Article

Cour d'appel Bruxelles, 28/04/2010, R.D.C.-T.B.H., 2011/8, p. 808-813

Cour d'appel de Bruxelles 28 avril 2010

INTERMEDIAIRES COMMERCIAUX
Concession exclusive de vente - Restrictions de concurrence - Article 101 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne - Règlement d'exemption par catégorie - Nullité
Le contrat de concession qui comporte diverses clauses restrictives de concurrence et est de nature à affecter le commerce intracommunautaire eu égard à l'effet de réseau résultant du fait que le concédant est lié par le même contrat avec l'ensemble de ses concessionnaires (même uniquement au niveau national) constitue une entente prohibée au sens de l'article 101, § 1 TFUE.
Les dispositions contractuelles restrictives de concurrence qui ne remplissent pas les conditions prévues dans un règlement d'exemption par catégorie ou les conditions d'exemption individuelle contenues dans l'article 101, § 3 TFUE sont nulles. Lorsque ces dispositions sont indivisibles de l'ensemble du contrat, le contrat doit être tenu pour nul dans son ensemble.
TUSSENPERSONEN (HANDEL)
Exclusieve verkoopconcessie - Beperkingen van de mededinging - Artikel 101 van het verdrag betreffende de werking van de Europese Unie - Verordening houdende groepsvrijstellingen - Nietigheid
De concessieovereenkomst die verscheidene bedingen bevat die de mededinging beperken en van die aard is dat zij de intracommunautaire handel aantast, gelet op het netwerkeffect dat voortkomt uit het feit dat de concessiegever door eenzelfde contract verbonden is met het geheel der concessiehouders (zelfs uitsluitend op nationaal niveau) maakt een inbreuk uit die verboden is in de zin van artikel 101, § 1 VWEU.
De contractuele bepalingen die de mededinging beperken en die niet aan de voorwaarden voldoen zoals voorzien door een verordening houdende een groepsvrijstelling of aan de voorwaarden van individuele vrijstelling zoals vervat in artikel 101, § 3 VWEU, zijn nietig. Indien deze bepalingen ondeelbaar zijn van de rest van de overeenkomst, moet deze overeenkomst voor nietig worden gehouden in zijn geheel.

Fiat Auto Belgio / Fortis Banque et TCI Auto Service

Siég.: M.-F. Carlier, E. Herregodts et M. Moris (conseillers)
Pl.: Mes S. Willemart et Ch. Steyaert

(…)

III. Les faits et antécédents de la procédure

1. Le 25 juillet 1990, Fiat Auto Belgio et TCI Auto Service concluent un contrat de concession de vente exclusive de véhicules de la marque Fiat pour une durée de 38 mois (du 1er octobre 1990 au 31 décembre 1993) pour la zone de Wemmel, Zellik, Relegem et Laeken avec rattachement du distributeur local existant dans le secteur Auto-Metro à 1020 Bruxelles, 1120 Bruxelles + Bruxelles Ville en commun.

En exécution de l'article 9.7. du contrat prévoyant l'obligation pour le concessionnaire de constituer une garantie au profit de Fiat Auto Belgio, la Générale de Banque - qui deviendra Fortis Banque et ci-après dénommée la banque - déclare le 8 novembre 1990, garantir Fiat Auto Belgio sans aucune réserve et de manière irrévocable à concurrence de 2.500.000 FB pour toutes sommes dont la société TCI Auto Service [lui] serait redevable. Les éventuelles exceptions que la SA TCI Auto Service pourrait tirer des conventions qui lient [Fiat Auto Belgio et TCI Auto Service] ne seront pas opposables [à la banque] en telle sorte que [la banque s'engage] à libérer en faveur [de Fiat Auto Belgio] le prix d'un montant de 2.500.000 FB à la première demande de [la] part [de Fiat Auto Belgio].

