Article

Observations, R.D.C.-T.B.H., 2011/4, p. 325-330

LEVENSVERZEKERING
Verzekeringscontract - Tak 23 - MiFID - Financieel instrument - Verplichting van informatie - Dwaling - PRIP's
De verzekeringsovereenkomst die bij een verzekeringsmakelaar afgesloten werd en die in financiële instrumenten belegt, kan niet geherkwalificeerd worden in een onderschrijving van een beleggingsfonds, gelet enerzijds op de materiële kenmerken eigen aan een verzekeringsovereenkomst, zoals het polisnummer of de vermelding van een verzekeringsnemer, anderzijds op haar juridische kenmerken zoals de aanwezigheid van toeval.
De verzekeringsnemer kan zich bovendien, in zijn relatie met de verzekeringsmakelaar, niet beroepen op de MiFID regelgeving, omdat verzekeringscontracten buiten het toepassingsgebied van deze richtlijn vallen. Desalniettemin hebben zowel de verzekeringsmakelaar als de financiële instelling, die regelmatig voorstellen verzekeringscontracten van type tak 21 of 23 te onderschrijven, ten aanzien van de verzekeringsnemer een informatieplicht, waarvan de draagwijdte evenwel kan variëren.
ASSURANCE VIE
Contrat d'assurance - Branche 23 - MiFID - Instrument financier - Obligation d'information - Erreur - PRIP's
Le contrat d'assurance vie conclu auprès d'un intermédiaire d'assurances et investissant dans des instruments financiers ne peut être requalifié en une souscription à un fonds d'investissement au vu des caractéristiques matérielles inhérentes à un contrat d'assurance telles que le numéro de police ou la mention d'un assuré, et juridiques telles que la présence d'un aléa.
Le preneur ne peut en outre se prévaloir des dispositions des directives MiFID dans le cadre de la relation contractuelle avec l'intermédiaire en assurances puisque ces contrats d'assurances ont été exclu du champ d'application desdites directives. Il n'en reste pas moins que tant l'intermédiaire en assurances que l'établissement financier qui, souvent, propose de souscrire à ces contrats d'assurance type Branche 21 ou Branche 23 ont une obligation d'information vis-à-vis du preneur dont l'étendu peut toutefois varier.
1. Les faits

En février 2000, M. investit une partie de ses avoirs placés sur un compte d'épargne dans le fonds 'Beethoven' proposé par une agence BACOB, soit un montant de 32.226,16 EUR. M. a réalisé cet investissement à la suite d'une proposition de l'agence BACOB de souscrire à ce produit d'investissement qui rentrait dans le cadre d'une formule d'investissement dénommée 'Open-Life'.

Le client a signé une police d'assurance qui prenait cours le 21 février 2000. Ce document mentionnait également qu'une fois les frais d'entrée de 3% perçus, 100% du montant serait investi dans un fonds dénommé 'Beethoven'.

Presque trois ans après son investissement, M. constate que son investissement a chuté de 31% et demande par écrit, le 26 décembre 2002, des explications à son agence BACOB devenue entre-temps NV Dexia Bank.

Cette dernière répond le 7 mai 2003 que le produit d'investissement est un contrat d'assurance lié à des fonds d'investissement dont la valorisation dépend des marchés financiers. Dans ce même courrier, la banque lui conseille d'attendre l'échéance du délai de 5 ans pour sortir du produit mais elle lui propose aussi d'autres options, dont notamment de transférer son investissement vers un fonds plus défensif dénommé 'Bach' investissant principalement en obligations.

Le 27 juin 2006, M. décide de rompre sa relation avec NV Dexia Bank au motif que son investissement présente à cette date un rendement de - 21%.

Le 10 mars 2008, M. cite NV Dexia Bank België et NV Dexia Insurance Belgium-Dexia Verzekeringen B afin d'obtenir la nullité de son contrat d'assurance vie au motif qu'il n'avait pas été suffisamment informé de la nature de la formule d'investissement. Il demande la condamnation solidaire des parties reprises ci-dessus au remboursement de la somme initialement investie, soit 32.223,16 EUR, majorée des intérêts, des primes d'accroissement et de fidélité depuis le 22 février 2000, des intérêts moratoires et des intérêts légaux ainsi que des frais de procédure.

