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Cour d'appel Liège, 17/03/2009, R.D.C.-T.B.H., 2011/4, p. 284-286

Cour d'appel de Liège 17 mars 2009

OPERATIONS BANCAIRES
Virement - Saisie-arrêt sur compte - Moment de la saisie-arrêt - Déclaration de tiers saisi: sanction
Dès réception de l'acte contenant saisie-arrêt, le tiers saisi doit appréhender les fonds inscrits au crédit du ou des comptes ouverts au nom du saisi. Une telle réception se réalise dès que le tiers saisie prend connaissance de l'obligation mise à sa charge, c'est-à-dire lorsque la saisie-arrêt lui est signifiée. Les opérations bancaires réalisées sur le compte après la saisie-arrêt ne sont pas soumises à celle-ci. Le paiement opéré par transfert d'un compte vers un autre, tenu au sein de la même institution bancaire ainsi que l'inscription sur le compte du saisi sont instantanés. Par contre, lorsque le paiement provient d'un compte tenu auprès d'une autre institution bancaire, le compte du saisi sera considéré comme créditeur lorsque les fonds arrivent sur le compte général de la banque réceptrice.
En cas de saisie-arrêt, le compte bancaire du saisi n'est pas bloqué. Il peut dès lors continuer à fonctionner.
La déclaration de tiers saisi doit faire état du solde créditeur ou débiteur du compte au moment précis, à la minute près, de la saisie-arrêt.
En cas d'absence de déclaration de tiers saisi, de retard ou de déclaration inexacte, la sanction prévue n'est pas automatique. Le juge des saisies jouit d'un pouvoir d'appréciation. La sanction peut être modulée au gré des circonstances. Par exemple, elle peut être plus sévère lorsque le juge con­state que par fraude, mauvaise foi ou négligence coupable, le tiers saisi tente de soustraire les biens du débiteur au gage de ses créanciers.

BANKVERRICHTINGEN
Overschrijving - Beslag onder derden op bankrekening - Ogenblik van het beslag - Verklaring van de derde beslagene: sanctie
Vanaf de ontvangst van de akte van beslag onder derden, moet de derde-beslagene de tegoeden die voorkomen op de rekeningen van de beslagene onder zich houden.
Een dergelijke ontvangst situeert zich op het ogenblik dat de derde-beslagene kennis heeft van de verplichtingen ten zijne laste, dit is vanaf het ogenblik dat het beslag hem betekend is.
De bankverrichtingen uitgevoerd op de bankrekening na het beslag zijn hieraan niet onderworpen. De betaling die gebeurt door overschrijving van een rekening naar een andere, gehouden bij dezelfde bankinstelling, en de inschrijving op de rekening van de beslagene maken een ogenblikkelijke verrichting uit. Daarentegen, wanneer de betaling gebeurt van een rekening geopend bij een andere financiële instelling, dan zal de rekening van de beslagene beschouwd worden als gecrediteerd wanneer deze tegoeden aangekomen zijn op de algemene rekening van de ontvangende bank.
In geval van beslag onder derden is de bankrekening van de beslagene niet geblokkeerd. Zij kan derhalve verder worden gebruikt.
De verklaring van derde-beslagene geeft het krediet- of debetsaldo van de rekening weer op het precieze tijdstip, op de minuut na, van het beslag onder derden.
In geval van afwezigheid van een verklaring van de derde-beslagene, een laattijdige of een onjuiste verklaring, is de sanctie niet automatisch. De beslagrechter heeft een appreciatiebevoegdheid. De sanctie kan gematigd worden naar gelang de omstandigheden. Zo kan de sanctie bijvoorbeeld strenger zijn wanneer de rechter fraude vaststelt, kwade trouw of schuldig verzuim, waarbij de derde-beslagene tracht de goederen van de schuldenaar aan de gemeenschappelijke waarborg van zijn schuldeisers te onttrekken.

Etat belge / SA CBC Banque et E.H.

Siég.: R. de Francquen (président), X. Ghuysen et M.-C. Ernotte (conseillers)
Pl.: Mes Ch. Dufour loco G. Gauthier et J. Lefèvre loco Fr. Lefèvre et J. Hollange

(…)

Par requête du 9 octobre 2007, l'Etat belge interjette appel du jugement rendu le 12 juin 2007 par le juge des saisies de Marche-en-Famenne. La SA CBC Banque a formé dans ses conclusions du 8 janvier 2008 un appel incident conservatoire repris dans ses conclusions de synthèse du 7 novembre 2008.

