Les changements significatifs défavorables ('Material Adverse Change') dans les contrats de cession d'actions ou d'actifs en droit belge
TABLE DES MATIERES
2. Notion, origine et raison d'être des MAC Clauses
3. Changements significatifs défavorables et droit commun 3.1. L'erreur
3.4. La théorie de l'imprévision
3.5. La disparition de la cause ou de l'objet
3.6. La garantie des vices cachés et le vice fonctionnel
3.7. Le principe de l'exécution de bonne foi et l'interdiction de l'abus de droit
3.8. La responsabilité contractuelle du vendeur
4. Les Mac Clauses dans le cadre des offres publiques d'acquisition
5. L'interprétation des MAC Clauses 5.1. La recherche de l'intention commune des parties
5.2. Impact de l'origine anglo-saxonne et du contexte international
5.3. La nature des parties et l'objectif de l'acquisition
5.4. Les règles spécifiques d'interprétation
6. La nature juridique des MAC Clauses, leur validité et leurs effets 6.1. Introduction
6.4. Faculté de résiliation unilatérale
6.5. Elément d'adaptation du prix
6.6. Déclarations et garanties du vendeur et clause résolutoire expresse
6.7. L'impact des clauses de divisibilité et de sauvegarde sur la validité de la MAC Clause
7. La bonne foi et l'abus de droit dans la mise en oeuvre de la MAC Clause
8. La jurisprudence relative à la mise en oeuvre des MAC Clauses 8.1. La jurisprudence américaine (a) In re IBP Shareholders Litigation: une baisse substantielle du chiffre d'affaires de la cible
(b) Frontier Oil / Holly: un litige environnemental majeur
(c) Genesco / The Finish Line: un déclin des résultats dû aux circonstances économiques générales
(d) Hexion / Huntsman: une chute de l'activité de la cible
(f) Les affaires n'ayant pas mené à une décision judiciaire
(g) Conclusions de cette jurisprudence - Commentaires doctrinaux
8.2. La jurisprudence anglaise et australienne (a) WPP Group PLC / Tempus Group PLC: l'effet des attentats du 11 septembre 2001
(b) NGM Resources Limited: l'impact de l'enlèvement par Al-Qaïda de travailleurs au Niger
8.3. La jurisprudence de pays de droit civil (a) L'arrêt du Hoge Raad der Nederlanden du 7 septembre 2007: la MAC Clause invoquée après le 'Closing'
(b) L'arrêt de la cour d'appel de Paris du 24 mai 2005: le seuil de matérialité non atteint
1. | Introduction |
1.Dans les opérations de cession d'actions ou d'actifs, en particulier lorsqu'elles présentent une certaine importance, un laps de temps s'écoule souvent entre le moment où la cession est convenue et le moment où elle se réalise par le transfert de propriété de la chose vendue et le paiement du prix [2]. Cette période intermédiaire peut être nécessaire pour obtenir la réalisation de conditions suspensives (par exemple l'accord des autorités de la concurrence), pour réaliser des investigations, voire pour finaliser les accords sur certains éléments de la convention. Des événements tels que les attentats terroristes du 11 septembre 2001 à New York [3], la crise financière de 2008 ou la naissance d'un litige majeur au sein d'une entreprise, qui surviendraient au cours de cette période, peuvent surprendre les attentes des parties par rapport à ce qu'elles envisageaient lorsqu'elles ont conclu la convention.
Celui qui s'était porté acquéreur va alors peut-être souhaiter se retirer de l'opération ou en aménager les termes. Il va toutefois se heurter au principe de l'intangibilité des conventions, consacré par l'article 1134, 2ème alinéa du Code civil [4], qui occupe une place centrale au sein de notre régime contractuel.
Face à l'insuffisance du droit commun à cet égard, la pratique contractuelle a développé, en suivant l'exemple anglo-saxon, les clauses de changement significatif défavorable, que l'on dénomme communément les clauses de Material Adverse Change, en abrégé MAC, ou encore Material Adverse Effect, en abrégé MAE [5].
Typiquement, les obligations que l'acheteur doit exécuter, et en particulier celle de payer le prix, sont en vertu de cette clause subordonnées à l'absence de survenance d'un changement significatif défavorable avant la date du closing. Par exemple, ces obligations ne doivent être exécutées par l'acheteur que pour autant que “depuis la date de conclusion du contrat, aucun changement, événement ou circonstance n'est survenu qui a ou pourrait avoir un impact négatif significatif sur la situation financière, les résultats des activités ou les affaires de la société vendue” [6].
2.Quoi qu'ayant fait leur entrée dans une grande partie des contrats de cession soumis au droit belge, le régime juridique de ces clauses reste à ce jour peu précis. Les conditions de leur mise en oeuvre sont incertaines. Les MAC Clauses ont été peu étudiées par la doctrine belge et française [7]. Nous n'avons pas connaissance de jurisprudence belge publiée à ce jour qui y soit consacrée.
A l'instar de bon nombre d'autres dispositions figurant dans les conventions relatives à des opérations complexes, les MAC Clauses ont dans la pratique été introduites en droit belge en provenance directe des modèles de contrats américains et anglais. Le plus souvent, elles n'ont pas, à cette occasion, été aménagées par rapport à notre système de droit civil. La souplesse du régime de l'autonomie des volontés, qui permet aux parties de définir dans une très large mesure les règles qui les lient, ne doit pourtant pas faire oublier que de telles clauses s'insèrent dans un système juridique élaboré. Même dans leurs pays d'origine, elles donnent d'ailleurs lieu à des débats qui ne peuvent être ignorés par ceux qui les adoptent en Belgique, pour les raisons exposées ci-dessous.
Nous examinerons ces clauses en particulier dans le contexte de la vente des actions d'une société ou d'actifs. Elles figurent également fréquemment dans d'autres types de contrats, tels que les contrats de financement. Rien n'empêche d'ailleurs les parties d'insérer de telles dispositions dans d'autres contrats, comme par exemple un contrat de distribution à long terme. Les clauses de hardship que l'on rencontre dans certains contrats internationaux, poursuivent d'ailleurs un objectif assez similaire [8].
2. | Notion, origine et raison d'être des MAC Clauses |
3.Dans le contexte des contrats de cession d'actions ou d'actifs, les clauses de material adverse change peuvent être définies de manière générale comme les dispositions contractuelles permettant à l'acquéreur de se dégager de la convention de cession, après la signature de celle-ci mais avant son exécution, en cas de survenance de certains événements ayant ou, dans certains cas pouvant avoir, un impact négatif substantiel sur la société dont les actions sont vendues ou sur les actifs vendus, voire sur l'acquéreur lui-même [9]. Nous utilisons à dessein le terme large et peu précis 'se dégager' en raison des différentes formes juridiques que peuvent revêtir les MAC Clauses [10].
Les MAC Clauses sont susceptibles de couvrir des événements très divers. De manière générale, deux catégories peuvent être distinguées: les événements généraux et les événements affectant spécifiquement la société dont les actions sont acquises ou les actifs qui sont acquis. Le plus souvent, la définition est suivie par une énumération de circonstances particulières qui ne peuvent pas être considérées comme material adverse change (les MAC exceptions). Parmi les circonstances ainsi fréquemment exclues figurent notamment les circonstances économiques générales, l'adoption de nouvelles réglementations et les actes de terrorisme. Les détails et nuances de cette clause font parfois l'objet de longues négociations [11].
Les MAC Clauses se sont développées initialement aux Etats-Unis en raison de la protection insuffisante offerte par la common law par rapport aux situations visées (notamment eu égard aux conditions de la mise en oeuvre de la doctrine de la frustration aux Etats-Unis [12]). Initialement, la MAC Clause était principalement utilisée dans les contrats de financement. Elle permettait au banquier de se dégager de ses obligations de prêteur au cas où la situation de l'emprunteur se détériorait. En cas de survenance des événements visés, le banquier était ainsi autorisé à ne pas verser les fonds ou à obtenir le remboursement anticipé de ceux-ci, voire à modifier les conditions du crédit [13]. Elles ont ensuite été intégrées dans les contrats de cession d'actions et d'actifs. Les MAC Clauses se sont progressivement étendues à d'autres pays et font aujourd'hui partie de l'arsenal classique des opérations internationales. Actuellement, on les retrouve également très fréquemment en Belgique, même dans les contrats ne comportant aucun élément d'extranéité.
4.Les MAC Clauses ont donné lieu à quelques procès retentissants aux Etats-Unis et en Angleterre, dont les enseignements seront examinés ci-dessous. De l'opinion générale cependant, leur utilité ne doit pas être jugée uniquement sur la base des conflits auxquels elles ont donné lieu, car dans de nombreux cas l'existence d'une telle clause dans le contrat a permis à l'acquéreur de renégocier les conditions de l'acquisition. Elles font l'objet de nombreuses études et recensions aux Etats-Unis, combinant les aspects juridiques et économiques de la clause [14].
3. | Changements significatifs défavorables et droit commun |
5.On sait que les conventions ne peuvent, en principe, être dénouées ou modifiées que de commun accord, en vertu de l'article 1134, 2ème alinéa du Code civil. Outre le fait que les parties peuvent déroger à cette règle [15], le droit commun offre dans des cas particuliers certaines armes à l'acheteur surpris par la survenance de nouvelles circonstances. Le plus souvent toutefois, en l'absence de disposition contractuelle spécifique, ses chances de succès de remettre la convention en cause seront limitées. Nous examinons ci-dessus les principaux arguments que l'acheteur pourrait puiser dans le droit commun.
3.1. | L'erreur |
6.L'existence d'un consentement valable, c'est-à-dire notamment non entaché d'erreur, s'apprécie au moment de la formation du contrat. La survenance de nouvelles circonstances postérieurement à la conclusion de la convention n'est donc pas de nature à remettre en cause sa validité [16]. Par contre, la découverte, pendant la période intermédiaire, de circonstances préexistantes à la conclusion du contrat mais inconnues de l'acheteur, voire l'aggravation de telles circonstances ou de leurs effets, pourrait créer les conditions de la mise en oeuvre de la théorie des vices du consentement pour cause d'erreur [17].
On rappellera à cet égard qu'en droit belge, une erreur sur la valeur des actions vendues ou une erreur sur les motifs liés au patrimoine de la société dont les actions sont vendues n'est en principe pas considérée comme une erreur substantielle permettant d'annuler une convention de cession d'actions. Il peut en aller autrement lorsque la consistance du patrimoine de la société ou le rendement des actions vendues ont été déterminants du consentement de l'acheteur et sont entrés dans le champ contractuel [18].
3.2. | La force majeure |
7.On sait que la force majeure, qui libère le débiteur de ses obligations contractuelles, est la cause étrangère qui, de manière définitive, rend impossible l'exécution desdites obligations. Pour avoir cet effet libératoire, une telle impossibilité doit être absolue selon certains ou s'apprécier de manière raisonnable selon d'autres [19].
La force majeure peut se présenter sous deux formes dans le contexte de la survenance de nouveaux événements affectant l'entreprise qui fait l'objet de la vente. Elle peut tout d'abord avoir pour effet de détruire ou diminuer la 'chose vendue' elle-même. Elle peut ensuite, sans que l'objet de la vente (actions ou actifs) ne soit directement affecté, avoir un impact défavorable sur l'activité, la rentabilité ou les perspectives de l'entreprise transférée. Nous examinerons le premier cas de figure dans le contexte spécifique de la théorie des risques (infra, n° 11) et de la disparition de l'objet (infra, n° 14).
8.Quant à la seconde hypothèse, à savoir un événement ayant un impact sur l'activité, la rentabilité ou les perspectives de l'entreprise transférée, elle risque de ne pas remplir la condition d'impossibilité requise pour constituer un cas de force majeure. La jurisprudence a en effet confirmé à plusieurs reprises que, pour qu'il y ait force majeure, il faut que l'événement en question rende impossible l'exécution de ses obligations par l'une des parties; il ne suffit pas que l'exécution soit simplement plus difficile ou plus onéreuse [20]. Si l'objet de la vente n'est pas lui-même affecté, le vendeur est en mesure d'en opérer le transfert de propriété. En pratique, dans de telles circonstances, le vendeur ne fera d'ailleurs pas valoir une cause étrangère, celle-ci étant plutôt invoquée par l'acheteur pour tenter d'échapper à son obligation de payer le prix.
L'obligation de payer un prix en espèces [21] n'est toutefois en principe jamais rendue impossible à exécuter, en vertu de l'adage 'genera non pereunt' [22]. Dès lors, même si son obligation de payer le prix convenu est rendue plus onéreuse (ou moins rentable) par le fait de la dégradation de l'activité de l'entreprise achetée, le vendeur ne sera pas libéré de cette obligation par le régime de la force majeure [23]. Cette conclusion ne nous paraît pas devoir être remise en cause même si on suit la thèse selon laquelle l'impossibilité d'exécution devrait s'apprécier de manière 'raisonnable' [24]. Concernant le versement d'une somme d'argent, il n'y a en effet tout simplement pas impossibilité.
9.La condition selon laquelle l'événement en question doit être imprévisible pour constituer un cas de force majeure peut aussi donner lieu à des discussions par rapport à certains des événements habituellement couverts par la MAC Clause. Pour être constitutif de force majeure, l'événement ne doit en effet pas avoir été pris en compte par le débiteur lorsqu'il a conclu la convention, et le débiteur ne devait en outre pas en tenir compte, selon le critère de la personne normalement prudente et diligente placée dans les mêmes circonstances [25]. Or, lorsque l'on acquiert une entreprise, des événements tels qu'une réduction substantielle des activités, une diminution des bénéfices, etc. font, dans certains cas, partie des développements possibles de l'entreprise.
3.3. | La théorie des risques |
10.La théorie des risques est liée à la force majeure. Elle vise l'hypothèse particulière où la chose même, objet du contrat, vient à disparaître en raison d'un cas fortuit. En raison de l'obstacle définitif ainsi mis à l'exécution de la convention, celle-ci est dissoute [26].
La perte résultant de la force majeure et portant sur un corps certain est subie par le propriétaire ('Res perit domino'). Dans le domaine particulier des contrats ayant pour objet le transfert de propriété d'un tel corps certain, comme le contrat de vente d'actions ou d'actifs, le principe est que le transfert de propriété intervient dès l'échange des consentements, avec pour conséquence que la chose passe dès ce moment aux risques de l'acheteur, même si la tradition n'en a pas encore été effectuée (art. 1136 et 1138 C.civ.) [27]. Les parties peuvent toutefois déroger à ces règles. Lorsqu'elles conviennent de retarder le transfert de la propriété de la chose vendue jusqu'au closing ou lorsque la vente est conclue sous condition suspensive, les risques restent à charge du vendeur [28]. Il s'ensuit que, dans les hypothèses où le transfert de propriété n'intervient qu'à l'issue de la période intermédiaire au closing, la perte est pour le vendeur et le contrat est dissout sans que l'acheteur ne doive payer le prix [29], [30].
11.Si la vente porte sur des actifs (objets corporels) et que ces actifs ont été détruits par la survenance de circonstances extérieures, l'application de ces dispositions ne donne pas lieu à des difficultés particulières. Par contre, en cas de cession d'une activité (sous forme de fonds de commerce ou de branche d'activité) ou des actions d'une société, si les événements en question affectent les résultats de cette activité ou de la société, il est douteux que l'on puisse appliquer les règles de la théorie des risques. Les termes 'la chose qui fait la matière de la convention', ne semblent en effet pas viser l'activité cédée ou l'activité de la société dont les actions sont cédées ou encore le patrimoine de celle-ci. Une application par analogie de la thèse soutenue par le professeur Dieux pourrait cependant permettre une telle extension (sur cette controverse, voy. infra, n° 15).
3.4. | La théorie de l'imprévision |
12.En vertu de la théorie de l'imprévision, un contrat pourrait être dissout ou adapté lorsque les circonstances en vigueur au moment de sa conclusion ont connu par la suite des bouleversements imprévisibles qui ont pour conséquence que la poursuite de l'exécution de ce contrat par l'une des parties, sans être devenue impossible, entraînerait un profond déséquilibre de l'économie dudit contrat [31]. Nous sommes donc fort proches de la situation couverte par les MAC Clauses, même si cette théorie est surtout évoquée à propos des contrats à prestations successives de longue durée.
Il est toutefois aujourd'hui admis que la théorie de l'imprévision n'est pas reçue en droit belge, contrairement à ce qui se passe dans de nombreux autres régimes [32], [33]. C'est la raison d'être des clauses de hardship dans certains contrats, principalement internationaux. Même si certains auteurs, en Belgique et en France, plaident pour une révision de la position dominante à cet égard et pour une reconnaissance en Belgique de la théorie de l'imprévision, le cas échéant par voie de modification législative [34], cette théorie n'est donc actuellement d'aucune aide à l'acheteur confronté à des circonstances nouvelles qui rendent moins avantageuse l'acquisition convenue.
3.5. | La disparition de la cause ou de l'objet |
13.A priori, la survenance d'un événement qui affecte sensiblement la société ou les actifs cédés, par exemple en en réduisant la rentabilité qui avait été à la base de l'opération de cession, pourrait correspondre au cas de la disparition de la cause, au sens de mobiles déterminants des parties: l'acquéreur avait réalisé l'acquisition en fonction d'une certaine rentabilité (par exemple), laquelle disparaît ou est sensiblement diminuée suite à des circonstances imprévues lors de la conclusion du contrat. Actuellement, la disparition de la cause n'est cependant pas de nature à remettre la convention en question. La Cour de cassation a en effet considéré dans son arrêt de principe du 21 janvier 2000 que, sauf dans le cas des libéralités, l'existence de la cause doit être appréciée au moment de la formation du contrat et sa disparition ultérieure demeure, en règle, sans effet sur la validité de l'acte [35].
