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La loi du 26 mars 2010 sur les services, R.D.C.-T.B.H., 2010/8, p. 745-768

La loi du 26 mars 2010 sur les services

Emmanuel Pieters [1]

TABLE DES MATIERES

Introduction

I. La 'directive services' A. Rétroactes

B. Les lignes de force de la 'directive services'

II. La transposition de la 'directive services' en Belgique: vue d'ensemble A. Le passage en revue des législations et réglementations 1. Les régimes d'autorisation

2. Les exigences à évaluer

3. Les restrictions à la libre circulation des services

4. Les restrictions aux activités pluridisciplinaires

5. Conséquences sur la transposition en Belgique

B. La création de guichets uniques

C. L'adoption d'une loi générale sur les services 1. Notion

2. Les principes généraux

3. Les règles de procédure supplétives

4. Les règles matérielles généralement applicables

5. Les mécanismes de coopération administrative

6. Les règles relatives à la surveillance du marché, aux sanctions et aux recours

III. Examen du contenu de la loi du 26 mars 2010 sur les services A. Le champ d'application 1. Un champ d'application byzantin

2. La notion de services au sens de la loi du 26 mars 2010 sur les services

3. Le prestataire de services

4. Les destinataires de services

5. Les exceptions a. Les douze services exclus

b. Les trois domaines préservés

c. L'articulation avec les lois 'verticales' transposant des directives européennes

B. La liberté d'établissement 1. Le principe de non-autorisation préalable

2. Les règles applicables aux régimes d'autorisation a. Sept critères de décision

b. Accessibilité et proportionnalité

c. La non-répétition des exigences et contrôles

d. Absence de limitation territoriale

e. Accusé de réception

f. Délai de prise de décision

g. Durée illimitée

h. Hypothèse des autorisations en nombre limité

3. Les exigences interdites

C. La liberté de prestation de services

D. La qualité des services, l'information et la transparence

E. Les exigences interdites pour les destinataires

IV. Conclusions

RESUME
La directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur en droit belge devait être transposée pour le 28 décembre 2009.
En Belgique, cette transposition a été en partie réalisée par l'adoption de la loi du 26 mars 2010 relative aux services.
Il s'agit d'une loi qualifiée d' 'horizontale' ou de 'transversale' qui contient l'essentiel des principes généraux inscrits dans la 'directive services'.
Le présent article examine le contenu de cette loi (les définitions, le champ d'application, les règles relatives à l'établissement en Belgique des prestataires de services, les règles relatives à la libre prestation de services, les règles relatives à la qualité des services, aux droits des destinataires de services, etc.) et évalue les difficultés posées par la méthode utilisée par le législateur. Au départ de cette évaluation, quelques suggestions sont faites en vue d'apporter quelques solutions aux principales difficultés qui ont été soulevées.
SAMENVATTING
Richtlijn 2006/123/EG van het Europees Parlement en de Raad van 12 december 2006 betreffende diensten op de interne markt diende vóór 28 december 2009 omgezet te zijn.
In België werd deze omzetting deels gerealiseerd door de goedkeuring van de dienstenwet van 26 maart 2010.
Het betreft hier een zogenaamde 'horizontale' of 'transversale' wet die de essentiële algemene principes bevat uit de 'dienstenrichtlijn'.
Het huidige artikel onderzoekt de inhoud van deze wet (de bepalingen, het toepassingsgebied, de regels betreffende de vestiging van de dienstverleners in België, de regels betreffende de vrijheid van dienstverrichting, de regels betreffende de kwaliteit van de diensten, de rechten van de afnemers van diensten, enz.) en evalueert de moeilijkheden die zich stelden omwille van de door de wetgever gebruikte werkwijze. Vanuit deze evaluatie worden enkele oplossingen gesuggereerd voor de voornaamste moeilijkheden die vastgesteld worden.
Introduction

1.La loi du 26 mars 2010 sur les services [2] a été adoptée dans une discrétion inversement proportionnelle au retentissement qui a entouré les négociations de ce qui allait devenir la directive 2006/123/CE relative aux services dans le marché intérieur (ci-après la 'directive services') baptisée directive 'Bolkenstein' par ses détracteurs, dont elle est pourtant la transposition en droit belge.

Il s'agit toutefois d'un événement juridique qui est loin d'être anodin. Pour la première fois, le droit belge se dote d'une loi générale sur les services. Jusqu'ici, plusieurs textes s'appliquaient, soit à des services bien circonscrits tels que la loi du 11 mars 2003 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l'information ou la loi du 10 décembre 2009 relative aux services de paiement, soit à des aspects spécifiques tels que la loi du 9 février 1994 relative à la sécurité des produits et des services. Enfin, les législations ayant une vocation générale traitent souvent indifféremment des services et des marchandises, ne s'attachant aux différences que lorsque cela s'avère indispensable (on pense par exemple à la loi du 14 juillet 1991 sur les pratiques du commerce et sur l'information et à la protection du consommateur devenue entretemps la loi du 6 avril 2010 sur les pratiques du marché et la protection du consommateur).

Désormais, comme nous le verrons en détail, les prestations de services sont soumises à un cadre juridique de base qui constitue en outre la toile de fond de toutes les législations et réglementations particulières ou sectorielles.

I. La 'directive services'

2.Cette directive a été abondamment commentée par une éminente doctrine [3] et nous n'y reviendrons que très brièvement, dans le but surtout de mettre la loi qui fait l'objet de notre étude en perspective.

A. Rétroactes

3.Le Conseil européen de Lisbonne de mars 2000 avait identifié la réalisation d'un véritable marché intérieur des services comme l'un des moyens d'accroître la compétitivité de l'économie européenne [4].

Neuf mois plus tard, la Commission définissait “une stratégie pour le marché intérieur des services” [5].

En juillet 2002, la Commission présentait un rapport sur l'état du marché intérieur des services [6], analysant les nombreux obstacles entravant la libre circulation des services. Selon la Commission, “dix ans après ce qui aurait dû être l'achèvement du marché intérieur, force est de constater qu'il y a encore un grand décalage entre la vision d'une Europe économique intégrée et la réalité dont les citoyens européens et les prestataires de services font l'expérience” [7].

4.Afin de supprimer ces obstacles à la liberté d'établissement et à la libre prestation de services, la Commission a établi une proposition de directive relative aux services dans le marché intérieur, rendue publique le 13 janvier 2004 [8].

Cette proposition de directive se voulait un instrument-cadre, n'ayant pas pour objet de fixer des règles détaillées ou d'harmoniser la totalité des législations nationales et toutes les questions spécifiques à chaque secteur mais de définir des principes de base pour lever les principaux obstacles à la liberté d'établissement et à la libre circulation des services. L'idée centrale était d'inscrire dans un texte unique, de manière transversale, un ensemble de principes applicables aux services non spécifiquement régis par des directives particulières.

5.Rarement une proposition de directive fut autant controversée, en particulier son champ d'application combiné avec l'application du principe du pays d'origine à de nombreux domaines sensibles sans coordination préalable des réglementations nationales. La peur d'un effritement du modèle social européen et de la protection des bénéficiaires des services fut au centre du débat [9].

Suite à l'opposition suscitée par la proposition, relayée en son sein, le Parlement européen a finalement adopté un texte, fortement amendé [10], le 16 février 2006, plus de deux ans après la parution de la proposition de la Commission. Les amendements les plus significatifs portent sur le champ d'application de la directive et le principe du pays d'origine.

6.Par conséquent, la Commission a présenté une proposition modifiée, le 4 avril 2006, intégrant les amendements proposés par le Parlement européen en première lecture qu'elle estimait acceptables, ainsi que des clarifications découlant des débats du Conseil [11].

Suivant la procédure de codécision, la proposition a été examinée ensuite au Conseil qui a préparé une position commune le 17 juillet 2006, adoptée le 24 juillet à l'unanimité moins deux abstentions, dont celle de la Belgique, après que le Conseil de l'Union européenne eut arrêté, le 31 mai 2006, un accord politique [12].

Le Parlement s'est prononcé en deuxième lecture le 15 novembre 2006, sans modification substantielle de la position commune.

7.Finalement, le 12 décembre 2006, la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil relative aux services dans le marché intérieur [13] était adoptée par le Conseil. Celle-ci est entrée en vigueur le 28 décembre 2006.

B. Les lignes de force de la 'directive services'

8.La lecture des travaux préparatoires de la directive fait apparaître que celle-ci se donne pour but d'atteindre quatre objectifs généraux:

    • favoriser la croissance économique et l'emploi dans l'Union européenne;
    • réaliser un véritable marché intérieur des services par l'élimination des obstacles juridiques et administratifs au développement des activités de service;
    • renforcer les droits des utilisateurs des services;
    • établir la confiance mutuelle nécessaire entre les Etats membres pour une coopération administrative effective par des obligations juridiquement contraignantes, par l'élaboration de codes de conduite ou encore par le développement de mesures d'encouragement sur la qualité des services [14].

    9.La 'directive services' a pour objectif principal le développement du marché intérieur des services. A cette fin, elle comporte des dispositions qui visent, d'une part, à simplifier les procédures administratives, et d'autre part, à supprimer les obstacles aux activités de service. Elle est largement fondée sur la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes en la matière, qu'elle codifie.

    10.L'article 1er de la 'directive services' dispose que celle-ci établit les dispositions générales permettant de faciliter l'exercice de la liberté d'établissement des prestataires ainsi que la libre circulation des services, tout en garantissant un niveau de qualité élevé pour les services. Il s'agit dès lors de mettre en oeuvre les articles 43 et 49 du traité CE (art. 49 à 56 TFUE) qui concernent, respectivement, la liberté d'établissement et le droit à la prestation de services à l'intérieur de la Communauté.

    Cet article 1er qui définit l'objet de la directive énonce ensuite ce dont la directive ne traite pas ou ce à quoi elle ne porte pas atteinte.

    Ainsi, elle ne traite pas de la libéralisation des services d'intérêt économique général, réservés à des organismes publics ou privés, ni de la privatisation d'organismes publics prestataires de services. Elle ne traite pas non plus de l'abolition des monopoles fournissant des services, ni des aides d'Etat. Elle ne traite pas non plus des mesures de protection ou de promotion de la diversité culturelle ou linguistique, ou du pluralisme des médias. Enfin, elle n'affecte pas l'exercice des droits fondamentaux.

    En outre, les dispositions de la 'directive services' ne s'appliquent pas à plusieurs domaines relevant de matières explicitement mentionnées: le droit pénal, le droit du travail et la législation en matière de sécurité sociale, l'exercice des droits fondamentaux.

    Le champ d'application de la directive est très large. Selon son article 2, elle s'applique en effet aux services fournis par les prestataires ayant leur établissement dans un Etat membre, l'article 4 définissant la notion de 'service' comme toute activité économique non salariée, exercée normalement contre rémunération, visée à l'article 50 du traité CE (art. 57 TFUE).

    11.Toutefois, l'article 2 de la directive exclut explicitement douze types de services de son champ d'application:

      • les services d'intérêt général non économiques;
      • les services financiers;
      • les services et réseaux de communications électroniques ainsi que les ressources et services associés pour ce qui concerne les matières régies par cinq directives relevant du 'paquet télécoms';
      • les services dans le domaine des transports, y compris les services portuaires;
      • les services des agences de travail intérimaire;
      • les services de soins de santé;
      • les services audiovisuels, y compris les services cinématographiques et la radiodiffusion;
      • les activités de jeux d'argent;
      • les activités participant à l'exercice de l'autorité publique;
      • les services sociaux relatifs au logement social, à l'aide à l'enfance et à l'aide aux familles et aux personnes se trouvant de manière permanente ou temporaire dans une situation de besoins;
      • les services de sécurité privée;
      • les services fournis par les notaires et les huissiers de justice, nommés par les pouvoirs publics.

      Enfin, le paragraphe 3 de l'article 2 dispose que“la présente directive ne s'applique pas en matière fiscale”. Cela inclut les règles matérielles de droit fiscal ainsi que les exigences administratives nécessaires à l'application de la législation fiscale, telles que l'attribution des numéros de TVA. Le considérant (29) de la directive vient en outre préciser que cette exclusion résulte “du fait que le traité prévoit des bases juridiques spécifiques en matière de fiscalité et (compte tenu) des instruments déjà adoptés dans ce domaine”.

      12.En principe, la 'directive services' s'applique en complément des directives sectorielles en vigueur. Son article 3 vise à régler les éventuels conflits entre ses dispositions et celles d'une autre directive voire d'un règlement européen: “Si les dispositions de la présente directive sont en conflit avec une disposition d'un autre acte communautaire régissant des aspects spécifiques de l'accès à une activité de services ou à son exercice dans des secteurs spécifiques ou pour des professions spécifiques, la disposition de l'autre acte communautaire prévaut et s'applique à ces secteurs ou professions spécifiques”. La directive affirme ainsi la primauté des textes communautaires sectoriels.

      13.Après ces dispositions générales (chapitre Ier), la 'directive services' comprend des dispositions relatives à:

        • la simplification administrative (chapitre II - art. 5 à 8);
        • la liberté d'établissement des prestataires (chapitre III - art. 9 à 15);
        • la libre circulation des services (chapitre IV - art. 16 à 21);
        • la qualité des services (chapitre V - art. 22 à 27);
        • la coopération administrative (chapitre VI - art. 28 à 36);
        • le programme de convergence (chapitre VII - art. 37 à 43).

        On soulignera brièvement les principaux points de ce texte.

        14.L'article 5 de la directive pose le principe général de la simplification des procédures administratives: “Les Etats membres examinent les procédures et formalités applicables à l'accès à une activité de service et à son exercice. Lorsque les procédures et formalités examinées en vertu du présent paragraphe ne sont pas suffisamment simples, les Etats membres les simplifient.”

        15.Selon l'article 6 de la directive, les Etats membres veillent à ce que les prestataires puissent accomplir, par l'intermédiaire de guichets uniques, les procédures et formalités nécessaires à l'accès et à l'exercice de leurs activités de service. La mise en place de ces guichets uniques constitue une obligation de résultat imposée par la directive aux Etats membres.

        Par ailleurs, l'ensemble des procédures et formalités relatives à l'accès à une activité de service et à son exercice doivent pouvoir être effectuées facilement, à distance et par voie électronique, par l'intermédiaire du guichet unique.

