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Actualité : Cour de justice de l'Union européenne, 12/05/2011, R.D.C.-T.B.H., 2011/7, p. 741-742

Cour de justice de l'Union européenne 12 mai 2011

DROIT JUDICIAIRE EUROPÉEN ET INTERNATIONAL
Règlement n° 44/2001 du 22 décembre 2000 - Article 22, point 2 - Compétence exclusive des juridictions de l'Etat membre du siège pour connaître des litiges relatifs à la validité des décision des organes des sociétés - Portée

Berliner Verkehrsbetribe (BVG) / JPMorgan Chase Bank NA

Aff.: C-144/10

Dans un arrêt du 12 mai 2011 concernant une question préjudicielle posée par le Kammergericht Berlin, dans le cadre d'un litige opposant BVG, une personne morale de droit public dont le siège est à Berlin à la banque JPMorgan Chase, et plus précisément à la succursale de cette banque établie à Francfort, la Cour de justice a donné une interprétation restrictive à l'article 22, point 2 du règlement n° 44/2001. Cette disposition réserve aux tribunaux de l'Etat membre du siège d'une société ou une personne morale la compétence exclusive en matière de validité, de nullité ou de dissolution de cette société ou personne morale, ou de validité des décisions de ses organes.

Le litige en cause concernait l'exécution d'un contrat portant sur un produit financier dérivé conclu entre la banque américaine JPMorgan Chase et BVG. JPMorgan Chase réclamait à BVG l'exécution de ce contrat et a introduit à cet effet un recours devant les juridictions anglaises, en se fondant sur une clause attributive de juridiction, prévue dans le contrat en cause. Quelques semaines plus tard, BVG a introduit un recours parallèle contre la succursale de JPMorgan établie à Francfort devant les tribunaux du Land de Berlin tendant, notamment, à ce que cette juridiction constate la nullité du contrat en cause en raison du caractère ultra vires de son objet, eu égard à ses statuts. Dans le cadre de ce litige, BVG faisait valoir, notamment, que le tribunal du Land de Berlin, juridiction saisie en second lieu, avait une compétence exclusive en vertu de l'article 22, point 2 du règlement n° 44/2001, puisque, selon BVG, cette disposition s'étendait aux litiges dans lesquels une société ou une personne morale oppose à une demande faite à son encontre, sur la base d'un contrat, l'invalidité, pour cause de violation des statuts, des décisions de ses organes, qui ont conduit à la conclusion de ce contrat.

Interrogée sur ce point par le Kammergericht, connaissant d'un recours contre la décision de tribunal de Land de Berlin, la Cour de justice a observé qu'une interprétation large de l'article 22, point 2 du règlement n° 44/2001, en vertu de laquelle il s'appliquerait à tout litige dans lequel une question concernant la validité d'une décision des organes d'une société serait soulevée, serait contraire, d'une part, à l'une des finalités générales de ce règlement, énoncée au 11ème considérant de celui-ci et consistant dans la recherche d'un haut degré de prévisibilité des règles de compétence, ainsi que, d'autre part, au principe de sécurité juridique. En effet, si tous les litiges portant sur une décision d'un organe d'une société devaient relever de l'article 22, point 2 du règlement n°44/2001, cela signifierait en réalité que les actions juridictionnelles, qu'elles soient de nature contractuelle, délictuelle ou autre, engagées contre une société pourraient presque toujours relever de la compétence des juridictions de l'Etat membre du siège de cette société. Il suffirait, pour une société, d'invoquer, à titre préalable, une prétendue invalidité des décisions de ses organes ayant conduit à la conclusion d'un contrat ou à l'accomplissement d'un fait prétendument dommageable, afin que soit attribuée, de manière unilatérale, une compétence exclusive au for de son propre siège. La Cour a soulevé, en outre, qu'une interprétation large de l'article 22, point 2 du règlement n° 44/2001 ne serait pas non plus conforme à la finalité spécifique de cette disposition qui consiste simplement à centraliser la compétence pour connaître des litiges ayant pour objet l'existence des sociétés et la validité des délibérations de leurs organes, afin d'éviter des décisions contradictoires.

Par conséquent, la Cour a privilégié une approche restrictive de la disposition en cause et a répondu à la question de Kammergericht que l'article 22, point 2 du règlement n° 44/2001 doit être interprété en ce sens qu'il ne s'applique pas à un litige dans le cadre duquel une société se prévaut de l'inopposabilité d'un contrat à son égard, en raison de la prétendue invalidité, pour cause de violation de ses statuts, d'une décision de ses organes ayant conduit à la conclusion de celui-ci.