Article

Cour d'appel Bruxelles, 05/05/2010, R.D.C.-T.B.H., 2012/1, p. 43-48

Cour d'appel de Bruxelles 5 mai 2010

SOCIÉTÉ ANONYME
Assemblée générale des actionnaires - Nullité des décisions - Délai de convocation - Entrée en vigueur - Preuve
Conformément à l'article 533 C.soc., la convocation des actionnaires doit avoir lieu quinze jours au moins préalablement à la tenue de l'assemblée générale des actionnaires. Dans l'hypothèse où ce délai n'est pas respecté, tout intéressé pourra requérir la nullité des décisions prises sur base de l'article 64, 1° C.soc., à condition qu'il puisse démontrer que l'irrégularité de la convocation a pu avoir une influence sur la décision. La charge de la preuve quant au respect du délai incombe à la société. Ainsi, un actionnaire minoritaire qui déclare ne pas avoir reçu la lettre de convocation, envoyée par courrier recommandé, quinze jours au moins préalablement à l'assemblée, sans que la société ne prouve le contraire, pourra obtenir la nullité de la décision de l'assemblée générale, même si la lettre de convocation aurait bien été envoyée dans le délai de quinze jours au moins préalablement à l'assemblée. Le respect des droits de la défense de l'actionnaire et le ratio de l'article 533 C.soc. impliquent en effet que le délai de quinze jours ne peut commencer à courir qu'à partir du moment où le destinataire de la lettre de convocation aura effectivement pu prendre connaissance de ladite lettre.
NAAMLOZE VENNOOTSCHAP
Algemene vergadering van aandeelhouders - Nietigheid beslissingen - Oproepingstermijn - Aanvangsdatum - Bewijslast
Overeenkomstig artikel 533 W.Venn. dient de oproeping van de aandeelhouders ten minste vijftien dagen voor het plaatsvinden van de algemene vergadering te geschieden. Wordt deze termijn niet nageleefd, dan kan elke belanghebbende op grond van artikel 64, 1° W.Venn. de nietigheid van de genomen beslissing(en) vorderen, op voorwaarde dat hij kan aantonen dat de onregelmatigheid in de oproeping de beslissing heeft kunnen beïnvloeden. De bewijslast inzake het naleven van de termijn rust op de vennootschap. Zo kan een minderheidsaandeelhouder die aanvoert een per aangetekende post verstuurde oproepingsbrief niet ten minste vijftien dagen voor de vergadering ontvangen te hebben, zonder dat de vennootschap het tegendeel bewijst, die nietigheid van een beslissing van de algemene vergadering verkrijgen, ook al zou de oproepingsbrief wel minstens vijftien dagen voor de vergadering verzonden zijn. Het respect voor de rechten van verdediging van de aandeelhouder en de ratio van artikel 533 W.Venn. impliceren immers dat de termijn van vijftien dagen pas een aanvang neemt wanneer de bestemmeling van de oproepingsbrief daadwerkelijk kennis heeft kunnen krijgen van de brief.

E.d.B. / SA Orfival

Siég.: H. Mackelbert, M.-F. Carlier et M. Morris (conseillers)
Pl.: Mes B. Cartuyvels, F. De Decker et Ch. Hoogstoel, S. Darcheville
I. Décision attaquée

L'appel est dirigé contre le jugement prononcé le 9 octobre 2008 par le tribunal de commerce de Nivelles.

Les parties ne produisent pas d'acte de signification de ce jugement.

II. La procédure devant la cour

L'appel est formé par requête déposée par monsieur E.d.B., le 30 octobre 2008.

La procédure est contradictoire.

Il est fait application de l'article 24 de la loi du 15 juin 1935 sur l'emploi des langues en matière judiciaire.

III. Les faits et antécédents de la procédure

1. Monsieur E.d.B. est actionnaire historique de la SA Orfival, active dans le secteur du développement d'un programme informatique de gestion globale de portefeuilles d'actifs. En 2001, il possédait 20% du capital de cette société. A la suite d'opérations d'émission de warrants à laquelle monsieur E.d.B. n'a pas participé, sa participation dans le capital de la société a été diluée et au 31 décembre 2006, il détenait 11,8% des actions, l'actionnaire majoritaire étant le 'management', dont monsieur P.G.

