Article

Actualité : Cour de justice de l'Union européenne, 20/10/2011, R.D.C.-T.B.H., 2012/1, p. 109-111

Cour de justice de l'Union européenne 20 octobre 2011

Aff.: eDate Advertising GmbH / X (C-509/09) et O. Martinez et R. Martinez / MGN Limited (C-161/10)
DROIT JUDICIAIRE EUROPÉEN ET INTERNATIONAL
Compétence et exécution - Règlement 44/2001 (CE) du 22 décembre 2000 - Compétence - Article 5, paragraphe 3 du règlement (CE) n° 44/2001 - Compétence en matière délictuelle ou quasi délictuelle - Directive 2000/31/CE - Publication d'informations sur Internet - Atteinte aux droits de la personnalité - Lieu où le fait dommageable s'est produit ou risque de se produire - Droit applicable aux services de la société d'information


EUROPEES EN INTERNATIONAAL GERECHTELIJK RECHT
Executie en bevoegdheid - Verordening EG nr. 44/2001 van 22 december 2000 - Rechterlijke bevoegdheid, erkenning en tenuitvoerlegging van beslissingen in burgerlijke en handelszaken - Bevoegdheid - Artikel 5.3 van de verordening - Bevoegdheid in delictuele en quasi-delictuele zaken - Richtlijn 2000/31/EG - Inlichtingen op Internet gepubliceerd - Plaats waar de schade zich heeft voorgedaan of dreigt te ontstaan - Recht toepasselijk op de informatiemaatschappij


Dans un important arrêt du 28 octobre 2010 rendu dans les affaires jointes C-509/09, eDate Advertising GmbH / X et C-161/10, O. Martinez et R. Martinez / MGN Limited, la grande chambre de la Cour de justice a précisé les critères de détermination de la juridiction compétente pour connaître d'un litige portant sur l'atteinte aux droits de la personnalité au moyen d'Internet. Elle s'est également prononcée sur la nature du principe dit du 'pays d'origine' établi à l'article 3, paragraphes 1 et 2 de la directive 2000/13/CE relative à certains aspects juridiques des services de la société d'information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur (directive sur le commerce électronique).

Dans un premier temps, la Cour a répondu aux questions préjudicielles posées par le Bundesgerichtshof allemand et par le tribunal de grande instance de Paris, relatives à l'interprétation de l'article 5, paragraphe 3 du règlement (CE) n° 44/2001 (Règlement Bruxelles I), selon lequel, en matière délictuelle ou quasi délictuelle, une personne domiciliée dans un état membre peut être attraite devant le tribunal du lieu où le fait dommageable s'est produit ou risque de se produire. Ces questions avaient pour origine deux actions introduites en France et en Allemagne par des personnes domiciliées dans ces états qui s'estimaient victimes d'atteintes à leurs droits de la personnalité découlant de la mise en ligne d'articles et de photographies les concernant. Les actions en cause étaient introduite contre un gestionnaire d'un site Internet et un éditeur d'un journal en ligne établis, respectivement, au Royaume-Uni et en Autriche. Les juridictions nationales ont interrogé la Cour, en substance, sur la question de savoir si la simple possibilité technique de consulter un site Internet depuis l'état du for était suffisante pour fonder la compétence internationale des juridictions de cet état, ou bien si l'établissement de cette compétence internationale nécessitait un lien de rattachement plus significatif.

En répondant à ces questions, la Cour s'est référée à son arrêt du 7 mars 1995 dans l'affaire C-68/93, Shevill qui concernait la compétence internationale des juridictions pour connaître d'un litige relatif à la réparation d'un dommage immatériel causé par une diffamation au moyen d'un article de presse diffusé dans plusieurs États membres. Selon l'arrêt Shevill, la victime d'une telle diffamation peut intenter une action en réparation contre l'éditeur de la publication diffamatoire, soit devant les juridictions d'un État membre du lieu de l'établissement de cet éditeur, compétents pour réparer l'intégralité des dommages résultant de la diffamation, soit devant les juridictions de chaque État membre dans lequel la publication a été diffusée, compétentes pour connaître des seuls dommages causés dans l'État de la juridiction saisie.

Dans l'arrêt commenté, la Cour a reconnu que, en raison de l'ubiquité de l'Internet, les critères élaborés dans l'arrêt Shevill nécessitaient une adaptation. La Cour a décidé, en substance, que dans le contexte d'Intemet, les juridictions compétentes pour connaître de l'intégralité des dommages résultant d'une atteinte aux droits de la personnalité devaient être non pas celles de l'établissement l'éditeur, mais celles du centre des intérêts de la victime de cette atteinte. Par ailleurs, selon l'arrêt commenté, la victime d'une atteinte à ses droits de la personnalité au moyen d'Internet pourra également introduire une action en réparation devant les juridictions de chaque État membre sur le territoire duquel un contenu mis en ligne est ou a été accessible. Ces juridictions seront compétentes pour connaître du seul dommage causé sur le territoire de l'État membre de la juridiction saisie.

Dans un second temps, la Cour a répondu aux interrogations du Bundesgerichtshof relatives à la nature du principe du pays d'origine établi à l'article 3, paragraphes 1 et 2 de la directive sur le commerce électronique.

Le Bundesgerichtshof a demandé si ce principe devait être interprété comme établissant une règle des conflits des lois à part entière ou plutôt comme introduisant un mécanisme correctif sur le plan du droit matériel. Selon cette deuxième interprétation, l'application du principe du pays d'origine aurait pour conséquence, dans un cas concret, que le résultat sur le fond, prévu par le droit déclaré applicable selon les règles de conflit de lois de l'État du for, serait modifié dans sa teneur et réduit aux exigences moins strictes du droit du pays d'origine.

Pour rappel, selon l'article 3, paragraphes 1 et 2 de la directive sur le commerce électronique, d'une part, chaque État membre doit veiller a ce que les services de la société de l'information fournis par un prestataire établi sur son territoire respectent les dispositions nationales y applicables relevant du domaine coordonné par la directive et, d'autre part, les États membres ne peuvent, pour des raisons relevant du domaine coordonné, restreindre la libre circulation des services de la société de l'information en provenance d'un autre État membre.

La Cour a décidé que les dispositions en cause n'établissaient pas de règle des conflits des lois. Elle a précisé qu'il y avait lieu d'interpréter ces dispositions en ce sens que, s'agissant du domaine coordonné, les États membres doivent assurer que, sous réserve des dérogations autorisées selon les conditions prévues à l'article 3, paragraphe 4, de la directive 2000/31, le prestataire d'un service du commerce électronique ne sera pas soumis à des exigences plus strictes que celles prévues par le droit matériel applicable dans son État membre d'origine.