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L''entrée en vigueur à l'égard de la Belgique de la Convention d'Ottawa sur l'affacturage international, R.D.C.-T.B.H., 2012/2, p. 145-155

L''entrée en vigueur à l'égard de la Belgique de la Convention d'Ottawa sur l'affacturage international

Vanessa Marquette [1]

TABLE DES MATIERES

I. Généralités

II. Champ d'application A. Champ d'application matériel 1. La notion d'affacturage

2. Le caractère international de l'affacturage

B. Champ d'application géographique

C. Etats parties et champ d'application ratione temporis

D. Exclusion de la convention

III. Règles matérielles A. Validité de la cession de créances inter partes

B. Effets de la cession de créances à l'égard du débiteur cédé

C. Cession de créances successives

IV. Questions non visées par la convention A. Principales lacunes

B. Application des principes généraux du commerce international

C. Règles de conflits de lois

V. Conclusion

RESUME
Près de 20 ans après sa signature, la Convention d'Ottawa sur l'affacturage international est entrée en vigueur à l'égard de la Belgique. Son objectif est d'uniformiser les règles applicables à certains aspects de l'affacturage international par le biais de dispositions de droit matériel uniforme (en particulier liées à la cession de créances).
Nous examinons dans cette contribution le champ d'application de la Convention d'Ottawa, certaines des règles matérielles qu'elle organise (validité de la cession de créance inter partes, effet de la cession à l'égard du débiteur cédé et cessions successives) ainsi que quelques questions non abordées par la convention.
SAMENVATTING
Bijna 20 jaar na de ondertekening is het Ottawa-Verdrag inzake de internationale factoring voor België in werking getreden. Het doel van dit verdrag is de regels die van toepassing zijn op bepaalde aspecten van de internationale factoring te uniformiseren door middel van bepalingen van uniform materieel recht (in het bijzonder met betrekking tot de overdracht van schuldvorderingen).
In deze bijdrage onderzoeken wij het toepassingsgebied van het Ottawa-Verdrag, bepaalde materiële regels die het organiseert (geldigheid van de overdracht van schuldvordering inter partes, gevolg van de overdracht voor de gecedeerde schuldenaar en opeenvolgende overdrachten) en bespreken een aantal onderwerpen die door het verdrag niet besproken worden.
I. Généralités

1.Par une loi du 21 février 2010, la Belgique a approuvé la convention UNIDROIT sur l'affacturage international faite à Ottawa le 28 mai 1988 [2]. Cette convention est entrée en vigueur à l'égard de la Belgique en date du 1er octobre 2010, soit pratiquement 20 ans après sa signature par la Belgique intervenue le 21 décembre 1990 [3].

Ceci nous donne l'occasion de nous pencher sur la Convention d'Ottawa qui est en général assez méconnue. Après avoir décrit son champ d'application, nous passerons en revue certaines des règles matérielles uniformes qu'elle prévoit en matière d'affacturage et nous terminerons par un bref descriptif de ses lacunes les plus notables.

II. Champ d'application
A. Champ d'application matériel

2.La Convention d'Ottawa sur l'affacturage international comporte uniquement des dispositions de droit matériel uniforme, à l'exclusion de toutes règles de conflits de lois ou de juridictions. Son objectif est d'uniformiser les règles applicables à certains aspects de l'affacturage international (en particulier ceux liés à la cession de créances) afin de limiter les obstacles juridiques de manière à favoriser les échanges internationaux et le développement de l'affacturage, en particulier dans les pays en voie de développement [4]. Cet objectif est en ligne avec la vocation de l'Institut international pour l'unification du droit privé (UNIDROIT) qui est une organisation gouvernementale indépendante qui a pour objet d'aider à la modernisation et à l'harmonisation du droit privé (en particulier le droit commercial) par le biais de l'élaboration d'instruments de droit uniforme [5].

1. La notion d'affacturage

3.Il n'existe pas de définition légale de l'affacturage en droit belge [6]. Aucune définition ne saurait d'ailleurs englober tous les aspects du contrat d'affacturage, souvent désigné dans la pratique sous le vocable de factoring. Selon la classification du Code civil, l'affacturage est un contrat innomé. Il s'agit d'un mode de gestion des créances commerciales se réalisant dans le cadre d'une convention-cadre aux termes de laquelle un établissement financier (le factor ou affactureur) s'engage à acquérir certaines créances commerciales détenues par une personne physique ou morale (l'adhérent ou le client) et se charge ensuite du recouvrement des créances approuvées et éventuellement d'autres services connexes, en contrepartie du paiement par l'adhérent d'une commission. Le factoring combine, au choix des parties, des aspects:

    • de recouvrement des créances (le factor se chargeant de recouvrer les créances qui lui sont cédées, voire même des créances commerciales non cédées dans le cadre du factoring. L'adhérent échappe ainsi aux écueils juridiques et matériels de la récupération des créances);
    • de financement (lorsque le factor paie les créances acquises alors qu'elles ne sont pas encore échues et que leur paiement ne peut donc pas encore être réclamé au débiteur);
    • d'assurance contre l'insolvabilité des débiteurs (on parle alors de factoring sans recours, ce qui signifie que le factor n'a aucun recours contre l'adhérent qui lui a cédé une ou plusieurs créances irrécouvrable(s) en raison de l'insolvabilité du débiteur);
    • et de tenue des comptes [7].

    Aucune de ces fonctions prise individuellement n'est caractéristique du contrat d'affacturage.

    4.L'article 1er de la Convention d'Ottawa définit le contrat d'affacturage comme “un contrat conclu entre une partie (le fournisseur) et une autre partie (l'entreprise d'affacturage, ci-après dénommée le cessionnaire) en vertu duquel:

      • le fournisseur peut ou doit céder au cessionnaire des créances nées de contrat de vente de marchandises conclus entre le fournisseur et ses clients (débiteurs), à l'exclusion de ceux qui portent sur des marchandises achetées à titre principal pour leur usage personnel, familial ou domestique;
    1. le cessionnaire doit prendre en charge au moins deux des fonctions suivantes:
        • le financement du fournisseur, notamment le prêt ou le paiement anticipé;
        • la tenue des comptes relatifs aux créances;
        • l'encaissement de créances;
        • la protection contre la défaillance des débiteurs;
        • la cession des créances doit être notifiée aux débiteurs”.

        Seules les contrats de factoring qui répondent à cette définition relèvent de la Convention d'Ottawa. Vu la grande variété de factoring que l'on rencontre dans la pratique, la Convention d'Ottawa veille à en offrir une définition large et souple afin d'en englober la grande majorité. Trois éléments importants sont à dégager de cette définition.