        16.S'agissant de la liberté d'établissement des prestataires, les Etats membres doivent passer en revue leurs régimes d'autorisation existants et les rendre conformes aux dispositions des articles 9 à 13 de la directive. Concrètement, les Etats membres doivent identifier et recenser chaque régime d'autorisation et évaluer ceux qui peuvent être maintenus, ceux qui doivent être modifiés et ceux qui doivent être supprimés. Le principe est que tout régime d'autorisation constitue désormais l'exception. Les régimes d'autorisation ne peuvent être maintenus que s'ils ne sont pas discriminatoires, s'ils sont justifiés par une raison impérieuse d'intérêt général et s'ils sont proportionnés. Les conditions d'octroi d'une autorisation ne peuvent pas faire double emploi avec les exigences et les contrôles équivalents ou essentiellement comparables en raison de leur finalité, auxquels est déjà soumis le prestataire dans un autre Etat membre ou dans le même Etat membre. En principe, l'autorisation octroyée ne doit pas avoir une durée limitée.

        L'article 14 de la directive dresse une liste des huit exigences que les Etats membres ne peuvent pas imposer à l'accès à une activité de service ou à son exercice (p. ex., conditions de nationalité ou de réciprocité ou encore tests économiques,...). Si de telles exigences existent dans les législations nationales, elles doivent être supprimées. Quant à l'article 15, il établit une liste d'exigences à évaluer, sans suppression automatique et immédiate (p. ex., numerus clausus, détention du capital d'une société, nombre minimum de salariés, tarifs obligatoires, ...). Le résultat de l'évaluation conditionnera le sort de ces exigences: elles seront soit supprimées, soit maintenues si elles remplissent les conditions visées au paragraphe 3 de l'article 15, soit rendues compatibles avec la 'directive services'.

        17.En matière de libre circulation des services, le principe du pays d'origine a été amendé. La directive parle désormais de la 'libre prestation de services' dans un chapitre IV dont l'article 16 constitue le noyau: “Les Etats membres respectent le droit des prestataires de fournir des services dans un Etat membre autre que celui dans lequel ils sont établis. L'Etat membre dans lequel le service est fourni, garantit le libre accès à l'activité de service ainsi que son libre exercice sur son territoire.”

        Ce principe connaît des dérogations de plusieurs types:

          • des dérogations générales: l'application d'exigences nationales ne peut se justifier que si elle est nécessaire à la protection de l'ordre public, de la sécurité publique, de la santé publique ou de l'environnement;
          • quinze dérogations spécifiques (art. 17), parmi lesquelles on trouve les services d'intérêt économique général, le détachement des travailleurs, la prestation de services par les avocats, le recouvrement judiciaire des dettes, la coordination des régimes de sécurité sociale, les transferts de déchets, les droits d'auteur, ...;
          • des dérogations individuelles (art. 18):“uniquement dans des circonstances exceptionnelles”, un Etat membre peut prendre à l'encontre d'un prestataire ayant son établissement dans un autre Etat membre, des mesures relatives à la sécurité des services.

          18.Les destinataires de services disposent également de droits. Ils ne peuvent se voir opposer des restrictions ni des mesures discriminatoires, et ont le droit d'obtenir un certain nombre d'informations.

          19.La directive comprend également des dispositions (art. 22 à 27 et art. 37) visant à encourager une haute qualité des services et à développer l'information et la transparence relative aux prestataires et à leurs services. Les Etats membres pourront notamment instaurer des mesures volontaires d'amélioration de la qualité telles que des labels, des campagnes de sensibilisation, la diffusion de bonnes pratiques. Le traitement des plaintes devrait être amélioré. Enfin, des codes de conduite au niveau communautaire seront élaborés afin de favoriser la convergence des règles professionnelles au niveau européen, pour les agents immobiliers par exemple. Ces mesures visent à améliorer la confiance des destinataires dans les services offerts par les prestataires d'autres Etats membres.

          20.En matière de coopération administrative, l'article 28 de la directive prévoit que les Etats membres se prêtent mutuellement assistance et prennent des mesures pour coopérer efficacement entre eux afin d'assurer le contrôle des prestataires et de leurs services. Du reste, ils fournissent, dans les plus brefs délais et par voie électronique, les informations demandées par d'autres Etats membres ou par la Commission. L'état d'établissement détient un pouvoir de contrôle, alors que celui dans lequel le prestataire se déplace a plutôt un droit de vérification. L'article 32 de la directive instaure un mécanisme d'alerte en vertu duquel les Etats membres doivent se transmettre les informations en cas de“faits graves et précis en rapport avec une activité de service et susceptibles de causer un préjudice grave à la santé ou à la sécurité des personnes ou à l'environnement”. L'article 34 dispose que“la Commission met en place, en coopération avec les Etats membres, un système électronique d'échange d'informations entre Etats membres, en tenant compte des systèmes d'information existants”.

          21.Enfin, la directive comporte des dispositions relatives à un programme de convergence, en particulier à l'évaluation mutuelle. L'article 39 prévoit que, le 28 décembre 2009 au plus tard, soit à la date limite de transposition, les Etats membres présentent un rapport à la Commission qui contient les informations relatives à plusieurs dispositions de la directive, en particulier les régimes d'autorisation et les exigences soumises à évaluation. Ces rapports sont transmis aux Etats membres qui, dans un délai de six mois, communiquent leurs observations sur chacun des rapports. De façon concomitante, la Commission consulte les parties intéressées sur ces rapports. Un an plus tard, elle présente au Parlement européen et au Conseil un rapport de synthèse. Le 28 décembre 2011, et par la suite tous les trois ans, la Commission présente un rapport complet sur l'application de la 'directive services', accompagné, le cas échéant, de propositions de modifications et de mesures supplémentaires concernant les questions exclues du champ d'application de la directive.

          22.La 'directive services' contient donc de nombreuses dispositions de nature fort différentes.

          Les unes ne requièrent aucune adaptation du droit national mais l'adoption de mesures organisationnelles (lire l'art. 7 p. ex.).

          D'autres imposent un 'passage en revue' des régimes d'autorisation en vue de les mettre en conformité avec les principes inscrits dans la directive.

          Certaines par contre, qui sont épinglées dans le Manuel relatif à la mise en oeuvre de la 'directive services', requièrent l'adoption de mesures de transposition appelées 'horizontale' ou 'cadre'.

          II. La transposition de la 'directive services' en Belgique: vue d'ensemble

          23.Ce rapide survol des grandes lignes de cette directive permet de comprendre qu'à l'inverse de nombreuses autres directives, cette dernière ne peut pas être transposée dans un seul acte juridique qui en intègre le dispositif en droit interne.

          Sont examinées dans les lignes qui suivent les particularités propres à l'exercice de transposition de cette directive hors du commun et la façon dont il en a été tenu compte en Belgique.

          A. Le passage en revue des législations et réglementations

          24.Elle requiert premièrement un passage en revue des législations et réglementations qui doivent être évaluées à l'aune des critères de la 'directive services'.

          1. Les régimes d'autorisation

          25.Les régimes d'autorisation imposés aux prestataires de services doivent être examinés sur base de l'article 9 de la directive et ne peuvent être maintenus que si trois conditions sont réunies:

            • ne pas être discriminatoires à l'égard du prestataire;
            • être justifiés par une raison impérieuse d'intérêt général;
            • ne pas pouvoir atteindre l'objectif poursuivi par une mesure moins contraignante, notamment parce qu'un contrôle a posteriori interviendrait trop tardivement pour avoir une efficacité réelle.

            Cet article 9 figure au chapitre III de la 'directive services' consacré à la liberté d'établissement. Le maintien d'un régime d'autorisation préalable n'est donc envisageable que dans ce cadre. A l'inverse, en ce qui concerne la libre prestation de services, l'article 16, § 2, b), dispose que les Etats membres ne peuvent pas restreindre la libre prestation de services par un prestataire établi dans un autre Etat membre en lui imposant l'obligation d'obtenir une autorisation de leur autorité compétente.

            2. Les exigences à évaluer

            26.L'article 15 de la 'directive services' impose également aux Etats membres d'examiner:

              • d'une part, si leur système juridique subordonne l'exercice d'une activité de services à toute une série d'exigences (obligation d'être constitué sous une forme juridique particulière, règles relatives à la détention du capital d'une société, limites quantitatives ou territoriales, interdiction de disposer de plus d'un établissement sur le territoire d'un même état, exigences réservant l'accès à l'activité de service concernée à des prestataires particuliers en raison de la nature spécifique de l'activité en dehors des exigences de qualification professionnelle, obligation de disposer d'un nombre minimum de salariés, tarifs obligatoires, obligation de fournir des services conjoints);
              • d'autre part, si ces exigences sont non discriminatoires, justifiées par une raison impérieuse d'intérêt général et proportionnées au regard de l'objectif poursuivi.
              3. Les restrictions à la libre circulation des services

              27.Les Etats membres ont l'obligation de respecter le droit des prestataires de services de fournir des services dans un Etat membre autre que celui dans lequel ils sont établis. Les Etats membres dans lesquels les services sont fournis garantissent le libre accès aux activités de service ainsi que leur libre exercice sur leur territoire. Concrètement, l'article 16 de la 'directive services' interdit de subordonner l'accès à une activité de service ou son exercice sur leur territoire par des prestataires qui se déplacent pour fournir une prestation de service sur le territoire d'un Etat membre sur lequel ils ne sont pas établis à des exigences qui ne satisfont pas aux trois conditions suivantes:

                • être non discriminatoire en raison de la nationalité ou du lieu d'établissement;
                • être justifiées par des raisons d'ordre public, de sécurité publique, de santé publique ou de protection de l'environnement [15];
                • être proportionnelles, c'est-à-dire être propres à garantir la réalisation de l'objectif poursuivi et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif.

                L'article 16 de cette directive impose donc lui aussi de confronter le droit interne aux principes qu'il contient afin de corriger les régimes d'autorisation ou les exigences imposées aux prestataires qui ne seraient pas conformes.

                4. Les restrictions aux activités pluridisciplinaires

                28.L'article 25 de la 'directive services' impose aux Etats membres de ne pas soumettre les prestataires de services à des exigences qui les obligent à exercer exclusivement une activité spécifique ou qui limitent l'exercice conjoint ou en partenariat d'activités différentes.

                Des exceptions sont prévues pour:

                  • les professions réglementées lorsqu'il s'agit de garantir le respect de règles de déontologie différentes en raison de la spécificité de chaque profession et de garantir l'indépendance et l'impartialité de ces professions;
                  • les prestataires qui fournissent des services de certification, d'accréditation, de contrôle technique, de tests ou d'essais dans la mesure où ces exigences sont justifiées pour garantir leur indépendance et leur impartialité.
                  5. Conséquences sur la transposition en Belgique

                  29.A l'inverse d'une directive d'harmonisation 'verticale', cette directive dite 'horizontale' ou 'transversale' requiert la modification de nombreuses législations et de nombreux règlements non seulement par l'autorité fédérale mais plus encore par les régions voire même par les communautés qui ont adopté un grand nombre de décrets et d'arrêtés d'exécution encadrant l'exercice d'activités de services sur leur territoire.

                  C'est ainsi que l'on voit apparaître au Moniteur belge depuis quelques mois de nombreux textes adaptant ou abrogeant des lois, des arrêtés royaux ou ministériels et portant transposition partielle de la directive 'services'.

                  On citera par exemple la loi du 22 décembre 2009 adaptant certaines législations à la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil relative aux services dans le marché intérieur qui tente de mettre en conformité la loi du 13 août 2004 relative à l'autorisation d'implantations commerciales, la loi du 9 mars 1993 tendant à réglementer et à contrôler les activités des entreprises de courtage matrimonial, la loi du 11 avril 1999 relative aux contrats portant sur l'acquisition d'un droit d'utilisation d'immeubles à temps partagé, la loi du 23 décembre 1969 portant assainissement de la meunerie industrielle, la loi du 25 juin 1993 sur l'exercice et l'organisation des activités ambulantes et foraines, la loi du 10 novembre 2006 relative aux heures d'ouverture dans le commerce, l'artisanat et les services, la loi du 26 juin 1963 créant un Ordre des architectes, la loi du 8 novembre 1993 protégeant le titre de psychologue, la loi du 11 mai 2003 protégeant le titre et la profession de géomètre-expert.

                  On citera encore pour la Région wallonne le décret modifiant diverses législations en vue de transposer la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur qui adapte le décret du 27 mai 2004 relatif aux Agences-Conseil en économie sociale, le décret du 14 décembre 2006 relatif à l'agrément et au subventionnement des “Initiatives de développement de l'emploi dans le secteur des services de proximité à finalité sociale”, le décret du 15 juillet 2008 relatif au soutien à la création d'activités au travers des bourses de préactivité et au soutien à l'innovation des entreprises au moyen de bourses innovation et le décret du 11 mars 2004 relatif aux incitants régionaux en faveur des petites ou moyennes entreprises.

                  Des textes comparables fleurissent aussi dans les autres régions ou communautés. Certains sont encore en préparation.

                  30.L'examen de ces adaptations ne fait pas l'objet de notre étude. Notons toutefois que certaines adaptations appellent les plus vives réserves. Il semble acquis que la transposition belge se caractérise par une relative frilosité et qu'il s'agit manifestement d'une occasion manquée de toiletter de manière beaucoup plus ambitieuse notre arsenal législatif. Nous aurons l'occasion d'y revenir en conclusion.

                  B. La création de guichets uniques

                  31.Conformément aux dispositions de l'article 6, les Etats membres sont tenus de veiller à ce que les prestataires puissent accomplir toutes les procédures et formalités nécessaires à l'accès et à l'exercice de leurs activités de services par l'intermédiaire de 'guichets uniques'. C'est l'une des obligations de résultat qu'impose la 'directive services'.

                  32.Les 'guichets uniques' ont pour but de servir d'interlocuteurs institutionnels uniques au prestataire, de sorte qu'il n'ait pas à contacter plusieurs instances ou autorités compétentes pour rassembler toutes les informations pertinentes et accomplir toutes les démarches nécessaires relatives à ses activités de service. Les Etats membres doivent créer des 'guichets uniques' accessibles à tous les prestataires, qu'ils soient établis sur leur territoire ou sur le territoire d'un autre Etat membre. Cette obligation ne s'applique qu'aux secteurs de services couverts par la directive, mais les Etats membres peuvent étendre les activités des 'guichets uniques' à tout ou partie des secteurs exclus de la directive. La même logique s'applique à certaines matières exclues de la directive. Par exemple, les Etats membres pourraient envisager d'offrir aux prestataires la possibilité d'accomplir certaines exigences fiscales, comme l'attribution d'un numéro de TVA, par l'intermédiaire des 'guichets uniques'.