2. Le 15 septembre 1993, Fiat Auto Belgio et TCI Auto Service concluent un second contrat de concession de vente exclusive de véhicules de la marque Fiat pour la zone de Wemmel, Laeken, 1120 Bruxelles 12, Zellik et Relegem. Ce contrat est conclu pour une durée d'un an prenant cours le 1er janvier 1994 pour se terminer de plein droit le 31 décembre 1994.

Par lettre du 27 juillet 1994, Fiat Auto Belgio résilie le contrat pour manquements graves.

Par une ordonnance du 13 septembre 1994, le président du tribunal de commerce de Bruxelles siégeant en référé déboute TCI Auto Service de sa demande de condamnation de Fiat Auto Belgio au maintien des relations contractuelles.

Le 23 août 1994, Fiat Auto Belgio fait citer au fond TCI Auto Service devant le tribunal de commerce de Bruxelles afin d'entendre dire pour droit qu'elle était fondée à résilier le contrat de concession du 15 septembre 1993 et, à titre subsidiaire, en prononcer la résolution judiciaire.

3. Le 18 octobre 1994, Fiat Auto Belgio fait appel à la garantie de la banque pour un montant de 1.932.390 FB.

Contestant le bien-fondé de cet appel au motif qu'il serait abusif, TCI Auto Service fait citer Fiat Auto Belgio et la banque devant le président du tribunal de commerce de Bruxelles siégeant en référé afin d'ordonner à Fiat Auto Belgio de suspendre les effets de son appel à la garantie et à la banque de ne réserver aucune suite à cet appel.

Par une première ordonnance du 16 novembre 1994, le président du tribunal de commerce ordonne la réouverture des débats afin de permettre aux parties de s'expliquer sur la validité du contrat de concession au regard de l'article 85 du traité CEE, du règlement n° 123/85 de la Commission du 12 décembre 1984 concernant l'application de l'article 85, § 3 du traité CEE à des catégories d'accords de distribution et de services de vente et d'après vente de véhicules automobiles (ci-après dénommé le règlement n° 123/85) et, le cas échéant, de la loi belge du 5 août 1991 sur la protection de la concurrence économique.

Par une seconde ordonnance du 24 janvier 1995, constatant que le contrat de concession ne bénéficie pas de l'exemption du règlement n° 123/85 et qu'il a un impact anticoncurrentiel sensible sur le commerce intracommunautaire, il suspend les effets de la garantie litigieuse et interdit à la banque de réserver une suite favorable quelconque à l'appel à la garantie fait par Fiat Auto Belgio.

Fiat Auto Belgio interjette appel de cette décision. La procédure d'appel ne sera pas diligentée.

4. Les 2 et 7 mars 1995, Fiat Auto Belgio fait citer la banque et TCI Auto Service devant le tribunal de commerce de Bruxelles. Elle poursuit la condamnation de la banque à lui payer 2.028.266 FB, outre les intérêts judiciaires, et demande que le jugement soit commun à TCI Auto Service.

En termes de conclusions en réplique, Fiat Auto Belgio demande au premier juge de dire pour droit que le contrat de vente à durée déterminée ayant existé entre [Fiat Auto Belgio] et [TCI Auto Service] bénéficie de l'exemption par catégorie du règlement CEE n° 123/85 en toutes ses dispositions, à tout le moins autres que celles faisant usage de l'article 3, points 3 et 5 de ce règlement.

A titre subsidiaire, Fiat Auto Belgio propose de poser différentes questions préjudicielles à la Cour de justice des Communautés européennes et demande au tribunal de commerce de dire pour droit que la garantie émise le 18 novembre 1990 par la banque est une garantie bancaire à première demande et de condamner la banque au paiement d'1 FB provisionnel.

La banque demande de déclarer l'action fondée ou non en fonction de l'existence d'une fraude, d'un abus manifeste de Fiat ou de la nullité de la convention de concession en application de l'article 85 du Traité de Rome et/ou de l'article 2 de la loi du 5 août 1991.

