Article

Président du tribunal de commerce Bruxelles, 08/11/2010, R.D.C.-T.B.H., 2012/1, p. 82-90

Président du tribunal de commerce Bruxelles 8 novembre 2010

SOCIÉTÉ ANONYME
Assemblée générale des obligataires - Convocation - Pouvoirs - Mesures provisoires
Les dispositions de l'article 569 du Code des sociétés peuvent être modalisées par les parties à un emprunt obligataire. Il s'ensuit qu'une clause contractuelle peut conférer à d'autres personnes qu'au conseil d'administration ou au commissaire de la société émettrice concernée, le droit de convoquer valablement une assemblée générale des obligataires.
L'article 568 du Code des sociétés ou des conditions d'un emprunt obligataire qui y réfèrent n'octroient pas à une assemblée générale d'obligataires la compétence de modifier unilatéralement (sans l'accord des sociétés émettrices) les conditions de cet emprunt obligataire. Une décision d'une assemblée générale des obligataires relative à la prolongation de la maturité des obligations ne peut lier la société émettrice contre son gré.
Les obligataires ne disposant pas prima facie d'un droit de modification unilatéral de l'emprunt obligataire, ils ne peuvent faire un usage d'une décision d'une assemblée générale des obligataires pour tenter d'empêcher une conversion d'obligations convertibles, lorsque cette conversion s'impose aux parties en vertu des conditions contractuelles de l'emprunt obligataire.
NAAMLOZE VENNOOTSCHAP
Algemene vergadering van obligatiehouders - Bijeenroeping - Bevoegdheden - Voorlopige maatregelen
De bepalingen van artikel 569 van het Wetboek van Vennootschappen kunnen door de partijen aan een obligatielening worden aangepast. Hieruit volgt dat een contractueel beding aan andere personen dan de raad van bestuur of de commissaris van de betrokken emittent het recht kan toekennen een algemene vergadering van obligatiehouders rechtsgeldig bijeen te roepen.
Artikel 568 van het Wetboek van Vennootschappen of de voorwaarden van een obligatielening die ernaar verwijzen, kennen een algemene vergadering van obligatiehouders niet de bevoegdheid toe eenzijdig (zonder het akkoord van de uitgiftevennootschappen) de voorwaarden van deze obligatielening te wijzigen. Een beslissing van een algemene vergadering van obligatiehouders die betrekking heeft op de verlenging van de looptijd van de obligaties kan de emittent niet binden zonder diens goedkeuring.
De obligatiehouders beschikken prima facie niet over een unilateraal wijzigingsrecht van de obligatielening. Ze kunnen geen gebruik maken van een beslissing van een algemene vergadering van obligatiehouders om te trachten de omzetting van converteerbare obligaties te verhinderen indien de partijen tot zulke omzetting gehouden zijn krachtens de contractuele voorwaarden van de obligatielening.

Ageas SA et NV Ageas / Third Point Partners Qualified L.P., Third Point Partners L.P., Third Point Offshore Master Fund L.P., Third Point Ultra Master Fund L.P., QVT Fund L.P., Quintessence Fund L.P., BNY Corporate Trustee Services Limited, BNP Paribas Securities Services et SA Fortis Banque, ABN Amro Bank NV

Siég.: R. Rubinstein (présidente)
Pl.: Mes Fr. Lefèvre, E. Pottier, L. Culot et P.-A. Foriers, S. Hirsch, S. Delwaide, A. Maeterlink, M. De Roeck, B. Deboeck, Ch. Sunt, O. Vanhulst, J.-P. Fierens, M. Fyon loco I. Peeters

Vu les exploits de citation enregistrés des 26 octobre 2010 et 27 octobre 2010;

Vu les dispositions de la loi du 15 juin 1935 sur l'emploi des langues en matière judiciaire;

Vu les conclusions des parties et entendu leurs explications à l'audience publique et extraordinaire du 3 novembre 2010.

1. Objet
1.1. Demande des sociétés Ageas SA/NV et Ageas NV

La demande des sociétés Ageas SA/NV et Ageas NV tend à entendre:

- suspendre les effets de la lettre adressée le 18 octobre 2010 par le Trustee aux obligataires 'MCS' et aux émetteurs en vue de convoquer la tenue d'une assemblée générale des obligataires 'MCS' en date du 8 novembre 2010, ainsi que de toute publication ayant le même objet;

- suspendre la convocation et la tenue de l'assemblée générale des obligataires 'MCS' en date du 8 novembre 2010 en l'hôtel Sheraton, place Rogier, 3 à 1210 Bruxelles à 14 heures;

- interdire aux Hedge Funds de solliciter la convocation d'une autre assemblée générale des obligataires 'MCS' dont l'ordre du jour viserait, directement ou indirectement, à postposer la date de maturité des 'MCS' du 7 décembre 2010 ou encore à empêcher la conversion des 'MCS' en actions ageas à la même date du 7 décembre 2010, sous peine d'une astreinte de 10.000.000 EUR par infraction, à dater de la signification de l'ordonnance;

- à tout le moins, suspendre les effets à l'égard des sociétés Ageas SA/NV et Ageas NV de toute décision qui serait éventuellement prise par l'assemblée générale des obligataires 'MCS', avant le 7 décembre 2010, en vue de changer la date de maturité des 'MCS' fixée au 7 décembre 2010 et/ou en vue d'empêcher la réalisation de cette conversion le 7 décembre 2010;

Et ce, jusqu'à ce qu'il ait été tranché définitivement sur l'action introduite par les Hedge Funds devant le tribunal de commerce de Bruxelles, le 4 novembre 2010;

- condamner les Hedge Funds in solidum aux dépens de l'instance, en ce compris les frais d'abréviation du délai de citer, de citation et de signification, ainsi que l'indemnité de procédure liquidée au montant maximal de 10.000 EUR.

