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21 décembre 2012: L'‘Apocalypse maya' pour le sexe en assurance?, R.D.C.-T.B.H., 2012/3, p. 220-230

21 décembre 2012: L''Apocalypse maya' pour le sexe en assurance?

Jean-Marc Binon [1]

TABLE DES MATIERES

Introduction

La sanction d'une incohérence législative

La charte des droits fondamentaux, un poids décisif?

La 'dérogation', simple 'nuance' ou négation plus profonde du principe?

Le choix de la date du 21 décembre 2012

Un courant irréversible

Quel sort pour les contrats en cours?

Des risques de contagion? - Les pensions complémentaires?

- La capitalisation du dommage corporel?

- Les différenciations fondées sur l'âge ou le handicap?

Conclusion

RESUME
Par un arrêt retentissant du 1er mars 2011, la Cour de justice de l'Union européenne a, dans l'affaire dite 'Test-Achats', invalidé, avec effet au 21 décembre 2012, l'article 5, 2. de la directive 2004/113/CE du Conseil du 13 décembre 2004, mettant en oeuvre le principe de l'égalité de traitement entre les femmes et les hommes dans l'accès à des biens et services et la fourniture de biens et services, qui permet aux Etats membres d'autoriser les assureurs à appliquer des différences de primes et de prestations sur la base de facteurs de calcul actuariel variant en fonction du sexe de l'assuré. Dans la foulée, la Cour constitutionnelle, à l'origine du renvoi préjudiciel devant la Cour de justice, a, dans un arrêt du 30 juin 2011, invalidé, également avec effet au 21 décembre 2012, la loi du 21 décembre 2007 ayant modifié l'article 10 de la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre les discriminations entre les femmes et les hommes, pour ce qui est de l'appartenance sexuelle en assurance, qui, sur le fondement de l'article 5, 2. de cette directive, autorise le maintien de telles pratiques différenciées en assurance vie individuelle.
La présente contribution entend livrer quelques clés de lecture de la décision de la Cour de justice pour aider à mieux comprendre les raisons de cette censure radicale des juges européens. A la lumière des récentes lignes directrices consacrées par la Commission européenne, fin décembre 2011, aux suites à donner à l'arrêt 'Test-Achats', elle se penche également sur quelques-unes des principales questions brûlantes soulevées par cet arrêt, à savoir le sort des contrats d'assurance en cours et le risque d'extension de cette jurisprudence aux domaines des pensions complémentaires et de l'évaluation du dommage corporel ou encore au recours à des critères liés à l'âge ou au handicap de l'assuré.
SAMENVATTING
In een opzienbarende beslissing van 1 maart 2011 heeft het Hof van Justitie van de Europese Unie, in de zaak 'Test-Aankoop', artikel 5, 2. van richtlijn 2004/113/EG van 13 december 2004 houdende toepassing van het beginsel van gelijke behandeling van mannen en vrouwen bij de toegang tot en het aanbod van goederen en diensten, ongeldig verklaard met ingang van 21 december 2012. Deze bepaling geeft de lidstaten de mogelijkheid om besluiten verschillen in premies en uitkeringen toe te staan op basis van seksegerelateerde actuariële factoren. In dezelfde lijn heeft het Grondwettelijk Hof (de verwijzende rechter in deze zaak), in een beslissing van 30 juni 2010, de wet van 21 december 2007 tot wijziging van de wet van 10 mei 2007 ter bestrijding van discriminatie tussen vrouwen en mannen wat betreft het geslacht in verzekeringsaangelegenheden, ongeldig verklaard, eveneens met ingang van 21 december 2012. Volgens deze wet van 21 december 2007, die op artikel 5, 2. van richtlijn 2004/113 gesteund is, kan een onderscheid gemaakt worden op grond van het geslacht voor de bepaling van premies en prestaties in individuele levensverzekeringsovereenkomsten.
Deze bijdrage beoogt het vermelden van enkele sleutelideeën van de beslissing van het Hof van Justitie met als doel de redenen van deze radicale afkeuring van de Europese rechters beter te helpen begrijpen. Naar aanleiding van de recente richtsnoeren van de Europese Commissie (december 2011) betreffende de mogelijke gevolgen van het arrest 'Test-Aankoop', bestudeert ze ook enkele netelige kwesties die dit arrest heeft doen ontstaan, namelijk het lot van lopende verzekeringscontracten alsook het risico van een uitbreiding van deze rechtspraak tot de gebieden van bedrijfspensioenen, schatting van lichamelijke schade of alsnog tot het hanteren van criteria zoals leeftijd of handicap van de verzekerde.
Introduction

L'onde de choc provoquée par l'arrêt 'Test-Achats' de la Cour de justice de l'Union européenne du 1er mars 2011 (aff. C-236/09) n'est pas sans rappeler le profond émoi suscité en son temps par l'arrêt Barber du 17 mai 1990 [2], qui fut le détonateur d'une application généralisée, au titre de l'article 119 du traité CE [devenu, successivement, l'art. 141 du traité CE, puis l'art. 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE)], du principe d'égalité des sexes dans le domaine des pensions complémentaires [3].

Les réactions à l'arrêt du 1er mars 2011 ont été virulentes parmi les professionnels de l'assurance en Belgique et, bien plus encore, dans les Etats membres qui avaient fait de l'article 5, 2. de la directive 2004/113 [4], invalidé par la Cour de justice avec effet au 21 décembre 2012, un usage moins parcimonieux que la Belgique, en autorisant le maintien de différenciations fondées sur le sexe dans bien d'autres branches que la seule assurance vie [5]. La Cour de justice a été accusée de 'dérapage', d''aveuglement', d''égalitarisme forcené', de 'fondamentalisme' ou encore de 'déni pur et simple de la mixité'. Le raisonnement de la Cour a été qualifié de 'mélange d'ignorance, de préjugé et d'esprit faux'. Sur le plan technique, il a été reproché aux juges européens de méconnaître les fondements mêmes de l'assurance que sont les lois de la statistique et le nécessaire regroupement des risques en sous-ensembles homogènes, de confondre différenciation (ou segmentation) et discrimination, de faire fi de l'équité (la justice) actuarielle ou encore de bafouer la liberté tarifaire, pourtant si chère à la jurisprudence européenne. L'arrêt a aussi été dépeint comme une victoire à la Pyrrhus pour les consommateurs, au motif que les conséquences en seront probablement un relèvement généralisé des tarifs ou le développement de formes de segmentation plus poussées et plus intrusives dans la vie privée des candidats à l'assurance [6].

D'autres se sont, en revanche, félicités d'une solution qualifiée de 'courageuse', perçue comme une avancée majeure dans la lutte pour l'égalité des sexes et comme un signal fort que la Cour “prend au sérieux la charte des droits fondamentaux” [7]. Le commentaire d'un membre de l'Institut français des actuaires a même tranché avec le discours ambiant dans la profession en appelant à la mesure dans la critique et en soulignant que, en dépit des bouleversements qu'il va induire sur les marchés, l'arrêt du 1er mars 2011 constitue une belle opportunité de développer de nouveaux modèles afin d'apporter plus de justice dans les tarifications et de récompenser les comportements vertueux [8].