2. Le jugement

Dans son jugement du 27 mai 2009, le tribunal de première instance d'Anvers s'est tout d'abord attaché à définir la nature du contrat conclu par M. avant d'en analyser les différentes spécificités. Il a ensuite analysé si le client avait bien été informé des risques liés au fonds d'investissement lié au contrat.

Qualification du contrat

Le tribunal a qualifié le contrat de contrat d'assurance vie conclu avec DVV Verzekeringen, alors Dexia Insurance Belgium. En effet, selon le tribunal, ledit contrat mentionne un numéro de police d'assurance, un montant assuré en cas de décès, le nom de l'assuré et du bénéficiaire en cas de décès ainsi que les dispositions particulières et les conditions de la police.

En outre, la prime payée par le client lui donne droit, après déduction des frais, à un certain nombre d'unités de compte, dont chacune correspond à une fraction bien déterminée du fonds d'investissement choisi.

Le tribunal constate également que le montant investi est qualifié de paiement d'une prime unique d'un contrat d'assurance vie à durée indéterminée et que la gestion des fonds d'investissement est réalisée pour le compte propre de la compagnie d'assurance dans l'intérêt des preneurs d'assurance ou des bénéficiaires des contrats liés aux fonds.

De ce fait, le tribunal juge que le contrat d'assurance vie contesté est soumis aux dispositions de la loi du 25 juin 1992 relative aux contrats d'assurances terrestres et à l'arrêté royal du 14 novembre 2003 concernant les activités d'assurance vie.

Pas de garantie de capital

Le tribunal rappelle qu'un contrat d'assurance Branche 23 ne garantit pas le capital et que le paiement de la prime donne droit à des 'unités' de valeur du fonds d'investissement qui peuvent être soumises aux effets des marchés.

Le tribunal souligne que “de waarde van een fonds van beurs­effecten kan vanzelfsprekend onder de instapwaarde zakken” [1] et que “het financieel beleggingsrisico blijft in Tak 23-overenkomst bij de client liggen, en dit risico verschilt in niets van bijvoorbeeld het risico verbonden aan de rechtstreekse belegging in een bevek, waarbij de belegger eveneens het risico van zijn belegging draagt en bij aanvang niet weet welk het resultaat van zijn belegging zal zijn” [2].

Il en conclut que la société d'assurance ne garantit pas la valeur des investissements et le risque financier est par conséquent bien supporté par le preneur d'assurance, tel qu'il ressort de l'article 65 de l'arrêté royal du 14 novembre 2003 relatif à l'activité d'assurance sur la vie [3].

Partant, le tribunal constate que la compagnie d'assurance n'a aucune obligation de résultat quant à l'investissement réalisé dans le cadre de la police d'assurance souscrite par le client.

3. L'erreur

Le preneur alléguait aussi que la banque et la compagnie d'assurance l'avaient induit en erreur par une désinformation et une publicité trompeuse. Cette erreur aurait d'une part, porté sur la nature du contrat conclu et d'autre part, sur le niveau de risque du fonds pour lequel il avait opté.

Erreur sur la nature du contrat

M. affirmait en effet qu'il ne savait pas qu'il avait signé un contrat d'assurance et qu'il pensait que le fonds dans lequel il souhaitait investir présentait peu ou pas de risques.

Le tribunal fait un juste rappel de la portée de l'article 1110 du Code civil, lequel précise que l'erreur n'est une cause de nullité d'une convention que si celle-ci porte sur la substance même de la chose qui en est l'objet. Il n'y a donc pas nullité quand l'erreur ne tombe que sur la personne avec laquelle on souhaite contracter sauf si la considération de cette personne est la cause principale de la convention contestée. L'erreur doit donc être essentielle et pas uniquement accessoire. Il rappelle en outre que selon la Cour de cassation [4], la sub­stance de la chose est un élément décisif dans le chef de la partie qui contracte de telle manière que sans cet élément elle n'aurait pas conclu la convention.

Dans le cas présent, le tribunal a considéré que l'erreur ne pouvait être prise en considération comme un défaut de volonté qui pourrait entraîner la nullité du contrat, car M. n'apportait pas la preuve que l'erreur était excusable au sens qu'une personne raisonnable, placée dans les mêmes circonstances, au même moment, se serait également laissé abuser.

Au contraire, le tribunal énumère une série d'éléments qui tendent à démontrer que le preneur d'assurance - de même que tout citoyen se trouvant dans les mêmes circonstances - ne pouvait ignorer qu'il signait un contrat d'assurance vie couplé à un fonds d'investissement, bien que cela ne soit pas explicitement mentionné dans la brochure décrivant le produit en question et intitulé 'Open-Life'.

