu maître frauduleusement d'une somme d'argent ne lui appartenant pas, quand bien même il la revendique comme telle, “il n'y a pas lieu à compensation de cette somme avec celle dont il affirme être créancier puisqu'en vertu de l'article 1293, 1° du Code civil, la compensation n'a pas lieu dans le cas de la demande en restitution d'une chose dont le propriétaire a été injustement dépouillé”.

Caractère instantané

Le délit d'abus de confiance est consommé dès que la personne à laquelle des biens meubles ont été confiés avec l'obligation de les rendre ou d'en faire un usage ou un emploi déterminé se trouve dans la situation de ne pouvoir, soit les restituer, soit en faire l'usage ou l'emploi convenu. Etant assimilé par la loi à un mandataire, l'administrateur d'une ASBL commet dès lors le délit d'abus de confiance lorsqu'il détourne ou dissipe les avoirs sociaux confiés à sa gestion. Il s'agissait en l'espèce de dirigeants d'une ASBL qui avaient prélevé des fonds reçus sur le compte de l'ASBL, en agissant à l'insu des organes de contrôle de l'association et en se comportant en véritables propriétaires de ces fonds, au mépris des droits de l'ASBL. Les prévenus s'étaient défendus en affirmant notamment que l'infraction n'était pas établie dès lors que les prélèvements opérés avaient été ratifiés par le conseil d'administration. Cette argumentation a été rejetée par la Cour de cassation qui a jugé que le fait que le conseil d'administration ait ultérieurement ratifié cette décision est sans incidence sur l'existence de l'infraction, 'l'existence des éléments constitutifs d'une infraction s'appréciant au moment de la commission de celle-ci'. Par ailleurs, le détournement ne perd bien entendu pas son caractère illicite du seul fait que les sommes d'argent dissipées qui en sont l'objet proviennent d'un compte ouvert au nom d'une personne morale [104].

Compétence territoriale

La Cour de cassation s'est également penchée sur la problématique de la localisation territoriale de l'infraction. En l'espèce, un ordre avait été donné à une banque suisse, d'encaisser des valeurs et de verser le produit sur le compte bancaire suisse du prévenu. L'instruction n'a jamais pu démontrer que le prévenu avait donné l'ordre d'encaissement à la banque suisse à partir de la Belgique. Le prévenu, condamné, a soulevé devant la Cour de cassation que le simple fait qu'il résidait à ce moment en Belgique ne démontrait nullement que l'ordre d'encaissement avait pu être donné avec certitude à partir de la Belgique et que par conséquent les juridictions pénales belges n'étaient pas compétentes, à défaut de pouvoir statuer sur une infraction dont l'un des éléments constitutifs était localisé sur le territoire belge.

En matière d'abus de confiance, rappelle la Cour, le lieu du détournement ou de la dissipation notamment détermine, en principe, la localisation de l'infraction et, par conséquent, la compétence du juge pénal belge. Le détournement consiste à s'approprier illégalement le bien confié. La Cour, examinant l'arrêt de la cour d'appel qui lui a été soumis, constate que les juges d'appel avaient décidé que l'ordre donné d'encaisser les valeurs et de verser le produit sur son compte bancaire personnel constituait un acte d'appropriation dans le chef du prévenu, qu'il ressortait avec certitude de l'instruction que ce dernier résidait en Belgique durant toute la période incriminée et que l'appropriation des valeurs devait dès lors être située en Belgique. Ce faisant, juge la Cour de cassation, les juges d'appel ont justifié légalement leur décision selon laquelle les tribunaux belges étaient compétents en l'espèce [105].

10. Abus de biens sociaux (art. 492bis)

L'infraction d'abus de biens sociaux requiert qu'un usage 'significativement préjudiciable' ait été fait des biens ou du crédit de la personne morale [106].

Dans ce cadre, le juge peut considérer que constitue un usage illicite des biens d'une société les dépenses faites par un dirigeant de ladite société en vue d'assurer son train de vie et de payer les pensions alimentaires auquel il est tenu. En l'espèce, le prévenu avait retiré les sommes d'argent 'pour vivre', en ne pouvant donner aucune explication précise et probante au sujet de l'emploi de nombreux prélèvements. Les montants démontraient en l'espèce le 'caractère significatif' du préjudice [107].

11. Escroquerie (art. 496)

Une personne avait reçu en prêt d'une autre personne une somme importante. Une reconnaissance de dette pour ce montant avait été signée par l'emprunteur avec un engagement à rembourser ladite somme. L'emprunteur soutient qu'il a remboursé le montant rapidement par la remise de fonds en liquide au prêteur, et que ce dernier s'était engagé à détruire la reconnaissance de dette. Toutefois, le prêteur a malgré tout, par la suite, lancé citation contre l'emprunteur en paiement de la somme prêtée.

L'emprunteur s'est alors constitué partie civile contre le prêteur du chef, notamment, de tentative d'escroquerie. L'emprunteur estimait en effet que la citation en justice constituait une tentative d'escroquerie dès lors qu'elle visait à obtenir le paiement d'une somme déjà remboursée et, par conséquent, indue, alors que le prêteur s'était engagé à détruire la reconnaissance de dette et s'était abstenu de toute réclamation pendant plus de dix ans.

Dans ses conclusions précédent l'arrêt, l'avocat général Vandermeersch rappelle que le délit d'escroquerie comporte différents éléments constitutifs, dont l'intention de s'approprier une chose appartenant à autrui, la remise ou la délivrance de fonds, meubles, obligations, quittance ou décharge, et le 'recours à des moyens frauduleux'. En l'espèce, il estime que l'assignation en justice n'a pas pour but de surprendre la confiance du débiteur prétendu mais bien de poursuivre contre lui l'exécution d'une obligation que le créancier lui impute, à tort ou à raison. Constatant que la citation ne constitue d'ailleurs pas un agissement destiné à faire ajouter foi à l'allégation prétendument mensongère, mais tendant seulement à faire trancher le différend relatif au remboursement ou non de la somme réclamée, il conclut que “en décider autrement reviendrait à pénaliser potentiellement tout le contentieux civil. En effet, il suffirait alors à la partie défenderesse dans un procès civil de taxer d'allégation mensongère la prétention de la partie demanderesse pour pouvoir lui imputer le délit de tentative d'escroquerie”.

Restant dans la ligne de ce qui précède, la Cour de cassation a confirmé que l'assignation en paiement d'un prêt, dont le remboursement est affirmé par une partie et contesté par l'autre, n'a pas pour but de surprendre la confiance du débiteur prétendu mais de poursuivre contre lui l'exécution d'une obligation qu'à tort ou à raison, le créancier lui impute. Elle souligne également que les actes accomplis par le prêteur pour se rembourser de la somme qu'il dit lui être due ne présentent dès lors pas les caractères légaux du délit d'escroquerie. La circonstance qu'il y a, entre la partie civile et la personne qu'elle poursuit, un compte à débattre, suffit pour écarter le délit, alors même que la créance ne serait pas reconnue [108].

Dans une autre affaire, un prévenu, qui avait été poursuivi et condamné par la cour d'appel pour escroquerie portant sur différents objets d'antiquité qu'il avait échangé contre trois statuettes, a défendu devant la Cour de cassation que l'arrêt de la cour d'appel violait la notion de 'manoeuvre frauduleuse'. La Cour a rappelé à nouveau que les manoeuvres frauduleuses visées par l'article 496 du Code pénal doivent avoir été employées dans le but de surprendre la confiance d'une autre personne et qu'elles peuvent également être “constituées par un ensemble de faits dont chacun n'est qu'un élément de la manoeuvre frauduleuse et ne réunit, partant, pas tous les caractères de celle-ci” [109].

En l'espèce, la Cour de cassation constate que selon les juges d'appel la valeur des statuettes avait été fixée par une expertise judiciaire à un maximum de 5.500 EUR alors qu'elles avaient été estimées par le prévenu à 40.000 EUR. Le prévenu avait, dans cette affaire, constitué une 'mise en scène', par différents éléments notamment en effectuant quatre échanges 'honnêtes' antérieurs pour habituer la victime à procéder à des échanges d'objets, prodigué gracieusement des conseils pour la décoration de la maison de la victime, donné des informations concernant son état d'antiquaire “de grosse pointure possédant diverses entrepôts et une affaire à Genève”, affirmant que les statuettes “venaient de sa collection personnelle, qu'il s'agissait d'objets de très grande valeur mais dont il devait se séparer en raison d'un besoin de liquidités pour l'achat du contenu d'un château, affirmation qui avait pour but de persuader la victime qu'il était un très important et très respectable marchand d'oeuvres d'art disposant d'une collection personnelle de valeur”. La Cour de cassation conclut que “par l'ensemble de ces énonciations, sans être tenu de constater que chacun des éléments ainsi retenus était en soi révélateur d'une machination, les juges d'appel ont légalement justifié leur décision que les actes accomplis par le demandeur présentent le caractère de manoeuvres frauduleuses”.

Au niveau de l'élément moral, la prévention d'escroquerie réprime l'auteur qui 'dans le but de s'approprier la chose d'autrui' se fait remettre cette chose à l'aide de moyens frauduleux, qu'il s'agisse de faux nom, fausse qualité ou de manoeuvres frauduleuses. Dans le dossier dit 'Citibank', il a été jugé à cet égard que “rien dans le dossier répressif ne permet d'établir que les prévenus aient eu l'intention de s'approprier les sommes remises par leurs clients. En effet, cet argent a été affecté par la prévenue SA Citibank Belgium à l'achat en leur nom et pour leur compte de produits d'investissement qui ont été mis à leur disposition. En l'absence d'une quelconque objectivation matérielle d'une volonté d'appropriation de la chose d'autrui, il n'y a pas lieu de retenir cette prévention, sous cette qualification, à leur charge” [110].

En matière d'escroquerie à l'assurance, il a été jugé que la circonstance que la compagnie d'assurance aurait pu se faire rembourser par le courtier, s'il avait été solvable, - par application des clauses prévoyant un tel remboursement pour les contrats n'atteignant pas la durée fixée - les commissions indues, en tant que produites par des contrats fictifs d'assurance vie signés par les preneurs dans l'intention, non pas de s'engager, mais de permettre au courtier leur encaissement, ne doit pas être prise en compte dans l'appréciation du lien causal entre l'escroquerie réalisée à l'aide des contrats fictifs et les montants recueillis grâce à cette manoeuvre [111].

Enfin, le tribunal correctionnel de Hasselt a jugé que l'article 462 du Code pénal qui prévoit une immunité personnelle au profit, notamment, des descendants lorsqu'ils se rendent coupables d'un vol au préjudice d'un ascendant est applicable au délit d'escroquerie [112].

12. Tromperie (art. 498)

L'infraction de tromperie faisant l'objet de l'article 498 du Code pénal “réprime le vendeur qui trompe l'acheteur sur l'identité de la chose venue en livrant frauduleusement une chose autre que celle sur laquelle a porté la transaction ou sur la nature ou l'origine de la chose vendue en revendant ou livrant frauduleusement une chose semblable en apparence à celle que l'acheteur a achetée ou a cru acheter”.

Dans un cas d'espèce soumis au tribunal correctionnel de Bruxelles, les juges ont constaté qu'il y avait eu entre la banque poursuivie et ses clients une 'convention de mandat', la seule vente opérée ayant été entre les clients et une autre institution financière. Par conséquent, le tribunal a jugé qu'“en l'absence de contrat de vente ou d'échange” avec la banque belge, il n'y avait pas lieu de retenir cette prévention, sous cette qualification et en acquitté la prévenue [113].

13. Fraude informatique (art. 504quater)

L'article 462 du Code pénal prévoit une immunité personnelle en disposant que ne donneront lieu qu'à des réparations civiles les vols commis notamment par les époux au préjudice de leur conjoint ou par des descendants au préjudice de leurs ascendants.

Saisi d'une affaire dans laquelle une personne était poursuivie du chef de fraude informatique en raison de l'utilisation illicite d'une carte bancaire appartenant à sa mère, le tribunal correctionnel de Hasselt a appliqué l'article 462, en précisant que l'immunité personnelle qui en découle est applicable à tous les délits contre les propriétés, en ce compris la fraude informatique réprimée par l'article 504quater du Code pénal. Il a jugé qu'en raison de cette immunité personnelle, l'action publique contre ledit prévenu était irrecevable, de même que l'action civile [114].

14. Recel (art. 505, 1er al., 1°)

Une personne s'est fait voler sa Mercedes, et les auteurs du vol n'ont jamais pu être identifiés. Le prévenu a acquis cette voiture sur le marché d'Anderlecht, qui lui a été livrée avec tous les papiers de bord et un jeu de trois clés et il l'a immatriculée à son nom. Il a ensuite été poursuivi pour recel de la voiture mais a ensuite été acquitté, tant en première instance qu'en appel. Par la suite, le propriétaire originaire de la Mercedes a cité le prévenu, qui avait été acquitté, en annulation des frais de remplacement du barillet et de l'alarme ainsi qu'en restitution du code d'accès de la radio équipant la Mercedes.

L'ancien prévenu a formé alors une demande reconventionnelle en demandant le remboursement du prix d'achat, et ce sur le fondement de l'article 2280 du Code civil. En effet, en vertu de cet article, le droit du possesseur d'une chose volée ou perdue qu'il a achetée dans une foire ou dans un marché ou dans une vente publique, a le droit au remboursement par le propriétaire originaire du prix qu'il a payé, sauf s'il est de mauvaise foi. Est de mauvaise foi le possesseur qui doutait ou, en raison des circonstances, devait douter de la légitimité des droits du cédant.

En cassation, le propriétaire originaire de la Mercedes affirmait que l'acquittement du chef de recel n'emportait pas nécessairement la démonstration de l'absence de cette mauvaise foi de l'ancien prévenu. La Cour de cassation a jugé que la bonne foi du possesseur de la chose volée ou perdue qui a acheté cette chose dans les circonstances visées à l'article 2280 du Code civil suppose que le possesseur a pu croire que celui qui lui a transmis la chose en était le propriétaire. La bonne foi peut être exclue dès lors que le possesseur n'a pas pu le croire, même s'il n'a pas eu connaissance de l'origine illicite de la chose. Elle poursuit en considérant que “le recel visé à l'article 505, 1er alinéa, 1° du Code pénal, suppose que le juge constate de manière certaine la connaissance par le prévenu de ce que l'objet a été obtenu à l'aide d'un crime ou d'un délit”.

La décision qui acquitte le possesseur de la prévention de recel, au motif qu'il ignorait l'origine illicite de la chose, 'n'implique pas nécessairement que ce possesseur est de bonne foi au sens de l'article 2280 du Code civil'.