En raison d'un manque de liquidités, la SA Orfival a accusé un retard de paiement de ses dettes sociales et de la TVA, ce qui a entraîné notamment, l'ouverture d'un dossier auprès du service des enquêtes commerciales du tribunal de commerce de Nivelles.

2. Pour procurer à la société les liquidités nécessaires à la poursuite de ses activités, une opération d'émission d'obligations convertibles subordonnées a été mise en place. Le montant du prêt subordonné est de 200.000 EUR pour une durée venant à échéance le 31 décembre 2014, pour un taux d'intérêt prime rate (six ans) majoré de 3%, les intérêts étant payables trimestriellement. Le taux de conversion, calculé sur la base de 4,5 fois le chiffre d'affaires récurrent sous déduction des dettes de la société, donne 380 actions pour 1.000 EUR de valeur nominale.

Par un courrier électronique du 6 mars 2007, monsieur P.G. informe monsieur E.d.B. de la tenue d'une assemblée générale dont l'objet est l'approbation de l'opération de refinancement de la société Orfival et propose la date du 23 mars 2007. En raison de l'indisponibilité de monsieur E.d.B. à cette date, une assemblée générale extraordinaire est convoquée pour le 10 avril 2007. Les convocations sont envoyées par courrier recommandé à la poste le 23 mars 2007 qui est un vendredi. Par un courrier électronique du 26 mars 2007, monsieur P.G. prévient monsieur E.d.B. que l'assemblée générale qui doit se prononcer sur l'émission d'un emprunt convertible se réunira le 10 avril 2007 à 16h et ajoute: “normalement, tu devrais recevoir l'ordre du jour rapidement”.

Par courrier du 4 avril 2007, l'avocat de monsieur E.d.B. écrit au notaire devant lequel l'assemblée générale du 10 avril 2007 devait se tenir, que le délai de convocation n'est pas valable et demande la communication de documents. L'avocat d'Orfival répond par un courrier officiel que l'assemblée générale extraordinaire est valablement convoquée et confirme la tenue de cette assemblée générale le 10 avril 2007. Monsieur E.d.B., qui se trouve aux Etats-Unis à ce moment, ne participe pas à ladite assemblée générale et n'y est pas représenté.

3. Le 10 avril 2007, l'assemblée générale extraordinaire, tenue devant le notaire Sterckmans, décide d'émettre les obligations convertibles aux conditions précitées. Le même jour, les administrateurs font acter, par un acte séparé, l'augmentation effective de capital découlant de l'exercice des warrants émis le 27 novembre 2001 au bénéfice du personnel et de monsieur P.G.

Le 16 avril 2007, l'avis de souscription de l'emprunt obligataire subordonné est notifié par pli recommandé à l'ensemble des actionnaires de la SA Orfival. Monsieur E.d.B. ne participe pas à cette souscription.

4. L'assemblée générale ordinaire de la SA Orfival a lieu le 18 mai 2007, en l'absence de monsieur E.d.B. Les comptes annuels arrêtés au 31 décembre 2006 sont approuvés et décharge est donnée aux administrateurs. La poursuite des activités de la société nonobstant la perte de plus de la moitié de son capital social est également décidée.

5. Par citation du 2 octobre 2007, monsieur E.d.B. cite la SA Orfival devant le tribunal de commerce de Nivelles aux fins de:

- prononcer l'annulation de l'assemblée générale extraordinaire du 10 avril 2007 ou, subsidiairement, prononcer l'annulation des décisions qu'elle a prises en tant qu'elle a décidé d'émettre un emprunt obligataire convertible;

- prononcer l'annulation de l'assemblée générale ordinaire du 18 mai 2007 ou subsidiairement, prononcer l'annulation des décisions qu'elle a prises en tant qu'elle a donné décharge aux administrateurs, décidé de poursuivre l'activité nonobstant la perte de la moitié du capital social et approuvé les comptes arrêtés au 31 décembre 2006.

La SA Orfival introduit une demande reconventionnelle qui a pour objet de condamner monsieur E.d.B. au paiement de ses frais de défense, fixés provisoirement à 7.500 EUR, sous réserve de majoration ou de diminution en cours d'instance.