14.Par contre, il est admis que si c'est l'objet du contrat qui disparaît, ce contrat est frappé de caducité. Une telle disparition rend en effet l'exécution du contrat impossible [36]. Dans l'hypothèse d'un contrat instantané comme le contrat de vente, c'est toutefois en principe la théorie des risques qu'il y aura lieu d'appliquer le cas échéant en cas de disparition de l'objet de la vente (supra, n° 11) [37].
3.6. | La garantie des vices cachés et le vice fonctionnel |
15.L'acheteur confronté à de nouvelles circonstances pourrait être tenté de faire valoir que la chose vendue est affectée d'un vice caché. Outre le vice caché intrinsèque affectant directement la chose vendue, la théorie du vice fonctionnel a été développée en doctrine et jurisprudence belges. Selon cette théorie, le vice fonctionnel est une caractéristique occulte affectant la chose vendue, en soi non viciée, et qui la rend impropre à son usage convenu. Le vice fonctionnel implique que la chose ne peut être affectée à l'usage particulier que l'acheteur avait en vue et qui était connu du vendeur [38]. Si, avant le transfert de propriété des actions ou des actifs vendus, se produit un événement dont l'effet est de priver l'acheteur de l'usage normal de ces actions ou actifs, il pourrait tenter de mettre en oeuvre la garantie du vendeur pour vice fonctionnel. Le lien entre la théorie du vice fonctionnel et l'erreur sur la substance est évident. Il constitue d'ailleurs l'une des critiques adressées à cette théorie, par la confusion qu'elle introduit [39].
Dans le cas d'une cession d'actions, la mise en oeuvre de la garantie des vices, en ce compris le vice fonctionnel, se heurterait à la conception traditionnelle selon laquelle ce sont les actions elles-mêmes qui constituent la chose vendue et non le patrimoine de la société ou ses activités. C'est ainsi que dans son arrêt du 1er avril 1992, la cour d'appel de Liège a estimé que “seul le vice occulte empêchant ou restreignant l'exercice du droit de vote aux assemblées générales, du droit aux bénéfices sociaux et du droit au partage de l'avoir social est susceptible d'être garanti, sur base des articles 1641 et suivants du Code civil” [40]. Cette position traditionnelle est remise en cause par d'éminents auteurs, au motif qu'elle méconnaîtrait la réalité économique de la chose vendue et l'intention réelle des parties [41]. Avec d'autres cependant, nous sommes d'avis que, d'une part, l'objet de la vente consiste effectivement dans les actions vendues et que, d'autre part, les parties à un contrat de cession d'actions sont le plus souvent bien conscientes de ce que les garanties de droit commun ne portent que sur cet objet, raison pour laquelle elles négocient des garanties contractuelles spécifiques portant sur la consistance de la société et ses activités [42]. Dans un monde d'acheteurs et de vendeurs sophistiqués (et notamment lorsque les parties sont des professionnels), il nous paraît donc difficile de rattacher l'intention des parties dans le cadre des garanties à la substance de la société dont les actions sont vendues, en dehors de ce que les parties ont spécifiquement convenu.
Lorsque la chose vendue consiste en un actif générateur de revenus, tel un fonds de commerce, et que cet actif est atteint par des circonstances qui, sans nécessairement réduire physiquement l'actif concerné, affectent sa capacité de produire des revenus, la théorie du vice fonctionnel pourrait trouver à s'appliquer pour autant que le vice soit antérieur à la vente.
16.Une autre question qui va se poser quant à la possibilité d'invoquer un vice caché est en effet celle de savoir à quel moment la chose vendue était viciée: l'était-elle déjà au moment où la vente a été conclue ou l'est-elle seulement devenue ultérieurement, avant le moment de la délivrance? Pour donner lieu à garantie de la part du vendeur, le vice en question doit en effet être antérieur à la vente ou à tout le moins exister en germe lors du transfert de propriété et des risques. Comme l'indique P.-A. Foriers, il s'agit d'une question d'imputabilité, le vendeur ne pouvant se voir imputer un vice survenu après le transfert des risques [43]. La question de savoir si des événements survenus entre la signature de la convention et le closing peuvent être considérés comme des vices cachés va donc dépendre du moment du transfert de propriété et des risques tel que décidé par les parties ou à défaut par le droit commun.
3.7. | Le principe de l'exécution de bonne foi et l'interdiction de l'abus de droit |
17.Il est admis que le juge ne peut, sur la base du principe de l'exécution de bonne foi, adapter la convention des parties: “la règle de l'exécution de bonne foi n'implique pas que, si des circonstances nouvelles et non prévues par les parties rendent l'exécution du contrat plus difficile pour le débiteur, le créancier ne puisse demander paiement de sa créance” [44].
Par contre, dans sa fonction modératrice, la bonne foi peut interdire à une partie de solliciter l'exécution stricte d'un contrat lorsque les circonstances ont rendu celui-ci déséquilibré ou lui ont fait perdre sa raison d'être. Dans une telle situation, le refus de résilier amiablement une convention devenue déséquilibrée peut, selon les circonstances, constituer un abus de droit [45].
Dans le contexte d'un contrat instantané tel une vente, on voit cependant plus difficilement dans quelles circonstances il pourrait être reproché au vendeur d'abuser de ses droits en poursuivant l'exécution de la vente d'une chose qui, pour les deux parties, pourrait avoir perdu de sa valeur. Il faut réserver cependant l'hypothèse particulière où l'événement considéré affecte la situation de l'acquéreur lui-même et rend l'exécution de la vente plus onéreuse pour lui sans que l'objet même de la vente n'ait été affecté [46].
3.8. | La responsabilité contractuelle du vendeur |
18.Confronté à un changement des circonstances qui l'avaient amené à conclure la convention, l'acquéreur pourra également s'interroger sur la possibilité d'invoquer la responsabilité contractuelle de son cocontractant. Dans la mesure où les événements défavorables concernés sont le plus souvent extérieurs au vendeur, il ne sera toutefois pas possible dans la majorité des cas de lui imputer une faute. Le cas échéant, si les circonstances s'y prêtent, l'acheteur pourra tenter de mettre en oeuvre les garanties contractuelles habituellement prévues quant aux actes que le vendeur peut poser ou non au cours de la période intermédiaire [47]. Parfois l'absence de survenance d'un tel changement fait, en tant que telle, l'objet d'une garantie consentie par le vendeur en vertu du contrat. Dans certains cas, le vendeur s'engage à notifier à l'acheteur la survenance de changements au cours de la période intermédiaire (voy. infra, nos 43 et s. à ce sujet).
4. | Les Mac Clauses dans le cadre des offres publiques d'acquisition |
19.Les offres publiques d'acquisition volontaires peuvent être conditionnelles, contrairement aux offres obligatoires. Ces conditions peuvent être suspensives ou résolutoires. Des MAC Clauses figurent dans les prospectus d'offres d'acquisition au moins depuis 2001 [48]. De telles clauses étaient en général précises quant aux circonstances visées [49]. Ce caractère précis semblait découler de la volonté de la CBFA de n'accepter que des conditions dont la réalisation peut être vérifiée de manière objective ou qui se justifient par des circonstances particulières [50]. Cependant, les opérations internationales comportent également, depuis plus longtemps, ce type de clause. Elles sont alors parfois rédigées en termes plus larges. Ainsi, l'offre de Mittal sur Arcelor en 2006 prévoyait notamment comme condition “l'absence d'événement exceptionnel hors du contrôle de Mittal Steel affectant Arcelor (…) et d'acte entrepris par Arcelor, qui affecte la substance d'Arcelor de manière significative, porte substantiellement préjudice à l'économie de l'offre ou porte gravement atteinte à la capacité de Mittal Steel de mener l'offre à son terme” [51].
20.L'arrêté royal du 27 avril 2007 relatif aux offres publiques d'acquisition n'a pas dérogé aux principes antérieurement admis sur ce point. Comme c'était le cas précédemment, toute condition doit être préalablement acceptée par la CBFA par application de l'article 17, 3° de l'arrêté royal, en tenant compte des critères de recevabilité de l'article 3, 4° et 6°, à savoir qu'elle ne doit pas être de nature à empêcher l'offrant d'obtenir le résultat recherché et que l'offrant s'engage, pour ce qui dépend de lui, à mener l'offre à son terme. La doctrine interprète ce dernier point comme faisant obstacle aux offres purement potestatives [52].
La doctrine précise que, étant donné que l'offrant ne peut retirer son offre que dans les cas prévus par les articles 16 et 17 de l'arrêté, les conditions doivent être formulées objectivement, de sorte que leur réalisation n'est pas subordonnée à une appréciation subjective de l'offrant [53]. Cette position semble limiter les formes que peuvent revêtir les MAC Clauses dans le cadre des offres publiques par rapport aux conventions, dans lesquelles un pouvoir d'appréciation est souvent laissé à l'acquéreur. La formulation de l'article 17, 3° de l'arrêté royal du 27 avril 2007, qui permet le retrait de l'offre au cas où “indépendamment de la volonté de l'offrant” une condition n'est pas remplie, semble en effet justifier un cadre plus strict dans ce contexte.
21.Il est intéressant de relever qu'aux Pays-Bas, l'autorité compétente, l'Autoriteit Financiële Markten ('AFM') a formulé, le 20 janvier 2010, sa position quant à l'insertion de MAC Clauses dans les offres publiques d'acquisition. Il en résulte que l'AMF admet une formulation large de la clause pour autant que le constat de la réalisation d'un 'materieel nadelig effect' ne soit pas fait selon l'appréciation subjective de l'offrant mais selon les critères du raisonnable et de l'équité [54]. Déjà auparavant, la doctrine néerlandaise avait souligné que la condition potestative qui était interdite dans le cadre des offres publiques d'acquisition était non seulement la condition suspensive purement potestative (c'est-à-dire dont la réalisation dépend exclusivement de l'offrant et qui n'est pas non plus admise en droit civil [55]), mais également la condition simplement potestative (c'est-à-dire qui dépend à la fois de l'offrant et de circonstances extérieures) [56].
22.On notera enfin que la CBFA considère que la non-réalisation d'une condition n'a pas pour effet automatique de mettre un terme à l'offre, mais que l'offrant a alors la possibilité de retirer son offre, en en informant la CBFA [57]. La question se pose alors de savoir quelle est la marge de manoeuvre respective de la CBFA et de l'offrant quant à une éventuelle discussion sur la réalisation de la condition liée au changement significatif défavorable.
Dans le cadre d'une offre publique d'acquisition, la question de l'interprétation de la MAC Clause se pose en termes particuliers en raison du fait que l'offre est un acte unilatéral. C'est donc l'intention de son seul auteur qu'il faut rechercher pour l'interpréter [58]. D'autre part, la nécessaire stabilité d'une offre adressée au public commande un régime plus rigoureux que celui d'une convention impliquant deux parties. On verra ci-après comment le Takeover Panel anglais a tranché la question de l'impact des attentats du 11 septembre 2001 dans le cadre d'une offre publique d'acquisition (infra, n° 58) et comment son homologue australien a apprécié les conséquences de l'enlèvement de travailleurs en Afrique (infra, n° 59). Les motifs et conclusions de ces décisions nous paraissent dans une grande mesure transposables en droit belge.
5. | L'interprétation des MAC Clauses |
5.1. | La recherche de l'intention commune des parties |
23.La recherche de l'intention commune des parties dans le cadre de l'interprétation des MAC Clauses est un exercice particulièrement délicat. En effet, par nature, ces clauses sont relatives à des événements futurs, non prévus par les parties ni quant à leur principe ni quant à leur impact. La description de ces événements ne peut dès lors être que très vague. Les parties ne s'expliquent quasiment jamais sur ce qu'elles considèrent 'substantiel' ou 'matériel'. En outre, il est fréquent que l'événement considéré permette de se dégager de la convention non seulement lorsqu'il a effectivement un impact négatif substantiel sur la cible, mais également lorsque “l'on peut (raisonnablement) considérer que cet événement peut avoir un tel impact”, ce qui ajoute encore à l'incertitude.
Dans la mesure où les parties essaient de couvrir des éléments qu'elles n'appréhendent pas, est-il possible de tenir compte de l'intention spécifique des parties concernées par l'opération en question? On peut d'ailleurs se demander si les parties ont véritablement une 'intention commune' lorsqu'elles concluent ce type de clause. Nécessairement, le vendeur espère une application aussi limitée que possible de la clause alors que l'acheteur en attend exactement l'inverse. En s'accordant sur des termes vagues, chaque partie peut, lors de la conclusion du contrat, avoir le sentiment que sa vision des choses l'a emporté. Ou bien, en raison précisément de ce qu'elles n'ont le plus souvent pas pu concrètement envisager la situation qui s'est produite, ne faut-il pas - dans ce domaine plus qu'ailleurs - avoir recours à la notion du “vendeur et de l'acheteur raisonnables placés dans la même situation” [59]? Nous verrons ci-après que la jurisprudence - étrangère - a tranché ce type de question en adoptant ce dernier critère, plus objectif, notamment selon la nature de l'acquéreur (infra, nos 49 et s.).
5.2. | Impact de l'origine anglo-saxonne et du contexte international |
24.Une difficulté additionnelle provient du fait que les clauses en question ont une origine étrangère et que le contrat se situe souvent dans un contexte international, notamment parce que l'une des parties n'est pas belge ou fait partie d'un groupe international de sociétés. Fréquemment, en outre, le contrat sera rédigé en anglais.
Nous sommes d'avis que même en présence d'un contrat soumis au droit belge, on ne peut, pour appliquer et interpréter une clause importée de régimes étrangers, faire complètement abstraction du contexte plus large dans lequel elle est apparue et continue à évoluer [60].
Tout d'abord, afin de rechercher la commune intention des parties, il peut être nécessaire de tenir compte du fait qu'une partie étrangère, tout en admettant que le contrat soit soumis au droit belge, ait une conception et une compréhension de la clause qui dépasse le droit belge, en raison du fait qu'elle est fréquemment utilisée dans un contexte international. L'apparition de principes anglo-saxons s'explique notamment par l'intervention de cabinets d'avocats internationaux dans la rédaction des contrats concernés [61]. Ensuite, on ne peut ignorer le mécanisme d'insertion de telles clauses dans les contrats de droit belge. Très souvent, il s'agit au départ de dispositions qui ont été conçues aux Etats-Unis ou en Angleterre dans un contexte particulier. Elles sont rédigées de manière notamment à réagir à la jurisprudence qui existe dans ces pays et qui a valeur de précédent. Le cas des propositions doctrinales d'adaptation des MAC Clauses suite à la jurisprudence résultant des affaires IBP ou Hexion, citées ci-après, en est un exemple frappant [62].
25.Un exemple de l'interprétation à la lumière des standards américains peut être trouvé au sujet de l'utilisation de la formulation classique selon laquelle “on peut raisonnablement s'attendre à ce que l'événement considéré ait un 'material adverse effect' sur la cible” [63], par opposition à la rédaction qui requiert que ledit événement ait effectivement un tel effet. Selon l'étude Nixon Peabody, précitée, une telle formulation se retrouve dans 22% des conventions examinées et permet à l'acheteur de prendre en compte les effets sur la cible qui sont prévisibles mais qui ne sont pas encore reflétés dans le bilan ou le compte de résultat au moment où la clause est mise en oeuvre [64]. K.A. Adams précise les différences qui existent entre l'utilisation du mode futur ('will'), du mode de la possibilité ('could') ou encore de la situation intermédiaire d'utilisation de la formule 'would be reasonably expected'. Dans cette dernière hypothèse, il indique qu'il faut rechercher ce qu'une personne raisonnable considérerait comme probable [65]. Lorsqu'une telle formule est insérée dans un contrat de droit belge, sa portée nous paraît devoir être appréciée - sauf éléments spécifiques - à la lumière des commentaires qui en sont donnés par la doctrine et la jurisprudence américaine.
5.3. | La nature des parties et l'objectif de l'acquisition |
26.En droit belge, contrairement à d'autres droits, le juge n'est pas autorisé à interpréter un contrat uniquement en fonction du comportement que l'on peut attendre d'une personne normalement prudente et diligente, ni en fonction des légitimes expectations des parties ou de l'une d'elles. Toutefois, de tels éléments peuvent guider le juge dans la recherche de l'intention commune des parties [66]. C'est à ce titre que la nature des parties et plus particulièrement de l'acquéreur peut jouer un rôle dans l'interprétation de cette clause, par l'identification de ce qu'un 'acquéreur de même nature' aurait eu en vue dans ce contexte.
27.On verra ci-après qu'il s'agit d'un élément souvent pris en compte par les tribunaux américains et anglais dans l'interprétation de la MAC Clause. La nature de l'acquéreur éclaire en effet souvent l'objectif poursuivi dans le cadre de l'acquisition et dès lors ce que les parties ont pu considérer comme suffisamment 'substantiel' pour dénouer leur convention.
A ce titre, une distinction est souvent faite entre l'acquéreur dit 'industriel' ou 'stratégique', d'une part, et l'acquéreur dit 'financier', d'autre part. Si l'acquéreur est un industriel qui achète une entreprise concurrente afin de développer ses propres activités, il aura en principe une conception à plus long terme de l'opération. Sa décision d'acquérir repose sur des considérations structurelles, sur les synergies que l'opération lui permettra de réaliser, etc. Pour que les événements visés par la MAC Clause aient, dans un tel cas, un impact 'matériel', il sera requis qu'il s'agisse d'un impact ayant des effets à long terme. Par contre, si l'acquéreur est un investisseur financier, l'acquisition “repose sur un montage financier millimétré dont l'équilibre peut être affecté par une simple détérioration de l'activité de la société” [67]. En effet, dans ce cas, la décision d'acquérir est souvent basée sur un certain rendement attendu, à court ou moyen terme, ce rendement devant même dans certains cas servir à rembourser les fonds qui ont été empruntés pour réaliser l'opération. Dans une telle situation, on pourra plus facilement admettre que l'objectif poursuivi par les parties est mis à mal par la survenance d'événements qui n'ont pas nécessairement un impact à long terme sur la cible [68]. Cette distinction, très clairement mise en oeuvre par la jurisprudence américaine [69], peut bien entendu être affectée par des circonstances particulières.