En considérant, pour décider que “les conditions d'application de l'article 2280 du Code civil sont réunies”, que le demandeur “ne peut pas être suivi lorsqu'il affirme que l'acquittement du chef de recel n'emporte pas nécessairement la démonstration de l'absence de mauvaise foi du défendeur” et que “l'on cherche en effet vainement en quoi la mauvaise foi prêtée au défendeur par le demandeur pourrait résulter en l'espèce d'autre chose que la connaissance que le premier aurait eue ou aurait dû avoir de l'origine délictueuse - vol, escroquerie, abus de confiance - du véhicule litigieux”, les juges d'appel ont violé l'article 2280 du Code civil [115].

15. Blanchiment (art. 505, 1er al., 2° à 4°)
Eléments matériels

Un prévenu, poursuivi sur pied de l'article 505, 1er alinéa, 2° du Code pénal, pour avoir “possédé sciemment une somme d'argent constituant un avantage patrimonial tiré du trafic de stupéfiant” ou une valeur substituée à un tel avantage, s'est défendu en relevant qu'une partie de cette somme lui appartenait. En réponse à cette affirmation, les juges d'appel avaient relevé que “la provenance en est douteuse, mais que l'argent devait incontestablement servir à acheter les stupéfiants”. Saisie du pourvoi, la Cour de cassation a jugé que “ni le doute sur l'origine des fonds, ni l'affirmation qu'ils devaient servir à acquérir de la drogue, ni la constatation qu'ils n'y ont pas servi dès lors qu'ils ont été saisis, ne justifient légalement la déclaration de culpabilité relative à ces fonds ainsi que leur confiscation à titre de choses faisant l'objet de l'infraction”. Cet arrêt a dès lors été cassé [116].

Dans un autre dossier, une personne avait soutenu devant le juge d'appel que si le montant en question était d'origine délictueuse, les éléments du dossier ne permettaient pas d'établir qu'ils ne proviendraient pas d'une 'fraude fiscale simple', exclusive de l'infraction de blanchiment.

A cet égard, la Cour de cassation souligne que pour décider qu'une infraction de base ne relève pas de fraude fiscale simple, le juge n'est pas tenu de préciser les faits de fraude fiscale grave et organisée mettant en oeuvre des mécanismes complexes ou usant de procédés à dimension internationale au sens de l'article 505, 3ème alinéa, “à la condition que, sur la base des données de fait, il puisse exclure que les fonds proviennent d'une fraude fiscale simple”.

En l'espèce, elle constate que la somme litigieuse a été remise à l'intervention de deux personnes, sans activités professionnelles susceptibles de générer des montants non déclarés d'une telle importance. Selon les juges d'appel, l'une d'elles, connue pour son appartenance au 'milieu liégeois', a même contesté avoir remis cette somme et a refusé de donner toute information sur l'origine d'autres sommes ayant transité sur son compte bancaire, tandis que l'autre a été condamnée à plusieurs reprises pour sa participation à des fraudes de grande ampleur et aurait remis un montant important alors qu'elle était détenue dans le cadre de sa participation à un carrousel TVA. La Cour de cassation conclut que “en excluant ainsi la fraude fiscale simple, les juges d'appel, sans méconnaître les principes généraux du droit relatif à la charge de la preuve en matière pénale, ont estimé que la défense présentée par le demandeur ne reposait sur aucun élément de nature à la rendre crédible et ont justifié légalement leur décision” [117].

Elément moral

Pour ce qui est de la preuve de l'élément moral de l'infraction visée à l'article 505, 1er alinéa, 2° du Code pénal, cette dernière, rappelle la Cour de cassation, résulte de “toutes les circonstances de fait qui doivent nécessairement éveiller la méfiance de celui qui prend possession des choses et qui constituent des présomptions suffisamment graves, précises et concordantes pour conclure à l'existence de l'élément de connaissance” [118]. Pour déclarer le prévenu coupable de blanchiment, il suffit que soient établies la provenance ou l'origine illégale des choses et la connaissance requise qu'il en avait ou devait en avoir, “sans qu'il soit nécessaire que le juge connaisse l'infraction précise, à la condition que, sur la base des données de fait, il puisse exclure toute provenance ou originale légale”. La provenance d'une somme d'argent ne cesse pas d'être illicite du seul fait que cette somme a été remise à un intermédiaire dans le but d'éteindre une dette [119].

Il a également été jugé que, à l'instar du recel classique, l'infraction visée à l'article 505, 1er alinéa, 2°, peut être uniquement commise par des personnes étrangères à l'infraction génératrice des avoirs [120].

Une escroquerie classique est celle de type 'carambouille', dans le cadre de laquelle plusieurs sociétés, constituant de simples coquilles vides, se font livrer des marchandises à crédit qui sont, ensuite, revendues très rapidement à un prix inférieur à leur valeur d'achat. A l'échéance, les fournisseurs ne sont pas payés et les locaux abandonnés. Dans ce cadre, un prévenu a été poursuivi pour avoir, en infraction à l'article 505, 1er alinéa, 3° et 4° du Code pénal, perçu sur son compte bancaire des sommes d'argent provenant de ces infractions.

Devant la cour d'appel de Bruxelles, la défense du prévenu a fait observer que le seul fait pour ce dernier d'avoir fait transférer directement sur des comptes bancaires ouverts à son nom les fonds qui proviendraient, dans la thèse du ministère public, des infractions d'escroquerie dont il serait établi qu'il en serait l'auteur ou le complice, ne peut constituer une 'dissimulation ou un déguisement de l'origine de ces fonds' au sens des articles précités. La cour a accueilli cette argumentation en jugeant que “force est de constater à l'analyse des pièces produites aux débats que, s'agissant des sommes dont ces comptes en banque ont été crédités, le prévenu a agi de telle manière que les mouvements de fonds sont traçables. Ainsi, notamment, (…) chaque somme portée au crédit du compte (…) du prévenu était identifiable, les extraits de compte renseignant systématiquement l'identité de la personne ayant effectué le paiement sur ce compte”. Elle en a conclu que les éléments constitutifs de l'infraction de blanchiment, soit en l'espèce la volonté de dissimulation ou de déguisement, n'était pas établie et qu'il y avait lieu d'en acquitter le prévenu [121].

Un prévenu avait réalisé divers achats de luxe, essentiellement en faveur d'une femme, avec les sommes détournées ou frauduleusement prélevées sur le compte de sa société. Des poursuites ont été engagées à son encontre du chef d'infraction à l'article 505, 1er alinéa, 3° du Code pénal. La cour d'appel de Bruxelles rappelle que l'article 505, 1er alinéa, 3° incrimine le fait de convertir ou de transférer des choses visées à l'article 42, 3°, dans le but de dissimuler ou de déguiser leur origine illicite ou d'aider toute personne qui est impliquée dans la réalisation de l'infraction d'où proviennent ces choses à échapper aux conséquences juridiques de ses actes. Elle considère par conséquent qu'il ne suffit pas que le prévenu connaisse l'origine illicite des fonds mais “qu'il est exigé qu'il ait, en outre, agi non dans l'intention de dissimuler le bien en soi, mais dans celle d'en dissimuler l'origine illicite ou d'aider les auteurs de l'infraction primaire. Or, en l'espèce le prévenu s'est limité à faire des cadeaux à des proches avec l'argent détourné ou frauduleusement soustrait. Aucun élément ne permet donc d'établir le dol spécial expressément requis par l'article 505, 1er alinéa, 3° du Code pénal” [122].

Confiscation spéciale

Il résulte de l'article 505, 3ème alinéa du Code pénal, tel qu'applicable avant sa modification par la loi du 10 mai 2007, en vertu duquel les choses visées aux 1°, 2°, 3° et 4° dudit article constituent l'objet des infractions couvertes par cette disposition, au sens de l'article 42, 1° du Code pénal, “qu'un avantage patrimonial blanchi visé à l'article 42, 3° du Code pénal, fait l'objet d'une infraction de blanchiment au sens de l'article 42, 1° du Code pénal”. Par contre, le bien obtenu par l'opération de blanchiment, la finalité de cette opération, fût-elle l'obtention de cet avantage patrimonial, ne constitue pas l'objet de l'infraction de blanchiment, mais bien un avantage patrimonial tiré de cette infraction, tel que visé à l'article 42, 3° du Code pénal, de sorte que la confiscation d'un tel avantage patrimonial tiré de l'infraction de blanchiment n'est possible que sur la base des articles 42, 3° et 43bis du Code pénal.

En l'espèce, il s'agissait du blanchiment de sommes d'argent par leur remploi dans des contrats d'assurance vie. L'arrêt de la cour d'appel avait prononcé la confiscation de ces contrats d'assurance vie en tant qu''objet de l'infraction'. La Cour de cassation a cassé cette décision en relevant que “seuls les fonds blanchis réinvestis dans les contrats d'assurance vie” constituaient l'objet de l'infraction de blanchiment et “non pas ce qui est obtenu avec ces sommes, à savoir les contrats d'assurance vie ainsi que les intérêts, revenus et variations de la valeur qui en découlent”. De même, la cour d'appel avait constaté que les sommes avaient été utilisées pour acquérir des titres qui étaient sur un compte titres et avait prononcé la confiscation de ces titres sur le compte titres. A nouveau, la Cour de cassation a souligné que ces titres et leurs revenus ne constituaient pas l'objet de l'infraction de blanchiment, mais bien l'avantage patrimonial qui en est tiré [123].

Dans un sens similaire, la Cour de cassation a cassé la décision d'appel qui prononçait la confiscation à charge du prévenu de la contre-valeur en euros d'importantes sommes en dollars en ce compris, selon l'arrêt, l'immeuble à appartements, dans la mesure où ce dernier avait été financé par le blanchiment d'avantages patrimoniaux illégaux. En effet, cet immeuble à appartements 'ne fait pas l'objet de l'infraction de blanchiment' mais constitue uniquement l'avantage patrimonial qui en a été obtenu et que par conséquent, la confiscation de cet immeuble n'était pas légalement justifiée [124].

Par ailleurs, lorsque les avantages patrimoniaux blanchis sont des sommes d'argent et que des montants qui y correspondent se retrouvent dans le patrimoine de l'auteur de l'opération de blanchiment, le juge peut considérer que “ces montants sont les sommes d'argent blanchies qui se trouvent toujours dans le patrimoine de l'auteur”. En effet, souligne la Cour de cassation, le patrimoine de l'auteur du blanchiment est considéré dans son ensemble: peu importe que ces sommes d'argent se retrouvent sur certains comptes bancaires de l'auteur alors qu'à l'origine, elles avaient été versées sur d'autres comptes, les différents comptes faisant en l'espèce partie du même patrimoine. Le juge ne doit pas constater que les sommes d'argent blanchies se trouvent toujours sur les mêmes comptes bancaires que ceux sur lesquels ils ont été versés à l'origine. Il est uniquement tenu de constater qu'elles se retrouvent toujours dans le patrimoine de l'auteur du blanchiment. Par conséquent, est légalement justifié l'arrêt qui constate que du montant confisqué, une partie est tombée dans le patrimoine du demandeur qui l'a réparti sur plusieurs comptes en banque et qui, de ce fait, constate que parmi les avantages patrimoniaux blanchis dont il prononce la confiscation, cette somme se retrouve toujours dans le patrimoine du demandeur [125].

Enfin, on notera qu'il résulte de l'article 505, 3ème alinéa du Code pénal, tel qu'applicable avant la modification par la loi du 10 mai 2007, que, si le juge prononce une confiscation pouvant porter préjudice à un tiers, ce tiers doit être admis à l'instance ou peut y être appelé. Lorsque ce tiers est un co-prévenu poursuivi en la même instance du chef d'autres infractions et à l'égard duquel la confiscation n'est pas prononcée, celui-ci a aussi l'intérêt requis pour contester cette mesure [126].

Non bis in idem

Des prévenus, poursuivis pour blanchiment en Belgique, avaient relevé qu'ils avaient déjà été condamnés en Hollande pour infraction à la loi relative au commerce sur la drogue ('opium wet') et soutenaient qu'à présent qu'ils étaient poursuivis en Belgique pour le blanchiment de l'argent issu de ce commerce, il y avait lieu d'appliquer le principe non bis in idem.

La cour d'appel d'Anvers a confirmé que les faits de blanchiment d'argent en provenance du commerce de la drogue, pour lesquels il n'y avait eu encore aucune condamnation, sont bien distincts des faits relatifs au commerce de la drogue, déjà jugés en Hollande. Par conséquent, le principe non bis in idem n'est pas d'application [127].

Loi du 11 janvier 1993

Dans un dossier soumis au tribunal de première instance de Bruxelles, une banque avait fait l'objet d'une saisie-arrêt et devait, par conséquent, conformément à l'article 1452 du Code judiciaire, faire sa déclaration en qualité de tiers saisi dans les quinze jours de la saisie-arrêt. Comme le souligne cet article, la déclaration doit énoncer avec exactitude tous les éléments utiles à la détermination des droits des parties et, notamment, le relevé des saisies-arrêts déjà notifiées au tiers saisi. En vertu de l'article 1456 du Code judiciaire, à défaut d'avoir fait sa déclaration dans le délai légal ou de l'avoir faite avec exactitude, le tiers saisi peut être cité à ces fins devant le juge des saisies pour être déclaré débiteur en tout ou partie des causes de la saisie ainsi que des frais de celle-ci.

Ce fut le cas dans le dossier en l'espèce dans la mesure où la banque n'avait pas fait mention, dans sa déclaration de tiers saisi, des saisies pénales qui avaient été effectuées sur un compte entre ses mains. Le créancier reprochait dès lors à la banque d'avoir violé l'article 1452 du Code judiciaire en ce que la déclaration n'énonçait pas avec exactitude tous les éléments utiles à la détermination des droits des parties.

Pour sa défense, la banque a invoqué la loi du 11 janvier 1993 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme, et en particulier son article 19, en vertu duquel les personnes soumises à la loi ne peuvent en aucun cas porter à la connaissance du client concerné ou de tiers qu'une information a été communiquée à la cellule de traitement des informations financières, ou qu'une information pour blanchiment est en cours. La banque estime qu'elle ne pouvait donc tout simplement pas faire état des saisies pénales sans violer son obligation au secret, car une telle déclaration conduirait nécessairement à ce que des questions additionnelles soient posées pour obtenir des informations complémentaires, qu'elle serait dans l'impossibilité de donner.

Cette argumentation n'a pas été retenue par le tribunal de première instance de Bruxelles, qui a jugé que la banque pouvait parfaitement mentionner l'existence de la saisie pénale et des instances saisissantes, sans plus d'information, et que pour toute information complémentaire éventuelle sur la nature et les raisons des saisies pénales, qu'elle ne pouvait bien évidemment pas donner, elle pouvait pour cela, le cas échéant, simplement renvoyer vers les autorités saisissantes [128].

