Article

Cour d'appel Bruxelles, 04/12/2009, R.D.C.-T.B.H., 2011/5

Cour d'appel de Bruxelles 4 décembre 2009

Glaxosmithkline Biologicals / Novartis AG et J.B.

Sièg.: H. Mackelbert (conseiller, président f.f. de la chambre), M.-F. Carlier et M. Moris (conseillers)
Pl.: Mes B. Strowel, S. Cattoor et Ch. Ronse, O. Vrins, S. Lens
I. La décision attaquée

L'appel est dirigé contre l'ordonnance du président du tribunal de commerce de Bruxelles prononcée le 3 septembre 2009.

Cette ordonnance a été signifiée le 10 septembre 2009.

II. La procédure devant la cour

L'appel est formé par requête, déposée par la SA Glaxosmithkline Biologicals SA, ci-après dénommée GSK, au greffe de la cour, le 25 septembre 2009.

La procédure est contradictoire à l'égard de Novartis et par défaut à l'égard de l'expert B.

Il est fait application de l'article 24 de la loi du 15 juin 1935 sur l'emploi des langues en matière judiciaire.

III. Les faits et antécédents de la procédure

1. Novartis AG, société de droit suisse, (ci-après dénommée Novartis), a notamment pour activité le développement de vaccins et est titulaire du brevet européen n° EP 1 401 489 B1 relatif à un procédé de 'solubilisation de polysaccharides capsulaires' délivré le 5 avril 2006, dont la demande a été introduite le 5 avril 2002 (ci-après dénommé le brevet).

2. GSK est une société pharmaceutique également active dans le domaine des vaccins et à ce titre, est une concurrente directe de Novartis sur ce marché.

Le 5 janvier 2007, GSK fait opposition contre le brevet auprès de l'Office Européen des Brevets. La Division d'Opposition a confirmé la validité du brevet moyennant quelques amendements restrictifs proposés par Novartis. Le 22 décembre 2008, GSK fait appel de cette décision et la procédure est toujours pendante.

Le 24 décembre 2008, GSK introduit une action en annulation du volet belge du brevet devant le tribunal de commerce de Bruxelles. Elle a également introduit en décembre 2008, une action en annulation du volet anglais du brevet au Royaume-Uni.

3. Le 2 mars 2009, Novartis introduit une requête en saisie-description devant le président du tribunal de commerce de Bruxelles pour obtenir la description des procédés de fabrication de certains vaccins de GSK.

Par une ordonnance du 3 mars 2009, le président du tribunal de commerce de Bruxelles:

“Autorise [Novartis] à rassembler les preuves d'une contrefaçon présumée des volets belge, allemand, français et anglais du Brevet n° EP 1 401 489 ('EP'489') au siège social de la société G.S.K. Biologicals, rue de l'Institut 89, à 1330 Rixensart, ainsi qu'en tous lieux où GSK dispose d'un siège d'exploitation en Belgique, de même qu'auprès de toute société affiliée à GSK en Belgique, où les procédés et/ou produits soupçonnés de porter atteinte aux volets belge, allemand, français et/ou anglais du Brevet EP'489 sont susceptibles d'être décrits, et où quelconque information concernant d'éventuels actes de contrefaçon par GSK ou quelconque de ses sociétés affiliées à l'égard des volets belge, allemand, français et/ou anglais du Brevet EP'489, est susceptible d'être recueillie, et plus particulièrement de procéder à une description détaillée et documentée des procédés utilisés par GSK dans la fabrication des vaccins Hiberix, Infanrix Hexa, Menitorix, Synflorix, Hibmency, Menacwy-Tt, Quitanrix, Globorix, Tritanrix/Hib et Zilbrix/Hib;

Désigne Monsieur J.B., [...] en qualité d'expert avec la mission suivante:

- examiner et décrire toute source d'information susceptible, dans le sens le plus large, d'être pertinente afin de déterminer si GSK ou quelconque de ses sociétés affiliées utilise ou a utilisé un ou plusieurs procédé(s) susceptible(s) de tomber sous le champ de protection de l'une quelconque des revendications du Brevet EP'489, en ce compris, sans limitation d'aucune sorte, l'ensemble des dossiers d'enregistrement relatifs à Hiberix, Infanrix Hexa, Menitorix, Synflorix, Hibmency, Menacwy-Tt, Quitanrix, Globorix, Tritanrix/Hib et Zilbrix/Hib, des notes de laboratoires et tous autres types de documents tels que manuels de procédé et protocoles de test, susceptibles d'être utiles afin de déterminer le ou les procédé(s) utilisé(s) par GSK et/ou ses sociétés affiliées dans le cadre de la fabrication des produits susvisés, tels que pièces comptables, bons de commande, factures, correspondance (sous forme électronique ou autre), présentations techniques ou commerciales, etc., indépendamment du support sur lequel ces informations sont conservées et sans limitation d'aucune sorte;

- prélever ou se faire remettre des échantillons de Hiberix, Infanrix Hexa, Menitorix, Synflorix, Hibmency, Menacwy-Tt, Quitanrix, Globorix, Tritanrix/Hib et Zilbrix/Hib et/ou, au choix de l'expert, de leurs divers composants, et en particulier de la protéine porteuse et du polysaccharide capsulaire bactérien utilisés dans la production des vaccins susvisés, dans la mesure où l'expert l'estimerait utile dans le cadre de la mission de description décrite au présent dispositif;

- procéder à une description détaillée de l'origine et de la destination de Hiberix, Infanrix Hexa, Menitorix, Synflorix, Hibmency, Menacwy-Tt, Quitanrix, Globorix, Tritanrix/Hib et Zilbrix/Hib et de leurs composants, en particulier de la protéine porteuse et du polysaccharide capsulaire bactérien utilisés dans la production des vaccins susvisés, en ce compris une description détaillée de l'identité des expéditeurs et/ou destinataires de ces vaccins ou de leurs composants;

- procéder à une description détaillée de l'ampleur des activités de GSK et de ses sociétés affiliées relatives à Hiberix, Infanrix Hexa, Menitorix, Synflorix, Hibmency, Menacwy-Tt, Quitanrix, Globorix, Tritanrix/Hib et Zilbrix/Hib, susceptibles de porter atteinte aux volets belge, allemand, français et/ou anglais du Brevet EP'489, et notamment à une description détaillée du nombre de vaccins susvisés commercialisés par GSK et/ou ses sociétés affiliées ainsi que des dates auxquelles ces différents actes de commercialisation ont eu lieu;

Ordonne que la description concernera en particulier les activités effectuées par GSK ou quelconque de ses sociétés affiliées, agents, fournisseurs ou cocontractants en Belgique, en France, en Allemagne et au Royaume-Uni;

[...]