Le premier juge a parfaitement exposé les faits donnant lieu au litige et a dégagé une solution qui doit être entièrement approuvée et s'appuie sur une motivation à l'encontre de laquelle l'appelant n'élève pas de moyen nouveau pertinent.

La saisie-arrêt simplifiée notifiée par l'appelant le 7 octobre 2004, en application de l'article 164 de l'AR d'exécution du CIR 1992 a été reçue par l'intimée le 8 octobre 2004 à 9h26 au plus tard, suivant ce que précise le bureau de poste ayant distribué le pli recommandé (pièce 20 dossier de l'intimée).

C'est donc à ce moment que la saisie-arrêt est opérée et que le tiers saisi doit appréhender les fonds inscrits au crédit du ou des comptes ouverts au nom du saisi. La loi précise en effet que l'obligation pour le tiers saisi de ne pas se dessaisir des fonds naît “dès la réception de l'acte contenant saisie-arrêt” (art. 1451 et 1540 du Code judiciaire), ce qui se réalise à l'instant où le tiers prend connaissance de l'obligation mise à sa charge.

La saisie-arrêt porte sur la créance du saisi sur le tiers saisi (de Leval, La saisie mobilière, Rép.not., T. XIII, p. 160, n° 384), soit le solde créditeur du compte (de Leval, o.c.; Ledoux, “Chronique de jurisprudence. Les saisies”, JT 1989, p. 646, n° 134; La saisie-arrêt bancaire, RPDB, Compl. VIII, p. 821, n° 50) au moment de la saisie, les paiements enregistrés sur le compte après la saisie n'étant pas soumis à celle-ci (Bruxelles 13 mars 1989, JLMB 1989, p. 803).

Lorsque les paiements proviennent d'un autre compte tenu au sein de la même institution bancaire, le transfert du compte par lequel le paiement est opéré et l'inscription sur le compte du saisi sont instantanés en sorte qu'il n'y a aucune difficulté à préciser le moment du paiement. Lorsque le paiement provient d'un compte tenu auprès d'une autre institution bancaire, le compte du saisi est considéré comme créditeur lorsque les fonds arrivent sur le compte général de la banque réceptrice, celle-ci étant dès ce moment débitrice vis-à-vis de son client dont le compte doit être crédité par elle, le détail des opérations réalisées à l'intervention du Centre d'Echange et de Compensation (CEC) ayant été exposé correctement par le premier juge.

A l'instant de la saisie-arrêt du 8 octobre 2004, le compte du saisi, E.H., était créditeur de 351,55 EUR. Plusieurs virements sont venus grossir le compte après la saisie, pour 8.976,73 EUR via le CEC, inscrits sur le compte général de la banque à 11h30 et 14h et portés sur le compte du saisi respectivement à 11h42 et 14h09, un transfert interne étant comptabilisé à 15h05 (pièce 12 intimée). Il n'y a pas eu de mouvement faisant apparaître l'inscription d'une somme sur le compte général de la banque avant 9h26 et qui n'aurait été portée au crédit du compte saisi-arrêté qu'après cette heure, ce qui correspond aux opérations en cours ou en germe également frappées par la saisie.

La déclaration de tiers saisi expédiée par l'intimée le 11 octobre 2004 était donc erronée dès lors qu'elle mentionnait le total inscrit au crédit du compte en fin de journée. Elle a été rectifiée à juste titre le 22 octobre 2004, le montant réellement saisi-arrêté ayant été versé à l'appelant, déduction faite des frais de la déclaration.

L'appelant soutient que réduire la saisie-arrêt à une mesure instantanée portant sur une assiette variant d'une heure à l'autre relève d'une conception irréaliste, mais dès lors que les moyens techniques existent in casu pour déterminer l'heure à laquelle une opération bancaire est exécutée et qu'il est également aisé de se ménager la preuve de l'heure à laquelle le tiers saisi prend connaissance de la notification valant saisie, un contrôle du respect de l'obligation pesant sur le tiers saisi est tout à fait réalisable.