TCI Auto Service demande, quant à elle, de constater la nullité du contrat de concession du 15 septembre 1993 en ce qu'il ne bénéficie pas de l'exemption par catégorie du règlement n° 123/85 et viole des dispositions de l'article 85, § 2 du Traité de Rome.

Par le jugement entrepris, le tribunal de commerce de Bruxelles constate la nullité du contrat de concession de vente du 15 septembre 1993 et renvoie la cause au rôle pour le surplus.

5. En appel, Fiat Auto Belgio demande à la cour de:

Dire l'appel recevable et fondé et par conséquent mettre le jugement a quo à néant en toutes ses dispositions et statuant à nouveau, dire pour droit qu'aucune disposition du contrat de concession de vente de véhicules automobiles de marque FIAT ayant uni les parties n'est nulle ou, subsidiairement en tous cas, que seul l'article 1.8. de ce contrat est nul,

(…)

Condamner les intimés aux frais et dépens d'appel,

Subsidiairement, poser à la Cour de justice de l'Union européenne les questions préjudicielles suivantes:

1. Première question:

L'exemption prévue à l'article 5.2.2., 1er tiret du règlement CEE n° 123/85 résultant du fait que le fournisseur est tenu en vertu de la loi nationale de verser une indemnité appropriée au distributeur s'il est mis fin à l'accord:

1.1. s'applique-t-elle uniquement au délai de résiliation ordinaire des contrats à durée indéterminée (art. 5.2.2., 1er al.)

1.2. s'applique-t-elle aussi en cas d'accord à durée déterminée:

(a) à sa durée minimale (art. 5.2.2., 1er al.)

(b) au délai de six mois endéans lequel chaque partie doit s'engager à informer l'autre qu'elle ne désire pas proroger l'accord (art. 5.2.3.)

1.3. lorsqu'en matière d'accord à durée déterminée, les dispositions du droit national visant à assurer la stabilité des contrats de concession de vente réalisent autrement mais effectivement les buts poursuivis par l'article 5.2. du règlement CEE n° 123/85 selon son considérant n° 20, l'accord doit-il satisfaire également aux conditions selon lesquelles pour bénéficier d'une exemption par catégorie en vertu de ce règlement

a) la durée de l'accord doit être d'au moins 4 ans, à moins qu'il s'agisse de l'entrée du distributeur dans le réseau et de sa première durée convenue (art. 5.2.2., 2ème tiret)

b) chaque partie doit s'engager à informer l'autre au moins 6 mois avant la cessation de l'accord qu'elle ne désire pas le proroger (art. 5.2.3.)

2. Deuxième question:

Les effets, quant au bénéfice de l'exemption par catégorie, de la contradiction éventuelle d'un contrat avec les dispositions visées par la première question doivent-ils encore être appréciés en droit national, alors que l'article 5.2. du règlement CEE n° 123/85 de la Commission ne retire en ce cas le bénéfice de l'exemption qu'à l'égard des dispositions que le règlement autorise par son article 3.3. et 5?

Le cas échéant et plus subsidiairement encore, consulter la Commission européenne dans le cadre de l'article 38 de sa communication relative à la coopération entre elle et les juridictions nationales sur l'application des articles 85 et 86 (actuellement 81 et 82) du Traité de Rome sur les questions reprises ci-avant.

En ces cas, réserver les dépens et renvoyer la cause au rôle général.

La banque conclut au non-fondement de l'appel et à la condamnation de Fiat Auto Belgio aux dépens.

6. En cours de procédure, TCI Auto Service a été déclarée en faillite. La faillite a été clôturée le 9 décembre 1997.

IV. Discussion
1. Sur l'article 85 du traité CEE (devenu l'art. 81 du traité CE puis du Traité de UE)

7. Vainement Fiat Auto Belgio soutient-elle que la banque ne pourrait se prévaloir des règles communautaires en matière de concurrence au motif qu'elle les invoquerait artificiellement, dans le seul but d'échapper à ses obligations contractuelles. Tel n'est pas le cas.