6. Le premier juge déboute monsieur E.d.B. de sa demande et ne fait pas droit à la demande reconventionnelle de la SA Orfival.

7. En appel, monsieur E.d.B. demande à la cour de:

- prononcer l'annulation de l'assemblée générale extraordinaire du 10 avril 2007 ou, subsidiairement, prononcer l'annulation des décisions qu'elle a prises en tant qu'elle a décidé d'émettre un emprunt obligataire convertible;

- prononcer l'annulation de l'assemblée générale ordinaire du 18 mai 2007 ou, subsidiairement, prononcer l'annulation des décisions qu'elle a prises en tant qu'elle a donné décharge aux administrateurs, décidé de poursuivre l'activité nonobstant la perte de la moitié du capital social et approuvé les comptes annuels arrêtés au 31 décembre 2006.

IV. Discussion
A. L'assemblée générale extraordinaire du 10 avril 2007

8. D'après l'article 64, 1° du Code des sociétés, “est frappée de nullité, la décision prise par une assemblée générale: 1° lorsque la décision prise est entachée d'une irrégularité de forme, si le demandeur prouve que cette irrégularité a pu avoir une incidence sur la décision”.

L'article 533 du Code des sociétés prévoit que les convocations aux assemblées générales des sociétés anonymes sont faites soit par des annonces insérées dans le Moniteur belge ou dans la presse, soit par l'envoi de convocations “quinze jours au moins avant l'assemblée”.

En l'espèce, les convocations à l'assemblée générale extraordinaire du 10 avril 2007 ont été envoyées par pli recommandé à la poste le 23 mars 2007 qui était un vendredi. Monsieur E.d.B. n'a pas pu recevoir cette convocation avant le lundi 26 mars 2007 au plus tôt.

9. D'après la jurisprudence de la Cour constitutionnelle, “l'article 371 du Code des impôts sur les revenus 1992 viole les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'il dispose que le délai de recours court à partir de la date d'envoi figurant sur l'avertissement-extrait de rôle mentionnant le délai de réclamation”. En effet, “le choix de la date d'envoi de l'avis d'imposition ou de l'avertissement-extrait de rôle comme point de départ du délai de recours apporte une restriction disproportionnée aux droits de la défense des destinataires, les délais de recours commençant à courir à un moment où ces derniers ne peuvent pas avoir connaissance du contenu de l'avis d'imposition ou de l'avertissement-extrait de rôle” (C.const. 19 décembre 2007, n° 162/2007, B.3.).

De même, selon la jurisprudence récente de la Cour de cassation, le délai pour introduire une réclamation contre un impôt court à partir de la date à laquelle la lettre, portant l'avertissement-extrait de rôle ou l'avis de cotisation à la connaissance du destinataire par courrier simple, doit être présumée avoir été présentée à ce destinataire et ne court pas à partir de la date à laquelle la lettre a été confiée aux services de la poste (Cass. 12 novembre 2009, RG n° F.08.0049.N).

En outre, la Cour a précisé en matière de signification à l'étranger que lorsqu'une convention règle les modes de transmission des actes judiciaires, il y a signification, à l'égard du destinataire, au moment de la remise de l'acte à celui-ci (art. 32, 1° et 40, 1er al. C.jud.; art. 2, 1er al., 5 et 6 de la Convention de La Haye du 15 novembre 1965 relative à la signification et à la notification à l'étranger des actes judiciaires en matière civile et commerciale) (Cass. 21 décembre 2007, RG n° C.06.0155.F).

10. Certes, la convocation à l'assemblée générale d'une société anonyme ne fait pas courir un délai de recours mais relève du droit de l'actionnaire d'exercer valablement ses droits au cours de ladite assemblée générale. Lorsque l'article 533 du Code des sociétés prévoit que la convocation à une assemblée générale doit être faite quinze jours au moins avant l'assemblée, il impose qu'un délai de quinze jours minimum s'écoule entre cette convocation et la tenue de l'assemblée, de manière à ce que les actionnaires disposent du délai utile à la préparation de cette assemblée. Le délai de convocation d'une assemblée générale relève de l'exercice des droits de la défense des actionnaires, surtout lorsqu'il s'agit, comme en l'espèce, d'un actionnaire minoritaire.