                  La plupart des Etats membres s'efforcent depuis plusieurs années d'instaurer des guichets uniques pour les entreprises et l'obligation énoncée par la 'directive services' va dans le sens des objectifs d'autres initiatives communautaires, comme l'engagement pris par le Conseil européen d'instaurer des guichets uniques pour la création d'entreprises avant la fin de 2007. L'obligation juridique imposée par la 'directive services' est néanmoins plus large et englobe tous les types de procédures (pas uniquement celles liées à des créations d'entreprises), elle vise aussi les destinataires de services (à des fins d'information). La mise en oeuvre de l'objectif fixé par le Conseil européen contribuera à l'établissement des 'guichets uniques' au sens de la 'directive services'. Les Etats membres ne doivent pas créer deux réseaux séparés et peuvent s'appuyer sur les initiatives existantes pour se conformer à l'obligation imposée par la 'directive services'.

                  Chaque Etat membre est libre de décider comment il organise les 'guichets uniques' sur son territoire, mais il doit veiller à ce qu'ils soient accessibles à tous les prestataires couverts par la directive afin qu'ils puissent y effectuer toutes les procédures et formalités ayant trait aux services et aux matières relevant du champ d'application de la directive.

                  Par ailleurs, on soulignera que la notion de 'guichets uniques' ne signifie pas que les Etats membres doivent établir un seul organe centralisé sur leur territoire. Les Etats membres peuvent décider d'établir plusieurs 'guichets uniques' sur leur territoire. Toutefois, le 'guichet unique' doit être 'unique' du point de vue du prestataire (en d'autres termes, le prestataire doit pouvoir accomplir toutes les démarches en s'adressant à un seul point de contact).

                  33.En Belgique, cette transposition des articles 6, 7 et 8 de la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur s'est effectuée par la loi du 7 décembre 2009 modifiant la loi du 16 janvier 2003 portant création d'une Banque-Carrefour des Entreprises, modernisation du registre de commerce, création de guichets-entreprises agréés et portant diverses dispositions.

                  Pour l'essentiel, les missions des guichets d'entreprises sont élargies et précisées à la lumière de la directive et les conditions d'agrément des guichets d'entreprises sont adaptées.

                  C. L'adoption d'une loi générale sur les services
                  1. Notion

                  34.Il s'agit de la plus grande innovation issue du processus de transposition de la 'directive services'.

                  Comme nous l'avons vu, celle-ci impose aux Etats membres de passer en revue le cadre normatif à l'intérieur duquel s'exercent les activités de service afin d'abroger les dispositions contraires, de corriger les textes non conformes ou de maintenir au prix d'une justification adéquate les réglementations susceptibles d'être jugées compatibles.

                  Cette démarche 'négative' n'est pas suffisante. Si elle permet de gommer les aspérités de notre droit au regard du contenu de cette directive, elle ne permet pas d'y intégrer de manière 'positive', cette fois, un certain nombre de principes qui y sont inscrits.

                  35.L'adoption d'une loi 'transversale' ou 'horizontale' était vivement recommandée par la Commission européenne dans son Manuel relatif à la mise en oeuvre de la 'directive services' [16]. Il a été utilisé à des degrés divers par l'immense majorité des Etats membres à l'exception notable de la France et de l'Allemagne.

                  Si le législateur belge a innové en adoptant pour la première fois une loi générale sur les services, il n'en a pas pour autant utilisé une technique législative totalement neuve. Des précédents remarquables peuvent être identifiés.

                  On pense ainsi à la loi du 30 octobre 1998 relative à l'euro [17] qui opérait en deux dispositions la conversion automatique en euros de tous les montants libellés en francs belges sans avoir à modifier un par un chaque texte législatif ou réglementaire.

                  Les exemples les plus comparables se rencontrent dans une actualité législative encore plus récente. On pense en particulier à la loi du 11 mars 2003 sur certains aspects juridiques des services de la société de l'information [18] ou à la loi du 12 février 2008 instaurant un nouveau cadre général pour la reconnaissance des qualifications professionnelles CE.

                  Par ailleurs, concernant les règles relatives aux procédures d'autorisation applicables aux prestataires de services, des traits communs peuvent être trouvés avec la technique utilisée par la loi du 29 juillet 1991 relative à la motivation formelle des actes administratifs.

                  36.Il faut être particulièrement attentif au fait que se cachent, derrière ce concept flou de loi 'horizontale', des réalités juridiques fort différentes, que l'on rencontre à l'intérieur même de la loi du 26 mars 2010 sur les services et que nous allons tenter de synthétiser dans les lignes qui suivent avant de passer à l'examen des différents chapitres de la loi. Cette classification n'est pas purement théorique dès lors que l'on peut attacher des conséquences juridiques différentes et propres à chacune d'entre elles.

                  2. Les principes généraux

                  37.Les premiers commentateurs ont fait observer à juste titre que la 'directive services' revient essentiellement à consolider l'interprétation du droit primaire par la Cour de justice dans un acte de droit dérivé [19]. Plusieurs articles codifient le contenu d'arrêts rendus par la Cour de justice dans des cas particuliers tout en leur conférant une portée plus large [20]. En outre, elle est volontairement conçue comme un instrument-cadre qui n'impose pas des règles détaillées mais un ensemble de principes essentiels et d'interdictions générales, constituant une plateforme de dispositions communes à toutes les activités de services (hormis les exceptions naturellement) à partir de laquelle pourront être édictées des normes additionnelles, portant sur des catégories de services spécifiques et définissant des règles plus détaillées [21].

                  Ces règles peuvent être vues comme des principes généraux applicables en la matière. Elles ont été érigées au rang de principes généraux de droit interne par la loi du 26 mars 2010 sur les services.

                  Le principe de liberté d'établissement inscrit à l'article 4 de la loi du 26 mars précitée, en vertu duquel l'accès à une activité de service n'est pas, sauf exception, soumis à une autorisation administrative préalable en est une illustration évidente.

                  Le principe de libre prestation de services inscrit à l'article 15 de cette même loi, en vertu duquel la prestation de services des prestataires établis dans un autre Etat membre de l'Union européenne n'est pas restreinte en Belgique en est un exemple majeur.

                  Le principe inscrit à l'article 23 de cette même loi, en vertu duquel les destinataires de services ne sont pas soumis à des exigences restreignant leur droit d'utiliser un service fourni par un prestataire ayant son établissement dans un autre Etat membre est un autre principe général institué cette fois au bénéfice des destinataires.

                  38.Si l'intention du législateur est louable nous verrons que la technique utilisée n'est pas exempte de critiques tant en ce qui concerne son manque de transparence et le peu de sécurité juridique qu'elle offre qu'en ce qui concerne l'expression parfois imparfaite de principes certes généreux mais traduit en droit interne de manière inaboutie.

                  3. Les règles de procédure supplétives

                  39.La 'directive services' contient un ensemble de règles dont la vocation est de constituer un schéma procédural général à appliquer aux procédures d'autorisation.

                  Cette directive fixe de nombreuses règles en la matière, telles que l'obligation pour l'autorité saisie d'une demande de délivrer au demandeur un accusé de réception comportant certaines mentions obligatoires.

                  On citera encore pêle-mêle, l'obligation pour l'autorité de statuer dans un délai raisonnable fixé et rendu public à l'avance, la règle d'autorisation tacite lorsqu'une décision n'intervient pas dans le délai imparti, l'obligation de motiver les décisions de refus ou de retrait d'autorisation, l'obligation d'offrir au demandeur un recours en cas de refus.

                  40.En schématisant, on peut observer trois situations différentes.

                  Dans le premier cas, idéal, le régime d'autorisation en vigueur en Belgique répond à l'ensemble de ces principes. Rien ne doit alors être fait.

                  Dans le deuxième cas, le régime d'autorisation contient des règles purement et simplement contraires à ces principes. Rappelons-nous par exemple qu'avant 2004, certaines décisions de refus d'octroi d'une autorisation d'implantation commerciale n'étaient pas susceptibles de recours. Imaginons par exemple une procédure d'autorisation prévoyant qu'à défaut de décision dans un délai déterminé l'autorisation est présumée être refusée. De telles règles doivent inévitablement être modifiées.

                  Le troisième cas sera le plus fréquent, à savoir l'hypothèse d'un régime d'autorisation ne contenant aucune règle contraire mais qui serait sur certains points lacunaire. Rares sont par exemple les textes qui organisent la délivrance obligatoire par l'autorité administrative saisie d'une demande (ou l'obligation de délivrer dans des formes imposées) d'un accusé de réception. Nombreux sont également les régimes d'autorisation n'imposant pas de délais à l'autorité pour statuer. Il existe quelques textes prévoyant que la sanction du non-respect de ce délai est la délivrance automatique de l'autorisation, mais la majorité d'entre eux n'en dit rien.

                  41.Le législateur fédéral a procédé de deux manières.

                  Premièrement, il a corrigé les régimes d'autorisation contenant des règles antinomiques (tel est par exemple le sens des modifications apportées à plusieurs lois par la loi du 22 décembre 2009 adaptant certaines législations à la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil relative aux services dans le marché intérieur).

                  Deuxièmement, il a créé un corps de règles supplétives venant combler le silence de presque la totalité des régimes d'autorisation en vigueur en Belgique, faisant ainsi l'économie de la modification explicite de plusieurs centaines de textes.

                  Dès lors, à l'instar de la loi du 29 juillet 1991 relative à la motivation formelle des actes administratifs ou de la loi du 11 avril 1994 relative à la publicité de l'administration, les textes créant des procédures d'autorisation applicables dans le secteur des services doivent être lus conjointement avec la loi du 26 mars 2010 sur les services.

                  42.Cette technique qui présente à première vue une certaine élégance, s'attire des reproches assez comparables à ceux formulés à l'encontre des principes généraux. Le champ d'application particulièrement alambiqué de la 'directive services' et à sa suite de la loi précitée du 26 mars 2010 rend l'exercice de superposition très compliqué et peu transparent.

                  De surcroît, ces dispositions laissent, elles-mêmes, la porte ouverte à leur non-applicabilité dans certaines hypothèses aux contours assez flous.

                  Pensons par exemple à l'article 11, dernier alinéa, de cette loi qui dispose que“sans préjudice des régimes légaux ou réglementaires particuliers justifiés par une raison impérieuse d'intérêt général, en l'absence de réponse dans le délai prévu par la loi ou le règlement, l'autorisation est considérée comme octroyée”. Comment savoir, a priori, qu'un régime particulier déroge à cette règle en raison de l'existence d'une raison impérieuse d'intérêt général?

                  L'énoncé de cette règle apparaît à tout le moins difficilement conciliable avec l'exigence de sécurité juridique. Nous y reviendrons.

                  4. Les règles matérielles généralement applicables

                  43.La loi du 26 mars 2010 sur les services contient en son chapitre 4 consacré à la qualité des services, à l'information et à la transparence une série de règles assez classiques ayant pour objet de mettre à charge des prestataires de services un ensemble d'obligations.

                  Ces règles concernent tant la personne du prestataire que ses services. Celui-ci doit fournir d'office ou en tout cas rendre facilement accessible à ses clients un ensemble d'informations.

                  On citera, son nom, sa dénomination sociale, sa forme juridique, ses coordonnées, y compris son adresse éventuelle de courrier électronique, permettant d'entrer en contact rapidement et de communiquer directement et efficacement avec lui, le numéro d'entreprise de la Banque-Carrefour des Entreprises, dans le cas où l'activité est soumise à un régime d'autorisation, les coordonnées de l'autorité de surveillance compétente, en ce qui concerne les professions réglementées doivent être identifiées, l'association professionnelle ou l'organisation professionnelle auprès de laquelle le prestataire est inscrit, le titre professionnel et l'état dans lequel il a été octroyé, une référence aux règles professionnelles applicables et aux moyens d'y avoir accès. Doivent aussi être communiqués: les conditions générales et les clauses générales (dans le cas où le prestataire en utilise), l'existence (dans le cas où le prestataire en utilise) de clauses contractuelles concernant la législation applicable au contrat et/ou la juridiction compétente, l'existence de toute garantie contractuelle après-vente éventuelle non imposée par la loi, le prix du service (lorsque le prix est déterminé au préalable par le prestataire pour un type de service donné), les principales caractéristiques du service si elles ne ressortent pas déjà du contexte, etc.

                  44.Dans le contexte d'une autre directive, Etienne Montero [22] a bien résumé la façon dont l'intégration de telles règles en droit interne doit se comprendre. Conformément à la 'technique de la greffe' [23], les nouvelles règles adoptées viennent s'ajouter aux régimes juridiques existants, sans y déroger en aucune façon. L'on a affaire, en réalité, à différentes couches de règles ayant vocation à se superposer. Ainsi, un contrat conclu en ligne par un consommateur sera soumis à la fois aux dispositions générales figurant dans la loi du 6 avril 2010 sur les pratiques du marché et à la protection du consommateur (dès lors que le contrat est conclu entre une 'entreprise' et un consommateur), aux dispositions particulières de sa section sur les contrats à distance (dès lors que l''entreprise' utilise exclusivement une ou plusieurs techniques de communication à distance), aux dispositions de la loi du 11 mars 2003 sur certains aspects juridiques des services de la société de l'information (dans la mesure où le contrat est conclu sur les réseaux entre un 'prestataire de services de la société de l'information' et un 'destinataire du service' au sens du nouveau dispositif) et de la loi du 26 mars 2010 sur les services.

                  45.Faut-il redire que notre souci n'est pas tellement de savoir si la 'directive services' a été transposée en droit belge? Elle semble l'être de manière relativement complète si l'on excepte l'oubli de quelques législations qui posent d'évidents problèmes de compatibilité. Le problème majeur paraît être celui de la transparence du procédé et de la sécurité juridique qu'il offre aux praticiens. Les couches de règles s'empilent et se sédimentent sans réel plan d'ensemble. Ce n'est pourtant pas une fatalité. Si la 'directive services' est sans conteste un instrument complexe pratiquant le mélange des genres, rien n'interdisait au législateur belge de procéder avec plus de discernement.

                  Comme le remarque, à juste titre, Pierre Van Ommeslaghe, les directives européennes “se préoccupent peu des catégories juridiques de droit interne et ne s'embarrassent guère de définitions empruntées aux droits des Etats membres, pour des raisons évidentes. Elles laissent le soin à ceux-ci d'introduire dans leur droit national les règles dont les lignes générales sont tracées et notamment de les concilier avec leurs institutions propres. Malheureusement, les Etats membres, et en particulier la Belgique, ne font guère d'efforts pour arriver à cette cohérence et transcrivent les directives telles quelles sans les coordonner avec les dispositions préexistantes du droit des obligations et des contrats” [24].

                  Nous proposerons en conclusion quelques pistes d'intégration harmonieuse de la 'directive services'.