Fiat Auto Belgio admet elle-même que le contrat de concession du 15 septembre 1993 peut être qualifié d'entente prohibée au sens de l'article 85 du traité CEE en ce qu'il comporte diverses clauses en matière notamment de zone réservée, d'interdiction de vente à des revendeurs, de non-concurrence et d'exclusivité de marque, … (cf. ses conclusions d'appel, p. 9).

Le contrat prévoit ainsi que:

- article 1.6.

En dehors de la zone, le concessionnaire s'engage directement ou indirectement:

(a) à ne pas disposer de succursales ou de dépôts pour la distribution des produits contractuels;

(b) à ne pas prospecter la clientèle, les utilisateurs finaux résidant en dehors de la zone devant d'eux-mêmes avoir sollicité le concessionnaire directement ou par la voie d'un mandataire;

(c) à ne pas utiliser des moyens publicitaires par lesquels le concessionnaire s'adresserait aux clients résidant en dehors de la zone; étant toutefois entendu qu'est permis l'emploi de moyens publicitaires visant le client de la zone, mais qui ont comme conséquence inévitable, étant donné le type moyen utilisé à cet effet, à produire des effets sur une clientèle extérieure à la zone;

(d) à ne pas recourir à des tiers pour la distribution ou le service des produits contractuels.

- article 1.7., intitulé Interdiction de vente à des revendeurs:

Le concessionnaire s'engage à ne pas vendre et à ne pas livrer:

(a) des véhicules contractuels à des acheteurs autres que des utilisateurs finaux ou d'autres membres du réseau Fiat; ou

(b) des pièces d'origine à des acheteurs autres que des utilisateurs finaux ou des revendeurs qui les utilisent pour la réparation ou l'entretien de véhicules, ou d'autres membres du réseau Fiat;

(c) pour tout véhicule contractuel vendu par le concessionnaire en violation de l'interdiction stipulée au présent article 1.7., le concessionnaire est tenu de payer au concédant un montant égal à la différence existant entre le prix catalogue au public et le prix net payé par le concessionnaire pour ce véhicule. Ce montant ne sera toutefois pas dû dans le cas où le concessionnaire démontre qu'il ne savait pas et ne pouvait pas savoir, même en usant de toute la diligence professionnelle nécessaire, que la vente effectuée constituait une violation de l'interdiction susmentionnée.

(…)

- article 1.8., intitulé Non-concurrence et exclusivité de marque:

Le Concessionnaire s'engage à:

(a) ne pas vendre des véhicules neufs concurrents des véhicules contractuels;

(b) ne pas vendre des pièces de rechange concurrentes des pièces d'origine si ces pièces n'ont pas toutes les qualités requises par l'article 4.7. du présent contrat;

(c) ne pas conclure avec des tiers des accords de distribution ou de service pour des produits concurrents des produits contractuels; et

(d) ne pas vendre par le biais de son organisation visée à l'article 2 des véhicules neufs autres que de marque Fiat, directement ou par l'intermédiaire d'un tiers.

8. Le contrat litigieux est par ailleurs de nature à affecter le commerce intracommunautaire. Il doit en effet être tenu compte de l'effet de réseau, en ce sens que si, considéré isolément, un contrat de concession de vente ne paraît pas susceptible d'affecter le commerce entre les Etats membres, il n'en est pas nécessairement de même lorsque le même concédant est lié de la même manière à tout un réseau même purement national de concessionnaires (M. Willemart et S. Willemart, “Les concessions”, TPDC 1992, p. 828).

Les constructeurs automobiles pénètrent l'ensemble du marché commun ou des parties substantielles de celui-ci, au moyen d'ensembles d'accords comportant des restrictions de concurrence analogues et ils affectent ainsi non seulement la distribution et le service de vente et d'après vente à l'intérieur des Etats membres mais aussi le commerce entre ceux-ci (considérant n° 3 du règlement n° 123/85).