Conformément aux principes généraux qui sont à la base de la jurisprudence précitée, un délai ne peut commencer à courir sans que le destinataire en soit avisé ou ait la possibilité de prendre connaissance de l'existence du fait générateur de ce délai, sans quoi ses droits de la défense s'en trouveraient violés. En conséquence, le délai de convocation de l'assemblée générale d'une société anonyme commence à courir non pas à la date d'envoi de cette convocation, mais à la date à laquelle l'actionnaire destinataire de celle-ci a eu la possibilité d'en prendre connaissance, soit à la date à laquelle cette convocation lui est effectivement remise, soit celle à laquelle elle lui est présentée par les services de la Poste. Seule cette dernière interprétation est conciliable avec le principe fondamental des droits de la défense qui ont donné lieu à la jurisprudence concernant le délai de réclamation contre un impôt sur les revenus, alors que l'article 371 du CIR 1992 prévoit expressément que ce délai commence à courir à la date d'envoi de l'avertissement-extrait de rôle ou de l'avis de cotisation, ce qui n'est pas le cas de l'article 533 du Code des sociétés.

11. La charge de la preuve du respect des formalités de convocation de l'assemblée générale du 10 avril 2007 repose sur la SA Orfival. Il lui appartient de démontrer qu'un délai d'au moins quinze jours s'est écoulé entre la date à laquelle monsieur E.d.B. a reçu la convocation envoyée le 23 mars 2007 par pli recommandé ou la date à laquelle le pli a été présenté à son domicile et la tenue de l'assemblée générale. Ce n'est pas à monsieur E.d.B. de prouver qu'il n'a pas reçu la convocation dans le délai minimum de quinze jours. L'article 533 du Code des sociétés impose, en effet, aux sociétés anonymes des formalités de convocation aux assemblées générales afin que celles-ci soient régulières. La SA Orfival qui se prévaut de la régularité de la convocation à l'assemblée générale du 10 avril 2007 supporte en conséquence la charge de la preuve du respect des formalités légales de convocation.

Monsieur E.d.B. soutient avoir reçu la convocation le 27 mars 2007 qui était un mardi. La SA Orfival ne rapporte aucun élément de nature à établir que monsieur E.d.B. aurait reçu la convocation le lundi 26 mars 2007 ou que le pli recommandé contenant cette convocation aurait été présenté à son domicile à cette dernière date.

Il y a lieu en conséquence de considérer que la convocation à l'assemblée générale du 10 avril 2007 est parvenue à monsieur E.d.B. le 27 mars 2007, de sorte que cette convocation n'a pas été faite dans le délai minimum de quinze jours prévu par la loi. La circonstance que monsieur E.d.B. ait été averti de la tenue de cette assemblée générale à la date du 10 avril 2007 bien avant l'envoi de la convocation n'a aucune incidence parce que les formes de la convocation à une assemblée générale sont prévues par la loi et que ces formalités légales sont prévues à peine de nullité par l'article 64, 1° du Code des sociétés.

12. L'irrégularité de forme d'une décision prise par l'assemblée générale est frappée de nullité lorsque le demandeur en nullité prouve que cette irrégularité “a pu avoir une influence sur la décision”.

Monsieur E.d.B. ne doit donc pas démontrer qu'en l'absence de l'irrégularité de la convocation à l'assemblée générale du 10 avril 2007, les décisions qu'elle a prises auraient été autres, mais que cette irrégularité a été susceptible d'exercer une influence sur ces décisions. La première interprétation signifierait que les actionnaires minoritaires ne pourraient jamais se prévaloir d'une irrégularité de forme au motif qu'ils ne disposent pas de la majorité nécessaire à l'adoption d'une autre décision, ce qui n'est pas le sens de la loi lorsqu'elle dispose que la décision est frappée de nullité si l'irrégularité a pu avoir une influence sur la décision.