        Tout d'abord, seuls sont concernés les contrats d'affacturage qui portent sur des créances nées de contrats de vente de marchandises conclus dans un cadre professionnel. Il s'agit bien entendu d'exclure les opérations portant sur des contrats de vente conclus avec des consommateurs. La notion de 'marchandises' est précisée au paragraphe 3 de l'article 1er qui dispose que les créances cédées peuvent résulter non seulement de vente de marchandises mais également de conventions de prestations de services. Il est donc acquis que la Convention d'Ottawa ne se limite pas aux contrats de vente de marchandise au sens strict, contrairement à ce qu'une lecture rapide de l'article 1er pourrait laisser penser.

        Le contrat de vente de marchandises ou de prestation de services à la base de l'affacturage peut bien entendu être régi également par une autre convention internationale, telle la Convention de Vienne du 11 avril 1980 sur les contrats de vente internationale de marchandises. La notion de vente de marchandises au sens de la Convention d'Ottawa et de la Convention de Vienne n'est toutefois pas identique. Il est vrai que comme la Convention d'Ottawa, la Convention de Vienne exclut en son article 2, a) les ventes de marchandises conclues pour un usage privé. Cependant, au contraire de la Convention d'Ottawa, la Convention de Vienne ne s'applique pas aux contrats dont la part prépondérante est une fourniture de main-d'oeuvre ou de services [8]. Il s'agit d'une différence notable. Autre différence notable: le texte de la Convention d'Ottawa n'aborde pas la question de l'exclusion ou non de certaines ventes particulières telles que les ventes aux enchères, les ventes sur saisies ou par autorité de justice, les ventes de valeurs mobilières, effets de commerce et monnaies, les ventes d'électricité et les ventes de bateaux, aéroglisseurs et aéronefs qui sont expressément exclues du champ d'application de la Convention de Vienne [9].

        Ensuite, le factor doit prendre en charge au moins deux des fonctions suivantes qui se retrouvent le plus souvent dans les contrats de factoring: le financement des créances (prêt ou paiement anticipé), la tenue des comptes ayant trait aux créances, l'encaissement des créances et la protection contre la défaillance des débiteurs, c'est-à-dire la couverture par le factor du risque d'insolvabilité des clients.

        Enfin, seul le factoring notifié est visé par la Convention d'Ottawa qui exige que la cession des créances soit notifiée par écrit aux débiteurs des créances dans les formes prévues au paragraphe 4 de l'article 1er [10].

        2. Le caractère international de l'affacturage

        5.L'article 2.1. de la Convention limite son champ d'application à l'affacturage de créances internationales. Le critère retenu pour reconnaître aux créances cédées au factor un caractère international est le fait qu'elles résultent d'un contrat de vente de marchandises entre un fournisseur et un débiteur qui ont leur établissement dans des états différents. Il s'agit du même critère que celui consacré par la Convention de Vienne du 11 avril 1980 sur les contrats de vente internationale de marchandises en son article 1, paragraphe 1. Ceci n'est pas un hasard. Les rédacteurs de la Convention d'Ottawa ayant souhaité harmoniser autant que possible les concepts utilisés dans les deux instruments puisque les opérations d'affacturage visées par la Convention d'Ottawa font généralement suite à une vente internationale de marchandises régie par la Convention de Vienne [11].

        B. Champ d'application géographique

        6.Les champs d'application matériel et géographique de la Convention d'Ottawa sont étroitement liés puisque comme nous l'avons vu cette Convention n'a vocation à régir que les contrats d'affacturage qui portent sur des créances internationales.

        De la même façon que la Convention de Vienne sur la vente internationale de marchandises, la Convention d'Ottawa peut s'appliquer de manière directe ou indirecte.

        Elle s'applique de manière directe lorsque le débiteur cédé, le fournisseur (adhérent) et le factor ont chacun leur établissement dans un état contractant.

        La Convention ne comporte pas de définition de la notion d'établissement. Elle précise cependant en son article 2.2., de la même façon que la Convention de Vienne en son article 10, a) que lorsqu'une partie a plus d'un établissement, il faut tenir compte de l'établissement qui a la relation la plus étroite avec le contrat au moment de la conclusion du contrat. La notion d'établissement consacrée par le droit positif des états contractants ne saurait être utilisée. Il faut privilégier une interprétation autonome conforme à l'article 4.1. de la Convention d'Ottawa, c'est-à-dire tenant compte de son objet, de ses buts, de son caractère international et de la nécessité de promouvoir l'uniformité de son application et d'assurer le respect de la bonne foi dans le commerce international.

        7.La Convention d'Ottawa peut s'appliquer de façon indirecte lorsque le contrat de vente de marchandises et le contrat d'affacturage sont tous deux soumis à la loi d'un état contractant, qu'il s'agisse d'une seule et même loi pour les deux contrats ou de la loi d'un état contractant différent pour chacun d'eux (art. 2.1.). Il faut dans ce cas déterminer la loi applicable au contrat de vente de marchandises et au contrat d'affacturage. Si elle a été désignée expressément par les parties dans le contrat, la question ne suscitera pas de difficulté. Les rédacteurs de la Convention d'Ottawa ont logiquement opté pour le respect de l'autonomie de la volonté des parties. Dans le cas contraire, il faudra appliquer les règles de conflit de lois pertinentes et au premier chef le règlement (CE) n° 593/2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (dit 'Rome I') [12]. La question de la loi applicable au contrat d'affacturage est examinée au n° 23 ci-dessous. Une des difficultés consiste assurément en l'impossibilité de déterminer une seule loi applicable à l'ensemble des aspects du contrat d'affacturage.

        8.Une autre extension notable du champ d'application géographique de la Convention d'Ottawa résulte de son article 11 qui prévoit que les dispositions de la Convention continuent de s'appliquer en cas de cessions de créances successives (voy. infra, n° 19).

        C. états parties et champ d'application ratione temporis

        9.A ce jour, la Convention d'Ottawa sur l'affacturage a été signée par dix-huit états dont la Belgique, la France, l'Allemagne, l'Italie, le Royaume-Uni et les Etats-Unis d'Amérique [13].

        Elle est en vigueur en Belgique, en France [14], au Nigéria [15], en Hongrie [16], en Allemagne [17], en Lettonie [18], en Italie [19] et en Ukraine [20].

        En ce qui concerne le champ d'application rationae temporis de la Convention d'Ottawa, c'est la date de conclusion de la convention de vente de marchandises qui est déterminante. Aux termes de l'article 21 de la Convention d'Ottawa, celle-ci s'applique en effet lorsque les créances cédées résultent d'une convention de vente de marchandises conclue:

          • après l'entrée en vigueur de la Convention dans l'état d'établissement du fournisseur, du débiteur et du cessionnaire (factor); ou
          • après l'entrée en vigueur de la Convention dans l'état contractant ou les états contractants dont la loi est applicable au contrat de vente de marchandises et au contrat d'affacturage.