Autorise l'expert à prendre copie, sur les lieux de la saisie, de tous documents et autres sources d'information qu'il estimerait utiles dans le cadre de l'exécution de sa mission; dans l'hypothèse où ceci s'avèrerait absolument impossible, autoriser l'expert: (i) à emporter les documents et sources d'information requis durant maximum une semaine, afin de lui permettre d'en prendre copie, ou, à sa discrétion, (ii) à rédiger l'inventaire des documents et sources que la partie saisie devra lui communiquer endéans les 48 heures”.

4. Le 4 mars 2009, Novartis fait procéder à la saisie-description au siège social de GSK.

5. Le 3 avril 2009, GSK fait tierce opposition à cette ordonnance pour, à titre principal, obtenir sa réformation en totalité à défaut de titre valable prima face et, à titre subsidiaire, en partie, afin de garantir de manière suffisante le caractère confidentiel de l'information divulguée lors des mesures de description.

Par une ordonnance du 7 mai 2009, le président du tribunal de commerce de Bruxelles déboute GSK de sa demande formulée à titre principal et, statuant sur la demande subsidiaire, ordonne:

“- à Novartis de n'utiliser l'information communiquée par GSK Bio à l'expert désigné dans le cadre de la présente saisie-description et/ou se retrouvant dans le rapport de l'expert qu'afin d'évaluer et d'établir s'il y a atteinte à son brevet européen EP'489 ou à tout autre brevet appartenant à la même famille de brevets que l'EP'489 précité;

- que le rapport d'expertise et toute autre information confidentielle divulguée par GSK Bio dans le cadre de la présente saisie-description à l'expert ne seront communiqués qu'à un nombre limité de personnes représentant Novartis, comprenant les conseils juridiques externes de son choix dans les procédures en contrefaçon ainsi qu'aux conseillers techniques de son choix qu'ils soient au non employés de Novartis en ce compris tout agent en brevet, pour autant que ces différents représentants de Novartis ne soient pas impliqués dans les procédures de dépôt, examen et défense de brevets dans le domaine des vaccins conjugués avec polysaccharides bactériens et, de manière plus particulière, pour autant qu'ils ne participent pas à la rédaction, la poursuite, la modification et la défense du brevet EP'489 devant l'OEB ou devant l'un des offices nationaux de brevets, cette restriction ne s'appliquant cependant pas aux avocats de Novartis qui sont impliqués dans les procédures en nullité des brevets EP'489 et dans les éventuelles procédures en contrefaçon, avocats qui pourront dès lors recevoir l'intégralité du rapport de l'expert”.

6. Le rapport de l'expert B. est déposé le 5 juin 2009.

7. Le 3 août 2009, Novartis cite GSK devant le tribunal de commerce de Bruxelles sur la base du rapport d'expertise afin que le tribunal dise pour droit que GSK contrefait ou s'apprête à contrefaire plusieurs revendications du brevet en Belgique et qu'il lui interdise de poursuivre de tels actes de contrefaçon. Cette procédure est jointe à l'action en invalidité du brevet introduite par GSK et les deux procédures sont fixées pour plaidoiries aux audiences des 21 et 28 janvier 2010.

Novartis a également introduit une action en contrefaçon contre GSK au Royaume-Uni sur la base du volet anglais du brevet.

8. Le 24 juin 2009, GSK assigne Novartis et l'expert B. devant le président du tribunal de commerce de Bruxelles parce que l'expert a joint à son rapport, sous l'annexe 1, en version non censurée la quasi-totalité des documents qu'elle lui a communiqués et qu'elle estime que ceux-ci contiennent des informations confidentielles sans pertinence pour l'appréciation de l'existence de la contrefaçon.

Par cette citation, GSK invite le président du tribunal à:

“- ordonner à l'expert de ne communiquer dans son rapport avec annexes que des informations qui sont directement utiles et pertinentes pour sa mission soit en supprimant des pièces énumérées sous l'annexe 1 de son rapport d'expertise soit en les expurgeant de toute information ne rencontrant pas ces critères;

- ordonner à l'expert qu'il procède aux mesures demandées dans les 7 jours de l'ordonnance à intervenir;

- ordonner à Novartis de restituer immédiatement à l'expert et sous peine d'une astreinte de 20.000 EUR par jour de retard à compter, (...), de la signification de l'ordonnance à intervenir, les originaux des pièces énumérées sous l'annexe 1 du rapport d'expertise, ainsi que toutes copies qui en auraient été faites dans l'attente des nouvelles annexes à fournir par l'expert;

- ordonner à Novartis de confirmer officiellement que ni elle, ni un de ses employés ou une société affiliée ou un de ses mandataires n'est encore en possession d'une copie des pièces précitées sous quelque forme que ce soit dès le remise de originaux à l'expert”.

9. Dans ses premières conclusions, Novartis fait valoir que cette citation est nulle pour n'avoir pas été signifiée à son siège social en Suisse.

GSK fait dès lors signifier une deuxième citation identique à la première, déposée à la poste par l'huissier le 22 juillet 2009 à destination des autorités suisses compétentes en vue de sa signification à Novartis. Cette citation est accompagnée d'une ordonnance en abréviation des délais de citer du 17 juillet 2009 permettant à GSK de citer Novartis à l'audience du 29 juillet 2009 pour que cette nouvelle procédure puisse être jointe à celle introduite par la citation du 24 juin 2009.

Novartis forme tierce opposition par conclusions à l'encontre de l'ordonnance du 17 juillet 2009 contestant l'urgence invoquée par GSK.

