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Cour d'appel Liège, 09/01/2009, R.D.C.-T.B.H., 2010/6, p. 516-518

Cour d'appel de Liège 9 janvier 2009

INTERMEDIAIRES COMMERCIAUX
Concession - Concession de vente - Franchise - Distinction entre la concession de vente et la franchise - Conditions d'application éventuelle de la loi du 27 juillet 1961 à un contrat de franchise
De façon générale, le contrat de franchise se caractérise par le fait que le franchiseur procure au franchisé une méthode originale d'exploitation de son entreprise en lui concédant son savoir-faire.
Lorsque l'enseigne, l'assistance et le savoir-faire ne sont que les accessoires du droit d'acheter, la loi du 27 juillet 1961 relative à la résiliation unilatérale des concessions de vente exclusive à durée indéterminée est susceptible de s'appliquer. L'application de cette loi doit être écartée au profit du droit commun dès lors que l'intégration du know-how, de l'agencement et du système de vente du franchiseur se révéla déterminante dans la volonté du franchisé de faire partie du réseau du franchiseur et que le contrat conclu entre parties implique une collaboration beaucoup plus étroite que celle qu'entraîne la simple concession.
TUSSENPERSONEN (HANDEL)
Concessie - Verkoopconcessie - Franchising - Verschil tussen verkoopconcessie en franchising - Eventuele toepassingsvoorwaarden van de wet van 27 juli 1961 op een franchiseovereenkomst
Over het algemeen wordt de franchiseovereenkomst gekenmerkt door het feit dat de franchisegever aan de franchisenemer een originele methode van uitbating van zijn onderneming overmaakt door aan deze laatste een knowhow te verlenen.
Wanneer het uithangbord, de bijstand en de knowhow slechts accessoir zijn aan het recht om te kopen, kan de wet van 27 juli 1961 betreffende eenzijdige beëindiging van de voor onbepaalde tijd verleende concessies van alleenverkoop van toepassing zijn. De toepassing van deze wet zal moeten wijken ten gunste van het gemeen recht wanneer blijkt dat de integratie van de knowhow, van de inrichting en van het verkoopsysteem van de franchisegever als determinant werd beschouwd door de franchisenemer in zijn wil om deel uit te maken van het netwerk van de franchisegever, en wanneer de afgesloten overeenkomst een samenwerking impliceert tussen de partijen die veel verder gedreven is dan in een gewone concessieovereenkomst.

SPRL Michel Fettweis / SA Premaman

Siég.: M. Ligot (président)
Pl.: Mes J.-M. Rikkers et W. De Kesel

Le 10 janvier 2007, la SPRL Saperlipopette interjette appel du jugement rendu le 5 décembre 2006 par le tribunal de commerce de Verviers qui statue sur l'action qu'elle avait introduite par citation du 1er mars 2006 contre la SA Prémaman et sur la demande reconventionnelle formée par celle-ci. (…)

Les premiers juges ont décidé

- “que le contrat conclu n'est pas un contrat de concession exclusive de vente (et) que la qualification donnée au contrat correspond aux obligations souscrites par les parties” (pp. 7 et 8);

- “qu'il y a eu aussi des attitudes inadéquates de la part des deux parties; que la rupture des relations contractuelles pouvait être considérée comme justifiée par les deux parties, chacune ayant des griefs pour ce faire (et) que le fait que la rupture ait été brutalement décidée par (…) Saperlipopette ne change pas fondamentalement la nature du problème” (p. 9);

- “qu'il n'y a pas à proprement parler de faute de la part de l'une ou l'autre des parties; que chacune des parties avait intérêt à ce que le contrat souscrit soit rentable; que l'échec de cet objectif n'implique pas en soi une faute (et) que même si la décision de fermeture (prise par) Saperlipopette a surpris Prémaman, il reste que les difficultés de livraison conduisaient à cette issue” (p. 10).

En conséquence, ils ont rejeté les prétentions respectives des parties sauf pour ce qui concerne le solde de compte de 27.550,98 EUR que Saperlipopette est condamnée à rembourser à Prémaman avec les intérêts au taux légal à dater du 13 avril 2006. Chacune des parties doit supporter la charge de ses propres dépens.

Discussion

Le jugement dont appel doit être, dans ses grandes lignes, approuvé.

C'est à bon droit que le tribunal a considéré que le contrat qui liait les parties ne constituait pas un contrat de concession de vente.

Dans le contrat qualifié de consignation du 8 mars 2001 et ses annexes relatives à la clause d'exclusivité et à la garantie bancaire, Prémaman se qualifie elle-même de franchiseur tandis que Saperlipopette est qualifiée de 'consignataire' et dans son courrier du 8 mai 2005, l'époux de la gérante de Saperlipopette, qui se présente comme un spécialiste de la matière, fait très clairement référence à des relations entre franchiseur et franchisé. Il en va de même dans des courriers des 22 et 29 juillet 2005.