                  5. Les mécanismes de coopération administrative

                  46.Le système de coopération administrative a été conçu pour faciliter la libre circulation des prestataires et des prestations de services, en instaurant des règles de nature à gagner la confiance des Etats membres à travers des mécanismes permettant aux administrations nationales de pouvoir compter sur la collaboration de leurs homologues dans les autres pays de l'UE et surtout en instaurant une coopération obligatoire qui ne soit pas abandonnée à leur bonne volonté. Il s'agit de l'une des innovations marquantes de la directive: le devoir d'entraide est inscrit de manière expresse dans un acte communautaire de droit dérivé et traduit en un ensemble d'obligations 'claires et contraignantes' [25].

                  47.Ces règles devaient-elles être inscrites dans la loi belge de transposition? On pourrait en douter. La Section de Législation du Conseil d'Etat enseigne ce qui suit:

                  “Transposez uniquement les dispositions des directives qui sont susceptibles de concerner directement ou indirectement les particuliers. Autrement dit, ne transposez pas:

                  a) les dispositions qui concernent exclusivement les autorités des Etats membres;

                  Exemple: les dispositions qui imposent aux Etats membres des obligations en matière de communication d'informations ou de coopération” [26].

                  On peut penser, à la lecture de ce long chapitre 7 de la loi que le législateur belge a voulu rendre pleinement opérationnelles ces dispositions importantes de la directive en les traduisant au mieux en textes de droit belge, de manière à clore immédiatement toute discussion sur l'application en droit interne de concepts de droit européen.

                  Par ailleurs, un long avis de la Commission pour la protection de la vie privée invitait le législateur à inscrire dans la loi de nombreuses règles relatives au traitement de données à caractère personnel utilisées dans le cadre de la coopération administrative [27]. Ce cadre général de la coopération administrative devait donc, au moins, être esquissé dans la loi.

                  48.Le principe général de la coopération mutuelle inscrit à l'article 28 de la directive qui dispose en son paragraphe 6 que “les Etats membres fournissent, dans les plus brefs délais et par voie électronique, les informations demandées par d'autres Etats membres et par la Commission” a été transposé à l'article 29 de la loi du 26 mars 2010 relative aux services.

                  On résumera brièvement le mécanisme.

                  L'Etat membre d'établissement joue un rôle essentiel dans le processus: il est naturellement le mieux placé pour récolter les informations demandées par le pays de destination et pour exercer le contrôle le plus efficace à la source. Il subit par conséquent plus de contraintes de la part des autres états.

                  Pour cette raison, l'article 29 de la directive fait reposer sur les épaules de l'Etat membre d'établissement les obligations générales de contrôle du prestataire.

                  Il est ainsi contraint de fournir les informations sollicitées par tout autre Etat membre et en particulier la confirmation qu'un prestataire visé par une recherche est bien établi sur son territoire et qu'il n'y exerce pas illégalement ses activités.

                  Il est tenu de procéder aux vérifications, inspections et enquêtes demandées en relatant les résultats obtenus et les éventuelles mesures prises.

                  Il est tenu de signaler aux autres Etats membres et à la Commission tout acte ponctuel susceptible de provoquer des préjudices graves pour la santé ou la sécurité des personnes ou pour l'environnement.

                  La coopération administrative nécessite une répartition claire des missions de surveillance du marché entre l'Etat membre d'établissement du prestataire, d'une part, et celui où l'opérateur se déplace pour offrir ses services, d'autre part.

                  49.Cette distribution des rôles s'articule autour de la recherche d'un point d'équilibre entre deux objectifs contradictoires.

                  D'une part, permettre au pays de destination de pouvoir effectuer les contrôles suffisants pour s'assurer du respect de certaines exigences impérieuses d'intérêt général sur son territoire.

                  D'autre part, éviter d'exposer tout prestataire ayant une vocation transfrontalière à la perspective d'être soumis, dans des circonstances imprévisibles, à des mesures préventives et répressives excessivement restrictives par l'état de destination, ce qui aurait pour conséquence de le dissuader de franchir les frontières pour offrir ses activités à des clients à l'étranger [28].

                  50.La solution réside dans la combinaison entre les dispositions de la directive concernant la libre prestation des services et ses exceptions (art. 16 et 17) et des règles de coopération entre Etats membres.

                  Les articles 30 et 31 de la directive se concentrent sur les hypothèses de déplacement physique temporaire du prestataire dans l'Etat membre de destination en prévoyant que:

                    • l'Etat membre d'établissement est responsable du contrôle du prestataire [29];
                    • l'Etat membre de destination est uniquement compétent pour le contrôle des exigences admises par les articles 16 et 17. Le pays de destination ne peut donc (hormis les cas visés aux art. 16 et 17) de sa propre initiative, que se limiter aux vérifications, inspections et enquêtes nécessaires (sans mesures et sanctions supplémentaires) [30].

                    Il y a donc une symétrie entre la capacité du pays de destination d'un service d'imposer des restrictions au prestataire d'un autre Etat membre, sur base des articles 16 et 17, d'une part, et ses pouvoirs de contrôle et d'intervention à l'égard d'un tel opérateur transfrontalier, conformément aux articles 30 et 31, d'autre part.

                    51.Pour résumer, la règle est que l'état d'établissement a un véritable pouvoir de 'contrôle' alors que, sauf exceptions, le pays de déplacement du prestataire a un simple droit de 'vérification' (c'est-à-dire de pure constatation factuelle) [31].

                    6. Les règles relatives à la surveillance du marché, aux sanctions et aux recours

                    52.La loi du 26 mars 2010 sur les services n'innove guère en la matière puisqu'elle reprend, à l'instar de la grande majorité des lois de régulation économique contemporaines, un arsenal de règles visant à sanctionner pénalement les auteurs de violations des règles prescrites, confiant la surveillance et le contrôle du marché à des agents spécialisés, octroyant à ces derniers une panoplie d'instruments répressifs et, enfin, organisant une action en cessation.

                    Ces dispositions sont en tous points comparables à celles figurant dans la loi du 6 avril 2010 sur les pratiques du marché et à la protection du consommateur.

                    On pense en particulier à la procédure d'avertissement directement inspirée de la procédure inscrite à l'ancien l'article 101 de la loi du 14 juillet 1991 sur les pratiques du commerce et sur l'information et la protection du consommateur qui, depuis son instauration, s'est avérée un instrument relativement efficace. Il s'agit d'une procédure préventive, qui permet d'adresser un avertissement à l'auteur d'une infraction ou d'un manquement constaté, et de l'enjoindre d'y mettre fin dans les délais fixés.

                    On pense aussi à l'instauration d'une procédure de transaction administrative permettant aux fonctionnaires spécialement désignés à cette fin de proposer au contrevenant le versement d'une somme, dont le paiement volontaire éteint l'action publique.

                    53.La loi comporte également une disposition relative à la recherche et à la constatation des actes qu'elle interdit. Sans préjudice des pouvoirs de principe des officiers de police judiciaire, des pouvoirs de contrôle ont été reconnus à des fonctionnaires spécifiquement désignés à cette fin.

                    54.On notera aussi que cette loi est complétée par une autre loi du 26 mars 2010 sur les services concernant certains aspects juridiques visés à l'article 77 de la Constitution dont la seule portée est d'organiser une action en cessation.

                    III. Examen du contenu de la loi du 26 mars 2010 sur les services
                    A. Le champ d'application
                    1. Un champ d'application byzantin

                    55.Rarement législation nationale aura reçu un champ d'application aussi complexe qui n'est autre que le reflet de la complexité de celui de la 'directive services' elle-même. Cela n'a rien d'étonnant. On l'a répété à plusieurs reprises, cette directive a été enfantée dans la douleur au prix d'un débat passionnel portant en grande partie sur son domaine. Nombreux furent ceux qui y virent le spectre d'une dérégulation des services publics ou d'une mise à mal des acquis sociaux. Ces questions se sont cristallisées en grande partie autour du champ d'application de la directive. On y retrouve donc, en introduction, des dispositions de compromis, sans grand contenu normatif, aux vertus incantatoires précisant par exemple que la directive ne traite pas de la libéralisation des services d'intérêt économique général réservés à des organismes publics ou privés, ni de la privatisation d'organismes publics prestataires de services ou encore qu'elle ne porte pas atteinte aux mesures prises au niveau communautaire ou au niveau national en vue de la protection de la diversité culturelle ou linguistique ou du pluralisme des médias. Il suffit de lire la directive pour s'en rendre compte sans qu'il ne soit besoin de l'écrire dans une disposition introductive.

                    De manière plus précise, la directive exclut aussi de son champ d'application de nombreuses activités énumérées de manière limitative à l'article 2 (par exemple les services dans le domaine des transports). Cette question a déjà fait l'objet d'excellents commentaires [32]; nous n'y reviendrons pas. Nous examinerons par contre le champ d'application de la loi du 26 mars 2010 sur les services en vue de souligner les difficultés d'application et de proposer quelques pistes d'interprétation.

                    2. La notion de services au sens de la loi du 26 mars 2010 sur les services

                    56.L'article 3 de cette loi dispose qu'elle s'applique aux services.

                    57.Notons tout d'abord que le législateur fédéral a réservé l'hypothèse d'activités de services relevant de la compétence d'une entité fédérée. Il va sans dire que la loi fédérale ne sort ses effets qu'en ce qui concerne les compétences dévolues à l'autorité fédérale par la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles.

                    L'article 3 utilise à ce sujet une double précaution oratoire. D'une part, il dispose que la loi s'applique aux services, sans préjudice des compétences relevant des communautés et des régions, et d'autre part, qu'elle s'applique aux services qui relèvent de la compétence de l'autorité fédérale. Remarquons que le décret wallon du 10 décembre 2009 visant à transposer la directive 2003/123/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur contient la même réserve en son article 3 mais exerce allègrement en son chapitre 18 les compétences de l'autorité fédérale [33].

                    58.Au sens de la loi, il faut entendre par 'service' toute activité économique non salariée, exercée normalement contre rémunération, visée à l'article 50 du traité CE (art. 57 TFUE).

                    Rappelons qu'en vertu de cet article du traité CE, “sont considérées comme services les prestations fournies normalement contre rémunération, dans la mesure où elles ne sont pas régies par les dispositions relatives à la libre circulation des marchandises, des capitaux et des personnes.

                    Les services comprennent notamment:

                      • des activités de caractère industriel;
                      • des activités de caractère commercial;
                      • des activités artisanales;
                      • les activités des professions libérales. (…)”
                       [34].

                      59.On s'intéressera plus spécialement à deux éléments clefs de cette notion.

                      Premièrement, il faut qu'il s'agisse d'une activité de nature économique.

                      C'est un trait commun à la libre prestation des services et à la liberté d'établissement [35], toutes deux couvertes par la loi. L'activité doit être de nature économique au sens de l'article 2 du traité et tel qu'interprété par la Cour de justice. Ainsi, les services prestés gratuitement sont exclus. La nature ou les caractéristiques particulières de certaines activités, comme les services rendus par les membres d'une communauté religieuse [36], ne les empêchent pas d'être de nature économique. Le statut juridique du prestataire est à cet égard indifférent pour déterminer si l'activité est de nature économique [37]. Aucun secteur économique n'est exclu en principe du champ de l'article 50 du traité CE (art. 57 TFUE) et la liste qu'il contient est exemplative [38]. Mais “le rapport juridique entre prestataire et destinataire doit être dépourvu de tout lien de subordination puisque, en présence d'un tel lien, la situation intéresse formellement la cir­culation des travailleurs au sens de l'article 39 du traité CE” [39].

                      Deuxièmement, il faut qu'il s'agisse d'une activité fournie normalement contre rémunération.

                      Pour qu'il y ait 'service' au sens de l'article 50 du traité CE (art. 57 TFUE) et donc de la loi du 26 mars 2010 sur les services, il doit exister une contrepartie économique due au prestataire. Le service doit être fourni normalement contre rémunération. La caractéristique essentielle de la rémunération réside dans le fait qu'elle constitue une contrepartie pour le service effectué. Il suffit que la rémunération soit “réelle et effective, sans être marginale ni accessoire, mais elle peut ne découler qu'indirectement de la prestation; il faut simplement que l'activité tende à garantir une indépendance économique” [40].

                      3. Le prestataire de services

                      60.En vertu de l'article 3 de la loi du 26 mars 2010 sur les services, cette dernière s'applique aux services.

                      On ne peut toutefois en rester là. A y regarder de plus près, de nombreuses dispositions de la loi confèrent des droits et imposent des obligations aux prestataires de services. Elle a donc, d'une part, un champ d'application ratione materiae, et d'autre part, un champ d'application ratione personae.

                      61.Pour être qualifié de 'prestataire' et donc pour bénéficier des droits [41] (et pour être soumis aux obligations [42]) de la loi du 26 mars 2006, il faut être soit une personne physique ressortissante de l'un des Etats membres de l'UE, soit une personne morale visée à l'article 48 du traité CE (art. 54 TFUE) et établie dans un Etat membre, “quelle que soit sa forme juridique” [43].

                      Cette notion de prestataire inclut, conformément à l'article 48 du traité CE, toute société:

                        • qui soit constituée en conformité avec la législation d'un Etat membre; et
                        • qui ait son siège statutaire, son administration centrale ou son principal établissement à l'intérieur de la Communauté européenne. Pour les sociétés qui n'ont que leur siège statutaire dans la Communauté, il faut également que leur activité présente un lien effectif et continu avec l'économie d'un Etat membre [44].

                        D'autre part, elle exclut du bénéfice de la loi les situations suivantes (qui relèvent de la politique extérieure):

                          • les succursales de sociétés de pays tiers du fait qu'en tant que succursales, elles ne sont précisément pas en conformité avec la législation d'un Etat membre et n'ont donc pas de personnalité juridique;
                          • les opérateurs des Etats tiers qui souhaitent soit s'établir, soit fournir leurs services sur le territoire de l'UE.

                          62.Cette définition naturellement très inspirée du droit européen pourrait faire craindre un effet pervers. S'agissant de dispositions dont la première vocation est d'assurer la liberté d'établissement de prestataires se déplaçant d'un état de l'UE vers d'autres états de l'UE, le législateur belge n'a-t-il pas oublié au passage de réserver aux prestataires nationaux les mêmes droits et avantages. Nous ne le pensons pas [45].

                          Premièrement, rien dans la loi ni d'ailleurs dans les travaux préparatoires ne permet de penser que telle aurait été l'intention du législateur. Par ailleurs, la loi elle-même en son article 2 ne fait aucunement la distinction. Par contre, s'il est indubitable que ce raisonnement est entièrement valable en ce qui concerne les règles relatives à la liberté d'établissement ou aux règles relatives à la qualité des services, à l'information et à la transparence, il l'est nettement moins en ce qui concerne les règles relatives à la libre prestation de services qui s'appliquent exclusivement à des situations de prestations transfrontières.