10. A l'audience du 29 juillet 2009, il est apparu que l'huissier n'avait pas mis la deuxième affaire au rôle en temps utile, de sorte qu'elle n'était pas encore inscrite au rôle.

GSK fait alors procéder à une troisième citation au siège social de Novartis, déposée à la poste le 31 juillet 2009, à l'attention des autorités suisses compétentes en vue de sa signification à Novartis. GSK a obtenu l'abréviation des délais de citer par une ordonnance du 30 juillet 2009, à charge de laisser à Novartis un délai de minimum 2 jours entre le jour de la signification de la citation et le jour de l'audience d'introduction.

Novartis conteste l'urgence sur la base de laquelle GSK a obtenu l'abréviation des délais de citer.

11. Les affaires introduites par citations des 24 juin et 31 juillet 2009 sont plaidées à l'audience du 19 août 2009.

Dans ses premières conclusions déposées le 17 juillet 2009, dans l'affaire introduite par citation du 24 juin 2009, GSK modifie sa demande comme suit et invite le président du tribunal de commerce à:

“- acter que la demande est étendue et modifiée en application et en conformité avec l'article 807 du Code judiciaire;

- ordonner à l'expert, Monsieur J.B., de se conformer dans l'exécution de sa mission à ce qui lui est autorisé par les Ordonnances des 3 mars et 7 mai 2009;

- ordonner à l'expert, Monsieur J.B., de procéder aux mesures demandées dans les 7 jours de l'ordonnance à intervenir;

- ordonner à l'expert, Monsieur J.B., de ne communiquer que les informations décrites dans son rapport en supprimant toutes les pièces annexées à son rapport, ou au moins en les expurgeant de toute information non reprise dans son rapport;

- ordonner à Novartis de restituer immédiatement à l'expert, sous peine d'une astreinte de 20.000 EUR par jour de retard à partir de la signification de l'ordonnance à intervenir, les originaux de toutes les pièces énumérées sous l'annexe 1 du rapport d'expertise, ainsi que de toutes copies qui en auraient été faites;

- interdire à Novartis d'utiliser de quelque manière et sous quelque forme que ce soit, sous peine d'une astreinte de 1.000.000 EUR par infraction à partir de la signification de l'ordonnance à intervenir, les informations reprises dans les pièces énumérées sous l'annexe 1 du rapport d'expertise, sauf dans la mesure où il s'agit d'informations reprises dans la partie descriptive du rapport;

- ordonner à Novartis de confirmer officiellement, sous peine d'une astreinte de 20.000 EUR par jour de retard à partir de la signification de l'ordonnance à intervenir, que ni elle, ni un de ses employés ou une société affiliée ou un de ses mandataires, n'est encore en possession d'une copie des pièces précitées sous quelque forme que ce soit, dès la remise des originaux à l'expert”.

12. Le 7 août 2009, GSK dépose un jeu unique de conclusions pour les deux affaires et modifie sa demande originaire. Elle invite le président du tribunal à:

“- ordonner la jonction des affaires portant les numéros de rôle C/09/00135 et C/09/00164;

- acter que la demande est étendue et modifiée en application et en conformité avec l'article 807 du C. jud.;

- ordonner à l'expert, Monsieur J.B., de se conformer dans l'exécution de sa mission à ce qui lui est autorisé par les Ordonnances des 3 mars et 7 mai 2009;

- ordonner à l'expert, Monsieur J.B., de procéder aux mesures demandées dans les 7 jours de l'ordonnance à intervenir;

- ordonner à l'expert, Monsieur J.B., de ne communiquer que les informations décrites dans son rapport en supprimant toutes les pièces annexées à son rapport;

- en ordre subsidiaire, si [le] Tribunal devait ne pas faire droit à la demande tendant à supprimer l'ensemble des annexes, désigner Mr. Thierry Dubost, du bureau Bird Goën & Co., établi à Klein Dalenstraat, 42A à 3020 Winksele, comme expert ayant pour mission d'examiner les documents saisis et d'écarter à la lumière du rapport descriptif de Monsieur B. les documents ou parties de documents qui ne sont pas pertinents pour évaluer la prétendue contrefaçon;

- ordonner à Novartis de restituer immédiatement à l'expert nommé par le Tribunal, et sous peine d'une astreinte de 20.000 EUR par jour de retard à partir de la signification de l'ordonnance à intervenir, les originaux de toutes les pièces énumérées sous l'annexe 1 du rapport d'expertise, ainsi que de toutes copies qui en auraient été faites;

- interdire à Novartis d'utiliser de quelque manière et sous quelque forme que ce soit, sous peine d'une astreinte de 1.000.000 EUR par infraction à partir de la signification de l'ordonnance à intervenir, les informations reprises dans les pièces énumérées sous l'annexe 1 du rapport d'expertise, sauf dans la mesure où il s'agit d'informations reprises dans la partie descriptive du rapport;

- ordonner à Novartis de confirmer officiellement, sous peine d'une astreinte de 20.000 EUR par jour de retard à partir de la signification de l'ordonnance à intervenir, que ni elle, ni un de ses employés ou une société affiliée ou un de ses mandataires, n'est encore en possession d'une copie des pièces précitées sous quelque forme que ce soit, dès la remise des originaux à l'expert;

- condamner les défendeurs aux frais et dépens de l'instance, en ce y compris l'indemnité de procédure évaluée provisoirement à 5.000 EUR en application de l'arrêté royal du 26 octobre 2007, sous réserve de majoration en cours d'instance”.

13. Par ordonnance du 3 septembre 2009, le président du tribunal de commerce de Bruxelles, après avoir joint les causes introduites par citations des 24 juin et 31 juillet 2009 (RG n° C/09/00135 et C/09/00164), se déclare incompétent vis-à-vis de l'expert, déclare la citation du 24 juin 2009 nulle et sa signification à Novartis non avenue, en ce qui concerne la demande introduite sous le numéro de rôle général 135/09.

En ce qui concerne la cause portant le n° de RG 164/09, le président déclare l'ordonnance du 30 juillet 2009 ayant fait droit à la requête en abréviation des délais de citer, nulle et par conséquent, déclare la citation du 31 juillet 2009 nulle et sa signification à Novartis non avenue.

