Article

Cour de cassation, 19/02/2009, R.D.C.-T.B.H., 2010/7, p. 621-623

Cour de cassation 19 février 2009

INSOLVABILITE
Faillite - Droits des créanciers - Vente immédiate de biens sujets à dépérissement prochain - Vente du fonds de commerce - Autorisation du juge-commissaire - Tient compte des droits des tiers sur ce fonds de commerce
A l'occasion de l'autorisation donnée à la valorisation des actifs sujets à dépérissement prochain, à dépréciation imminente ou dont le coût de conservation est trop élevé compte tenu des actifs de la faillite, le juge-commissaire doit examiner si les droits des tiers sont susceptibles d'être affectés par la cession litigieuse.
La demanderesse, propriétaire du fonds de commerce loué à la société faillie et locataire principale de l'immeuble également loué à cette société, se prévaut de ce que “le bail cédé tout comme la convention de location du fonds de commerce interdisent la cession sans autorisation écrite et préalable du bailleur” et que “l'autorisation de céder le droit à la clientèle et l'enseigne, qui font partie du fonds de commerce, a été refusée, seule leur utilisation étant permise s'agissant d'un élément repris au contrat de location dudit fonds de commerce”.
La décision concernant la vente de ces contrats doit examiner l'incidence des clauses interdisant la cession et la sous-location des baux sur la vente de ces contrats.
INSOLVENTIE
Faillissement - Rechten van de schuldeisers - Onmiddellijke verkoop van goederen die snel in waarde verminderen - Verkoop handelszaak - Machtiging van de rechter-commissaris - Rekening houden met rechten van derden op deze handelszaak
Op het ogenblik waarop de rechter-commissaris machtiging verleent voor de verkoop van goederen die onderhevig zijn aan snelle waardevermindering of waarvan de kosten voor bewaring te hoog zijn in vergelijking met de activa van het faillissement, dient hij te onderzoeken of de rechten van derden kunnen worden aangetast door deze overdracht.
De verzoekster, eigenaar van het handelsfonds dat werd verhuurd aan de failliete vennootschap en eveneens hoofdverhuurder van het pand dat aan deze vennootschap werd verhuurd, beroept zich op het feit dat zowel de huurovereenkomst inzake het pand als de huurovereenkomst inzake het handelsfonds verbieden dat de overeenkomst wordt overgedragen zonder voorafgaande en geschreven toestemming van de verhuurder” en dat “de toestemming om het recht op het cliënteel en de handelsnaam, die deel uitmaken van de handelszaak, over te dragen, geweigerd werd en enkel het gebruik ervan werd toegestaan wanneer dit betrekking had op een element van het huurcontract van de betreffende handelszaak”.
De beslissing met betrekking tot de verkoop van de betreffende contracten moet onderzoeken wat de invloed is van clausules die de overdracht en de onderverhuring verbieden.

SA Unibox Games / D. Grignard, avocat et J.-P. Hougardy, expert-comptable, curateurs à la faillite de la SA ATBR Invest, SPRL Gapas

Siég.: P. Mathieu (président de section), D. Batselé, D. Plas, Ch. Matray et M. Regout (conseillers)
MP: Ph. de Koster (avocat général délégué)
Pl.: Me J. Oosterbosch
I. La procédure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirigé contre le jugement rendu par le tribunal de commerce de Liège le 5 mars 2007 statuant en dernier ressort.

Le conseiller Christine Matray a fait rapport.

L'avocat général délégué Philippe de Koster a conclu.

II. Le moyen de cassation

La demanderesse présente un moyen libellé dans les termes suivants:

Dispositions légales violées

- articles 37 et 49 de la loi du 8 août 1997 sur les faillites;

- article 10 de la loi du 30 avril 1951 sur les baux commerciaux;

- articles 1134, 1165 et 1717, 1er alinéa, du Code civil;

- article 149 de la Constitution.