La demande tend à entendre déclarer l'ordonnance à intervenir commune au Trustee et à BNP SS, ainsi qu'à Fortis Banque et ABN Amro Bank, intervenantes volontaires.

La demande tend à entendre autoriser tout huissier de justice de signifier l'ordonnance au lieu de l'assemblée générale des obligataires (en l'hôtel Sheraton, place Rogier 3 à 1210 Bruxelles), aux Trustee, sociétés émettrices des 'MCS' et aux porteurs de 'MCS' et/ou à leurs représentants présents.

1.2. Demande de l'intervenante volontaire ABN Amro Bank NV

La demande de l'intervenante volontaire ABN Amro Bank NV tend à entendre:

En ordre principal:

- ordonner à Third Point Partners Qualified L.P., Third Point Partners L.P., Third Point Offshore Master Fund L.P., Third Point Ultra Master Fund L.P., QVT Fund L.P. et Quintessence Fund L.P., au Trustee et à BNP Paribas Securities Services de s'abstenir de toute action qui empêcherait, ou risquerait d'empêcher ou de retarder la conversion des 'MCS' le 7 décembre 2010, date de la maturité contractuelle, et notamment de leur ordonner d'annoncer, clairement et dans l'immédiat, aux autres obligataires 'MCS' et au marché financier qu'elles ne s'opposeront pas à la conversion des 'MCS' à la date de leur maturité, soit le 7 décembre 2010, sous peine d'une astreinte de 10.000.000 EUR par infraction et par jour de retard de la conversion, et que l'exécution de l'ordonnance à intervenir soit ordonnée sur la minute;

En ordre subsidiaire:

- suspendre les effets de la lettre adressée le 18 octobre 2010 par le Trustee aux obligataires 'MCS' en vue de convoquer la tenue d'une assemblée générale des obligataires 'MCS' en date du 8 novembre 2010 ainsi que de toute publication ayant le même objet;

- suspendre la convocation et la tenue de l'assemblée générale des obligataires 'MCS' en date du 8 novembre 2010 en l'hôtel Sheraton, place Rogier, 3 à 1210 Bruxelles à 14 heures;

- ordonner au Trustee d'adresser un courrier aux obligataires 'MCS' en vue de confirmer la suspension de la tenue de cette assemblée générale des obligataires 'MCS' en date du 8 novembre 2010, sous peine d'une astreinte de 10.000.000 EUR à dater de la signification de l'ordonnance à intervenir, à défaut d'avoir adressé cette lettre d'annulation en temps utile;

- interdire au Trustee de convoquer et à Third Point Partners Qualified L.P., Third Point Partners L.P., Third Point Off­shore Master Fund L.P., Third Point Ultra Master Fund L.P., QVT Fund L.P. et Quintessence Fund L.P., au Trustee et à BNP Paribas Securities Services de solliciter la convocation d'une autre assemblée générale des obligataires 'MCS' dont l'ordre du jour viserait, directement ou indirectement, à postposer la date de maturité des 'MCS' du 7 décembre 2010 ou encore à empêcher la conversion des 'MCS' en actions ageas à la même date du 7 décembre 2010, sous peine d'une astreinte de 10.000.000 EUR par infraction, et que l'exécution de l'ordonnance à intervenir soit ordonnée sur la minute;

- à tout le moins, suspendre les effets à l'égard d'ABN Amro Bank NV de toute décision qui serait éventuellement prise par l'assemblée générale des obligataires 'MCS', avant le 7 décembre 2010, en vue de changer la date de maturité des 'MCS' fixée au 7 décembre 2010 et/ou en vue d'empêcher la réalisation de cette conversion le 7 décembre 2010;

Et ce jusqu'à ce qu'il ait été tranché définitivement sur l'action introduite par les Hedge Funds devant le tribunal de commerce de Bruxelles le 4 novembre 2010;

En toute hypothèse:

- condamner Third Point Partners Qualified L.P., Third Point Partners L.P., Third Point Offshore Master Fund L.P., Third Point Ultra Master Fund L.P., QVT Fund L.P. et Quintessence Fund L.P., le Trustee et BNP Paribas Securities Services in solidum aux dépens de l'instance, qui sont liquidés à la somme du coût de la citation et de l'indemnité de procédure d'un montant de 10.000 EUR.