In casu, il est constant que le contrat litigieux constitue un contrat-type que Fiat Auto Belgio impose à l'ensemble de son réseau de distributeurs. Il est donc de nature à fausser la concurrence dans le marché intracommunautaire (en ce sens, Bruxelles 12 novembre 1998, La Bruyère / Fiat Auto Belgio, RG 1995/AR/3860).

9. Le contrat litigieux tombe dans le champ d'application de l'article 85, § 1 du traité CEE.

2. Sur le règlement n° 123/85

10. Ne bénéficiant pas d'une exemption individuelle et conformément à l'article 85, § 3 du traité CEE, Fiat Auto Belgio doit, pour échapper à la sanction de nullité prévue au § 2 de cet article, démontrer que le contrat respecte les conditions fixées par le règlement n° 123/85.

Comme le souligne Fiat Auto Belgio, le règlement n° 123/85 n'a d'autre portée que de définir les conditions qui, si elles sont remplies, font échapper certaines clauses contractuelles à l'interdiction et, par conséquent, à la nullité de plein droit prévue par l'article 85, § 1 et 2 du traité CEE. Il n'établit pas de prescriptions contraignantes affectant directement la validité ou le contenu de clauses contractuelles ou obligeant les parties contractantes à y adapter le contenu de leur contrat (voir à ce sujet, D. Van Bunnen, “Chronique de jurisprudence. La distribution automobile (1998-2005)”, Doss. JT, nos 61, 63 et s.).

Ledit règlement n° 123/85 précise en son article 3 que:

L'exemption accordée au titre de l'article 85, § 3 du traité CEE s'applique également lorsque l'engagement décrit à l'article 1er est lié à l'engagement du distributeur (...)

3) de ne pas vendre des véhicules automobiles neufs concurrents des produits contractuels et de ne pas vendre dans des exploitations commerciales dans lesquelles sont offerts des produits contractuels, des véhicules automobiles neufs offerts par d'autres que le constructeur;

(...)

5) de ne pas conclure avec des tiers des accords de distribution ou de service de vente et d'après vente pour des produits concurrents des produits contractuels;

(...)

et en son article 5.2. que:

Lorsque le distributeur a assumé des obligations visées à l'article 5 (lire l'article 4), paragraphe 1 pour améliorer la structure de la distribution et du service de vente et d'après vente, l'exemption de l'article 3, points 3 et 5, s'applique aux engagements de ne pas vendre des véhicules automobiles neufs autres que ceux de la gamme visée dans l'accord, ou à ne pas en faire l'objet d'un accord de distribution et de service de vente et d'après vente, à condition:

(...)

2) que la durée de l'accord soit d'au moins 4 ans ou que le délai de résiliation ordinaire de l'accord conclu pour une période indéterminée soit d'au moins 1 an pour les deux parties, à moins:

- que le fournisseur soit tenu de verser une indemnité appropriée en vertu de la loi ou d'une convention particulière, s'il est mis fin à l'accord; ou

- qu'il s'agisse de l'entrée du distributeur dans le réseau et de la première durée convenue de l'accord ou de la première possibilité de résiliation ordinaire;

3) que chaque partie s'engage à informer l'autre au moins 6 mois avant la cessation de l'accord qu'elle ne désire pas proroger un accord conclu pour une période déterminée.

11. Le contrat de distribution de Fiat Auto Belgio prévoit en son article 6 que le présent contrat entre en vigueur le 1er janvier 1994 pour se terminer de plein droit le 31 décembre 1994. Il s'agit donc d'un contrat à durée déterminée d'1 au et non de 4 ans, comme prévu par l'article 5.2.2.

Les parties n'ont, par ailleurs, pas stipulé de délai de préavis minimum de 6 mois.