La saisie-arrêt ne provoque pas un blocage du compte qui peut continuer à fonctionner (RPDB, Compl. VIII, p. 822, n° 51). L'intimée a donc régulièrement remis à son client les sommes qui n'étaient pas frappées par la saisie-arrêt et qui ont été inscrites au crédit du compte postérieurement à la saisie.

La saisie-arrêt du 9 novembre 2004 (pièce 15 intimée) intervenue sur base de l'article 165 de l'AR d'exécution du CIR 1992 ne contient pas la précision de l'heure à laquelle l'exploit a été remis à l'intimée et n'a pas pour objet d'étendre le blocage du compte aux sommes venues sur le compte postérieurement à la notification du 8 octobre 2004.

La tardiveté de la déclaration de tiers saisi intervenue à la suite de cette seconde saisie-arrêt du 9 novembre 2004 ne doit ni donner lieu à une condamnation comme débiteur pur et simple ni aux dommages et intérêts sollicités à concurrence de pas moins de 187.653,56 EUR. Il n'est pas établi que si cette déclaration du 17 décembre 2004 était intervenue dans le délai de 15 jours suivant la saisie prescrit par l'article 1542 du Code judiciaire, l'appelant aurait pu obtenir un résultat positif.

La sanction prévue en cas d'absence de déclaration de tiers saisi, de retard ou de déclaration inexacte n'est pas automatique. Elle est facultative et laissée à l'appréciation du juge des saisies qui tient compte des circonstances (de Leval, La saisie mobilière, Rép.not., T. XIII, livre 3, p. 170, n° 421; Ledoux, “Chronique de jurisprudence. Les saisies”, JT 1989, p. 648, n° 146), est plus sévère lorsqu'il constate que par fraude, mauvaise foi ou négligence coupable le tiers saisi tente de soustraire les biens du débiteur au gage de ses créanciers (Cass. 16 février 1984, JT 1985, p. 142; de Leval, o.c., p. 171, n° 422) mais peut aussi faire preuve de compréhension pour moduler la sanction lorsqu'il n'y a pas malice et que le créancier n'a pas de préjudice particulier (Bruxelles 19 janvier 2004, 2002/AR/582), encore que la démonstration d'un préjudice ne soit pas déterminante (Cass. 4 octobre 2001, RW 2002-03, p. 292; F. Georges, CUP, octobre 2003, vol. 65, p. 131; voir aussi Cass. 24 avril 2008, C.2007.0180.N: “le juge qui en cas de saisie-arrêt exerce son pouvoir de modération en ne déclarant le tiers saisi qui n'a pas fait sa déclaration dans le délai ou ne l'a pas faite avec exactitude que partiellement débiteur peut fonder son pouvoir de modération sur le défaut de dommage dans le chef du saisissant dès lors que la déclaration irrégulière du tiers saisi n'a en aucune façon porté atteinte aux chances du saisissant de trouver les avoirs du débiteur et les saisir”).

L'intimée a envoyé sa déclaration spontanément et n'a donc manifesté ni réticence coupable ni volonté de désobéir à la loi et les quelques jours de décalage par rapport au délai légal n'empêchaient pas l'appelant d'envisager d'autres mesures, comme la répétition de saisies-arrêts simplifiées dont il se constate qu'il y a eu régulièrement recours avec des résultats dépendant de l'évolution du compte du saisi.

La sanction de l'intimée peut dès lors se limiter aux frais de l'action introduite par la citation du 2 février 2005 et de la procédure d'instance. En revanche, les dépens de la procédure d'appel seront compensés.

L'appel incident devient sans objet dès lors que le jugement est confirmé, la condamnation de l'intimée aux dépens d'instance étant la conséquence de sa négligence, sans profit pour le débiteur saisi qui doit toutefois supporter ses propres dépens.

Par ces motifs et ceux du premier juge,

La cour, statuant contradictoirement,

Reçoit les appels,

Confirme le jugement entrepris sous la seule imendation que l'intimée est condamnée aux dépens d'instance de l'appelant, soit 374,60 EUR (citation 136,62 + indemnité de procédure en vigueur au jour de la clôture des débats 237,98), l'intimé, E.H., supportant ses dépens d'instance.

Compense les dépens d'appel.

(…)