Dans un autre contexte, un commerçant a été poursuivi sur pied de l'article 10ter de la loi du 11 janvier 1993 pour avoir acheté à des particuliers un véhicule Land Rover Range pour un montant de 20.000 EUR, payé d'une part au moyen d'un chèque bancaire (5.000 EUR) et d'autre part en espèces (15.000 EUR). L'article 10ter de la loi du 11 janvier 1993 applicable aux faits à l'époque, interdit le paiement à un commerçant du prix de vente d'un article dont la valeur égale ou dépasse 15.000 EUR en espèces, le texte légal étant libellé comme suit: “Le prix de la vente par un commerçant d'un article dont la valeur atteint ou excède 15.000 EUR ne peut être acquitté en espèces”. Le commerçant en question a opposé, pour sa défense, que la situation visée par l'article 10ter est précisément l'inverse du cas d'espèce où l'achat a été effectué par un commerçant à un particulier.

Le tribunal saisi de cette affaire a confirmé que cette hypothèse n'était en effet pas visée par le texte de la loi et qu'à défaut de texte légal en ce sens, les faits soumis au tribunal n'étaient donc pas pénalement punissables [129].

Toujours dans le domaine de l'achat-vente de véhicules automobiles, un commerçant s'est retrouvé devant la cour d'appel d'Anvers, poursuivi du chef d'avoir vendu un véhicule d'occasion contre paiement comptant d'au moins 15.000 EUR. Le commerçant poursuivi a argumenté que l'article 21 (ancien art. 10ter) de la loi du 11 janvier 1993, mentionne qu'il est d'application à tous les 'commerçants' sans distinction (dont les vendeurs de véhicules d'occasion comme lui), ce qui serait selon lui en contradiction avec l'article 2, § 1er de la même loi qui, de façon générale, limite le champ d'application de cette loi à la liste des personnes et institutions qui y sont nominativement reprises. Dans la mesure où les commerçants vendeurs de véhicules d'occasion n'appartiennent pas à cette liste, le prévenu en a déduit qu'il y avait eu violation du principe de légalité et du principe de la 'lex certa' de telle manière que l'action publique était irrecevable.

La cour d'appel d'Anvers concède que lors de la transcription en droit belge des directives européennes, la loi du 12 janvier 2004 a instauré une interdiction de recevoir des paiements au comptant pour des transactions à partir de 15.000 EUR pour tous les commerçants, sans aucune distinction, car il était problématique de placer dans le champ d'application de la loi les commerçants visés par la directive qui n'étaient pas soumis à un organe de contrôle. La cour d'appel poursuit en relevant que l'article 2, § 1er, 1ère phrase de la loi du 11 janvier 1993, n'a toutefois pas été adapté à cette évolution législative. Cela n'emporte toutefois pas une limitation du champ d'application des articles 20 et 21 de cette loi et n'a pas pour conséquence que les mentions reprises à l'article 21 doivent être interprétées différemment que selon leur sens normal. Une interprétation plus limitative, comme défendue par le prévenu, aurait d'ailleurs pour conséquence, selon la cour, que l'article 21 ne serait d'application qu'aux commerçants en diamants, qui sont déjà soumis aux obligations de prévention du blanchiment dans la mesure où ils sont repris dans la liste à l'article 2, § 1er, 21°, relevant également que ces derniers ne sont pas spécifiquement visés à l'article 21.

Par conséquent, elle estime que la disposition de l'article 21 est suffisamment claire pour que le prévenu ait pu agir en connaissance de cause, et a jugé l'action publique recevable [130].

16. Hacking (art. 550bis)

La personne, poursuivie du chef d'avoir outrepassé son pouvoir d'accès à un système informatique avec une intention frauduleuse ou à dessein de nuire, qui “avait le droit d'accéder aux données litigieuses lorsqu'il en a demandé et obtenu la copie”, n'a “pas commis les dépassements du pouvoir d'accès incriminés par l'article 550bis, § 2 du Code pénal [131].

Un client de Fortis avait effectué des tentatives de hacking du système informatique de la banque, afin, selon ses dires, de tester le système de sécurité de la banque pour, ultérieurement, en informer la banque en vue d'une meilleure protection. Une question était de savoir dans quelle mesure un 'hacker' - qui, en même temps, est également un client du système sécurisé de banking sur Internet - peut être considéré comme une personne ayant accès à ce système informatique au sens de l'article 550bis du Code pénal réprimant le hacking par un 'insider'.

Selon le tribunal correctionnel de Louvain, ce n'est pas parce qu'une personne a reçu une capacité d'accès minimale spécifique au système de Fortis que l'on doit, sans plus, en déduire qu'elle est une personne qui a pénétré le système en qualité de 'insider'. Il est vrai que le fait que cette personne soit cliente auprès de Fortis, implique qu'elle a reçu effectivement un digipass qui lui donne accès à une page web générale de Fortis banking. Toutefois, juge le tribunal, cela n'en fait pas une personne interne avec compétence d'accès.

En ce qui concerne les activités bancaires, le prévenu a donc été considéré par le tribunal comme un 'externe' qui n'a certainement pas accès aux données bancaires des autres clients de Fortis. Le juge souligne à ce propos que le 'banking-online' est devenu une chose tellement courante que l'on peut encore difficilement parler du client en termes inconditionnels et absolus “comme étant une personne compétente pour avoir accès au site web d'une banque. Dans le cas contraire, on devrait considérer quasiment tout citoyen adulte comme étant un utilisateur interne par le simple fait d'utiliser le système bancaire, ce qui ne peut pas avoir été l'intention du législateur”.

Le tribunal observe que l'introduction dans le système par le prévenu a été découverte par la banque à l'occasion d'une liaison Internet régulière, qui avait été effectuée par un autre client de la banque. En l'espèce, il résultait de l'ensemble des faits que le prévenu avait bien tenté sciemment et volontairement de s'introduire dans le système informatique d'un tiers et le délit de hacking a donc été jugé comme étant fondé [132].

Le tribunal a également appliqué l'article 550bis, § 5, qui réprime le commerce de 'hackertools' dans le chef de celui qui possédait le site web à partir duquel les faits de hacking avaient perpétrés. Le juge a considéré qu'il était, dans le cas d'espèce, très proche du hacker et ne pouvait ignorer ses activités. Il décide à son égard que le simple fait qu'il ait coupé l'accès public au site web dès qu'il a appris qu'une enquête pénale était en cours ne change rien au caractère répréhensible des faits [133].

17. Sabotage (art. 550ter)

La création d'un faux code et la rédaction ainsi que la volonté d'introduction d'un script propre dans le cadre d'une fraude d'un système bancaire online démontre que le prévenu tente de modifier ou veut modifier le système informatique de la banque, au sens de l'article 550ter du Code pénal.

Selon l'information de la banque, le prévenu pouvait, au moyen d'un tel script, non seulement se connecter lui-même au site de la banque mais également faire croire à des tiers qu'ils avaient accès au site réel de la banque et ainsi pouvoir contrôler les activités bancaires de ces personnes ou en abuser [134].

III. Infractions aux lois particulières (par ordre alphabétique)
1. Chèque sans provision

La cour d'appel de Bruxelles a jugé que c'était de manière totalement erronée que le premier juge s'était fondé sur l'article 52 de la loi du 1er mars 1961 sur les chèques pour l'appréciation de la prescription relative à la prévention de chèque sans provision.

En effet, souligne la cour, cette disposition, qui prévoit une courte prescription en ce qui concerne les actions en recours du porteur contre les endosseurs, le tireur et les auteurs obligés, “n'est à l'évidence pas applicable au délai de prescription de l'action publique, relatif aux poursuites du chef d'infraction à l'article 61 de la loi sur les chèques” [135].

2. Délit d'initié

L'article 2, § 1er de la directive 2003/6/CE sur les opérations d'initiés et les manipulations de marché (abus de marché) doit être interprété en ce sens que le fait qu'une personne visée au 2ème alinéa de cette disposition qui détient une information privilégiée acquiert ou cède ou tente d'acquérir ou de céder, pour son compte propre ou pour le compte d'autrui, soit directement soit indirectement les instruments financiers auxquels se rapporte cette information, implique que cette personne 'a utilisé cette information' au sens de ladite disposition, sous réserve du respect des droits de la défense et, en particulier, du droit de pouvoir renverser cette présomption. La question de savoir si la personne a enfreint l'interdiction des opérations d'initiés doit être analysée à la lumière de la finalité de cette directive, qui est de protéger l'intégrité des marchés financiers et de renforcer la confiance des investisseurs, laquelle repose, notamment, sur l'assurance que ces derniers seront placés sur un pied d'égalité et protégés contre l'utilisation indue d'informations privilégiées.

Quant à l'article 14, § 1er de la directive 2003/6/CE, il doit être interprété en ce sens que l'avantage économique résultant d'une opération d'initiés peut constituer un élément pertinent aux fins de la détermination d'une sanction effective, proportionnée et dissuasive. La méthode de calcul de cet avantage économique et, en particulier, la date ou la période à prendre en considération, relève du droit national. Si un Etat membre a prévu, hormis les sanctions administratives visées par cette disposition, la possibilité d'affliger une sanction pécuniaire de nature pénale, il n'y a pas lieu de prendre en considération, aux fins de l'appréciation du caractère effectif, proportionné et dissuasif de la sanction administrative, la possibilité et/ou le niveau d'une éventuelle sanction pénale ultérieure [136].

L'article 345 de la loi-programme du 23 décembre 2003, en particulier la suppression du concept d''utilisation' à l'article 25 de la loi du 2 août 2002, implique nécessairement que sous l'empire de l'article 25, dans sa version avant le 31 décembre 2003, l'utilisation d'une information privilégiée constituait un élément constitutif d'une interdiction, se distinguant avec la transaction même. Par conséquent, la seule constatation qu'une transaction visée par l'article 25 de la loi du 2 août 2002 dans sa version susmentionnée était effectuée par une personne disposant d'informations privilégiées, ne suffisait pas à établir que cette personne avait violé l'interdiction de transaction d'initié. A défaut d'examen de l'utilisation d'informations privilégiées, autrement que par la seule acquisition d'instruments financiers, tandis que la personne concernée savait ou devait savoir que ces informations étaient privilégiées, l'interdiction de transaction d'initié n'est pas établie [137].

3. Droits d'auteur

L'article 87, § 2, 2ème alinéa de la loi du 30 juin 1994 relative aux droits d'auteur et aux droits voisins dispose, dans sa version applicable à l'époque au litige d'espèce, qu'en cas de mauvaise foi du contrevenant, celui-ci sera condamné à la confiscation des objets contrefaits et à celle des planches, moules, matrices ou autres ustensiles ayant directement servi à commettre la contrefaçon ou, le cas échéant, au paiement d'une somme égale au prix de ces objets ou autres biens déjà cédés. La Cour de cassation a précisé qu'au sens de cette disposition, pour l'interprétation de la notion de 'mauvaise foi', il y a lieu de tenir compte “de toutes les circonstances pertinentes de la cause”, notant qu'“une telle circonstance peut également résulter de ce que l'attitude du détenteur du droit qui prend connaissance de l'infraction induit chez le contrevenant un doute sur l'étendue des droits concernés” [138].

L'article 79bis, § 1er, 2ème alinéa, 2° de la loi du 30 juin 1994 relative aux droits d'auteur et aux droits voisins réprime pénalement toute personne qui fabrique, importe, distribue, vend, loue, fait de la publicité en vue de la vente ou de la location, ou possède à des fins commerciales, des dispositifs, produits ou composants, ou preste des services qui n'ont qu'un but commercial limité ou une utilisation limitée autre que de contourner la protection de toute mesure technique efficace.

La condition d'incrimination de cet article, en vertu de laquelle 'l'utilisation ou le but commercial des services prestés doit être limitée' doit, selon la signification usuelle du terme 'limitée', être considérée comme impliquant que l'utilisation ou le but commercial des services prestés est à tout le moins accessoire par rapport à l'objectif, qui consiste à contourner la protection d'une mesure technique efficace. Le terme 'limitée' a non pas une valeur absolue, mais une valeur relative qui doit être appréciée concrètement, au cas par cas.

C'est pourquoi, souligne la Cour constitutionnelle dans un arrêt en la matière, il convient parfois de faire usage de critères qui, comme en l'espèce, permettent d'apprécier dans chaque cas concret la gravité des faits dénoncés, compte tenu de tous les éléments de la cause et, en particulier dans le cas d'espèce, de la réalité économique et des évolutions technologiques. En vue d'apprécier l'incrimination à la lumière du principe de légalité, il faut avoir à l'esprit qu'elle vise des personnes qui sont particulièrement au courant des évolutions technologiques, de sorte que l'on peut attendre de leur part qu'elles fassent preuve de la vigilance nécessaire pour mesurer le caractère répréhensible de leur comportement lorsqu'elles prestent les services qui visent notamment à contourner la protection d'une mesure technique efficace.

Par conséquent, la Cour constitutionnelle a conclu que l'article 79bis, § 1er, 2ème alinéa, 2° de la loi du 30 juin 1994 relative aux droits d'auteur et aux droits voisins - qui réprime les prestations de service qui n'ont qu'un but commercial limité ou une utilisation limitée autre que de contourner la protection de toute mesure technique efficace -, ne viole pas les articles 12 et 14 de la Constitution, combinés ou non avec les articles 10 et 11 de la Constitution et avec l'article 7.1 de la convention européenne des droits de l'homme [139].

Enfin, saisie d'une procédure dans laquelle on reprochait à des professionnels d'avoir mis en location des DVD qui étaient destinés à la vente, la cour d'appel de Mons a rappelé que le fait de mettre en location des DVD dont il a été dûment constaté qu'ils étaient réservés à la vente contrevient à l'article 1er de la loi relative aux droits d'auteur et aux droits voisins. En l'espèce, les prévenus, en professionnels du commerce spécifique relatif à la distribution au public des oeuvres cinématographiques, ne pouvaient, selon la cour, ignorer la présence de ces DVD parmi l'ensemble de ceux mis en location dans leurs établissements, dès lors que les mentions 'interdit à la location' ou 'strictement réservé à la location', reproduites sur les pochettes individuelles, sont bien visibles et univoques. En outre, relèvent les juges d'appel, la proportion importante de DVD réservés à la vente (soit 8%) exclut l'hypothèse du caractère accidentel de l'insertion de ceux-ci dans la livraison au prévenu dont fait état le grossiste. Le fait de mettre ainsi sciemment en location des DVD exclusivement réservés à la vente engendre dans le chef du prévenu un profit supérieur puisqu'il n'est pas contesté que le coût pour acquérir ce dernier type de DVD est inférieur à celui de l'achat d'un DVD réservé à la location et, partant, l'intention frauduleuse du prévenu est établie.