12. Vainement Fiat Auto Belgio se réfère-t-elle à la loi belge du 27 juillet 1961 relative à la résiliation des concessions de vente exclusive à durée indéterminée (ci-après dénommée la loi de 1961) pour soutenir que dès lors que cette loi vise à assurer la stabilité des contrats de concession de vente et réalise autrement mais effectivement les buts poursuivis par l'article 5.2., l'accord ne doit plus satisfaire aux conditions visées à l'article 5.2.2. et 5.2.3. Egalement en vain Fiat Auto Belgio affirme-t-elle que la loi de 1961 constitue la loi imposant une indemnité appropriée en sorte que les articles 5.2.2. et 5.2.3. du règlement n° 123/85 ne s'appliqueraient pas.

Les considérations émises par Fiat Auto Belgio sur la base du considérant 20 du règlement n° 123/85 quant aux intentions du législateur communautaire ou encore au regard du règlement n° 1475/95 ayant remplacé le règlement n° 123/85, ne permettent pas de remettre en cause le contenu des articles 5.2.2. et 5.2.3. dont la rédaction ne prête pas à interprétation. Pour bénéficier de l'exemption de l'article 3, points 3 et 5, lorsque le distributeur a assumé des obligations visées à l'article 4, § 1, il faut satisfaire aux conditions visées aux articles 5.2.2. et 5.2.3.

L'exception de la loi imposant une indemnité appropriée n'est par ailleurs prévue que dans le cadre de l'article 5.2.2. Le texte du règlement n° 123/85 est clair. Il ne prévoit aucune exception résultant de l'application du droit national dans le cadre de l'article 5.2.3. (cf. en ce sens, P. Kileste et C. Staudt, “Le règlement n° 1400/2002 du 31 juillet 2002 de la Commission européenne en matière de distribution automobile”, JT 2003, p. 147, note 111).

Il n'est ensuite pas établi que l'indemnité complémentaire prévue par la loi belge de 1961 corresponde en tout point à l'indemnité appropriée prévue par le règlement n° 123/85 (P. Kileste et P. Hollander, “Examen de jurisprudence. La loi du 27 juillet 1961 relative à la résiliation unilatérale des concessions de vente exclusive à durée indéterminée (juillet 2002 à décembre 2008)”, RDC 2009, p. 242 et la jurisprudence citée).

La loi de 1961 n'entend régler de manière spécifique que la résiliation unilatérale des concessions de vente à durée indéterminée. Sous réserve de l'article 3bis de la loi de 1961, la résiliation des concessions de vente exclusive à durée déterminée reste soumise au droit commun (J.-P. Fierens, A. Mottet Haugaard, Th. Faelli et S. Griess, “Chronique de jurisprudence. La loi du 27 juillet 1961 relative à la résiliation des concessions de vente exclusive à durée indéterminée (1997-2007)”, Doss. JT, Larcier, 2008, p. 31). Pour les contrats à durée déterminée, la loi de 1961 ne peut être considérée comme visée par le règlement. La solution est logique puisque la loi de 1961 ne prévoit aucune indemnité dans le cas du non-renouvellement d'un contrat à durée déterminée (P. Kileste et C. Staudt, o.c., p. 148, n° 55).

Les considérations très générales émises dans son commentaire des règlements relatifs à la distribution des voitures et aux stations-service (L'automobile et le droit européen, p. 195), par le dr. Kalus Ströver dont Fiat Auto Belgio invoque qu'il a été l'auteur de ce règlement en sa qualité de chef d'unité de la division “automobiles et autres moyens de transport” de la direction générale de la concurrence de la Commission européenne, ne peuvent énerver le raisonnement (...) basé sur la distinction entre les contrats à durée déterminée et ceux qui sont à durée indéterminée. En effet, si cet auteur se réfère à l'inutilité du règlement dans l'hypothèse où “des lois protégeant les distributeurs telles que celles mises en vigueur en Belgique et en Allemagne avaient également existé dans les autres Etats membres”, force est de constater que le texte du règlement ne se réfère, quant à lui, pas à la notion de “lois protégeant les distributeurs” mais à celle de “loi prévoyant une indemnité appropriée lorsqu'il est mis fin à l'accord”. Or la loi belge de 1961 ne prévoit une telle indemnité que pour les contrats à durée indéterminée, et non pour les contrats à durée déterminée (Bruxelles 12 novembre 1998, La Bruyère / Fiat Auto Belgio, RG 1995/AR/3860).