5.4. | Les règles spécifiques d'interprétation |
28.La MAC Clause étant dérogatoire au droit commun et en particulier au principe de l'intangibilité de la convention, elle doit être interprétée de manière stricte [70].
Par ailleurs, en cas de doute, l'article 1162 du Code civil prévoit que le juge doit interpréter la convention “contre celui qui a stipulé et en faveur de celui qui a contracté l'obligation”. Cette disposition est actuellement appliquée en ce sens que le doute doit s'interpréter contre le bénéficiaire de la clause contractuelle, même si relativement à l'obligation dont traite cette clause, ce bénéficiaire a la qualité de débiteur [71]. Par conséquent, puisque la MAC Clause bénéficie à l'acheteur en raison de la faculté qu'elle lui offre de se libérer de la vente, elle devra être interprétée contre lui en cas de doute (bien qu'il soit le débiteur de l'obligation concernée, à savoir celle de procéder au closing et de payer le prix). Cette conclusion est contraire à celle qui découle de l'article 1602, 2ème alinéa du Code civil, spécifique au contrat de vente, lequel dispose que “tout pacte obscur ou ambigu s'interprète contre le vendeur”. Il est cependant admis que l'article 1602, 2ème alinéa ne concerne que l'interprétation des clauses ordinaires de la vente, tandis qu'il ne s'applique pas aux clauses exceptionnelles qui ont été introduites dans l'intérêt de l'acheteur [72]. Dans le cas particulier de la MAC Clause, en cas de doute, l'interprétation contre l'acheteur, en tant que bénéficiaire de la clause, nous paraît donc être maintenue.
6. | La nature juridique des MAC Clauses, leur validité et leurs effets |
6.1. | Introduction |
29.La MAC Clause peut, d'un point de vue juridique, prendre diverses formes. Le plus souvent, les parties ne qualifient pas expressément cette clause. Ce sera alors à l'interprète du contrat qu'il reviendra le cas échéant de déterminer la nature de la clause, sur la base de l'intention commune des parties et des effets qu'elles ont voulu que la clause produise [73]. Ici également, la tâche est rendue plus difficile par l'utilisation de formule empruntées à d'autres régimes mais qui ne correspondent pas exactement aux notions de droit belge. Ainsi, la terminologie de 'condition precedent' que l'on retrouve fréquemment dans les contrats rédigés en anglais ne correspond pas, en tous cas en droit anglais ou américain, à la condition suspensive de notre Code civil [74].
La qualification de la clause n'est pas sans incidence car diverses règles légales vont, selon la qualification retenue, se superposer au mécanisme mis en place par les parties et ces règles peuvent affecter tant la validité que les effets de la MAC Clause.
6.2. | Condition suspensive |
30.La MAC Clause peut tout d'abord constituer une condition suspensive. La convention de cession est alors conclue sous la condition que, à une date déterminée, par exemple la date prévue pour la réalisation de l'opération, les événements visés ne se sont pas produits [75].
Un exemple de formulation habituelle de ce type de clause est: “L'obligation de [l'acheteur] de réaliser l'opération envisagée par cette convention est sujette à la réalisation, à la date de réalisation, ou avant, des conditions suivantes: […]. Au cours de la période entre la date de signature et la date de 'Closing', aucun 'Material Adverse Effect' ne se sera produit.” [76].
31.Les parties peuvent librement définir les termes des conditions auxquelles elles subordonnent l'exécution de leur convention, sous réserve que ces conditions ne peuvent être illicites ou impossibles (art. 1172 C.civ.). Toutefois, en vertu de l'article 1174 du Code civil, “Toute obligation est nulle lorsqu'elle a été contractée sous une condition potestative de celui qui engage.” Il est généralement admis que cette disposition ne vise que les conditions suspensives purement potestatives dans le chef du débiteur, c'est-à-dire les conditions dont la réalisation dépend uniquement de la volonté de celui qui s'oblige. Par contre, sont valables les conditions suspensives simplement potestatives dans le chef du débiteur, c'est-à-dire dépendant pour partie de la volonté du débiteur mais aussi de celle d'un tiers ou de l'intervention d'événements extérieurs [77]. La position classique applique strictement cette disposition [78].
En principe, une MAC Clause ne sera pas purement potestative puisque sa mise en oeuvre dépend pour partie à tout le moins de la survenance de circonstances extérieures [79]. Même lorsque la clause laisse à l'acquéreur (débiteur de l'obligation de payer le prix) la discrétion de décider si l'événement survenu est suffisamment important ou suffisamment préjudiciable pour mettre la clause en oeuvre, elle est donc valable [80].
Un autre cas où la validité de la clause devra être vérifiée sous l'angle de son caractère purement potestatif est celui où les événements concernent l'acquéreur lui-même. Dans cette hypothèse, la condition pourrait effectivement être réputée purement potestative s'il est du pouvoir de l'acquéreur de provoquer lui-même l'événement. Il en serait ainsi par exemple, si la clause visait l'absence de mise en liquidation de l'acquéreur ou de proposition de mise en liquidation de l'acquéreur [81]. La jurisprudence française a eu à connaître de ce type de situation. Elle a distingué selon que l'événement provoqué par le débiteur (sa propre dissolution) était justifié ou non par des circonstances extérieures à l'acquéreur [82].
32.Au sujet précisément de l'influence que le débiteur peut avoir sur la réalisation de la condition, on rappellera que le débiteur engagé sous condition suspensive a un double devoir. D'une part, il doit s'abstenir de poser un acte qui empêcherait la réalisation de la condition. D'autre part, il doit souvent mettre en oeuvre ce qui est nécessaire pour que la condition puisse se réaliser [83]. La sanction de l'interdiction pour le débiteur d'empêcher la réalisation de la condition est, en vertu de l'article 1178 du Code civil, que cette condition est réputée accomplie. Pour que cette sanction s'applique, il n'est pas requis qu'il y ait un lien de causalité entre la faute du débiteur et la défaillance de la condition [84]. Afin d'être en mesure de se prévaloir de la défaillance de la condition suspensive, il faudra donc que l'acquéreur n'ait pas posé d'acte de nature à empêcher la réalisation de la condition, c'est-à-dire qu'il n'ait pas provoqué le material adverse change et même, le cas échéant, qu'il ait oeuvré positivement pour éviter que les événements concernés se produisent, si ceci est en son pouvoir. En pratique, cette situation pourrait se présenter lorsque l'acquéreur est en même temps un cocontractant important de la cible, par exemple son banquier.
33.Il est à noter que la nullité de la condition suspensive purement potestative dans le chef du débiteur est remise en cause. Selon M. Latina, l'article 1174 du Code civil devrait se lire en combinaison avec l'article 1178 de ce code. Le comportement du débiteur ayant un pouvoir sur la réalisation de la condition devrait donc être appréhendé par le biais de l'article 1178 du Code civil, lequel lui interdit d'empêcher la réalisation de la condition. Un événement conditionnel, même s'il dépend de la volonté du débiteur, ne serait alors jamais potestatif car l'article 1178 du Code civil supprime tout pouvoir réel du débiteur sur l'événement [85].
34.Le plus souvent la convention de cession prévoit que les conditions suspensives sont stipulées en faveur d'une partie, en principe l'acquéreur s'agissant de la condition de non-survenance d'un changement significatif défavorable. La partie au bénéfice de laquelle la condition est stipulée, et uniquement cette partie, peut y renoncer. Une telle faculté de renonciation est le plus souvent expressément prévue [86]. Si la convention ne prévoit rien, on admet que la partie au bénéfice de laquelle la condition est stipulée - telle que cette partie peut être identifiée sur la base de l'intention commune des parties - peut renoncer unilatéralement à la condition [87]. En outre, la partie au profit de laquelle la condition n'a pas été stipulée ne peut pas se prévaloir de la défaillance de ladite condition [88]. Par contre, lorsque la condition est stipulée dans l'intérêt des deux parties, chaque partie peut s'en prévaloir et le consentement de chacune d'elles est nécessaire pour que le contrat soit maintenu malgré la défaillance de la condition. Il résulte de la raison d'être de la condition liée à l'absence de material adverse change, à savoir protéger l'acquéreur, que - sauf circonstances particulières - une telle condition est stipulée au profit exclusif de l'acheteur.
35.Lorsque l'absence de survenance des événements visés constitue une condition suspensive, les parties ne doivent par ailleurs pas omettre de préciser dans quel délai une telle condition doit se réaliser ou, le cas échéant, être réputée défaillie. Ainsi, dans l'affaire américaine Henkel Corp., l'obligation de l'acheteur de procéder aux opérations de closing était subordonnée à la non-survenance 'avant la date du closing' d'un changement significatif défavorable. Or, le contrat ne prévoyait pas de date fixe pour le closing mais disposait que le closing interviendrait 5 jours ouvrables après que toutes les conditions suspensives aient été réalisées ou qu'il y ait été renoncé [89]. L'acheteur est resté en défaut de procéder aux opérations de closing au motif que la condition de non-survenance des événements visés ne s'était pas encore réalisée. Il n'avait pas non plus résilié la convention, ce qui empêchait le vendeur de vendre les actions à un tiers. Le vendeur a alors assigné l'acheteur afin que celui-ci prenne position. La Chancery Court, interprétant le contrat, a estimé qu'il n'était pas raisonnable de considérer que des parties sophistiquées ont convenu d'une période sans limite de temps pour prendre la décision de considérer ou non la condition réalisée. Il a estimé qu'il fallait dès lors tenir compte d'une 'période raisonnable' [90].
En droit belge, l'article 1177 du Code civil prévoit que lorsqu'une obligation est contractée sous la condition qu'un événement n'arrivera pas sans qu'un temps ne soit déterminé, cette condition n'est accomplie que lorsqu'il est 'certain' que l'événement n'arrivera pas. Ceci risque donc de suspendre indéfiniment les effets de la convention conclue sous la condition de non-survenance de certains bouleversements. Dans son arrêt du 25 mai 2007, la Cour de cassation a interprété la certitude requise comme étant la situation dans laquelle il est 'raisonnablement acquis' que l'événement considéré ne surviendra pas [91]. En outre, comme l'a fait la Chancery Court, il nous semble que le juge belge devra rechercher s'il est vraiment conforme à l'intention des parties de laisser indéfiniment la convention en suspens selon le régime organisé par l'article 1177 du Code civil. En effet, si les parties peuvent convenir implicitement d'une condition, elles peuvent également convenir implicitement du délai dans lequel elle doit se réaliser [92], [93], [94].
6.3. | Condition résolutoire |
36.La condition résolutoire est la condition qui, lorsqu'elle s'accomplit, opère la révocation de l'obligation et remet les choses au même état que si l'obligation n'avait pas existé (art. 1183 C.civ.). La MAC Clause peut aussi être convenue sous le mode de la condition résolutoire. C'est le cas lorsque les parties ont prévu que la survenance des événements visés aurait pour effet de mettre fin au contrat. Vu que la terminologie utilisée par les parties provient de régimes juridiques qui ne connaissent pas notre système d'obligations sous condition, il ne sera pas toujours aisé de déterminer si les parties ont prévu une condition suspensive ou une condition résolutoire [95].
Or, le régime de ces deux conditions est - dans l'opinion majoritaire - assez différent, notamment quant à la possibilité pour la condition de revêtir un caractère purement potestatif (voy. supra, n° 31 et infra, n° 37).
A la différence de la faculté de résiliation unilatérale, aucune manifestation de volonté n'est en principe requise lorsque la condition résolutoire se réalise. Il s'ensuit que si l'événement dont la survenance constitue la réalisation de la condition se produit, le contrat est résolu, sans qu'aucune des parties ne puisse s'y opposer, sauf s'il en a été convenu autrement. La dissolution du contrat intervient en outre avec effet rétroactif. Les parties sont toutefois libres de modifier ces modalités.
37.Contrairement au régime de la condition suspensive, on considère généralement que la condition résolutoire peut revêtir un caractère purement potestatif. La résolution du contrat peut donc être tributaire de la seule volonté d'une partie. Dans cette hypothèse, la condition n'aura pas un effet automatique mais sa mise en oeuvre nécessitera que la partie au bénéfice de laquelle elle est stipulée manifeste sa volonté de la mettre en oeuvre. La seule différence entre la figure juridique de la condition et celle de la résiliation unilatérale se ramène alors à l'effet rétroactif de la condition résolutoire, qui ne se retrouve pas en principe dans la résiliation unilatérale [96]. Encore, les parties sont-elles libres d'aménager cette rétroactivité [97].
38.Lorsque les parties veulent laisser à l'une d'elles l'entière discrétion de mettre la cession à néant par le mécanisme de la MAC Clause, il importe donc qu'elles rédigent celle-ci sous la forme d'une condition résolutoire et non d'une condition suspensive. Il faut toutefois préciser que l'opinion traditionnelle selon laquelle une condition résolutoire purement potestative est valable sans limite est remise en cause par un éminent auteur. P.-A. Foriers estime en effet que la sanction de nullité de l'obligation, prévue par l'article 1174 du Code civil, doit également être appliquée à la condition résolutoire “si la faculté de résolution arbitraire réservée au débiteur de l'obligation prive la convention de toute utilité et a pour effet de ruiner l'efficacité du rapport obligatoire” [98].
On constate ainsi une tendance inverse à celle qui milite en faveur de la reconnaissance de la validité de la condition suspensive purement potestative (supra, n° 33). Dans les deux cas, il existe une volonté de rapprochement du régime des deux types de condition.
39.Même lorsque la condition résolutoire est purement potestative, il nous semble qu'elle ne puisse pas être mise en oeuvre de manière abusive et contrairement à la bonne foi. Les règles sanctionnant l'abus de droit dans le cadre de la résiliation unilatérale sont également d'application [99].
6.4. | Faculté de résiliation unilatérale |
40.Il peut être prévu que l'une des parties - en principe l'acquéreur - peut mettre fin au contrat si les événements visés se produisent. Une telle clause de résiliation unilatérale, ou clause de dédit, est en principe valable [100].
A défaut de règles particulières quant à la résiliation d'un contrat de vente [101], la MAC Clause sous forme de faculté de résiliation unilatérale ne doit pas répondre à des conditions de validité particulières [102]. A la différence de la condition résolutoire, la survenance de l'événement considéré ne produit pas d'effet automatique mais il appartient au bénéficiaire du droit de résiliation de décider s'il met ou non la clause en oeuvre.
Dans le domaine de la résiliation d'un contrat liée à la faillite d'un cocontractant, la cour d'appel de Liège a été amenée à trancher une question de qualification semblable à celle susceptible de se poser dans le cadre des MAC Clauses. Le contrat de bail concerné prévoyait que “en cas de faillite ou liquidation des biens, ou de règlement judiciaire, la résiliation aura lieu de plein droit à l'expiration du trimestre pendant lequel la faillite ou la liquidation aura été déclarée”. La question était de savoir si cette clause organisait une condition résolutoire, dont la survenance provoquait automatiquement la résolution du bail - sans que le bailleur ne puisse s'y opposer -, ou s'il s'agissait au contraire d'un pacte commissoire exprès, visant à sanctionner une inexécution fautive du bail ou à anticiper sur le risque d'une telle inexécution. Dans ce dernier cas, le bailleur avait le choix et pouvait laisser le contrat se poursuivre. Dans son arrêt du 24 septembre 1986, la cour d'appel de Liège a estimé qu'il s'agissait d'une condition résolutoire opérant de plein droit [103]. La doctrine commentant cette décision s'interroge toutefois sur le point de savoir si la volonté commune des parties n'était pas de viser par cette clause non pas l'événement de la faillite en tant que tel mais l'inexécution contractuelle qui aurait pu en être la conséquence, et donc si ces parties n'avaient pas convenu d'une clause résolutoire expresse à mettre en oeuvre par le créancier [104].
41.Dans les cas où la MAC Clause est mise en oeuvre suite à l'insolvabilité du vendeur, la validité de la faculté de résiliation unilatérale doit être appréciée également à la lumière de l'article 35, § 1er de la loi du 31 janvier 2009 relative à la continuité des entreprises qui prévoit que la demande ou l'ouverture de la réorganisation judiciaire ne met pas fin aux contrats en cours nonobstant toutes stipulations contractuelles contraires [105].
6.5. | Elément d'adaptation du prix |
42.Plus rarement, les conventions prévoient que la survenance d'un changement défavorable avant la réalisation de la convention peut entraîner une révision du prix [106]. Si elles utilisent ce mécanisme, les parties devront veiller, à peine de nullité de leur convention, à ce que le prix reste à tout le moins déterminable au sens de l'article 1591 du Code civil, c'est-à-dire qu'il puisse être déterminé sur la base d'éléments qui ne sont pas soumis à la volonté des parties [107].
6.6. | Déclarations et garanties du vendeur et clause résolutoire expresse |
43.On sait que les conventions de cession comportent souvent un mécanisme complexe de déclarations et garanties du vendeur, également inspiré de la pratique anglo-saxonne et également destiné à combler la protection insuffisante accordée au vendeur par le droit commun, spécialement en cas de cession d'actions [108].