Le contrat du 8 mars 2001 porte dans son préambule que

- “Prémaman a acquis un know-how très important dans le domaine de la vente des produits destinés à la future maman, au bébé et à l'enfant;

- Prémaman a acquis une longue expérience dans la vente de tous autres articles qu'elle représente dans les catalogues qu'elle destine à sa clientèle;

- Prémaman diffuse ses produits par l'intermédiaire d'un réseau de magasins exploités soit directement, soit par des consignataires;

- Prémaman est titulaire du droit de propriété sur les marques Prémaman qui ont été déposées, soit au Benelux, soit international, et qui sont apposées sur les produits Prémaman;

- Prémaman bénéficie d'une excellente image de marque en Belgique et à l'étranger, à la fois pour ses produits, sa réputation commerciale, son savoir-faire et l'importance de sa clientèle actuelle et potentielle;

- la SPRL Saperlipopette désire ouvrir et exploiter un magasin, avec l'aide et le know-how de Prémaman...”.

“L'accord de franchise est le contrat qui associe une entreprise, le franchiseur, propriétaire d'une marque ou d'une enseigne, à un ou plusieurs commerçants indépendants, les franchisés. En contrepartie d'une rémunération, le franchiseur met à la disposition du franchisé cette marque ou cette enseigne, ses produits, son savoir-faire et une assistance technique. La franchise implique notamment:

- la propriété ou le droit d'usage par le franchiseur de signes de ralliement de la clientèle: marque de fabrique, de commerce ou de services, enseigne, raison sociale, signes et symboles, logos;

- la transmission par le franchiseur de son expérience et de son savoir-faire au franchisé;

- la fourniture par le franchiseur au franchisé d'une assistance commerciale ou technique pendant toute la durée du contrat;

- le respect des normes du franchiseur par les franchisés.

De façon générale, le contrat de franchise se caractérise par le fait que le franchiseur procure au franchisé une méthode originale d'exploitation de son entreprise en lui concédant son savoir-faire. L'uniformisation poussée des méthodes de vente et la transmission du savoir-faire ont pour objet et pour effet de donner des franchisés la même image vis-à-vis de l'extérieur: ceux-ci utilisent en effet toujours le même nom commercial et d'habitude aussi les mêmes slogans, les mêmes enseignes, la même décoration, les mêmes compositions et volumes d'assortiments” (D. Matray, Les contrats commerciaux, CUP, janvier 2000, n° 46, p. 79).

Le contrat de franchise est donc un contrat autonome, dont l'objet principal est la fourniture d'un savoir-faire et qui implique une collaboration très étroite entre les parties, particularité que l'on ne retrouve pas dans le contrat de concession de vente (M. Wagemans, RPDB, Compl. IX, Ventes, concession exclusive de, n° 113, p. 925).

Dès lors que “l'enseigne, le savoir-faire et l'assistance cèdent le pas au droit d'acheter et n'en sont en vérité que l'accessoire”, la loi du 27 juillet 1961 relative à la résiliation unilatérale des concessions de vente exclusive à durée indéterminée est susceptible de s'appliquer (Liège 4 juin 1991, RRD 1992, p. 241; Liège 19 mars 1998, RDC 1999, 278).

Tel n'est pas le cas en l'espèce. C'est la volonté de créer un magasin intégrant le know-how, l'agencement et le système de vente Prémaman qui a été l'élément moteur de Cécile Hemmen lorsqu'elle a manifesté la volonté de faire partie du réseau de magasins Prémaman. Il faut encore relever que le contrat conclu entre parties implique une collaboration beaucoup plus étroite que celle qu'entraîne la simple concession puisque c'est Prémaman qui assure seule la gestion du stock de Saperlipopette et définit ainsi la consistance de l'assortiment qui sera offert en vente dans le magasin.

L'application de la loi du 27 juillet 1961 est ainsi écartée au profit des règles du droit commun.

A qui incombe la responsabilité de la rupture notifiée le 28 décembre 2005 par Saperlipopette à Prémaman en raison de la défaillance dans la livraison des produits que celle-ci s'était engagée à fournir dans le cadre de l'exécution du contrat?

Cette question mérite une réponse nuancée.

Les parties assument l'une et l'autre la responsabilité de l'échec de l'ouverture d'un magasin Prémaman à Theux Place du Perron.

Il importe de souligner que dès 1998, Cécile Hemmen, la future gérante de Saperlipopette avait entrepris à Theux, mais à un autre endroit, un commerce d'articles de puériculture et de vêtements. Cette activité commerciale n'a jamais été rentable, raison pour laquelle Cécile Hemmen a voulu intégrer le réseau de franchises de Prémaman (voir lettre M. Fettweis du 8 mai 2005).