14. En degré d'appel, GSK demande à la cour:

- de dire le présent appel recevable et fondé et par conséquent;

- de réformer l'ordonnance prononcée par le Président du Tribunal de Commerce de Bruxelles le 3 septembre 2009 dans la cause portant les numéros de rôles C/135/2009 et C/164/2009;

- d'ordonner à l'expert, Monsieur J.B., de se conformer dans l'exécution de sa mission à ce qui lui est autorisé par les Ordonnances des 3 mars et 7 mai 2009;

- d'ordonner à l'expert, Monsieur J.B., de procéder aux mesures demandées dans les 7 jours de l'arrêt à intervenir;

- d'ordonner à l'expert, Monsieur J.B., de ne communiquer que les informations décrites dans son rapport en supprimant toutes les pièces annexées à son rapport;

- en ordre subsidiaire, si Votre Cour devait ne pas faire droit à la demande tendant à supprimer l'ensemble des annexes, désigner Mr. Thierry Dubost, du bureau Bird Goën & Co, établi Klein Dalenstraat, 42A à 3020 Winksele, comme expert ayant pour mission d'examiner les documents saisis et d'écarter à la lumière du rapport descriptif de Monsieur B. les documents ou parties de documents qui ne sont pas pertinents pour évaluer la prétendue contrefaçon;

- ordonner à Novartis de restituer immédiatement à l'expert nommé par la Cour, et sous peine d'une astreinte de 20 000 EUR par jour de retard à partir de la signification de l'arrêt à intervenir, les originaux de toutes les pièces énumérées sous l'annexe 1 du rapport d'expertise, ainsi que de toutes copies qui en auraient été faites;

- interdire à Novartis d'utiliser de quelque manière et sous quelque forme que ce soit, sous peine d'une astreinte de 1.000.000 EUR par infraction à partir de la signification de l'arrêt à intervenir, les informations reprises dans les pièces énumérées sous l'annexe 1 du rapport d'expertise, sauf dans la mesure où il s'agit d'informations reprises dans la partie descriptive du rapport;

- ordonner à Novartis de confirmer officiellement, sous peine d'une astreinte de 20.000 EUR par jour de retard à partir de la signification de l'arrêt à intervenir, que ni elle, ni un de ses employés ou une société affiliée ou un de ses mandataires, n'est encore en possession d'une copie des pièces précitées sous quelque forme que ce soit, dès la remise des originaux à l'expert;

- condamner les intimés aux frais et dépens des deux instances, en ce y compris l'indemnité de procédure évaluée à 3.000 EUR pour la procédure en première instance et à 3.000 EUR pour la procédure en appel, en application de l'arrêté royal du 26 octobre 2007, sous réserve de majoration en cours d'instance.

15. Novartis demande à la cour:

A titre principal:

- De déclarer la requête d'appel introductive d'instance nulle et, par conséquent, sa notification à Novartis non avenue;

A titre subsidiaire:

- De confirmer l'ordonnance du 3 septembre 2009 rendue par le Président du Tribunal de commerce de Bruxelles;

A titre plus subsidiaire:

- De déclarer la demande de GSK irrecevable ou, à tout le moins, se déclarer sans compétence pour en connaître;

A titre infiniment subsidiaire:

- De déclarer la demande de GSK recevable mais non fondée;

En tout état de cause:

Condamner GSK aux frais et dépens des deux instances, en ce compris l'indemnité de procédure, évaluée provisoirement, en application de l'arrêté royal du 26 octobre 2007, à 1.200 EUR pour la procédure en première instance et à 1.200 EUR pour la procédure en appel, sous réserve de majoration en cours d'instance”.

IV. Discussion
A. La nullité de la requête d'appel
1. L'élection de domicile

16. La requête d'appel mentionne que la partie intimée est “la société de droit suisse Novartis AG, ayant son siège social à Lichtstrasse 35, CH-4002 Bâle, Suisse, ayant fait, dans un premier temps, dans la procédure en saisie-description et tel qu'indiqué dans l'ordonnance attaquée, élection de domicile au cabinet de ses conseils à 1000 Bruxelles, avenue du Port 86 C, bte 414 ; et ayant fait plus récemment, dans la signification de l'ordonnance attaquée, faite le 10 septembre 2009, élection de domicile à l'étude de l'huissier instrumentant, Monsieur Olivier Castiaux, huissier de justice de résidence à 1400 Nivelles, boulevard des Arbalétriers, 68”.

La requête d'appel a été notifiée par le greffe de la cour au domicile élu situé au cabinet des avocats de Novartis à Bruxelles, ainsi qu'à l'étude de l'huissier Castiaux.

17. Novartis soutient que la présente procédure ne peut être considérée comme étant la poursuite de la procédure en saisie-description dès lors que celle-ci a été définitivement clôturée par le dépôt du rapport de l'expert désigné par le président du tribunal de commerce.

En conséquence, l'élection de domicile faite par Novartis dans le cadre de la procédure en saisie-description sur la base de l'article 1369bis/2 du Code judiciaire, n'est plus valable pour la présente procédure. D'après Novartis, la requête d'appel aurait dû être notifiée à son siège social en Suisse et elle aurait dû disposer d'un délai de comparution de 32 jours conformément aux articles 55, 1035 et 1040 du Code judiciaire.

La question de la validité de la requête d'appel dépend de la nature de la présente procédure : a-t-elle ou non pour objet un incident de la saisie-description?

Dans l'affirmative, l'élection de domicile faite par Novartis au cabinet de ses avocats pour les besoins de la saisie-description, conformément à l'article 1369bis/2 du Code judiciaire, continuerait à produire ses effets pour les besoins de la présente procédure.

Novartis ne conteste en effet pas que la tierce opposition diligentée par GSK à la suite de l'ordonnance du 3 mars 2009 a pu être diligentée sur la base de l'élection de domicile faite au cabinet de ses avocats.

2. La nature de la présente procédure

18. GSK ne conteste pas la forme du rapport d'expertise proprement dit qui décrit ses activités, mais reproche à l'expert d'avoir joint à ce rapport, dans l'annexe 1, la quasi-totalité des documents qu'elle lui a remis sans avoir expurgé les informations confidentielles non pertinentes pour sa mission.

