Cour de justice de l'Union européenne 15 mars 2011
OBLIGATIONS CONTRACTUELLES
Droit applicable - Convention de Rome du 19 juin 1980 - Contrat individuel de travail - Article 6, § 2, sous a), de la Convention de Rome du 19 juin 1980 - Loi applicable à un contrat individuel de travail - Notion de pays où le travailleur 'accomplit habituellement son travail'
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Heiko Koelzch
Aff.: n° C-29/10 |
Dans un arrêt du 15 mars 2011, la grande chambre la Cour de justice a donné une interprétation large à l'article 6, § 2, sous a), de la de la convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles, ouverte à la signature à Rome le 19 juin 1980 (JO 1980, L 266, p. 1, 'Convention de Rome'), concernant la loi applicable au contrat individuel de travail.
Cette interprétation large est, d'une part, favorable au travailleur et, d'autre part, alignée aux dispositions des autres règlements européens qui contiennent des règles de droit international privé applicables au contrat individuel de travail, tels que le règlement (CE) n° 593/2008 du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles ('Règlement Rome I') (JO L 177, p. 6), qui a remplacé la Convention de Rome, ou le règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale ('Règlement Bruxelles I') (JO 2001, L 12, p. 1).
En premier lieu, il faut rappeler que l'article 6 de la Convention de Rome fixe des règles de conflit spéciales relatives aux contrats individuels de travail. Ces règles dérogent aux règles générales prévues aux articles 3 et 4 de cette convention, portant respectivement sur la liberté de choix de la loi applicable et sur les critères de détermination de celle-ci en l'absence d'un tel choix.
L'article 6, § 1, de la convention de Rome limite la liberté de choix de la loi applicable. Il prévoit que les parties au contrat ne peuvent pas, par leur accord sur le choix de la loi applicable, exclure l'application des dispositions impératives du droit qui régirait le contrat en l'absence d'un tel choix.
L'article 6, § 2, de la même convention statue qu'à défaut de choix de la loi applicable, et nonobstant les règles de l'article 4 de la convention, le contrat de travail est régi:
- par la loi du pays où le travailleur, en exécution du contrat, accomplit habituellement son travail, même s'il est détaché à titre temporaire dans un autre pays; ou
- si le travailleur n'accomplit pas habituellement son travail dans un même pays, par la loi du pays où se trouve l'établissement qui a embauché le travailleur.
Dans son arrêt du 15 mars, la Cour a observé que dans la mesure où l'objectif de l'article 6 de la Convention de Rome est d'assurer une protection adéquate au travailleur, cette disposition doit être lue comme garantissant l'applicabilité de la loi de l'état dans lequel il exerce ses activités professionnelles plutôt que celle de l'état du siège de l'employeur. La Cour a souligné que c'est, en effet, dans le premier de ces deux états que le travailleur exerce sa fonction économique et sociale et que l'environnement professionnel et politique influence l'activité de travail. En partant de ce constat, la Cour a statué que le critère du pays de l'accomplissement habituel du travail, contenu à l'article 6, § 2, sous a), de la Convention de Rome, doit faire l'objet d'une interprétation large et être entendu comme se référant au lieu dans lequel ou à partir duquel le travailleur exerce effectivement ses activités professionnelles et, en l'absence de centre d'affaires, au lieu où celui-ci accomplit la majeure partie de ses activités. Par ailleurs, la Cour a considéré que ce critère est applicable également dans une hypothèse où le travailleur exerce ses activités dans plus d'un état contractant, ce qui, indirectement, limite les hypothèses de l'application du critère établi à l'article 6, § 2, sous b), qui mène généralement à l'application au contrat de la loi de l'Etat du siège de l'employeur.
En second lieu, la Cour a déclaré explicitement qu'elle s'est inspirée, dans l'interprétation de l'article 6, § 2, de la Convention de Rome, de la jurisprudence développée sur la base des dispositions pertinentes du Règlement Bruxelles I et de la Convention de Bruxelles, remplacée par ce règlement, tout en veillant à réconcilier son interprétation de la Convention de Rome avec le libellé de la nouvelle disposition sur les règles de conflit relatives aux contrats individuels de travail, introduite par le Règlement Rome I, inapplicable en l'espèce ratione temporis.