          Il n'est toutefois pas exclu, en cas d'accord procédural des parties, qu'une juridiction fasse une application rétroactive de la Convention d'Ottawa malgré les termes de l'article 21 [21].

          D. Exclusion de la Convention

          10.Les parties sont libres d'exclure l'application de la Convention d'Ottawa. Cette exclusion peut être prévue non seulement dans le contrat d'affacturage mais aussi dans le contrat de vente de marchandises dont les créances sont cédées. Il a en effet été considéré par les rédacteurs de la convention que le débiteur partie au contrat de vente de marchandises pouvait voir sa situation affectée dans une certaine mesure par la cession des créances résultant de ce contrat et qu'il avait en conséquence un intérêt légitime à pouvoir écarter les règles de la Convention d'Ottawa [22]. Afin de protéger le factor, cessionnaire des créances, l'article 3 de la Convention d'Ottawa exige de lui notifier l'exclusion par un acte écrit distinct du contrat de vente. L'exclusion ne concernera alors que les créances nées soit au moment soit après cette notification au cessionnaire.

          11.Aucune exclusion partielle n'est permise. Si les parties au contrat d'affacturage ou au contrat de vente de marchandises choisissent cette voie, toute la convention doit être exclue (art. 3.2.). Ceci se justifie par le fait que la Convention forme un tout visant à un certain équilibre entre les droits et obligations des parties, équilibre qui serait affecté en cas d'application partielle de la Convention [23]. En cela la Convention d'Ottawa se distingue de la Convention de Vienne du 11 avril 1980 qui autorise expressément, en son article 6, son exclusion partielle.

          III. Règles matérielles
          A. Validité de la cession de créances inter partes

          12.L'objectif poursuivi par la Convention d'Ottawa est de concourir au développement de l'affacturage international essentiellement par le biais de la reconnaissance étendue de la cession de créances qui est choisie comme mode uniforme de transmission des créances, cette transmission étant essentielle à tout contrat d'affacturage. En droit belge, trois mécanismes juridiques étaient traditionnellement envisagés dans le cadre d'un contrat de factoring: (i) la cession de créances, (ii) l'endossement de la facture ou (iii) la subrogation conventionnelle. La réforme du régime d'opposabilité des cessions de créances mis en oeuvre par la loi du 6 juillet 1994 qui a modifié l'article 1690 du Code civil a eu pour effet de privilégier très largement la cession de créances au détriment de l'endossement et de la subrogation [24]. Or, non seulement il existe des règles très disparates en matière de cession de créances d'un état à l'autre, mais en plus le droit de certains états limite l'efficacité des cessions de créances, par exemple, en ne reconnaissant pas la possibilité des cessions globales ou des cessions de créances futures. Pour pallier ces difficultés, la Convention d'Ottawa organise une base certaine et uniforme pour la cession des créances de l'adhérent au factor.

          Précisons d'emblée que la convention se limite à l'effet de la cession de créances entre les parties au contrat d'affacturage et dans une certaine mesure vis-à-vis du débiteur cédé (art. 8 à 10 de la Convention). Elle ne concerne pas l'opposabilité de la cession de créances aux tiers (en particulier à un éventuel curateur ou à un autre créancier de l'adhérent).

          13.L'article 5 de la Convention valide les cessions de créances globales et les cessions de créances futures. Il reconnaît en effet comme valable toute cession de créances existantes ou futures, même si les créances ne sont pas désignées individuellement, à la seule condition que ces créances soient déterminables au moment de la conclusion du contrat ou à leur naissance. L'article 5 précise également que la cession des créances futures intervient dès leur naissance, sans qu'un nouvel acte de transfert ne soit nécessaire.

          La Convention ne définit pas ce qu'il faut entendre par des créances déterminables. Il revient au juge saisi d'apprécier ce caractère. Le rapport explicatif préalable à la Convention cite à titre d'exemple certains critères qui peuvent être pris en considération à cette fin. Il s'agit de la désignation du type de biens ou de services dont résultent les créances, de la mention des pays où sont établis les clients de l'adhérent, ou encore d'une liste de clients habituels dont les créances sont cédées [25].

          Dans une perspective belge, cette validation de la cession de créances futures ne constitue pas une nouveauté, la cession de créances futures étant valable en droit belge si ces créances sont déterminées ou déterminables au moment de leur cession [26]. La cession de toutes les créances futures à naître d'une relation d'affaires entre l'adhérent et le débiteur cédé est donc valable.

          14.L'article 6 de la Convention règle la délicate question de la validité d'une cession de créances intervenue en violation d'un engagement pris par l'adhérent envers son débiteur de ne pas céder la créance qu'il détient à son égard. Les droits nationaux ont des positions divergentes sur la validité d'une telle cession de créances. La Convention d'Ottawa privilégie les intérêts de l'adhérent au détriment de ceux du débiteur cédé afin de promouvoir le développement de l'affacturage et reconnaît dès lors la validité de ce type de cession en ces termes: “La cession de la créance par le fournisseur au cessionnaire peut être réalisée nonobstant toute convention entre le fournisseur et le débiteur prohibant une telle cession.”

          Certains états étaient fermement opposés à cette solution qui ne respecte pas le principe de l'autonomie de la volonté des parties à la convention de vente de marchandises. C'est la raison pour laquelle il est permis aux états de ratifier la Convention d'Ottawa en émettant une réserve relative à l'application de l'article 6.1. Ainsi, cet article ne sortira pas ses effets à l'égard d'un débiteur qui a, lors de la conclusion du contrat de vente de marchandises, son établissement dans un état contractant qui a opté pour la réserve. Dans ce cas, c'est la loi qui régit la cession de créances qui déterminera si la cession faite en violation de l'engagement pris envers le débiteur de ne pas céder les créances est ou non valable. Rappelons à cet égard que l'article 14.2. du Règlement Rome I désigne la loi applicable à la créance pour régir la question de l'opposabilité de la cession au débiteur cédé.

          La Belgique, la France et la Lettonie ont émis une réserve. L'article 6.1. de la Convention n'est donc pas applicable à l'égard d'un débiteur ayant son établissement en Belgique, en France ou en Lettonie lors de la conclusion du contrat de vente de marchandises. La réserve faite par ces trois états est sans incidence sur la validité de la cession des créances entre l'adhérent et le factor. Par contre, le factor ne pourra pas se prévaloir de la cession vis-à-vis du débiteur cédé et en particulier des articles 8 à 10 de la Convention d'Ottawa relatifs aux droits et obligations du débiteur.