1.3. Demande de l'intervenante volontaire SA Fortis Banque

La demande de l'intervenante volontaire SA Fortis Banque tend à entendre:

A titre principal:

- ordonner à Third Point Partners Qualified L.P., Third Point Partners L.P., Third Point Offshore Master Fund L.P., Third Point Ultra Master Fund L.P., QVT Fund L.P. et Quintessence Fund L.P., de s'abstenir de toute action qui empêcherait, ou risquerait d'empêcher ou de retarder la conversion des 'MCS' le 7 décembre 2010, date de la maturité contractuelle, et notamment de leur ordonner d'annoncer, clairement et dans l'immédiat, aux autres obligataires 'MCS' et au marché financier qu'elles ne s'opposeront pas à la conversion des 'MCS' à la date de leur maturité, soit le 7 décembre 2010, sous peine d'une astreinte de 10.000.000 EUR par infraction et par jour de retard de la conversion, à dater de la signification de l'ordonnance à intervenir;

A titre subsidiaire:

- interdire à Third Point Partners Qualified L.P., Third Point Partners L.P., Third Point Offshore Master Fund L.P., Third Point Ultra Master Fund L.P., QVT Fund L.P. et Quintessence Fund L.P. et à BNY Corporate Trustee Services Limited de tenir l'assemblée générale des titulaires de 'MCS' en date du 8 novembre 2010 en l'hôtel Sheraton, place Rogier 3 à 1210 Bruxelles à 14 heures;

- interdire à Third Point Partners Qualified L.P., Third Point Partners L.P., Third Point Offshore Master Fund L.P., Third Point Ultra Master Fund L.P., QVT Fund L.P. et Quintessence Fund L.P., de solliciter la convocation d'une autre assemblée générale des obligataires qui aurait comme but de postposer, directement ou indirectement, la date de maturité des 'MCS' du 7 décembre 2010, sous peine d'une astreinte de 10.000.000 EUR par infraction, à dater de la signification de l'ordonnance à intervenir et interdire à BNY Corporate Trustee Services Limited si Third Point Partners Qualified L.P., Third Point Partners L.P., Third Point Offshore Master Fund L.P., Third Point Ultra Master Fund L.P., QVT Fund L.P. et Quintessence Fund L.P. devaient néanmoins lui adresser une nouvelle demande de convocation d'une autre assemblée générale des obligataires qui aurait comme but de postposer, directement ou indirectement, la date de maturité des 'MCS' du 7 décembre 2010 d'y donner suite;

A titre strictement subsidiaire:

- suspendre les effets à l'égard de la SA Fortis Banque de toute décision qui serait éventuellement prise par l'assemblée générale des obligataires 'MCS', avant le 7 décembre 2010, en vue de changer la date de maturité des 'MCS' fixée au 7 décembre 2010 et/ou en vue d'empêcher la réalisation de cette conversion le 7 décembre 2010 et ce jusqu'à ce qu'il ait été tranché définitivement sur l'action introduite par les défenderesses devant le tribunal de commerce de Bruxelles le 4 novembre 2010;

En toute hypothèse:

- condamner les défenderesses solidairement, ou à tout le moins, l'une à défaut de l'autre, aux entiers dépens de la procédure, y compris l'indemnité de procédure évaluée à 1.200 EUR.

2. Faits et parties

Dans le cadre de la levée des fonds nécessaires au financement de l'acquisition de l'ancienne ABN Amro, les différentes sociétés de l'ancien groupe Fortis - à savoir Fortis SA/NV (actuellement dénommée: Ageas SA/NV), Fortis NV (actuellement dénommée: Ageas NV), Fortis Bank (actuellement dénommée: BNP Fortis Bank SA/NV) et Fortis Bank Nederland (Holding) NV (actuellement dénommée: ABN Amro Bank NV) - ont émis des obligations convertibles subordonnées appelées 'Mandatory Convertible Securities' en abrégé MCS, ce qui peut se traduire par 'obligations impérativement ou obligatoirement convertibles'.

Les MCS émises le 7 décembre 2007 ont une valeur nominale de 2 milliards d'euros.

Elles sont cotées sur le segment Euro MTF de la Bourse de Luxembourg.

Les MCS furent constituées par un acte de trust 'Trust Deed' daté du 7 décembre 2007 et sont sujettes à diverses conditions jointes à ce Trust Deed.

Les MCS donnent droit à la perception d'un intérêt payable semestriellement et calculé au taux de 8,75% par an (p. 38 du prospectus, art. 4, a).

Leur date de maturité est le 7 décembre 2010.

Les quatre sociétés sont les émettrices de ces instruments et sont solidairement tenues au paiement des coupons et aux autres obligations vis-à-vis des obligataires (p. 29 du prospectus, art. 2).

Fortis Bank Nederland (Holding) NV, à l'époque filiale du groupe Fortis, est toutefois le principal émetteur de ces instruments financiers. C'est en effet cette société FBN (H) qui a reçu en 2007 le montant nominal des obligations (2 milliards d'euros) et qui comptabilise cette dette dans ses livres. C'est également cette société FBN (H) qui doit payer (et paie) les coupons d'intérêts sur ces obligations depuis 2007.

Bien que le montant nominal des obligations ait été versé à FBN(H), la filiale bancaire néerlandaise de l'époque, les conditions des MCS prévoient que les obligataires recevront, à la suite de la conversion des MCS, le 7 décembre 2010, des actions des sociétés mères Fortis.

Chaque obligation MCS doit obligatoirement être convertie à cette date en actions Fortis (p. 40 du prospectus, art. 5, a).

Les modalités de cette conversion des MCS en actions Fortis (actuellement Ageas) sont détaillées dans le prospectus à l'article 5 (cf. aussi l'art. 5 des conditions figurant dans l'annexe 1 du Trust Deed).

La conversion s'organise sur la base de 'fourchettes' de taux de conversion. Dans les limites d'un taux plancher et d'un taux plafond, ces fourchettes déterminent la conversion en fonction du cours des actions au jour de la conversion.

Le cours réel de l'action Fortis ne remet pas en question la conversion obligatoire, quelle que soient d'ailleurs les conséquences (positives ou négatives) pour l'une ou l'autre des parties impliquées, émetteur ou investisseur.