Devoir de réserve oblige, notre propos n'est certainement pas de nous livrer à notre tour à un commentaire critique de cet arrêt ni de dévoiler les dessous du délibéré qui ont conduit au résultat que l'on connaît, mais plutôt de fournir quelques clés de lecture et d'envisager, avec toutes les précautions d'usage, les suites possibles de l'arrêt, en tentant de couper court à certaines idées reçues ou de dissiper certains malentendus. La plupart des commentaires parus jusqu'ici s'y étant employés, il n'est, du reste, pas nécessaire de revenir sur les multiples rebondissements qu'a connus le dossier de l'égalité des sexes en assurance, depuis la proposition de directive de la Commission européenne de novembre 2003 [9] jusqu'aux deux derniers épisodes en date que sont, d'une part, l'arrêt de la Cour constitutionnelle (juridiction de renvoi dans l'aff. C-236/09) du 30 juin 2011 qui a invalidé, également avec effet au 21 décembre 2012, l'article 10 de la loi 'genre' du 10 mai 2007 [10] dans sa version héritée de la loi du 21 décembre 2007, par lequel les autorités belges avaient, in extremis, fait usage, pour l'assurance vie uniquement, de la clause dite d''opting out' contenue dans la disposition européenne invalidée, et, d'autre part, la présentation par la Commission européenne, le 22 décembre 2011, de lignes directrices sur les conséquences à tirer de l'arrêt 'Test-Achats[11].

La sanction d'une incohérence législative

Ainsi que plusieurs commentateurs [12] l'ont correctement compris, l'arrêt du 1er mars 2011 vise avant tout à sanctionner l'incohérence du législateur européen. L'accent mis dès le point 21 de l'arrêt sur l'exigence de cohérence qui s'attache à la mise en oeuvre de l'objectif d'égalité des sexes - et, d'une manière générale, à toute réglementation, qu'elle soit nationale [13] ou européenne - situe d'emblée l'angle d'approche choisi par la Cour de justice. Se démarquant assez sensiblement de l'analyse développée par Mme l'avocat général J. Kokott dans ses conclusions du 30 septembre 2010, l'arrêt s'abstient d'entrer dans le débat sur les forces et faiblesses respectives de la logique dite 'de groupe', défendue par les professionnels de l'assurance, qui appréhende le candidat à l'assurance en fonction des caractéristiques générales que les lois statistiques et actuarielles attachent à son appartenance à tel ou tel groupe ou catégorie d'individus, et l'approche dite 'individualistique', qui, faisant abstraction des 'étiquettes statistiques', prône une recherche plus fine des éléments concrets susceptibles d'influencer le coût du risque que chaque individu représente, à titre personnel, pour l'assureur [14].

Délaissant le terrain de la pertinence de l'outil statistique au profit d'une interprétation téléologique [15], l'arrêt s'est, plus simplement, inscrit dans les pas empruntés par le législateur européen lui-même. Celui-ci a fait le choix d'inclure les assurances dans le champ de la directive 2004/113 (ou, du moins, de ne pas les en exclure) [16]. L'objectif de cette directive est la réalisation du principe d'égalité des sexes. Selon les termes mêmes de son article 5, 1., ce principe commande, en assurance, l'abandon (sous réserve d'une période transitoire prévue jusqu'au 21 décembre 2007) du recours à des facteurs de calcul actuariel liés au sexe qui puissent se traduire par des différences dans les primes et les prestations. Il y a dès lors, dans l'esprit de la Cour de justice, une incohérence profonde, dans la poursuite de l'objectif de la directive 2004/113, à tolérer dans la foulée que de telles différenciations puissent néanmoins subsister lorsque les statistiques font apparaître que le sexe revêt un caractère déterminant dans l'évaluation du risque (art. 5, 2.). En dépit de la marge d'appréciation qu'il convient de lui reconnaître dans l'adoption des mesures de lutte contre les discriminations, le législateur européen ne peut pas, a estimé la Cour de justice, tout se permettre, comme affirmer une règle avant de permettre de la contredire [17].

Lors de son contrôle de validité, la Cour de justice ne s'est donc pas embarrassée - ce que d'aucuns lui reprochent [18] mais que d'autres qualifient de sage [19] - de la question de savoir si, du point de vue de la technique de l'assurance, la femme et l'homme doivent, ou non, être considérés comme étant égaux, ou, pour paraphraser le titre d'une contribution récente, si l'homme est une femme comme les autres [20]. Renvoyant dos à dos les tenants de la thèse 'assurantielle' et les partisans de la vision 'individualistique', et se gardant bien de se substituer au législateur européen, elle a pris acte du fait que, conformément à la conception ou, plus exactement, au choix politique exprimé par ce dernier à l'article 5, 1. de la directive 2004/113, le principe d'égalité des sexes exige de les considérer, pour la fixation des primes et des prestations en assurance, comme relevant d'un seul et même groupe 'asexué', nonobstant les différences, révélées par la science actuarielle, que la femme et l'homme peuvent objectivement présenter, dans certaines branches, en termes de coût du risque. C'est ce qu'exprime, de manière certes cryptée, le point 30 de l'arrêt lorsqu'il énonce que “la directive 2004/113 est fondée sur la prémisse selon laquelle, aux fins de l'application du principe d'égalité de traitement des femmes et des hommes consacré aux articles 21 et 23 de la charte [des droits fondamentaux], les situations respectives des femmes et des hommes à l'égard des primes et des prestations d'assurances contractées par eux sont comparables”. Une fois ce choix posé, le législateur européen ne pouvait, sans risquer de se contredire, autoriser les Etats membres à s'en départir, comme il l'a fait à l'article 5, 2.

Dans un registre voisin, il est fort probable que les statistiques traduisent des différences de taux de mortalité et de longévité en fonction de la race ou de l'origine ethnique. Pourtant, le législateur européen, désireux de traduire en acte l'objectif de lutte contre les discriminations fondées sur de tels critères dont l'a investi l'article 13 du traité CE (devenu l'art. 19 TFUE), impose, dans la directive 2000/43 [21], de faire fi, notamment en assurance, des différences pouvant exister entre les individus de race ou d'origine ethnique différente, quand bien même ces différences seraient-elles objectivement constatables. Cette forme de solidarité, instituée par la directive 2000/43, entre les races et les origines ethniques, le législateur européen l'a également voulue, aux termes de l'article 5, 1. de la directive 2004/113, entre les sexes [22]. Il est certainement vrai que, statistiquement, les femmes et les hommes n'offrent pas le même profil de risque dans certaines branches d'assurance (en particulier, en assurance vie), bien que la prudence commande de faire, à l'instar de Mme l'avocat général J. Kokott, la distinction entre les différences véritablement biologiques et les différences découlant plutôt de facteurs sociaux ou comportementaux qui, jusqu'ici, étaient traditionnellement réputés plus féminins ou, au contraire, plus masculins, mais qui, avec l'évolution sociale et l'“importance décroissante des rôles traditionnels qui l'accompagne”, ne se vérifient plus de nos jours [23]. Mais, quoi qu'il en soit, selon l'acception qui lui est donnée à l'article 5, 1. de la directive 2004/113, le principe d'égalité des sexes impose de faire abstraction de ces différences, fussent-elles objectivement vérifiables, dans la fixation des primes et des prestations d'assurance. Telle est toute la différence entre le constat objectif et la vision politique.

Chacun se souviendra que l'intention de la Commission européenne, dans sa proposition de directive de novembre 2003, était de prohiber à terme toute utilisation du critère du sexe comme facteur de calcul des primes et des prestations dans les assurances visées par cette initiative législative (art. 4). Sous l'influence de groupes de pression, et sans doute au nom du compromis interinstitutionnel, le Conseil de l'Union a juxtaposé à l'expression du principe d'égalité des sexes affichée à l'article 5, 1., une dérogation, au paragraphe 2 de ce même article, qui revenait en définitive à 'détricoter' ce principe, ainsi que le confirme le fait que les vingt-sept Etats membres ont usé, certes dans des proportions variables, de cette dérogation. Tel est le grief principal formulé par la Cour de justice: affirmer un principe et autoriser dans la foulée à le nier relève d'une maladresse législative plutôt grossière, revenant à reprendre d'une main ce que l'on a donné de l'autre. Les juges européens ont su tirer profit de cette incohérence interne pour s'épargner un débat difficile sur les mérites propres des approches en présence ou encore sur les vérités statistiques de l'assurance vie [24].