44.Au stade des garanties contractuelles consenties par le vendeur, la MAC Clause peut prendre diverses formes, notamment selon la période sur laquelle porte ces garanties. Il peut tout d'abord s'agir d'une garantie selon laquelle aucun des événements visés n'est survenu depuis une date déterminée avant la signature de la convention, ou encore que le vendeur n'a pas connaissance de la survenance d'un des éléments visés avant la signature de la convention [109]. Une autre hypothèse est celle dans laquelle le vendeur garantit en outre, lors de la conclusion de la convention, que les événements visés ne se produiront pas avant le closing. Dans ce cas, le vendeur formule une telle garantie concernant des événements futurs sur lesquels il n'a par définition aucun contrôle [110]. Enfin, dans une troisième formule, la garantie du vendeur est combinée avec une condition (suspensive ou résolutoire): l'acquéreur n'est tenu de procéder au closing qu'à la condition que les garanties données par le vendeur, dont celle relative à l'absence de changement significatif défavorable, soient exactes au closing. Cette garantie se double alors généralement d'un engagement du vendeur de notifier à l'acheteur la survenance de tels événements. L'avantage de cette formule pour l'acquéreur est de le protéger par rapport à un événement qui se serait produit avant le closing mais à son insu: certes la condition suspensive est réalisée (ou la condition résolutoire est défaillie) et la vente a été mise en oeuvre mais l'acquéreur peut solliciter a posteriori une indemnisation sur la base de la garantie s'il découvre ensuite les éléments concernés. C'est une clause de ce type qui avait été conclue dans le litige ayant donné lieu à l'arrêt du Hoge Raad der Nederlanden du 7 septembre 2007 dont question ci-après (infra, n° 60).
45.La stipulation de garanties relative à l'absence de survenance de changements défavorables peut s'accompagner d'une clause résolutoire expresse, permettant à l'acheteur, en cas de violation de cette garantie, de résoudre la convention.
46.De manière générale, le vendeur devra être particulièrement attentif aux conséquences de l'octroi d'une garantie relative à l'absence de survenance des événements visés. Les conséquences de la mise en oeuvre d'une telle garantie peuvent en effet aller au-delà des effets d'une condition résolutoire ou suspensive ou d'une résiliation unilatérale consistant dans l'anéantissement de la vente. Ainsi, si la garantie est violée, l'acquéreur pourrait décider de poursuivre quand même l'exécution de la vente tout en exigeant du vendeur qu'il l'indemnise des conséquences de la survenance des événements considérés. La vente serait donc réalisée, mais à des conditions que le vendeur n'avait pas envisagées [111].
6.7. | L'impact des clauses de divisibilité et de sauvegarde sur la validité de la MAC Clause |
47.L'arsenal des clauses 'standard' des contrats d'acquisition comporte généralement une clause de divisibilité selon laquelle la nullité d'une clause n'entraîne pas la nullité de l'ensemble de la convention. En Belgique, on y ajoute parfois une obligation pour les parties de remplacer la clause nulle par une clause d'effet équivalent. De telles clauses sont valables en droit belge [112]. En présence d'une telle clause dans leur convention, les parties confrontées à une MAC Clause affectée de nullité, par exemple parce qu'elle constitue une condition suspensive purement potestative, seront donc amenées à la remplacer par une clause valable (par exemple, par une condition résolutoire purement potestative, si on considère qu'une telle clause est valable [113]).
7. | La bonne foi et l'abus de droit dans la mise en oeuvre de la MAC Clause |
48.Une MAC Clause, comme toute disposition contractuelle, doit être mise en oeuvre de bonne foi et sans abus de droit. S'agissant le plus souvent d'une décision unilatérale de l'une des parties, ayant des conséquences radicales sur le contrat, la bonne foi jouera un rôle particulièrement important dans ce domaine [114].
Sans développer ici les différentes implications du principe de l'exécution de bonne foi et de l'interdiction de l'abus de droit, on relèvera que la mise en oeuvre d'une MAC Clause d'une manière qui excède manifestement l'usage normal qu'en eût fait un bon père de famille normalement prudent et diligent peut être sanctionnée par les tribunaux. Dans ce cas, le droit de faire déclencher la MAC Clause peut être réduit à son usage normal. Dès lors, au cas où la faculté unilatérale de résiliation conférée par la MAC Clause a été mise en oeuvre de manière irrégulière ou abusive, le juge pourrait refuser de donner effet à cette résiliation et ordonner l'exécution en nature de la vente [115]. L'usage abusif de la MAC Clause expose en outre l'auteur de l'abus à devoir réparer le dommage qu'il a causé [116]. Sur la base de l'article 1184, 2ème alinéa du Code civil, la victime de l'abus pourrait elle-même, selon les circonstances, avoir la possibilité de demander l'exécution en nature de la convention, avec des dommages et intérêts complémentaires éventuels, ou la résolution de celle-ci, également avec des dommages et intérêts éventuels. Ce dernier aspect n'est pas négligeable dans le cadre de la mise en oeuvre des MAC Clauses en raison du préjudice important que la non-réalisation injustifiée d'une opération de cession est susceptible de causer au vendeur.
Dans l'appréciation de la protection accordée au vendeur par le principe de l'exécution de bonne foi et l'interdiction de l'abus de droit, on se souviendra toutefois que ces règles ne permettent pas au juge de compléter la convention en y ajoutant des conditions à la mise en oeuvre d'un droit. C'est ainsi que dans son arrêt du 23 mars 2006, la Cour de cassation a sanctionné la décision du juge du fond qui avait imposé, sur la base du principe de l'exécution de bonne foi, au banquier bénéficiaire d'un mandat hypothécaire de notifier préalablement son intention de prendre hypothèque et de motiver sa décision, alors que la convention ne prévoyait pas de telles formalités [117].
8. | La jurisprudence relative à la mise en oeuvre des MAC Clauses |
49.Il n'existe pas, à notre connaissance, de jurisprudence belge publiée se prononçant sur la mise en oeuvre de MAC Clauses. L'origine anglo-saxonne de ces clauses, qui se reflète bien souvent dans leur formulation, fait de la jurisprudence américaine et anglaise une source utile d'inspiration tant pour les parties qui négocient le contrat que pour le juge chargé de rechercher et d'interpréter leur volonté. Il en va particulièrement ainsi dans le cadre des opérations transfrontalières où les parties, bien qu'ayant le cas échéant soumis leur contrat au droit belge, sont nécessairement influencées par la pratique internationale.
8.1. | La jurisprudence américaine |
50.La question des MAC Clauses a donné lieu depuis une petite dizaine d'années à plusieurs décisions américaines qui ont progressivement affiné la manière dont ces clauses sont appliquées par les tribunaux américains, dans le cadre du système de precedents propre au monde anglo-saxon. Les commentateurs de ces décisions ont formulé des recommandations de nouvelle rédaction des MAC Clauses pour tenir compte de cette jurisprudence [118].
(a) In re IBP Shareholders Litigation: une baisse substantielle du chiffre d'affaires de la cible |
51.La décision de la Delaware Chancery Court du 18 juin 2001 dans le cadre de l'acquisition d'IBP Inc. par Tyson Foods, rendue sous l'empire du droit de l'Etat de New York, est considérée comme la décision maîtresse en matière de MAC Clause aux Etats-Unis. Tyson Foods, un producteur de viande de poulet, s'était porté acquéreur d'IBP, le plus grand producteur américain de viande de boeuf et un grand producteur de viande de porc. Entre la signature de la convention d'acquisition et sa mise en oeuvre, le chiffre d'affaires d'IBP a baissé considérablement [119]. Tyson Foods a alors tenté de se dégager de la convention, notamment en invoquant la mise en oeuvre de la MAC Clause. Le material adverse event était défini largement, donc en faveur de Tyson Food [120].
La Delaware Chancery Court a toutefois estimé que la liste des objets visés par la clause ('business', 'financial condition', 'result of operations', etc.) n'était que la déclinaison d'un seul aspect, celui de la capacité de la société à générer des profits. Elle a conclu à l'absence de material adverse effect en l'espèce, en raison du fait que les événements considérés n'avaient pas affecté la capacité à long terme de la cible de générer des revenus. Cette conclusion est atteinte sur la base d'une analyse par la Chancery Court des motifs de l'acquisition par un investisseur stratégique tel que Tyson Foods.
Elle estime que “Ces réalités de négociation influencent l'interprétation du § 5.10 et suggèrent que les termes contractuels doivent être lus dans le contexte plus large dans lequel les parties ont contracté. Pour un spéculateur à court terme, le fait pour une société de ne pas atteindre pour un trimestre le niveau de revenus projeté par les analystes pourrait être extrêmement important. Le fait de ne pas atteindre ce niveau de revenus est moins important pour un acquéreur qui cherche à acquérir la société comme élément d'une stratégie à long terme. Pour un tel acquéreur, ce qui est important c'est de savoir si la société a subi un material adverse effect dans ses activités ou dans les résultats de ses opérations qui a un impact sur la capacité de la société à générer des revenus pendant une période commercialement raisonnable, dont on penserait qu'elle serait mesurée en années plutôt qu'en mois. Il est curieux de penser qu'un acquéreur stratégique considérerait une baisse à court terme des revenus comme matérielle, aussi longtemps que le potentiel de générer des revenus de la cible n'est pas affecté substantiellement par cette baisse ou par la cause de cette baisse.” [121].
La Chancery Court ajoute: “Des raisons pratiques me conduisent à conclure qu'un tribunal de New York adopterait la vue qu'un acheteur aurait des difficultés à invoquer un 'material adverse effect' comme dispense de son obligation de réaliser l'opération. Les contrats d'acquisition sont intensément négociés et couvrent de manière explicite un grand nombre de risques spécifiques. Par conséquent, même lorsque la condition de 'material adverse effect' est rédigée aussi largement que dans le Merger Agreement, une telle disposition doit être lue comme une protection de l'acquéreur contre la survenance d'événements inconnus qui menacent substantiellement l'ensemble du potentiel de générer des revenus de la cible d'une manière importante dans la durée. Une baisse à court terme des revenus ne devrait pas suffire; au contraire, le 'material adverse effect' devrait être substantiel quand considéré selon la perspective à long terme de l'acquéreur raisonnable.” [122].
Le critère fixé par cette décision est donc l'impact négatif substantiel sur les possibilités à long terme de l'entreprise de générer des gains (ce que certains auteurs ont appelé le 'Earning Potential Model' [123]). Après avoir procédé à une analyse approfondie des revenus d'IBP au cours de la période postérieure à l'acquisition et les avoir comparés aux revenus antérieurs à celle-ci, le juge considère que les conditions ne sont pas remplies pour que la MAC Clause puisse être invoquée avec succès. Un autre enseignement de cette décision est que la Chancery Court a considéré que les circonstances générales ou affectant l'ensemble du secteur concerné n'étaient pas exclues de la notion de material adverse change en l'absence de disposition contractuelle excluant spécifiquement ces éléments [124].
(b) Frontier Oil / Holly: un litige environnemental majeur |
52.Deux sociétés actives dans le raffinage de pétrole, Frontier Oil et Holly, avaient convenu de fusionner. Avant de conclure la convention, les deux parties savaient que Frontier Oil allait probablement être impliquée dans un litige environnemental important. Frontier Oil avait donné à cet égard une garantie à Holly selon laquelle le litige potentiel n'aurait pas, et que l'on ne pourrait pas raisonnablement attendre qu'il ait, un material adverse effect sur Frontier Oil. Après la conclusion de la convention, la situation s'est aggravée et Frontier Oil a été attaquée dans le cadre de 'class actions' impliquant plus de 400 plaignants [125]. Holly a alors tenté de mettre en oeuvre la MAC Clause.
Dans sa décision du 29 avril 2005, rendue selon le droit de l'Etat du Delaware, la Chancery Court a également appliqué le 'Earnings Potential Model' développé dans la décision IBP, en raison du fait que Holly est un acquéreur industriel. La mise en oeuvre de la clause requiert donc selon la Chancery Court que l'événement menace de manière substantielle la capacité de la cible de générer des gains au cours d'une période de temps importante. Concrètement, la Chancery Court estime ensuite que Holly ne démontre pas à suffisance les chances de succès des plaignants contre Frontier Oil, de sorte que, pour calculer l'effet négatif du litige, elle ne prend aucun montant de dommages et intérêts en considération mais uniquement les frais de défense de Frontier Oil. Ceux-ci, bien que très élevés, ne furent pas jugés suffisamment importants par rapport à la valeur totale de l'entreprise pour justifier la mise en oeuvre de la clause [126].
(c) Genesco / The Finish Line: un déclin des résultats dû aux circonstances économiques générales |
53.Finish Line et Genesco étaient deux sociétés actives dans le domaine des vêtements et des chaussures et il fut convenu que la première allait acquérir la seconde. Entre la signature de la convention et son exécution, il apparut toutefois des résultats de Genesco que celle-ci n'avait pas atteint ses propres projections financières pour le mois précédant la signature de la convention. Au cours des mois qui suivirent, ses revenus continuèrent à baisser, tombant sous leur seuil historique. Le débat principal portait ici sur la question de savoir si cette situation était due aux circonstances économiques générales. En effet, la MAC Clause excluait en l'espèce de telles circonstances comme élément pouvant être pris en considération. La Tennessee Court of Chancery, se basant sur des rapports d'experts, a considéré qu'à supposer qu'il y ait eu un material adverse change, il était en effet dû aux circonstances économiques générales. Elle a en conséquence refusé la mise en oeuvre de la MAC Clause demandée par Finish Line [127].
(d) Hexion / Huntsman: une chute de l'activité de la cible |
54.Il s'agit, avec l'affaire IBP, de l'autre principale décision dans ce domaine aux Etats-Unis. Hexion s'était engagé à acquérir l'un de ses concurrents dans le domaine chimique, Huntsman. Parce que, semble-t-il l'opération était devenue moins intéressante pour elle et que la crise financière rendait l'accès au crédit plus difficile, Hexion a invoqué la survenance d'un changement significatif majeur résultant d'une baisse des activités de Huntsman. Suivant la direction tracée par l'affaire IBP, la Chancery Court du Delaware décide toutefois que cette baisse des activités n'est pas suffisamment importante pour justifier la mise en oeuvre de la MAC Clause. La décision confirme donc la jurisprudence antérieure mais est intéressante en ce qu'elle va plus loin en raison du détail avec lequel elle examine les critères à retenir pour apprécier l'impact durable sur les capacités de l'entreprise à générer des revenus [128].
(e) Bank of America et Merrill Lynch: l'information du public et la menace de l'utilisation de la MAC Clause |
55.Au plus fort de la crise financière, le 15 septembre 2008, Bank of America avait convenu avec Merrill Lynch d'absorber celle-ci, sous réserve de confirmation de cet accord par les actionnaires des deux banques, lesquelles étaient toutes deux cotées. Cette fusion était nécessaire pour assurer la survie de Merrill Lynch et fut négociée de concert avec les autorités fédérales américaines [129]. Typiquement, l'accord de fusion comportait une MAC Clause. Après la conclusion de l'accord mais avant son approbation par les actionnaires, les dirigeants de Bank of America furent informés de ce que Merrill Lynch avait subi des pertes importantes. Ils considérèrent que cette information ne remettait pas l'opération en cause et qu'il n'y avait pas lieu de la porter à la connaissance des actionnaires, lesquels devaient approuver la fusion. Ensuite, après l'approbation par les actionnaires mais avant l'entrée en vigueur de l'accord de fusion, de nouvelles pertes de Merrill Lynch, pour plusieurs milliards de dollars, furent cependant encore révélées aux dirigeants de Bank of America. Bank of America fit alors savoir au U.S. Secretary General et à la Federal Reserve [130] qu'elle envisageait sérieusement de mettre en oeuvre la MAC Clause contenue dans l'accord de fusion et donc de révoquer celui-ci. Apparemment les autorités américaines incitèrent alors fortement Bank of America à ne pas faire usage de cette clause, en raison de la faillite probable de Merrill Lynch qui s'ensuivrait et des conséquences catastrophiques pour l'ensemble du système financier américain. En contrepartie, les autorités américaines ont accepté d'accroître leur soutien financier à Bank of America et de prendre en charge certains 'actifs toxiques' de Merrill Lynch.
Plusieurs litiges ont fait suite à ces événements et sont toujours en cours. Dans l'un de ceux-ci, divers actionnaires de Bank of America réunis dans le cadre d'une class action formulent de multiples griefs, dont certains sont fondés sur l'existence de la MAC Clause. Ils ont fait l'objet d'une première décision de la District Court du District sud de New York du 27 août 2010, rendue dans le cadre de motions to dismiss [131] soulevées par Bank of America et ses dirigeants [132].
Le tribunal rejette le reproche fondé sur le défaut d'information des actionnaires de ce que les dirigeants avaient envisagé de mettre la MAC Clause en oeuvre avant le closing. La District Court estime que la réglementation américaine relative aux marchés financiers n'obligeait en effet pas les dirigeants à faire état publiquement de leurs discussions quant à une éventuelle mise en oeuvre de la MAC Clause. Une information ne devait être donnée au public qu'à partir du moment où la clause était effectivement mise en oeuvre. Dans le cas contraire, note le tribunal, cela pourrait d'ailleurs inciter les dirigeants à ne même pas entamer une telle discussion et ce contrairement aux intérêts de la société. Le tribunal a également rejeté le grief de n'avoir pas dévoilé aux actionnaires l'existence des pertes subies par Merrill Lynch au dernier trimestre 2008 malgré l'existence de la MAC Clause. Selon les actionnaires, cette clause comportait une garantie contre la survenance d'un material adverse effect avant le closing, dont la violation nécessitait en tant que telle une information aux actionnaires. Le tribunal a toutefois estimé que, en raison des termes de la MAC Clause concernée, les actionnaires ne démontraient pas que les pertes de Merrill Lynch du dernier trimestre 2008 permettaient de considérer qu'un material adverse effect était survenu. En effet, relève le tribunal, la clause excluait de manière spécifique des circonstances pouvant être invoquées les changements dans les conditions générales des affaires, de l'économie ou du marché [133].