Statuant au civil, la cour d'appel reçoit les actions civiles, qui estimaient leur propre dommage, de manière forfaitaire, à la somme de 125 EUR, multipliée par le nombre de supports cinématographiques différents dont elles étaient propriétaires (en qualité de producteurs) ou ayants droit (en qualité de distributeurs). Cette somme se réfère notamment au prix moyen d'un DVD destiné à la location, soit 60 EUR. La cour a suivi cette estimation et a condamné le prévenu à la somme forfaitaire de 125 EUR par DVD, soulignant que les agissements délictueux des prévenus “ont porté atteinte aux investissements de production et d'exploitation des parties civiles ainsi qu'à leur pouvoir de négociation dans la cession de leurs droits respectifs” [140].

4. Droit pénal de la consommation

Des prévenus se sont vus poursuivre du chef d'infraction à l'article 1er, § 2 de la loi du 22 janvier 1945 sur la réglementation économique et les prix, pour avoir facturé des travaux de terrassement à un prix dépassant trente fois leur valeur telle qu'elle est établie par la somme payée au sous-traitant qui les a réalisés. La cour d'appel avait jugé cette prévention non fondée au motif que les plaignants, maîtres de l'ouvrage, avaient immédiatement contesté la facture, empêchant ainsi l'entrepreneur de réaliser un bénéfice illicite. Elle décide dès lors que le délit n'est pas consommé et que la tentative n'est pas punissable.

En cassation, la Cour constate que s'il est exact que l'anormalité du prix peut se déduire, entre autre, de l'anormalité du bénéfice réalisé par la vente du produit ou la réalisation de la prestation, “il ne s'en déduit pas que la pratique des prix anormaux visée par la loi ne doive s'entendre que des prix dont l'agent économique a obtenu le paiement”. En effet, le § 2 de l'article 1er de la loi du 22 janvier 1945 doit se lire à la lumière du paragraphe précédent qui vise, pour la pratique des prix supérieurs aux prix maximas, non seulement la vente de produit ou l'exécution de toute prestation mais 'également leur offre sur le marché'. Il n'apparaît pas que le législateur ait entendu donner à la pratique du prix anormal visé au § 2 un sens plus restreint que celui qui a été attribué à la pratique du prix supérieur visé au § 1er. Par ailleurs, souligne la Cour, il ressort de l'article 2, § 4, 1er alinéa de la loi qu'en vue d'appliquer les dispositions visées notamment à l'article 1er précité, le ministre peut imposer l'obligation de déclarer les hausses de prix que les entreprises se proposent d'appliquer sur le marché intérieur. Elle en déduit que “le prix dont la normalité est soumise au contrôle n'est pas seulement celui dont l'agent a obtenu le paiement mais également que l'entrepreneur affiche, décide, fixe, propose ou exige”. La Cour de cassation a donc cassé l'arrêt, en concluant que ce dernier “en décidant que la pratique d'un prix anormal est un délit dont la consommation suppose que la somme réclamée ait été payée par le consommateur et que le contrevenant ait ainsi réalisé son bénéfice illicite, l'arrêt ajoute à l'infraction un élément constitutif que la loi ne prévoit pas et, partant, la viole” [141].

De son côté, la Cour constitutionnelle s'est penchée sur les sanctions prévues par la loi du 20 décembre 2002 relative au recouvrement amiable des dettes du consommateur. Selon la Cour, l'interdiction de percevoir une quelconque indemnité dans le cadre d'un recouvrement amiable de dette (qui était déjà inscrite dans la loi relative au crédit à la consommation), l'obligation d'adresser, dans ce cadre, une mise en demeure écrite comprenant des mentions minimales, qui correspond à ce que doit être la pratique des avocats compte tenu des usages de la profession et de la déontologie, et l'interdiction des visites domiciliaires, qui ne s'inscrivent pas dans l'activité professionnelle des avocats, ne peuvent être considérées comme portant une atteinte discriminatoire aux droits de ce dernier. S'il est vrai que les règles de leur déontologie leur imposent déjà des obligations analogues, le législateur a pu raisonnablement considérer que ces règles ne suffisaient pas à protéger les justiciables.

Dès lors, considère la Cour, en étendant aux avocats le champ d'application de certaines dispositions de la loi de 2002 sur le recouvrement amiable de dettes, dont ils étaient exclus, le législateur de 2009 a fait usage de son pouvoir d'appréciation d'une manière qui n'est pas manifestement déraisonnable. Les sanctions pénales qui assortissent ces dispositions ne paraissent ni contraires au principe de légalité des incriminations, à la liberté du commerce et de l'industrie et au droit des propriétés, ni disproportionnées par rapport aux objectifs de protection du justiciable poursuivis par le législateur.

Toutefois, l'application aux avocats, officiers ministériels ou mandataires de justice du régime permettant de leur imposer de rembourser au consommateur le montant des paiements obtenus en violation de ces dispositions, tout en leur conservant un effet libératoire vis-à-vis du créancier, constitue par son caractère absolu et forfaitaire, une mesure qui porte atteinte excessive au respect des biens garantis par l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne des droits de l'homme.

L'article 38, 2° de la loi de relance économique du 27 mars 2009 doit donc être annulé en ce qu'il rend application aux avocats, aux officiers ministériels ou aux mandataires de justice dans l'exercice de leur profession ou de leur fonction le régime des sanctions civiles qui sont visées à l'article 14 de la loi du 20 décembre 2002 relative au recouvrement amiable de dettes du consommateur et qui réprime une atteinte aux dispositions des articles 5, 6 et 7 de cette loi [142].

5. Faux bilans

Se rend coupable de faux bilans au sens de l'article 127, 1° du Code des sociétés, la personne qui, notamment dans l'intention frauduleuse de faire monter le cours de l'action de la société, ou à tout le moins de le maintenir, inscrit de fausses recettes dans les comptes ainsi que dans les comptes consolidés.

En l'espèce il s'agissait de revenus (royalties) en raison de contrats de licence, repris dans les comptes de résultat en violation avec les règles d'évaluation de la société en la matière [143].

6. Infractions comptables

L'article 16, 1er alinéa de la loi du 17 juillet 1975 sanctionne “les commerçants, personnes physiques et les administrateurs, gérants, directeurs ou fondés de pouvoirs de personnes morales qui sciemment contreviennent aux dispositions des articles 2 et 3, alinéa 1er et 3, des articles 4 à 9 ou des arrêtés pris en exécution de l'article 4, alinéa 6, l'article 9, § 2, l'article 7, § 2 et des articles 10 et 11. Ils sont punis avec une peine plus lourde s'ils ont agi avec une intention frauduleuse”.

Il ressort de cette disposition que “le prévenu qui contrevient sciemment aux dispositions de cet article est punissable et que s'il agit avec une intention frauduleuse, il encourt une peine plus lourde. Par conséquent, l'infraction ne requiert qu'un dol général pour être punissable” [144].

L'article 16, 3ème alinéa de la loi du 17 juillet 1975 punit, ceux qui, en qualité de commissaire, de commissaire-reviseur, de reviseur ou d'expert indépendant, ont attesté ou approuvé des comptes, des comptes annuels, des bilans et des comptes de résultats ou des comptes consolidés d'entreprises, lorsque les dispositions mentionnées au 1er alinéa de cet article n'ont pas été respectées, soit en sachant qu'elles ne l'avaient pas été, soit en n'ayant pas accompli les diligences normales pour s'assurer qu'elles avaient été respectées.

Dans l'affaire dite 'Lernout & Hauspie' [145], des faux commis dans des contrats visaient à faire comptabiliser immédiatement les revenus de ces contrats en recette dans les comptes, en violation des règles comptables applicables en l'espèce. La cour d'appel de Gand a jugé que le fait que le commissaire-réviseur ait été trompé par certains administrateurs de la société prévenue n'a pas pour conséquence qu'il doive être acquitté de cette prévention. Le commissaire-réviseur doit en effet faire preuve de critique et d'indépendance, en ce compris à l'égard des gérants de la société contrôlée. En l'espèce la personne physique représentant la société commissaire-réviseur a été condamnée du chef de cette prévention en raison de sa négligence car, selon la cour, il avait connaissance ou aurait dû avoir connaissance de certains éléments qui étaient importants pour son jugement, en qualité de commissaire-réviseur, quant au fait que les comptes donnaient une image fidèle du patrimoine de l'entreprise, et il n'a pas effectué les mesures d'audit normales pour obtenir une assurance raisonnable que ces éléments ne formaient pas un obstacle à la délivrance d'une attestation sans réserves.

7. Infractions fiscales

Cf. également à ce sujet supra: Faux en écritures

Faux et usage de faux fiscal

Des prévenus ont contesté l'existence de faux fiscal au motif que les factures prétendument fausses ne figurent ni dans la comptabilité ni dans les comptes annuels. La Cour de cassation a rejeté cette argumentation en confirmant qu'“établir une facture et en faire usage peut consister un faux en écriture au sens des articles 73bis, 1er alinéa du Code de la TVA et 450, 1er alinéa du Code des impôts sur les revenus (1992) sans qu'il soit requis que cette facture apparaisse dans la comptabilité ou dans les comptes annuels du destinataire” [146].

Dans un dossier dit 'Deutsche Bank', la banque société-mère, avait souhaité réaliser une partie de son parc immobilier pour le reprendre en location par la suite. Des négociations se sont déroulées à partir du siège allemand pour l'ensemble des actifs visés et un investisseur américain s'est montré intéressé. Un contrat général a été conclu, couvrant l'ensemble des bâtiments à réaliser entre, d'une part, la société-mère de droit allemand et, d'autre part, deux sociétés de droit luxembourgeois appartenant à l'investisseur américain. Les différents immeubles se trouvant dans les patrimoines de sociétés locales de la banque, il était également nécessaire de compléter ce contrat général par des accords particuliers pays par pays.

Les deux immeubles composant le siège bruxellois de la banque, filiale de cette société allemande, étaient englobés dans cette opération. La filiale belge aurait estimé, pour sa part, que le prix des immeubles bruxellois était sous-évalué dans l'opération globale car la filiale belge aurait eu des offres plus élevées. Elle aurait alors proposé à la maison-mère allemande d'opter pour une structure d'emphytéose, ce qui occasionnait un gain fiscal important et qui permettait, dès lors, de dégager un plus grand bénéfice (en effet, l'emphytéose emporte la débition d'un droit proportionnel d'enregistrement de 1%, tandis que la vente un droit proportionnel de 12,5%). L'opération a finalement été réalisée par cette voie-là et le gain fiscal a été réparti entre les parties. Plusieurs avis fiscaux avaient été sollicités auprès de bureaux spécialisés pour vérifier s'il n'existait pas de risque de requalification de l'opération d'emphytéose en une vente pure et simple. De plus, un accord préalable de l'administration fiscale ('ruling' informel) a été sollicité auprès de l'administration de l'enregistrement et des domaines pour lui soumettre l'opération, l'administration ayant marqué son accord sur cette dernière.

Une enquête pénale a ensuite été ouverte. Malgré celle-ci, l'administration fiscale n'a pas modifié sa position, et aucune régularisation n'est intervenue, l'Etat belge ne se constituant pas davantage partie civile.

Le ministère public a néanmoins soutenu devant le tribunal correctionnel que cette emphytéose déguisait une vente et avait préjudicié l'Etat belge, au motif que le démembrement du droit de propriété avait été proposé en Belgique pour augmenter la valeur nette issue de la vente après taxation, que le but de l'opération était seulement d'obtenir un gain fiscal, que cette structure était la seule exception à la vente pure et simple des immeubles par le groupe, que les sociétés constituées pour réaliser l'opération étaient dépourvues d''affectio societatis', que leur administrateur était un salarié du groupe appartenant à l'investisseur américain n'ayant aucune indépendance, que les sociétés n'avaient pas de capital propre, que l'administration aurait été trompée par les parties et qu'une des demandes d'avis fiscaux émanait d'une personne qui avait été précédemment directeur de l'administration de l'enregistrement et qui avait eu sous ses ordres l'agent ayant rendu l'avis.

Dans son jugement, le tribunal correctionnel de Bruxelles a tout d'abord rappelé que les préventions de faux fiscaux et de fraude fiscale “supposent une intention frauduleuse, à savoir la volonté de tromper et de préjudicier l'administration fiscale ou de lui nuire”. Il rappelle que tel n'est pas le cas lorsque le contribuable soumet l'opération pour accord préalable à l'administration fiscale. Certes, relève le tribunal, un tel accord ne vaut que pour autant que les éléments de l'opération soumise à l'approbation de l'administration soient corrects et complets et qu'il n'y ait pas eu tromperie de l'administration. En l'espèce, le tribunal constate que malgré l'enquête pénale dont l'administration fiscale a été avertie, cette dernière n'a opéré aucun redressement du droit proportionnel perçu et que l'Etat belge ne s'est pas constitué partie civile. Il en conclut que l'administration a donc considéré qu'elle a été mise au courant de manière loyale et complète.

Du reste, souligne le tribunal, les sociétés poursuivies n'avaient jamais caché que le choix pour l'emphytéose plutôt que pour une vente pure et simple répondait uniquement à un souci d'économie fiscale et l'administration n'était pas dupe de ce que les sociétés constituées appartenaient au même groupe (la seule dénomination des sociétés le laissant clairement apparaître). Quant à l'avis préalable rendu par un ancien fonctionnaire de l'administration de l'enregistrement, il n'en reste pas moins que c'est l'auditeur général qui avait signé l'avis et qu'il ne saurait être conclu qu'il s'agirait d'un avis de complaisance.

Le tribunal correctionnel conclut que dans ces circonstances, “l'élément moral fait défaut et qu'en l'absence d'élément moral, les préventions ne peuvent être considérées établies”.

Il rappelle également de façon générale, que “la recherche du choix de la voie la moins imposée est licite, tout comme la simulation, qui est organisée par le Code civil pour autant que les parties respectent les conséquences juridiques des actes posés”. La “fraude à la loi”, souligne le tribunal, “n'est pas reconnue dans notre droit positif, hors le droit international privé”. Par conséquent, les sociétés prévenues de ces faits ont été acquittées des préventions mises à leur charge [147].