Le tribunal relève, notamment, que le contrat mentionne un numéro de police, le nom d'un fonds d'investissement, le montant assuré en cas de décès, le nom de l'assuré et des bénéficiaires en cas de décès ainsi que le renvoi aux annexes décrivant les règles de fonctionnement du fonds et les conditions générales de la police d'assurance. Ces dernières expliquent clairement qui sont l'assureur, l'assuré et le bénéficiaire et précise sans ambiguïté qu'il s'agit d'un contrat d'assurance vie qui investi dans des fonds.

En conséquence de quoi, le tribunal a jugé qu'il ne pouvait y avoir erreur sur la nature du contrat au moment de la signature de celui-ci par le client.

Information sur le risque encouru

M. soutenait qu'il n'avait pas été correctement informé sur les risques inhérents au produit d'investissement sous-jacent au contrat d'assurance contesté. Selon lui, les termes utilisés dans la brochure faisaient apparaître l'investissement comme une formule d'épargne avec peu ou pas de risque.

Le tribunal n'a pas suivi cette argumentation en se basant sur le fait que la brochure précisait que l'investissement était d'une part “het ideale evenwicht tussen rendement en risico” et que d'autre part M. ne pouvait raisonnablement ignorer que son investissement n'était pas sans risque. En effet, le tribunal relève que le plaignant avait le choix entre trois fonds différents dont chacun avait un horizon d'investissement propre (3 ans, 3 à 5 ans et au minimum 5 ans) corrélatif à un niveau de risque (respectivement, défensif, risque moyen et dynamique à long terme). En outre, il appert des pièces présentées par le plaignant que des annotations manuscrites avaient été faites par ses soins à côté de la descrip­tion des différentes politiques d'investissements de fonds proposés.

Le tribunal ajoute qu'un investisseur moyen ne peut ignorer qu'un fonds d'investissement principalement investi en actions est dépendant de la conjoncture boursière et de l'économie et que, par définition, il peut être soumis à de fortes variations, et spécialement sur une courte période.

Le tribunal a donc rejeté la demande de M. au motif qu'il ne pouvait invoquer l'erreur sur les risques liés au fonds d'investissement sous-jacent, car cela lui avait été clairement expliqué durant la phase précontractuelle tel qu'en attestent les annotations sur le document décrivant les fonds d'investissement concernés.

4. Souscription à un produit d'assurance vie financière

Ce jugement revient sur la question de qualification des assurances vie financières telle qu'une assurance Branche 23 qui a déjà fait couler beaucoup d'encre. Le tribunal rappelle qu'un contrat d'assurance vie ne peut s'analyser comme un instrument financier même si ledit contrat d'assurance est couplé à un instrument financier comme un fonds d'investissement.

En effet, le tribunal énumère des éléments qui caractérisent un contrat d'assurance financière tels que la présence d'un preneur d'assurance dont les droits s'expriment en unités ou parts, d'un assuré, d'une prime (unique ou étalée) ainsi que la souscription à un fonds d'investissement correspondant au profil choisi par l'assuré mais souscrit par la compagnie d'assurance et non par le preneur d'assurance. Il est néanmoins curieux de constater que le tribunal ne mentionne pas l'un des aspects qui différencie fondamentalement un contrat d'assurance de tout autre produit, l'aléa. Dans le cas des assurances vie financières Branche 23, l'élément aléatoire est la période de survie du souscripteur de l'assurance.

5. Définition d'une assurance vie financière Branche 23

Il existe depuis quelques années une jurisprudence [5] con­stante ainsi qu'une doctrine [6] unanime concernant la définition des assurances vie financières qui sont dans la droite ligne du jugement de 29 novembre 2005 du tribunal de commerce de Bruxelles [7], précurseur en matière de Branche 23 (d'autres jugements similaires ayant déjà été rendus préalablement dans le cadre de contrats d'assurance vie Branche 21, notamment par la Cour de cassation française).

Dans ce jugement, le tribunal énonçe que pour qu'un contrat d'assurance vie soit valable, il suffit qu'il réponde aux dispositions des articles 1er et 97 de la loi du 25 juin 1992 sur les assurances terrestres ainsi que de l'arrêté royal du 17 décembre 1992 (actuellement l'arrêté royal du 14 novembre 2003).

