Article

Cour de cassation, 24/01/2011, R.D.C.-T.B.H., 2012/3, p. 284-285

Cour de cassation 24 janvier 2011

ASSURANCES
Contrat d'assurance terrestre - Assurance de personnes - Assurance vie individuelle - Inconstitutionnalité des articles 127, 128 et 148, § 3 loi sur le contrat d'assurance terrestre - Pas d'extension par analogie à l'assurance groupe
Le juge ne peut étendre par analogie la violation constatée par la Cour constitutionnelle à une autre question juridique que celle sur laquelle celle-ci s'est prononcée, quand bien même elle aurait trait à la même disposition législative.
Les juges d'appel qui constatent que la contestation entre les paries concerne les avantages acquis en relation avec une assurance de groupe, qui concerne une assurance spécifique qui a la fonction de pension complémentaire, qui présente un caractère plus collectif que l'assurance individuelle, étendent dès lors la violation constatée par la Cour constitutionnelle, dans son arrêt du 26 mai 1999, à une question dont l'objet n'est pas identique à celle sur laquelle la Cour constitutionnelle s'est prononcée et violent de ce fait les articles 26, § 2, 2° et 28 de la loi spéciale sur la Cour constitutionnelle.
VERZEKERINGEN
Landverzekeringsovereenkomst - Persoonsverzekering - Individuele levensverzekering - Ongrondwettigheid artikelen 127, 128 en 148, § 3 wet landverzekeringsovereenkomst - Geen uitbreiding per analogie voor groepsverzekeringen
De rechter vermag niet de door het Grondwettelijk Hof vastgestelde schending bij analogie uit te breiden tot een andere rechtsvraag dan degene waarover het Grondwettelijk Hof uitspraak heeft gedaan, ook al heeft die betrekking op dezelfde wetsbepaling.
De appelrechters die vaststellen dat de betwisting tussen de partijen de voordelen betreft, verkregen naar aanleiding van een groepsverzekering, die een specifieke verzekering betreft welke de functie heeft van een aanvullend pensioen, met een meer collectief karakter dan de individuele levensverzekering, breiden aldus de door het Grondwettelijk Hof in het arrest van 26 mei 1999 vastgestelde schending uit tot een vraag die geen identiek onderwerp heeft als degene waarover het Grondwettelijk Hof uitspraak heeft gedaan, en schenden zodoende de artikelen 26, § 2, 2°, en 28 bijzondere wet Grondwettelijk Hof.

S.J. / D.P.A.

Siég.: R. Boes (président de section), E. Stassijns, B. Deconinck, A. Smetryns et K. Mestdagh (conseillers)
MP: R. Mortier (avocat général)
Pl.: Mes J. Verbist et H. Geinger

(...)

II. Les moyens de cassation

Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, le demandeur présente quatre moyens.

III. La décision de la Cour
Sur le deuxième moyen

(...)

Sur le fondement

4. Contrairement à ce que le moyen fait valoir, les juges d'appel n'ont pas décidé que la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre n'est pas applicable à l'assurance groupe.

Dans cette mesure, le moyen manque en fait.

5. Il suit du système des questions préjudicielles, tel qu'il est notamment réglé par les articles 26, § 2, 2° et 28 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, que le juge peut également écarter l'application d'une disposition légale déclarée inconstitutionnelle par la Cour constitutionnelle dans une cause où la question soulevée a un objet identique à celui d'une question sur laquelle la Cour constitutionnelle a déjà statué.

Toutefois, le juge ne peut étendre par analogie la violation constatée par la Cour constitutionnelle à une question juridique autre que celle sur laquelle la Cour constitutionnelle a statué, même si celle-ci porte sur la même disposition légale.

6. Par arrêt rendu le 26 mai 1999 dans la cause n° 54/99, la Cour constitutionnelle a décidé que: “Les articles 127, 128 et 148, § 3 de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre violent les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'ils ont pour effet que, lorsque deux époux sont communs en biens, que l'un d'eux a souscrit une assurance vie pour garantir la bonne fin du remboursement d'emprunts communs et, ce remboursement étant fait, pour apporter un capital, non au conjoint survivant du souscripteur, mais uniquement à ce dernier au cas où il atteindrait un âge convenu, et qu'en outre, les primes ont été prélevées sur les biens communs, ce capital est propre et ne donne lieu à récompense que si les versements effectués à titre de primes et prélevés sur le patrimoine commun sont manifestement exagérés eu égard aux facultés de celui-ci”.

Par cet arrêt, la Cour constitutionnelle s'est prononcée sur l'inconstitutionnalité des dispositions précitées de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre relativement à une assurance vie individuelle souscrite par un conjoint marié sous le régime de la communauté de biens et garantissant le paiement du capital en faveur du seul preneur d'assurance.

7. Les juges d'appel ont constaté que la contestation des parties porte sur les avantages résultant d'une assurance groupe, soit une assurance spécifique à caractère plus collectif que celui de l'assurance vie individuelle qui fait fonction de pension complémentaire.

Ils ont décidé que, pour l'assurance groupe également, le juge est tenu de se rallier à l'arrêt du 26 mai 1999 et, en conséquence, ne doit pas avoir égard aux articles 127 et 128 de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre, lorsque, et dans la mesure où, comme ils l'ont admis en l'espèce, cette assurance constitue un mode d'épargne.

8. Ainsi, les juges d'appel ont étendu la violation constatée par la Cour constitutionnelle dans l'arrêt du 26 mai 1999 précité à une question dont l'objet n'est pas identique à celui sur lequel la Cour constitutionnelle a statué et, en conséquence, ont violé les articles 26, § 2, 2° et 28 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle.

Dans cette mesure, le moyen est fondé.

Sur l'étendue de la cassation

9. La cassation de la décision sur la base du deuxième moyen s'étend à la décision sur les dépens, qui en résulte.

Sur les autres griefs

10. Les autres griefs ne sauraient entraîner une cassation plus étendue.

Par ces motifs,

LA COUR

Casse l'arrêt attaqué en tant qu'il statue sur l'assurance groupe et les dépens;

Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt partiellement cassé;

Réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond;

Renvoie la cause, ainsi limitée, devant la cour d'appel de Bruxelles.

(…)


Note / Noot

Voy. dans ce numéro C. Devoet, “Cachez cette pension (complémentaire) que je ne saurais voir”, sous Cour constitutionnelle 27 juillet 2011, p. 278.