          15.L'article 7 de la Convention d'Ottawa prévoit la possibilité pour le factor et l'adhérent de prévoir le transfert au factor de tout ou partie des droits de l'adhérent provenant de la vente des marchandises [27]. Les législations nationales consacrent des solutions diverses à cet égard, certaines prévoyant le transfert de ces droits simultanément à la cession des créances et d'autres non. La Convention d'Ottawa permet aux parties de prévoir expressément un tel transfert, soit de manière directe (le transfert intervenant alors automatiquement par le fait de la cession des créances), soit par un acte séparé. En cas de silence des parties, il est renvoyé à la loi applicable pour déterminer si ces droits sont ou non transférés.

          Les droits visés sont ceux dérivant de ventes existant au moment de la conclusion de la convention d'affacturage ainsi que ceux dérivant de ventes futures. Sont principalement visés les droits résultant d'une clause de réserve de propriété des marchandises ou tout autre type de garantie conférée à l'adhérent dans le cadre de la vente de marchandises telles que les sûretés conventionnelles et légales. Ce transfert ne concerne que les relations entre le factor et l'adhérent et ne peut être opposé ni aux tiers, ni au débiteur cédé. Pour bénéficier de l'opposabilité aux tiers, les parties doivent respecter les conditions de forme ou de publicité prévues par la loi applicable. Rappelons que le Règlement Rome I ne comporte aucune disposition permettant de déterminer la loi applicable à l'opposabilité aux tiers d'une cession de créances. En droit belge, cette question est réglée par l'article 87, § 3 du Code de droit international privé qui désigne la loi de l'Etat où était située la résidence habituelle du cédant au moment de la cession.

          B. Effets de la cession de créances à l'égard du débiteur cédé

          16.Les articles 8 à 10 de la Convention d'Ottawa concernent les effets de la cession des créances sur le débiteur cédé.

          L'article 8 de la Convention impose au débiteur de payer le factor (et non l'adhérent) si:

            • la cession de créances lui a été notifiée par écrit dans les conditions prévues à l'article 8.1., a) à c); et
            • le débiteur n'a pas connaissance d'un droit d'une autre personne au paiement de la créance qui prévaudrait sur celui du factor.

            En l'absence de notification écrite, le débiteur peut se libérer de ses dettes en payant l'adhérent. Par contre, si la notification a bien été effectuée et que le débiteur paie l'adhérent plutôt que le factor, le débiteur pourra être contraint de payer une seconde fois selon l'adage “qui paie mal paie deux fois”.

            Le paiement effectué par le débiteur au factor moyennant le respect des conditions énoncées à l'article 8.1. de la Convention est libératoire (art. 8.2.). Bien entendu, il est possible que le débiteur fasse un paiement libératoire au factor même si les conditions de l'article 8.1. ne sont pas réunies lorsque le caractère libératoire résulte de la loi applicable aux relations entre le débiteur et le cessionnaire. C'est pour viser cette hypothèse que l'article 8.2. précise que la règle qu'il énonce est “sans préjudice de toute autre forme de paiement également libératoire” [28]. Le Règlement Rome I désigne la loi de la créance comme étant la loi applicable aux rapports entre le débiteur et le cessionnaire.

            Le système de notification écrite au débiteur cédé organisé par la Convention d'Ottawa est plus formaliste que le mécanisme de l'article 1690, 2ème alinéa du Code civil qui prévoit que la cession de créance n'est opposable au débiteur cédé qu'à partir du moment où elle lui a été notifiée ou à dater de l'instant où elle a été reconnue par lui. La meilleure doctrine considère en effet que la notification prévue à l'article 1690 du Code civil ne doit pas nécessairement faire l'objet d'un écrit, même si cela est préférable en pratique pour des raisons de preuve et de sécurité juridique [29]. En outre, en droit belge, la cession est également opposable au débiteur cédé qui l'a reconnue, cette reconnaissance ne devant revêtir aucune formalité particulière. Une telle possibilité n'est pas prévue par la Convention d'Ottawa.

            17.Le pendant de l'obligation de paiement au cessionnaire est le droit reconnu au débiteur d'invoquer à l'égard du cessionnaire toutes les exceptions issues du contrat de vente de marchandises qu'il aurait pu opposer à l'adhérent pour refuser le paiement (art. 9.1. de la Convention d'Ottawa). Le débiteur voit ainsi sa situation préservée malgré la cession et la Convention d'Ottawa privilégie la convention de marchandises et les droits du débiteur cédé sur la convention d'affacturage et les droits du factor. Ce choix, illustré par d'autres dispositions de la Convention d'Ottawa que nous examinons ci-dessous, explique la réticence de certains factors à utiliser la Convention d'Ottawa.

            La compensation d'une créance que le débiteur cédé aurait à l'égard de l'adhérent est visée par cet article 9.1. lorsque les deux créances découlent du même contrat de vente de marchandises. Dans ce cas, la compensation entre les créances connexes est autorisée et peut être opposée au cessionnaire sans avoir égard au fait que les conditions de la compensation soient ou non réalisées à la date de notification de la cession au débiteur cédé.

            L'article 9.2. concerne les exceptions extérieures à la convention de vente et donc notamment l'exception de compensation lorsque la créance du débiteur cédé est indépendante du contrat de vente de marchandises dont résulte la créance cédée. Il autorise le débiteur à exercer contre le factor tout droit à compensation relatif à des droits et actions qu'il aurait pu exercer à l'égard de l'adhérent au moment de la notification de la cession de créances et à condition que cette notification ait été effectuée conformément à l'article 8.1., a) à c). L'article 9.2. organise donc un véritable gel des exceptions au moment de la notification de la cession. L'exception de compensation pour dettes non connexes ne peut donc être opposée au factor que lorsque les conditions de la compensation sont réunies avant la notification [30].

            Alors qu'en droit belge les créances doivent être certaines, liquides et exigibles et porter sur des choses fongibles pour que la compensation puisse opérer [31], la Convention d'Ottawa n'impose pas les mêmes exigences. Il suffit que le débiteur ait des droits ou des actions contre l'adhérent à la date de la notification [32].

            Toutes les questions non réglées par la Convention d'Ottawa en ce qui concerne l'opposabilité des exceptions sont bien entendu régies par la loi de la créance conformément à ce qui est prévu à l'article 14.2. du Règlement Rome I.

            Le principe de l'opposabilité par le débiteur cédé de toutes les exceptions généralement quelconques dont il disposait envers le cédant au moment où la cession lui a été rendue opposable est également consacré de longue date en droit belge [33].