Ainsi, si le cours de l'action Fortis devait dépasser 22,49 EUR, les détenteurs des MCS obtiendraient des actions Fortis à un taux préférentiel puisque la conversion de leurs obligations serait basée sur cette valeur plafond. Au contraire, si le cours de l'action Fortis devait chuter sous 18,74 EUR, c'est Fortis qui en bénéficierait puisque la conversion des obligations en actions serait basée sur cette valeur plancher.

Le remboursement en actions Fortis devait en effet permettre aux porteurs de participer, au travers elles, au développement du pôle bancaire du groupe Fortis et plus particulièrement au bénéfices escomptés de l'acquisition d'ABN Amro.

Le groupe Fortis fut confronté à des difficultés majeures au mois de septembre 2008 qui le plaçaient dans une situation de faillite virtuelle due à une absence de liquidités.

A la suite de l'intervention massive des pouvoirs publics belges, hollandais et luxembourgeois, le groupe fut démantelé, l'Etat néerlandais reprenant les activités bancaires et d'assurance aux Pays-Bas, l'Etat luxembourgeois investissant dans les activités bancaires à Luxembourg et les activités bancaires belges étant transférées à l'Etat belge et à BNP Paribas.

Depuis le démantèlement du groupe Fortis en 2008, il n'existe donc plus de liens structurels entre les différents émetteurs.

Ageas détient aujourd'hui 75% des activités d'assurances belges et internationales et des participations diverses pour des activités d'assurance et l'action Ageas cote à environ 2,25 EUR.

Les parties défenderesses dans la présente procédure en référé - les sociétés Third Point Partners Qualified L.P., Third Point Partners L.P, Third Point Offshore Master Fund L.P., Third Point Ultra Master Fund L.P., QVT Fund L.P. et Quintessence Fund L.P., sont des sociétés d'investissement ayant leurs sièges aux Etats-Unis et aux Îles Caïmans. Elles sont actuellement détentrices d'environ la moitié des MCS.

Les défenderesses, appelées par les demanderesses 'Hedge Funds' et dénommées ci-après Fonds d'investissement n'ont pas souscrit aux MCS à la date de leur émission en décembre 2007, mais les ont achetées en 2009 et en 2010, alors qu'elles ne valaient plus qu'une fraction égale à environ 10% de leur valeur nominale.

Par citation introductive d'instance du 1er octobre 2010, ces Fonds d'investissement sollicitent du tribunal de commerce de Bruxelles qu'il dise pour droit que les résolutions prises par l'assemblée générale des obligataires MCS convoquée à leur requête seront valables et s'imposeront aux émetteurs.

L'audience d'introduction est fixée au 4 novembre 2010. Aucun jugement sur le fond n'est prévu avant le 7 décembre 2010, date de la maturité des MCS.

Les Fonds d'investissement ont demandé à BNY Corporate Trustee Services Limited, ci-après le Trustee, de convoquer l'assemblée générale des obligataires MCS.

La convocation a été notifiée à l'ensemble des obligataires MCS le 18 octobre 2010.

L'assemblée générale se tiendra le 8 novembre 2010, à partir de 14.00 heures, à Bruxelles.

A l'ordre du jour de cette assemblée générale figure notamment une proposition visant à postposer la date de maturité des MCS de 20 ans et de la fixer au 7 décembre 2030.

Les sociétés Ageas ont introduit la présente action par citation du 26 octobre 2010, les sociétés ABN Amro Bank, Fortis Banque intervenant volontairement.

Le Trustee et BNP Paribas Securities Services ont été appelés en déclaration d'ordonnance commune.

BNP Paribas Securities Services est l'agent de paiement et de conversion ('paying and conversion agent') qui notifie au système de clearing la conversion et lui fournit les détails de la conversion (nombre de MCS en circulation, prix de conversion, nombres d'actions à livrer).

3. Arguments des demanderesses

Pour les demanderesses, si l'assemblée convoquée se tient, il ne fait pas de doute que la proposition visant à postposer la date de maturité des MCS de 20 ans et de la fixer au 7 décembre 2030 sera votée, dans la mesure où les Fonds d'investissement sont propriétaires d'environ la moitié des MCS et vu l'intérêt financier que la proposition représente pour les autres détenteurs de MCS.

Or, pour les demanderesses, les démarches des Fonds d'investissement (c'est-à-dire leur action au fond devant le tribunal de commerce et la tenue d'une assemblée d'obligataires afin de postposer la date de maturité des MCS) sont dépourvues du moindre fondement juridique, puisqu'elles reviennent à reconnaître aux porteurs d'obligations le droit d'unilatéralement modifier les conditions des MCS et d'imposer ces modifications aux émetteurs des MCS.

Pour ABN Amro, ces démarches des défenderesses induisent les autres obligataires MCS en erreur sur leur pouvoir unilatéral de modifier le Trust Deed lors de l'assemblée générale du 8 novembre 2010 et mettent en péril le déroulement de la conversion des obligations MCS le 7 décembre 2010.

ABN Amro considère que cette situation porte atteinte à la transparence et au bon fonctionnement des marchés.

Pour les demanderesses, l'absence de tout fondement sérieux de la prétention des Fonds d'investissement à modifier, de manière unilatérale, la maturité des MCS ainsi que leurs démarches en vue de la convocation et de la tenue d'une assemblée générale des obligataires risquent (de facto) de compromettre la conversion obligatoire des MCS le 7 décembre 2010 et sont ainsi constitutives d'une voie de fait.

