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Actualité : Cour de justice de l'Union européenne, 19/04/2012, R.D.C.-T.B.H., 2012/7, p. 738-739

Cour de justice de l'Union européenne 19 avril 2012

Affaire: Wintersteiger AG (C-523/10)
DROIT JUDICIAIRE EUROPEEN ET INTERNATIONAL
Compétence et exécution - Règlement (CE) n° 44/2001 - Compétence judiciaire, reconnaissance et exécution des décisions en matière civile et commerciale - Compétence - Article 5, 3. du règlement (CE) n° 44/2001 - Compétence en matière délictuelle ou quasi délictuelle - Atteinte aux droits de la propriété industrielle - Lieu où le fait dommageable s'est produit ou risque de se produire


EUROPEES EN INTERNATIONAAL GERECHTELIJK RECHT
Bevoegdheid en executie - Verordening EG nr. 44/2001 - Rechterlijke bevoegdheid, erkenning en tenuitvoerlegging van beslissingen in burgerlijke en handelszaken - Bevoegdheid - Artikel 5, 3. van de verordening EG nr. 44/2001 - Contractuele en buitencontractuele bevoegdheid - Schending rechten industriële eigendom - Plaats waar de onrechtmatige daad zich heeft voorgedaan of zou kunnen voordoen


Dans un arrêt du 19 avril 2012 rendu dans l'affaire Wintersteiger AG (C-523/10), qui est également commenté ci-dessus dans le cadre de la rubrique consacrée à la propriété intellectuelle, la première chambre de la Cour a interprété l'article 5, 3. du règlement n° 44/2001, selon lequel en matière délictuelle et quasi délictuelle, un défendeur domicilié sur le territoire d'un Etat membre peut être attrait devant le tribunal du lieu où le fait dommageable s'est produit ou risque de se produire. L'arrêt commenté concerne l'application de cette disposition dans un litige relatif à une atteinte au droit de propriété industrielle (marque nationale).

La demanderesse au principal, une société autrichienne Wintersteiger, est titulaire depuis 1993, de la marque autrichienne 'Wintersteiger'. Cette société produit et commercialise sous cette marque des machines pour l'entretien de skis et de snowboards, ainsi que les pièces de rechange et les accessoires y afférents. La défenderesse au principal, Products 4U est une entreprise allemande, spécialisée dans le développement et commercialisation des machines d'entretien de skis et de snowboards. Products 4U vend, entre autres, des accessoires pour des machines fabriquées par Wintersteiger, bien que cette dernière ne fournisse pas l'entreprise allemande et ne l'autorise pas à vendre ses produits. Products 4U a en outre enregistré, le 1er décembre 2008, le mot-clé 'Wintersteiger' dans le service de recherche avec publicité fourni par Google, en limitant toutefois cette inscription aux recherches réalisées à partir d'un domaine de premier niveau correspondant à l'Allemagne ('de'). Wintersteiger a exercé une action en cessation d'usage auprès des tribunaux autrichiens et elle a déposé conjointement une demande de mesures provisoires, afin que Products 4U s'abstienne d'utiliser la marque Wintersteiger comme mot-clé sur le moteur de recherche de google.de. Les juridictions autrichiennes inférieures ont pris des décisions divergentes quant à leur compétence internationale pour connaître de ce litige. La juridiction suprême a renvoyé à la Cour une série des questions par lesquelles elle a demandé, en substance selon quels critères il convenait de déterminer, en vertu de l'article 5, 3. du règlement n° 44/2001, la compétence judiciaire pour connaître du litige au principal.

En réponse aux questions de la juridiction de renvoi, la Cour a, tout d'abord, rappelé que l'expression “lieu où le fait dommageable s'est produit ou risque de se produire” figurant à l'article 5, 3. du règlement n° 44/2001 visait à la fois le lieu de la matérialisation du dommage et le lieu de l'événement causal qui était à l'origine de ce dommage, de sorte que le défendeur peut être attrait, au choix du demandeur, devant le tribunal de l'un ou de l'autre de ces deux lieux.

Ensuite, la Cour a précisé ce qu'il fallait entendre, dans le cas d'espèce, comme le lieu de matérialisation du dommage. A cet égard, elle a, notamment relevé que tant l'objectif de la prévisibilité que celui de la bonne administration de la justice militaient en faveur d'une attribution de la compétence, au titre de la matérialisation du dommage, aux juridictions de l'Etat membre dans lequel le droit en cause était protégé. Selon la Cour, ce sont les juridictions de l'Etat membre d'enregistrement d'une marque nationale qui sont les mieux à même d'évaluer, s'il est effectivement porté atteinte à cette marque. La Cour a précisé que ces juridictions sont habilitées à connaître, d'une part, de l'intégralité du dommage prétendument causé au titulaire du droit protégé du fait de l'atteinte portée à celui-ci et, d'autre part, d'une demande visant à faire cesser toute atteinte audit droit.

Il est intéressant de noter que la demanderesse au principal a fait valoir devant la Cour que sa marque 'Winter­steiger' était protégée non seulement en Autriche mais aussi dans les autres Etats membres, notamment en Allemagne. L'avocat général Cruz Villalon l'a relevé dans son opinion rendue dans cette affaire et a indiqué que la portée du litige au principal serait modifiée si ce fait devait être confirmé. Il a néanmoins précisé que la juridiction de renvoi a interrogé la Cour exclusivement sur l'interprétation de l'article 5, 3. du règlement n° 44/2001 dans un contexte où une seule marque est enregistrée en Autriche, et a indiqué que sa proposition de réponse portait sur une question ainsi formulée.

L'arrêt de la Cour ne fait aucune référence à ce problème. Toutefois, compte tenu du caractère territorial des droits de propriété industrielle, il semble qu'il y a lieu de comprendre cet arrêt comme indiquant que, dans le cas d'une atteinte à un droit de marque, les juridictions de l'Etat membre dans lequel la marque en cause est enregistrée sont habilitées à connaître de l'intégralité du dommage qui se matérialise sur le territoire de cet Etat membre.

Enfin, la Cour a précisé ce qu'il fallait entendre, dans le cas d'espèce, comme le lieu de l'événement causal. Elle a relevé que l'événement causal du dommage résidait non dans l'affichage de la publicité elle-même, mais dans le comportement de l'annonceur ayant recours au service de référencement pour sa propre communication commerciale et qu'il convenait de considérer que ce comportement devait être localisé au lieu d'établissement de l'annonceur. Ainsi, selon la Cour, le litige relatif à une atteinte au droit de marque, tel que dans l'affaire au principal, peut être porté également, sur le fondement de l'article 5, 3. du règlement n° 44/2001, devant les juridictions de l'Etat membre du lieu de l'établissement de l'annonceur.