Comme le dit avec beaucoup de pertinence Christiaan De Geyter dans la note sous ce jugement, “ce jugement s'engage dans la voie la plus cohérente et la plus res­pectueuse du droit des assurances vie. Il convient encore de rappeler que cette tendance est confortée par les quatre arrêts rendus le 23 novembre 2004 par la chambre mixte de la Cour de cassation française et partiellement par l'avis n° C/2004/6 du 18 février 2005 de la Commission des assurances (…)”.

En effet, durant de nombreuses années, il exista une polémique en la matière, car l'article 1964 du Code civil énonçait que “le contrat aléatoire est une convention réciproque dont les effets, quant aux avantages et aux pertes soit pour toutes les parties, soit pour l'une d'entre elles, dépendent d'un événement incertain”. Les contrats d'assurance étaient naturellement visés mais le code ajoutait que ceux-ci étaient régis par les lois maritimes.

Entre-temps, la question a perdu de son intérêt puisque le droit belge des assurances a développé son propre corps législatif au travers de la loi sur les assurances terrestres du 25 juin 1992. Celle-ci énonce en effet en son article 97 que: “Le présent chapitre [sur les contrats d'assurance sur la vie] s'applique à tous les contrats d'assurance de personnes dans lesquelles la survenance de l'événement assuré ne dépend que de la durée de la vie humaine. Ces assurances ont exclusivement un caractère forfaitaire.” Cet article 97 se fait l'écho de l'article 1er de la même loi selon lequel un contrat d'assurance est “un contrat en vertu duquel, moyennant le paiement d'une prime fixe ou variable, une partie, l'assureur, s'engage envers une autre partie, le preneur d'assurance, à fournir une prestation stipulée dans le contrat au cas où surviendrait un événement incertain que, selon le cas, l'assuré ou le bénéficiaire, a intérêt à ne pas voir se réaliser”.

La jurisprudence a été confortée dans deux jugements ultérieurs [8] du même tribunal et par un arrêt de la cour d'appel de Bruxelles du 29 juin 2010 [9] qui énonce de façon limpide que c'est “A tort que les consorts M… prétendent disqualifier le contrat d'assurance vie en un produit de 'bancassurance', opération de placement ou contrat d'épargne avec stipulation pour autrui (donation indirecte). Ainsi que le soutient à raison l'assureur AG INSURANCE qui déclare être intervenu à la cause uniquement pour informer le tribunal puis la cour sur la nature exacte du produit d'assurance vie souscrit par la défunte, l'Easy Fund plan a bien la nature juridique d'une assurance vie (Branche 23, soit une assurance liée à un fonds d'investissement et libellé en unité de compte et où le fonds d'investissement (interne à l'entreprise d'assurance) est lié à un ensemble de contrats formés par les valeurs représentatives de la provision assurance vie afférente à ce fonds d'investissement, le souscripteur n'étant plus propriétaire de son capital qui est placé dans le fonds d'investissement) conforme à l'article 97 de la loi du 25 juin 1992 sur les assurances terrestres et ne peut en aucune manière se voir requalifier en l'espèce en un produit financier.” La cour ajoute pour clore toute discussion, que “le contrat litigieux décrit ci-dessus est un contrat d'assurance vie entière, ne devant se dénouer qu'à la date du décès. Il s'agit donc bien d'un contrat aléatoire, puisqu'au moment où il se forge, nul ne sait, en effet, dans une police vie entière, à quel moment il se dénouera en faveur du bénéficiaire, que ce soit au décès ou même à l'occasion d'un rachat anticipé. Les conditions générales de l'Easy Fund Plan prévoient au décès du souscripteur, le paiement du capital aux bénéficiaires, qui pas plus que l'assureur (…), ne connaissent à l'avance le moment du paiement; ils devront les uns et les autres accepter le montant des unités à la date du décès du souscripteur, même si à ce moment les marchés financiers sont au plus bas et si l'assureur n'a pas le temps de percevoir sur une période suffisamment longue sa rémunération; cette police laisse donc subsister une chance de gain ou de perte pour les deux parties, l'aléa consistant à déclencher le paiement de la prestation à un moment précis mais indéterminé tel que le décès du souscripteur”.

Cet arrêt a le mérite de reprendre en détail les particularités des assurances vie et d'énumérer les conditions propres à ces produits tel que définis par la loi elle-même afin de lever tous les doutes en la matière.