Selon Ageas, les Fonds d'investissement veulent, grâce à la tenue de cette assemblée générale et leur citation, influencer de manière positive le cours de bourse des MCS et forcer ainsi les autorités néerlandaises à leur racheter leurs obligations au prix le plus élevé, ce qui implique un report de la conversion.

Les sociétés Ageas expliquent qu'il suffira aux Fonds d'investissement de notifier la résolution de l'assemblée aux nombreux intermédiaires intervenant aux différents stades de la conversion et de mentionner l'existence d'une action pendante au fond en espérant qu'au moins l'un des intermédiaires concernés, craignant de voir sa responsabilité engagée, bloque la conversion.

Pour Ageas, ces buts sont illégitimes et constituent des voies de fait manifestes.

Fortis Banque soutient également que la convocation serait irrégulière.

4. Compétence

Le président du tribunal de commerce de Bruxelles est compétent pour examiner les demandes, ce qui n'est pas contesté.

5. Urgence

Les sociétés Ageas sollicitent la suspension de la convocation, de la tenue et des effets d'une assemblée générale qui doit se tenir le 8 novembre 2010 et, ensuite, la suspension de toutes mesures visant à empêcher la conversion des MCS en date du 7 décembre 2010.

Les intervenantes volontaires demandent d'ordonner aux défenderesses de s'abstenir de toute action qui empêcherait, ou risquerait d'empêcher ou de retarder la conversion des MCS le 7 décembre 2010, date de la maturité contractuelle.

Il ressort de ces dates que seule une action en référé permet d'entendre statuer sur les demandes endéans un délai utile.

Une prolongation de la date de maturité exposerait (potentiellement) ABN Amro au risque de paiement éventuel des intérêts au taux de 8,75% par an au-delà du 7 décembre 2010, ce qui représenterait une charge considérable.

Les sociétés Ageas et Fortis Banque sont codébiteurs solidaires des obligations d'ABN Amro.

En outre, ABN Amro devrait continuer en cas de non-conversion des MCS à la date du 7 décembre 2010 à inscrire au passif de sa comptabilité une dette de 2.000.000.000 EUR, ce qui affecterait naturellement sa situation financière en ne lui permettant pas de renforcer de fonds propres à concurrence de 2.000.000.000 EUR.

L'urgence est dès lors justifiée.

6. Apparence de droit
6.1. Droit applicable

Les obligations MCS sont régies par le droit anglais sauf en ce qui concerne les dispositions applicables aux assemblées générales des obligataires pour lesquelles le droit belge s'applique (art. 19.1 du Trust Deed et art. 23, (a) des conditions).

6.2. Droit de convocation

Sur base de l'article 569 C.soc. (et avant lui de l'art. 91 LCSC) ainsi que des dispositions du Trust Deed, les obligataires peuvent prendre l'initiative de convoquer l'assemblée générale des obligataires.

L'article 569 C.soc. dispose en effet:

“Le conseil d'administration et les commissaires peuvent convoquer les porteurs d'obligations en assemblée générale.

Ils doivent convoquer cette assemblée sur la demande d'obligataires représentant le cinquième du montant des titres en circulation.”

Le Trust Deed reprend le même principe, tout en conférant au Trustee lui-même un droit d'initiative et en élargissant le droit de convoquer l'assemblée aux détenteurs d'obligations MCS détenant au moins 10% du montant principal des titres en circulation (point 3 de l'annexe 3).

En demandant au Trustee conformément aux dispositions du Trust Deed de convoquer une assemblée, les concluantes ont donc fait usage de leur droit.

Cette convocation ne peut dès lors être qualifiée de voie de fait.

Il appartient au juge du fonds de décider si cette convocation constitue ou non un abus de droit.

6.3. Régularité de la convocation?

Fortis Banque soutient que l'assemblée générale des détenteurs de MCS devrait nécessairement être convoquée par le conseil d'administration ou les commissaires de l'une des sociétés émettrices.

Or, le point 3 de l'annexe 3 du Trust Deed précise expressément que:

“Les émetteurs ou le Trustee peuvent à tout moment convoquer une assemblée. S'il reçoit une demande écrite de détenteurs de MCS détenant au moins 10% du montant principal des MCS en circulation et qu'il est pleinement indemnisé, conformément à ses attentes, de ses frais et dépenses, le Trustee convoquera une assemblée. Toute assemblée sera tenue à une date et à un lieu approuvés par le Trustee.”

Ces termes sont clairs et précis.

Il impose au Trustee de convoquer une assemblée sur demande écrite d'au moins 10% des détenteurs de MCS.

L'article 31 de l'annexe 3 du Trust Deed stipulant que:

“Nonobstant toute stipulation antérieure dans le Trust Deed, aucune décision des obligataires de MCS, qui dans l'opinion des émetteurs porte sur un des points visés à l'article 568 du Code des sociétés, ne pourra avoir d'effet à moins qu'une telle décision ait été prise lors d'une assemblée générale conforme au droit belge.”

n'implique pas que les règles relatives à la convocation d'une assemblée générale ne peuvent être réglées par le Trust Deed et devraient se conformer strictement à l'article 569 du Code des sociétés pour que l'assemblée soit conforme au droit belge.

Si l'article 18, (a) des conditions (annexe 1 du Trust Deed), qui a trait aux réunions des obligataires, ne mentionne pas cette possibilité de convocation par le Trustee sur demande écrite de 10% des détenteurs de MCS, cet article ne l'exclut cependant pas.