Malgré ses efforts et d'importants investissements (300.000 EUR), le commerce exercé pourtant dans des locaux plus spacieux et à un endroit plus favorable n'atteindra pas le seuil de rentabilité que les parties avaient fixé à 20.000 EUR TTC par mois.

L'appelante peut être crue lorsqu'elle affirme qu'il fut convenu le 1er juin 2005 de revoir la situation au terme d'une période de six mois et qu'à ce moment, si la situation ne s'améliorait pas, la fermeture du point de vente serait envisagée.

Les raisons de cet échec sont diverses. Elles peuvent être liées à un problème d'implantation et à la proximité d'un autre magasin Prémaman à Verviers mais également à l'engagement injustifié économiquement d'une vendeuse à mi-temps.

En toute hypothèse, la mise en oeuvre vers les mois de mars et avril 2005 d'un nouveau logiciel informatique de gestion des livraisons ne peut à elle seule expliquer la persistance d'un chiffre d'affaires insuffisant après le 1er juin 2003. Il importe de rappeler à cet égard que, dès avant la mise en service de ce nouveau programme, le chiffre d'affaires projeté n'était pas atteint. Bien sûr, il y eût des travaux réalisés sur la Place du Perron à Theux et dans les environs à partir du mois d'avril 2004 mais il faut bien constater que dès avant ceux-ci, et après l'ouverture du nouveau magasin le 1er décembre 2003, le chiffre d'affaires TTC réalisé était tout à fait insuffisant puisqu'il est de 13.432,13 EUR en décembre 2003, de 16.321,73 EUR en janvier 2004, 9.872,71 EUR en février 2004 et de 16.217,69 EUR en mars 2004 (dossier P, pièce 31).

Même s'il ne peut être reproché à Prémaman de n'avoir pas assuré le stock minimum de marchandises de 37.184,02 EUR prévu par le contrat, il ne peut être contesté qu'il y eut de sérieuses défaillances dans le système de distribution des marchandises en 2005, défaillances qui sont la conséquence des difficultés de mise en oeuvre du logiciel Movex. Ces défaillances dont Saperlipopette n'a pas été la seule victime ont été reconnues par Prémaman (lettre recommandée du 21 octobre 2005). Elle en supporte la responsabilité.

Saperlipopette assume toutefois également une part de responsabilité importante dans les problèmes d'approvisionnement dont a souffert son magasin. Comme tous les autres points de vente, Saperlipopette a bénéficié d'un encours qui correspond au montant des recettes réalisés durant une semaine, ce qui devait lui permettre de bénéficier d'une certaine flexibilité dans la gestion de son fonds de commerce. Cet encours qui était à l'origine de 3.000 EUR est passé à 5.000, 7.000, 10.000 et enfin 12.000 EUR (dossier S, pièce 25bis). En décembre 2005, à la demande des époux Fettweis-Hemmen, il sera même porté temporairement à 23.000 EUR.

Il doit bien être constaté que très régulièrement, Saperlipopette est restée en dehors des limites de crédit qui lui avaient été accordées. Or, il était convenu entre parties que lorsque l'encours est dépassé, les livraisons sont automatiquement suspendues sans aucun avertissement et ne reprennent leur cours normal que dans la semaine qui suit la régularisation. Cette sanction, Saperlipopette ne peut prétendre qu'elle l'ignorait puisque le 8 mai 2005, elle écrivait, sous la plume de M. Fettweis, pour demander spontanément qu'elle ne soit pas appliquée malgré ses retards de paiement.

Saperlipopette ne peut donc se retrancher derrière le fait que Prémaman ne lui a pas écrit, chaque fois qu'elle dépassait l'encours qui lui avait été accordé, pour lui annoncer qu'une partie des marchandises commandées ne lui serait pas livrée.

C'est ainsi qu'on est arrivé dans une impasse à la fin de l'année 2005. Prémaman ne s'est pas opposée aux démarches entreprises par Cécile Hemmen en vue de céder son commerce puisqu'elle a même affiché sur son propre site Internet que le magasin de Theux était à remettre. Il se comprend toutefois aisément que dans ces conditions d'approvisionnement irrégulier du point de vente, le candidat repreneur qui tenait la corde à ce moment se soit découragé, ce qui a incité la gérante de Saperlipopette à “arrêter les frais” ainsi qu'elle l'avait annoncé dès le 2 octobre 2005 dans un envoi recommandé intitulé “demande d'autorisation de remise du magasin 212 - préavis officiel de fin de contrat”.

Les responsabilités de l'échec commercial et de la fermeture définitive du point de vente intervenue fin décembre 2005 sont donc partagées. Elles justifient ainsi que les premiers juges l'ont décidé à bon droit, que les prétentions respectives des parties soient rejetées, à l'exception de l'établissement du décompte final après inventaire de sortie.

(…)