Décisions et motifs critiqués

Le jugement attaqué reçoit la tierce opposition de la demanderesse mais l'en déboute et, partant, refuse de mettre à néant l'ordonnance du 10 janvier 2007, pour tous ses motifs réputés ici intégralement reproduits et, en particulier, aux motifs que:

“La (demanderesse) invoque les moyens suivants:

- elle n'a pas été avertie de l'opération querellée en sa qualité de propriétaire du fonds de commerce et de locataire principal de l'immeuble;

- le bail cédé tout comme la convention de location du fonds de commerce interdisent la cession sans autorisation préalable et écrite du bailleur;

- en agissant de la sorte, les curateurs ne se sont pas souciés des intérêts du bailleur ni du sort à réserver à certaines procédures dans lesquelles tant le bailleur que la société faillie sont impliqués (...);

- les arguments développés par la (demanderesse) ne peuvent être suivis.

Le juge-commissaire a fait une exacte application de l'article 49 de la loi sur les faillites en visant justement le fait que le fonds de commerce n'appartenait pas à la société faillie (de sorte qu'une poursuite d'activités ne pouvait être envisagée, dès lors qu'elle n'en était que locataire).

Le magistrat a également relevé que le cessionnaire avait expressément déclaré avoir obtenu l'accord du bailleur sur la convention querellée et la dispense de notification visée à l'article 10 de la loi sur les baux commerciaux.

(La demanderesse) paraît oublier que l'autorisation de céder le droit à la clientèle et l'enseigne, qui font partie du fonds de commerce, a été refusé(e). Seule leur utilisation étant permise s'agissant d'un élément repris au contrat de location dudit fonds de commerce.

(La demanderesse) est évidemment un tiers à la convention conclue par la curatelle et sur laquelle elle prétend n'avoir pas marqué son accord: il lui est loisible de faire valoir ses droits dans le cadre d'un débat judiciaire étranger au présent.”

Griefs
Première branche

L'article 49 de la loi du 8 août 1997 sur les faillites dispose, à l'instar de l'ancien article 477 du Code de commerce, que les curateurs peuvent, sur l'autorisation du juge-commissaire, vendre immédiatement les actifs sujets à dépérissement prochain ou à dépréciation imminente.

L'article 37 de ladite loi prévoit que l'ordonnance du juge-commissaire autorisant pareille vente est, comme tout jugement prononcé en matière de faillite, susceptible de recours conformément au Code judiciaire, en ce compris la tierce opposition d'une partie dont les droits sont ainsi lésés. A peine de vider ce recours de toute substance, il s'impose dans ce cadre d'examiner si les droits du tiers opposant sont susceptibles d'être affectés par l'opération envisagée.

Si le bail de location de l'immeuble commercial et le bail de location du fonds de commerce peuvent, en soi, être considérés comme des actifs valorisables dans le chef de la société faillie, il y a nécessairement lieu, aux termes de l'article 49 précité, d'appréhender ces actifs dans l'état où ils se trouvent dans le patrimoine de cette société, soit, s'agissant de baux, avec les clauses en interdisant la cession et la sous-location en l'absence d'accord du bailleur, clauses dont le jugement attaqué ne conteste pas l'existence en l'espèce.

Pareilles clauses sont licites, tant en matière de bail commercial que de bail de droit commun, en vertu des articles 10 de la loi du 30 avril 1951 sur les baux commerciaux et 1717, 1er alinéa, du Code civil, et font dès lors la loi des parties selon l'article 1134 du même code. La circonstance que le preneur soit déclaré en faillite n'y fait pas obstacle et aucune disposition de la loi du 8 août 1997 sur les faillites n'autorise l'éviction de semblables clauses.

Le jugement attaqué, qui refuse d'examiner l'incidence des clauses interdisant la cession et la sous-location des baux sur la vente de ces contrats par les curateurs, méconnaît dès lors les articles 10 de la loi du 30 avril 1951 sur les baux commerciaux et 1134 et 1717, 1er alinéa, du Code civil, ainsi que l'article 49 de la loi du 8 août 1997 sur les faillites dès lors qu'il n'examine pas toutes les caractéristiques juridiques des actifs dont, par application de cette disposition, il autorise la cession. Ce faisant, il vide de toute substance la tierce opposition que l'article 37 de ladite loi permet à la demanderesse d'exercer et viole, partant, cette disposition.