13. Par un courrier du 4 avril 2007, monsieur E.d.B. demande au notaire Sterckmans divers documents, dont la situation financière de la société au 31 décembre 2006 et la description complète du capital dans la mesure où les derniers comptes publiés lui permettent de croire que les warrants n'ont pas été convertis en capital. Il souligne également que les informations dont il dispose et le délai de convocation de l'assemblée générale sont insuffisants pour lui permettre d'évaluer la situation de la société et de prendre des décisions en connaissance de cause. Le projet de comptes annuels au 31 décembre 2006 ainsi que la situation de l'actionnariat sont communiqués à l'avocat de monsieur E.d.B. le vendredi 6 avril 2007. L'avocat de ce dernier répond le 10 avril 2010 qu'il n'a pu soumettre à son client le bilan provisoire au 31 décembre 2006 avant la tenue de l'assemblée et que pour cette raison, monsieur E.d.B. n'assistera pas à cette assemblée.

A la réception de l'avis de souscription de l'emprunt obligataire subordonné, l'avocat de monsieur E.d.B. écrit à l'avocat de la SA Orfival, le 3 mai 2007, qu'il ne souscrira pas à cet emprunt parce que le taux de conversion est inacceptable et que cet emprunt provoque une nouvelle dilution abusive du capital. Dans ses conclusions, il fait en effet valoir que pour calculer le taux de conversion, il faut ajouter les fonds propres de la société à la valeur obtenue suivant la formule 4,5 fois le chiffre d'affaires récurrent diminué des dettes de l'exercice et que sur la base de la situation provisoire produite à l'assemblée générale du 10 avril 2007, ces fonds propres sont de 79.857 EUR. Il critique encore la décision d'exclure du chiffre d'affaires récurrent le chiffre d'affaires résultant de la vente du logiciel pour ne retenir que celui provenant de la location de celui-ci. Le chiffre d'affaires retenu pour le calcul du taux de conversion est de 640.000 EUR, alors que d'après le rapport de gestion du conseil d'administration joint à la convocation du 10 mai 2007 à l'assemblée générale ordinaire du 18 mai 2007 ayant pour objet l'approbation des comptes annuels au 31 décembre 2006, le chiffre d'affaires (tenant compte des autres produits d'exploitation) est de 1.561.269 EUR. Ce même rapport mentionne que pour l'exercice 2005, le chiffre d'affaires était de 1.599.326 EUR. C'est dès lors légitimement que monsieur E.d.B. s'interroge sur le montant du chiffre d'affaires récurrent retenu pour calculer le taux de conversion de l'emprunt obligataire subordonné. Ce montant influence en effet le nombre d'actions à émettre par tranche de 1.000 EUR. Pour un chiffre d'affaires récurrent de 640.000 EUR, le taux de conversion est de 380 actions par tranche de 1.000 EUR, tandis que pour un chiffre d'affaires de 1.586.413 EUR, le taux de conversion est de 122 actions par tranche de 1.000 EUR (6.179.058 EUR: 753.152 actions = 8,2 EUR par actions, soit 122 actions par tranche de 1.000 EUR).

La circonstance que le taux de conversion retenu par le conseil d'administration favoriserait les actionnaires et que Monsieur E.d.B. pouvait en profiter n'énerve en rien les remarques pertinentes qu'il fait valoir à propos de l'opération telle qu'elle a été adoptée lors de l'assemblée générale du 10 avril 2007. En effet, cette assemblée générale a approuvé l'émission d'un emprunt obligataire subordonné pour procurer à la société les liquidités nécessaires à la poursuite de ses activités et de son développement, ce qui l'oblige à payer des charges financières élevées. Les actionnaires majoritaires peuvent, dans le cadre de cette opération, poursuivre un intérêt différent de celui de la société. Monsieur E.d.B. se demande encore légitimement les raisons pour lesquelles un emprunt obligataire a été émis pour un montant de 200.000 EUR, alors que le capital provenant de l'exercice des warrants n'était libéré qu'à concurrence d'un quart. La libération de ce capital aurait permis à la société de se procurer des liquidités à un moindre coût.