                          Ce raisonnement trouve appui dans la ratio legis de l'article 15 de la loi du 26 mars 2010 précitée. Il vise à transposer l'article 16 de la 'directive services' en mettant en oeuvre la recommandation suivante du Manuel relatif à la mise en oeuvre de la 'directive services'qui explique à ce sujet que “Contrairement aux autres articles de la directive, tels l'article 14, l'article 16 n'impose pas, en principe, aux Etats membres de supprimer les exigences existantes, mais les oblige uniquement à s'abstenir d'appliquer leurs propres exigences aux prestataires établis dans d'autres Etats membres. (…). Afin d'éviter les lacunes dans la législation de mise en oeuvre, il est recommandé de transposer l'article 16 dans un instrument à caractère horizontal plutôt que dans des mesures sectorielles ou thématiques. Cette option permettrait de garantir la sécurité juridique à la fois pour les prestataires et les destinataires de services ainsi que pour les autorités compétentes” [46].

                          Il y a donc là une différence de traitement assez claire induite par l'application de l'article 16 de la 'directive services'. Faudra-t-il y voir un incitant pour le législateur belge à réduire de façon générale son niveau d'exigences toutes les fois où il aura été confronté à une différence de traitement entre des prestataires établis dans un autre état de l'UE et exerçant leur droit à la libre prestation, d'une part, et, d'autre part, des prestataires établis sur le territoire belge subissant de ce fait un désavantage concurrentiel?

                          4. Les destinataires de services

                          63.Plusieurs dispositions de cette loi ont pour objet de conférer des droits aux destinataires de services. On pense en particulier aux articles 18 à 22 qui font peser sur les prestataires des obligations érigées en vue de protéger les droits des destinataires à obtenir des services de qualité et de jouir d'une information transparente. On pense aussi aux articles 23 et 24 relatifs aux exigences interdites pour les destinataires.

                          Le fait que non seulement les prestataires mais également les destinataires jouissent de la libre circulation des services résulte d'une jurisprudence bien établie de la Cour de justice [47].

                          64.La notion de destinataire que l'on retrouve à l'article 2 de la loi est extrêmement large et a une portée qui dépasse la proposition initiale de directive. Cette définition ne recouvre plus uniquement les personnes physiques ressortissantes d'un Etat membre ou toute personne morale visée à l'article 48 et établies dans un Etat membre qui, à des fins professionnelles ou non, utilise ou souhaite utiliser un service, mais également toute personne physique ressortissant d'un pays tiers qui “bénéficie de droits qui lui sont conférés par des actes communautaires”. Ces actes sont essentiellement le règlement 859/2003 visant à étendre les dispositions des règlements 1408/71 et 574/72 aux ressortissants de pays tiers qui ne sont pas déjà couverts par ces dispositions uniquement en raison de leur nationalité, la directive 2003/109 relative au statut des ressortissants de pays tiers résidents de longue durée et la directive 2004/38 relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres.

                          65.Notons également que cette définition est plus large que celle du consommateur qui en règle générale ne vise que les personnes physiques qui agissent à des fins excluant tout caractère professionnel [48].

                          5. Les exceptions

                          66.La loi du 26 mars 2010 sur les services répercute les exceptions au champ d'application contenues dans la 'directive services'.

                          On retiendra que ces exceptions se découpent en trois catégories:

                            • douze catégories de services sont soustraites du champ d'application de la loi;
                            • trois domaines ne sont pas affectés par la loi;
                            • une règle précise l'application du principe lex specialis derogat legi generali lorsqu'une loi particulière applicable au secteur des services est le fruit d'une transposition d'une directive.
                            a. Les douze services exclus

                            Quelques exclusions méritent une attention particulière.

                            - Les services d'intérêt général

                            67.La loi du 26 mars 2010 sur les services ne vise que les services qui sont fournis en échange d'une contrepartie économique. Les services d'intérêt général ne sont pas couverts par la définition de l'article 50 du traité CE (art. 57 TFUE) et ne relèvent donc pas du champ d'application de cette loi. En effet, l'article 2, § 2, a), de la 'directive services' dispose que la présente directive ne s'applique pas aux services d'intérêt général non économique.

                            Comme le confirme le considérant 17 de la directive, “La présente directive ne vise que les services fournis en échange d'une contrepartie économique. Les services d'intérêt général ne sont pas couverts par la définition de l'article 50 du traité et ne relèvent donc pas du champ d'application de la présente directive”.

                            Cette exclusion explicite est cependant inutile. Il n'y a pas d'exclusion proprement dite au champ d'application de la loi: les services d'intérêt général n'entrent tout simplement pas dans la notion de service [49].

                            Ne sont donc pas visées “les activités non économiques ou dont la caractéristique de la rémunération fait défaut dans les activités que l'état accomplit sans contrepartie économique dans le cadre de sa mission dans les domaines social, culturel, éducatif et judiciaire” [50] ou “qui reposent sur le principe de solidarité et les activités exercées par des organismes dont les fonctions sont essentiellement sociales, qui ne réalisent pas de profits et n'ont pas pour objectif de pratiquer une activité industrielle ou commerciale (syndicats, églises, associations de consommateurs ou organisations humanitaires)” [51].

                            La plupart des matières exclues sont couvertes par des directives sectorielles, ce qui explique qu'elles sortent du champ d'application de la loi.

                            - Les services financiers

                            68.Les services financiers font déjà l'objet d'une réglementation communautaire poursuivant la même finalité que la 'directive services', c'est-à-dire réaliser un marché intérieur des services. Leur exclusion est donc parfaitement logique. La proposition initiale, dans son article 2, § 2, a), excluait “les services financiers tels que définis à l'article 2, point b) de la directive 2002/65/CE”. Ce paragraphe a été modifié pour améliorer le libellé. En effet, la formulation faisait référence à la définition contenue dans la directive 65/2002/CE qui, elle, faisait uniquement référence aux retraites individuelles alors que l'intention de la Commission était de désigner tous les services financiers. Donc, pour garantir la sécurité juridique, et également pour mettre les textes à jour vu l'introduction d'une nouvelle directive, une modification était nécessaire.

                            Désormais, dans l'article 2, § 2, b), de la directive, l'exclusion englobe tous les services financiers:“ceux ayant trait à la banque, au crédit, à l'assurance, y compris la réassurance, aux retraites professionnelles ou individuelles, aux titres, aux fonds d'investissements, aux paiements et aux conseils en investissements, y compris les services énumérés à l'annexe I de la directive 2006/48/CE”.

                            C'est donc naturellement que cette exception se retrouve dans la loi belge de transposition.

                            - Services et réseaux de communications électroniques

                            69.Tout comme les services financiers, les services et réseaux de communications électroniques font l'objet d'une réglementation communautaire visant le même objectif que la directive: établir un marché intérieur des services dans ce domaine. En effet, en 2002, un ensemble d'instruments législatifs visant à faciliter l'accès aux services et réseaux de communications électroniques au sein du marché intérieur, ainsi qu'aux ressources et services associés, le 'paquet télécoms', a été adopté [52].

                            Leur exclusion suit la même logique que celle qui a présidé à l'exclusion des services financiers.

                            - Les activités participant à l'exercice de l'autorité publique

                            70.En vertu de l'article 45, § 1, du traité CE (art. 51 TFUE),“sont exceptées de l'application des dispositions du présent chapitre (le droit d'établissement), en ce qui concerne l'Etat membre intéressé, les activités participant dans cet état, même à titre occasionnel, à l'exercice de l'autorité publique”. L'article 55 du traité CE (art. 62 TFUE) étend l'application de l'article 45 précité (art. 51 TFUE) au chapitre sur les services.

                            Ici encore, cette exclusion apparaît superflue puisque la loi du 26 mars 2010 sur les services ne s'applique pas aux activités couvertes par l'article 45 du traité CE (art. 51 TFUE) puisqu'elles sont exclues de la notion de 'service' de l'article 50 du traité CE [53] (art. 57 TFUE). A la décharge du législateur fédéral belge, cette exclusion figure explicitement dans la 'directive services' elle-même, à l'article 3, § 1er, 10°, qu'il a reproduit fidèlement dans la loi de transposition.

                            Quoiqu'il en soit, en vertu de l'article 45, § 1, du traité CE (art. 51 TFUE), les autorités nationales sont fondées à refuser au ressortissant d'un autre Etat membre, l'accès à une activité participant dans cet état, à l'exercice de l'autorité publique, dans l'exercice d'une profession indépendante [54].

                            b. Les trois domaines préservés

                            71.La loi du 26 mars 2010 sur les services contient également quelques dispositions aux vertus pacificatrices pour les esprits sceptiques mais dont la portée juridique est incertaine. L'article 3, § 2 en est un bel exemple. Il reprend à son compte le principe inscrit dans la 'directive services' en vertu duquel la loi ne s'applique pas à la fiscalité, au droit du travail et au droit de la sécurité sociale. L'examen des relations que cette loi entretient avec la loi du 5 mars 2002 transposant la directive 96/71 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 1996 concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d'une prestation de services et instaurant un régime simplifié pour la tenue de documents sociaux par les entreprises qui détachent des travailleurs en Belgique, est un sujet trop vaste pour être traité dans cette courte étude.

                            c. L'articulation avec les lois 'verticales' transposant des directives européennes

                            72.La loi du 26 mars 2010 sur les services est conçue comme une 'lex generalis' qui ne porte pas préjudice aux 'lex specialis' qui constituent la transposition de directives sectorielles. En cela, la loi ne fait rien d'autre que suivre le modèle de la directive 'services'.

                            73.L'origine et la portée de cette articulation complexe mérite qu'on s'y attarde.

                            La loi ayant adopté une approche horizontale englobant un grand nombre de services, plusieurs activités relèvent inévitablement de son champ d'application, alors même qu'elles font déjà l'objet de réglementations sectorielles [55] traitant le cas échéant les mêmes questions de façon parfois différente.

                            Le législateur a dès lors tenté de régler la compatibilité de cette loi horizontale avec la législation existante mais aussi avec les législations futures.

                            Ce faisant, il n'a rien fait d'autre que d'emboîter le pas au législateur européen qui n'a pas procédé autrement.

                            Il faut revenir à la directive pour comprendre la portée du mécanisme mis en place. L'article 3, alinéa 2, de la proposition initiale prévoyait simplement que “l'application de la présente directive n'exclut pas l'application des dispositions des autres instruments communautaires concernant les services qu'elles régissent.” La 'directive services' prévoyait donc qu'elle s'appliquerait de manière cumulative avec ces autres instruments, “les exigences prévues par l'une s'ajoutant à celles prévues par les autres” [56]. Si un problème de compatibilité se présentait avec un article de la directive, cet article contiendrait “des dérogations à son application ou des clauses d'articulation appropriées pour assurer la cohérence entre la directive et les autres instruments communautaires” [57]. La directive fixait donc elle-même des 'clauses de déconnexion' explicites pour ne pas affecter d'autres instruments communautaires [58]. Cela revenait en définitive à l'application de la 'directive services', dans les cas envisagés par celle-ci comme dans les cas d'incompatibilité non envisagés.

                            Le considérant 13 de la proposition initiale cite des exemples d'activités faisant déjà l'objet d'un acquis communautaire important: les professions réglementées, les services postaux, la radiodiffusion télévisuelle, les services de la société de l'information, ainsi que les services relatifs aux voyages, vacances et circuits à forfait mais aussi d'autres instruments ne visant pas un service spécifique mais couvrant les activités de service comme ceux relatifs à la protection des consommateurs.

                            Le 4 avril 2006, le Parlement a amendé l'article 3, alinéa 2, de la proposition. Selon la Commission, ce sont des éclaircissements [59]. Cependant, l'amendement modifie bien la portée de l'alinéa car désormais: “la directive ne supplante pas d'autres instruments communautaires et en cas de conflit avec d'autres instruments communautaires régissant des aspects spécifiques de l'accès à une activité de services ou son exercice, ce sont les dispositions de ces instruments concernant des aspects spécifiques qui prévalent” [60].

                            L'article 3, § 1, de la directive contient ce principe et précise que ces actes communautaires régissant des aspects spécifiques de l'accès à une activité de service ou à son exercice dans des secteurs spécifiques ou pour des professions spécifiques incluent les quatre instruments communautaires suivants:

                              • la directive 96/71/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 1996 concernant le détachement des travailleurs effectué dans le cadre d'une prestation de services;
                              • le règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) n° 118/97 du Conseil du 2 décembre 1996;
                              • la directive 89/552/CEE du Conseil du 3 octobre 1989 visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres relatives à l'exercice d'activités de radiodiffusion télévisuelle [61];
                              • la directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005, relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles.

                              Cette énumération est exemplative et non exhaustive. D'ailleurs, la 'directive services' fait référence, au considérant 32, à d'autres actes communautaires.

                              Cette règle de l'article 3, § 1er, de la 'directive services' s'applique, “pour les cas résiduels et exceptionnels de conflit entre une disposition de la présente directive et une disposition d'un autre instrument communautaire” [62].

                              Autrement dit, les questions de conflit entre la loi sur les services et d'autres législations sont tantôt traitées directement par une règle de conflit spéciale, tantôt de manière résiduaire par son article 3, § 3, qui reprend ce principe en droit belge et règle mutatis mutandis la manière dont le projet s'articule avec les législations et réglementations sectorielles qui sont couverts par un acte communautaire, soit directement, soit via un texte de transposition, de nature légale voire même réglementaire.

                              Cette disposition ne traite en outre que des cas de 'conflits' c'est-à-dire des hypothèses où l'application tantôt de la loi sur les services et tantôt de la loi particulière aboutit à des solutions inconciliables. N'est par contre pas visé le cas dans lequel l'application superposée de ces lois différentes conduit à des solutions complémentaires.

                              74.Prenons deux exemples tirés de la confrontation entre la loi du 11 mars 2003 sur certains aspects juridiques des services de la société de l'information et la loi du 26 mars 2010 sur les services qui est compatible à bien des égards.

                              L'article 18 de la loi sur les services dispose, en ce qui concerne les professions réglementées, que le prestataire met à disposition du destinataire les informations suivantes: l'association professionnelle ou l'organisation professionnelle auprès de laquelle le prestataire est inscrit et le titre professionnel et l'Etat membre dans lequel il est octroyé. L'article 20 de cette même loi précise qu'à la demande du destinataire, le prestataire communique des informations supplémentaires parmi lesquelles, en ce qui concerne les professions réglementées, une référence aux règles professionnelles applicables et aux moyens d'y avoir accès.

                              Par contre, l'article 7 de la loi du 11 mars 2003 précitée impose à tout prestataire de services de la société de l'information exerçant une profession réglementée d'assurer un accès facile, direct et permanent aux informations suivantes:

                                • l'association professionnelle ou l'organisation professionnelle auprès de laquelle le prestataire est inscrit;
                                • le titre professionnel et l'Etat membre dans lequel il est octroyé;
                                • une référence aux règles professionnelles applicables et aux moyens d'y avoir accès.