19. L'article 1369bis/8 du Code judiciaire prévoit que “le président qui a prononcé l'ordonnance (de saisie-description) connaît de tous les incidents relatifs à l'exécution des mesures de description et de saisies”.

D'après les travaux préparatoires de l'article 29 de la loi du 10 mai 2007 qui a introduit cette disposition, “l'article 1369bis/8 n'a pas son correspondant dans les articles 1481 à 1488. En effet, les articles 1395 et 1396 du Code judiciaire confèrent au juge des saisies le pouvoir de régler tous les incidents susceptibles de survenir dans la mise en oeuvre ou l'exécution des mesures qu'il a ordonnées et donc, notamment, de veiller au bon déroulement des saisies en matière de contrefaçon. Un pouvoir similaire est attribué au président du tribunal qui a prononcé l'ordonnance de saisie en matière de contrefaçon” (Doc.parl. chambre, session 2006/2007, doc. 51, n° 2943-2944/01, pp. 68-69).

Ainsi, le président du tribunal de commerce qui a pris l'ordonnance relative à la description dispose d'un pouvoir similaire à celui du juge des saisies dans l'ancienne procédure de saisie description.

20. Les anciens articles 1481 à 1488 du Code judiciaire auxquels les travaux préparatoires de l'article 1369bis/8 font référence, donnent au juge des saisies la compétence d'ordonner la description de choses ou de procédés prétendus contrefaits et d'interdire au détenteur de ces objets de s'en dessaisir. Ces dispositions ne contiennent rien concernant la juridiction compétente pour connaître des incidents de la saisie-contrefaçon.

Toutefois, les articles 1481 à 1488 anciens du Code judiciaire forment le chapitre VIII du titre II concernant les saisies conservatoires. La saisie en matière de contrefaçon est, dans le cadre du régime antérieur à la loi du 15 mai 2007 relative aux aspects civils de la protection des droits de propriété intellectuelle, une saisie conservatoire.

Or, d'après l'article 1395 du Code judiciaire, “toutes les demandes qui ont trait aux saisies conservatoires, aux voies d'exécution, (...), sont portées devant le juge des saisies”, tandis que suivant l'article 1396 du Code judiciaire, “sans préjudice des voies de nullité prévues par la loi, le juge des saisies veille au respect des dispositions en matière de saisies conservatoires et de voies d'exécution”.

Le juge des saisies était donc compétent pour connaître des incidents suscités par les saisies conservatoires et leur exécution. En conséquence, lorsqu'un incident survenait à propos de l'exécution de la description ordonnée par le juge des saisies sur la base des articles 1481 à 1488 anciens du Code judiciaire, il était compétent pour en connaître, conformément aux articles 1395 à 1396 du même code.

21. Selon les travaux préparatoires précités de l'article 1369bis/8 du Code judiciaire, le président du tribunal de commerce qui a prononcé l'ordonnance en matière de contrefaçon a un pouvoir similaire à celui du juge des saisies qui, dans l'ancien régime, était compétent pour régler tous les incidents susceptibles de survenir dans la mise en oeuvre ou l'exécution des mesures qu'il a ordonnées, sur la base des articles 1395 et 1396 du Code judiciaire.

La compétence du président du tribunal de commerce dans le cadre de l'article 1369bis/8 du Code judiciaire doit donc s'interpréter en fonction de la compétence du juge des saisies prévue aux articles 1395 et 1396 du Code judiciaire dans le cadre de l'ancienne procédure de saisie description décrite par les articles 1481 à 1488 anciens du Code judiciaire, selon les travaux préparatoires de cette disposition, et non par référence à l'expertise de droit commun.

22. En l'espèce, GSK fait valoir qu'en annexant à son rapport sous une forme non expurgée, la quasi-totalité des documents reçus de GSK à l'occasion de la saisie, l'expert a violé la mission qui lui a été confiée par l'ordonnance du président du tribunal de commerce de Bruxelles du 3 mars 2009, ainsi que l'article 1369bis/1, § 1er, du Code judiciaire. Elle fonde également sa demande sur l'article 1369bis/6 du Code judiciaire qui impose à l'expert de veiller dans les opérations de description et dans la rédaction de son rapport à la sauvegarde des intérêts légitimes du prétendu contrefacteur, en particulier quant à la protection des renseignements confidentiels.

Cette demande a pour objet un incident relatif à l'exécution des mesures de description ordonnées par le président du tribunal de commerce, survenu à l'occasion du dépôt du rapport de l'expert. Même si le dépôt du rapport par l'expert constitue l'aboutissement des mesures de description ordonnées par le président du tribunal de commerce, il fait partie de l'exécution de ces mesures. Rien dans la loi ne s'oppose à ce que le président du tribunal de commerce puisse connaître d'un incident survenu à la suite du dépôt de ce rapport.

Au contraire, les travaux préparatoires de l'article 1369bis/8 du Code judiciaire définissent les pouvoirs du président du tribunal de commerce comme étant similaires à ceux du juge des saisies dans le cadre des articles 1395 et 1396 du même code, soit, “le pouvoir de régler tous les incidents susceptibles de survenir dans la mise en oeuvre ou l'exécution des mesures qu'il a ordonnée”.

Les considérations émises par Novartis fondées sur l'expertise concernent le droit commun et ne sont dès lors pas pertinentes en l'espèce, puisque la demande concerne la saisie description, qui est une procédure spécifique régie par les règles particulières décrites ci-avant.

23. Puisque la demande formée par GSK est un incident relatif à l'exécution des mesures de description au sens de l'article 1369bis/8 du Code judiciaire, de la compétence du président du tribunal de commerce qui a ordonné les mesures de description, l'élection de domicile faite par Novartis au cabinet de son conseil pour les besoins de la description est valable pour la présente procédure.

En conséquence, l'exception de nullité de la requête d'appel soulevée par Novartis n'est pas fondée.

B. La nullité des citations des 24 juin et 31 juillet 2009

24. La citation introductive d'instance a été signifiée au cabinet des avocats de Novartis, soit au domicile élu dans le cadre de la description, conformément à l'article 1369bis/2 du Code judiciaire.