Enfin, TCI Auto Service n'aurait pu bénéficier des dispositions de l'article 3bis de la loi de 1961 pour qualifier son contrat de convention à durée indéterminée dès lors qu'aux termes de cette disposition, un contrat conclu pour une durée déterminée n'est censé être prolongé pour une durée indéterminée qu'après son deuxième renouvellement, hypothèse non rencontrée en l'espèce.

Pour la solution du problème soumis à la cour, il est irrelevant de vérifier si le contrat litigieux est conforme ou non aux prescriptions de la loi de 1961.

13. Le droit commun belge d'indemnisation en cas de rupture anticipée d'un contrat à durée déterminée ne constitue pas davantage la législation en vertu de laquelle le fournisseur est tenu de verser une indemnité appropriée et qui autoriserait une dérogation à la durée minimale de 4 ans prévue par le règlement.

S'il fallait suivre la thèse de Fiat Auto Belgio à cet égard, l'obligation dictée par le règlement de prévoir des contrats d'une durée déterminée minimale de 4 ans pourrait toujours être écartée par la simple évocation de ces règles de droit commun contractuel, propres à chaque Etat membre. Tel n'est manifestement pas l'intention du législateur européen.

14. Dès lors que le contrat de distribution de Fiat Auto Belgio est conclu pour une durée déterminée d'1 an et que les conditions visées à l'article 5.2.2. ne sont pas remplies, il est en infraction avec le règlement n° 123/85.

15. Le contrat de distribution de Fiat Auto Belgio ne prévoit pas non plus de clause de préavis de non-renouvellement de 6 mois tel qu'édicté à l'article 5.2.3. du règlement n° 123/85.

Ledit article 5.2.3. ne prévoit pas d'exception.

16. A défaut pour Fiat Auto Belgio de justifier que son contrat de distribution d'une durée déterminée d'1 an répond aux conditions posées par le règlement n° 123/85 - en l'absence d'une clause de préavis de non-renouvellement de 6 mois et d'une clause de durée déterminée d'une durée minimale de 4 années -, elle ne peut se prévaloir d'une exemption par catégorie.

3. Sur les conséquences de la violation du droit de la concurrence

17. Se pose la question de savoir si la sanction de nullité vise le contrat dans son ensemble, comme le soutient la banque, ou touche uniquement les dispositions contractuelles anticoncurrentielles, selon la thèse de Fiat Auto Belgio. Cette dernière affirme que les exigences de l'article 5.2. ne sont une condition du bénéfice de l'exemption par catégorie qu'à l'égard des exigences contractuelles permises par l'article 3, points 3 et 5, et non de la totalité du contrat. En d'autres termes, seul l'article 1.8. du contrat discuté serait annulable, le bénéfice de l'exemption par catégorie étant maintenu pour le reste.

18. Les conséquences de la nullité de plein droit des clauses contractuelles incompatibles avec l'article 85, § 1, pour tous les autres éléments de l'accord ou pour d'autres obligations qui en découlent, ne relèvent pas du droit communautaire. Il appartient à la juridiction nationale d'apprécier, en vertu du droit national applicable, la portée et les conséquences pour l'ensemble des relations contractuelles, d'une éventuelle nullité de certaines clauses en vertu de l'article 85, § 2 (CJCE 18 décembre 1986, aff. 10/86, VAG France / Ets Magne).

