PRATIQUES DU COMMERCE
GénéralitésComme nous l'annoncions dans un précédent numéro de cette revue [1], c'est finalement dans l'urgence que la loi du 6 avril 2010 relative aux pratiques du marché et à la protection du consommateur a été adoptée. La loi est entrée en vigueur ce 12 mai 2010 et remplace la loi du 14 juillet 1991 sur les pratiques du commerce. Si la nouvelle loi reprend sans changement les dispositions déjà introduites en vue de transposer la directive 2005/29/CE sur les pratiques commerciales déloyales, elle apporte des modifications significatives dans d'autres secteurs réglementés par la loi.
En voici les aspects principaux.
1.Jusqu'à ce jour, les réductions de prix ne pouvaient être annoncées que par référence à un prix pratiqué de manière continue pendant le mois qui précède la vente à prix réduit. L'obligation de pouvoir justifier une telle annonce par référence à un prix appliqué précédemment est maintenue, mais ce prix de référence sera dorénavant le prix le plus bas pratiqué durant le mois qui précède le début de la réduction. Cette nouvelle règle, plus souple, permet ainsi à l'entreprise de modifier librement son prix pendant le mois de référence.
L'ancienne loi sur les pratiques du commerce imposait par ailleurs le choix entre quatre modalités pour indiquer la réduction. Cette limitation est abandonnée, si bien que les entreprises peuvent annoncer leurs réductions de prix en ayant recours à d'autres formules, par exemple en indiquant le montant de la réduction.
2.La réglementation sur la vente à perte est simplifiée et, par certains aspects, assouplie. L'interdiction de revendre un produit en dessous de son prix d'approvisionnement est maintenue à tous les stades de la distribution. Les remises et ristournes qui présentent un caractère certain au moment de la vente peuvent toujours être déduites du prix d'approvisionnement. La simplification vient de la suppression par le législateur de l'interdiction de la vente à perte dite assimilée, c'est-à-dire celle qui ne procurait qu'une marge bénéficiaire extrêmement réduite, compte tenu notamment des frais généraux de l'entreprise.
L'interdiction n'est pas absolue, puisque dans certains cas, l'entreprise peut vendre à perte, notamment dans le cadre des ventes en liquidation, pendant les soldes ou encore en raison des nécessités de la concurrence en alignant son prix. L'alignement peut se faire par rapport au prix pratiqué par un seul concurrent et pour des biens concurrents non identiques, ce qui n'était pas admis précédemment.
3.La nouvelle loi maintient la réglementation sur les soldes qui prévoit deux périodes, à savoir les soldes d'été (du 1er au 31 juillet) et les soldes d'hiver (du 3 au 31 janvier).
Alors que précédemment, la réglementation des soldes se limitait à certaines catégories de produits vendus dans les locaux de l'entreprise, elle est étendue à présent à tous les biens et quelle que soit la technique de vente. Pourront ainsi annoncer des soldes les entreprises de ventes à distance, sur internet ou au domicile du consommateur. Les entreprises auront aussi la possibilité de déplacer les produits vendus d'un point de vente à l'autre et de vendre en solde leurs anciens stocks composés d'articles qui n'ont pas été mis en vente durant le mois précédant les soldes. Enfin, pendant la période des soldes, les entreprises pourront aussi annoncer des réductions de prix successives ou dégressives, ce qui était en principe interdit précédemment.
Le prix de référence d'un bien vendu en solde est le prix le plus bas pratiqué durant le mois précédant les soldes, si le bien était offert en vente durant ce mois. Dans le cas contraire, le prix de référence est le prix le plus bas jamais appliqué par l'entreprise.
Malgré les critiques émises sur la conformité au regard du droit européen, les deux périodes d'attente avant les soldes (pendant lesquelles il est interdit d'annoncer des réductions de prix ou de distribuer des bons de réduction) ont été maintenues. Leur durée a cependant été réduite, puisqu'elles ne débuteront qu'à partir du 6 décembre pour les soldes d'hiver et du 6 juin pour les soldes d'été. Elles ne s'imposeront par ailleurs qu'aux entreprises actives dans les secteurs des vêtements, des chaussures et de la maroquinerie.
4.Dans le prolongement des arrêts rendus les 23 avril 2009 et 14 janvier 2010 par la Cour de justice de l'Union européenne, le législateur belge a supprimé l'interdiction de principe des offres conjointes. Les offres avec prime doivent dorénavant être appréciées au cas par cas au regard des seuls critères légaux qui déterminent si une pratique est agressive, trompeuse ou déloyale. L'abrogation de l'interdiction entraîne aussi celle des exceptions. Il n'existe donc plus de limitation quant à la nature ou à la valeur des primes ou des avantages liés à une obligation d'achat.
Comme la directive 2005/29/CE l'y autorisait, le législateur belge a introduit une exception pour les services financiers, lesquels couvrent tous les services liés à la banque, au crédit, à l'assurance, aux retraites individuelles, aux investissements et aux paiements. L'interdiction de principe de pratiquer des offres conjointes est maintenue dans ce domaine, peu importe que le service financier soit offert à titre de prime ou qu'il constitue l'opération principale. Dans ce dernier cas, la loi prévoit toutefois un certain nombre d'exceptions reprises de celles admises dans l'ancienne réglementation et adaptées au secteur.
5.Le législateur a également allongé, pour les contrats à distance, le délai de rétractation, qui passe de sept jours ouvrables à quatorze jours calendrier. Il s'agit là d'une anticipation faite sur la proposition de directive sur les droits des consommateurs actuellement à l'étude. La deuxième modification significative est la suppression de l'interdiction d'exiger du consommateur un paiement avant l'expiration du délai de rétractation. Les entreprises ne sont donc plus obligées de proposer, parmi les modalités de vente, au moins un mode de paiement permettant à l'acheteur de payer après l'expiration du délai de réflexion. Elles pourront désormais exiger un paiement préalable avant toute livraison.
Enfin, la loi interdit aux entreprises lors de la conclusion d'un contrat sur Internet d'avoir recours à des options par défaut. Autrement dit, les options opt out ou les cases pré-cochées ne pourront plus engager le consommateur, s'il n'a pas manifesté expressément et d'une autre manière le souhait d'acquérir un bien ou un service supplémentaire en option. Cette interdiction est toutefois limitée aux ventes sur internet et ne s'étend pas aux contrats conclus sur d'autres supports.
6.Enfin, si l'action en cessation devant le président du tribunal de commerce est toujours maintenue, elle ne pourra plus être intentée contre l'auteur d'une infraction commise plus d'un an avant l'introduction de l'action. Pour les mêmes motifs, les demandes reconventionnelles fondées sur une infraction à la loi devront être introduites dans l'année sous peine d'être prescrites.
Lorsque le président du tribunal de commerce ordonne une mesure de cessation, il pourra dorénavant fixer un délai dans lequel le contrevenant devra s'y conformer. S'il accorde une mesure de publicité, il peut même prévoir le montant que le bénéficiaire de la mesure devra payer dans le cas où il fait exécuter la mesure de publicité qui est, par la suite, annulée dans le cadre d'un recours.
[1] | Cf. RDC 2010, n° 3, p. 283. |