Le résultat en est une motivation dépeinte par certains comme étant 'catégorique' [25], 'sommaire' [26], voire 'cinglante' [27]. Mais, en réalité, la construction bancale issue de la cohabitation malheureuse des paragraphes 1 et 2 de l'article 5 de la directive 2004/113 a singulièrement pesé sur la marge de manoeuvre de la Cour de justice: soit celle-ci emboîtait le pas à Mme l'avocat général J. Kokott en condamnant l'article 5, 2. de la directive 2004/113 au nom de l'incertitude statistique et en redonnant toutes ses lettres de noblesse au principe affirmé à l'article 5, 1., soit elle admettait la légitimité statistique des différenciations entre les femmes et les hommes en assurance autorisées par l'article 5, 2., mais au prix, alors, d'une mise en cause implicite de l'interdiction de maintenir de telles différenciations édictée par cet article 5, 1., dont la validité n'avait pourtant pas été soumise à son contrôle. Désireuse, tout à la fois, de ne pas s'aventurer sur le terrain technique et de ne pas étendre son contrôle de validité ultra petita, elle a trouvé une porte de sortie médiane dans la stigmatisation de l'attitude incohérente du législateur.

La charte des droits fondamentaux, un poids décisif?

La charte des droits fondamentaux s'est vu attribuer par certains commentateurs une influence cruciale dans l'orientation du raisonnement de la Cour de justice et dans son constat final d'invalidité de l'article 5, 2. de la directive 2004/113 [28]. L'on peut, il est vrai, être surpris par l'élan manifesté par la Cour de justice pour déplacer d'emblée (pts. 16 et 17 de l'arrêt) le curseur de son examen, des dispositions invoquées dans la décision de renvoi de la Cour constitutionnelle - à savoir l'article 6 du traité sur l'Union européenne (TUE) et, par ricochet, le droit fondamental à l'égalité de traitement consacré par l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH) - vers les articles 21 et 23 de la charte des droits fondamentaux et ce, alors même que celle-ci ne revêtait qu'une valeur indicative au moment de l'adoption de la directive 2004/113, son élévation au rang du droit primaire de l'Union n'étant en effet intervenue qu'ultérieurement, avec l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne le 1er décembre 2009 [29].

Quoi qu'il en soit, et s'il est indéniable que l'arrêt traduit la volonté des juges européens d'exploiter sans tarder tout le potentiel de la charte en termes de protection des droits fondamentaux [30], il serait excessif de prêter à cette dernière un rôle décisif dans la solution de la Cour de justice. L'on aperçoit en effet mal en quoi l'analyse de celle-ci, qui, répétons-le, a consisté à fustiger l'attitude incohérente du législateur dans la réalisation de l'objectif de la directive 2004/113 en assurance plutôt qu'à mettre en doute, au regard du droit primaire, le bien-fondé de la conception assurantielle de l'égalité des sexes exprimée à l'article 5, 2. de ladite directive [31], aurait pu prendre une autre tournure sous l'angle de vue du droit fondamental à l'égalité de traitement consacré par la CEDH.

La 'dérogation', simple 'nuance' ou négation plus profonde du principe?

Il a été soutenu que l'article 5, 2. de la directive 2004/113 n'exprime pas, contrairement à la lecture qui en a été faite par la Cour de justice, une dérogation au principe de l'article 5, 1., mais vient plutôt nuancer ce principe. Le paragraphe 1 interdirait d'invoquer le sexe, en tant que tel, comme motif de différenciation en assurance, tandis que le paragraphe 2 aurait entendu réserver la possibilité d'utiliser ce critère lorsque le sexe apparaît, statistiquement, comme un facteur déterminant dans l'évaluation du risque [32]. Ainsi, le paragraphe 1 signifierait qu'il est interdit à un assureur d'appliquer des conditions tarifaires différentes à des assurés de sexe opposé, dès lors que les données statistiques ne traduiraient aucune différence entre les femmes et les hommes en termes de coût du risque. En revanche, il devrait toujours être possible, au titre du paragraphe 2, de prévoir des différenciations fondées sur le sexe lorsque, comme c'est le cas en assurance vie, le sexe s'avère être déterminant, du point de vue actuariel, dans l'évaluation du risque.

Il faut toutefois bien constater que ce n'est pas en ces termes que s'est exprimé le législateur européen à l'article 5, 1. et 2. de la directive 2004/113. Ainsi que le souligne la Cour de justice au point 30 de l'arrêt, le 19ème considérant de cette directive, qui explicite la portée de l'article 5, 2., identifie cette disposition comme une 'dérogation' et ce, à trois reprises du reste.

Surtout, l'on relèvera que, à l'article 5, 1., le législateur ne vise pas, dans l'abstrait, le sexe comme tel, mais, plus précisément, l'utilisation du sexe comme facteur de calcul, au sens actuariel ainsi que le précise bien le 18ème considérant de la directive 2004/113. L'article 5 figure d'ailleurs sous une rubrique intitulée 'Facteurs actuariels'.

En d'autres termes, il tombe évidemment sous le sens qu'un assureur ne peut invoquer purement et simplement la différence de sexe comme telle, indépendamment de tout fondement actuariel ou statistique, pour prétendre appliquer des conditions distinctes à un candidat masculin et à un candidat féminin, tout comme il ne pourrait pas refuser un candidat à l'assurance sur le seul fondement de son appartenance sexuelle. Mais, pour lutter contre de telles pratiques éventuelles, l'article 3, 2. de la directive 2004/113 - qui, sans mettre en cause la liberté de choix du cocontractant, interdit cependant de fonder un tel choix sur le sexe de l'intéressé(e) - ainsi que l'article 4 de cette même directive - qui condamne d'une manière générale les discriminations aussi bien directes qu'indirectes fondées sur le sexe - suffisent amplement.

Dans ces conditions, et eu égard aux termes mêmes de l'article 5 et du 18ème considérant de la directive 2004/113, la seule lecture qui puisse conférer une valeur ajoutée et un effet utile à cet article 5 est de considérer que l'objet de l'attention du législateur, tant au paragraphe 1 qu'au paragraphe 2, réside dans les pratiques commerciales consistant à faire état (à 'utiliser') de facteurs actuariels (statistiques) liés au sexe pour justifier l'application de conditions d'assurance différenciées en fonction du sexe de l'intéressé. Au paragraphe 1, le législateur a clairement entendu poser le principe d'interdiction de telles pratiques, avant de revenir sur ses pas au paragraphe 2, en s'exposant ainsi à la censure de la Cour de justice.

Le choix de la date du 21 décembre 2012

Au titre de son pouvoir discrétionnaire en la matière, et afin de laisser aux acteurs concernés un délai suffisant pour tirer les conséquences pratiques de sa censure, la Cour de justice a décidé de déroger au principe de l'effet rétroactif de ses arrêts préjudiciels en appréciation de la validité d'un acte de l'Union. Elle ne s'explique toutefois pas sur son choix porté sur le 21 décembre 2012 pour la prise d'effet de son invalidation de l'article 5, 2. de la directive 2004/113 (pt. 34 de l'arrêt). Ainsi que plusieurs commentateurs l'ont bien compris [33], cette date, jusqu'à laquelle la Cour constitutionnelle a également, dans son arrêt du 30 juin 2011, suspendu les effets de son prononcé d'invalidation de la loi du 21 décembre 2007 ayant modifié l'article 10 de la loi 'genre' du 10 mai 2007, correspond à celle, inscrite à l'article 5, 2. de la directive 2004/113, à laquelle les Etats membres devaient réexaminer leur décision, prise au titre de cette disposition, d'autoriser des différenciations fondées sur le sexe en assurance. Sur ce point précis, il est clair que la Cour de justice s'est montrée plus sévère que Mme l'avocat général J. Kokott, qui avait suggéré un sursis de trois ans à compter de la date du prononcé de l'arrêt (pt. 80 des conclusions) [34].