Dans un autre litige, entamé en février 2010, l'Attorney General de l'Etat de New York accuse Bank of America et deux de ses dirigeants d'avoir trompé non seulement les actionnaires mais également les autorités. Sur ce dernier point, il est reproché à Bank of America d'avoir fait croire aux autorités qu'elle envisageait sérieusement de mettre en oeuvre la MAC Clause, alors qu'elle ne considérait pas elle-même se trouver dans les conditions requises pour ce faire, obtenant par là un soutien financier injuste de la part de ces autorités [134]. Au centre de ce débat se situent les avis qui avaient été donnés par le juriste interne et les avocats de Bank of America quant à la possibilité d'invoquer avec succès la MAC Clause au vu des circonstances.
En toile de fond de ces affaires se profile la jurisprudence IBP qui semblait rendre peu probable une mise en oeuvre efficace de la clause, malgré les pertes considérables subies par Merrill Lynch.
(f) Les affaires n'ayant pas mené à une décision judiciaire |
56.La presse spécialisée et la doctrine aux Etats-Unis se font également l'écho de conflits qui se sont soldés par un accord des parties. Un aperçu de quelques-unes de ces affaires semble également intéressant car il montre comment ces clauses sont mises en oeuvre en pratique notamment à la lumière de la jurisprudence IBP [135].
Dans une première affaire, Johnson & Johnson, l'une des plus grandes entreprises pharmaceutiques américaines, avait lancé une offre publique d'achat sur Guidant, un fabriquant de défibrillateurs et de 'pacemakers'. Après la signature du contrat, Guidant fit l'objet de poursuites en responsabilité du fait de ses produits, suite au décès de certains de ses clients, et à des investigations par les autorités boursières. Johnson & Johnson refusa de mener l'opération à terme en invoquant la survenance d'un changement défavorable significatif. Après que Guidant l'ait assignée, les parties négocièrent le prix à la baisse. En fin de compte, un tiers lança une offre publique d'acquisition concurrente sur Guidant et l'emporta.
Une deuxième affaire concerne un investisseur financier. Un consortium de banques s'était engagé à acquérir Sallie Mae, un organisme de prêts aux étudiants, pour le prix de 26 milliards de dollars. Le consortium avait la possibilité de ne pas réaliser la transaction en versant un reverse break up fee de 900 millions de dollars [136]. En raison notamment de la crise du crédit, qui empêchait Sallie Mae de titriser ses prêts et donc limitait son accès au crédit, le consortium a invoqué la MAC Clause prévue dans le contrat. Il souhaitait se dégager mais sans payer l'indemnité de dédit. Sallie May a assigné le consortium. Un accord fut trouvé, en vertu duquel le consortium a été délié de son engagement moyennant le refinancement de la dette de Sallie May par les banques qui le composaient.
Le litige Solutia Inc. / Citigroup Global Markets Inc. e.a., se présente différemment puisque d'une part il s'agissait d'un financement et d'autre part la MAC Clause considérée était une Market MAC, c'est-à-dire une clause visant les conditions générales du marché. La MAC Clause prévoyait que l'obligation des prêteurs de fournir les fonds était conditionnée par l'absence de tout changement défavorable dans les marchés financiers après la date du contrat qui, selon le jugement raisonnable des prêteurs, détériorait de manière substantielle ('material') la possibilité de syndiquer le financement. Suite à la détérioration du marché du crédit en janvier 2008, les banques ont refusé de mettre les fonds à disposition de l'emprunteur, qui les a assignées. L'emprunteur faisait notamment valoir que la Market MAC était inconciliable avec l'engagement ferme des banques, que la détérioration du marché du crédit n'était, en octobre 2007, pas imprévisible et que les prêteurs n'avaient pas fait preuve de 'jugement raisonnable' dans la mise en oeuvre de la clause [137]. Les parties ont transigé avant qu'une décision n'intervienne.
(g) Conclusions de cette jurisprudence - Commentaires doctrinaux |
57.On peut déduire plusieurs règles de ces décisions américaines. Tout d'abord, le caractère 'material' doit s'apprécier en fonction des objectifs de la partie qui invoque la clause. Si l'acheteur réalise l'acquisition dans le cadre d'une stratégie à long terme, un élément ayant un impact limité dans le temps sera plus difficile à faire admettre. Ensuite, si les parties ont en vue des événements particuliers, elles doivent les indiquer spécifiquement. Une clause rédigée de manière générale risque de ne pas protéger l'acheteur.
R.T. Miller relève que la jurisprudence américaine a ainsi développé un modèle sophistiqué pour trancher les litiges relatifs aux Mac Clauses, à savoir le 'Earnings Potential Model'. Selon celui-ci, c'est la capacité à long terme de la cible de générer des gains qui doit être prise en considération. Selon cet auteur, cette jurisprudence ne donne par contre pas d'indication objective sur ce qui doit être considéré comme 'material' ou non. Cet auteur tente de définir à cet égard un critère 'constant', 'de principe' et 'justifié économiquement' [138]. Il propose de distinguer entre, d'une part, la situation dans laquelle la survenance de l'événement aurait pour effet que l'opération représenterait une perte pour l'acquéreur et, d'autre part, celle dans laquelle cet événement rendrait l'opération 'simplement' moins rentable [139]. Il suggère de réserver la notion de 'material' à la première hypothèse seulement. Cet auteur a alors élaboré un modèle financier, le 'Continuing Profitability Model', lequel permettrait de vérifier dans laquelle de ces deux situations l'on se trouve.
On peut se demander si, en droit belge, il est possible d'aller aussi loin dans l''objectivisation' de la volonté des parties. Une telle unité de mesure abstraite ne nous paraît pouvoir être utilisée que lorsqu'il est absolument impossible de déterminer, sur la base des circonstances de l'espèce, une intention plus précise dans le chef des parties.
8.2. | La jurisprudence anglaise et australienne |
(a) WPP Group PLC / Tempus Group PLC: l'effet des attentats du 11 septembre 2001 |
58.WPP Group PLC avait lancé une offre publique sur Tempus Group PLC. Suite aux attentats terroristes du 11 septembre 2001 à New York, elle s'était efforcée de se dégager de son offre publique, sur base de la MAC Clause contenue dans son offre et rédigée de manière très large [140]. Il ne s'agissait pas ici d'un litige entre le vendeur et l'acheteur mais d'une appréciation à prendre par l'autorité anglaise compétente en matière d'offres publiques, le Takeover Panel.
Dans sa décision du 6 novembre 2001, le Takeover Panel anglais a considéré que cette clause ne pouvait pas être mise en oeuvre [141]. De manière analogue au droit belge (voy. supra, nos 19 et s.), les règles anglaises prévoient que lorsqu'une intention ferme de lancer une offre a été annoncée, l'offrant doit poursuivre l'offre, sauf si l'offre a été émise sous réserve de conditions qui ne se sont pas réalisées. Le Panel, se référant à sa jurisprudence antérieure datant de la crise de 1974, a adopté une position très stricte quant aux circonstances de nature à justifier la mise en oeuvre d'une MAC Clause dans le cadre d'une offre publique. Il a considéré qu'il fallait qu'il s'agisse d'un “changement défavorable d'importance très considérable frappant le coeur de l'objet de l'opération en question, comparable, comme le Panel Statement 1974/2 l'exprimait, à quelque chose qui justifierait la [caducité] d'un contrat. Admettre un test moins rigoureux permettrait à un offrant d'utiliser la condition de changement significatif défavorable pour mettre à mal l'objectif de la Règle 2.7 et des Panel Statements de 1974” [142]. Pour considérer que WPP ne démontrait pas l'importance des changements, selon ces critères, le Panel a constaté que le secteur de la publicité, dans lequel l'offrant et la cible étaient actifs, était déjà en déclin avant les attentats du 11 septembre 2001 et que WPP ne démontrait pas l'ampleur de l'impact additionnel de ces attentats sur la situation de la cible. Il a également estimé que le fait que WPP ait encore acheté 3% des actions de la cible après le 11 septembre 2001 indiquait que WPP ne considérait pas, à ce moment, que ces événements avaient l'importance requise.
Enfin, le Panel estime que les circonstances concernées n'avaient pas d'impact sur l'objectif à long terme de l'offrant, lequel devait être pris en considération compte tenu des circonstances spécifiques: “L'effet des circonstances en question doit être suffisamment défavorable pour satisfaire le test exigeant de 'matérialité' décrit au paragraphe 16 ci-dessus et apprécié, à tout le moins dans ce type de cas, non pas en termes de rentabilité à court terme mais quant à leur effet sur les perspectives à long terme de la cible. En effet, ainsi que WPP l'a indiqué, ce sont les perspectives à long terme de Tempus qui constituaient la raison stratégique de l'offre et ceci apparaît au Panel comme étant au centre de la valeur que WPP attribuait à Tempus à l'époque” [143]. La position du Panel rejoint donc ainsi celle de la jurisprudence américaine, en exigeant un impact à long terme des événements considérés. La jurisprudence de l'affaire Tempus a ensuite été confirmée dans les règles du Takeover Panel anglais. La rule 13.4 (a) du Practice Statement No. 5 prévoit en effet que dans le cas d'une MAC Clause, pour que le caractère suffisamment significatif de l'événement soit établi, l'offrant devra prouver que les circonstances en question sont d'une importance très considérable, frappant au coeur de l'objectif de la transaction [144]. Le Panel précise qu'il n'est quand même pas requis que l'offrant prouve une frustration au sens juridique du terme [145].
(b) NGM Resources Limited: l'impact de l'enlèvement par Al-Qaïda de travailleurs au Niger |
59.Une autre illustration du fonctionnement des MAC Clauses nous est donnée par la toute récente décision du Takeovers Panel australien des 8 et 19 octobre 2010 [146]. Le 21 juillet 2010, Paladin avait annoncé son intention de lancer une offre publique d'acquisition sur les actions NGM, une société australienne principalement active dans l'exploitation d'uranium au Niger. Le 16 septembre 2010, sept employés d'une société française furent enlevés par Al-Qaïda dans la région minière du Niger où NGM était également établie. Paladin a alors annoncé le retrait de son offre en raison de ces circonstances, lesquelles justifiaient selon elle la mise en oeuvre de la 'Force Majeure Condition' et de la 'MAC Condition' qui assortissaient son offre. Paladin faisait notamment valoir que ces enlèvements empêchaient d'avoir accès aux installations de NGM situées au Niger, rendaient non raisonnable le détachement de personnel dans une région aussi dangereuse, accroissaient considérablement les frais engendrés par les mesures de sécurité et rendaient plus difficile l'obtention d'un financement de la part de tiers. NGM a contesté cette décision devant le Takeovers Panel australien.
Le premier argument de contestation était que la MAC Clause contenue dans l'offre accordait à Paladin la possibilité de décider ou non de procéder à l'acquisition et était dès lors contraire à la condition de caractère certain des offres, imposée par la réglementation australienne [147]. Le Takeovers Panel estime tout d'abord que les MAC Clauses sont répandues dans les offres et que, rédigée de manière adéquate, une telle clause est acceptable dans son principe. En l'espèce, selon le Takeovers Panel l'exigence, pour que la MAC Clause puisse être mise en oeuvre, que l'événement ait un impact significatif a pour conséquence que la décision de l'offrant de poursuivre ou non l'offre n'est pas discrétionnaire. La clause est donc valable [148]. La condition de 'matérialité' de l'impact des événements considérés, empêchant que l'offrant ne se prévale de la survenance d'un événement mineur pour se dégager, est donc jugée suffisante pour donner à l'offre un caractère certain.
Le Takeovers Panel estime cependant ensuite que les enlèvements survenus n'ont pas un impact suffisant pour que la clause puisse être mise en oeuvre. D'une part, il n'est pas prouvé par l'offrant qu'il y aurait impossibilité d'accès aux installations pendant une période suffisamment longue pour entraîner un material adverse effect. D'autre part, les risques concernant la sécurité des expatriés et les mesures à prendre en conséquence étaient déjà identifiés avant l'émission de l'offre et les enlèvements n'ont pas fondamentalement modifié cet aspect.
A la différence de son homologue anglaise et des juridictions américaines, l'autorité australienne ne définit pas de règles générales permettant de déterminer quand une MAC Clause peut être invoquée avec succès. Elle adopte néanmoins également une attitude restrictive, confirmant que si certains risques pouvaient être prévus, ils devaient être décrits spécifiquement pour pouvoir dégager l'offrant.
8.3. | La jurisprudence de pays de droit civil |
(a) L'arrêt du Hoge Raad der Nederlanden du 7 septembre 2007: la MAC Clause invoquée après le 'Closing' |
60.Les sociétés Philips et Phoenix avaient conclu une convention aux termes de laquelle Philips vendait à Phoenix toutes ses actions dans BC Components Holdings NV. Après que la vente se soit réalisée, Phoenix a tenté d'obtenir des dommages et intérêts ou une réduction de prix notamment au motif qu'un material adverse change s'était produit et que Philips en avait eu connaissance avant la réalisation de la vente. Ce litige se présente donc de manière particulière puisqu'il s'agit de la mise en oeuvre après le closing d'une garantie fondée sur l'absence de réalisation avant le closing des événements visés. Le vendeur avait garantit dans la convention qu'à sa connaissance, à la date du closing, le 'Business' n'avait pas souffert de material adverse change et il s'était engagé à notifier à l'acquéreur tout développement antérieur au closing qui serait de nature à entraîner une violation des déclarations et garanties. Selon l'acheteur, les mauvais résultats de la cible en décembre 2008, soit le mois précédant le closing constituaient en particulier un événement déclencheur de la MAC Clause [149].
La cour d'appel d'Amsterdam s'est livrée à une analyse détaillée de la clause et des faits, qui est reprise par l'avocat général dans son avis précédant la décision du Hoge Raad. Elle estime tout d'abord que l'EBITDA [150] de la cible donnait une vue de la rentabilité structurelle de l'entreprise, notamment en ce qu'il exclut les charges et revenus non structurels. La cour est d'avis qu'un EBITDA sensiblement réduit pour l'année 1998 par rapport aux projections faites en octobre de la même année pourrait laisser supposer l'existence d'un material adverse change. Elle constate toutefois qu'en vertu des termes de la convention, la responsabilité du vendeur n'est engagée que si celui-ci avait connaissance avant le closing de l'existence du changement en question. Or, elle conclut sur la base d'une analyse des faits qu'il n'est pas démontré que Philips avait connaissance, à la date du closing, de l'EBITDA réalisé en 2008 ou en décembre 2008.
Cette décision est intéressante en ce qu'elle admet à tout le moins la possibilité d'un material adverse change découlant d'une réduction sensible de l'EBITDA au cours des mois précédant la réalisation de l'opération. L'acheteur échoue cependant en raison de l'exigence contractuelle de la connaissance par le vendeur du changement intervenu.
(b) L'arrêt de la cour d'appel de Paris du 24 mai 2005: le seuil de matérialité non atteint |
61.La société Global avait conclu une convention aux termes de laquelle elle s'était engagée à acheter les actions de la société Eptm. Le transfert de propriété des actions et le paiement du prix ne devaient intervenir qu'à la réalisation des conditions suspensives, notamment celle prévoyant qu'aucun changement défavorable important ne surviendrait jusqu'au transfert de propriété. En invoquant notamment la non-réalisation de cette condition suspensive, Global a demandé à être dégagée du contrat. La cour d'appel de Paris constate que le contrat avait défini précisément le changement défavorable important comme étant “supérieur à 8,5% du prix d'achat” et relève que, pour dégager l'acheteur, il doit s'agir d'un événement postérieur à la signature du contrat. La cour examine alors les diverses circonstances invoquées par l'acheteur (naufrage d'une barge, réclamation d'un tiers et modification de la situation financière de la cible) et estime qu'aucune d'elles ne dépasse le seuil contractuellement fixé. Ce faisant, la cour distingue entre la partie des événements connue de l'acquéreur lors de la signature du contrat et les développements postérieurs à celle-ci qui seuls peuvent être pris en compte pour le calcul du dépassement du seuil. Notamment, elle estime que seul le supplément de réclamation d'un tiers, par rapport aux éléments connus lors de la signature, peut constituer un élément défavorable important [151].
9. | Conclusion |
62.Les MAC Clauses, quoique présentes dans la grande majorité des contrats de cession d'actions et d'actifs conclus aujourd'hui, ont en droit belge un régime peu clair. Ces incertitudes résultent notamment de la transposition pure et simple de ces clauses en provenance du droit américain et du droit anglais. Par ailleurs, quoique souvent âprement négociées, elles se sont révélées inefficaces lorsqu'elles ont été soumises aux tribunaux dans leurs pays d'origine. Le souci de ces tribunaux fut de sauvegarder la convention et d'exiger la démonstration de circonstances tout à fait particulières avant d'admettre que les MAC Clauses puissent produire leurs effets. Les objectifs de l'acquéreur en fonction notamment de la nature de ses activités, jouent un rôle important. Une conclusion identique serait vraisemblablement atteinte en droit belge, notamment par l'application de la règle selon laquelle les clauses dérogatoires sont d'interprétation restrictive, voire par l'application de l'article 1162 du Code civil en cas de doute. Pour ces raisons, la recommandation des auteurs américains de rédiger des clauses aussi précises que possible est valable également pour le praticien belge. Celui-ci doit avoir le souci d'éclairer l'intention des parties en fonction des circonstances concrètes de l'opération considérée. Ainsi, il est opportun de donner des exemples des changements visés, quant à leur nature et leur ampleur, ou, mieux encore, d'en fournir une liste exhaustive lorsque c'est possible. Il faut toutefois se garder de juger de l'utilité de ces clauses à la lumière de leur seule mise en oeuvre devant les tribunaux. En pratique elles ont souvent permis à l'acheteur d'obtenir que l'on tienne compte de circonstances nouvelles pour entamer une re-négociation amiable du contrat, là où le droit commun ne lui aurait sans doute été d'aucun secours.