            18.L'article 10 de la Convention d'Ottawa traite des droits du débiteur qui a payé la marchandise ou le service et qui n'a pas reçu de la part de l'adhérent la contrepartie attendue. Dans ce cas, il appartient au débiteur d'exercer un recours contre son fournisseur en raison de l'inexécution, l'exécution défectueuse ou tardive du contrat de vente de marchandises. Le débiteur ne dispose d'un recours en répétition de son paiement contre le factor que dans le cas où soit, le factor n'a pas encore payé les créances cédées à l'adhérent, soit le factor a exécuté le contrat en ayant connaissance de l'inexécution ou du défaut d'exécution par l'adhérent du contrat de vente ayant trait aux marchandises dont il a reçu paiement du débiteur. L'objectif de l'article 10 est de ne pas modifier fondamentalement les droits et obligations du débiteur. Les deux hypothèses dans lesquelles le recours en répétition peut être exercé par le débiteur sont logiques. Le premier cas correspond à un enrichissement injustifié du factor puisqu'il a reçu un paiement de la part du débiteur alors que lui-même n'a pas encore payé la créance à l'adhérent. Le second cas répond au souhait de faire peser sur le factor plutôt que sur le débiteur le risque d'inexécution du contrat de vente ce qui est en particulier justifié par le fait que le factor se fasse en règle générale garantir de ce risque par l'adhérent [34].

            Dans les autres cas que ceux définis à l'article 10, le débiteur ne pourra pas demander au factor qu'il lui restitue le paiement effectué. Par contre, s'il est dans les conditions de l'article 8.2., il pourra compenser ultérieurement à l'égard du factor les droits qu'il détient vis-à-vis de l'adhérent suite à l'inexécution ou au défaut d'exécution.

            C. Cession de créances successives

            19.L'article 11 de la Convention fait état des cessions successives qui sont courantes en matière de factoring international puisque celui-ci suppose souvent l'intervention successive de deux factors, un 'factor export' qui est généralement situé dans l'état de l'adhérent et un 'factor import' qui est un correspondant établi dans l'état du débiteur. La Convention d'Ottawa prévoit que ses dispositions s'appliquent vis-à-vis du second factor de la même manière que vis-à-vis du factor initial tant en ce qui concerne les règles en matière de validité de cession des créances qu'en ce qui concerne les effets vis-à-vis du débiteur. Cette disposition a pour effet d'étendre de façon significative le champ d'application géographique de la Convention d'Ottawa étant donné qu'elle sort ses effets indépendamment de l'état où est établi le second factor ou tout autre factor successif puisque la règle concerne toutes les cessions d'une chaîne et pas seulement la seconde cession [35]. Il s'agit de la seule disposition de la Convention qui concerne les relations avec les tiers.

            IV. Questions non visées par la convention
            A. Principales lacunes

            20.Nombres de questions qui se posent dans le cadre d'un contrat d'affacturage ne sont pas réglées par la Convention d'Ottawa.

            Premièrement, et c'est sans doute là une des lacunes les plus importantes, la Convention ne traite pas des réclamations des tiers et du factor en cas d'insolvabilité du débiteur cédé. La question qui se pose est de savoir s'il convient de donner la priorité au factor ou aux tiers concernés.

            La Convention exclut de son champ d'application matériel les cessions de créances vis-à-vis des non professionnels (c'est-à-dire les créances domestiques ou à des fins personnelles).

            Ensuite, certains états estiment que la Convention d'Ottawa n'est pas assez protectrice envers les débiteurs. Ces pays présentent comme une lacune, ce qui est un choix d'orientation générale voulu par les rédacteurs de la Convention d'Ottawa. Pour ces pays, le contrat de vente ou de prestation doit garder une prééminence par rapport au contrat d'affacturage. Parmi ces états très protecteurs de leurs débiteurs, nous retrouvons principalement les pays de l'ancien bloc de l'Est (la Russie et la Roumanie), les pays dont la population est importante (la Chine et l'Inde) ou encore des continents où la majorité des états ont un niveau de vie moyen faible (Amérique du Sud et Afrique) [36].

            Les professionnels de l'affacturage estiment de leur côté que la Convention n'est pas assez protectrice de leurs droits, notamment en ce qui concerne la question de l'opposabilité aux tiers de la cession de créance qui n'y est pas abordée. Une autre convention internationale serait susceptible de combler cette lacune, il s'agit de la Convention CNUDCI sur la cession de créances. Cette convention qui n'est pas encore entrée en vigueur a été adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies le 12 décembre 2001. Elle a principalement pour objectif de favoriser l'accès au crédit en s'attachant notamment: i) à lever les obstacles juridiques à certaines pratiques de financement international (par exemple, en validant les cessions de créances futures et les cessions d'ensembles de créances et en invalidant partiellement les limitations contractuelles de la cession); ii) à unifier les législations internes sur la cession pour un certain nombre de questions, telles que l'efficacité de la cession entre le cédant et le cessionnaire et à l'encontre du débiteur; iii) à accroître la sécurité et la prévisibilité quant à la loi applicable aux principales questions, telles que la priorité entre droits concurrents; et iv) à faciliter l'harmonisation des législations internes sur la cession en prévoyant un régime de droit positif régissant les règles de priorité entre droits concurrents que les états peuvent choisir d'appliquer [37].

            21.La Convention d'Ottawa précise que les questions non expressément tranchées par elles doivent être réglées par les principes généraux dont elle s'inspire et à défaut, par les règles de droit international privé du for (art. 4.2.). Nous examinons d'abord la portée du renvoi aux principes généraux.

            B. Application des principes généraux du commerce international

            22.L'interprétation et le comblement des lacunes de la Convention d'Ottawa en faisant application des “principes généraux dont elle s'inspire” fait écho à l'article 7.2. de la Convention de Vienne du 11 avril 1980 sur la vente internationale de marchandises qui est rédigé dans les mêmes termes.

            Quels sont les principes généraux désignés par la Convention d'Ottawa et quelle portée assigner à un tel renvoi? La question est délicate et actuelle. Bien que l'objet de cette contribution ne soit pas de l'examiner en détail, il nous paraît intéressant d'en brosser les grands traits.

            Il convient tout d'abord de rappeler que l'UNIDROIT à l'origine de la Convention d'Ottawa a beaucoup oeuvré en faveur de l'institutionnalisation des principes généraux du commerce international en faisant élaborer par un groupe d'experts issus des milieux académiques les 'Principes UNIDROIT relatifs aux contrats du commerce international' qui ont vocation à constituer un système complet de normes encadrant le droit du commerce international [38]. En leur préambule, il est précisé que ces Principes peuvent être utilisés notamment afin d'interpréter ou de compléter d'autres instruments du droit international uniforme. Ce texte simplement proposé à la communauté internationale par UNIDROIT n'a fait l'objet d'aucune ratification par des états ou des organismes internationaux. Le caractère privé des Principes les distingue de la plupart des instruments élaborés en vue de l'unification du droit. Il convient donc de se demander si les Principes peuvent être considérés comme une codification. Or, dans la mesure où ils se présentent comme un ensemble de règles relatives au contrat du commerce international organisé d'une manière systématique et cohérente et qu'ils reprennent des règles existantes du droit du commerce international ou de la lex mercatoria, les Principes peuvent être considérés comme une codification.