                                Cette dernière information doit donc être fournie d'office lorsque le titulaire d'une profession réglementée est un prestataire de services de la société de l'information et ne doit l'être qu'à la demande lorsqu'il est un prestataire de services 'offline'.

                                Dans le sens inverse, l'article 24 de la loi du 26 mars 2010 sur les services qui interdit aux prestataires de faire figurer des clauses discriminatoires en raison de la nationalité ou du lieu de résidence dans les conditions générales trouvera naturellement à s'appliquer aux prestataires des services de la société de l'information, cette règle n'entrant en contradiction avec aucune disposition de la loi du 11 mars 2003 précitée.

                                On observera que cette disposition ne règle aucunement les conflits avec des dispositions purement nationales, c'est-à-dire, dans l'hypothèse la plus fréquente, qui ne sont pas le fruit de la transposition d'une directive.

                                B. La liberté d'établissement

                                75.Il s'agit des dispositions de la loi du 26 mars 2010 sur les services qui visent à transposer le chapitre III de la 'directive services' consacré à la liberté d'établissement des prestataires.

                                1. Le principe de non-autorisation préalable

                                76.Le législateur a tenté timidement de transposer l'article 9 de la 'directive services' dans une disposition libellée de manière étonnante [63].

                                Cet article 9 est l'un des piliers de cette directive. Il pose, dans le cadre de la liberté d'établissement [64], le principe général en vertu duquel les Etats membres ne peuvent pas subordonner l'accès à une activité de service et son exercice à un régime d'autorisation préalable.

                                Par exception, un régime d'autorisation peut être institué lorsque trois conditions sont réunies: il n'est pas discriminatoire à l'égard du prestataire visé, sa nécessité est justifiée par une raison impérieuse d'intérêt général, l'objectif poursuivi ne peut pas être réalisé par une mesure moins contraignante.

                                On peut penser de prime abord que cette disposition ne doit pas être reproduite en droit interne. Elle s'adresse aux états et leur interdit d'ériger ou de laisser subsister des régimes d'autorisation qui ne remplissent pas les trois conditions cumulatives précitées. Elle impose donc aux Etats membres de passer en revue leurs régimes d'autorisation, de les mesurer à l'aune de ces trois critères et d'abroger ou éventuellement de corriger ceux qui n'y satisferaient pas.

                                77.La loi belge a pourtant été plus loin et a repris ce principe en diminuant sensiblement sa portée, ou à tout le moins, en renversant l'ordre logique du principe et de l'exception.

                                Dans la version initiale [65], l'insertion de ce principe était compréhensible. Une délégation était alors conférée au Roi pour corriger les régimes d'autorisation à la lumière de ces trois critères. Ce pouvoir ayant été jugé trop étendu, il a été effacé. Par contre, les critères donnés au Roi pour exercer cette délégation demeurent inscrits dans le texte.

                                78.Par ailleurs, le procédé laisse perplexe. Tout d'abord, les travaux préparatoires affirment que cet article vise à poser en droit belge le principe général de la liberté d'accès aux activités de service. Son affirmation dans le dispositif même de la loi est par contre beaucoup plus tiède. Il n'y est en tout cas pas question d'un principe général affirmé haut et fort de manière limpide.

                                Alors que la directive dispose, dans l'ordre suivant qu'il ne peut se concevoir de régime d'autorisation mais qu'il peut malgré tout en être érigé lorsque certaines conditions sont réunies, la loi belge affirme dans un ordre logique inversé que des régimes d'autorisation peuvent être institués mais que ces derniers doivent répondre aux conditions citées supra [66].

                                79.Si l'on passe outre l'ambiguïté de ce libellé, que faut-il en penser, d'un point de vue pratique?

                                La principale difficulté tient à la place qu'occupe ce principe dans la hiérarchie des normes: il est inscrit dans une loi ordinaire. Ce faisant, il fait immanquablement penser à une déclinaison du principe de 'la liberté du commerce et de l'industrie'. A l'instar de ce dernier, s'agissant d'une simple loi, il interdit l'action normative de l'administration. Comme l'écrit P. Quertainmont, “en l'absence de circonstances particulières rendant les mesures de police nécessaires, l'administration ne peut apporter aucune entrave à l'exercice d'une profession. La liberté du commerce et de l'industrie serait donc la règle et la restriction de police l'exception qui dépend de la volonté du législateur” [67]. En d'autres mots, ce qu'une loi fait, une autre loi peut naturellement le défaire ou y apporter des exceptions et des dérogations. Il en va mutatis mutandis de même en ce qui concerne l'article 4 de la loi du 26 mars 2010 précitée, à une nuance près toutefois. Cette disposition est la transposition d'une directive européenne et les législations dérogeant au principe inscrit à l'article 4 précité devront y être confrontées.

                                2. Les règles applicables aux régimes d'autorisation

                                80.Les articles 5 à 13 contiennent l'essentiel des règles contenues dans la 'directive services' visant à établir des standards minimaux auxquels les régimes d'autorisation qui peuvent être maintenus doivent satisfaire. Le Manuel relatif à la mise en oeuvre de la 'directive services'énonce à ce sujet qu' “aux fins d'éviter toute lacune dans la mise en oeuvre et de faire en sorte que ces principes soient respectés à tous les niveaux, les Etats membres devraient envisager de les incorporer dans la loi-cadre horizontale de mise en oeuvre de la directive (…)” [68]. C'est assurément le conseil que le législateur belge a suivi.

                                Ces principes sont les suivants:

                                a. Sept critères de décision

                                81.Les régimes d'autorisation doivent aboutir à l'adoption d'une décision qui ne soit pas arbitraire. L'article 5 de la loi du 26 mars 2010 sur les services dispose dès lors qu'ils doivent reposer sur des critères qui encadrent le pouvoir d'appréciation des autorités compétentes. En outre, ces critères doivent être non discriminatoires, justifiés par une raison impérieuse d'intérêt général, proportionnels à cet objectif, clairs et non ambigus, objectifs, rendus publics à l'avance, transparents et accessibles.

                                De deux choses l'une. Soit, un régime d'autorisation satisfait à l'ensemble de ces critères et cette disposition n'a aucun impact. Soit, un régime d'autorisation n'y satisfait pas. Cette disposition est alors malheureusement impuissante à le corriger d'office. Elle n'a aucune vertu supplétive et permettra uniquement au demandeur éconduit de faire invalider, que ce soit par un recours en annulation devant le Conseil d'Etat ou par le détour de l'article 159 de la Constitution, la procédure qui ne lui a pas donné satisfaction.

                                b. Accessibilité et proportionnalité

                                82.L'article 6 de la loi du 26 mars 2010 sur les services dispose que les procédures et formalités doivent être facilement accessibles. Ce principe de bonne administration doit être salué. On peut toutefois se demander s'il était légitime d'en limiter la portée aux secteurs des services d'une part, et d'autre part, au secteur des services inclus dans le champ d'application de la 'directive services'. Il participe en effet à l'émergence de ce que certains auteurs qualifient de nouvelle loi du service public [69]. Pourquoi seuls les prestataires de services devraient-ils en bénéficier?

                                Ce même article 6 dispose que les charges qui peuvent en découler pour les demandeurs doivent être raisonnables et proportionnées aux coûts des procédures d'autorisation. Au vu d'une formulation aussi générale, on aperçoit difficilement quelle est la portée pratique de cette règle.

                                c. La non-répétition des exigences et contrôles

                                83.Les conditions d'octroi de l'autorisation pour un nouvel établissement ne peuvent pas faire double emploi avec les exigences et contrôles équivalents ou comparables auxquels le prestataire de services a été soumis soit en Belgique, soit dans un autre Etat membre de l'Union européenne [70]. Il s'agit de la consécration législative de la jurisprudence de la Cour de justice [71].

                                d. Absence de limitation territoriale

                                84.L'autorisation permet au prestataire de service d'avoir accès à l'activité de service ou de l'exercer sur l'ensemble du territoire belge.

                                Ce principe souffre deux grandes exceptions. D'une part, il ne s'applique pas aux autorisations délivrées spécifiquement pour une partie du territoire. On pense par exemple à une autorisation d'implantation commerciale qui, par essence, est délivrée en vue de l'installation d'un commerce de détail à un endroit défini et pour cet endroit défini. D'autre part, il ne s'applique pas aux autorisations délivrées par les autorités régionales, communautaires, provinciales ou communales. Concernant les deux premières, un accord de coopération devrait être conclu afin d'assurer un effet utile à cette règle.

                                e. Accusé de réception

                                85.A la différence des trois premiers points, celui-ci traite de la procédure au sens strict de délivrance d'une autorisation.

                                Toute demande d'autorisation fait l'objet d'un accusé de réception dans les dix jours ouvrables. Cet accusé de réception indique:

                                  • la date à laquelle la demande a été reçue;
                                  • le délai dans lequel la décision doit intervenir;
                                  • les voies de recours;
                                  • lorsque c'est le cas, qu'en l'absence de réponse dans le délai prévu, l'autorisation est considérée comme octroyée.

                                  Si la demande est incomplète, le demandeur en est informé et est invité à compléter son dossier. Il est également informé du temps dont il dispose pour ce faire et des conséquences que cela entraîne sur le délai dont dispose l'autorité pour statuer.

                                  f. Délai de prise de décision

                                  86.Lorsqu'aucun délai n'est prévu par une législation particulière, la décision de l'autorité doit intervenir dans les trente jours qui suivent la réception de la demande. Ce délai peut être prolongé une seule fois et pour une durée limitée notifiée au demandeur lorsque la complexité du dossier le justifie.

                                  La conséquence du non-respect de ce délai est l'octroi implicite de l'autorisation sollicitée. Il s'agit de la consécration dans le secteur des services du principe de l'autorisation 'tacite' ou 'fictive'.

                                  87.Ce procédé a priori favorable au demandeur connaît quelques critiques [72].

                                  Tout d'abord, cette manière de procéder ne contribue pas à la sécurité juridique, ne fût-ce qu'en raison de l'absence d'une décision écrite, ce qui pourrait donner lieu à des problèmes d'administration de la preuve, et parce qu'en principe une décision tacite ne doit, par nature, être ni notifiée ni publiée dans les mêmes formes qu'une décision ordinaire, avec toutes les conséquences qui en découlent en termes d'accessibilité et de contestation. Le procédé risque dès lors d'impliquer davantage une violation des intérêts de tiers, lesquels sont susceptibles d'être affectés d'une manière certes implicite, mais non moins importante.

                                  Par ailleurs, le procédé de l'autorisation tacite est susceptible de se heurter à l'intérêt général dès lors que certaines décisions peuvent être prises de manière implicite sans préparation minutieuse ni mise en balance de tous les intérêts en présence. Le procédé de la décision tacite n'accroît-il pas le risque de voir les effets de l'expiration du délai prescrit pour la décision pris en compte prioritairement, et que l'on renonce à mettre en balance les intérêts du demandeur par opposition à ceux des tiers et à l'intérêt général?

                                  g. Durée illimitée

                                  88.L'autorisation octroyée à un prestataire a une durée illimitée sauf lorsque:

                                    • l'autorisation fait l'objet d'un renouvellement automatique;
                                    • l'autorisation est uniquement subordonnée à l'accomplissement continu d'exigences;
                                    • le nombre d'autorisations disponibles est limité par une raison impérieuse d'intérêt général;
                                    • une durée limitée d'autorisation est justifiée par une raison impérieuse d'intérêt général.
                                    h. Hypothèse des autorisations en nombre limité

                                    89.Sont visés ici les cas dans lesquels le nombre d'autorisations disponibles est limité en raison de la rareté des ressources naturelles ou des capacités techniques utilisables. Dans ce cas, une procédure de sélection entre les candidats potentiels doit être appliquée. Cette procédure doit prévoir que toutes les garanties d'impartialité et d'indépendance soient offertes.

                                    3. Les exigences interdites

                                    90.Une liste noire d'exigences ou de conditions est inscrite à l'article 14 de la loi du 26 mars 2010 sur les services. Elles ne peuvent en aucun cas conditionner l'accès à une activité de service ou son exercice en Belgique.

                                    On y retrouve par exemple l'application au cas par cas d'un test économique consistant à subordonner l'octroi de l'autorisation à la preuve de l'existence d'un besoin économique ou d'une demande du marché, à évaluer les effets économiques potentiels ou actuels de l'activité ou à évaluer l'adéquation de l'activité avec les objectifs de programmation économique fixés par l'autorité compétente.

                                    Une telle exigence se retrouvait dans la loi du 13 août 2004 relative à l'autorisation d'implantation commerciale qui subordonnait l'octroi d'un permis socio-économique à l'examen de l'impact du projet notamment sur les consommateurs, sur le commerce existant et sur l'emploi. Cette dernière a été in extremis légèrement toilettée sur ce point par la loi du 22 décembre 2009 déjà citée.

                                    On observera aussi qu'est interdite l'intervention directe ou indirecte d'opérateurs concurrents, y compris au sein d'organes consultatifs, dans l'octroi d'autorisations (à l'exception des associations et ordres professionnels).

                                    C. La liberté de prestation de services

                                    91.Ce principe est inscrit à l'article 15 de la loi du 26 mars 2010 sur les services. Il s'agit d'une disposition centrale qui vise à donner effet à l'article 16 de la directive. Pour en mesurer l'importance, il suffit de se rappeler que c'est à cet endroit de la directive que figurait le principe du pays d'origine qui, il est vrai, a depuis lors été quelque peu édulcoré.

                                    92.Un bref rappel s'impose pour comprendre la portée réelle de cet article 15.

                                    Le principe proposé initialement par la Commission prévoyait qu'un prestataire régulièrement établi dans son Etat membre aurait eu le droit, en règle générale, d'offrir ses services dans tout autre pays membre de l'Union sans devoir se soumettre aux différentes réglementations de chacun des autres Etats membres dans lesquels il aurait souhaité entreprendre son activité.

                                    Il s'agissait d'un principe non absolu mais assorti de multiples exceptions et qui ne s'appliquait pas aux opérateurs souhaitant s'établir dans un Etat membre.

                                    Or, tout au long de la négociation de la directive, ce principe du pays d'origine a été excessivement controversé [73].

                                    A tel point qu'il a été supprimé dès la première lecture du Parlement européen pour céder la place à la clause de libre prestation des services et ainsi rendre possible un accord global sur la directive [74].

                                    Cette clause est inscrite dans les articles 16, 17 et 18. Elle pose une règle générale, celle de la “libre prestation (et réception) des services” transfrontaliers (art. 16, par. 1), assortie de trois ordres d'exceptions: les exceptions générales (quatre catégories; art. 16, par. 1, e), 3), les exceptions spécifiques (quinze catégories; art. 17), les exceptions individuelles (uniquement pour des raisons de sécurité des services; art. 18).