Sociétés de liquidités

La cour d'appel d'Anvers s'est également prononcée dans le cadre d'un dossier relatif à une société de liquidités, en relevant que la vente d'une société de liquidités n'est pas une technique intrinsèquement frauduleuse. Ce système a été proposé par la doctrine et des bureaux fiscaux réputés comme structures légales d'optimalisation fiscale.

Elle indique que “la seule circonstance que les acquéreurs de la société de liquidités aient abusé de la construction par le fait qu'ils ont négligé de poser les actes nécessaires en vue de l'évitement licite de l'impôt des sociétés (investissements effectifs) et qu'ils se soient simplement attribué les liquidités de la société, n'implique pas automatiquement que les vendeurs aient eu des intentions frauduleuses ou qu'ils étaient eux-mêmes de mèche”. Une déclaration de culpabilité du vendeur et de ses conseillers n'est en l'espèce possible que si la partie poursuivante démontre qu'il existait une collusion entre le vendeur et l'acquéreur (dans le cas d'espèce, des Suédois et leur personne de contact) pour commettre une fraude.

Elle juge que la responsabilité pénale et notamment l'élément moral exigé doit être appréciée en prenant en considération la connaissance et les intentions que les prévenus ont eues lorsque les faits qui leur sont reprochés ont été posés. Une déclaration de culpabilité n'est donc possible que s'il est établi que les prévenus ont agi avec l'intention de participer requise: “Il doit être démontré que les prévenus savaient qu'ils agissaient au regard de la loi pénale, comme auteurs ou comme coauteurs. Le fait qu'ils aient 'dû le savoir' ne suffit pas sauf en ce qui concerne les infractions à l'article 505 du Code pénal et il convient à cet égard de se garder le raisonnement post factum. Ce n'est “pas parce qu'il est maintenant de commune renommée que les constructions de société de liquidités dans lesquelles certains sujets suédois ont agi comme acquéreurs n'étaient pas correctes, que cela est également un fait connu durant la seconde moitié des années '90” [148].

Confiscation

La confiscation prévue par l'article 39, 4ème alinéa de la loi du 10 juin 1997 relative au régime général, à la détention, à la circulation et au contrôle des produits soumis à accises, abrogé et remplacé par l'article 45, 4ème alinéa de la loi du 22 décembre 2009 relative au régime général d'accises, “est une peine qui a un caractère réel et ne requiert pas que le condamné ou le fraudeur soit propriétaire des biens confisqués, ni que le fraudeur soit connu”. Par conséquent, le juge a l'obligation d'ordonner la confiscation de marchandises soumises à accises transportées illégalement, même lorsque le prévenu est acquitté au motif qu'il n'est pas établi qu'il avait connaissance de ce qu'il transportait illégalement des produits d'accises [149].

Prescription

En matière de prescription de l'usage de faux fiscal, la Cour de cassation a confirmé qu'il appartient au juge pénal de déterminer, en fait, en fonction de la réalisation ou non de l'objectif poursuivi par l'auteur de l'infraction et de l'effet utile attendu du faux fiscal, si l'usage de celui-ci a pris fin et a dès lors fait courir le délai de prescription de l'action publique. La Cour de cassation relève qu'elle peut vérifier si, de ces constatations, le juge a pu déduire légalement que ce faux a ou non cessé de produire l'effet voulu par le faussaire.

Par les constatations, entre autres, “que la société dont les prévenus sont gestionnaires a introduit des recours en justice, qui contestent la fausseté des factures de complaisance comptabilisées par la société, et invoquent la réalité des fournitures, des prestations et les paiements allégués, et que l'administration fiscale n'avait pas été jusqu'alors en mesure de percevoir les cotisations enrôlées”, le juge pénal a pu légalement déduire la persistance de l'effet utile du faux, et décider qu'en raison de la continuation de l'usage des faux, notamment fiscaux, l'action publique n'était pas éteinte par prescription.

Cette déduction, indique la Cour, ne sanctionne ni le refus de s'avouer coupable, ni le principe d'égalité en matière fiscale, ni le droit de contester, devant une juridiction impartiale, la légalité d'une imposition. Elle se borne à sanctionner un usage de pièces arguées de faux dans l'intention de tromper l'administration, en refusant d'assimiler cet usage à une simple modalité d'exercice des droits de la défense à l'encontre d'une imposition non due [150].

On notera également cet arrêt de la Cour constitutionnelle qui a dû se pencher sur le caractère continu de l'usage de faux fiscal, suite à la question préjudicielle suivante: “Les articles 193, 196 et 197 du Code pénal, l'article 73bis du Code de la TVA et l'article 450 du Code des impôts sur les revenus (…) violent-ils le principe constitutionnel de légalité (…) s'ils sont interprétés en ce sens que l'infraction d'usage de faux est qualifiée d'infraction continue en ce que l'usage perdure même sans un fait nouveau de l'auteur et sans intervention itérative, tant que le but qu'il poursuit, n'est pas atteint et tant que l'acte initial qui lui est reproché a, sans opposition de sa part, l'effet utile qu'il en attendait?”

La Cour constitutionnelle relève que la Cour de cassation a jugé effectivement à maintes reprises en ce sens et qu'elle a également décidé “qu'il n'est pas requis, pour que l'usage du faux soit punissable dans le chef du faussaire, que celui-ci ait pu en prévoir la durée, du moment qu'il ait pu prévoir que l'acte faux produira ou pourra produire l'effet utile qu'il recherchait”.

Ceci étant, la Cour constitutionnelle souligne que la qualification d'infraction continue ou instantanée n'a en soi “aucune influence sur le fait que toute personne sait qu'elle est susceptible d'être poursuivie et condamnée si son comportement initial correspond aux éléments constitutifs d'une infraction qui est réprimée par les dispositions en cause. Cette qualification a pourtant des conséquences en matière de prescription de l'action publique, qui commence à courir à compter du jour où l'infraction a été commise (…), ce qui n'est le cas, pour une infraction continue, que lorsque la situation délictuelle a pris fin. Il relève du pouvoir d'appréciation du juge pénal de déterminer, sur la base des dispositions pénales, quand une infraction cesse d'exister et quand le délai de prescription commence par conséquent à courir. Le principe de légalité en matière pénale ne s'oppose pas à ce que le juge pénal détermine en fait, en fonction de la réalisation ou non de 'l'objectif poursuivi' par l'auteur et de 'l'effet utile' de son acte initial, la fin de l'infraction d'usage de faux”. L'imprévisibilité qui tient au fait qu'une infraction qui était punissable au moment où l'acte initial répréhensible a été accompli pourrait encore être sanctionnée de la même peine après échéance du délai de prescription escompté par l'auteur, parce que l'infraction, contrairement à ce que l'auteur avait pensé, a un caractère continu, “n'est pas de nature à porter atteinte aux articles 12 et 14 de la Constitution, lus ou non en combinaison avec l'article 7 de la convention européenne des droits de l'homme”. En outre, relève la Cour constitutionnelle, eu égard à la jurisprudence bien établie de la Cour de cassation, il ne peut pas être soutenu en l'espèce que le justiciable se trouverait dans l'impossibilité d'apprécier à l'avance de manière suffisante que l'infraction concernée a un caractère continu [151].

Pour ce qui est de la prescription du faux fiscal, il appartient également au juge pénal de déterminer en fait, en fonction de la réalisation ou non de l'objectif poursuivi par l'auteur de l'infraction et de l'effet utile attendu du faux fiscal, si l'usage de celui-ci a pris fin et a dès lors fait courir le délai de prescription de l'action publique.

Dans un dossier, l'administration fiscale avait procédé à l'enrôlement de cotisations supplémentaires pour une demi-douzaine d'exercices d'imposition de la coopérative dont les prévenus étaient gestionnaires et avait décerné à charge de la société une contrainte à payer la TVA éludée ainsi que les amendes. La coopérative a introduit des recours en justice et une opposition à la contrainte. La requête et l'opposition contestent la fausseté des factures de complaisance comptabilisées par la société et invoque la réalité des fournitures, des prestations et des paiements allégués. Constatant que l'administration fiscale n'a pas été en mesure de percevoir les cotisations enrôlées, les juges en ont déduit la persistance de l'effet utile du faux.

La Cour de cassation considère que “ces déductions ne sanctionnent ni le refus de s'avouer coupable, ni le principe d'égalité en matière fiscale, ni le droit de contester devant une juridiction impartiale, la légalité d'une imposition. Elle se borne à sanctionner un usage des pièces arguées de faux dans l'intention de tromper l'administration, en refusant d'assimiler cet usage à une simple modalité d'exercice du droit de la défense à l'encontre d'une imposition non due”. Par conséquent, elle estime que les juges d'appel ont pu décider légalement qu'en raison de la continuation de l'usage des faux, notamment fiscaux, l'action publique n'était pas éteinte par prescription [152].

Partie civile

La recevabilité de la constitution de partie civile d'une personne lésée requiert l'existence d'un lien de causalité entre la faute née de l'infraction et le dommage. En principe, ce lien de causalité relève de l'appréciation souveraine du juge, mais la Cour de cassation contrôle si, de ses constatations, le juge a pu déduire légalement sa décision.

Dans une affaire de droit pénal fiscal, la Cour de cassation a ainsi décidé que “le dommage né du fait que, sur la base de la législation fiscale, l'Etat belge ne peut réclamer l'impôt dû et éludé à des personnes autres que les contribuables d'impôt sur les sociétés ou à des personnes tenues solidairement en tant qu'auteurs ou complices d'une infraction fiscale au paiement de l'impôt éludé, ne constitue pas la conséquence d'une infraction de droit commun, mais d'une cause étrangère, à savoir la législation en matière fiscale” [153].

Il a également été jugé que lorsque la commission d'une infraction a pour conséquence que la TVA est éludée, la taxe éludée en raison de l'infraction peut aussi constituer un dommage qui peut être recouvré par la constitution de partie civile de l'Etat belge. La Cour de cassation a indiqué dans ce cadre que la circonstance que l'article 85, § 1er, 1er alinéa du Code TVA confère à l'Etat belge la compétence de recouvrer la taxe, les intérêts, les amendes administratives et les accessoires au moyen d'une contrainte, ne le prive pas de l'accès au juge au moyen d'une procédure ordinaire [154].

Dénonciation

Dans un dossier, la dénonciation des faits à l'origine des poursuites avait été faite par des agents de l'inspection de recherche des douanes et accises, qui avait découvert dans un entrepôt un camion immatriculé à l'étranger où se trouvaient dissimulés des cartons de cigarettes. Le procureur du Roi avait ensuite requis un juge d'instruction d'en informer.

Dans l'arrêt de la cour d'appel faisant l'objet du pourvoi, les juges ont soulevé que le ministère public avait entamé les poursuites sans que les dénonciations de fraude fiscale avaient été précédées de l'autorisation du directeur régional compétent et que les poursuites engagées par le ministère public en matière de fraude à la TVA n'ont pas fait l'objet d'une demande d'avis du directeur régional compétent, entraînant l'irrecevabilité des poursuites.

Cet arrêt a été cassé par la Cour de cassation qui a jugé que l'article 29, 2ème alinéa du Code d'instruction criminelle qui interdit aux fonctionnaires des administrations des contributions directes, de la TVA, de l'enregistrement et des domaines, de l'inspection spéciale des impôts et de la fiscalité des entreprises et des revenus, de dénoncer au procureur du Roi, sans autorisation du directeur régional auquel ils ressortissent, les faits pénalement punissables aux termes des lois fiscales et des arrêtés pris pour leur exécution 'ne vise pas les faits portés à la connaissance du parquet par les fonctionnaires de l'administration des douanes et accises'. Par conséquent, pour faire droit aux actes de police judiciaire nécessaires à l'information requise par le Procureur du Roi, l'autorisation du directeur régional ne doit donc pas être sollicitée par les fonctionnaires qui en dépendent. Par ailleurs, la Cour de cassation a également considéré que lorsque la connaissance des faits pénalement punissables ne résulte pas d'une plainte ou d'une dénonciation et que le procureur du Roi engage des poursuites pour des faits punissables aux termes du Code de la TVA, l'article 74, § 3 dudit code prévoit la faculté de demander l'avis du directeur régional de la TVA 'mais ne l'impose pas' [155].

Toujours en matière de dénonciation, on notera cette décision qui relève que les officiers du ministère public près les cours et tribunaux qui sont saisis d'une affaire pénale, dont l'examen fait apparaître des indices de fraude en matière d'impôts directs ou indirects 'en informeront immédiatement le ministre des Finances'. Cette obligation desdits officiers ne vaut pas uniquement lorsque l'action publique est exercée mais aussi 'dès qu'il est procédé à une information' [156].

8. Internet

Un prévenu a été poursuivi pour avoir écrit sur un forum de discussion tenu sur un site Internet à propos d'un enquêteur au service judiciaire de l'arrondissement judiciaire de Bruxelles que ce dernier rédigeait des “procès-verbaux tendancieux, dans des dossiers bidons, qu'il manipulait des magistrats, qu'il veillait à ce que des dossiers ne progressaient pas”, etc.

Dans un arrêt de principe du 17 mars 2010, la cour d'appel de Bruxelles a tout d'abord relevé à cet égard que les propos litigieux avaient été diffusés par le canal d'Internet et que par conséquent, à bon droit, le premier juge a suivi l'argumentation du prévenu faisant valoir que les faits de la prévention, à les supposer établis, sont consécutifs d'un délit de presse relevant, en application de l'article 150 de la Constitution, de la compétence exclusive de la cour d'assises. En réservant au jury populaire le soin de juger le délit de presse, le législateur a voulu assurer une protection procédurale particulière à l'expression, en l'occurrence délictueuse, d'une pensée ou d'une opinion, manifestée dans des écrits reproduits et publics, initialement imprimés par voie de presse. Depuis, souligne la cour, les moyens techniques de diffusion ont sensiblement évolué et l'Internet est, à l'heure actuelle, l'un des plus récents et des plus aboutis. A s'en tenir à la question du support technique utilisé pour la diffusion d'écrits, on ne concevrait pas qu'un même article ou commentaire litigieux publié dans un journal quotidien puisse relever du délit de presse dans sa version 'papier' et y échapper dans sa version identique, mais diffusée sur Internet.

La cour d'appel a dès lors rejeté l'argumentation de la partie civile qui cherchait à convaincre la cour qu'il y avait lieu de refuser la protection constitutionnelle pour ce qui ne relèverait pas d'une activité de presse, au sens d'une véritable activité journalistique, et que cela s'apparenterait plutôt à des propos tenus sur la place publique. Par ailleurs, la cour a estimé qu'il n'y a pas lieu de faire une distinction, sur le plan des personnes, entre l'auteur qui aurait la qualité de journaliste et celui qui ne l'aurait pas et, sur le plan du contenu, en fonction de la qualité journalistique que mériterait ou non l'article, le commentaire ou le propos incriminé.