La qualification de contrat d'assurance vie par le tribunal d'Anvers et le renvoi à la loi sur les assurances terrestres sont donc tout à fait pertinents même si le tribunal n'énonce pas tous les éléments caractéristiques d'un contrat Branche 23 tel que décrit ci-dessus.

6. L'obligation d'information dans le chef du banquier et de l'assureur

Dans son jugement, le tribunal énonce que le preneur d'assurance a été correctement informé des risques liés au produit ainsi que de la nature dudit produit d'assurance et qu'il ne peut être fait grief à la compagnie d'assurances de lui avoir communiqué des informations trompeuses et mensongères. Le tribunal ne fait cependant pas de différence entre les obligations d'information dans le chef de la compagnie d'assurances et dans le chef de l'établissement de crédit qui a proposé le produit d'assurance à son client et ne se réfère à aucune disposition légale en la matière.

Dans le cas décrit ci-dessus, le tribunal d'Anvers énumère une série d'éléments de fait à partir desquels il a estimé qu'il était suffisamment fait référence aux différents types d'investissement proposés en fonction de la perspective d'investissement et des risques sous-jacents, ce qui tend à démontrer que le client a bien été informé sur la nature et le risque du produit.

Il ne dit par contre mot sur l'étendue des obligations de la compagnie d'assurances ni sur celles de l'établissement bancaire. En effet, il convient de bien distinguer l'obligation d'information qui appartient tant à la compagnie d'assurances qu'à l'établissement bancaire de l'obligation de conseil qui est propre à ce dernier. En effet, bien que cela ne soit pas explicitement décrit dans le corps du jugement, il est plus que probable, conformément à ce qui est pratiqué sur le marché belge, et au vu des parties citées, que le contrat n'ait pas été conclu directement par l'intermédiaire en assurance mais via l'établissement bancaire en tant qu'intermédiaire en assurance. Par conséquent, c'est bien l'établissement bancaire qui avait seul le contact avec le client et qui donc était le mieux placé pour apporter l'éclairage et les conseils adéquats au client.

En ce qui concerne la compagnie d'assurances, il convenait de s'assurer qu'elle avait respecté les dispositions de l'arrêté royal du 17 décembre 1992 remplacé depuis par l'arrêté royal du 14 novembre 2003, à savoir: a) gérer les fonds sous-jacents de la Branche 23 dans l'intérêt exclusif du preneur d'assurance et des bénéficiaires du contrat d'assurance, b) établir un rapport spécifique du fonds d'investissement et le tenir à la disposition du preneur d'assurance à son siège sociale, c) tenir à la disposition du preneur d'assurance les règles de gestion du fonds d'investissement qui reprend les mentions obligatoirement prévues à l'article 71, § 2, de l'arrêté royal et enfin, d) informer le preneur annuellement du nombre d'unités de compte lui appartenant ainsi que leurs valeurs.

L'établissement financier ayant proposé l'assurance vie Branche 23, était de son côté soumis à un devoir d'information, nonobstant l'absence de convention de conseil. “En d'autres termes, il est tenu de communiquer un ensemble de données objectives à l'investisseur pour éclairer son choix, en ce compris les risques de l'opération envisagée” [10]. Sans entrer dans le détail, rappelons que ce principe a été repris à l'article 36, § 1er, 5°, de la loi du 6 avril 1995 [11] et a été intégré dans la loi du 2 août 2002 relative à la surveillance du secteur financier et aux services financiers en son article 27, § 3, qui précise que “Des informations appropriées sont communiquées aux clients ou aux clients potentiels, sous une forme compréhensible, sur (…) les instruments financiers et les stratégies d'investissement proposées, ce qui devrait inclure des commentaires et des mises en garde appropriées sur les risques inhérents à l'investissement dans ces instruments ou à certaines stratégies d'investissement.”

Force est de constater que le tribunal se contente d'énumérer les faits mais ne renvoie à aucune disposition légale.

Il est intéressant de souligner que même si le contrat avait été signé postérieurement à l'entrée en vigueur des dispositions dites MiFID [12], le contrat d'assurance Branche 23 n'aurait pas été soumis à ce nouvel arsenal MiFID. En effet, les autorités européennes n'avaient pas souhaité inclure les assurances dans le champ d'application de ces directives et donc celles-ci ne sont pas reprises dans la Section C de l'Annexe 1 de la directive 2004/39/CE qui énumère les instruments financiers qui entrent dans son champ d'application.