                                    93.L'article 15 de la loi transpose la clause générale de l'article 16 de la directive, le législateur belge ayant sur ce point suivi les recommandations formulées par la Commission européenne dans son Manuel relatif à la mise en oeuvre de la 'directive services' qui explique à ce sujet que “Contrairement aux autres articles de la directive, tel l'article 14, l'article 16 n'impose pas, en principe, aux Etats membres de supprimer les exigences existantes, mais les oblige uniquement à s'abstenir d'appliquer leurs propres exigences aux prestataires établis dans d'autres Etats membres. (…). Afin d'éviter les lacunes dans la législation de mise en oeuvre, il est recommandé de transposer l'article 16 dans un instrument à caractère horizontal plutôt que dans des mesures sectorielles ou thématiques. Cette option permettrait de garantir la sécurité juridique à la fois pour les prestataires et les destinataires de services ainsi que pour les autorités compétentes.”

                                    94.La règle se veut claire: les prestataires ont le droit de prester leurs 'services' (au pluriel) (le texte voté en première lecture par le Parlement européen faisait référence, en revanche, à la prestation d'un service, au singulier) à partir de leur lieu d'établissement dans tout autre Etat membre, ce dernier 'respectant' un tel droit et garantissant tant le 'libre accès' à l'activité de service que son 'libre exercice' sur son territoire.

                                    95.La loi belge aurait certainement pu traduire cette règle de manière plus claire et directe. Elle aurait également eu avantage à préciser que la prestation de service dont il est question à l'article 15, § 1er, est la même que celle visée à l'article 15, § 2, à savoir des services fournis en Belgique par un prestataire établi dans un autre Etat membre de l'Union européenne. La lecture des travaux préparatoires dissipe heureusement toute ambiguïté à ce sujet.

                                    96.L'application de cette règle est loin d'être simple et nous avons de sérieux doutes sur la pertinence de l'argument de la sécurité juridique avancé par la Commission européenne à l'appui d'une transposition 'horizontale' de ce principe.

                                    En effet, cette règle générale connaît une exception importante: le pays de prestation peut subordonner l'accès à une activité de services ou son exercice à des exigences qui répondent à l'une des quatre raisons exhaustivement admises (ordre, sécurité et santé publics; protection de l'environnement) et qui remplissent les trois conditions cumulatives de non-discrimination, nécessité et proportionnalité.

                                    Autrement dit, cette règle générale, qui doit en principe faire échec à l'application des exigences applicables en Belgique à un prestataire UE s'y déplaçant sans s'y établir pour prester un ou plusieurs services devra faire l'objet d'un examen au cas par cas à l'aune des critères précités. Il est à craindre qu'une telle appréciation soit, d'une part, particulièrement compliquée à poser par les autorités qui seront chargées de les appliquer, et d'autre part, peu transparente pour les prestataires de services qui y seront confrontés.

                                    97.Ensuite, afin d'éclairer par des exemples la clause de la libre prestation des services du paragraphe 1, le paragraphe 2, de l'article 15 de la loi contient la typologie des restrictions que, parmi d'autres, le pays de prestation ne peut pas imposer à un opérateur établi dans un autre Etat membre et qui ont déjà été qualifiées d'incompatibles avec l'article 49 CE (art. 56 TFUE) par la jurisprudence constante de la Cour de justice. La liste d'entraves indiquées à l'article 15, paragraphe 2, est une liste noire d'entraves interdites tout comme celle figurant à l'article 14, avec la seule et importante différence que la deuxième liste est exhaustive là où celle de l'article 15 est purement indicative (on citera: l'obligation pour l'opérateur de disposer d'un établissement sur le territoire de l'Etat membre de prestation, l'obligation pour le prestataire d'être autorisé dans l'état de prestation ou d'être inscrit à un registre, un ordre ou une association professionnelle (à moins, bien entendu, que ceci soit prévu par un autre instrument CE, ce qui découle déjà de l'art. 3), l'interdiction pour le prestataire de se doter sur le territoire du pays de prestation d'une certaine forme juridique ou d'un certain type d'infrastructure nécessaire pour la fourniture de ses services, l'application d'un régime contractuel particulier entre le prestataire et le destinataire qui empêche ou limite la prestation de services à titre indépendant, l'obligation, pour le prestataire, de posséder un document d'identité spécifique à l'exercice d'une activité de service, délivré par les autorités d'accueil, etc.).

                                    D. La qualité des services, l'information et la transparence

                                    98.Les articles 18 à 22 de la loi du 26 mars 2010 sur les services font peser sur le prestataire de services toute une série d'obligations visant à assurer l'information des destinataires et la transparence du marché.

                                    Selon leur nature, ces informations doivent être fournies d'office (le nom ou la dénomination sociale du prestataire, sa forme juridique, son adresse 'géographique' d'établissement, ses coordonnées y compris son adresse de courrier électronique, le prix lorsqu'il est déterminé au préalable pour un type de service donné, les principales caractéristiques du service, etc.) ou à la demande du destinataire (lorsqu'un prix exact ne peut être indiqué, la méthode de calcul du prix permettant au destinataire de vérifier ce dernier ou un devis suffisamment détaillé, etc.).

                                    99.Ces exigences en matière d'information viennent s'ajouter aux autres obligations d'information, résultant du droit commun ou de dispositions légales ou réglementaires, notamment en matière de protection du consommateur. Elles présentent un caractère complémentaire et non dérogatoire.

                                    Ainsi, tout prestataire d'un service qui est également une entreprise, au sens de l'article 2, 1°, de la loi du 26 avril 2010 relative aux pratiques du marché et à la protection du consommateur, doit respecter les obligations d'information imposées par cette loi. Plus spécifiquement, si un tel prestataire conclut des contrats avec des consommateurs sur les réseaux, il devra se conformer à la section 2 du chapitre 3 de la loi du 26 avril 2010 précitée, consacrée aux contrats à distance. Le même raisonnement peut être tenu pour les autres législations protectrices du consommateur.

                                    De même, les informations requises par la loi du 8 décembre 1992 relative à la protection de la vie privée à l'égard des traitements de données à caractère personnel doivent être fournies par tout prestataire de services, lorsqu'il se révèle également 'responsable du traitement', au sens de l'article 1er, § 4, de la loi précitée.

                                    Quant aux prestataires agissant en tant que personnes morales, ils devront respecter les exigences du Code des sociétés en matière d'information. Ainsi, l'article 78 du code impose à certaines sociétés commerciales de fournir, dans “tous les actes, factures, publications, lettres, notes de commande et autres documents” les informations suivantes: la dénomination de la société, sa forme, le siège de la société, le numéro d'immatriculation au registre du commerce, ainsi que le siège du tribunal dans le ressort duquel la société a son siège social.

                                    100.On regrettera que les dispositions de ce chapitre n'aient pas été coordonnées avec l'article 12 de la loi du 6 avril 2010 relative aux pratiques du marché et à la protection du consommateur qui dispose que: “pour des services ou des catégories de services, le Roi peut, dans le respect des formes prescrites par l'article 11, § 2, en vue d'assurer la loyauté des transactions commerciales ou la protection du consommateur:

                                      • déterminer quel descriptif, quelles mentions générales des services doivent être communiqués au consommateur et de quelle manière;
                                      • interdire la mise sur le marché des services sous une dénomination déterminée;
                                      • imposer l'emploi d'une dénomination déterminée pour les services qui sont mis sur le marché;
                                      • imposer l'adjonction aux dénominations sous lesquelles les services sont mis sur le marché, de signes, de mots ou de locutions destinés à en préciser le sens;
                                      • interdire l'adjonction de certains signes, mots ou locutions aux dénominations sous lesquelles les services sont mis sur le marché”.
                                      E. Les exigences interdites pour les destinataires

                                      101.L'article 23 de la loi du 26 mars 2010 sur les services interdit de soumettre les destinataires de services à des exigences restreignant leur droit d'utiliser un service fourni par un prestataire ayant son établissement dans un autre Etat membre.

                                      L'article 24 de cette même loi interdit tout traitement discriminatoire, fondé sur la nationalité ou sur la résidence. On se souviendra que, lors du vote de la 'directive services' en première lecture, le Parlement européen s'était exprimé pour interdire les seules discriminations fondées exclusivement ('solely' dans le texte anglais) sur la nationalité ou la résidence. Une telle solution beaucoup plus limitée n'a heureusement pas été retenue. Elle aurait permis à une autorité publique ou à un opérateur privé d'échapper à l'interdiction en accompagnant le critère ouvertement discriminatoire de la nationalité ou de la résidence par des conditions d'autre nature (p. ex., n'aurait pas été prohibée de la sorte, l'application de tarifs différents à des clients non nationaux d'un certain âge ou d'une certaine taille, …).

                                      Cette règle s'applique aux:

                                        • autorités publiques, ce qui résulte déjà explicitement de la jurisprudence de la Cour de justice [75];
                                        • opérateurs privés.

                                        Les exemples de traitements discriminatoires de ce type sont abondants dans la pratique. On peut penser aux obstacles en matière de réception de services télévisuels (cryptés ou en clair) provenant d'un autre Etat membre, aux contrats de téléphonie mobile, aux offres de biens et services sur Internet, aux conditions promotionnelles dans la grande distribution, à la participation à des événements culturels ou sportifs, à l'accès à des sites touristiques ou à des installations sportives, à la location de véhicules, etc.

                                        Sont ainsi prohibés non seulement les traitements discriminatoires en fonction de la nationalité et de la résidence nationale mais également de la résidence locale (dans une région ou une commune, p. ex.), tels que le refus de l'offre d'un service, une limitation spécifique au nombre de clients étrangers ou non-résidents, l'application de tarifs (plus élevés ou moins chers), l'imposition de tout autre genre de conditions différentes (modalités de paiement, garanties, etc.) en fonction de ces critères.

                                        Seront toutefois admis, certains traitements différenciés pour les résidents locaux, s'ils sont justifiés et proportionnés par rapport à une raison objective (on peut penser à un avantage tarifaire directement lié et correspondant à un impôt payé au niveau local). Il s'agit dans ces cas d'un 'traitement différencié' et non pas de 'discrimination' au sens propre du terme. Dans la mesure où un traitement différencié est lié à une situation de départ objectivement différente entre particuliers, il n'en est que la conséquence logique.

                                        De même, l'application par un opérateur privé de prix et conditions différents justifiés par des raisons objectives et qui ne reposent pas sur les critères de la nationalité ou de la résidence (liés à la personne) du client sont également admissibles en raison de leur neutralité. Par exemple, une tarification plus élevée en raison des coûts supplémentaires liés directement à la distance ou des tarifs variables en fonction des marchés ou des différentes saisons ou périodes de vacances. Par exemple, une chaîne d'agences de voyage peut évidemment appliquer des prix sur les paquets touristiques, variables selon la saison, les vacances scolaires ou le marché national où ils sont offerts; toutefois, elle ne pourrait pas moduler les conditions et les prix fixés pour la même offre dans un marché déterminé en fonction de la nationalité ou de l'adresse du client qui se présente à son guichet ou qui fait la réservation via Internet.

                                        102.En outre, sur le plan de la procédure, le texte fait peser sur celui qui voudrait appliquer un traitement différencié la charge d'en prouver la justification et la proportionnalité en démontrant le lien direct (et mesurable) entre le traitement diversifié selon les catégories de clients et les disparités objectives de leurs situations respectives.

                                        IV. Conclusions

                                        103.La transposition de la 'directive services' en Belgique laisse une impression mitigée.

                                        Si l'on compare la situation belge avec celle des autres Etats membres de l'Union européenne, on observe qu'elle s'inscrit dans la tendance générale. Exception faite des états dans lesquels des retards majeurs sont à déplorer, le panorama d'ensemble ne dénote guère par son originalité.

                                        Une loi 'horizontale' a été adoptée conformément au voeu de la Commission européenne (seules l'Allemagne et la France en ont fait l'économie). De timides adaptations ont été opérées au sein des législations et réglementations existantes tandis que de très nombreuses justifications ont été apportées afin de maintenir en l'état un grand nombre de textes.

                                        104.Or, ce double exercice d'écriture de principes généraux et d'adaptation de lois existantes aurait pu conduire à une réforme nettement plus ambitieuse.

                                        La loi horizontale s'articule difficilement avec l'ensemble des textes qui lui préexistent. N'aurait-il pas été judicieux de s'appuyer sur la transposition de la 'directive services' pour repenser de manière plus approfondie la façon dont le droit économique belge est structuré?

                                        Notre droit économique s'apparente à un archipel de règles apparues au gré des problèmes auxquels le législateur a voulu apporter une solution. Les lois s'ajoutent les unes aux autres, constituent des couches successives qui se sédimentent sans un réel plan d'ensemble. Seuls les efforts de la doctrine semblent y apporter un peu de cohérence.

                                        La 'directive services' offrait la possibilité de faire table rase de nombreuses lois obsolètes et de reconstruire un droit économique moderne édifié autour de principes généraux stables [76] et structurés dans un ordre logique et cohérent.

                                        Cet exercice aurait naturellement dépassé la seule transposition 'améliorée' de la 'directive services' pour y inclure la régulation des transactions non seulement des services mais aussi des biens. Le droit de la concurrence y trouvant naturellement sa place.

                                        Une proposition innovante existe pourtant [77], puisse-t-elle servir de modèle pour une intégration harmonieuse et à tête reposée de la 'directive services' en droit belge.