Elle conclut dès lors, à supposer ces déclarations diffamatoires, qu'elles relèvent au titre de délit de presse, de la compétence de la cour d'assises, sauf si elles devaient avoir été inspirées par le racisme ou la xénophobie [157].

On notera également ce jugement du tribunal correctionnel de Louvain relatif à des faits commis via le réseau social Facebook, qui a jugé que le harcèlement d'une personne déterminée dont la quiétude se voit gravement perturbée, tel que l'envoi de messages personnels au contenu provoquant et blessant au travers du réseau social Facebook, est pénalement répréhensible [158].

9. Jeux de hasard

Le tribunal correctionnel de Bruxelles a rendu un jugement dans un dossier où une société a été poursuivie pour avoir exploité plusieurs jeux de hasard ou établissements de jeux de hasard en infraction aux articles 4 et 63 de la loi du 7 mai 1999, et, en particulier, en mettant en ligne via une adresse Internet divers jeux de hasard, notamment des jeux de poker, des paris sur les événements, des jeux de casino et des jeux de hasard consistant à parier sur des sujets aussi variés que le climat belge, ou la formation du gouvernement belge. Cette même société avait été poursuivie pour avoir violé l'article 64, 2ème alinéa, 2° de la loi du 7 mai 1999 pour avoir fait de la publicité ou s'être occupée du recrutement de joueurs dans un établissement de jeux de hasard prohibé par la loi.

La société a été condamnée, au motif qu'un exploitant de jeux de hasard qui n'a pas pu obtenir une licence sur base de la loi sur les jeux de hasard, parce que la loi ne prévoit pas de licence pour des jeux de hasard en ligne, commet une infraction à l'article 4, § 1er de la loi sur les jeux de hasard s'il met des jeux de hasard en ligne. Par ailleurs, le tribunal a également condamné la société pour la publicité pour le site Internet, dans la mesure où elle ne disposait pas de la licence nécessaire [159].

10. Manipulation de cours

Dans l'affaire dite Lernhout & Hauspie, certains prévenus qui s'étaient rendus coupables de faux bilans, et qui avaient publié de faux chiffres d'affaires à l'EASDAQ, diffusé des avis de presse portant sur de faux chiffres d'affaire de la société et introduit de faux 'filings' à la SEC (Securities-and Exchange Commission - USA) en vue de faire grimper ou à tout le moins de maintenir le cours de l'action de la société, se sont vus également condamnés pour manipulation de cours [160]. Cette infraction, qui est actuellement sanctionnée par l'article 39, § 1er, 2° de la loi du 2 août 2002 relative à la surveillance du secteur financier et aux services financiers, vise ceux qui, par des moyens frauduleux quelconques, ont effectué ou tenté d'effectuer des transactions, passé ou tenté de passer des ordres, ou diffusé ou tenté de diffuser des informations ou des rumeurs, qui influencent ou sont susceptibles d'influencer de manière artificielle ou anormale l'activité sur le marché, le cours d'un instrument financier, le volume des transactions sur un instrument financier ou le niveau d'un indice de marché.

11. Pratiques du commerce

La question préjudicielle suivante a été posée à la Cour constitutionnelle: “L'article 103 LPCC (anc.) viole-t-il les articles 12 et 14 de la Constitution lus ensemble avec l'article 7 CEDH en ce qu'il ne prévoit pas de façon précise, claire et prévisible quand quelqu'un agit de mauvaise foi et donc ne prévoit pas de façon précise, claire et prévisible quand une atteinte aux dispositions visées par cet article est sanctionnée pénalement?”

Par ailleurs, la question a également été posée de savoir dans quelle mesure l'article 103 LPCC (anc.) violait ces mêmes articles en ce qu'ils prévoient une sanction pénale par rapport à une atteinte à l'article 94 de la LPCC (anc.) alors que ce dernier ne détermine pas clairement et précisément les actes qui sont interdits.

Sur la question de savoir si la notion de 'mauvaise foi' utilisée à l'article 103 de la loi en cause, satisfait aux exigences de prévisibilité de la loi pénale, la Cour considère qu'il est vrai que la définition de l'élément moral visé par la disposition de cet article “pourrait donner lieu à des difficultés d'interprétation”. Cependant, souligne-t-elle, il convient de prendre en compte les éclaircissements qui ont été apportés à ce sujet lors des travaux préparatoires de la loi en cause où il y est précisé: “La mauvaise foi est établie notamment lorsque, étant donné les circonstances de fait dans lesquelles les actes ont été commis, leur auteur ne peut avoir aucun doute quant à leur caractère délictueux. La mauvaise foi ne suppose pas une intention particulière: il suffit que l'intéressé viole la loi en connaissance de cause et au détriment de ses concurrents ou des consommateurs.”

Relevant que, dans l'interprétation qu'elle fait de cette disposition, la Cour de cassation retient une interprétation similaire de la notion de mauvaise foi, la Cour constitutionnelle souligne qu'il s'agit d'ailleurs de la signification que cette notion reçoit dans le langage courant et selon le sens commun, “de telle sorte que le justiciable est raisonnablement capable de déterminer sa portée. Il en va d'autant plus ainsi lorsque les destinataires de l'incrimination sont, comme en l'espèce, des professionnels qui disposent ou peuvent disposer d'une bonne information quant à l'opportunité de leur comportement”.

Elle conclut que, “par conséquent, il ne peut être fait grief à un texte de portée générale de ne pas donner une définition plus précise du dol exigé en la matière. Le juge, comme il lui appartient de le faire lorsqu'il doit mesurer la gravité des faits qui lui sont soumis, devra apprécier l'existence de ce dol, non pas en fonction de conceptions subjectives qui rendraient imprévisible l'application de la disposition en cause, mais en considération d'éléments objectifs, en tenant compte des circonstances propres à chaque affaire et de l'interprétation restrictive qui prévaut en droit pénal”. Par conséquent, cette question appelle une réponse négative.

En ce qui concerne la notion 'd'actes contraires aux usages honnêtes en matière commerciale', la Cour relève à nouveau qu'au cours des travaux préparatoires de la loi en cause, il fut souligné que la notion d'actes contraires aux usages en matière commerciale faisait 'partie de notre pratique juridique' et qu'elle avait 'donné matière à une jurisprudence abondante', à tout le moins dans les relations entre commerçants. Elle considère qu'il fut encore précisé que “la violation d'une disposition légale ou réglementaire quelconque, y compris la présente loi, constitue donc un acte interdit par le présent article, dès lors qu'il peut avoir pour effet de procurer à son auteur un avantage d'ordre économique aux dépens de ceux qui respectent cette disposition. Il convient de signaler que, comme dans le passé, la clause générale d'interdiction du présent article pourra également, par son effet supplétif, servir à atteindre des cas non expressément visés ailleurs dans la loi, ou qui n'entrent pas tout à fait dans le cadre des pratiques réglementées ou interdites par ladite loi”.

La Cour constitutionnelle considère, à propos de l'interdiction d'adopter de tels comportements à l'encontre des consommateurs, que “la notion d'usages honnêtes en matière commerciale a cependant été suffisamment décrite dans la jurisprudence et dans la doctrine. On ne disposerait plus d'aucun point de repère si on la remplaçait par celle de pratique trompeuse ou déloyale. Rien ne s'oppose à ce que se développe au sujet des actes contraires aux usages honnêtes susceptibles de porter atteinte aux intérêts des consommateurs, une jurisprudence aussi riche que celle qui s'est développée dans le cadre de l'article 54 de la loi actuelle” et que “cet article qui est une innovation importante constitue l'équivalent de l'article 74 et permet d'interdire toute acte contraire aux usages honnêtes susceptibles de porter atteinte aux intérêts économiques entendus dans le sens le plus large, d'un ou de plusieurs consommateurs. Les éléments du commentaire à l'article 74 sont pour la plupart transposables à cet article. Aucune liste de ces actes n'est dressée, c'est la jurisprudence qui les définira progressivement”.

La Cour constitutionnelle poursuit son analyse en relevant que l'acte contraire aux usages honnêtes en matière commerciale peut découler tant de la violation de la loi, au sens large, que de l'accomplissement d'un acte contraire à l'obligation générale de prudence. Selon la Cour de cassation, il s'analyse comme tout manquement à la loyauté qu'un professionnel doit avoir à l'égard du consommateur. A cet égard, le juge peut tenir compte de la situation particulière de certaines catégories de consommateurs et de la nécessité de les protéger davantage. Elle conclut par conséquent que la nature des intérêts à protéger, en particulier ceux du consommateur, peut inciter le législateur à les protéger de manière maximale.

Eu égard à la complexité de la problématique des pratiques de commerce déloyales, certaines prescriptions légales spécifiques ne sont pas toujours suffisantes pour garantir une protection adéquate.

En vue d'apprécier cette obligation à la lumière du principe de légalité en matière pénale, il faut avoir à l'esprit qu'elle s'adresse à des professionnels qui disposent ou peuvent disposer d'une bonne information quant à l'opportunité de leurs comportements, de sorte que l'on peut attendre de leur part qu'ils fassent preuve, en toute circonstance, de la vigilance nécessaire pour mesurer les actes commerciaux qu'implique l'exploitation de leur entreprise. La notion d'usages honnêtes en matière commerciale a fait l'objet d'une jurisprudence abondante. En outre, il a été répété tout au long des travaux préparatoires que le législateur entendait se référer à cette jurisprudence. La loi en cause reprend de la sorte une notion d'une législation ancienne qui a fait l'objet de précisions jurisprudentielles, qui suffisent à éclairer le sujet de droit dans son comportement. Par conséquent, cette question préjudicielle appelle également une réponse négative [161].

Plusieurs décisions ont également été rendues sur les modifications législatives successives en la matière. En effet, la loi du 14 juillet 1991 sur les pratiques du commerce et sur l'information et la protection du consommateur a fait l'objet d'un changement législatif intervenu le 5 juin 2007 ainsi que d'une modification importante, en étant remplacée par la loi du 6 avril 2010 relative aux pratiques du marché et la protection du consommateur.

Ainsi, dans ce cadre, des prévenus qui étaient poursuivis pour des faits délictueux commis avant l'entrée en vigueur de la loi du 5 juin 2007 avaient soutenu que les articles 22 à 29bis de la loi du 14 juillet 1991 avaient été abrogés par l'article 43 de la loi du 5 juin 2007 avec effet à la date du 1er décembre 2007, en déduisant que l'article 2 du Code pénal fait obstacle à ce qu'ils puissent encore être condamnés du chef des préventions libellées sur pied de ces dispositions.

La cour d'appel de Bruxelles a jugé que l'article 43 donc question abroge les dispositions de la loi ancienne mais qu'il les remplace par de nouveaux articles. Elle relève que “si la loi pénale nouvelle règle exactement la même matière que la loi qu'elle abroge, qu'elle punit le fait dans les mêmes conditions que la loi abrogée et qu'elle établit la même peine, le juge pénal peut également appliquer la loi nouvelle aux faits commis sous l'empire de la loi ancienne”. Si un fait qualifié d'infraction au jour où il a été commis ne constitue plus une infraction au jour où le prévenu est jugé, aucune peine ne peut lui être infligée. Mais en cas de modification de la loi, comme c'est le cas en l'espèce, la cour considère qu'il y a lieu de comparer les dispositions de l'ancien texte avec le nouveau texte pour vérifier si les faits sont toujours punissables, au quel cas, l'article 2, 2ème alinéa du Code pénal impose l'application rétroactive de la loi pénale plus douce.

A cet égard, elle considère que “la loi sur les pratiques du commerce et sur l'information et la protection du consommateur du 14 juillet 1991 a été modifiée par la loi du 5 juin 2007, entrée en vigueur le 1er décembre 2007 (…) Les faits infractionnels visés à la prévention (…) sont régis par l'article 94/6 de la nouvelle loi et l'article 103 en ce qui concerne la sanction, et non plus par les articles 22, 23 et 103 de l'ancienne loi. En fait, la loi nouvelle a abrogé toutes les anciennes dispositions relatives à la publicité pour les réinsérer dans la Section 4 du nouveau chapitre (VII) intitulée 'De la publicité et des pratiques commerciales déloyales'. Le contenu reste le même (même si certains termes en élargissent le champ) ainsi que la sanction prévue par l'article 103, qui n'a été modifié que dans la mesure où il vise des dispositions légales dont seuls les numéros d'article ont changé. Le contenu de l'ancien article 22, qui reprenait la définition du terme 'Publicité' se retrouve aujourd'hui à l'article 93, 3° et l'article 23 est repris dans son ensemble au sein du nouvel article 94/2. Il semble évident que le législateur n'a pas voulu dépénaliser les comportements qui étaient incriminés sous l'empire de l'ancienne loi. La lecture des travaux parlementaires autorise même la cour à penser que la loi nouvelle vise à renforcer la protection du consommateur et à apporter une plus grande sécurité juridique en donnant plus de possibilités d'intervention à l'encontre des vendeurs indélicats. Ainsi, tous les comportements incriminés, dans l'ancienne loi, en l'espèce la publicité trompeuse, demeurent punissables après l'entrée en vigueur de la loi nouvelle” [162].

Cette jurisprudence a été confirmée dans un arrêt de la cour d'appel de Bruxelles ultérieur, confirmant que tous les comportements incriminés dans l'ancienne loi, en l'espèce la publicité trompeuse, demeurent punissables après l'entrée en vigueur de la loi nouvelle et précisant “qu'il en est de même pour la loi du 6 avril 2010 relative aux pratiques du marché et à la protection du consommateur. Cette nouvelle loi a abrogé (art. 103) et a remplacé la loi du 14 juillet 1991 sur les pratiques du commerce, véritable pierre angulaire de la protection du consommateur en Belgique” [163].

La cour d'appel de Bruxelles a eu à connaître à plusieurs reprises de pratiques perpétrées par des sociétés basées dans d'autres pays européens, dont l'activité consiste à éditer un guide commercial ou un répertoire international, diffusé sur leur site Internet et destiné à recueillir de nouvelles données et informations pratiques (coordonnées, etc.). Pour ce faire, ces sociétés prospectent la clientèle potentielle en lui faisant notamment parvenir un courrier qui se présente sous la forme d'une lettre d'invitation à paraître dans ledit répertoire international ou guide, moyennant vérification préalable des données communiquées sur les mêmes documents et validation de ces données. Des victimes signent alors en toute bonne foi pour une insertion gratuite de leurs coordonnées dans ledit guide ou répertoire, sans voir que cette validation constitue en fait une prise de commande définitive car elle est précédée d'un texte en typographie libellé en tout petits caractères, stipulant que cette commande porte sur des insertions pendant une ou plusieurs années pour des montants de plusieurs centaines d'euros par an.