Prima facie la convocation paraît dès lors régulière.

6.4. Ordre du jour

L'article 568 C.soc. énonce:

“Quand le capital social est entièrement appelé, l'assemblée générale des obligataires a le droit:

1° de proroger une ou plusieurs échéances d'intérêts, de consentir à la réduction du taux de l'intérêt ou d'en modifier les conditions de paiement;

2° de prolonger la durée du remboursement, de le suspendre et de consentir des modifications aux conditions dans lesquelles il doit avoir lieu;

...”

L'annexe 3 du Trust Deed, qui détaille les dispositions concernant les assemblées de détenteurs de MCS, dispose parmi les pouvoirs de l'assemblée au point 2.10 celui “de modifier la maturité des MCS ou les dates auxquelles les intérêts sur ceux-ci sont payables”.

Le point visé à l'ordre du jour entre donc dans la compétence de l'assemblée des obligataires, même si les sociétés émettrices contestent être tenues par la décision prise.

La convocation avec l'ordre du jour visant à proroger la maturité des MCS ne constitue dès lors pas prima facie une voie de fait.

Il appartient au juge du fonds de décider si la convocation de l'assemblée générale avec un tel ordre du jour constitue ou non un abus de droit.

6.5. Effet obligatoire de la décision à l'égard des émetteurs?
6.5.1. Droit applicable

Il existe une divergence quant au droit applicable entre ABN Amro et les défenderesses.

ABN Amro soutient en effet qu'il appartient au droit anglais de déterminer si le contenu et les modalités du Trust Deed sont susceptibles d'être modifiés par décision unilatérale de l'assemblée générale des obligataires.

Les défenderesses soutiennent que le droit anglais n'est pas applicable tant en ce qui concerne les dispositions relatives aux assemblées générales des obligataires qu'au droit de modifier les conditions d'émission.

Dans le cadre du référé, ces discussions sur le droit applicable sont sans pertinence, dans la mesure où le droit belge et le droit anglais paraissent identiques en la matière et mèneraient aux mêmes conclusions.

6.5.2. Pouvoir de décision sans l'accord des émetteurs?

Prima facie il n'appartient pas aux porteurs d'obligations de modifier unilatéralement les termes et conditions d'obligations sans l'accord des sociétés ayant émis ces obligations.

L'émission des MCS repose en effet sur une relation contractuelle entre, d'une part, les émetteurs de ces instruments financiers MCS et, d'autre part, les obligataires.

Les modalités et conditions de ces obligations ont été fixées le jour de leur émission et ne peuvent, conformément aux principes du droit des contrats, être modifiées qu'avec l'accord mutuel de l'ensemble des parties (art. 1134, 3ème al. du Code civil).

L'institution de l'assemblée générale des obligataires apporte un tempérament au principe de la force obligatoire des contrats, en ce qu'elle prévoit que des résolutions prises par l'assemblée générale lient l'ensemble des obligataires. Cette institution a pour but de permettre aux sociétés émettrices d'avoir un interlocuteur unique dans leurs relations avec les obligataires. En l'absence d'un tel instrument, la société émettrice devrait en effet obtenir l'accord unanime de tous les obligataires pour pouvoir procéder à une modification des conditions de l'emprunt obligataire. Il serait dès lors, en d'autres mots, impossible de convenir de quelque modification que ce soit puisque un petit nombre d'obligataires aurait le pouvoir de bloquer toute modification, alors même que celle-ci serait dans l'intérêt de la société et des obligataires. L'assemblée générale des obligataires a donc été instituée pour pallier à cette difficulté.

L'article 568 C.soc. ne règle donc pas la répartition des compétences de décision entre la société émettrice, le conseil d'administration, l'assemblée générale des actionnaires et l'assemblée générale des obligataires.

L'octroi d'un pouvoir d'initiative aux obligataires sur base de l'article 569 C.soc. et du Trust Deed (en l'espèce les détenteurs de 10% au moins des MCS) ne signifie pas qu'un pouvoir de prendre des décisions unilatérales aurait été octroyé à l'assemblée des détenteurs de MCS.

Par conséquent, le fait que l'article 568 du Code des sociétés n'indique pas expressément que les décisions prises par l'assemblée générale doivent être proposées ou approuvées par la société ou le fait que l'assemblée des obligataires est classée dans le Code des sociétés sous le titre IV intitulé 'Organes' ne donnent pas prima facie un droit de modification unilatérale à l'assemblée des obligataires.

Les Fonds d'investissement soutiennent que l'annexe 3 du Trust Deed donne à l'assemblée des obligataires un pouvoir unilatéral d'imposer aux émetteurs des modifications aux conditions de l'émission.

Au vu de la longueur des conclusions rédigées par les défenderesses, elles ne peuvent pas soutenir sérieusement que les sociétés émettrices ont clairement indiqué que l'assemblée générale dispose du droit de modifier unilatéralement certains aspects des conditions.

Le raisonnement des défenderesses mènerait par ailleurs à des situations absurdes.

Si l'on reconnaissait à l'assemblée le droit de modifier unilatéralement la maturité des MCS et de reporter celle-ci de 20 ans, voire in eternam, il faudrait de la même manière admettre qu'elle puisse - toujours sans l'accord des sociétés émettrices - augmenter le taux d'intérêt contractuel de 8,75% par an, modifier le taux de conversion contractuellement prévu ou exiger un remboursement anticipé des obligations!