En vain Novartis soutient-elle que cette citation est nulle pour ne pas avoir été signifiée à son siège social, l'élection de domicile n'étant plus valable dans le cadre de la présente procédure.

Pour les motifs exposés au point précédent, la demande est un incident de l'exécution des mesures de description ordonnées par le président du tribunal de commerce pour lesquelles Novartis a fait élection de domicile au cabinet de ses avocats. Cette élection de domicile continue donc à produire ses effets pour les besoins de la présente procédure. La citation introductive d'instance a donc pu valablement être signifiée au domicile élu de Novartis.

25. En conséquence, l'exception de nullité de la citation du 24 juin 2009 soulevée par Novartis n'est pas fondée.

26. L'examen des exceptions de nullité soulevées à propos de la citation du 31 juillet 2009 et de l'ordonnance du 30 juillet 2009 ayant accordé l'abréviation des délais de citer est sans intérêt, la demande ayant valablement été introduite devant le premier juge par la première citation du 24 juin 2009.

C. Recevabilité de la demande

27. D'après Novartis, la demande de GSK est irrecevable en ce qu'elle constitue en réalité, une tierce opposition hors délai aux ordonnances rendues les 3 mars et 7 mai 2009.

Il convient de se référer à la demande telle qu'introduite par la citation introductive d'instance pour apprécier son objet.

Dans la citation du 24 juin 2009, GSK demande au président du tribunal de commerce de Bruxelles d'ordonner à l'expert de ne communiquer dans son rapport que “des informations qui sont directement utiles et pertinentes pour sa mission soit en supprimant des pièces énumérées sous l'annexe 1 de son rapport d'expertise soit en les expurgeant de toute information ne rencontrant pas ces critères”.

Par l'ordonnance du 3 mars 2009, le président du tribunal de commerce demande à l'expert, d'après Novartis, de “procéder à une description détaillée et documentée des procédés utilisés par GSK” dans la fabrication de ses vaccins et d'“examiner et décrire toute source d'information susceptible, dans le sens le plus large, d'être pertinente afin de déterminer si GSK ou quelconque de ses sociétés affiliées utilise ou a utilisé un ou plusieurs procédé(s) susceptible(s) de tomber sous le champ d'application d'une l'une quelconque des revendications du brevet, ...,”.

Selon Novartis, GSK poursuit la réformation de cette ordonnance en ce qu'elle demande que l'expert ne communique dans son rapport que des informations 'directement utiles et pertinentes' au lieu de toute information “susceptible dans le sens le plus large” d'être pertinente pour la procédure au fond.

28. Contrairement à ce que soutient Novartis, la citation extraite de l'ordonnance du 3 mars 2009, relative la description détaillée et documentée des procédés utilisés par GSK dans la fabrication de certains vaccins, ne fait pas partie de la mission de l'expert prévue par cette ordonnance mais concerne l'autorisation faite à Novartis de rassembler les preuves de la contrefaçon.

La partie du dispositif de l'ordonnance dont cette citation est extraite est la suivante: “autorisons la requérante (Novartis) à rassembler les preuves d'une contrefaçon présumée du brevet, ..., au siège social de la société G.S.K. Biologicals, ..., ainsi qu'en tous lieux où GSK dispose d'un siège d'exploitation en Belgique, ..., où les procédés et/ou produits soupçonnés de porter atteinte aux volets, ... , du brevet EP'489 sont susceptibles d'être décrits, et où quelconque information concernant d'éventuels actes de contrefaçon par GSK, ..., est susceptible d'être recueillie et plus particulièrement de procéder à une description détaillée et documentée des procédés utilisés par GSK dans la fabrication des vaccins, ...” (mis en gras par la cour).

Ainsi, dans cette partie de l'ordonnance, le président du tribunal de commerce de Bruxelles autorise Novartis à procéder à une description détaillée et documentée des procédés utilisés par GSK dans la fabrication des vaccins concernés, afin de rassembler les preuves d'une contrefaçon présumée. Cette autorisation ne fait pas partie de la définition de la mission de l'expert par le président du tribunal.

La demande figurant dans les citations originaires de GSK que Novartis cite comme valant tierce opposition contre l'ordonnance ne peut recevoir cette qualification en ce qu'elle n'a pas pour objet la réformation de cette ordonnance. La demande de GSK concerne en effet, le rapport même de l'expert et ses annexes et ne vise pas l'autorisation accordée à Novartis de rassembler les preuves d'une contrefaçon présumée du brevet. Elle a donc un objet différent.

29. Quant à la deuxième citation de l'ordonnance par Novartis, elle concerne bien la mission de l'expert qui doit “examiner et décrire toute source d'information susceptible, dans le sens le plus large, d'être pertinente afin de déterminer si GSK, (...), utilise ou a utilisé un ou plusieurs procédé(s) susceptible(s) de tomber sous le champ de protection de l'une quelconque des revendications du brevet, (...), sans limitation d'aucune sorte”. Cette absence de limitation vise la mission de l'expert qui consiste à examiner toute source d'information susceptible, dans le sens le plus large, d'être pertinente et de les décrire dans son rapport.

La demande de GSK concerne uniquement les pièces de l'annexe 1 de ce rapport, soit la copie des pièces qu'elle a communiquées à l'expert. En effet, la formulation complète de ce chef de demande est la suivante: “ordonne à l'expert de ne communiquer dans son rapport avec annexes que des informations qui sont directement utiles et pertinentes pour sa mission soit en supprimant des pièces énumérées sous l'annexe 1 de son rapport d'expertise soit en les expurgeant de toute information ne rencontrant pas ces critères” (mis en gras par la cour). Cette demande ne limite donc pas l'étendue de la mission de l'expert quant à l'examen et à la description de toute source d'information susceptible d'être pertinente, telle que définie par l'ordonnance, mais s'applique uniquement à la communication des pièces énumérées à l'annexe 1 de son rapport.

En conséquence, la demande de GSK n'est pas une tierce opposition déguisée de l'ordonnance du 3 mars 2009 parce qu'elle ne contient aucune restriction de la mission de l'expert prévue par cette ordonnance qui ne définit pas l'étendue de la communication de pièces en annexe à son rapport.