L'harmonisation européenne en matière d'offre d'assurance financière suit sa propre voie au sein des arcanes européennes et il semble qu'un compromis soit difficile à atteindre vu les disparités en matière d'offres et de réglementation au sein des Etats membres. Les autorités régulatoires européennes n'ont toutefois pas pour autant laissé tomber totalement leur souci de protection des consommateurs souscrivant à des produits d'assurance.

En effet, dans une communication du 29 avril 2009 [13], la Commission européenne a présenté le 'Packaged Retail Investment Products', surnommé 'PRIP's', dont l'objectif est de développer une approche horizontale en matière de transparence et de pratique du commerce pour la plupart des produits d'investissement destinés aux consommateurs de détail.

Depuis avril 2010, la 3L3 Task Force composée des CESR, CEBS et CEIOPS [14] cherche à définir les règles qui permettront d'offrir la même protection à tous les investisseurs de détail quelle que soit la forme juridique enveloppant l'investissement, et ce dès qu'un instrument s'interpose entre le client et un produit d'investissement que celui-ci aurait pu acquérir en direct. La définition d'un PRIP actuellement proposée par le 3L3 Task Force à la Commission européenne est la suivante: “A PRIP is a product where the amount payable to the investor is exposed to: (a) fluctuation in the market value of assets or (b) payouts from assets, through the combination or wrapping of these assets, or other mechanism than a direct holding” [15].

Sont donc visés les produits qui présentent un élément de packaging, c'est-à-dire qui forment une combinaison de plusieurs avoirs en un seul produit, permettant au consommateur d'accumuler du capital et pour lesquels un élément de risque est présent. A contrario, seraient exclus de ces dispositions les investissements directs (actions, obligations - sous réserve, peut-être, qu'ils ne soient considérés dans certains cas comme complexes).

Parmi les produits qui seraient concernés par ces nouvelles dispositions, il y aurait donc, outre les fonds d'investissements harmonisés ou non harmonisés et les produits structurés, les produits d'assurance couplés à des investissements telles les assurances vie financières Branche 23.

Les assurances vie financières Branche 21 classiques ne devraient pas être visées par ces dispositions puisqu'elles garantissent le capital investi et un return prédéfini. Toutefois il n'est pas à exclure que certaines assurances vie Branche 21 rentrent dans le champ d'application de ces projets si, comme on le constate pour certains produits, le taux d'intérêt garanti est extrêmement faible (0,5%, voire même 0%) mais que le rendement effectif est lié à la performance d'un (des) fond(s) sous-jacent(s) [16].

Les instances européennes de régulation ont opté pour une approche pragmatique en essayant de se rapprocher au maximum de législations européennes déjà en vigueur au sein des Etats membres. C'est pourquoi elles ont l'intention de conserver certains benchmarks existants, notamment les dispositions qui sont actuellement applicables aux UCITS en ce qui concerne les règles de transparence ainsi que l'application du Key Identified Document (KID) et les dispositions développées par les directives MiFID pour ce qui touche aux pratiques du commerce, c'est-à-dire la communication et la commercialisation aux consommateurs. En ce qui concerne ce dernier benchmark, la 3L3 Task Force envisage de développer un Key Investor Information document (KII) qui devrait permettre aux consommateurs de prendre des décisions en étant correctement informés. Ce document devra donc être rédigé dans un format clair et dans un langage compréhensible pour un profane afin de permettre des comparaisons avec d'autres PRIP's. Il devra être rédigé honnêtement et de façon claire et non trompeuse. En outre, le consommateur devra toujours avoir l'opportunité de recevoir les informations nécessaires relatives à l'instrument financier sous-jacent. En résumé, ce document KII devra contenir une description du produit, sa structure et ses objectifs, les risques qui y sont liés, les returns et les performances ainsi que les coûts.

Reste à savoir comment le contrôle de ces documents s'opérera au quotidien. Sera-ce un contrôle a priori et systématique de chaque document KII à caractère promotionnel tel que déjà réalisé par la CBFA à ce jour pour les instruments financiers? Tous les Etats membres parviendront-ils à un accord sur cet aspect qui a des conséquences pratiques et organisationnelles non négligeables pour le secteur bancaire et qui serait étendu au secteur des assurances. A défaut d'accord entre les Etats membres, sera-t-il décidé de laisser le choix à chaque pays d'opter pour un contrôle a posteriori ou a priori? Si tel sera le cas, gageons que la CBFA aura à coeur de conserver son approche actuelle en matière d'instruments financiers.