Un courant irréversible

La Cour de justice ayant, en substance, reproché au législateur européen de s'être en quelque sorte emmêlé les pinceaux en affirmant, à l'article 5, 1., un principe, celui des primes et des prestations 'unisexes', avant d'autoriser sa négation même à l'article 5, 2., il a été plaidé, si pas pour une réécriture de la directive 2004/113 qui exclurait l'assurance de son champ d'application [35], à tout le moins pour une réécriture du principe énoncé à l'article 5, 1., dans un sens qui, cette fois, exprimerait sans ambages qu'il n'y a pas de discrimination lorsque, sur la base de données actuarielles et statistiques pertinentes, des différences proportionnelles sont faites, en matière de primes ou de prestations d'assurance, entre les femmes et les hommes [36]. La substance de l'article 5, 2. invalidé remonterait ainsi au niveau de l'article 5, 1., totalement remanié par rapport à son contenu actuel. La dérogation serait à présent élevée au rang du principe, de la nouvelle expression naturelle du principe d'égalité des sexes en assurance: dès lors que des statistiques fiables et pertinentes font ressortir que la femme et l'homme correspondent à des profils de risque différents, ce principe exigerait de les traiter différemment.

Juridiquement envisageable, une telle piste apparaît cependant politiquement condamnée. En effet, la Commission européenne, qui détient le pouvoir de l'initiative législative, a d'emblée fait savoir qu'il n'entrait pas dans ses intentions de modifier la substance matérielle de l'article 5, 1. de la directive 2004/113. Certes, lors de la procédure dans l'affaire C-236/09, s'est-elle rangée, sans doute par loyauté interinstitutionnelle [37], aux côtés du Conseil et des Etats membres pour soutenir la validité de la clause dérogatoire contenue à l'article 5, 2. de la directive 2004/113. Mais ce choix ne saurait faire oublier que, dès le prononcé de l'arrêt du 1er mars 2011, elle fut, par la voie de sa vice-présidente V. Reding, parmi les premières à saluer cet arrêt comme une avancée majeure pour les droits fondamentaux et l'égalité des sexes en particulier [38]. En optant, fin décembre 2011, pour la présentation de lignes directrices visant à mettre en oeuvre l'arrêt 'Test-Achats', elle paraît, en tout cas, avoir définitivement fermé la porte à une réécriture de l'article 5, 1. de la directive 2004/113.

Il faut, du reste, savoir que, tandis que l'article 13 du traité CE, fondement de la directive 2004/113, n'exigeait à l'époque qu'une consultation du Parlement européen, l'article 19 TFUE, qui a pris le relais de cet article 13 lors de l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne le 1er décembre 2009, exige désormais l'approbation du Parlement européen, lequel dispose ainsi d'un véritable droit de veto [39]. Une réécriture de l'article 5, 1. ne pourrait donc, en tout état de cause, intervenir sans l'aval de l'assemblée parlementaire européenne.

En résumé, ainsi que l'a relevé un commentateur pourtant critique à l'égard de l'arrêt de la Cour de justice, “[i]l ne faut pas songer à réviser la directive en soustrayant l'assurance au principe de non-discrimination. Il est trop tard car le sens de l'histoire ne s'inverse pas. S'il a été décidé en 2004 que le moment était venu de proclamer l'égalité entre les hommes et les femmes en matière d'assurance, on ne peut décider le contraire en 2011” [40].

Serait-il concevable de réécrire l'article 5, 2. de la directive 2004/113 en assortissant, cette fois, la dérogation d'une véritable limitation dans le temps, plus catégorique que l'obligation de réexamen inscrite dans sa version invalidée? Il est vrai que, plus d'une fois, la Cour de justice fait mine de fustiger le caractère illimité ou, du moins, potentiellement illimité de la dérogation autorisée par la disposition censurée [41], en donnant l'impression de ne pas trop croire à un possible revirement massif des choix nationaux lors du réexamen auquel les Etats membres eussent été tenus après cinq ans en vertu de l'article 5, 2. (voy., en particulier, les pts. 26, 31 et 32 de l'arrêt). Mais l'élément décisif de l'invalidation prononcée par les juges européens est ailleurs. Davantage que cette absence de limitation dans le temps, c'est le caractère intrinsèquement inconciliable de la dérogation en cause avec la conception du principe d'égalité des sexes affichée par le législateur à l'article 5, 1. de la directive 2004/113 qui a pesé dans la balance.

Du reste, et indépendamment de l'intérêt pratique d'une solution qui ne ferait, finalement, que reporter le problème à demain, l'on ne peut pas exclure qu'une telle solution, qui viendrait s'ajouter à la période transitoire prévue à l'article 5, 1. de la directive 2004/113, ainsi qu'aux effets d'une dérogation, sursitaire jusqu'au 21 décembre 2012, unanimement autorisée, à des degrés divers, sur l'ensemble des marchés, soit perçue comme une atteinte disproportionnée à la marche en avant vers l'égalité des sexes que cherche à réaliser, en assurance, cet article 5, 1. depuis le 13 décembre 2004.

De toute façon, cette piste paraît, elle aussi, s'être refermée avec la présentation par la Commission européenne de ses lignes directrices sur l'arrêt 'Test-Achats' en décembre dernier.

Quel sort pour les contrats en cours?

Tout indique donc que l'on s'achemine vers une interdiction pure et simple, à compter du 21 décembre 2012, d'opérer des différences fondées sur le sexe dans la fixation des primes et des prestations d'assurance, toutes branches confondues. Ce qui pose tout naturellement la brûlante question du sort des contrats en cours, à savoir ceux qui, conclus sous l'empire d'une norme législative autorisant des différenciations en fonction du sexe de l'assuré, ne seront pas dénoués au 21 décembre 2012. Ces contrats devront-ils basculer du jour au lendemain vers un régime de primes et de prestations 'unisexes', avec toutes les complications juridiques, commerciales et organisationnelles que cela implique? Est-il dès lors recommandé de concevoir dès à présent les contrats en fonction de la règle 'unisexe' afin d'écarter toute difficulté ultérieure?

Au-delà de la certitude liée au fait que, ni l'arrêt de la Cour de justice, ni celui de la Cour constitutionnelle, ne commandent, d'un point de vue strictement juridique, d'appliquer, avant le 21 décembre 2012, la règle des primes et des prestations unisexes [42], cette question, que l'un et l'autre de ces arrêts se sont abstenus de trancher, vient de faire l'objet, dans les récentes lignes directrices de la Commission européenne, d'éléments de réponse particulièrement bienvenus pour dissiper autant que possible l'insécurité juridique qui prévalait à cet égard depuis l'arrêt du 1er mars 2011 [43].

A l'image du critère retenu par le législateur à l'article 5, 1., pour définir la période transitoire initiale, la Commission européenne y expose que, afin d'éviter une perturbation brutale des marchés et une modification soudaine des conditions (tarifaires et/ou contractuelles) des contrats en cours, le respect de la future règle des primes et des prestations 'unisexes' ne s'impose qu'aux 'nouveaux contrats' conclus à partir du 21 décembre 2012.