            L'application de ces Principes pour interpréter la Convention de Vienne a été largement commentée par la doctrine européenne notamment suite à un arrêt novateur de la Cour de cassation de Belgique du 19 juin 2009 [39]. Dans cet arrêt, la Cour se basant sur les articles 7.1. et 7.2. de la Convention de Vienne fait application des principes généraux régissant le droit du commerce international tels qu'ils résultent notamment des Principes UNIDROIT pour décider qu'il existe un droit pour le débiteur défaillant d'obtenir une renégociation du contrat en cas de situation d'imprévision alors que la Convention de Vienne ne prévoit aucune obligation de renégociation ou d'adaptation des clauses par le juge ou l'arbitre [40].

            Cet arrêt a eu un retentissement important tant la doctrine était divisée sur l'application des principes UNIDROIT pour combler les lacunes de la Convention de Vienne, en particulier en ce qui concerne l'obligation de renégociation en cas d'imprévision. Les auteurs qui considèrent que les Principes UNIDROIT ne peuvent constituer des principes généraux au sens de l'article 7.2. de la Convention de Vienne avancent de nombreux arguments. Tout d'abord, les travaux préparatoires et le préambule de la Convention de Vienne ne laissent pas penser qu'il existerait un principe général de renégociation en cas d'imprévision dont elle se serait inspirée [41]. D'autre part, les Principes UNIDROIT ne peuvent, selon ces auteurs, être appliqués que si les parties contractantes ont marqué leur accord [42]. De plus, les Principes UNIDROIT ne constitueraient pas des pratiques générales ou communes dans le cadre du commerce international mais la proposition d'un corps de règles élaboré par des théoriciens [43]. Enfin, les Principes UNIDROIT dont la première version date de 1994 sont postérieurs à la Convention de Vienne de 1980 et il ne saurait s'agir des principes généraux dont s'inspire la Convention de Vienne [44]. Ces arguments peuvent s'appliquer mutatis mutandi à l'éventuelle application des Principes UNIDROIT pour combler les lacunes de la Convention d'Ottawa.

            D'autres auteurs considèrent au contraire que les Principes UNIDROIT peuvent être invoqués pour compléter la Convention de Vienne [45]. Cette position est également soutenue par la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international (CNUDCI) [46].

            L'enseignement de l'arrêt de la Cour de cassation du 19 juin 2009 apporte un support substantiel à cette thèse.

            C. Règles de conflits de lois

            23.Lorsque la Convention d'Ottawa ne trouve pas à s'appliquer, soit parce que le contrat de factoring concerné n'entre pas dans son champ d'application matériel ou géographique, soit en raison de la volonté des parties d'exclure cette convention ou encore pour ce qui concerne les questions non réglées par la Convention (en ce compris par ses principes généraux), la loi applicable au contrat de factoring est déterminée en faisant application des règles de conflits de lois du for au premier chef desquels se trouve le règlement (CE) n° 593/2008 relatif à la loi applicable aux obligations contractuelles dit 'Règlement Rome I'. Etant donné que les formes de factoring sont variées et que chaque contrat de factoring peut combiner des aspects de financement, de services, de mandats et de cession de créances, il n'est pas possible de déterminer une seule loi applicable à l'ensemble des aspects du contrat de factoring. Il convient de déterminer la loi applicable à chacun de ces aspects pris isolément.

            En ce qui concerne les aspects de financement et de services, la loi librement choisie par les parties s'impose (art. 3.1. du Règlement Rome I) et à défaut de choix, la loi de l'état de la résidence habituelle du factor (qui est la partie qui preste les services et qui octroie le financement - art. 4.1., b) et art. 4.2. du Règlement Rome I).

            La question des pouvoirs de représentation du mandataire vis-à-vis des tiers est déterminée par la loi du pays où le mandataire agit, qui est présumée être la loi de l'état où il a sa résidence habituelle (art. 108 du Code de droit international privé). Cette question se posera lorsque le factor agit en qualité de mandataire de l'adhérent dans le cadre de certaines prestations de services couvertes par le contrat d'affacturage. Le factor peut, par exemple, fournir une assistance en matière de récupération des créances ou de facturation qui couvre également des créances qui ne lui ont pas été cédées par l'adhérent.

            Enfin, le Règlement Rome I s'applique à certains aspects de la cession de créances. Les relations entre le cédant (l'adhérent) et le cessionnaire (le factor) sont régies par la loi qui s'applique au contrat qui les lie (art. 14.1. du Règlement Rome I). La loi qui régit la créance, dans une perspective belge (c'est-à-dire la loi applicable au contrat de vente conclu entre l'adhérent et son débiteur), détermine si elle est cessible, les rapports entre le factor et les débiteurs cédés, les conditions d'opposabilité de la cession au débiteur et le caractère libératoire de la cession (art. 14.2. du Règlement Rome I). L'opposabilité aux tiers de la cession de créances n'est pas visée par le Règlement Rome I. La loi qui la régit est la loi de l'état où est située la résidence habituelle du cédant au moment de la cession (art. 87, § 3 du Code de droit international privé). Lorsque cette loi est la loi belge, les formalités de l'article 1690 du Code civil doivent bien entendu être respectées.

            Dans certains cas, le factor propose de fournir à l'adhérent une assurance-crédit qui couvre le risque de défaut de paiement ou d'insolvabilité de ses débiteurs. Cette assurance peut prendre la forme d'un véritable contrat d'assurance conclu avec un tiers assureur. La loi applicable à ce contrat qui ne relève pas du contrat d'affacturage est alors déterminée par les dispositions de l'article 7 du Règlement Rome I. Cette assurance peut également résulter, pour les créances cédées, des termes mêmes du contrat d'affacturage lorsque la cession de créance intervient sans recours possible du factor à l'égard de l'adhérent en cas de défaut de paiement ou d'insolvabilité du débiteur cédé. C'est alors la loi applicable aux relations entre le cédant et le cessionnaire de la créance qui régit cette question.

            La convention de vente de marchandises entre l'adhérent et le débiteur sera en général régie par les dispositions de droit matériel de la Convention de Vienne sur la vente internationale de marchandises et pour les questions qui n'y sont pas abordées, par la loi de l'état où est située la résidence habituelle du vendeur (art. 4.1., a) du Règlement Rome I).

            24.Il faut être attentif au fait que certains rapports sont dépourvus d'élément d'extranéité et ne donnent lieu à aucun conflit de lois. Cela sera généralement le cas des relations entre l'adhérent et le factor ou entre l'adhérent et son débiteur lorsqu'ils ont leur principal établissement dans le même état.

            V. Conclusion

            25.Il est étonnant que le législateur belge se soit décidé à approuver la Convention d'Ottawa près de 20 ans après sa signature.

            L'entrée en vigueur de la Convention d'Ottawa n'est de toute façon, à notre sens, pas de nature à constituer un changement notable dans le paysage juridique belge.