A la lecture de toutes ces évolutions envisagées par les instances européennes, il appert de plus en plus que les assurances vie financières n'échapperont plus longtemps à une remise à niveau des exigences liées à leur commercialisation.

S'il est sans conteste utile de veiller à une transparence et à une meilleure protection des consommateurs par l'ensemble des acteurs selon des critères communs, il conviendra toutefois que la Commission européenne veille particulièrement à assurer une cohérence entre la multiplication des législations destinées à la protection des consommateurs au risque d'obtenir l'inverse du but recherché, à savoir une plus grande transparence au profit de l'investisseur et donc une meilleure protection contre les offres non appropriées et contre lui-même.

Benoît Frin

Legal Manager BNP Paribas Fortis

[1] L. Schuermans, Grondslagen van het Belgisch verzekeringsrecht, Intersentia, 2008, nr. 744; traduction libre: “la valeur d'un fonds peut naturellement diminuer”.
[2] Byttebier e.a., Bankverzekeren, Kluwer, 2002, p. 349; Traduction libre: “Le risque d'investissement financier dans la Branche 23 subsiste dans le chef du client et ce risque ne se différencie en rien de, par exemple, le risque lié à un investissement direct dans une Sicav, dans laquelle l'investisseur supporte le risque de son investissement et pour lequel il ne connaît pas au début quel sera le résultat de son investissement.”
[3] MB 14 novembre 2003, pp. 55.201 et s.
[4] Cass. 27 octobre 1995, RW 1996-97, 298.
[5] Mons 9 novembre 2006, Bull.ass. 2007, p. 220; Liège 12 janvier 2005, Rec.gén.enr.not. 2007, p. 556; Anvers 3 mars 2009, Bull.ass. 2009, II.
[6] J.-L. Fagnart, “L'assurance vie, épargne déguisée?”, Bull.ass. 2004, pp. 669 et s.; M. Gouden, Enfin une réaffirmation claire des principes fondamentaux de l'assurance-vie: l'aléa est la durée de la vie humaine et le bénifice d'une assurance-vie est 'hors succession' (à l'exception de l'hypothèse des primes manifestement exagérées), RGDC 2007, liv. 9, p. 556-557; Byttebier, Bankverzekeren, Kluwer, 2002, p. 349; L. Schuermans, Grondslagen van het Belgisch verzekeringsrecht, Intersentia, 2008, nr. 744.
[7] Comm. Bruxelles 29 novembre 2005, Bull.ass. 2006, p. 228.
[8] Comm. Bruxelles 23 novembre 2006 et 6 décembre 2006.
[9] Bruxelles 29 juin 2010, Rec.gén.enr.not. 2010, p. 285.
[10] G. Gathem, “Quelques réflexions sur la faute du banquier en matière de conseil en placements”, DAOR, 2005/76, pp. 363 et s.
[11] MB 4 août 2009, pp. 39.121 et s.
[12] Directive 2004/39/CE du 21 avril 2004 concernant les marchés financiers, JO C. 71 E du 25 mars 2003, pp. 62 et s.; directive 2006/73/CE portant mesures d'exécution de la directive 2004/39/CE en ce qui concerne les exigences organisationnelles et les conditions d'exercice applicables aux entreprises d'investissement et la définition de certains termes aux fins de ladite directive, JO L. 145 du 30 avril 2004, pp. 1 et s., modifiée par la directive 2006/31/CE, JO L. 114 du 27 avril 2006, pp. 60 et s. Ces directives ont été transposées en droit belge par les arrêtés royaux des 27 avril et 3 juin 2007, publiés au Moniteur belge, respectivement les 31 mai et 18 juin 2007.
[13] http://europa.eu/rapid/pressReleasesAction.do?reference=MEMO/09/210&format=HTML&aged=0&language=EN&guiLanguage=en .
[14] Committee of European Securities Regulatories, Committee of European Banking Supervisor, Committee of European Insurance and Occupational Pensions Supervisors.
[15] G. Berard, MiFID: extension des règles de conduite à d'autres intermédiaires et révision de la directive in Séminaire IFE, “MiFID”, Bruxelles jeudi 7 octobre 2010.
[16] Idem.