Afin de garantir une application uniforme de cette solution dans l'Union, elle propose, du reste, une interprétation autonome de la notion de 'nouveau contrat', selon laquelle la règle des primes et des prestations 'unisexes' doit s'appliquer dès lors qu'un accord contractuel, exigeant l'expression du consentement de toutes les parties, est conclu (y compris en cas d'avenant à un contrat existant) et que la dernière expression du consentement d'une partie nécessaire à la conclusion dudit accord intervient à partir du 21 décembre 2012. Sont donc, pour la Commission européenne, soumis au respect de cette règle, notamment, les contrats conclus pour la première fois à compter du 21 décembre 2012 (par exemple, à la suite de l'acceptation, après cette date, d'une offre formulée avant celle-ci), de même que les accords entre parties, conclus à partir du 21 décembre 2012, afin de prolonger des contrats conclus avant cette date qui, autrement, auraient expiré. En revanche, toujours selon la Commission européenne, échappent à ladite règle, notamment, la prolongation automatique d'un contrat préexistant, les ajustements apportés, sans consentement nécessaire du preneur, aux éléments individuels d'un tel contrat (modification de la prime, par exemple), la souscription, par le preneur, de polices d'assurances complémentaires ou de suivi dont les conditions ont fait l'objet d'un préaccord dans le cadre de contrats conclus avant le 21 décembre 2012 lorsque ces polices sont activées par une décision unilatérale du preneur, ainsi que le simple transfert d'un portefeuille d'assurances d'un assureur à un autre sans modification du statut des contrats contenus dans ce portefeuille (pts. 7 à 13 des lignes directrices).

A la perspective de voir, notamment dans les assurances de personnes, des contrats perpétuer sur le long terme des différenciations en fonction du sexe de l'assuré, des voix se sont toutefois élevées en faveur d'une solution imposant la mise en conformité à la règle “unisexe” des contrats en cours également [44]. Telle était, d'ailleurs, la solution prônée par Mme l'avocat général J. Kokott [45], solution qui se revendique du principe de l'applicabilité immédiate, y compris aux situations existantes, des lois d'ordre public [46] ou de police que seraient les normes anti-discrimination.

Des risques de contagion?
- Les pensions complémentaires?

Le risque d'effets contagieux de l'arrêt du 1er mars 2011 a été au coeur de diverses interrogations.

Certains ont évoqué un risque de contamination à la matière des pensions complémentaires (retraites professionnelles) [47]. L'on se souviendra que le législateur européen et, dans sa foulée, le législateur belge prévoient une série de tempéraments à l'égalité des sexes en la matière, en particulier la possibilité de fixer, dans les plans de pension à 'prestations définies' (ou 'but à atteindre'), des allocations patronales différentes selon le sexe de l'affilié et, dans les plans de pension à 'contributions définies', des prestations (rentes) différentes pour les travailleurs féminins et les travailleurs masculins [48]. Faut-il s'attendre à une volte-face en la matière à la suite de l'arrêt du 1er mars 2011?

Sauf revirement politique ou jurisprudentiel, nous ne le pensons pas, pour plusieurs raisons. Les pensions complémentaires pour travailleurs salariés sont exclues du champ d'application de la directive 2004/113, qui “ne devrait s'appliquer qu'aux assurances et aux retraites qui sont privées, volontaires et non liées à la relation de travail” (15ème considérant) [49]. Elles ne sont donc pas concernées par l'invalidation de son article 5, 2. En outre, cette invalidation a, on l'a dit, sanctionné avant tout une incohérence du législateur liée au sort contradictoire réservé aux facteurs actuariels liés au sexe au regard du principe d'égalité des sexes, incohérence que l'on ne retrouve pas dans la rédaction de la directive 2006/54 qui abrite les normes anti-discrimination applicables à la matière des pensions complémentaires. En effet, cette directive et, tout particulièrement, les atténuations qu'elle comporte à l'égard du principe d'égalité des sexes en cette matière (art. 9, 1., sous h) et j)), ne font que codifier la jurisprudence européenne (voy. son 15ème considérant), plus précisément les arrêts du 22 décembre 1993, Neath, et du 28 septembre 1994, Coloroll Pension Trustees [50], dans lesquels la Cour de justice, s'écartant assez sensiblement des conclusions de M. l'avocat général W. Van Gerven [51], a, dans sa formation plénière, jugé que l'utilisation de facteurs actuariels différents selon le sexe, en l'occurrence aux fins de fixer le financement patronal d'un plan de pension à prestations définies, 'ne relève pas' du champ d'application de l'article 119 du traité CE (devenu, aujourd'hui, l'art. 157 TFUE) [52].

- La capitalisation du dommage corporel?

Des commentateurs ont exprimé la crainte que l'arrêt du 1er mars 2011 vienne remettre en cause l'usage de tables de mortalité différenciées en fonction du sexe dans l'évaluation et la capitalisation du dommage corporel réparable en droit commun [53].

D'un point de vue strictement juridique, nous ne pensons toutefois pas que de telles pratiques soient exposées à la censure de la Cour de justice. Tout d'abord, nous rappelons une fois encore que l'arrêt du 1er mars 2011 ne condamne pas, comme tel, l'usage de facteurs actuariels distincts en fonction du sexe, mais bien l'incohérence du législateur dans la réalisation de l'objectif d'égalité des sexes en assurance. Ensuite, l'invalidation de l'article 5, 2. de la directive 2004/113 touche les assurances privées, et non les modalités de réparation du dommage corporel, lesquelles ne relèvent, du reste, pas du domaine d'application de cette directive. Enfin, il importe de souligner que la charte des droits fondamentaux (en particulier, ses art. 21 et 23, invoqués dans l'arrêt du 1er mars 2011) n'a, en vertu de son article 51, vocation à s'appliquer que dans le champ d'application du droit de l'Union. Plus précisément, elle s'adresse, outre aux institutions de l'Union, “aux Etats membres uniquement lorsqu'ils mettent en oeuvre le droit de l'Union” (art. 51, 1.). Or, il ne fait aucun doute que, à la différence de la solution des conflits de lois ou de juridictions, qui relève de la politique de l'Union en matière d'espace, de liberté, de sécurité et de justice (art. 67 TFUE), la définition du contenu matériel des règles de responsabilité civile et, plus spécialement, de réparation (évaluation et capitalisation) du dommage corporel ne relève pas du champ des compétences de l'Union [54]. Il ne saurait dès lors, à notre sens, être question, en ce domaine, d'une quelconque mise en oeuvre du droit de l'Union par les Etats membres, qui serait justiciable de la charte.

- Les différenciations fondées sur l'âge ou le handicap?

Des commentateurs [55] se sont interrogés sur les répercussions possibles de l'arrêt du 1er mars 2011 sur les débats en cours autour de la proposition de directive, présentée par la Commission européenne en juillet 2008, relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de religion ou de convictions, de handicap, d'âge ou d'orientation sexuelle [56], dont l'article 2, 7. aménage un statut particulier à la fourniture de services financiers, notamment de services d'assurance.

Il n'est, certes, pas exclu que le législateur européen [57] tire prétexte de l'arrêt du 1er mars 2011 pour durcir le ton. Mais il s'agirait là d'un choix politique inspiré de la volonté d'instaurer une forme de solidarité à l'égard des personnes relevant d'une tranche d'âge à risque ou présentant un handicap, qui fasse abstraction des différences objectives que celles-ci peuvent présenter, dans certaines branches d'assurance, par rapport aux autres, et non d'une conséquence dictée par l'arrêt lui-même. Comme pour mieux prévenir le risque de contagion de son analyse portée sur l'article 5, 2. de la directive 2004/113, Mme l'avocat général J. Kokott a, en tout cas, tenu à faire la part des choses entre le critère du sexe et celui de l'âge, en soulignant que “le sexe d'une personne n'est pas soumis à des modifications naturelles, contrairement à son âge par exemple” [58].