14. Monsieur E.d.B. démontre ainsi que l'irrégularité de la convocation à l'assemblée générale du 10 avril 2007 a pu exercer une influence sur les décisions qui ont été prises au cours de cette assemblée, relatives à l'émission d'un emprunt obligataire convertible et subordonné. S'il y avait participé, les arguments qu'il avance, qui sont pertinents, auraient pu influencer d'autres actionnaires et aboutir à des décisions différentes.

Par contre, monsieur E.d.B. ne démontre pas en quoi l'irrégularité de la convocation à cette assemblée générale est susceptible d'exercer une influence sur les décisions relatives à la modification de l'article 6 des statuts concernant la nature des actions et la publication des nominations décidées lors de l'assemblée générale du 26 mai 2004 (cinquième et sixième résolutions). Il en va de même du renouvellement du mandat d'administrateur de monsieur P.G. et du remplacement du représentant permanent de la SA Nivelinvest (septième et huitième résolutions).

En conséquence, les décisions prises au cours de l'assemblée générale extraordinaire du 10 avril 2007 concernant l'émission d'un emprunt obligataire convertible (première à quatrième résolutions) doivent être annulées sur la base de l'article 64, 1° du Code des sociétés.

Pour le surplus, il n'y a pas lieu de rencontrer les moyens et arguments soulevés par monsieur E.d.B. qui sont étrangers à la régularité de la convocation à l'assemblée générale extraordinaire, dès lors qu'ils ne sauraient modifier la décision de la cour.

B. L'assemblée générale ordinaire du 18 mai 2007

15. Monsieur E.d.B. poursuit l'annulation de l'assemblée générale ordinaire du 18 mai 2007 qui a décidé de:

- donner décharge aux administrateurs;

- poursuivre l'activité nonobstant la perte de la moitié du capital social;

- approuver les comptes annuels arrêtés au 31 décembre 2006.

16. Monsieur E.d.B. soutient que l'assemblée générale a voté la décharge aux administrateurs dans l'ignorance de la libération du capital résultant de l'exercice des warrants émis le 27 novembre 2001, à concurrence d'un quart seulement et que cette libération partielle est constitutive de faute. La décharge n'aurait pas été votée en connaissance de cause par l'assemblée générale.

Le rapport de gestion joint à la convocation à cette assemblée générale précise que le capital social a été modifié à la suite de l'exercice en septembre 2006, de warrants donnant droit à des actions de la société et que le conseil d'administration a fait constater l'effectivité de cette augmentation du capital par acte authentique du 10 avril 2007. Les actionnaires ont donc été informés de l'augmentation de capital résultant de l'exercice des warrants en 2006 et monsieur E.d.B. ne prouve pas qu'ils ont été trompés en ce qu'ils ignoraient que ce capital n'était libéré qu'à concurrence d'un quart.

L'émission de l'emprunt obligataire de 200.000 EUR avait déjà été votée par l'assemblée générale du 10 avril 2007 au moment où l'assemblée générale ordinaire a donné décharge aux administrateurs. Monsieur E.d.B. ne peut dès lors fonder sa demande d'annulation de cette dernière décision sur la faute que les administrateurs auraient commise en se contentant de la libération partielle du capital et en proposant à la société de s'endetter par l'émission d'un emprunt obligataire, plutôt que d'exiger la libération de la totalité du capital souscrit.

17. Selon monsieur E.d.B., la décision de poursuivre l'activité de la SA Orfival n'a pas été prise en connaissance de cause parce qu'elle se fonde sur la perspective de l'émission d'un emprunt obligataire, alors que si celle-ci est annulée, la société disposera de moins de liquidités.

Cette thèse ne peut être suivie dans la mesure où lorsque l'assemblée générale a voté sur la poursuite des activités de la société, la décision d'émettre un emprunt obligataire subordonné était prise depuis le 10 avril 2007. Il ne peut être soutenu que les actionnaires n'ont pas voté en connaissance de cause, puisqu'ils ne devaient pas dans le cadre de leur décision, tenir compte d'une éventuelle annulation de l'émission de l'emprunt obligataire qui interviendrait forcément a posteriori, d'autant plus que la citation par laquelle monsieur E.d.B. sollicite cette annulation a été signifiée le 2 octobre 2007.