A chaque fois, de nombreuses parties préjudiciées ont déposé plainte et les sociétés étrangères ont été poursuivies devant le juge répressif pour infraction à l'article 103 LPCC (tel que modifié ultérieurement).

A chaque fois, la cour d'appel de Bruxelles a condamné lesdites sociétés estimant que la confusion entre la prétendue insertion gratuite et actualisation de données, et la commande payante du guide ou du répertoire n'était pas innocente et excluait toute bonne foi dans le chef des prévenus dès lors que cette pratique était destinée à tromper, ce qui explique le nombre de victimes dans ce type d'affaires [164].

Il a notamment été souligné dans la motivation ayant conduit à une condamnation dans ce cadre que “pour apprécier la nature d'une publicité considérée comme étant trompeuse ou pouvant induire en erreur, il convient de vérifier si la publicité suscite une présentation erronée, en tenant compte à cet égard de l'ensemble que forme la publicité, recourant à une analyse synthétique et analytique de celle-ci. Le caractère trompeur ou la possibilité d'induire en erreur peut résulter d'un ensemble d'indications et ne doit pas être regardé à l'égard de l'une ou l'autre caractéristique prise séparément. Le grand nombre de victimes est un élément à prendre en considération pour mesurer le caractère trompeur d'une publicité” [165].

Dans l'une de ces affaires, les prévenus se sont pourvus en cassation en considérant que la loi du 6 avril 2010 avait dépénalisé la publicité trompeuse à l'égard des consommateurs, au vu de l'intitulé de la section dans laquelle il est inséré que la seule publicité trompeuse 'à l'égard de personnes autres que les consommateurs', l'article 96 de la loi du 6 avril 2010 prévoit, au contraire, une incrimination moins sévère.

La Cour de cassation a rejeté cette argumentation en confirmant que la loi du 6 avril 2010 relative aux pratiques du marché et à la protection du consommateur n'a pas dépénalisé la publicité trompeuse à l'égard du consommateur. Elle relève notamment que “contrairement à ce que soutient le demandeur, (…) il résulte expressément de son article 19, § 1er, 1°, que toute publicité au sens de l'article 2, 19°, peut être considérée comme une pratique commerciale trompeuse au sens des articles 88 à 91 et, partant, comme une pratique commerciale déloyale à l'égard des consommateurs. En prévoyant notamment une incrimination distincte propre à la publicité mensongère adressée à des personnes autres que les consommateurs, la nouvelle loi poursuit son objectif d'éviter les pratiques déloyales entre entreprises” [166].

Enfin, on notera ce jugement rendu par le tribunal correctionnel de Bruxelles dans l'affaire dite 'Citibank' qui, avant d'être réformé sur ce point par une décision de la cour d'appel de Bruxelles [167], a jugé que, en distribuant une série de produits de type obligataire structuré émis par la société Lehman Brothers Treasury C° BV et garantis par la société Lehman Brothers Holding Inc., il y avait eu publicité ou pratique commerciale trompeuse au sens de la loi sur les pratiques de commerce, soit par omission, soit par information trompeuse, “dans le sens où les personnes, néophytes en matière d'investissement financier, ont acquis des obligations structurées émises par la société Lehman Brothers alors que, soit elles ne connaissaient nullement cette institution financière, soit elles ont été induites en erreur pensant, en toute bonne foi, que leur compte à terme était prolongé ou encore que ces placements ne présentaient aucun risque pour le capital qu'elles investissaient” [168].

12. Protection de la vie privée

Cf. également à ce sujet infra, Société de l'information.

Plusieurs prévenus ainsi que l'ASBL Front National ont été poursuivis pour avoir envoyé de nombreux e-mails à une personne qui s'est constituée partie civile, s'estimant harcelée. Lors du procès, des débats ont été menés sur la qualification des faits en infraction aux articles 5 et 6 de la loi du 8 décembre 1992 relative à la protection de la vie privée.

La cour d'appel de Bruxelles constate que la loi relative à la protection de la vie privée s'applique, notamment, à tout “traitement non automatisé de données à caractère personnel contenues dans un fichier”. Les “données à caractère personnel s'entendent de toute information concernant une personne identifiée ou identifiable, directement ou indirectement”. En l'espèce, la cour précise que le nom et le prénom de la partie civile avaient été repris dans son adresse e-mail. Par ailleurs, la cour souligne que par 'traitement' de données à caractère personnel, on entend, entre autres, “la collecte, la conservation, l'utilisation ou encore la communication par transmission, diffusion ou toute autre forme de mise à disposition de telles données”.

L'article 5 de la loi n'autorise le traitement de données à caractère personnel que dans un certain nombre de cas que la cour d'appel estime ne pas avoir été rencontrés en la présente espèce. En particulier, elle juge qu'il est nécessaire que la personne concernée par le traitement des données à caractère personnel ait 'indubitablement donné son consentement', à savoir qu'elle ait manifesté une volonté libre, spécifique et informée d'accepter que de telles données la concernant fassent l'objet d'un traitement. Or, en l'espèce, la partie civile contestait formellement avoir donné un tel consentement dès lors qu'elle affirme ne pas avoir sollicité son inscription dans le fichier litigieux. En cas de contestation, il appartient aux responsables du traitement des données d'établir qu'une personne qui le conteste a, sans réserve, marqué son assentiment à figurer dans le fichier.

La cour souligne que l'article 39 de la loi punit d'une amende le 'responsable du traitement', son préposé ou mandataire, qui traite des données à caractère personnel en dehors des cas prévus à l'article 5 de la loi. Par 'responsable du traitement' de telles données, l'article 1er, § 4 de la loi entend “la personne physique ou morale, l'association de fait, qui seule ou conjointement avec d'autres, détermine les finalités et les moyens de traitement de données à caractère personnel”. La cour d'appel en conclut qu'il y a lieu de considérer en l'espèce l'ASBL Front National comme étant la personne morale responsable du traitement des données à caractère personnel contenues dans les fichiers élaborés dans le cadre des activités du parti Front National.

En conséquence, la cour a qualifié les faits d'infraction à l'article 5 de la loi relative à la protection de la vie privée à charge de l'ASBL Front National, comme ayant illicitement collecté sur un fichier des données à caractère personnel, notamment, celles relatives à la partie civile, conservé, utilisé ou communiqué ce fichier sans le consentement de cette dernière [169].

En matière de protection de la vie privée, on relèvera également cette décision du tribunal correctionnel de Hasselt, qui a jugé que lorsqu'un détective privé place un GPS sous le véhicule d'une personne pour pouvoir suivre les déplacements de cette dernière dans son véhicule, la lecture du GPS constitue un traitement de données personnelles qui est en violation avec l'article 5 de la loi sur la protection de la vie privée [170].

13. Société de l'information

Cf. également à ce sujet supra, Protection de la vie privée.

Des prévenus ainsi que l'ASBL Front National ont été poursuivis pour avoir harcelé à diverses reprises, au moyen d'e-mails, une partie civile.

La cour d'appel de Bruxelles a examiné dans quelle mesure ces faits pouvaient être qualifiés d'infraction à l'article 14 de la loi du 11 mars 2003 sur certains aspects juridiques des services de la société de l'information, en vertu de laquelle l'utilisation du courrier électronique à des fins de publicité est interdite, sans le consentement préalable, libre, spécifique et informé du destinataire des messages. La cour relève que la notion de 'publicité' est définie à l'article 2 de la loi comme étant “toute forme de communication destinée à promouvoir, directement ou indirectement, des biens, des services ou l'image d'une entreprise, d'une organisation ou d'une personne ayant une activité commerciale, industrielle ou artisanale ou exerçant une activité réglementée”. Relevant qu'un parti politique n'a, à l'évidence, pas d'activité commerciale, industrielle, artisanale ou réglementée, la cour d'appel a jugé que le fait qu'un parti politique n'exerce aucune de ces activités fait obstacle à sa condamnation sur base de l'article 14 de la loi précitée [171].

Toujours dans le cadre de la société de l'information, l'article 46bis du Code d'instruction criminelle dispose qu'en recherchant les crimes et délits, le procureur du Roi peut, par une décision motivée et écrite, requérir le concours de l'opérateur d'un réseau de communication électronique ou d'un fournisseur d'un service de communication électronique pour faire procéder, notamment au moyen d'un accès aux fichiers des clients de l'opérateur ou du fournisseur de service, à l'identification de l'abonné ou de l'utilisateur habituel d'un service de communication électronique. Chaque opérateur d'un réseau de communication électronique et chaque fournisseur d'un service de connexion électronique qui est requis de communiquer ses données doit donner au procureur du Roi ou à l'officier de police judiciaire les données qui ont été demandées, sous peine, en cas de refus de les communiquer, de subir une sanction pénale.

La Cour de cassation a précisé dans ce cadre qu'il fallait entendre par “fournisseur d'un service de télécommunication électronique” au sens de l'article 46bis du Code d'instruction criminelle “non seulement l'opérateur belge au sens de la loi du 13 juin 2005 relative aux communications électroniques, mais également 'quiconque dispense des services de communication électronique comme notamment la transmission de données de communication'”. Par conséquent, elle juge que l'obligation du concours prévu par l'article 46bis du Code d'instruction criminelle ne se limite dès lors pas aux opérateurs d'un réseau de communication électronique ou aux fournisseurs d'un service de connexion électronique qui sont aussi opérateurs au sens de la loi du 13 juin 2005 ou qui ne dispensent leur service de communication électronique qu'au moyen de leur propre infrastructure. Cette obligation “existe aussi dans le chef de celui qui fournit un service consistant entièrement ou principalement dans la transmission de signaux par la voie de réseaux de communications électroniques et la personne qui fournit un service consistant à autoriser ses clients à obtenir ou recevoir ou diffuser des informations au moyen d'un réseau électronique peut aussi être un fournisseur d'un service de communication électronique” [172].

14. Ventes publiques

Dans un jugement du 11 mars 2011, le tribunal correctionnel d'Anvers a dû se pencher sur la notion de 'vente publique', pour déterminer dans quelle mesure un site web qui organisait des offres non contraignantes sur des biens immobiliers devait être ou non considéré comme étant une vente publique.

En l'espèce, des associations de notaires avaient déposé plainte dans la mesure où ils estimaient que ce site violait le monopole de vente publique de biens immobiliers reconnu aux notaires comme fonctionnaires publics, soutenant que, par conséquent, il y avait eu immixtion dans la fonction de notaire, ce qui est pénalement réprimé.

Le tribunal correctionnel est arrivé à la conclusion que le site en question n'est pas une vente publique dans la mesure où les offres qui sont publiées sur le site ne sont pas contraignantes. De plus, il n'existe aucune garantie que celui qui fait l'offre la plus haute emporte le contrat de vente. En effet, sur le site, celui qui fait l'offre la plus haute reçoit seulement un droit de priorité de négociation avec le vendeur en question.

Par conséquent, les prévenus ont été acquittés des faits mis à leur charge [173].