Si l'on devait suivre le raisonnement des défenderesses, l'annexe 3 donnerait un blanc-seing à l'assemblée générale des obligataires puisque, en application de l'article 2.17 de cette annexe, elle pourrait modifier elle-même ses propres pouvoirs.

En l'espèce, aucun des débiteurs de l'obligation, à savoir les sociétés émettrices, n'est d'accord d'étendre son obligation de payer des intérêts au taux de 8,75% par an pendant 23 ans, au lieu des 3 ans contractuellement prévus.

Le Trustee n'a pas reçu mandat des émetteurs pour convoquer l'assemblée générale des obligataires et ne représente pas les sociétés émettrices.

Le fait qu'il convoque l'assemblée générale des obligataires à la demande des obligataires n'implique donc aucunement un accord de la société sur les résolutions proposées.

Prima facie, une décision prise par l'assemblée des détenteurs de MCS qui modifierait la date de maturité ne pourrait par conséquent lier les émetteurs des MCS.

6.6. La conversion au 7 décembre 2030

Prima facie, il en résulte qu'une décision prise par l'assemblée des détenteurs de MCS quant au report de la date de maturité, qui ne serait pas acceptée par les émetteurs, ne pourrait avoir pour effet de modifier la date de maturité du 7 décembre 2010.

7. Mesures
7.1. Menace sur la conversion des MCS à la date du 7 décembre 2010

La non-conversion des MCS le 7 décembre 2010 priverait les demanderesses de manière définitive d'un droit contractuel dont elles sont titulaires.

Les Fonds d'investissement sont détenteurs de près de la moitié des MCS.

La résolution qu'ils ont proposée a dès lors des chances d'être adoptée ce 8 novembre 2010.

Dans la mesure où les défenderesses considèrent sans apparence de droit suffisante que la décision prise par l'assemblée lierait les émetteurs sans leur accord, la crainte des demanderesses quant à 'l'usage' que pourrait en faire les défenderesses est compréhensible d'autant que les défenderesses restent imprécises à ce sujet.

En outre, les Fonds d'investissement identifient eux aussi la potentialité d'un blocage du fonctionnement de la conversion des MCS au niveau des différents intermédiaires dans l'opération (conclusions principales des défenderesses, p. 24, n° 48, par. 3), même si elles ajoutent que cela reste à démontrer.

Du fait de l'apparence 'officielle' et du contenu de la convocation de l'assemblée générale des obligataires, notifiée par le Trustee, les autres obligataires MCS et des intervenants dans le processus de conversion pourraient croire que l'assemblée générale ainsi convoquée a le pouvoir unilatéral de reporter la maturité des MCS, alors que prima facie elle ne dispose pas d'un tel droit.

Les demanderesses peuvent dès lors craindre au vu de la thèse défendue par les défenderesses que celles-ci n'utilisent la décision de l'assemblée générale qu'afin d'empêcher la conversion des titres à la date prévue.

Il existe donc une menace pour les demanderesses que les défenderesses tentent d'empêcher la conversion des MCS le 7 décembre 2010 en utilisant une telle résolution, notamment en alléguant que cette résolution est opposable à tous, y compris aux émetteurs, et donc à toutes les parties qui devront participer à cette conversion.

Par ailleurs, les démarches des Fonds d'investissement permettent d'entretenir l'incertitude des marchés financiers quant à la réalisation de la conversion à la date fixée par l'émission le 7 décembre 2010.

Il convient dès lors de prendre des mesures.

7.2. Mesures demandées par les intervenantes volontaires

Les défenderesses ont acheté les MCS en 2009 et 2010 en pleine connaissance de cause. Elles savaient parfaitement que les MCS seraient obligatoirement converties le 7 décembre 2010 sur la base d'un taux de conversion qui, vu la chute des cours des titres Fortis-Ageas ne leur serait pas favorable.

Si la conversion des MCS ne peut avoir lieu le 7 décembre 2010, ABN Amro subira un préjudice (la prolongation de la date de maturité entraînant potentiellement des charges d'intérêts au taux de 8,75% par an et le maintien au passif de sa comptabilité d'une dette de 2.000.000.000 EUR), alors que, prima facie, les obligataires MCS n'ont aucun droit à modifier de manière unilatérale la date de maturité des MCS.

Les défenderesses reconnaissent que la demande principale d'ABN Amro ne porte pas préjudice au fond. Elles se bornent à dire qu'elles n'en aperçoivent pas l'objet.

Selon les dires mêmes des défenderesses, si la conversion des MCS intervient le 7 décembre 2010 mais s'avère par la suite illégale, elle serait susceptible d'annulation dans le cadre de la procédure au fond.

Cette conversion, et par conséquent la demande principale d'ABN Amro et de la SA Fortis Banque, ne porte donc aucun préjudice aux Fonds d'investissement.

La balance des intérêts en présence et la disproportion entre les préjudices éventuels susceptibles d'être subis par les demanderesses, d'un côté, et les défenderesses, de l'autre, justifient d'accueillir la demande sollicitée en ordre principal par ABN Amro et Fortis Banque d'entendre ordonner aux défenderesses de s'abstenir de toute action qui empêcherait ou risquerait d'empêcher la conversion des MCS le 7 décembre 2010.

7.3. Mesures demandées par Ageas
7.3.1. Convocation et tenue de l'assemblée

La convocation avec son ordre du jour ne constitue pas une voie de fait (cf. supra 6.2, 6.4).