[1] | Avocat au barreau de Bruxelles, Solicitor England and Wales, Stibbe. |
[2] | Cette réalisation est, dans la terminologie anglo-saxonne, désignée comme le closing ou encore la completion. Comme l'indique D. Leclercq (D. Leclercq, Les conventions de cession d'actions, Bruxelles, Larcier, 2009, n° 72, p. 98), il n'existe pas de traduction tout à fait satisfaisante du terme closing, raison pour laquelle nous l'utiliserons dans la suite de ce texte. |
[3] | Et notamment leurs conséquences sur l'industrie aéronautique. |
[4] | “[Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.] Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.” |
[5] | Nous utiliserons ci-dessous la terminologie anglo-saxonne de Mac Clause, qui est la plus usitée dans la pratique. Sur les distinctions qui pourraient être faites entre MAC et MAE, et leur rejet par certains, voy. K.A. Adams, “A legal-usage analysis of 'Material Adverse Change' provisions” in Fordham Journal of Corporate & Financial law, L.10, 2004-05, p. 17 et “Understanding 'Material Adverse Change' Provisions”, M&A Lawyer, Thomson, 2006, p. 5. Du même auteur, “A Manual of Style for Contract Drafting”, ABA Section of Business Law, pp. 94 et s. Voy. également J.-L. Lamontagne et F. Julien, “Material adverse change et financements bancaires syndiqués”, Banque & Droit 2003, n° 91, pp. 31-32. |
[6] | Comp. l'exemple donné par A.A. Schwartz, “A 'Standard Clause Analysis' of the Frustration Doctrine and the Material Adverse Change Clause”, UCLA L.Rev. 2010, p. 38: “Since the date of this agreement, there as not been any change, effect, event or occurrence that has had or would reasonably expected to have, individually or in aggregate, a material adverse effect on the target”. “'Material Adverse Effect' means… a material adverse effect on… the financial condition, results of operations or business of the target”. Pour d'autres exemples, voy. notamment Y. Quintin, “Les contrats de fusion-acquisition dans la tourmente financière américaine: les clauses de 'reverse break-up fee' et de 'MAC' en font-elles de simples options?”, RDAI, n° 3, 2008, pp. 278 et s. |
[7] | En France, voy. A.-C. Pelissier, “La MAC Clause (ou l'art d'appréhender l'adversité pendant la période de réalisation des conditions suspensives)”, Rev. Lamy droit civil 2006, n° 26, p. 5; J.-L. Lamontagne et F. Julien, “Material adverse change et financements bancaires syndiqués”, o.c., n° 91, p. 27; H. Dubout, “La résiliation du contrat d'acquisition d'entreprise entre la signature et la réalisation du contrat (closing)”, Bull. Joly Sociétés 2001, p. 837; B. Mercadal, “A propos de la clause 'Material Adverse Change' en matière de fusions de sociétés”, RJDA 2003, Chron., p. 83; N. Clavarino et J.-M. Reversac, “Les clauses de changement significatif défavorable les ('MAC Clauses') après la crise d'août 2007” in Revue de Droit Bancaire et Financier, 11-12/2009, p. 11. Aux Pays-Bas, voy. M.R. Van Schoten, “Material adverse change/material adverse events”, Contracteren 2008, p. 8. |
[8] | La clause de hardship a pour objet d'organiser une adaptation du contrat en cas de changement de circonstances. Selon certains, il s'agirait même d'un usage du commerce international (D. Philippe, “L'imprévision”, o.c., p. 740). Elle se distingue de la MAC Clause par le fait que la clause de hardship joue au stade de l'exécution du contrat concerné, alors que la MAC Clause concerne en principe la formation du contrat de cession. D'autre part, la clause de hardship a pour objectif de maintenir le contrat tout en en adaptant les conditions à la nouvelle situation, alors que la MAC Clause vise en principe à mettre un terme au contrat de cession (même si en pratique, elle est souvent utilisée comme moyen de levier pour en renégocier les conditions). Sur les clauses de hardship, voy. D. Matray et F. Vidts, “Les clauses d'adaptation des contrats” in Les grandes clauses des contrats internationaux, Bruxelles, 11 et 12 mars 2005, 55ème séminaire de la Commission Droit et Vie des Affaires; D. Philippe, “Les clauses relatives au changement de circonstances dans les contrats à long terme” in La vie du contrat à prestations successives, Bruxelles, Bruylant, 1991, pp. 157 et s. |
[9] | Les MAC Clauses sont parfois combinées avec une clause de reverse break-up fee, laquelle est une clause de dédit permettant à l'acquéreur de se dégager de la vente sans motif particulier mais en payant une indemnité au vendeur. Voy. Y. Quintin, o.c., p. 275. |
[10] | Voy. l'exemple donné ci-dessus au n° 1. Il s'agit plus précisément de la clause MAC Out. Dans la pratique américaine, la notion de MAC ou de MAE est parfois utilisée également pour limiter certaines garanties contractuelles données par le vendeur. Par exemple, le vendeur garantit que la cible a respecté les lois en vigueur “sauf dans la mesure où le respect de ces lois n'entraînerait pas de 'Material Adverse Effect' (voy. Y. Quintin, o.c., p. 279 et l'étude Nixon Peabody, “A Nixon Peabody study of current negotiation trends of Material Adverse Change clauses in M&A transactions” in 2009 Nixon Peabody MAC Survey, p. 1). |
[11] | L'étude américaine Nixon Peabody, citée à la note précédente et réalisée sur la base de l'examen de 523 contrats d'acquisition américains, décrit bien les modalités de la MAC Clause outre-Atlantique, ainsi que l'évolution récente vers une formulation plus 'buyer-friendly' qu'au cours du début des années 2000 lorsque le marché des fusions-acquisitions était plus orienté en faveur du vendeur. Alors que l'exclusion des conditions affectant le marché en général dans le cadre des fusions-acquisitions semble de plus en plus répandue, en raison du souci de viser des événements affectant la cible spécifiquement, le mouvement inverse se manifeste dans le cadre des financements, où cette clause, dite Market MAC, a repris de la vigueur à l'occasion de la crise financière de 2008. |
[12] | La doctrine de la frustration en common law correspond dans une certaine mesure à notre concept de force majeure. Elle a pour effet de délier automatiquement les parties de leurs obligations (discharge) si des événements survenant après la formation du contrat indépendamment de la faute de l'une des parties, rendent la poursuite de l'exécution du contrat impossible, illégale ou radicalement différente de ce qui était initialement envisagé (J. Poole, Contract law, 8ème éd., Oxford, 2006, pp. 508 et s.). |
[13] | R. Gray, P. Holmes et K. Muzilla, “Why banks should look again at market flex and MAC Clauses”, IFLR 2003, p. 18. |
[14] | Outre l'étude de Nixon Peabody citée ci-dessus, voy. notamment A.J. Macias, “The Role and Determinants of the Material-Adverse-Change (MACs) Clauses structure in Acquisition”, 20 avril 2009, disponible sur http://ssrn.com/anstract=1392304 et “Risk Allocation and Flexibility in the Economic Impact of Material-Adverse-Change (MACs) Clauses”, 17 avril 2009, disponible sur http://ssrn.com/anstract=1108792 ; D.J. Denis et A.J. Macias, “Material Adverse Change Clauses and Acquisition Dynamics”, avril 2010, Paper n° 1242, Krannert School of Management, disponible sur www.krannert.purdue.edu/programs/phd ; A. Choi et G. Triantis, “Strategic Vagueness in Contract Design: The Case of Corporate Acquisitions”, The Yale Law Journal 2010, pp. 103 et s.; R.T. Miller, “Canceling the deal: Two models of material adverse change clauses in business combination agreements” in Cardozo Law Review, vol. 31, n° 1, 2009, 99-204; R.T. Miller, “The economics of deal risk: allocation risk through MAC Clauses in business combination agreements” in William and Mary Law Review, vol. 50:2007, 2007-2103; A.A. Schwartz, “A 'Standard Clause Analysis' of the Frustration Doctrine and the Material Adverse Change Clause”, UCLA L.Rev. 2010; M.M. Boone, W. Chu et P.K. Kirkpatrick, The Ins and Outs in drafting MAE/MAC Clauses, termination rights and other heavily litigated provisions in acquisition agreements, contribution 31st annual conference on Securities regulation and business law problems, 12 February 2009 Texas; Y.Y. Galil, “MAC Clauses in a materially adversely changed economy” in Colum.Bus.L.Rev. 2002; D. Cheng, “Interpretation of material adverse change clauses in an adverse economy” in Colum.Bus.L.Rev. 2009; N. Somogie, “Failure of a 'basic assumption': the emerging standard for excuse under MAE provisions (material adverse effect)” Michigan Law Review 1 October 2009; M. Brooks, “The 'Seller-friendly' Approach to MAC Clause Analysis Should be Replaced by a 'Reality-friendly Approach'”, University of Detroit Mercy Law Review 2010, vol. 87, Issue 2, p. 83. |
[15] | Sur le principe, voy. P. Wéry, “L'acte unilatéral destiné à mettre fin à une convention en l'absence de faute de l'autre partie” in La volonté unilatérale dans le contrat, Ed. du Jeune Barreau, 2008, p. 255. Sur la possibilité de modifier unilatéralement le contrat en raison d'un changement de circonstances, voy. C. Delforge, “La modification unilatérale du contrat” in La volonté unilatérale dans le contrat, Bruxelles, Ed. du Jeune Barreau, 2008, p. 139, spéc. pp. 195 et s. |
[16] | P. Van Ommeslaghe, “Droit des obligations”, Bruxelles, Bruylant, 2010, n° 142, p. 240; W. Van Gerven, Verbintenissenrecht, 2ème éd., Leuven, Acco, 2006, pp. 120-121. |
[17] | Voire en raison d'un dol, selon les circonstances. |
[18] | Sur ces questions, voy. D. Leclercq, o.c., n° 51; E. Pottier, o.c., pp. 16-17. En France, la jurisprudence apporte une solution nuancée aux litiges résultant de la constatation par l'acquéreur de la situation réelle de l'entreprise cédée, et semble opérer une distinction entre le cas de la simple erreur sur la valeur des titres acquis et l'erreur sur la viabilité de la société dont les titres ont été acquis, seule cette dernière étant de nature à constituer un vice du consentement. Pour des illustrations, voy. Mémento Francis Lefevre, Cessions de parts et d'actions, 2007-08, Paris, nos 19160 et s. |
[19] | Sur la force majeure, voy. notamment A. Van Oevelen, “Overmachts- en herzieningsbedingen in het gemene recht en in overeenkomsten met consumenten” in Contractuele clausules rond de (niet-)uitvoering en de beëindiging van contracten, Intersentia, 2006, pp. 267 et s.; S. Stijns, Verbintenissenrecht, Boek 1, Brugge, die Keure, 2005, nos 208 et s.; A. De Boeck, “De schorsing bij overmacht in het gemene verbintenissen- en contractenrecht” in Schorsing van verbintenissen en overeenkomsten, 2010, pp. 56 et s. |
[20] | Voy. A. Van Oevelen, o.c., p. 268. |
[21] | Il faut bien sûr réserver l'hypothèse de l'échange, si la chose devant être échangée a été détruite. |
[22] | Par exemple, Liège 27 juin 1995, JLMB 1996, p. 100. Pour une critique de l'adage 'genera non pereunt' mais sans que l'effet pratique de la règle ne semble remis en cause, voy. A. De Boeck, “Genera non pereunt, of toch wel?”, RGDC 2009, p. 437. |
[23] | En France, J.-L. Lamontagne et F. Julien, “Material adverse change et financements bancaires syndiqués”, o.c., pp. 29-30. |
[24] | C. Delforge, o.c., p. 52, note (217). |
[25] | S. Stijns, Verbintenisrecht, o.c., n° 211, p. 151, A. De Boeck, “De schorsing…”, o.c., pp. 64-65. |
[26] | Voy. notamment H. De Page, Traité élémentaire de droit civil belge, Bruxelles, Bruylant, 1964, T. II, nos 846 et s. |
[27] | H. De Page, Traité, o.c., T. II, n° 851. |
[28] | H. De Page, Traité, o.c., T. II, n° 855. |
[29] | H. De Page, Traité élémentaire de droit civil belge, Bruxelles, Bruylant, 1994, T. IV, vol. I, 4ème éd., par A. Meinertzagen Limpens, n° 25. |
[30] | Pour le cas particulier de la condition suspensive, l'art. 1182 du Code civil organise un régime spécifique, qui, en tant qu'il distingue entre la disparition de la chose en raison de la faute du débiteur (le vendeur) et sans une telle faute, confirme les principes du droit commun de la responsabilité contractuelle. Il y ajoute toutefois pour l'hypothèse où la chose s'est détériorée sans la faute du débiteur, le choix pour le créancier (l'acheteur) de résoudre l'obligation ou d'exiger la chose dans l'état où elle se trouve, sans diminution de prix. |
[31] | Voy. les définitions relevées par C. Delforge, o.c., n° 51, p. 187, qui reflètent des divergences de vues quant à la notion même d'imprévision. |
[32] | C. Jassogne, “La crise et la notion d'imprévision”, RRD 2008, p. 175; D. Philippe, “L'imprévision”, JT 2007, p. 738; C. Delforge, o.c., n° 53; A. Van Oevelen, o.c., pp. 268 et s. Pour un exemple récent en France d'interdiction pour le juge de reviser le contrat pour tenir compte de circonstances nouvelles, Cass. fr. (civ.) 18 mars 2009, RTD Civ. 2009, p. 528; D. 2009, p. 950, obs. Y. Rouquet. En Belgique, voy. Liège 27 juin 1995, JLMB 1996, p. 100. Pour une application parfois plus souple de ces principes, voy. toutefois Civ. Gand 21 décembre 2000, TGR 2001, p. 177, qui estime possible d'adapter un contrat en cas de modification essentielle du cadre socio-économique dans lequel il a été conclu. |
[33] | L'art. 79, al. 1er de la Convention de Vienne sur les vente internationales de marchandises prévoit que “Une partie n'est pas responsable de l'inexécution de l'une quelconque de ses obligations si elle prouve que cette inexécution est due à un empêchement indépendant de sa volonté et que l'on ne pouvait raisonnablement attendre d'elle qu'elle le prenne en considération au moment de la conclusion du contrat, qu'elle le prévienne ou le surmonte ou qu'elle en prévienne ou surmonte les conséquences.” Par un arrêt du 19 juin 2009, la Cour de cassation a décidé que cet art. 79 ne concernait pas seulement les cas de force majeure, mais également la survenance de circonstances nouvelles raisonnablement imprévisibles à la conclusion du contrat qui sont incontestablement de nature à aggraver la charge de l'exécution du contrat d'une manière disproportionnée (Cass. 19 juin 2009, C.07.0289.N/1, www.belgiquelex.be ). |
[34] | C. Delforge, o.c., nos 77 et 10, pp. 219 et s. Pour l'application spécifique de cette théorie, en France, aux cas couverts par la MAC Clause, J.-L. Lamontagne et F. Julien, o.c., p. 29. |
[35] | Cass. 21 janvier 2000, Pas. 2000, I, n° 56; P.-A. Foriers, “La caducité revisitée, A propos de l'arrêt de cassation du 21 janvier 2000”, JT 2000, pp. 676 et s.; M. Van Quickenborne, “Het verval van een rechtshandeling wegens de verdwijning van haar oorzaak”, Rec.Cass. 2001, pp. 77-101. |
[36] | Sur les principes en matière de caducité, voy. P.-A. Foriers, La caducité des obligations contractuelles par disparition d'un élément essentiel à leur formation, Bruxelles, Bruylant, 1998; C. Delforge, o.c., n° 59, pp. 199-200; Cass. 14 octobre 2004, RW 2005-06, p. 859, note C. Cauffman; P. Moreau, “La théorie de la caducité des libéralités pour disparition de la cause est-elle caduque?”, Rev.not.b. 2009, pp. 694 et s. |
[37] | En tenant compte de l'objet effectif de la vente lorsqu'il s'agit de la cession des actions d'une société. Sur la controverse à cet égard, infra, n° 15. Sur les liens entre la caducité et la théorie des risques, voy. P.-A. Foriers, La caducité des obligations contractuelles par disparition d'un élément essentiel à leur formation, o.c., p. 57. Si la disparition ou la dégradation de l'objet résulte de la faute du vendeur, ce sont les règles de la responsabilité qui trouveront à s'appliquer. |
[38] | Sur le vice fonctionnel et les controverses auxquelles il donne lieu, voy. F. Glandsdorff, “Panorama des actions ouvertes à l'acheteur insatisfait” in Actualité de quelques contrats spéciaux, Bruylant, 2005, pp. 7 et s. |
[39] | P.A. Foriers, “Conformité et garantie dans la vente”, o.c., n° 26, p. 33. Concernant l'erreur sur la substance, voy. supra, n° 6. |
[40] | Liège 1er avril 1992, RPS 1993, p. 97, obs. I. Corbisier. Dans ce sens également: D. Leclercq, o.c., nos 69 et s.; D. Matray, “Les aspects juridiques de la cession d'une P.M.E.”, C&FP 2002, p. 25; A. Coibion, “Quelques réflexions sur les garanties conventionnelles en matière de cession d'actions et sur l'influence de la pratique anglaise”, RDC 2003, liv. 10, p. 869; P.-A. Foriers, “Aspects de droit privé de la cession du fonds de commerce. Le contrat de cession de fonds de commerce en droit commun” in H. Cousy, B. Tilleman et A. Benoit-Moury, De Handelzaak - Le fonds de commerce, Bruges, die Keure, 2001, p. 133; P.-A. Foriers et R. Jafferali, “La cession de fonds de commerce et autres opérations apparentées” in La cession du fonds de commerce, Bruxelles, Larcier, 2005 p. 43; I. Corbisier, “Quand J.R. manque de discernement dans la sélection de puits de pétrole au Texas…: des vicissitudes affectant le cas échéant une cession d'actions ou de l'omniprésence discrète de la cause dans une vision contractualiste de l'entreprise”, RPS 1993, p. 138; D. Devos, note sous Bruxelles 20 mai 1987, RDC 1988, p. 52; B. Bellen et F. Wijckmans, “M&A Survey”, TRV 2008, pp. 119-120; J.-F. Tossens, “Commentaire sous sentence arbitrale n° 1088”, Collection Cepani Arbitral Awards 1985-1995, Bruxelles, Bruylant, 2005, p. 347; D. De Gobert et J. Kayser, “Le régime international des garanties dans les contrats de vente d'actions”, DAOR 2008, p. 357. En jurisprudence, outre l'arrêt précité de la cour d'appel de Liège: Gand (2ème ch.) 24 mai 1933, RPS 1936, p. 223; Bruxelles 20 mai 1987, RDC 1988, p. 35; Liège 24 avril 2001, RGDC 2004, p. 253; Gand (12ème ch.) 25 mai 2005, DAOR 2005, p. 334; Sentence arbitrale n° 1088 in Collection of Cepani Arbitral Awards 1985-1995, Bruylant, 2005, p. 323; Luxembourg 23 février 2005, DAOR 2008, p. 88. Sur la position en France, voy. P. Mousseron, “Les conventions de garantie dans les cessions de droits sociaux”, Les Nouvelles éd. Fiduciaires, 1992; H. Lecuyer, “Jeu de la garantie d'éviction dans la cession des droits sociaux: constance dans la position de la chambre commerciale”, La Semaine Juridique, Sociétés, n° 5, mai 2007, com.m. 88; F.-X. Lucas “Garantie d'éviction due par le cédant de parts sociales”, La Semaine Juridique, Sociétés, n° 6, 6 juin 2006, comm. 86; voy. également E. Pottier, “Négociation et rédaction d'une convention de cession d'actions: aspects juridiques et pratiques” in Séminaire Vanham & Vanham 16 mai 2003, Acquisition de sociétés cotées ou non, pp. 15 et s., spéc. pp. 21-25. |