18. Monsieur E.d.B. soutient que les comptes annuels clôturés au 31 décembre 2006, tels que présentés à l'assemblée générale ordinaire, sont inexacts, de sorte que leur approbation doit être annulée parce qu'ils ont fait l'objet de deux versions successives qui présentent des divergences. Dans la version présentée à l'assemblée générale extraordinaire du 10 avril 2007, l'actif net était de 70.857 EUR et la dette à l'égard de l'ONSS était de 121.160 EUR. Les comptes annuels approuvés au cours de l'assemblée générale ordinaire mentionnent un actif net négatif de 5.378,67 EUR et une dette vis-à-vis de l'ONSS de 245.317 EUR.

19. Les comptes présentés à l'assemblée générale extraordinaire du 10 avril 2007 sont un projet de comptes annuels qui étaient susceptibles de modifications, comme le précise d'ailleurs le courrier que l'avocat de la SA Orfival adresse à celui de monsieur E.d.B. le 6 avril 2007. Les comptes annuels présentés à l'assemblée générale ordinaire du 18 mai 2007 sont les comptes définitifs audités par le commissaire réviseur. La SA Orfival expose que la différence en ce qui concerne les fonds propres s'explique par les modifications suggérées par le commissaire réviseur concernant la réduction du poste 'recherches et développements' et le rejet partiel du résultat lié à des contrats de maintenance, ce qui a eu pour effet d'aggraver la perte de l'exercice.

En ce qui concerne la dette vis-à-vis de l'ONSS, les comptes annuels définitifs présentés à l'assemblée générale ordinaire mentionnent que le montant des dettes échues s'élève à 245.317,84 EUR (annexes du bilan). Le commissaire réviseur a donné une attestation sans réserve de ces comptes annuels et conclut qu'ils donnent une image fidèle du patrimoine, de la situation financière et des résultats de la société. Il ne peut donc être soutenu qu'en raison de la divergence du montant des dettes à l'égard de l'ONSS, les comptes annuels présentés à l'assemblée générale ordinaire seraient inexacts, d'autant plus que ceux présentés à l'assemblée générale du 10 avril 2007 constituent un projet encore susceptible de modifications.

20. Quant à l'absence d'écriture traduisant la créance de la société à l'égard des actionnaires ayant exercé les warrants, émis en 2001, pour un montant de 155.227,52 EUR, dans les comptes approuvés par l'assemblée générale ordinaire, elle est justifiée parce qu'à la clôture de l'exercice, le 31 décembre 2006, cette augmentation de capital n'avait pas encore été actée par le conseil d'administration de la société. L'adaptation du capital résulte en effet d'un acte du 10 avril 2007.

En conséquence, les comptes annuels approuvés par l'assemblée générale ordinaire ne sont pas inexacts.

C. L'indemnité de procédure

21. La SA Orfival demande en degré d'appel l'octroi de l'indemnité de procédure maximale pour les affaires non évaluables en argent, soit 10.000 EUR parce qu'en raison de la décision de monsieur E.d.B. d'interjeter appel, elle a été obligée de se défendre contre ses allégations.

Le fait d'exercer un recours contre la décision du premier juge et l'obligation corrélative de la SA Orfival de se défendre en justice ne justifient pas, en l'espèce, de déroger à l'indemnité de procédure de base de 1.200 EUR prévue pour les affaires non évaluables en argent.

Chacune des parties ayant obtenu gain de cause sur un chef de la demande, il y a lieu de compenser les dépens.

V. Dispositif

Pour ces motifs, LA COUR,

Reçoit l'appel de monsieur E.d.B. et le dit partiellement fondé;

En conséquence, réforme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a déclaré la demande originaire recevable et en ce qu'il a liquidé les dépens;

Statuant à nouveau pour le surplus,

Annule les décisions de l'assemblée générale extraordinaire de la SA Orfival du 10 avril 2007 concernant l'émission d'un emprunt obligataire convertible subordonné (première à quatrième résolutions);

Déboute monsieur E.d.B. de son appel pour le surplus,

Compense les dépens d'appel liquidés à 1.200 EUR + 186 EUR pour monsieur E.d.B. et à 1.200 EUR pour la SA Orfival et d'instance, tels que liquidés par le premier juge.

(…)