Si l'on se place, à présent, sous l'angle d'analyse retenu par la Cour de justice dans son arrêt du 1er mars 2011, l'on s'aperçoit que le statut réservé à l'assurance par l'article 2, 7. de la directive en préparation se présente différemment de celui qui lui était réservé par l'article 5, 2. de la directive 2004/113.

Certes, dans la version proposée par la Commission européenne, cet article 2, 7. ouvre-t-il, dans des termes au demeurant assez maladroits, une option aux Etats membres (“… les Etats membres peuvent être autorisés…”), ce qui se marie a priori mal avec l'expression d'une conception générale du principe d'égalité. Certes, toujours dans sa version originelle, cette même disposition est-elle présentée comme une dérogation au principe de non-discrimination affirmé, en termes généraux, à l'article 2, 2. (“Nonobstant le paragraphe 2, …”) [59]. Mais, au contraire de la contradiction frontale trahie par l'article 5, 2. de la directive 2004/113 par rapport à la conception du principe d'égalité des sexes en assurance exprimée par le paragraphe 1 de ce même article, l'article 2, 7. de la directive envisagée ne vient pas prendre le contre-pied brutal d'une expression du principe de non-discrimination qui voudrait que, en assurance, l'âge ou le handicap ne puisse plus, quelles que soient les vérités statistiques et actuarielles, se traduire par des différences de traitement au niveau des primes ou des prestations. Il ne présente donc pas ce vice intrinsèque d'incohérence qui a valu à l'article 5, 2. de la directive 2004/113 d'être censuré par la Cour de justice [60].

Cela étant, si les pouvoirs politiques européens entendent confirmer leur choix d'admettre, notamment en assurance, des tempéraments dans la lutte contre les discriminations fondées sur l'âge ou le handicap, une formulation inspirée du 15ème considérant de la proposition de directive et écartant l'existence même d'une discrimination dans le fait d'opérer, en assurance, des différences proportionnées en fonction de l'âge ou d'un handicap sur la base de données actuarielles et statistiques pertinentes et précises, constituerait sans doute un meilleur rempart contre d'éventuelles contestations ultérieures.

C'est en ces termes que, dans le cadre de la lutte contre les discriminations fondées, notamment, sur l'âge en matière d'emploi et de travail, l'article 6, 2. de la directive 2000/78 [61] définit le statut spécifique des régimes professionnels de sécurité sociale (assurances groupe, notamment). Tout en laissant le choix final aux Etats membres (“les Etats membres peuvent prévoir…”), le législateur européen admet que “ne constitue pas une discrimination fondée sur l'âge”, la fixation, dans de tels régimes, d'âges d'adhésion ou d'admissibilité aux prestations de retraite ou d'invalidité, y compris l'utilisation, dans le cadre de ces régimes, de critères d'âge dans les calculs actuariels. Même si l'on n'oserait jurer que ce statut particulier est à tout jamais à l'abri d'une volte-face législative ou judiciaire au nom du droit fondamental à l'égalité de traitement consacré par la charte, il reste que le choix fait par le législateur européen de le présenter comme un prolongement naturel du principe d'égalité de traitement (textuellement, comme une non-discrimination), plutôt que comme une dérogation tolérée à ce principe, explique peut-être pour partie pourquoi l'article 6, 2. de la directive 2000/78, qui date aujourd'hui de plus de dix ans, n'a, jusqu'ici, jamais vu sa validité soumise à contrôle juridictionnel.

Conclusion

S'il a provoqué la consternation parmi les professionnels de l'assurance, l'arrêt du 1er mars 2011 ne traduit aucun parti pris, contrairement à ce qu'ont pu laisser entendre certaines réactions à chaud. La réponse de la Cour de justice à la demande de contrôle de validité qui lui avait été adressée par la Cour constitutionnelle au sujet de l'article 5, 2. de la directive 2004/113 s'est exclusivement positionnée au regard du choix premier opéré par le législateur européen, sous l'impulsion de la Commission européenne, dans la réalisation de l'objectif d'égalité des sexes en assurance. Le message des juges européens s'est voulu simple: en affirmant, aux fins de cet objectif, un principe, celui de la règle des primes et des prestations 'unisexes', avant de permettre aux Etats membres de déroger à ce principe en tolérant, certes à certaines conditions, la poursuite de pratiques commerciales différenciées en fonction du sexe, le législateur européen a bâclé sa copie et a semé la confusion la plus totale sur ce qui, à ses yeux, est censé être l'expression naturelle du principe de non-discrimination sur la base du sexe en assurance.

Si la Cour de justice s'est ouvertement abstenue d'afficher sa position sur la comparabilité des situations respectives des femmes et des hommes en assurance ou encore sur l'intérêt sociétal à créer une forme de communauté d'assurés asexués, ce n'est pas tant par facilité ou manque de courage que par respect à l'égard d'un choix fondamental qui, compte tenu de sa nature avant tout politique, incombe aux autorités législatives. Un choix politique que le législateur européen n'a pas pu, ou - sous la pression du lobbying - n'a pas voulu, poser de manière univoque, préférant laisser cohabiter, au gré de la volonté des Etats membres, deux conceptions diamétralement opposées de l'égalité des sexes en assurance. C'est cette cacophonie législative, cette forme d'hydre juridique à deux têtes, que la Cour de justice a voulu censurer.

La voie semble ainsi s'être refermée sur les pratiques de différenciations fondées sur le sexe en assurance. Mais la motivation spécifique qui sous-tend l'invalidation de l'article 5, 2. de la directive 2004/113 ne préjuge en rien du statut d'autres dispositions spécifiques consacrées à l'assurance (individuelle ou collective) dans les instruments que le législateur européen a adoptés ou pourrait prochainement adopter dans sa lutte contre les discriminations visées à l'article 19 TFUE.