            Les dispositions matérielles de la Convention sont relativement limitées et proches des solutions consacrées en droit belge.

            La Convention d'Ottawa privilégie la cession de créances comme mode uniforme de transmission de créances dans le cadre de contrats d'affacturage, ce qui est en ligne avec la pratique belge depuis la réforme du régime d'opposabilité de la cession de créances de 1994.

            Pour l'essentiel seules les conventions d'affacturage présentant un lien avec la France, l'Allemagne ou l'Italie seront en pratique affectées étant donné que ce sont trois états contractants avec lesquels la Belgique entretient les relations commerciales les plus significatives. Encore faut-il que les parties n'aient pas exclu l'application de la Convention d'Ottawa, où elle ne rencontre pas un grand succès auprès des professionnels de l'affacturage en raison de la faible protection de leurs droits. L'absence de règles relatives aux réclamations des tiers et du factor en cas d'insolvabilité du débiteur cédé est une des lacunes les plus patentes.

            Enfin, à notre connaissance, à l'heure actuelle, il y a peu de chance que des pays importants sur le plan économique, comme la Chine ou l'Inde, signent ou approuvent cette Convention qui est considérée comme trop peu protectrice des intérêts des débiteurs.

            [1] Maître de conférences à l'ULB, avocat au Barreau de Bruxelles.
            [2] Loi du 21 février 2010 portant assentiment à la convention d'Unidroit sur l'affacturage international, faite à Ottawa le 28 mai 1988, MB 21 septembre 2010, p. 58.552.
            [3] Cette date qui correspond au 10ème jour suivant la date de sa publication au Moniteur belge est mentionnée dans le tableau reprenant l'état des signatures et ratifications de la Convention d'Ottawa qui suit la loi du 21 février 2010 telle que publiée au Moniteur belge. Notons toutefois que l'art. 14.2. de la Convention d'Ottawa prévoit que la convention entre en vigueur à l'égard d'un état qui l'a ratifiée, le premier jour du mois suivant l'expiration d'une période de 6 mois après la date du dépôt de l'instrument de ratification. Le site d'UNIDROIT ne mentionne pas la date du dépôt de son instrument de ratification par la Belgique.
            [4] Préambule du rapport explicatif de la Convention qui peut être consulté sur le site d'UNIDROIT (www.unidroit.org , étude LVIII, doc. 33).
            [5] Voy. le site internet de l'UNIDROIT pour plus de détails (www.unidroit.org ).
            [6] Voy. toutefois la référence faite à l'affacturage à l'art. 3 de la loi du 22 mars 1993 relative au statut et au contrôle des établissements de crédit.
            [7] Sur la notion de factoring en droit belge, voy. M. Grégoire, “L'affacturage” in La prévention de la défaillance de paiement, Bruxelles, Larcier, 2000, p. 298; R. Steennot, “Factoring: basisprincipes en retrocessie”, RDC 2005, p. 63; G. Plaisant, Droit et patrimoine, revue mensuelle de droit français, 1998, n° 58; B. El Mokhtar, “L'affacturage international”, RJDA, avril 1996; M. Van Wuytswinkel e.a., Traité pratique de droit commercial, T. 1, Bruxelles, E.Story-Scientia, 1990; D. Philippe, “Le contrat de factoring” in Guide juridique de l'entreprise. Traité théorique et pratique, T. V, 2ème éd., Anvers, Kluwer, 2008; B. Volders, “Wetgeving burgerlijk procesrecht en internationaal privaatrecht en procesrecht”, RABG 2001; A. Zenner, “Tegenstelbaarheid van factuuroverdrachten en tegenwerpelijkheid van verweermiddelen inzake factoring”, JCB 1981.
            [8] Art. 3, 2).
            [9] Art. 2, b) à f).
            [10] R. Jafferali, “Droit privé belge”, JT 2011, p. 324.
            [11] Rapport explicatif de la Convention, o.c., p. 7.
            [12] Règlement (CE) n° 593/2008 du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I).
            [13] Sont également signataires: la République tchèque, la Finlande, le Ghana, la Guinée, la Hongrie, la Lettonie, le Maroc, le Nigéria, les Philippines, la République slovaque, la Tanzanie et l'Ukraine (www.unidroit.org/english/implement/i-88-f.pdf ).
            [14] Depuis 1995 suivant le décret n° 95-846 du 18 juillet 1995 portant publication de la convention sur l'affacturage international, faite à Ottawa le 28 mai 1988 et signée par la France le 7 novembre 1989.
            [15] Depuis le 1er mai 1995 selon le tableau reprenant l'état des signatures et ratifications publié sur le site d'UNIDROIT reprenant l'état des signatures et ratifications publié aux annexes du Moniteur belge à l'occasion de la publication de la loi du 21 février 2010 portant assentiment à la Convention d'Unidroit sur l'affacturage international, MB 21 septembre 2010, p. 58.558. Notons que le tableau disponible sur le site d'UNIDROIT n'est pas à jour.
            [16] Depuis le 1er décembre 1996, ibid.
            [17] Depuis le 1er décembre 1998, ibid.
            [18] Depuis le 1er mars 1998, ibid.
            [19] Depuis le 1er mai 1995, ibid.
            [20] Depuis le 1er juillet 2007, ibid.
            [21] Voy. l'intéressant arrêt de la cour d'appel de Grenoble rendu en la matière: Grenoble 13 septembre 1995, RCDIP 1996, p. 666, note D. Pardoel.
            [22] Rapport explicatif, o.c., p. 15.
            [23] Rapport explicatif, o.c., p. 15.
            [24] V. De Francquen et M. Dreesen, Les modes alternatifs de financement des PME: (le point après la crise financière), Kluwer 2010, p. 80, note 128.
            [25] Rapport explicatif, o.c., p. 17.
            [26] Cass. 9 avril 1959, Pas. 1959, I, p. 793 et concl. procureur général Hayoit de Termicourt, RCJB 1961, p. 32 et note J. Heenen, “La cession des créances futures”; P. Van Ommeslaghe, Droit des obligations, T. III, Bruylant, 2010, p. 1817, n° 1288.
            [27] K. Szychowska, “Convention d'UNIDROIT du 28 mai 1988 sur l'affacturage international”, RDC 2011, p. 88.
            [28] Rapport explicatif, o.c., p. 22.
            [29] P. Van Ommeslaghe, Droit des obligations, T. III, o.c., p. 1831, n° 1299.
            [30] Voy. Grenoble 13 septembre 1995, o.c.
            [31] P. Van Ommeslaghe, Droit des obligations, T. III, o.c., p. 2152, nos 1566 et s.