Deuxième branche

Le jugement attaqué épingle, parmi les clauses de la convention de cession du 29 décembre 2006 qu'il reproduit, celle selon laquelle “le cessionnaire déclare avoir obtenu l'accord du bailleur Unibox sur la cession et dispenser les cédants de la notification prévue à l'article 10 de la loi sur les baux commerciaux”, tout en constatant que la demanderesse “est évidemment un tiers à la convention conclue par la curatelle et sur laquelle elle prétend n'avoir pas marqué son accord”.

La demanderesse étant un tiers à cette convention, celle-ci n'a point d'effet à son égard et ne peut lui nuire, en vertu de l'article 1165 du Code civil et du principe de la relativité des conventions qu'il consacre.

Si le jugement attaqué doit être lu comme justifiant son refus d'examiner les droits de la demanderesse par la considération que le cessionnaire a “déclar(é) avoir obtenu (son) accord” sur la cession, alors qu'à l'aune de la disposition précitée, les droits d'un tiers à une convention ne sont assurément pas préservés du simple fait que l'une des parties déclare avoir obtenu l'accord de ce tiers sur l'opération que la convention réalise, il viole l'article 1165 du Code civil et le principe de la relativité des conventions qu'il consacre.

Troisième branche

En toute hypothèse, le jugement attaqué, qui n'explique pas en quoi les clauses interdisant la cession des baux ne font pas obstacle à l'opération envisagée ni pourquoi il rejette les moyens de la demanderesse pris, d'une part, de l'absence de propriété des actifs en cause dans le chef de la société faillie et, d'autre part, de ce que la loi sur les faillites n'exclut pas l'application des dispositions impératives de la loi sur les baux commerciaux, n'est pas régulièrement motivé (violation de l'art. 149 de la Constitution).

III. La décision de la Cour
Quant à la première branche

L'article 49 de la loi du 8 août 1997 sur les faillites dispose que les curateurs peuvent, nonobstant tout recours contre le jugement déclaratif de faillite et sur l'autorisation du juge-commissaire, vendre immédiatement les actifs sujets à dépérissement prochain, à dépréciation imminente, ou si le coût de la conservation des biens est trop élevé compte tenu des actifs de la faillite.

A l'occasion de l'autorisation donnée à la valorisation de tels actifs, le juge doit cependant examiner si les droits du tiers opposant sont susceptibles d'être affectés par la cession litigieuse.

Le jugement attaqué constate que la demanderesse, propriétaire du fonds de commerce loué à la société faillie et locataire principale de l'immeuble également loué à cette société, se prévaut de ce que “le bail cédé tout comme la convention de location du fonds de commerce interdisent la cession sans autorisation écrite et préalable du bailleur” et que “l'autorisation de céder le droit à la clientèle et l'enseigne, qui font partie du fonds de commerce, a été refusée, seule leur utilisation étant permise s'agissant d'un élément repris au contrat de location dudit fonds de commerce”.

Il considère que “le fonds de commerce n'appartenait pas à la société faillie de sorte qu'une poursuite d'activités ne pouvait être envisagée”, que “le cessionnaire avait expressément déclaré avoir obtenu l'accord du bailleur”, que la demanderesse “est évidemment un tiers à la convention conclue avec la curatelle et sur laquelle elle prétend n'avoir pas marqué son accord” et qu'il “lui est loisible de faire valoir ses droits dans le cadre d'un débat judiciaire étranger au présent”.

Ni par ces considérations ni par aucune autre le jugement attaqué n'examine l'incidence des clauses interdisant la cession et la sous-location des baux sur la vente de ces contrats.

Il ne justifie dès lors pas légalement sa décision que la tierce opposition n'est pas fondée.

Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, est fondé.

Par ces motifs,

La Cour

Casse le jugement attaqué;

Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge du jugement cassé;

Réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond;

Renvoie la cause devant le tribunal de commerce de Huy.

(…)