                                        [1] Conseiller général, Service public fédéral Economie, PME, Classes moyennes et Energie. Les opinions exprimées dans le présent article n'engagent que l'auteur.
                                        [2] Entrée en vigueur le 28 décembre 2009.
                                        [3] Pour une vue d'ensemble: L. Idot (dir.), La directive du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur: colloque CRUE (Paris I) - Cour de cassation, Europe, Revue mensuelle du jurisclasseur, p. 3-54.
                                        [4] M.J. Rodrigues (dir.), Vers une société européenne de la connaissance. La stratégie de Lisbonne (2000-2010), Bruxelles, éd. de l'ULB, 2004.
                                        [5] Commission, Une stratégie pour le marché intérieur, Com. (2000) 888.
                                        [6] Rapport de la Commission au Conseil et au Parlement européen, L'état du marché intérieur des services, Com. (2002) 441 final, 30 juillet 2002.
                                        [7] Rapport de la Commission au Conseil et au Parlement européen, L'état du marché intérieur des services, Com. (2002) 441 final, 30 juillet 2002.
                                        [8] Proposition de directive du Parlement et du Conseil relative aux services dans le marché intérieur, Com. (2004) 2 final, 13 janvier 2004, 2004/0001 (COD).
                                        [9] S. Rodrigues, La proposition de directive relative aux services dans le marché intérieur. Entre mythes et réalités, 19 octobre 2005, pp. 27 et 28, www.etudes-europennes.fr .
                                        [10] V. Hatzopoulos, “Que reste-t-il de la directive sur les services?”, CDE 2007, p. 299.
                                        [11] Proposition modifiée de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux services dans le marché intérieur, 4 avril 2006, Com. (2006) 160 final, 2004/0001 (COD), exposé des motifs, p. 2.
                                        [12] Position commune arrêtée par le Conseil en vue de l'adoption de la directive du Parlement et du Conseil relative aux services dans le marché intérieur, (COMPET 152, SOC 294, JUSTCIV 141, CODEC 569, OC 430, Bruxelles, 17 juillet 2006, 10003/06, 2004/0001 (COD).
                                        [13] JOCE L. 376, 27 décembre 2006, p. 36.
                                        [14] Commission, Directive 'Services', 6 juin 2006, http://europa.eu/scadplus/leg/fr .
                                        [15] On observera que cette liste est plus limitée que la liste des raisons impérieuses d'intérêt général applicable dans le domaine de la liberté d'établissement mais aussi plus limitée que ce que la Cour de justice a pu admettre dans le cadre de l'art. 56 TFUE (anciennement art. 49 CE). Sur ce sujet: C. Lemaire, “La directive, la liberté d'établissement et la libre prestation de services. Confirmations, innovations?” in  La directive du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur: colloque CRUE (Paris I) - Cour de cassation, Europe, Revue mensuelle du jurisclasseur, p. 20.
                                        [16] Manuel relatif à la mise en oeuvre de la 'directive services', Office des publications officielles de la Communauté européenne, Luxembourg, 2007.
                                        [17] “Article 3. Les sommes d'argent à payer ou à comptabiliser exprimées en franc belge et à convertir en euro, sont converties en euro et arrondies à la deuxième décimale, conformément aux articles 4 et 5 du règlement du Conseil européen du 17 juin 1997 fixant certaines dispositions relatives à l'introduction de l'euro. (…).

                                        Article 4. Toute somme d'argent à payer ou à comptabiliser, exprimée en euro et à convertir en franc belge, est convertie conformément à l'article 4 du règlement européen susvisé et est arrondie, après conversion, au franc supérieur ou au franc inférieur selon que le nombre après la virgule est supérieur ou égal à cinquante centimes, d'une part, ou inférieur à cinquante centimes, d'autre part.”
                                        [18] Sur cette technique législative, on lira en particulier E. Montero, “Réflexions de synthèse. L'intégration de la directive sur le commerce électronique en droit interne” in Le commerce électronique sur les rails? Analyse et propositions de mise en oeuvre de la directive sur le commerce électronique, Bruxelles, Bruylant, 2001, pp. 31-40.
                                        [19] M. Fallon et A.C. Simon, “La directive 'services': quelle contribution au marché intérieur?”, JTDE 2007, n° 136, p. 33.
                                        [20] D. D'Acunto, “Directive services (2006/123/CE): radiographie juridique en dix points”, RDUE 2007, 2, p. 269.
                                        [21] D. D'Acunto, o.c., p. 268.
                                        [22] E. Montero, “L'intégration de la directive sur le commerce électronique en droit interne” in Le commerce électronique européen sur les rails? Analyse et propositions de mises en oeuvre de la directive sur le commerce électronique, Cahiers du CRID, n° 19, Bruxelles, Bruylant, 2001, pp. 31-39.
                                        [23] L. Simont, “Tendances et fonctions actuelles du droit des contrats” in La renaissance du phénomène contractuel, C.D.V.A., 1971, p. 487, spéc. p. 494.
                                        [24] P. Van Ommeslaghe, “Le consumérisme et le droit des obligations conventionnelles: révolution, évolution ou statu quo?” in Hommage à Jacques Heenen, Bruxelles, Bruylant, 1994, p. 520, n° 6.
                                        [25] Considérant 105, qui précise que“La coopération administrative est indispensable pour assurer le bon fonctionnement du marché intérieur des services. L'absence de coopération entre les Etats membres aboutit à une prolifération de dispositions applicables aux prestataires ou à la duplication des contrôles des activités transfrontalières et peut également être utilisée par des opérateurs économiques malhonnêtes pour se soustraire aux contrôles ou contourner les dispositions nationales applicables aux services. Il est donc essentiel de prévoir des obligations claires et contraignantes afin de permettre aux Etats membres de coopérer efficacement”.
                                        [26] Conseil d'Etat, Principes de technique législative. Guide de rédaction des textes législatifs et réglementaires, 2008, p. 115.
                                        [27] Commission de la protection de la vie privée, avis n° 25/2009 du 2 septembre 2009 relatif à l'avant-projet de loi transposant la directive 2006/123 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur.
                                        [28] D. D'Acunto, o.c., p. 318.
                                        [29] Sauf dans les cas prévus par les art. 16 (ordre, sécurité et santé publics ou protection de l'environnement) et 17 de la 'directive services'.
                                        [30] Hormis l'hypothèse d'une demande de l'état d'établissement.
                                        [31] D. D'Acunto, o.c., p. 318.
                                        [32] B. Van Ormelingen, “Le domaine de la directive 2006/123/CE relative aux services dans le marché intérieur”, Ann.dr.Louvain 2006, pp. 339-403.
                                        [33] Art. 6, § 1er, VI, al. 3 à 5, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réforme institutionnelle.
                                        [34] P. Demaret, “Mondialisation et accès aux marchés. L'accès au marché des services réglementés: la libéralisation du commerce des services dans le cadre du traité CE”, RIDE 2002, p. 263.
                                        [35] C. Prieto, “Liberté d'établissement et de prestation de services”, Rev.trim.dr.europ.2004, n° 3, p. 541.
                                        [36] CJCE 5 octobre 1988, n° 196/87, Steymann.
                                        [37] CJCE 10 janvier 2006, C-222/04, Cassa di Risparmio di Firenze.
                                        [38] B. Van Ormelingen, “Le domaine de la directive 2006/123/CE relative aux services dans le marché intérieur”, Ann.dr.Louvain 2006, pp. 339-403.
                                        [39] M. Fallon, Droit matériel général de l'Union européenne, 2e éd., Louvain-la-Neuve, Bruylant, 2002, p. 163.
                                        [40] M. Fallon, o.c., p. 164 et CJCE 13 avril 2000, C-76/96, Lethonen.
                                        [41] Voy. notamment les art. 4 à 14 de la loi qui imposent des obligations à l'autorité et qui par conséquent génèrent des droits dans le chef des prestataires de services aux bénéfices desquels ces obligations sont imposées.
                                        [42] Voy. notamment les art. 18 à 22 de la loi.
                                        [43] Considérant 38.
                                        [44] Voy. à ce sujet les conclusions présentées par l'avocat général Van Gerven le 9 février 1994, dans le cadre de l'affaire C-18/93, Corsica Ferries (arrêt du 9 novembre 1994), p. 20: “Il faut également rappeler dans ce contexte la précision que le programme général de suppression des restrictions à la libre prestation des services - programme qui, comme la Cour l'a souligné à plusieurs reprises, comporte des indications utiles pour la mise en oeuvre des dispositions du traité relatives à la libre prestation des services - apporte quant à la question de savoir quelles sociétés sont les bénéficiaires de la suppression des restrictions à la libre prestation des services. Il s'agit des sociétés constituées en conformité de la législation d'un Etat membre et ayant leur siège statutaire, leur administration centrale ou leur principal établissement à l'intérieur de la Communauté à condition que, dans le cas où elles n'ont que leur siège statutaire à l'intérieur de la Communauté, leur activité présente un lien effectif et continu avec l'économie d'un Etat membre, étant exclu que ce lien puisse dépendre de la nationalité, notamment des associés ou des membres des organes de gestion ou de surveillance ou de personnes détenant le capital social.”
                                        [45] Pour une opinion différente mais fondée sur le projet de loi dans une version sensiblement différente, lire H. Swennen, “De toegang tot de markt” in Actes du colloque “Codification de la législation économique”, Service public fédéral Economie, PME, Classes moyennes et Energie, Bruxelles, 2009, p. 239.
                                        [46] O.c., p. 39.
                                        [47] Depuis l'arrêt du 31 janvier 1984, aff. jointes 286/82 et 26/83, Luisi et Carbone, p. 16, jusqu'à plus récemment l'arrêt du 19 avril 2007, C-444/05, Stamatelaki, p. 20.
                                        [48] Voy. p. ex. l'art. 2 de la loi du 6 avril 2010 relative aux pratiques du marché et à la protection du consommateur.
                                        [49] “La (proposition de) directive relative aux services dans le marché intérieur, qui ne s'applique qu'aux services au sens de la jurisprudence de la Cour de justice fondée sur l'article 50 du traité CE, ne modifie pas le tracé de cette frontière entre les activités soumises aux règles du traité et les activités qui y échappent. Elle ne modifie pas non plus le rôle important et délicat qu'assument, pour définir cette frontière, la Commission européenne et la Cour de justice” (O. De Schutter et S. Francq, “La proposition de directive relative aux services dans le marché intérieur: reconnaissance mutuelle, harmonisation et conflits de lois dans l'Europe élargie”, CDE 2005, nos 1-2, p. 636).
                                        [50] R. M. Jennar, “La proposition de directive Bolkestein”, C.H.CRISP 2005, nos 1890-1891, p. 19.
                                        [51] O. De Schutter et S. Francq, “La proposition de directive relative aux services dans le marché intérieur: reconnaissance mutuelle, harmonisation et conflits de lois dans l'Europe élargie”, CDE 2005, pp. 634 et 635.
                                        [52] Directive 2002/19/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à l'accès aux réseaux de communications électroniques et aux ressources associées, ainsi qu'à leur interconnexion, JO L. 108, 24 avril 2002, p. 7; directive 2002/20/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à l'autorisation de réseaux et de services de communications électroniques, JO L. 108, 24 avril 2002, p. 21; directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques, JO L. 108, 24 avril 2002, p. 33; directive 2002/22/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques, JO L. 108, 24 avril 2002, p. 51 et directive 2002/58/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 juillet 2002 concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des communications électroniques, JO L. 201, 31 juillet 2002, p. 37, modifiée par la directive 2006/24/CE, JO L. 105, 13 avril 2006, p. 54.
                                        [53] S. D'Acunto, “La proposition de directive sur les services dans le marché intérieur”, RMC 2/2004, p. 207, note 10.
                                        [54] Sur cette question, lire G. Druesne, Droit de l'Union européenne et politiques communautaires, 7ème éd., Paris, Presses Universitaires de France, 2002, p. 197.
                                        [55] R.M. Jennar, “La proposition de directive Bolkestein”, o.c., p. 11.
                                        [56] Proposition de directive du 13 janvier 2004, exposé des motifs, point 5, p. 13.
                                        [57] Ibid.
                                        [58] S. D'Acunto, o.c., p. 212.
                                        [59] Proposition de directive modifiée du 4 avril 2006, exposé des motifs, point 3.1., p. 6.
                                        [60] Ibid.
                                        [61] Alors que les services audiovisuels et la radiodiffusion sont exclus du champ d'application de la directive à l'art. 2, § 2, g).
                                        [62] Considérant 30 de la directive.
                                        [63] “Lorsqu'une autorisation est requise pour l'accès à une activité de service et son exercice, celle-ci doit respecter les conditions suivantes:

                                        1° le régime d'autorisation n'est pas discriminatoire à l'égard du prestataire visé;

                                        2° la nécessité d'un régime d'autorisation est justifié par une raison impérieuse d'intérêt général;

                                        3° l'objectif poursuivi ne peut pas être réalisé par une mesure moins contraignante, notamment parce qu'un contrôle a posteriori interviendrait trop tardivement pour avoir une efficacité réelle.”
                                        [64] Rappelons que dans le cadre de la libre prestation de services, une telle obligation est interdite en vertu de l'art. 16 de la 'directive services' et dans les conditions fixées par ce même art. 16.
                                        [65] Doc.parl. Ch. repr., sess. ord. 2009-10, 52-2338, p. 39.
                                        [66] Comparez par exemple avec l'art. 4 de la loi du 11 mars 2003 sur certains aspects juridiques des services de la société de l'information: “L'accès à l'activité d'un prestataire de services de la société de l'information et l'exercice de celle-ci ne sont soumis à aucune autorisation préalable, ni à aucune autre exigence ayant un effet équivalent.”
                                        [67] P. Quertainmont, Droit public économique, Bruxelles, 4ème éd., 2007, p. 38.
                                        [68] O.c., p. 26.
                                        [69] Lire à ce sujet, P. Goffaux, Dictionnaire élémentaire de droit administratif, Bruxelles, Bruylant, 2006, p. 267.
                                        [70] Art. 7 de la loi du 26 mars 2010 sur les services.
                                        [71] CJCE 22 janvier 2002, C-390/99, Canal Satellite, point 36.
                                        [72] I. Opdebeek, Rechtsbescherming tegen het stilzitten van het bestuur, Bruges, die Keure, 1992, p. 221, nos 441 et s.
                                        [73] M.D. Garabiol-Furet, “Plaidoyer pour le principe du pays d'origine”, Revue du Marché commun et de l'Union européenne, n° 495, février 2006.
                                        [74] En fait, avant de supprimer le principe du pays d'origine dans la 'directive services', le Parlement européen en avait soutenu l'idée dans sa résolution du 13 février 2003 sur la communication de la Commission“Réactualisation 2002 sur la stratégie pour le marché intérieur - Tenir les engagements”: le Parlement européen “insiste pour que le Conseil Compétitivité réaffirme le respect des Etats membres des principes du pays d'origine et de la reconnaissance mutuelle, en tant que base essentielle pour l'achèvement du marché intérieur des biens et des services” et “se félicite des propositions visant à créer un instrument horizontal pour garantir la libre circulation des services sous forme de reconnaissance mutuelle (reconnaissance dont le caractère automatique doit être promu dans toute la mesure du possible), de coopération administrative et, lorsque cela est strictement nécessaire, en recourant à l'harmonisation”.
                                        [75] CJCE 16 janvier 2003, C-388/01, Comm. / Italie, musées.
                                        [76] G. Horsmans, “Le droit économique. Quel contenu pour quels principes généraux? ou le cadre normatif de la démarche plurielle” in Actes du colloque “Codification de la législation économique”, o.c. , p. 97.
                                        [77] K. Byttebier, R. Feltkamp et F. Vanbossele, “Naar een wetboek economisch recht” in Actes du colloque “Codification de la législation économique”, o.c. , p. 15.