[1] Référendaire à la Cour de Justice européenne, maître de conférence U.C.Louvain. Le contenu de cette note a servi de support à une conférence donnée par l'auteur le 18 novembre 2011, à l'invitation de l'Association des juristes d'assurance (AJA), aux Facultés universitaires Saint-Louis. Les opinions exprimées dans ce texte n'engagent que leur auteur, et non l'institution dont il relève.
[2] CJCE 17 mai 1990, C-262/88, Barber, Rec. p. I-1889.
[3] Pour un aperçu de cette évolution, voy., notamment, J.-M. Binon, “L'égalité de traitement entre hommes et femmes dans les régimes professionnels de sécurité sociale: la 'valse hésitation' du droit européen”, Cahiers de droit européen 1996, pp. 635-721, et “Le principe d'égalité de traitement en droit européen et ses applications à l'assurance: obligation morale ou croisade idéologique?” in C. Van Schoubroeck et H. Cousy (éds.), Discriminatie in verzekering - Discrimination et assurance, Anvers, Maklu/Louvain-la-Neuve, Academia-Bruylant, 2006, pp. 26-33; Y. Thiery, Discriminatie en verzekering, Anvers, Intersentia, 2011, pp. 42-55.
[4] Directive 2004/113/CE du Conseil du 13 décembre 2004, mettant en oeuvre le principe de l'égalité de traitement entre les femmes et les hommes dans l'accès à des biens et services et la fourniture de biens et services (JO L 373, p. 37).
[5] Voy. les références citées par Y. Thiery, “La fin de la tarification homme-femme en Europe”, JT 2011, p. 346 et notes de bas de pages 32 et 33; voy. également le tableau synoptique joint en annexe I de la communication de la Commission européenne Lignes directrices sur l'application de la directive 2004/113/CE du Conseil dans le secteur des assurances, à la lumière de l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne dans l'affaire C-236/09 (Test-Achats) (JO 2012 C 11, p. 1).
[6] Pour des commentaires critiques, voy., notamment, J.-C. André-Dumont, “La justice tarifaire sera-t-elle sacrifiée sur l'autel de la sacro-sainte égalité Homme-Femme?”, Bull.ass. 2011, pp. 180-186; G. Bruguière-Fontenille, “Fin de la segmentation hommes-femmes”, La Tribune de l'assurance, n° 157, avril 2011, pp. 12-13; C. Jaumain, “Les quotients de longévité nouveaux sont arrivés… Et les assurés perdent la guerre des sexes”, Le Monde de l'assurance, avril 2011, pp. 17-22 et RGAR 2011, n° 14.753; J. Kullmann, “La discrimination fondée sur le sexe en assurance: obsessions et fantasmes”, Risques, n° 87, septembre 2011, pp. 17-24; L. Mayaux, “'Coup de tonnerre': la CJUE prohibe toute discrimination fondée sur le sexe!”, La Semaine juridique, Edition générale, n° 16, 18 avril 2011, p. 756, et “Assurance et mixité - Trois jalons pour une recherche” in Over grenzen. Liber Amicorum Herman Cousy, Anvers-Cambridge, Intersentia, 2011, pp. 239-248, spéc. p. 239; P. Moreau, “La Cour de justice de l'Union européenne met l'assurance à l'épreuve de l'égalité des sexes”, RGAR 2011, n° 14.730; P. Petauton, “Éthique, statistique et tarification”, Risques, n° 87, septembre 2011, pp. 25-30; F. Poindessault, “La CJUE va-t-elle castrer l'assurance?”, L'Argus de l'assurance, 18 mars 2011, p. 47; Y. Thiery, “La fin de la tarification…”, o.c., p. 347, et “Des femmes, des hommes et des assurances: revisie door het Hof van Justitie” in Over grenzen, o.c., pp. 279-289. Voy. également les communiqués de presse respectifs d'Assuralia et du Comité européen des assurances, datés du 1er mars 2011 (www.assuralia.be et www.cea.eu ).
[7] L. Burgorgue-Larsen, “Quand la CJUE prend au sérieux la charte des droits fondamentaux, le droit de l'Union est déclaré invalide”, AJDA, 16 mai 2011, pp. 969-973.
[8] O. Berruyer, “Discrimination, segmentation, simplification ou… aberration?”, La Tribune de l'assurance, n° 157, avril 2011, pp. 54-57. Voy. également, pour une approche plus nuancée de l'arrêt, P. Arnal et R. Durand, “Une vie sans sexes. Comment le sexe devint genre, et comment le genre devint code: le sort cruel d'une variable explicative”, Risques, n° 87, septembre 2011, pp. 31-35.
[9] COM(2003)657. Pour une analyse approfondie de cette proposition de directive, voy. C. Van Schoubroeck et Y. Thiery, “Proposal for a Directive on sex discrimination: civil rights 'individualistic' tradition versus insurance 'group' tradition”, Euredia, 2003/4, pp. 585-612. Pour un rappel des étapes essentielles de ce dossier en droit européen et en droit belge, voy., outre les références doctrinales citées dans la note de bas de page 6, P. Doyen, “Une avancée dans l'égalité des sexes?”, Forum de l'assurance, n° 112, mars 2011, pp. 69-75; L. Sommerijns, “Assurances vie. Egalité de primes et de prestations pour hommes et femmes”, Life & Benefits, n° 6, juin 2011, pp. 6-8; Y. Thiery, “Het gebruik van geslacht in verzekeringsovereenkomsten: is er leven na 21 december 2007?”, RW 2008-09, pp. 346-359.
[10] Loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre la discrimination entre les femmes et les hommes (MB 30 mai).
[11] Voy. la note de bas de page 5.
[12] J.-C. André-Dumont, o.c., p. 183; E. Grass, “Discriminations en fonction du sexe dans les assurances: les contre-pieds de l'arrêt Test-Achats”, Droit social, n° 6, juin 2011, pp. 689-693; L. Mayaux, “'Coup de tonnerre'…”, o.c., p. 757; C. Murphy, commentaire sous l'arrêt “Association Belge des Consommateurs Test-Achats”, Revue du droit de l'Union européenne, 2/2011, p. 290; L. Thébault, “L'arrêt Test-Achats: des enjeux à nuancer pour les services financiers”, Euredia, 2011/3, pp. 368-371; C. Tobler, “Case C-236/09, Association belge des Consommateurs Test-Achats ASBL, Yann van Vugt, Charles Basselier / Conseil des ministres, Judgment of the Court of Justice (Grand Chamber) of 1 March 2011, nyr.”, Common Market Law Review 2011, pp. 2049, 2053, 2054 et 2060.
[13] Voy., à titre d'exemples, CJCE 6 mars 2007, C-338/04, C-359/04 et C-360/04, Placanica e.a., Rec. p. I-1891, pts. 53 et 58, et 10 mars 2009, C-169/07, Hartlauer, Rec. p. I-1721, pt. 55.
[14] Pour une présentation détaillée de ces deux approches, voy., notamment, C. Van Schoubroeck et Y. Thiery, o.c.; Y. Thiery, “Verzekering en de (r)evolutie van het geslachtsdiscriminatierecht” in Discrimination, différenciation hommes/femmes et assurances, dossier n° 13 du Bull.ass. 2007, pp. 29-31, et du même auteur, Discriminatie en verzekering, o.c., pp. 554-562.
[15] L. Burgorgue-Larsen, o.c., p. 970.
[16] C. Tobler (o.c., pp. 2048-2049) souligne, à juste titre, que, contrairement à ce qui a été suggéré par certains auteurs de doctrine allemande, l'art. 5, 2. de la directive 2004/113 ne saurait raisonnablement être lu comme une disposition excluant l'assurance du champ d'application de cette directive.
[17] Voy., en ce sens également, les pts. 34 à 37 des conclusions de Mme l'avocat général J. Kokott.
[18] C. Murphy, o.c., pp. 291-292.
[19] E. Grass, o.c., p. 690.
[20] J.-L. Fagnart, “L'homme est-il une femme comme les autres?” in Discrimination, différenciation hommes/femmes et assurances, o.c., pp. 5-6.
[21] Directive 2000/43/CE du Conseil du 29 juin 2000, relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d'origine ethnique (JO L 180, p. 22).
[22] Voy., en ce sens, le pt. 49 des conclusions de Mme l'avocat général J. Kokott.
[23] Pts. 52 et 61 à 63 des conclusions. Voy. également O. Berruyer, o.c., p. 55.