Les mesures tendant à interdire la tenue de l'assemblée litigieuse priveraient de leur objet la demande que les défenderesses ont introduite au fond devant le tribunal de céans par citation du 1er octobre 2010 aux fins de faire dire pour droit que les sociétés émettrices seront liées par les délibérations de l'assemblée à intervenir.

Si l'assemblée des obligataires ne se prononce pas avant le 7 décembre 2010, la conversion interviendra et sera impossible à critiquer puisque les conditions d'émission n'auront pas été modifiées.

Si une décision est prise, le juge du fond pourrait lui reconnaître un effet et les défenderesses pourraient faire annuler la conversion.

L'incidence éventuelle de la publication de la convocation, de la tenue de l'assemblée ou de la décision de cette assemblée sur le cours des MCS ne saurait justifier que les défenderesses soient privées de leur droit apparent de convocation et de tenue d'une assemblée.

La pression exercée sur les sociétés émettrices par la tenue de l'assemblée n'est pas en soi illicite.

Interdire l'usage de pareil droit, parce qu'il serait utilisé comme moyen de pression, reviendrait à nier l'existence même de ce droit, puisqu'il a été conçu notamment pour permettre de faire pression sur l'émetteur.

Les mesures tendant à la suspension de la convocation et de la tenue de l'assemblée dépassent dès lors le cadre du provisoire et il n'y a pas lieu d'y faire droit.

7.3.2. Suspension des décisions

Si la résolution est votée et que la conversion des MCS ne peut avoir lieu le 7 décembre 2010, les sociétés Ageas subiront un préjudice (la prolongation de la date de maturité entraînant potentiellement des charges d'intérêts au taux de 8,75% par an dont elles sont débiteurs solidaires et l'incertitude quant à la consistance de leur capital étant maintenue), alors que, prima facie, les obligataires MCS n'ont aucun droit à modifier de manière unilatérale la date de maturité des MCS.

La mesure tendant à suspendre les effets des décisions qui seraient prises par l'assemblée jusqu'à ce qu'il ait été tranché définitivement sur l'action introduite le 4 novembre devant le tribunal de commerce de Bruxelles est provisoire et ne cause aucun préjudice aux défenderesses (cf. supra 7.2).

Il y a lieu par conséquent d'y faire droit sur base des motifs explicités au point 7.1.

8. Dépens

Il convient de les réserver compte tenu de la demande au fond.

Par ces motifs

Nous, Renée Rubinstein, présidente du tribunal de commerce de Bruxelles, siégeant à l'audience publique des référés, rue de la Régence, 4 à 1000 Bruxelles en remplacement du président du tribunal de commerce de Bruxelles faisant fonction légalement empêché, assistée de Roger Berns, greffier-chef de service;

Vu les dispositions de la loi du 15 juin 1935 sur l'emploi des langues en matière judiciaire;

Statuant contradictoirement,

Recevons la société anonyme de droit néerlandais ABN Amro Bank NV en tant que partie intervenante;

Recevons la SA Fortis Banque en tant que partie intervenante;

Donnons acte à BNY Corporate Trustee Services Limited qu'elle se réfère à justice concernant le litige né entre les défenderesses et les demanderesses.

Donnons acte à la société anonyme de droit français BNP Paribas Securities Services qu'elle se réfère à justice.

En ce qui concerne la demande des sociétés Ageas SA/NV et Ageas NV

La déclarons recevable et fondée dans la mesure ci-après:

Suspendons les effets à l'égard des sociétés Ageas SA/NV et Ageas NV de toute décision qui serait éventuellement prise par l'assemblée générale des obligataires MCS, avant le 7 décembre 2010, en vue de changer la date de maturité des MCS fixée au 7 décembre 2010 et/ou en vue d'empêcher la réalisation de cette conversion le 7 décembre 2010;

Et ce, jusqu'à ce qu'il ait été tranché définitivement sur l'action introduite par les Fonds d'investissement devant le tribunal de commerce de Bruxelles le 4 novembre 2010.

Déclarons l'ordonnance commune à BNY Corporate Trustee Services Limited et à la société anonyme de droit français BNP Paribas Securities Services, ainsi qu'à la SA Fortis Banque et à la société anonyme de droit néerlandais ABN Amro Bank, intervenantes volontaires.

Autorisons tout huissier de justice à signifier l'ordonnance au lieu de l'assemblée générale des obligataires (en l'hôtel Sheraton, place Rogier 3 à 1210 Bruxelles), aux Trustee, sociétés émettrices des MCS et aux porteurs de MCS et/ou à leurs représentants présents.

En ce qui concerne les demandes des intervenantes volontaires

Les déclarons recevables et fondées;

Ordonnons à Third Point Partners Qualified L.P., Third Point Partners L.P., Third Point Offshore Master Fund L.P., Third Point Ultra Master Fund L.P., QVT Fund L.P. et Quintessence Fund L.P., au Trustee et à BNP Paribas Securities Services de s'abstenir de toute action qui empêcherait, ou risquerait d'empêcher ou de retarder la conversion des MCS le 7 décembre 2010, date de la maturité contractuelle, et notamment de leur ordonner d'annoncer, clairement et dans l'immédiat, aux autres obligataires MCS et au marché financier qu'elles ne s'opposeront pas à la conversion des MCS à la date de leur maturité, soit le 7 décembre 2010, sous peine d'une astreinte de 1.000.000 EUR par infraction et par jour de retard de la conversion.

Ordonnons l'exécution de l'ordonnance sur la minute.

Réservons les dépens.