[1] La chronique précédente (2007-2009) a été publiée dans la RDC 2011, 2011/1, pp. 30 à 76.
[2] Avocat au barreau de Bruxelles. L'auteur remercie Nathalie De Jonghe et An Schurmans pour leur précieuse collaboration à sa rédaction.
[3] Cass. 3 novembre 2010, Pas. 2010, n° 650, p. 2860.
[4] Corr. Bruges 18 décembre 2008, TGR 2010, p. 367, avec note.
[5] Liège (trav.) 6 août 2009, Rev.dr.pén.entr. 2010, p. 55, avec note.
[6] Gand 23 avril 2010, TMR 2010, p. 741.
[7] Cass. 26 janvier 2011, Pas. 2011, n° 75, p. 75.
[8] Cass. 18 octobre 2011, Pas. 2011, n° 555, p. 2279. Cet arrêt a également été publié au T.Strafr. 2011/6, p. 441, avec note.
[9] Même arrêt.
[10] Cass. 23 novembre 2010, Pas. 2010, n° 689, p. 3001.
[11] Corr. Ypres 26 avril 2010, TMR 2011, p. 489.
[12] Gand 29 mai 2009, TMR 2010, p. 740.
[13] Cass. 14 avril 2010, Pas. 2010, I, p. 1148.
[14] Cass. 3 juin 2009, Rev.dr.pén.entr. 2010, p. 249.
[15] Même arrêt.
[16] Cass. 5 octobre 2010, RW 2011, n° 26, p. 1 et également dans le même sens, Cass. 27 mai 2009, également publié au NC 2010, p. 179, avec note et au RW 2010, p. 570.
[17] Bruxelles 14 septembre 2010, JLMB 2011, p. 318.
[18] Anvers 28 avril 2009, RW 2010-11, p. 497, avec note.
[19] Gand 20 septembre 2010 (2.100 p.) disponible sur le site de la cour (www.juridat.be/beroep/gent/index.htm ).
[20] Cass. 1er juin 2010, RG 2010, p. 1692 et RW 2011-12, p. 228, avec note.
[21] C.const. 28 avril 2011, RDP 2011, p. 1172, avec note.
[22] C.const. 12 novembre 2009, RDP 2010, p. 776, ainsi que AM 2010, p. 167.
[23] Cass. 25 mai 2011, Rev.dr.pén.entr. 2011, p. 303, avec note ainsi que NJW 2011, p. 772.
[24] Cass. 28 septembre 2010, Pas. 2010, I, p. 2422.
[25] Anvers 15 septembre 2010, RABG 2011, p. 983 et Anvers 10 février 2011, RABG 2011, p. 987.
[26] Gand 20 septembre 2010 (2.100 p.) disponible sur le site de la cour (www.juridat.be/beroep/gent/index.htm ).
[27] Cass. 24 janvier 2008, RW 2010-11, p. 366, avec note et Cass. 28 septembre 2010, Pas. 2010, I, p. 2422.
[28] Cass. 28 septembre 2010, Pas. 2010, I, p. 2422.
[29] Cass. 27 avril 2010, NC 2011, p. 371.
[30] Gand 11 mars 2010, TMR 2010, p. 638 avec note.
[31] Cass. 20 avril 2011, T.Strafr. 2011, p. 354.
[32] Corr. Huy 10 juillet 2008, Rev.dr.pén.entr. 2010, p. 27.
[33] Gand 20 septembre 2010 (2.100 p.) disponible sur le site de la Cour (www.juridat.be/beroep/gent/index.htm ).
[34] Cass. 10 février 2010, Pas. 2010, n° 92, p. 413.
[35] Cass. 1er février 2011, Pas. 2011, I, p. 385 et NC 2011, p. 375. Dans le même sens, Cass. 22 juin 2011, NC 2011, p. 381, avec note.
[36] Corr. Hasselt 4 janvier 2011, Limb.Rechtsl. 2011, p. 380.
[37] Gand 5 mars 2010, TMR 2010, p. 501.
[38] Cass. 10 février 2010, Pas. 2010, I, p. 413, ainsi que RDP 2010, p. 930.
[39] Cass. 25 octobre 2011, Pas. 2011, n° 571, p. 2340.
[40] Liège 28 octobre 2009, Rev.dr.pén.entr. 2010, p. 23.
[41] Liège 3 février 2011, Rev.dr.pén.entr. 2011, p. 97 et JLMB 2011, p. 817. La cour d'appel de Liège était saisie d'un appel du tribunal correctionnel de Huy qui n'avait pas désigné de mandataire ad hoc dans une cause où une société anonyme et son administrateur délégué était poursuivi pour les mêmes faits.
[42] Bruxelles 31 mai 2011, Rev.dr.pén.entr. 2011, p. 341.
[43] Corr. Huy (ch. cons.) 25 janvier 2010, JLMB 2011, p. 17.
[44] Anvers 22 février 2006, RW 2009-10, p. 589 avec note.
[45] Cass. 10 février 2010, P.09.1281.F.
[46] Cass. 9 février 2011, P.10.1616.F.
[47] Bruxelles 30 juin 2009, Rev.dr.pén.entr. 2010, p. 25 avec note.
[48] Bruxelles 22 janvier 2010, Rev.dr.pén.entr. 2010, p. 241 avec note et Bruxelles 14 septembre 2010, JLMB 2011, p. 318. Cf. également dans le même sens, Corr. Bruxelles 5 février 2009, Rev.dr.pén.entr. 2010, p. 133.
[49] Corr. Bruxelles 5 février 2009, Rev.dr.pén.entr. 2010, p. 133.
[50] Bruxelles 30 juin 2009, Rev.dr.pén.entr. 2010, p. 25. Egalement en ce sens, Corr. Bruxelles 5 février 2009, Rev.dr.pén.entr. 2010, p. 133.
[51] Bruxelles 14 septembre 2010, JLMB 2011, p. 318.
[52] Bruxelles 4 octobre 2011, Rev.dr.pén.entr. 2011, p. 339.
[53] Bruxelles 31 mai 2011, Rev.dr.pén.entr. 2011, p. 341.
[54] Même arrêt.
[55] Corr. Huy 9 mars 2009, Rev.dr.pén.entr. 2010, p. 15 avec note.
[56] Corr. Bruxelles 8 décembre 2009, JT 2010, p. 6, avec note et JLMB 2010, p. 60.
[57] Bruxelles 10 décembre 2010, JT 2011, p. 54, avec note et JLMB 2011, p. 129.
[58] Liège 24 novembre 2010, JLMB 2011, p. 324.
[59] Cass. 8 septembre 2010, Pas. 2010, n° 501, p. 2212.
[60] Corr. Eupen (ch. cons.) 8 octobre 2010, JLMB 2011, p. 919.
[61] Cass. 27 octobre 2010, Pas. 2010, I, p. 2815 et JT 2011, p. 325 avec note.
[62] Mons (mis. acc.) 27 mai 2011, RDP 2011, p. 916, avec note.
[63] Cass. 6 octobre 2010, Pas. 2010, n° 579, p. 2496.
[64] Cass. 29 septembre 2010, Pas. 2010, n° 555, p. 2426.
[65] Cass. 21 avril 2010, Pas. 2010, n° 268, p. 1191.
[66] Cass. 17 novembre 2009, NC 2010, p. 126 et également RABG 2010, p. 416, avec note.
[67] Cass. 26 octobre 2010, Pas. 2010, n° 632, p. 2790 et T.Strafr., 2011/4, p. 264, avec note.
[68] Mêmes arrêts.
[69] Cass. 27 janvier 2010, Pas. 2010, n° 62, p. 267, NC 2010, p. 233 et RW 2011, p. 607 avec note.
[70] Cass. 14 décembre 2010, Pas. 2010, n° 742, p. 3246 et également RABG 2011, p. 588.
[71] Cass. 27 janvier 2010, Pas. 2010, n° 62, p. 267 et RW 2011, p. 607 avec note.
[72] Même arrêt.
[73] Même arrêt.
[74] Cass. 17 mars 2010, Pas. 2010, n° 188, p. 852.
[75] Corr. Bruxelles 5 février 2009, Rev.dr.pén.entr. 2010, p. 133.
[76] Gand 20 septembre 2010 (2.100 p.) disponible sur le site de la cour (www.juridat.be/beroep/gent/index.htm ).
[77] Cass. 17 mars 2010, Pas. 2010, I, p. 852.
[78] Cass. 10 février 2009, NC 2010, p. 123.
[79] Cass. 23 mars 2011, Pas. 2011, n° 219, p. 863.
[80] Cass. 18 novembre 2009, Rev.dr.pén.entr. 2010, p. 315.
[81] Cass. 23 mars 2011, Pas. 2011, n° 219, p. 863.
[82] Cass. 14 décembre 2010, Pas. 2010, n° 742, p. 3246 et également RABG, 2011/8, p. 588.
[83] Cass. 3 juin 2009, Rev.dr.pén.entr. 2010, p. 249.
[84] Cass. 7 juin 2011, Pas. 2011, n° 384, p. 1625. Cet arrêt a également été publié au T.Strafr. 2012, p. 23.
[85] Cass. 6 octobre 2010, Pas. 2010, n° 577, p. 2490.
[86] Corr. Louvain 15 juin 2010, T.Strafr. 2011, p. 270 avec note.
[87] Cass. 26 octobre 2010, Pas. 2010, n° 631, p. 2787.
[88] Gand 29 octobre 2009, T.Strafr., 2011/1, p. 75 avec note.
[89] Cass. 22 février 2011, Pas. 2011, n° 154, p. 612.
[90] Corr. Courtrai 11 juin 2008, RABG, 2010/1, p. 60 avec note.
[91] Bruxelles (mises acc.) 26 janvier 2011, JLMB 2011/9, p. 428 avec note; cf. également sur cette même problématique, la décision de la cour d'assises du 3 mai 2010, retirant du dossier pénal de la correspondance entre un avocat et son client, publié in TGR 2010, p. 277.
[92] Civ. Bruxelles (réf.) 5 mai 2010, NJW 2010, p. 714 avec note.
[93] Corr. Bruxelles 5 février 2009, Rev.dr.pén.entr. 2010, p. 133.
[94] Cass. 1er février 2011, Pas. 2011, I, p. 380.
[95] Cass. 9 février 2011, Pas. 2011, n° 114, p. 461.
[96] Anvers 17 février 2010, NC 2010, p. 251.
[97] Bruxelles 10 mai 2011, Rev.dr.pén.entr. 2011, p. 345.
[98] Cass. 5 janvier 2011, Pas. 2011, n° 6, p. 19.
[99] Corr. Bruxelles 1er décembre 2010, Dr.banc.fin. 2011, p. 127. Ce point a été confirmé en appel.
[100] Anvers 8 janvier 2009, NC 2010, p. 136. avec note.
[101] Anvers 5 novembre 2008, T.Strafr., 2010/11, p. 46 avec note.
[102] Bruxelles 11 mai 2011, JDF 2011, p. 180.
[103] Cass. 25 mai 2011, Pas. 2011, n° 350, p. 1468.
[104] Cass. 27 octobre 2010, Pas. 2010, n° 638, p. 2813. Cette décision est également parue à la Rev.dr.pén.entr. 2011, p. 143.
[105] Cass. 26 mai 2009, Rev.dr.pén.entr., 2010/3, p. 255.
[106] Cass. 5 janvier 2011, Pas. 2011, n° 6, p. 19.
[107] Cass. 9 septembre 2009, Rev.dr.pén.entr., 2010/2, p. 115.
[108] Cass. 21 avril 2010, Pas. 2010, n° 269, p. 1192.
[109] Cass. 6 octobre 2010, Pas. 2010, n° 559, p. 2496.
[110] Corr. Bruxelles 1er décembre 2010, Dr.banc.fin. 2011, p. 129 avec note.
[111] Cass. 27 janvier 2010, Pas. 2010, n° 62, p. 267 et cf. supra, Faux et usage de faux.
[112] Corr. Hasselt 24 février 2010, NC 2010, p. 256.
[113] Corr. Bruxelles 1er décembre 2010, Dr.banc.fin. 2011, p. 127 avec note.
[114] Corr. Hasselt 24 février 2010, NC 2010, p. 256.
[115] Cass. 16 décembre 2010, Pas. 2010, n° 747, p. 3258.
[116] Cass. 23 juin 2010, Pas. 2010, n° 442, p. 1997.
[117] Cass. 29 septembre 2010, Pas. 2010, n° 559, p. 2438.
[118] Même arrêt.
[119] Même arrêt.
[120] Bruxelles 5 avril 2011, Rev.dr.pén.entr. 2011, p. 343.
[121] Bruxelles 17 juin 2010, Rev.dr.pén.entr. 2011, p. 147.
[122] Bruxelles 5 avril 2011, Rev.dr.pén.entr. 2011, p. 343.
[123] Cass. 27 avril 2010, Pas. 2010, n° 287, p. 1292 et T.Strafr. 2010, p. 281 avec note.
[124] Cass. 12 janvier 2010, Pas. 2010, n° 22, p. 80 et T.Strafr. 2010, p. 267.
[125] Même arrêt.
[126] Cass. 17 mai 2011, Pas. 2011, n° 323, p. 1353.
[127] Anvers 21 octobre 2009, RABG 2010, p. 454 avec note.
[128] Civ. Bruxelles (sais.) 2 juin 2009, RW 2009-10, p. 1613.
[129] Corr. Bruxelles 24 septembre 2009, Rev.dr.pén.entr., 2010/2, p. 123 avec note.
[130] Anvers 23 mars 2011, Limb.Rechtsl. 2011, p. 369.
[131] Cass. 5 janvier 2011, Pas. 2011, n° 6, p. 19. Cet arrêt a également été publié à la RDP 2011, p. 583.
[132] Corr. Louvain 15 juin 2010, T.Strafr. 2011, p. 270.
[133] Même jugement.
[134] Même jugement.
[135] Bruxelles 10 mai 2011, Rev.dr.pén.entr. 2011, p. 345.
[136] CJ 23 décembre 2009, Dr.banc.fin. 2010, p. 386.
[137] Bruxelles 7 décembre 2010, Dr.banc.fin. 2011, p. 377.
[138] Cass. 25 février 2010, Pas. 2010, n° 131, p. 574.
[139] C.const. 12 novembre 2009, RDP 2010, p. 776. Cet arrêt est également publié à la revue AM, 2010/2, p. 167.
[140] Mons 16 mars 2010, AM 2010, p. 266.
[141] Cass. 5 janvier 2011, Rev.dr.pén.entr. 2011, p. 179. Cet arrêt est également publié à la RDP 2011, p. 427.
[142] C.const. 16 septembre 2010, JT 2010, p. 631 avec note, ainsi que JLMB 2010, p. 1409.
[143] Gand 20 septembre 2010 (2.100 p.) disponible sur le site de la cour (www.juridat.be/beroep/gent/index.htm ).
[144] Cass. 7 juin 2011, Pas. 2011, n° 382, p. 1621.
[145] Gand 20 septembre 2010 (2.100 p.) disponible sur le site de la cour (www.juridat.be/beroep/gent/index.htm ).
[146] Cass. 18 janvier 2011, Pas. 2011, n° 49, p. 207.
[147] Corr. Bruxelles 18 mars 2010, Rev.dr.pén.entr. 2010, p. 303 avec note.
[148] Anvers 10 février 2010, FJF 2010, p. 125.
[149] Cass. 12 janvier 2011, Pas. 2011, n° 28, p. 110, également publié au FJF 2012, p. 59.
[150] Cass. 9 mars 2011, FJF 2011, p. 245.
[151] C.const. 25 février 2010, Rev.dr.pén.entr. 2010, p. 109. Cet arrêt est également publié à la RDP 2010, p. 914, au RW 2010, p. 995 avec note et à la RABG 2010, p. 835 avec note.
[152] Cass. 9 mars 2011, Pas. 2011, n° 185, p. 744.
[153] Cass. 10 février 2009, RABG 2010, p. 43 avec note.
[154] Cass. 1er mars 2011, FJF 2011, p. 290.
[155] Cass. 29 septembre 2010, Pas. 2010, n° 561, p. 2445 et Rev.dr.pén.entr., 2011/1, p. 61 (erronément noté du 20 septembre 2010).
[156] Cass. 15 octobre 2010, Pas. 2010, n° 608, p. 2656.
[157] Bruxelles 17 mars 2010, JT 29/2010, p. 506 avec note, T.Strafr. 2011, p. 447 avec note et AM 2010, p. 297 avec note.
[158] Corr. Louvain 8 novembre 2010, AM 2011, p. 115 avec note.
[159] Corr. Bruxelles 10 mars 2011, D.A. O.R. 2011, p. 461 avec note.
[160] Gand 20 septembre 2010 (2.100 p.) disponible sur le site de la cour (www.juridat.be/beroep/gent/index.htm ).
[161] C.const. 14 octobre 2010, NJW 2011, p. 262 avec note. Cet arrêt a également été publié à la RDP 2011, p. 70, avec note.
[162] Bruxelles 4 mars 2009, Rev.dr.pén.entr. 2010, p. 35.
[163] Bruxelles 18 novembre 2010, RABG 2011, p. 1152.
[164] Cf. Bruxelles 4 mars 2009, Rev.dr.pén.entr. 2010, p. 35 et Bruxelles 18 novembre 2010, RABG 2011, p. 1152.
[165] Bruxelles 4 mars 2009, Rev.dr.pén.entr. 2010, p. 35.
[166] Cass. 20 avril 2011, Pas. 2011, n° 269, p. 1063.
[167] Non encore publiée.
[168] Corr. Bruxelles 1er décembre 2010, Dr.banc.fin. 2011, p. 127. Ce point a été réformé en appel.
[169] Bruxelles 17 mars 2010, Rev.dr.pén.entr. 2010, p. 319 avec note.
[170] Corr. Hasselt 14 juin 2011, Limb.Rechtsl. 2011, p. 382.
[171] Bruxelles 17 mars 2010, Rev.dr.pén.entr., 2010/4, p. 319 avec note.
[172] Cass. 18 janvier 2011, Pas. 2011, n° 52, p. 213.
[173] Corr. Anvers 11 mars 2011, NJW 2011, p. 549 avec note.