30. D'après Novartis, la demande de GSK constitue une ingérence dans la mission de l'expert qui doit pouvoir apprécier quelles sont les annexes qu'il estime pouvoir joindre à son rapport. Suivant l'article 1369bis/6 du Code judiciaire, l'expert veille, tout au long des opérations de description, ainsi que dans la rédaction de son rapport, à la sauvegarde des intérêts légitimes du prétendu contrefacteur, en particulier quant à la protection des renseignements confidentiels. L'exécution de cette obligation, y compris dans la rédaction du rapport, peut donner lieu à un incident relatif à l'exécution des mesures de description, qui est de la compétence du président qui a prononcé l'ordonnance, conformément à l'article 1369bis/8 du Code judiciaire. L'ingérence dans la manière dont l'expert exécute sa mission, en présence, comme en l'espèce, d'un conflit entre le droit du requérant à la description et la protection des données confidentielles du prétendu contrefacteur, résulte de la loi.

31. Pour les motifs déjà exposés précédemment, l'article 1369bis/8 du Code judiciaire est applicable en l'espèce et fonde la compétence du président du tribunal de commerce et de la cour à connaître de la demande de GSK.

32. En conséquence, la demande introduite par GSK est recevable.

D. Le fondement de la demande
1. L'urgence et le provisoire

33. Novartis fait valoir que la demande de GSK est non fondée parce qu'elle ne remplit pas les conditions prévues par l'article 584 du Code judiciaire pour agir par la voie du référé, à savoir, l'urgence et le provisoire.

A l'audience du 26 octobre 2009, Novartis a déclaré ne pas contester que le premier juge a été saisi à la fois eu égard à sa compétence visée à l'article 584 du Code judiciaire et à celle plus spécifique visée à l'article 1369bis/8 du Code judiciaire (v. procès-verbal de l'audience du 26 octobre 2009).

34. D'après l'article 588, 15°, du Code judiciaire, “le président du tribunal de commerce, saisi par voie de requête, statue sur: (15°) les demandes de saisies en matière de contrefaçon formées en vertu des articles 1369bis/1 à 1369bis/10 du présent Code et introduite par des personnes qui, aux termes d'une loi relative aux droits de propriété intellectuelle visés à l'article 574, 3°, 11°, 14°, 15°, 16°, 17° et 18°, sont habilités à agir en contrefaçon”.

Il s'agit d'une compétence exclusive du président du tribunal de commerce, exercée comme en référé et non de la compétence de référé prévue à l'article 584 du Code judiciaire. Lorsqu'il statue comme en référé, le président du tribunal statue comme le juge du fond, sa décision est revêtue de l'autorité de la chose jugée et les conditions de l'urgence et du provisoire prévues à l'article 584 du Code judiciaire ne doivent pas être démontrées (S. Uhlig, “Questions actuelles en matière de compétence”, in Actualités et développements récents en droit judiciaire, CUP, vol. 70, Larcier, 2004, p.45).

En l'espèce, la demande se fonde sur l'article 1369bis/8 du Code judiciaire, de sorte que le président du tribunal de commerce a été saisi sur la base de sa compétence exclusive prévue à l'article 588, 15°, précité du Code judiciaire. Il statue comme en référé et les conditions de l'urgence et du provisoire prévues à l'article 584 du même code, ne sont pas des conditions qui doivent être démontrées pour que la demande soit déclarée fondée par le premier juge ou par la cour.

C'est dès lors à tort que Novartis soutient que les mesures sollicitées par GSK excèdent manifestement le cadre du référé et relèvent du fond du litige. Le président du tribunal de commerce saisi sur la base de l'article 1369bis/8 du Code judiciaire statue au fond.

2. Le fond de la demande

35. GSK soutient qu'en annexant à son rapport la quasi-totalité des documents qu'elle a communiqués à l'expert, sans avoir expurgé les informations confidentielles non pertinentes pour sa mission, celui-ci est allé au-delà de ce qui est nécessaire à sa mission. Elle demande donc que l'expert supprime toutes les pièces annexées à son rapport, parce qu'en annexant ces pièces, l'expert a excédé l'étendue de sa mission décrite par les ordonnances du président du tribunal de commerce, ainsi que l'article 1369bis/1 du Code judiciaire.

D'après la mission qui lui a été confiée par l'ordonnance du 3 mars 2009, l'expert doit examiner et décrire toute source d'information susceptible, dans le sens le plus large, d'être pertinente pour déterminer si GSK utilise ou a utilisé des procédés susceptibles de tomber sous le champ de protection de l'une quelconque des revendications du brevet. Il doit également procéder à une description détaillée de l'origine et de la destination de certains vaccins, ainsi qu'à une description détaillée de l'ampleur des activités de GSK relatives à ces vaccins susceptibles de porter atteinte aux volets belge, allemand, français et/ou anglais du brevet. Pour la réalisation de sa mission, l'expert est autorisé à prendre copie de tous documents et autres sources d'information qu'il estime utiles dans le cadre de l'exécution de sa mission.

Si l'expert peut avoir accès à tous les documents et informations qu'il estime utiles pour la réalisation de sa mission et en prendre copie, il ne peut pour autant annexer tous ces documents à son rapport. L'accès aux documents a en effet pour but de permettre à l'expert de rédiger son rapport en lui communiquant toutes les informations qu'il juge utiles à l'exécution de sa mission. Celle-ci consiste, après avoir examiné les documents communiqués, en une description de toute source d'information susceptible, au sens large, d'être pertinente pour déterminer si GSK utilise des procédés susceptibles de porter atteinte aux revendications du brevet.

36. GSK relève que les annexes contiennent des informations relatives à la fermentation de la bactérie afin de produire le polysaccharide et que cette étape de fermentation précède l'étape de purification du polysaccharide. Les informations relatives à la fermentation et au média de culture figurent dans la description et non dans les revendications du brevet. La mission de l'expert se limite à la description des sources d'information susceptibles d'être pertinentes pour déterminer si GSK utilise des procédés susceptibles de porter atteinte aux revendications du brevet. Puisque la fermentation et le média de culture ne font pas partie des revendications du brevet, l'expert ne peut annexer à son rapport des documents et informations concernant ces éléments.