[41] | X. Dieux, “Les garanties en matière de cession d'actions - Pour un retour au droit commun” in Liber Amicorum, CDVA, Bruylant, 1998, pp. 489 et s.; F. Glandsdorff, “Panorama…”, o.c., p. 12. |
[42] | Voy. notamment P.-A. Foriers et R. Jafferali, “La cession de fonds de commerce et autres opérations apparentées”, o.c., pp. 39-40: “Si le vendeur opte pour une cession de titres, c'est précisément qu'il souhaite vendre ses actions et non le patrimoine de la société, notamment pour éviter des problèmes de garantie. S'il accepte l'opération, l'acheteur se coule dans la formule, quitte pour lui à réclamer des garanties contractuelles.” |
[43] | P.-A. Foriers, “Conformité et garantie dans la vente” in La Vente, die Keure/la Charte, 2002, n° 20, p. 30. |
[44] | Cass. 14 avril 1994, Pas. 1994, I, p. 365. Dans ce sens également, Cass. 30 avril 2004, RG C.02.0201.F et Cass. 20 avril 2006, RG C.03.0084.N. |
[45] | Voy. C. Delforge, o.c., n° 66, p. 207. Sur la possibilité d'invoquer la bonne foi en cas de changement de circonstances et sur ses liens avec l'abus de droit, voy. C. Jassogne, “La crise et la notion d'imprévision”, o.c., pp. 176-177. |
[46] | Par exemple, des circonstances ayant entraîné la fermeture de la division de l'acheteur au sein de laquelle il envisageait d'intégrer la société ou les actifs acquis. |
[47] | Voy. D. Leclercq, o.c., nos 132 et 260. Par ailleurs, l'acheteur, le cas échéant au travers de la société vendue elle-même une fois l'opération réalisée, pourra mettre en cause la responsabilité des administrateurs de celle-ci si les circonstances en question découlent d'une faute dans leur chef (et à défaut de décharge ou de renonciation contractuelle à une telle mise en cause - voy. D. Leclercq, o.c., n° 355). |
[48] | Offre sur BarcoNet, dans laquelle la MAC Clause était définie par rapport à des seuils chiffrés de l'actif net consolidé (J.-M. Nelissen Grade, “Kroniek van de openbare overnamebiedingen (1996-2003)”, (Deel I), Bank Fin.R. 2004/1, n° 92, p. 67). |
[49] | Voy. offre sur Solvus, en 2005, prévoyant comme condition suspensive le fait que l'index AEX ou BEL 20 n'ait pas chuté de plus de 12,5% depuis la date de notification de l'offre, comme conséquence directe d'un événement politique ou économique. |
[50] | P. Hamer, “Développements récents en matière d'offres publiques d'acquisition”, Séminaire Vanham et Vanham, 7 février 2002, pp. 14-15. Dans le cas de l'offre sur Ubizen, la CBFA admet des conditions liées à la situation financière de la cible en relevant la situation particulière de la cible (rapport du comité de direction de la CBFA, 2004, p. 87). |
[51] | Rapport du Comité de direction de la CBFA, 2006, p. 63. |
[52] | P.-A. Foriers, S. Hirsch, V. Marquette et R. Jafferali, Les offres publiques d'acquisition. Le nouveau régime, Bruxelles, Larcier, 2008, p. 46, note (40). |
[53] | V. Deschryver, “Nieuwe bepalingen inzake brijwillig bod” in La nouvelle loi OPA, Bruylant, 2008, n° 13, p. 27. Dans ce sens également, J.-M. Nelissen Grade, o.c. et l.c. |
[54] | “Als in een MAC het element 'materieel nadelig effect' in algemene termen is opgesteld, is de AFM van oordeel dat uit de formulering van de MAC duidelijk dient te blijken dat het vaststellen of sprake is van een 'materieel nadelig effect' niet naar de subjectieve maatstaf van de bieder plaatsvindt, maar naar de maatstaf van redelijkheid en billijkheid” (…). Er mag geen beoordelingsruimte voor de bieder bestaan op het moment dat deze na het einde van de aanmeldingstermijn vaststelt of de voorwaarde is vervuld” (disponible sur le site de l'AFM, www.afm.nl ). |
[55] | Voy. infra, n° 31 pour la situation en Belgique. |
[56] | R.H. Hooghoudt et L.F. Groothuis, “Het bod, de vergoeding en de voorwaarden” in Handboek Openbaar Bod, Malines, Kluwer, 2008, pp. 471 et s. |
[57] | J.-M. Nelissen Grade, o.c., n° 88, p. 63. |
[58] | P. Wéry, Droit des obligations. Théorie générale du contrat, vol. 1, Larcier, 2010, n° 414, p. 361. |
[59] | Voy. M. Latina: “L'imprécision de la description de l'événement, jointe à la difficulté de la découverte de la commune intention des cocontractants, est ainsi susceptible de diriger le juge vers une analyse in abstracto de la compatibilité de la circonstance alléguée avec l'événement conditionnel.” (M. Latina, Essai sur la condition en droit des contrats, Paris, LGDJ, 2009, n° 524, p. 401). |
[60] | Il est intéressant de noter que, dans un pays comme la Chine, la doctrine a la même opinion : “It is not unlikely that Chinese legislators and the [Supreme People's Court] might refer to the US case law when drafting future laws, regulations or guidelines on the MAC” (S. Taï, Clarity on material adverse change, China Law & Practice Déc. 2009/Jan 2010, disponible sur www.chinalawandpractice.com/Article/2351811/Clarity-on-material-adverse-change.html . Sur la problématique de l'interprétation par le juge belge de concepts étrangers, voy. également D. Philippe, “L'usage des termes juridiques anglo-saxons dans la vie des affaires” in Mélanges offerts à Marcel Fontaine, 2003, p. 49, spéc. pp. 495-497 et p. 500. |
[61] | Voy. D. Leclercq, o.c., n° 72, p. 98. Au point que l'on pourrait venir à se demander s'il n'est pas parfois approprié de rechercher quelle était l'intention des avocats qui ont rédigé la clause… Voy. K.A. Adams, “A legal-usage analysis of 'Material Adverse Change' provisions”, o.c., p. 24: “This vague definition - material meaning significant - may be the one that most transactional lawyers have in mind when they negotiate materiality.” |
[62] | Devant les difficultés de faire admettre par les tribunaux américains la mise en oeuvre de MAC Clauses rédigées largement, la doctrine a conseillé une rédaction plus précise comportant des éléments quantifiables (voy. Etude Nixon Peabody, o.c., p. 3 et les auteurs cités note 13). Sur les conseils détaillés de rédaction de telles clauses, en droit américain, voy. K.A. Adams, “A legal-usage analysis of 'Material Adverse Change' provisions”, o.c., pp. 9 et s.; A.M. Herman et B.L. Piereck, Revisiting the MAC Clause in Transaction, Business Law Today 2 août 2010. |
[63] | “Would (reasonably) be expected to have a Material Adverse Effect.” |
[64] | Etude Nixon Peabody, p. 3 (“… the 'would reasonably be expected to' formulation permits the buyer to take into account the effects on the target that are foreseeable but not yet reflected on the balance sheet or income statement!”). Cette formulation est également examinée par R.T. Miller, “Canceling the deal…”, o.c., pp. 110 et s. |
[65] | “In this context 'expect is best thought as of meaning' regard (something) as likely to happen” (o.c., p. 16). |
[66] | P. Van Ommeslaghe, “Droit des obligations”, o.c., n° 390, p. 596. Sur l'existence d'un principe général de droit relatif au respect des anticipations légitimes d'autrui et la protection des expectatives des parties fondées sur ce qui est raisonnable et conforme au sens commun, voy. X. Dieux, Le respect dû aux anticipations légitimes d'autrui : principe général de droit (l'exemple d'un ordre juridique transfrontalier), in Legal Tracks II, Essays on international and domestic contracts and torts, Bruxelles, Bruylant, 2005, p. 43 et la thèse du même auteur, “Le respect dû aux anticipations légitimes d'autrui : essai sur la genèse d'un principe général de droit”, Bruxelles/Paris, Bruylant/L.D.G.J., 1995. |
[67] | B. Geradin, “La clause de changement significatif défavorable en droit Luxembourgeois”, AGEFI Luxembourg, juin 2009. |
[68] | Dans ce sens également, A.-C. Pelissier, o.c., p. 6; Y. Quintin, o.c., pp. 283 et s. |
[69] | Voy. infra, n° 51 à propos de l'affaire IBP / Tyson Foods. |
[70] | Sur ce principe, voy. P. Wéry, “Droit des obligations”, o.c., n° 421, pp. 367-368. A propos des clauses de garanties, voy. Liège 1er avril 1992, RPS 1993, p. 107 et comp. avec Bruxelles 5 juin 1980, RPS 1981, p. 208. Il en résulte que l'énumération des circonstances de material adverse changes potentiels doit, sauf indication contraire, être considérée comme limitative, contrairement à ce que pourrait commander la règle d'interprétation de l'art. 1164 du Code civil selon laquelle lorsqu'on a exprimé un cas pour l'explication de l'obligation, on n'est pas censé avoir voulu par là restreindre l'étendue que l'engagement reçoit de droit aux cas non exprimés. |
[71] | P. Wéry, “Droit des obligations”, o.c., n° 423, p. 369; P. Van Ommeslaghe, “Droit des obligations”, o.c., n° 402, p. 616. |
[72] | P. Wéry, “Droit des obligations”, o.c., n° 424, p. 370 et les références; P. Van Ommeslaghe, “Droit des obligations”, o.c., n° 402, p. 616. Sur la combinaison des art. 1162 et 1602, al. 2 du Code civil, voy. A. Cruquenaire, “L'interprétation du contrat de vente”, RGDC 2008, pp. 307 et s. |
[73] | Il est à noter que même en présence d'une qualification donnée par les parties mais qui ne correspondrait pas à la réalité, le juge peut être amené à la rectifier, pour autant qu'il ne viole pas la foi due aux actes (P. Wéry, “Droit des obligations”, o.c., n° 435, p. 377). |
[74] | D. Leclercq, o.c., n° 249. |
[75] | M. Latina, Essai sur la condition en droit des contrats, LGDJ, 2009, p. 400. |
[76] | “The obligation of [the purchaser] to consummate the transaction contemplated in this Agreement are subject to the fulfillment, at or before the closing date, of the following conditions: […]. During the period from Execution Date to the Closing Date, there shall not have occurred any Material Adverse Effect”. Il s'agit de la clause ayant donné lieu au litige Henkel Corp. / Innovative Brands Holdings, LLC, Delaware Chancery Court 26 août 2008, dont question ci-après, n° 35. |
[77] | Sur ces questions, voy. P.-A. Foriers, “Propos sur la condition résolutoire purement potestative” in Liber Amicorum Yvette Merchiers, 2001, pp. 115 et 116; S. Stijns, “Schorsing van verbintenissen door opschortende voorwaarden en termijnen” in Schorsing van verbintenissen en overeenkomsten, Bruges, die Keure, 2010, p. 115, n° 33. Sur la situation dans le cadre des offres publiques d'achat, voy. nos 19 et s. Pour un examen approfondi de la question, voy. J. De Coninck, De voorwaarde in het contractenrecht, die Keure, 2007, pp. 331 et s. |
[78] | Certains considèrent cependant que l'art. 1174 du Code civil n'est pas d'application à un contrat synallagmatiques, tel que le contrat de vente que nous examinons (voy. les références citées par P.-A. Foriers, “Propos sur la condition résolutoire purement potestative”, o.c., p. 122). |
[79] | Sur les nuances entre la condition purement potestative et celle qui n'est que simplement potestative, voy. J. De Coninck, De voorwaarde …, o.c., pp. 358 et s. |
[80] | Voy. Cass. fr. (civ.) 7 octobre 1987, inédit, cité par M. Latina, o.c., note 112, p. 235: “Mais attendu qu'en relevant que la clause litigieuse dépendait non seulement de la volonté de la partie qui l'invoquait mais également d'événements extérieurs, tels que les fluctuations économiques, la cour d'appel a caractérisé une condition simplement potestative.” Pour une décision australienne reconnaissant les effets d'une clause permettant à un prêteur de mettre en oeuvre une MAC Clause si le changement visé se produit 'selon son opinion', voy. Supreme Court of New South Wales 1er mars 2010, Brighten Pty Limited [2010] NSWSC 133, disponible sur www.lawlink.nsw.gov.au/cjudgments/2010nswsc.nsf . |
[81] | De même la condition de l'absence de mise en faillite de l'acquéreur peut susciter des difficultés. La faillite suppose certes que des conditions objectives et d'ordre public soient réunies. Toutefois, il est du pouvoir du débiteur de provoquer la survenance de ces conditions. |
[82] | Voy. M. Latina, o.c., nos 346-347, pp. 250 et s. |
[83] | M. Van Quickenborne, “Libre propos sur la défaillance de la condition suspensive”, RCJB 2009, n° 16, p. 303; J. De Coninck, De voorwaarde …, o.c., pp. 216 et s. |
[84] | M. Van Quickenborne, o.c., n° 17, p. 304. |
[85] | M. Latina, o.c., pp. 214 et s. Sur ces questions, voy. également J. De Coninck, “Propos sur le 'pouvoir potestatif' d'origine conventionnelle sur un ensemble d'obligations synallagmatiques: conditions ou droit potestatif?” in Droit des contrats: questions choisies, Bruxelles, Larcier, 2008, pp. 75 et s. Sur une critique pour d'autres motifs, de la théorie de la condition purement potestative, J. De Coninck, De voorwaarde …, o.c., pp. 369 et s. |
[86] | Voy. D. Leclercq, o.c., nos 250 et 256. |
[87] | M. Latina, o.c., nos 583 et s. |
[88] | M. Latina, o.c., nos 595 et s. |
[89] | “Closing shall take place on the date which is five (5) Business Days after satisfaction or waiver of all conditions precedents set forth in Section 11 and 12.” |
[90] | “It is however, unreasonable, to believe that sophisticated parties would have agreed upon an open-ended, unlimited period for making such a decision. Accordingly, as with contracts lacking of time for performance generally, the Court will be required to determine a 'reasonable' period for performance.” (décision du 26 août 2008, Delaware Chancery Court, www.delawarelitigation.com/2008/09/articles/chancery-court-updates ). |
[91] | Cass. 25 mai 2007, RW 2007-08, p. 1034. Précisément, cet arrêt concerne l'art. 1176 du Code civil, lequel vise l'hypothèse dans laquelle la condition convenue est qu'un événement arrivera, sans qu'il soit précisé dans quel délai cet événement doit arriver. L'identité de fondement et de terminologie entre les art. 1176 et 1177 permet d'étendre la solution de l'art. 1176 à l'application de l'art. 1177. L'assouplissement apporté par la Cour par rapport aux termes utilisés par le Code a été critiqué par certains (L. Cornelis, “De schorsing van verbintenissen”, TPR 2008, p. 467, n° 28) mais approuvé par d'autres (S. Stijns, “Schorsing…”, o.c., pp. 121-122, n° 40). |
[92] | Sur la condition implicite, voy. S. Stijns, “Schorsing…”, o.c., p. 99, n° 14. |
[93] | Voy. D. Leclercq, o.c., n° 270, note 1049, qui suggère que l'on pourrait considérer que les parties renoncent implicitement à la condition en procédant au closing. |
[94] | Sur la recherche en France d'un 'délai tacite', voy. M. Latina, Essai.…, o.c., nos 532 et s. |
[95] | Par exemple, la clause prévoit souvent simplement que “l'acquéreur ne sera pas tenu de procéder à la réalisation de la transaction si l'un des événements visés est survenu avant la date prévue pour le closing”. Cela signifie-t-il que les parties considèrent qu'il existe un engagement, en vigueur, de procéder à la réalisation mais que celui-ci prend fin en cas de survenance de l'événement considéré (condition résolutoire) ou bien que l'engagement de procéder à la réalisation n'entrera en vigueur que si l'événement considéré ne survient pas (condition suspensive)? (Sur le fait que l'obligation sous condition suspensive existe pendente conditione mais voit son exécution suspendue, voy. P.-A. Foriers, “Propos sur la condition résolutoire purement potestative”, o.c., p. 117). L'on ajoutera qu'il pourrait également s'agir d'une faculté de résiliation unilatérale au profit de l'acquéreur (infra, n° 40). |
[96] | Sur ces questions, voy. P.-A. Foriers, lequel indique “La condition résolutoire purement potestative constitue en réalité une faculté de résiliation unilatérale opérant avec effet rétroactif.” (“Propos sur la condition résolutoire purement potestative”, o.c., p. 120). |
[97] | Dans le cas d'une convention instantanée, tel le contrat de vente, la rétroactivité a en principe peu d'incidence. Cependant, lorsque la réalisation de l'opération est différée dans le temps, une série d'actes peuvent être posés pendant la période intérimaire et il est fréquent que les parties contractent des engagements relatifs à ladite période (voy. D. Leclercq, o.c., nos 259 et s.). La question de l'éventuelle rétroactivité a alors une incidence sur le maintien d'une responsabilité des parties pour les actes posés pendant cette période, nonobstant la résiliation de la vente (étant entendu que la non-réalisation de la vente devra être prise en compte pour déterminer l'éventuel dommage). |