19. En l'espèce, le contrat de distribution prévoit que:

- article 1.9.: dans l'hypothèse où le concessionnaire assume des obligations pour l'amélioration de la structure de la distribution et du service et s'il demande au concédant d'être exonéré des obligations visées aux paragraphes (a), (c) et (d) de l'article 1.8., le concédant donnera son accord pour autant que le concessionnaire démontre que des raisons objectives sont intervenues qui justifient l'exonération demandée;

- article 9.6.: au cas où l'une quelconque des clauses du présent contrat devrait être nulle ou annulable, les parties se déclarent dès à présent d'accord pour modifier le présent contrat à leur satisfaction réciproque, de manière à le rendre conforme aux normes avec lesquelles la clause en question s'avère éventuellement en conflit, tout en respectant, cependant, l'équilibre des obligations réciproques des parties en vertu du présent contrat. A défaut d'accord, chacune des parties aura le droit de mettre fin au présent contrat moyennant un préavis de 6 mois.

20. Fiat Auto Belgio voit, dans ces deux articles, la preuve que l'intention commune des parties était que les stipulations de non-concurrence et d'exclusivité de l'article 1.8. du contrat de concession sont séparables du contrat de concession dont l'exécution apparaît compatible avec leur annulation.

Force est toutefois de constater que la faculté donnée par l'article 1.9. au concessionnaire de demander à être libéré de ses engagements contractuels visés à l'article 1.8. est la reproduction de l'article 5.1.2.a) du règlement n° 123/85. Elle ne vise en outre que certaines obligations stipulées à l'article 1.8.

Par ailleurs, le contrat a été résilié par Fiat Auto Belgio, le 27 juillet 1994, en sorte que TCI Service ne pouvait plus se prévaloir utilement de l'article 9.6. du contrat de distribution.

Outre l'article 1.8., le contrat de distribution de Fiat Auto Belgio prévoit d'autres dispositions susceptibles d'affecter le commerce intracommunautaire, tels les articles 1.6. et 1.7. mentionnés ci-avant.

Il ressort de l'examen de l'ensemble de ces dispositions, que Fiat Auto Belgio, à l'instar des autres constructeurs automobiles, avait la volonté évidente de créer un système de distribution sélective et exclusive.

Comme le relève la cour d'appel de Bruxelles dans son arrêt précité du 12 novembre 1998 en cause des Etablissements La Bruyère / Fiat Auto Belgio, il paraît (...) plausible que de considérer que, si réellement la nullité des clauses de non-concurrence et d'exclusivité de marque énoncées à l'article 1.8. avait été invoquée en cours de contrat, Fiat aurait probablement, par application de l'article 9.6., plutôt envisagé de mettre les clauses relatives à sa durée et au délai de préavis en concordance avec les dispositions réglementaires européennes plutôt que de renoncer au bénéfice de ces clauses de non-concurrence et d'exclusivité de marque.

L'article 1.8. comporte des obligations fondamentales du système de distribution voulu par Fiat Auto Belgio, indivisibles de l'ensemble du contrat. Fiat Auto Belgio n'aurait pas consenti à conclure le contrat avec TCI Service en l'absence de l'article 1.8. lequel se retrouve d'ailleurs dans tous ses contrats s'agissant d'un contrat-type applicable sur l'ensemble du territoire belge.

En conséquence, le contrat de distribution doit être tenu pour nul dans son ensemble.

4. Sur les questions préjudicielles

21. Il n'y pas lieu de poser les questions préjudicielles à la Cour de justice de l'Union européenne ou de demander un avis à la Commission, comme Amicus Curiae.

En l'espèce, les articles 5.2.2. et 5.2.3. ne soulèvent pas de doute quant à leur interprétation.

Les conséquences du non-respect des conditions de l'article 5.2. du règlement n° 123/85 ont, quant à elles, déjà été précisées par la Cour de justice dans son arrêt du 18 décembre 1986 en cause VAG / Magne, ci-avant mentionné.

V. Dispositif

Conforme aux motifs.