GSK relève encore que l'expert a constaté que contrairement aux revendications du brevet, le Synflorix n'utilise pas d'alcool pour la solubilisation. Les annexes du rapport concernant ce vaccin ne sont donc pas pertinentes pour déterminer si GSK porte atteinte aux revendications du brevet.

37. Ces deux exemples établissent que les annexes du rapport contiennent des informations qui ne sont pas pertinentes pour établir la contrefaçon et excèdent les limites de la mission confiée à l'expert par l'ordonnance du 3 mars 2009.

38. La divulgation de ces informations non pertinentes porte préjudice aux intérêts légitimes de GSK, en particulier quant à la protection des renseignements confidentiels. Si la confidentialité de certaines informations ne fait pas obstacle au droit du requérant d'établir la contrefaçon par la procédure de description, il appartient à l'expert de veiller à la protection des informations confidentielles du prétendu contrefacteur et d'éviter la divulgation d'informations confidentielles non pertinentes pour établir la contrefaçon, conformément à l'article 1369bis/6 du Code judiciaire.

Le rapport, ainsi que les éléments collectés à l'occasion de la description ne peuvent être utilisés que dans le cadre d'une procédure belge ou étrangère, au fond ou en référé, pour établir la contrefaçon, l'origine, la destination et l'ampleur de celle-ci (articles 1369bis/7, § 2 et 1369bis/1 du Code judiciaire).

Or, GSK fait valoir que Novartis risque d'utiliser certaines informations confidentielles du rapport afin d'amender son brevet pour que le procédé de GSK tombe dans le champ d'application des revendications modifiées. Novartis confirme avoir introduit une demande de modification du volet anglais du brevet le 15 mai 2009.

Dans les conclusions qu'elle a déposées dans le cadre de la tierce opposition, Novartis écrit: “ses conseils ne pourront alors faire purement et simplement abstraction des éléments dont ils auront éventuellement été amenés à prendre connaissance dans le rapport d'expertise aux fins de la demande en contrefaçon, lorsqu'ils seront amenés à se pencher sur l'argumentaire de GSK relatif à l'absence prétendue de validité du brevet, et à proposer, le cas échéant, une limitation du brevet en application de l'article 49, § 2 LBI)”.

Le risque d'utilisation d'informations non pertinentes pour établir la contrefaçon, contenues dans les annexes du rapport, notamment dans le cadre de procédures autres que celles qui ont pour objet d'établir la contrefaçon, dont la procédure de limitation du volet anglais, est sérieux en l'espèce. Ce risque, de nature à porter préjudice aux intérêts légitimes de Novartis, justifie la suppression de toutes les annexes du rapport. Le fait que les amendements au brevet ne peuvent avoir qu'un effet limitatif, parce qu'ils ont pour objet de revendiquer une invention qui se trouve déjà dans le brevet tel que délivré, n'autorise pas Novartis à utiliser des informations non pertinentes obtenues dans le cadre de la description pour une procédure dont l'objet est autre que d'établir la contrefaçon, dont une procédure en limitation des revendications du brevet.

L'ordonnance du 7 mai 2009 qui limite la communication du rapport à une catégorie limitée de personnes, ne permet pas d'éviter ce risque, dans la mesure où elle autorise la communication de l'intégralité du rapport aux avocats impliqués dans les procédures en nullité du brevet.

39. C'est en vain que Novartis soutient que si la cour devait faire droit à la demande de GSK, elle commettrait une intrusion injustifiée dans la procédure au fond pendante devant le tribunal de commerce de Bruxelles. Pour les motifs exposés ci-dessus, le président du tribunal de commerce statue au fond, comme en référé, sur tous les incidents relatifs à l'exécution des mesures de description et de saisie (articles 1369bis/8 et 588, 15°, du Code judiciaire). La présente demande, qui constitue un incident de l'exécution des mesures de description, n'est pas de la compétence du tribunal de commerce saisi d'une action en contrefaçon.

Novartis n'explique pas en quoi la cour, en faisant droit à la demande de GSK, porterait atteinte à la compétence du juge du fond anglais, en ce qu'il est seul compétent pour apprécier la pertinence, à la lumière de son droit national, des informations contenues dans le rapport dans le cadre de la procédure dont il est saisi.

40. Partant, il y a lieu de faire droit aux mesures sollicitées telles que reprises au dispositif ci-après.

E. Les dépens

41. GSK demande la condamnation des intimés aux frais et dépens des deux instances, en ce compris l'indemnité de procédure évaluée à 3.000 EUR pour la procédure de première instance et à 3.000 EUR pour la procédure d'appel.

Elle ne justifie toutefois pas les motifs pour lesquels il y aurait lieu de s'écarter de l'indemnité de procédure de base fixée à 1.200 EUR pour les affaires non évaluables en argent.

Pour ces motifs,

LA COUR,

Reçoit l'appel et le dit fondé;

Réforme l'ordonnance entreprise, sauf en ce qu'elle a joint les demandes introduites sous les numéros de rôle général C/09/135 et C/09/164;

Ordonne à l'expert, Monsieur J.B., de ne communiquer que les informations décrites dans son rapport en supprimant toutes les pièces annexées à celui-ci, au plus tard dans les 7 jours ouvrables de la signification du présent arrêt;

Interdit à Novartis d'utiliser de quelque manière et sous quelque forme que ce soit les informations reprises dans les pièces énumérées sous l'annexe 1 du rapport, sauf dans la mesure où il s'agit d'informations reprises dans la partie descriptive de ce rapport, dans les 7 jours ouvrables de la signification du présent arrêt, sous peine d'une astreinte de 1.000.000 EUR par infraction;

Condamne Novartis et l'expert B. à payer à GSK les dépens de première instance, liquidés à 1.200 EUR et les dépens d'appel, liquidés à 139 EUR + l'indemnité de procédure de base pour les affaires non évaluables en argent, de 1.200 EUR.

Cet arrêt a été rendu par la 9ème chambre de la cour d'appel de Bruxelles, composée de , qui ont assisté à toutes les audiences et ont délibéré à propos de l'affaire.