[24] Ainsi que l'a également relevé Mme l'avocat général J. Kokott au pt. 55 de ses conclusions, cette réticence des juges européens à entrer dans le débat technique fut déjà bien perceptible à l'époque dans les affaires liées à l'interprétation du principe d'égalité des rémunérations entre les femmes et les hommes (art. 119 du traité CE) dans le domaine des retraites professionnelles. En effet, plutôt que de prendre fait et cause pour l'approche statistique aux fins de légitimer le maintien de différenciations fondées sur le sexe pour la fixation des allocations patronales dans les régimes à prestations définies ('but à atteindre'), la Cour de justice a préféré affirmer que, dans de tels régimes, les allocations patronales ne constituent pas, à la différence des cotisations personnelles prélevées sur la rémunération des travailleurs, un élément de la rémunération, au sens de l'art. 119 du traité CE, mais sont destinées à compléter l'assiette financière indispensable pour couvrir le coût des pensions promises et en garantir le paiement futur, si bien que l'utilisation de facteurs actuariels distincts en fonction du sexe dans la fixation de ces allocations patronales ne relève pas du champ d'application de cette disposition du traité (arrêts du 22 décembre 1993, C-152/91, Neath, Rec., p. I-6935, pts. 32 et 34, ainsi que du 28 septembre 1994, C-200/91, Coloroll Pension Trustees, Rec., p. I-4389, pts. 76 et 81).
[25] J.-C. André-Dumont, o.c., p. 182.
[26] L. Sommerijns, o.c., p. 7.
[27] P. Moreau, o.c., 147301.
[28] L. Burgorgue-Larsen, o.c., p. 973.
[29] Voy., à ce sujet, les intéressantes réflexions de C. Tobler (o.c., pp. 2050-2051). Cet auteur écarte également les critiques adressées par une partie de la doctrine allemande au sujet de l'absence de prise en compte, par la Cour de justice, de la liberté d'entreprise consacrée à l'art. 16 de la charte des droits fondamentaux.
[30] Voy. également, sur cette tendance, CJUE 9 novembre 2010, C-92/09 et C-93/09, Volker und Markus Schecke et Eifert, pts. 45-46.
[31] Voy., en ce sens, E. Grass, o.c., p. 693.
[32] P. Moreau, o.c., 147304.
[33] J.-C. André-Dumont, o.c., p. 183; P. Moreau, o.c., 147304; L. Sommerijns, o.c., p. 7; L. Thébault, o.c., p. 370; Y. Thiery, “La fin de la tarification…”, o.c., p. 345; C. Tobler, o.c., p. 2058.
[34] Concrètement, celui-ci aurait conduit au 1er mars 2014.
[35] Voy. le Position Paper du Comité européen des assurances CEA response to the EC questionnaire on the follow-up to the Test-Achats ruling (C-236/09) - Forum on the implementation of Article 5 of Directive 2004/113/EC (www.cea.eu ), p. 1.
[36] J.-C. André-Dumont, o.c., p. 186.
[37] Sans réellement convaincre (voy. le pt. 22 des conclusions de Mme l'avocat général J. Kokott), la Commission a affirmé, à l'audience, qu'une clause d''opting out' exigeant des États membres l'ayant exercée qu'ils révisent leur jugement après cinq ans n'était finalement pas très éloignée de sa proposition initiale de prévoir une période transitoire de quelques années avant l'application obligatoire de la règle des primes et des prestations unisexes.
[38] Communiqué de presse du 1er mars 2011 disponible sur http://europa.eu/rapid/pressReleases.do?reference=MEMO/11/123&type=HTML .
[39] Voy., à ce sujet, K. Lenaerts et P. Van Nuffel, European Union Law, London, Sweet & Maxwell, 2011, pp. 676-677.
[40] L. Mayaux, “'Coup de tonnerre'…”, o.c., p. 758.
[41] C'est ainsi qu'un certain nombre de commentateurs (K. Koldinska, “Case Law of the European Court of Justice on Sex Discrimination 2006-2011”, Common Market Law Review 2011, p. 1636; J. Kullmann, o.c., p. 18; C. Tobler, o.c., pp. 2056-2057) ont compris la censure de la Cour de justice.
[42] Voy., en ce sens, J. Kullmann, o.c., pp. 21-22; L. Sommerijns, “Assurance vie. Egalité des sexes. Et ensuite?”, Life & Benefits, n° 7, septembre 2011, p. 2.
[43] La Commission européenne précise toutefois que sa position, notamment sur la question des contrats concernés, est sans préjudice de toute interprétation que la Cour de justice pourrait faire à l'avenir de l'art. 5 de la directive 2004/113 (pt. 4).
[44] Voy. E. Lutjens, “Einde aan hogere premies en lagere uitkeringen voor vrouwen bij particuliere verzekeringen?”, NtEr 2011/8, pp. 290-291; C. Tobler, o.c., p. 2057. Voy. également la proposition de loi déposée le 16 mai 2011 au Sénat par Mme S. de Bethune et consorts, qui suggère d'appliquer la règle 'unisexe' à toute prime venant à échéance après le 21 décembre 2012 (session de 2010-11, doc. n° 5 - 1029/1).
[45] Pt. 81 des conclusions.
[46] Voy., à cet égard, J. Kullmann, o.c., p. 22.
[47] P. Doyen, o.c., pp. 73-74; C. Jaumain, o.c., p. 22; K. Koldinska, o.c., pp. 1636-1637; Y. Thiery, “La fin de la tarification…”, o.c., p. 347.
[48] Voy. l'art. 9, 1., sous d), h), j) et k) de la directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006 relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité des chances et de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d'emploi et de travail (refonte) (JO L 204, p. 23), et l'art. 12, § 2 de la loi 'genre' du 10 mai 2007.
[49] Voy. également l'art. 3, 4. de la directive 2004/113, qui énonce que celle-ci “ne s'applique pas aux questions relatives à l'emploi et au travail”.
[50] Arrêts précités à la note de bas de page 24.
[51] Voy. les pts. 35 à 38, 62 et 63 des conclusions de M. l'avocat général W. Van Gerven dans les affaires C-109/91, Ten Oever, C-110/91, Moroni, C-152/91, Neath et C-200/91, Coloroll Pension Trustees (Rec. 1993, p. I-4893).
[52] Le statut de certaines formules de prévoyance individuelle, telles que les engagements individuels de pension, les pensions libres complémentaires pour travailleurs indépendants, ou encore la continuation par le travailleur, à titre individuel, du financement de l'engagement de pension en cas de 'sortie' du régime de son ancien employeur [art. 33 de la loi du 28 avril 2003 relative aux pensions complémentaires et au régime fiscal de celles-ci et de certains avantages complémentaires en matière de sécurité sociale (MB 15 mai 2003)], est plus incertain. Si ces formules sont, certes, tenues en dehors du champ d'application de la législation européenne et belge relative à l'application du principe d'égalité des sexes dans le domaine des régimes complémentaires de sécurité sociale (voy. l'art. 2, 1., sous f) de la directive 2006/54, qui n'appréhende que les régimes collectifs, ainsi que l'art. 8, 1., sous a) à e) de cette même directive; voy. également l'art. 5, 16° de la loi 'genre' du 10 mai 2007), il n'est pas pour autant sûr qu'elles soient visées par la directive 2004/113 (et, partant, par le constat d'invalidité de son art. 5, 2.), dès lors que son art. 3, 4. et son 15ème considérant donnent à penser qu'elle ne concerne que les assurances 'privées', sans rapport avec le travail, à savoir celles relevant de ce qu'il est convenu d'appeler le troisième pilier de la prévoyance sociale. Sur ce débat, voy., notamment, P. Doyen, o.c., p. 75; L. Vereycken, “Loi anti-discrimination. Tarifs unisexes: dans quels cas?”, Life & Benefits, n° 2, février 2008, pp. 6-8.
[53] C. Jaumain, o.c., p. 22; P. Moreau, o.c., 147306.
[54] Voy., à propos de la responsabilité liée aux accidents de la route, CJUE 9 juin 2011, C-409/09, Ambrosio Lavrador e.a., pt. 25 et jurisprudence citée.
[55] J. Kullmann, o.c., p. 21; P. Moreau, o.c., 147306; L. Thébault, o.c., pp. 372-374; Y. Thiery, “La fin de la tarification…”, o.c., p. 347.
[56] COM(2008)426 final.
[57] Cette initiative, déposée en 2008, est, depuis l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne le 1er décembre 2009, également soumise aux nouvelles exigences procédurales de l'art. 19 TFUE, plus spécialement à l'exigence d'approbation par le Parlement européen.
[58] Pt. 50 des conclusions.
[59] Sous les auspices de la présidence polonaise du Conseil, cet art. 2, 7. a toutefois été dépouillé de ses accents optionnel et dérogatoire.
[60] Voy., en ce sens, le pt. 20 des lignes directrices de la Commission européenne.
[61] Directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail (JO L 303, p. 16).