[98] | P.-A. Foriers, “Propos sur la condition résolutoire purement potestative”, o.c., p. 125. Cette thèse est approuvée par P. Wéry, “L'acte unilatéral …”, o.c., spéc. note (238), p. 317. |
[99] | Dans ce sens également, P. Wéry, “L'acte unilatéral …”, o.c., n° 51, pp. 309-310. |
[100] | P. Wéry, “L'acte unilatéral …”, o.c., n° 37, p. 293. |
[101] | L'on réserve ici le cas des ventes d'une nature particulière, comme la vente aux consommateurs, non concernées par cet article. |
[102] | Contrairement par exemple au cas des contrats d'agence commerciale, de concession de vente à durée indéterminée, de travail. Voy. P. Wéry, “L'acte unilatéral …”, o.c., n° 50, p. 309. |
[103] | Liège 24 septembre 1986, Ann.dr.Lg. 1988, p. 168, note M.-C. Ernotte, “Nature de la clause résolutoire expresse en cas de faillite: condition résolutoire ou pacte commissoire exprès?”. |
[104] | M.-C. Ernotte, o.c., p. 179; P. Wéry, o.c., n° 60, pp. 318-319; S. Stijns, “La résolution pour inexécution en droit belge: conditions et mise en oeuvre” in Les sanctions de l'inexécution des obligations contractuelles, Bruxelles, Bruylant, 2001, pp. 582-583. |
[105] | Voy. A. Zenner, Wet continuiteit ondernemingen, Intersentia, 2009, pp. 100 et s. |
[106] | Dans une telle hypothèse, le vendeur aura intérêt à se réserver également la faculté de se dégager de la vente, afin de ne pas être contraint de céder les actions ou actifs à des conditions qu'il n'avait pas envisagées (H. Dubout, “La résiliation du contrat d'acquisition d'entreprise entre signature et réalisation du contrat (closing)”, o.c., p. 841). |
[107] | Cass. 21 septembre 1987, Pas. 1988, I, p. 79. Sur l'application de ces principes, voy. notamment D. Willermain, “La cession de fonds de commerce. Aspects de droit civil et de droit commercial” in La cession de fonds de commerce, Bruxelles, Larcier, 2005, pp. 71-73; D. Leclercq, o.c., nos 233 et s. |
[108] | Sur les termes 'déclarations et garanties' et notamment sur la confusion que la simple traduction de termes anglais peut susciter dans ce contexte, voy. D. Leclercq, o.c., n° 24, 151 et 294; A. Coibion, “Quelques réflexions sur les garanties conventionnelles en matière de cession d'actions et sur l'influence de la pratique anglaise”, RDC 2003, pp. 864 et s.; D. Philippe, “L'usage des termes juridiques anglo-saxons dans la vie des affaires”, o.c., p. 500. Sur l'insuffisance des garanties du droit commun de la vente en cas de cession d'actions et la controverse à cet égard, voy. infra, n° 15. Quoi qu'il en soit, aucune garantie de droit commun ne nous semble en tous cas couvrir les hypothèses visées par une garantie contractuelle relative à l'absence de survenance d'un material adverse event. |
[109] | Par exemple, “Depuis le 1er janvier 2010, aucun 'Material Adverse Event' n'est survenu.” |
[110] | Il est à noter qu'une extension jusqu'au closing de la garantie relative à l'absence de survenance de material adverse change résulte le plus souvent de la clause habituelle selon laquelle les garanties données à la signature sont supposées 'réitérées' au closing (sur cette réitération, voy. D. Leclercq, o.c., nos 129 et s.). |
[111] | Voy. K.A. Adams, o.c., p. 12: “Any given MAC provision could of course be incorporated as a condition rather than as a representation, but it would afford better protection if drafted as a representation. Although an unsatisfied condition would allow a party to walk, an inaccurate representation could also give that party a cause of action for damages or a claim for indemnification.” |
[112] | M. von Kuegelgen, “Réflexions sur le régime des nullités et des inopposabilités” in Les obligations contractuelles, Bruxelles, Ed. du Jeune Barreau 2000, p. 575; D. Leclercq, o.c., n° 379; F. Walschot, “Nietigheidsclausules” in Nuttige tips voor goede contracten. Bijzondere overeenkomsten. Grondige studies, Mechelen, Kluwer, 2003, p. 166, n° 11. |
[113] | Sur une telle clause, voy. supra, nos 36 et s. |
[114] | Voy. K. Vanderschot, “De sanctionering van abusieve partijbeslissingen genomen bij contractuele wanprestatie: de verschillende gedaantes van de matigende werking van de goede trouw”, RGDC 2005, p. 87. Sur ce point, le droit belge se différencie assez sensiblement des régimes de droit anglo-saxon. Alors que, dans notre droit, l'exigence d'exécution de bonne foi des conventions résulte d'un principe général qui figure en toile de fond du régime contractuel, elle est considérée comme contraire à la nature même d'une relation contractuelle en common law, où il est légitime que chaque partie ne se préoccupe que de ses propres intérêts. Cette opposition de principe entre les deux régimes doit toutefois être quelque peu nuancée, la common law ayant développé au fil du temps des règles spécifiques destinées à sanctionner des comportements clairement contraires à la bonne foi (unfair) (R. Brownsword, “Contract Law. Themes for the twenty-first century”, 2ème éd. Oxford University Press, 2006, p. 11 et suivantes). En droit belge, pour un exemple où le juge du fond a été censuré pour n'avoir pas examiné si le créancier n'avait pas retiré de l'usage de son droit de résolution un avantage sans proportion avec la charge corrélative de l'autre partie compte tenu des circonstances, Cass. 9 mars 2009, RGDC 2010, p. 130. |
[115] | Contrairement au cas de la résiliation unilatérale d'un contrat à durée indéterminée, pour lequel on considère généralement que le juge est sans pouvoir pour remettre en vigueur le contrat irrégulièrement résilié et où la victime de la résiliation fautive ne peut prétendre qu'à une réparation par équivalent (voy. P. Wéry, “L'acte unilatéral…”, o.c., n° 45, p. 304). |
[116] | Sur l'abus de droit et ses sanctions, voy. notamment P. Wéry, “Les sanctions de l'abus de droit dans la mise en oeuvre des clauses relatives à l'inexécution d'une obligation contractuelle” in Mélanges Philippe Gérard, Bruxelles, Bruylant, 2002, pp. 127-148; F. Vermander, “Bedingen over de duur van het contract, zijn voortzetting in zijn opzegging” in Contractuele clausules rond de (niet-)uitvoering en de beëindiging van Contractua, Anvers, Intersentia, 2006, p. 263. |
[117] | Cass. 23 mars 2006, RW 2006-07, liv. 21, p. 874 et note A. Van Oevelen, “De interpretatie te goeder trouw van overeenkomsten en de toepassing ervan op de omzetting van een hypothecaire volmacht”. |
[118] | Sur ces décisions, voy. les études américaines citées ci-dessus à la note 14, ainsi que P.L. Ferriere, “'Materiality' and 'Material adverse change' in the representations and warranties of acquisition agreements”, 12/2006, Union Internationale des Avocats, 17-24 février 2007. |
[119] | Plus précisément, il s'agissait de ses produits ('revenues'). |
[120] | “Any event, occurrence or development of a state of circumstances or facts which has had or reasonably could be expected to have a material adverse effect… on the condition (financial or otherwise), business, assets, liabilities or results of operation of [IBP] and [its] subsidiaries taken as a whole.” |
[121] | “These negotiating realities bear on the interpretation of § 5.10 and suggest that the contractual language must be read in the larger context in which the parties were contracting. To a short-term speculator, the failure of a company to meet analysts' projected earnings for a quarter could be highly material. Such a failure is less important to an acquirer who seeks to purchase the company as part of a long-term strategy. To such acquirer, the important thing is whether the company has suffered a Material Adverse Effect in its business or results of operations that is consequential to the company's earnings power over a commercially reasonable period, which one would think would be measured in years rather than months. It is odd to think that a strategic buyer would view a short-term blip in earnings as material, so long as the target's earnings-generating potential is not materially affected by that blip or the blip's cause.” |
[122] | “Practical reasons lead me to conclude that a New York court would incline toward the view that a buyer ought to have to make a strong showing to invoke a Material Adverse Effect exception to its obligation to close. Merger contracts are heavily negotiated and cover a large number of specific risks explicitly. As a result, even where a Material Adverse Effect condition is a broadly written as the one in the Merger Agreement, that provision is best read as a backstop protecting the acquirer from the occurrence of unknown events that substantially threaten the overall earnings potential of the target in a durational-significant manner. A short-term hic-cup in earnings should not suffice; rather the Material Adverse Effect should be material when viewed from the longer-term perspective of a reasonable acquirer.” |
[123] | Voy. l'article de R.T. Miller, “Canceling the deal…”, o.c., 148. |
[124] | K.A. Adams, “A legal-usage…”, o.c., p. 33. |
[125] | Il s'agissait de procédures impliquant le fameux bureau associé à Erin Brockovich, dans le cadre desquelles il était reproché à Frontier Oil d'avoir exploité un puits dont les émanations avaient provoqué des cancers au sein de l'école voisine. |
[126] | Sur cette décision, voy. également R.T. Miller, “Canceling the deal…”, o.c., spéc. pp. 140 et s. |
[127] | Sur cette décision, voy. également R.T. Miller, “Canceling the deal…”, o.c., spéc. pp. 143 et s. |
[128] | Sur cette décision, voy. également R.T. Miller, “Canceling the deal…”, o.c., spéc. pp. 147 et s. En synthèse, le juge estime que le critère approprié à cet égard est l'EBITDA, notamment parce que cette mesure était celle qui avait le plus fréquemment été utilisée par les parties et leurs conseillers financiers dans la valorisation de la société. |
[129] | Cette fusion fut annoncée le même jour que la demande en faillite de Lehmann Brothers et la veille de l'injection dans AIG de 85 milliards de dollars par la Federal Reserve américaine. Le projet de fusion fut négocié dans des conditions d'urgence extrême, le due diligence étant réalisé au cours du week-end des 13 et 14 septembre 2008. Pour un exposé détaillé des circonstances de cette fusion, voy. l'article de G. Subramanian et N. Sharma, “Bank of America-Merrill Lynch”, Harvard Business School, 7 juin 2010, N9-910-26, disponible sur www.law.harvard.edu/faculty/faculty-workshops/subramanian-bofa-merril-lynch.pdf . |
[130] | Respectivement, les homologues du ministre des Finances et de la Banque Nationale de Belgique, en Belgique. |
[131] | Sans entrer dans les détails de la procédure judiciaire américaine, le défendeur peut demander que la demande dirigée contre lui soit, sur l'un ou plusieurs chefs, rejetée à un stade précoce de la procédure parce que le demandeur ne démontre pas une demande sérieuse ('fail to state a plausible claim'). |
[132] | En fait, le juge a rejeté l'essentiel des défenses de Bank of America, celle-ci obtenant essentiellement satisfaction sur les questions liées à la MAC Clause. (United States District Court - Southern District of New York, Memorandum and Order and du 27 août 2010, in Re Bank of America Corp Securities, Derivatives and Employment Retirement Income Security Act (ERISA) Litigation, Case 1:10-cv-05563-PKC, Document 10; les documents de cette procédure sont disponibles sur www.boasecuritieslitigation.com/news.php ). |
[133] | “changes in general business, economic or market conditions”. |
[134] | “In other words, even though it knew that a MAC claim was out of the question, the Bank threatened federal officials that it would make one anyway, in order to get taxpayer aid.” (Complaint du 4 février 2010, The People of the State of New York / Bank of America and others, n° 200, p. 57. Disponible sur internet www.ag.ny.gov/media-center/2010/feb/feb04a_10.html . Pour la réponse des défendeurs, voy. www.law360.com/articles/188559 ). |
[135] | Sur ces affaires et pour d'autres exemples, voy. Y. Quintin, o.c., pp. 285 et s. |
[136] | Sur la notion de reverse break-up fee, voy. supra, note 9. |
[137] | Sur ces arguments et la réponse qui leur a été apportée par les prêteurs, voy. G.A. Zimmerman et S.E. Jacobson, o.c. |
[138] | “A consistent, principled, economically rational interpretation of the distinction between material and immaterial” (“Canceling the deal…”, o.c., p. 167). |
[139] | “… if the materialization of a risk reduces the value of the deal for the counterparty so much that, at the agreed upon purchase price, the deal comes to have a negative value for the counterparty, then the risk will be allocated to the party; but if the materialization of the risk reduces the value of the deal to the counterparty at the agreed upon purchase price, then the risk will be allocated to the counterparty” (“Canceling the deal…”, o.c., p. 167). |
[140] | “Since 31 December 2000 and save as […] no material adverse change or deterioration having occurred in the business, assets, financial or trading position or profits or prospects of any member of the wider Tempus Group.” |
[141] | Consultable sur www.thetakeoverpanel.org.uk/statements/panel-statements/po2001 . Sur cette décision, voy. S. Kenton-Slade, Mergers and takeovers in the US and UK law and practice, Oxford University Press, 2004, p. 634, nos 9.98 et s. |
[142] | “[M]eeting [the test set forth in Rule 13, Note 2] requires an adverse change of very considerable significance striking at the heart of the purpose of the transaction in question, analogous, as the 1974/2 Panel Statement put it, to something that would justify frustration of a legal contract. To accept a lower test would allow an offeror to use a material adverse change condition to defeat the object of Rule 2.7 and the 1974 Panel Statements.” Dans sa décision de 1974, le Panel avait également considéré que “a change in economic circumstances and industrial conditions, or even in legislative policy, which may suggest that a proposed acquisition will not be as advantageous for the offeror company as was hoped when the intention to offer was first announced, is one of the hazards which has to be accepted in a takeover situation. (…). A change in economic, industrial or political circumstances will not normally justify the withdrawal of an announced offer. To justify unilateral withdrawal, the Panel would normally require some circumstance of an entirely exceptional nature and amounting to something of the kind which would frustrate a legal contract.” (cité par S. Kenton-Slade, o.c., note 51, pp. 635-636). |
[143] | “The effect of the circumstances in point must be sufficiently adverse to meet the high test of materiality described in paragraph 16 above and judged, at least in the present type of case, not in terms of short term profitability but on their effect on the longer term prospects of the offeree company. Indeed, as WPP made it clear it was the longer term prospects of Tempus which had provided the strategic rationale for the offer and this seemed to the Panel to be central to the value which WPP placed on Tempus at that time.” |
[144] | “… the offeror demonstrating that the relevant circumstances are of very considerable significance striking at the heart of the purpose of the transaction”. (Practice Statement No. 5 du 28 avril 2004 du Takeover Panel, amendé le 30 mars 2009, disponible sur www.thetakeoverpanel.org.uk ). |
[145] | Sur la doctrine de la frustration, voy. supra, note 12. |
[146] | NGM Resources Limited [2010] ATPM, disponible sur www.takeovers.gov.au . |
[147] | De manière similaire au droit belge, la Section 629 du Corporations Act 2001 australien interdit et rend nulles les conditions dont la réalisation dépend de l'opinion de l'offrant ou de la survenance de circonstances qui sont sous le contrôle exclusif de l'offrant. |
[148] | La question de la clause de force majeure, également examinée par la décision, n'est pas traitée ici. Il est intéressant toutefois de noter qu'elle a également été reconnue valable sur la base d'une condition implicite de 'matérialité'. |
[149] | Nous renvoyons pour le détail des faits et des textes concernés à l'arrêt du Hoge Raad et aux conclusions de l'avocat général, disponibles sur http://zoeken.rechtspraak.nl . La demande de Phoenix fut rejetée en première instance et en appel. Son recours en cassation devant le Hoge Raad fut de même rejeté, notamment pour des motifs liés à la technique de cassation. Sur cette décision, voy. également M.R. Van Schoten, “Material adverse change/material adverse events”, o.c., pp. 10-11. |
[150] | “Earnings Before Interest, Tax, Depreciation and Amortisation”, donc bénéfice avant déduction des intérêts, des impôts, des déductions de valeur et des amortissements. |
[151] | Paris (3ème ch.) 24 mai 2005, RP 04/00865 (Global Industries / Vince - Stolt Offshore). |