            [32] P. Marazzato, L'affacturage international et la Convention d'Ottawa, Mémoire, Paris (Université René Descartes), 1998, n° 106 disponible à l'adresse www.asf-france.com/publications-asf/pages/le-prix-asf.aspx .
            [33] Cass. 14 février 1924, Pas. 1924, I, p. 202; Cass. 25 mars 1965, Pas. 1965, I, p. 788.
            [34] Rapport explicatif, o.c., p. 25.
            [35] Denizeau, “La Convention d'Ottawa sur l'affacturage international”, Revue de la banque et droit, septembre 1991, p. 185.
            [36] P. Marazzato, L'affacturage international et la Convention d'Ottawa, Mémoire, Paris (Université René Descartes), 1998, disponible à l'adresse www.asf-france.com/publications-asf/pages/le-prix-asf.aspx .
            [37] www.cnudci.org/uncitral/fr/uncitral_texts/payments/2001Convention_receivables.html . Voy. notamment la note explicative publiée par le secrétariat de la CNUDCI sur cette convention disponible sur le site précédent ainsi que sur www.dipulb.be/fileadmin/user_files/Commentaire_convention_cession_creances.pdf .
            [38] Principes d'UNIDROIT relatifs aux contrats du commerce international, Rome, 1994. Ils peuvent être consultés sur le site: www.unidroit.org/french/principles/contracts/principles2010/blackletter2010-french.pdf . La dernière édition des Principes date de 2010. Sur ces Principes, voy. D. Tallon, “Vers un droit européen des contrats” in Mélanges Colomer, Litec, 1994, pp. 485 et s.; C. Kessedjian, “La codification privée” in Liber Amicorum Georges. A.L. Droz. L'unification progressive du droit international privé, La Haye, Kluwer Law International, 1996, 580 p.; F.-M. Bannes, “L'impact de l'adoption des Principes Unidroit 1994 sur l'unification du droit du commerce international: réalité et utopie”, RRJ 1996, pp. 933 et s.; G. Rouhette, “La codification du droit des contrats”, Droits 1996, pp. 113 et s.; D. Mazeaud, “A propos du droit virtuel des contrats. Réflexion sur les Principes Unidroit et de la Commission Lando” in Mélanges Cabrillac, LGDJ, 1999, pp. 205 et s.; G. Lefebvre et E. Sibidi Darankoum, “Phénomène transnational et droit des contrats: les Principes européens”, RDAI, n° 1, 1999, pp. 47-79; G. Keutgen, Les principes UNIDROIT relatifs aux contrats de commerce international (Ed. 2010) et l'arbitrage / De UNIDROIT-principes inzake internationale handelscontracten (editie 2010) en arbitrage, Actes du colloque CEPANI du 24 mai 2011 / Bijdragen aan het colloquium van CEPINA van 24 mei 2011, Cepani / Cepina - n° 14, Bruylant, 2011; E. Charpentier, “Les Principes d'Unidroit: une codification de la lex mercatoria?”, (2005) Cahiers de droit, 193-216; A.M. Trahan, “Les Principes d'UNIDROIT relatifs aux contrats du commerce international”, RJT, vol. 36, n° 2; A. Giardina, “Les Principes UNIDROIT sur les contrats internationaux”, JDI 1995, 547 = Publ. CCI, n° 490/1, 1995, Institute of International Business Law and Practice; S. Guillemard, “Comparaison des Principes UNIDROIT et des Principes du droit européen des contrats dans la perspective de l'harmonisation du droit applicable à la formation des contrats internationaux”, 23 mai 1999, en ligne, in Electronic Library on International Commercial Law and the CISG; J. Huet, “Les contrats commerciaux internationaux et les nouveaux Principes d'UNIDROIT, vers une nouvelle lex mercatoria?”, Les Petites Affiches du 10 novembre 1995, n° 135, pp. 8 et s., spéc. p. 10, B, 2°; Ch. Larroumet, “La valeur des Principes d'Unidroit applicables aux contrats du commerce international”, JCP, éd. G, 1997, I, 4011, spéc. n° 18; P. Mayer, Principes Unidroit et lex mercatoria. L'actualité de la pensée de Berthold Goldman: droit commercial international et européen, Paris, Ed. Panthéon-Assas, 2004, p. 31.
            [39] K. Cox, “Gewijzigde omstandigheden in internationale koopcontracten: het Hof van Cassatie als pionier”, RW 2009-10, pp. 730 et s.; J. Dewez, C. Ramberg, R. Momberg, R. Cabrillac et L.P. San Miguel Pradera, “The Duty to Renegotiate in International Sales Contract under CISG In case of Hardship and the Use of the Unidroit Principles”, ERPL/REDP 2011, pp. 101 et s.; J. Malfiet, “Hoe contracteren onder CISG aanleiding kan geven tot onvoorziene omstandigheden”, RDC 2010, pp. 885 et s.
            [40] Voy. en particulier l'art. 6.2.3. des Principes UNIDROIT qui prévoit une obligation de renégociation en cas d'imprévision et une faculté pour le juge d'adapter le contrat en cas d'impossibilité pour les parties d'aboutir à un accord.
            [41] D.P. Flambouras, “The Doctrine of Impossibility of Performance and Clausula Rebus Pace SIC Stantibus in the 1980 Convention on Contracts for the International Sale of Goods and the Principles of European Contract Law) A comparative analysis”, Pace international Law Review 2001, 288 et s., cité par J. Dewez e.a., o.c., p. 112.
            [42] D.P. Flambouras, o.c., 289.
            [43] H. Rösler, “Hardship in German Codified Private Law - In Comparative Perspective to English, French and International Contract Law”, ERPL/REDP 2007, p. 503.
            [44] C. Kessedjian, “Competing Approaches to Force Majeure and Hardship”, International Review of Law and Economics 2005, p. 419; S.D. Slater, “Overcome by Hardship: The Inapplicability of the UNIDROIT Principles' Hardship Provisions to CISG”, Florida Journal of International Law 1998, pp. 231-262, point V, cité par J. Dewez e.a., o.c., p. 112.
            [45] J.M. Bund, “Force Majeure Clauses: Drafting Advice for the CISG Practitioner”, Journal of Law and Commerce 1989, p. 392; voy. également les références citées par J. Dewez, o.c., p. 113 et par J. Malfiet, o.c., RDC 2010, p. 891, note 63; D. Philippe, “Renégociation du contrat en cas de changement de circonstances: une porte entrouverte?” (note sous Cass. 19 juin 2009), DAOR 2010, p. 160; B. Fauvarque-Cosson, “Révision judiciaire pour imprévision: la Cour de cassation belge montre la voie”, Revue des contrats 2010, p. 1405.
            [46] Rapport de la CNUDCI sur les travaux de sa quarantième session, A/62/17 (Part I), juillet 2003, n° 213, sur http://daccess-dds-ny.un.org/doc/UNIDROIT/GEN/VO7/857/10/PDF/VO785710.pdf .